dimanche 29 janvier 2012

GUETTEE. DE LA PAPAUTE. XI.

GUETTEE XI.

LE SACRE-COEUR,
HERESIE SUR L'INCARNATION.



(p.248).
Nous ne pensons pas que l'on puisse raisonnablement contester ce que nous avons établi touchant l'hérésie de la papauté relative à la Sainte Trinité. Les théories prétendues philosophiques à l'aide desquelles on a essayé de justifier l'addition du filioque au symbole ne supportent pas l'examen. On comprend même à peine que l'on ait tenté ce gebre de preuves dans une Eglise qui enseigne que la Trinité est un mystère incompréhensible, & que la preuve traditionnelle est seule admissible lorsqu'il s'agit de constater l'existence d'un dogme révélé.
Nous ne perdons pas de temps à discuter des théories se rapportant à un dogme incompréhensible. Nous avons employé la seule méthode raisonnable en exposant, sous tous les rapports, & dans tous ses détails, la Tradition constante de l'Eglise Chrétienne Orthodoxe.
LE DOGME PAPAL étant contraire à cette Tradition EST UNE HERESIE.
Du premier dogme fondamental du Christianisme, nous passons au second, c'est-à-dire au mystère de l'Incarnation. LA PAPAUTE A IMPOSé aux églises occidentales PLUSIEURS HERESIES destructives de ce dogme.
Exposons d'abord en quoi il consiste.
Toutes les Eglises Chrétiennes ont professé & professent que le Verbe, deuxième personne de la Trinité, s'est fait homme; qu'il a pris un corps humain & une âme humaine; qu'il est apparu dans le monde sous le nom de Jésus, & avec la qualification de Christ, c'est-à-dire d'Oint du Seigneur.
Il y a donc en Jésus-Christ deux natures, la divine & l'humaine. Cependant, il n'y a qu'un Jésus-Christ, c'est-à-dire une seule personne en lui; cette personne est celle du Verbe, de sorte que Jésus-Christ, Dieu-Homme, est appelé à juste titre Fils de Dieu.
De ce qu'en Jésus-Christ il n'y a qu'une seule personne, & que cette personne est divine, il doit être adoré, c'est-à-dire qu'on lui doit le culte de latrie qui ne peut s'adresser qu'à Dieu.
Nestorius a contredit cet enseignement Chrétien. Il n'osa pas, comme les anciens Gnostiques, dire ouvertement qu'il y avait en Jésus-Christ deux personnes, mais il attribua à chacune des deux natures un état tellement distinct que l'on pouvait bien en conclure qu'il considérait chaque nature comme une personnalité. Il allait jusqu'à séparer tellement la nature humaine de la nature divine qu'il prétendait que la divinité devait être adorée séparément de l'humanité.
Si, dans la Personne unique de Jésus-Christ, on pouvait séparer l'humanité de la Divinité, il est bien évident que cette humanité ne mériterait pas le culte de latrie qui n'est dû qu'à Dieu;
(p.249.)
car, séparée de la Divinité, l'humanité est créature & n'est pas Dieu. C'est à cette conséquence que tendait Nestorius, qui voulait faire de l'homme en Jésus-Christ, une personne humaine, distincte de la Personne Divine.
Pour répondre à son hérésie, l'Eglise devait proclamer qu'une seule adoration s'adressait à Jésus-Christ, parce qu'il n'y a en lui qu'une personne qui est celle du Fils de Dieu. C'est ce que décida le concile oecuménique d'Ephèse.
Les cinquième & sixième Conciles Oecuméniques proclamèrent la même Vérité, conformément à l'Enseignement de l'Eglise Orthodoxe Originelle, dont Saint Athanase d'Alexandrie était l'organe, lorsqu'il disait: «  Nous n'adorons pas une chose créée, mais le Maître des choses créées, le Verbe de Dieu fait chair, quoique la chair elle-même considérée séparément, fasse partie des choses créées, cependant elle est devenue le corps de Dieu; nous n'adorons pas ce corps, après l'avoir séparé du Verbe; de même, nous ne séparons pas le Verbe du corps lorsque nous voulons l'adorer; mais sachant que le Verbe s'est fait cahir, nous reconnaissons comme Dieu le Verbe existant dans la chair. » ( S. Ath. Epist. Ad Adelph., § 3.) Tel est le dogme défini depuis par les Conciles Oecuméniques, & admis par toutes les Eglises, y compris celle de Rome.
Il n'est pas nécessaire de nous étendre davantage sur la constatation d'un point de foi qui n'est pas contesté. Pour prouver que LA PAPAUTE a été HERETIQUE sur ce point, nous devons seulement démontrer que, à côté de l'enseignement commun, elle en a ajouté un particulier, qui détruit radicalement le dogme de l'unité de personne en Jésus-Christ, qu'elle n'adore pas Jésus-Christ d'une seule adoration se rapportant à sa personne Divine; qu'elle adresse un culte spécial à Son humanité, & même à des parties de Son corps, spécialement au coeur, & qu'elle adresse à ce coeur, abstraction faite d ela personne Divine un culte de latrie.
Si nous prouvons ce fait, on devra en conclure que la papauté a enseigné & imposé aux églises occidentales une hérésie plus déplorable encore que le Nestorianisme.
Quelques mots sur l'origine du culte du Sacré-Coeur sont nécessaires pour l'intelligence de ce que nous allons dire.
Le premier théologien qui l'ait enseigné est un jésuite nommé La Colombière, Mort en 1682. Il était confesseur d'une religieuse de la congrégation dite de la Visitation, & nommée Marie Alacoque. Le père La Colombière prêta à sa pénitente une foule de révélations, qui passèrent, de ses papiers, dans plusieurs publications faites par les jésuites, & dans la vie de Marie Alacoque, publiée par Languet évêque de Soissons, évêque jésuite s'il en fut jamais.
Lorsque Languet publia cet ouvrage, il y eut un tel scandale que, de concert avec le curé de Saint-Sulpice de Paris, son frère, il se hâta de faire disparaître les exemplaires. Quelques-uns cependant avaient été vendus, & il en parut une traduction italienne. Le pape Clément XIV la condamna aussitôt en 1772.
(p.250.)
Marie Alacoque, religieuse de Pary-le-Monial, au diocèse d'Autun, était Morte dès 1690.
Par ces dates, on voit que le culte du Sacré-Coeur ne remonte pas à une très haute antiquité; à la fin du dix-huitième siècle, la papauté ne lui était pas encore favorable.
Mais les jésuites se mirent si bien à l'oeuvre depuis cette époque, que le culte qui avait été leur prédilection fit de rapides progrès. Leur but évident était d'établir le Nestorianisme. Deux de leurs pères, Hardoin & Berrayer, avaient enseigné cette hérésie. Tandis que les évêques, unis au pape, condamnaient les ouvrages de ce dernier écrivain, les bons pères en faisaient publier secrètement une seconde édition; -( cf P. Wladimir Guettée, Histoire de l'Eglise de France, pour les preuves)- Ne pouvant braver ostensiblement l'autorité ecclésiastique par un enseignement théologique évidemment hérétique, ils eurent recours à la dévotion, pour insinuer leur erreur sous une pieuse apparence, &, par leurs récits surnaturels, ils lui donnèrent comme une consécration divine. Berruyer fut abandonné; le père La Colombière & sa Marie Alacoque conduisirent plus sûrement au même but.
Marie Alacoque prétendait que la dévotion au Sacré-Coeur avait été révélée. Un jour qu'elle était en prière devant le saint sacrement, Jésus lui dit, en lui montrant son coeur, qu'Il exigeait d'elle que, le vendredi après la Fête-Dieu, fût consacré au culte de son coeur, en récompense des témoignages d'Amour qu'Il avait donnés aux hommes; adresse-toi, continua-t-il, à mon serviteur le père La Colombière, jésuite; dis-lui de ma part de travailler autant qu'il lui sera possible à établir cette dévotion, afin de donner ce plaisir à mon coeur. Marie Alacoque communiqua au p. La Colombière la mission divine qu'elle avait reçue, & ajouta : jésus-Christ espère beaucoup de votre Compagnie de jésuites.
La Compagnie des jésuites, après s'être ainsi délégué de la part de Jésus-Christ, la mission d'établir la dévotion du Sacré-Coeur, y travailla par tous ses moyens ordinaires.
D'abord, les révélations se multiplièrent, si nous en croyons le p. La Colombière & l'historien Languet. Marie Alacoque, d'après eux, passait des nuits presque enyières en colloques amoureux avec son bien-aimé Jésus. Un jour, Il lui permit d'appuyer sa tête sur Sa poitrine, & lui demanda son coeur. Elle y consentit; alors Jésus le prit, le mit dans le Sien, puis le lui rendit. Dès lors, elle sentit une douleur continuelle au côté par où son coeur était sorti & rentré. Jésus lui conseilla de se faire saigner quand la douleur serait trop forte.
Marie Alacoque donna son coeur à Jésus par un acte en bonne forme qu'elle signa de son sang en cette manière: «  Soeur Marguerite Marie, disciple du divin Amour de l'adorable Jésus. » En retour de cet acte, Jésus lui en fit un autre, par lequel Il la constitua héritière de Son coeur pour le temps de l'éternité: « N'en sois pas chiche, lui dit-il, je te permets d'en disposer à ton gré, tu seras le jouet d emon bon plaisir. » A ces mots, Marie Alacoque prit un canif, & traça sur sa poitrine le nom de Jésus en caractères grands & profonds.
(p.251.)
Un jour, la Sainte Vierge lui apparut, tenant dans ses bras Jésus enfant. Elle lui permit de le caresser & de le tenir entre ses bras. Marie Alacoque lui dit, entre autres choses intéressantes, qu'elle voulait être en prison dans son coeur jusqu'à ce qu'elle eût payé toutes ses dettes.
Languet s'étend fort longuement sur la promesse de mariage intervenue entre Jésus & Marie Alacoque, sur les fiançailles & les épousailles. Le respect pour nos lecteurs nous interdit de citer les expressions dont s'est servi l'évêque jésuite.
Les soeurs de Marie Alacoque n'avaient pas, à ce qu'il paraît, autant de freveur qu'on l'eût désiré. Mais la dévotion au Sacré-Coeur suppléait au reste; aussi, devant cette dévotion, le Diable fut-il forcé de déguerpir du couvent, non sans renverser les rideuax & les tringles de la grille du choeur. Il devait au moins commettre une espièglerie, en quittant les lieux.
Le grave historien Longuet raconte ces belles choses sans rire. Il nous apprend que le premier vendredi de chaque mois, les douleurs de côté de sn héroïne étant fort vives, elle se faisait saigner, comme Jésus le lui avait conseillé. Seulement, il n'a pas réfléchi que les saignées ayant été pratiquées chaque mois, depuis l'apparition en 1674, jusqu'à la Mort de Marie Alacoque en 1690, il s'ensuivrait qu'elle aurait été saignée cent quatre-vingt douze fois en l'honneur du Scaré-Coeur. Si elle n'a pas succombé à un tel traitement, c'est encore par miracle sans doute.
Les jésuites, en donnant une origine céleste à la dévotion au Sacré-Coeur, profitaient de la circonstance pour recommander leurs autres doctrines de prédilection. Autant les bons pères sont rigoureux pour ceux qui n'aiment pas leur Compagnie, autant ils sont débonnaires pour les autres. Si les vertus des premiers ne leur servent point pour le salut, les péchés des seconds ne peuvent leur nuire dès qu'ils ont aimé la pieuse Société. Aussi, Marie Alacoque vit-elle un jour le purgatoire, & fut-elle très heureuse d'y apercevoir une foule d'âmes qui n'avaient sur elles que cette étiquette: Elle n'a pas haï le Seigneur ( lisez: la Compagnie de Jésus). S'il suffit de ne pas haïr le Seigneur pour être sauvé, en passant par le purgatoire, il est bien évident qu'il n'y aura de damnés que ceux qui auront haï la sainte Compagnie.
L'Immaculée-Conception devait nécessairement être recommandée par le Sacré-Coeur. Marie Alacoque la faisait entrer dans l'esprit au moyen de petits billets que l'on devait avaler en guise de pilules. Elle écrivait donc à son frère qui était prêtre : «  Nous avons promis que vous prendriez les billets que je vous envoie, un chaque jour, à jeun, & que vous diriez ou que vous feriez dire neuf messes, durant neuf samedis, en l'honneur de l'Immaculée-Conception, & autant de messes d ela Passion, pendant neuf vendredis, en l'honneur du Sacré-Coeur. Je crois que nul ne périra de ceux qui lui seront particulièrement consacrés. »
On sait que les jésuites sont très prodigues du salut pour tous ceux qui consentent à suivre aveuglément leurs ordonnances. Le sang rédempteur n'est plus pour rien dans le salut de l'homme, dès qu'une invocation au Sacré-Coeur & à l'Immaculée-Conception vous rendent certain du salut.
Nous reviendrons sur ce sujet à propos des hérésies de l'église catholique romaine, contraires à la doctrine universelle sur la rédemption.
Nous pourrions citer une foule de miracles très singuliers racontés par les « cordicoles » - cultivateurs du coeur-, pour établir l'origine divine de leur culte de prédilection; -(N.d.a : Il faut lire Languet, dans sa Vie de Marie Alacoque, & le Culte de l'amour divin ou la Dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, par Fumel, évêque de Lodève. Depuis ces deux ouvrages, on en a publié par centaines plus ridicules & plus hérétiques les uns que les autres.)-Mais il serait inutile de chercher à prouver que l'hérésie nestorienne, cachée sous la dévotion au Sacré-Coeur, est donnée comme une révélation divine; personne ne le conteste dans l'église catholique romaine, surtout aujourd'hui que, par la faveur de Pie IX, marie Alacoque est placée au nombre des saintes.
Pour établir que le coeur charnel de Jésus est réellement l'objet du culte, il suffit de jeter un coup d'oeil sur le premier livre venu relatif à cette dévotion. On s'adresse à lui comme à un être distinct dans toutes les litanies & prières qui lui sont adressées. On y lit, par exemple : «  Coeur de Jésus, riche envers ceux qui vous invoquent! Coeur de Jésus, propitiation pour nos péchés, etc, etc., intercédez pour nous! » On l'invoque dans le Ciel, dans l'eucharistie, partout où l'on place Jésus-Christ; il a ses prières spéciales; on en fait un objet séparé que l'on offre au Père, au Fils, & au Saint-Esprit; on parle de ses palpitations, de sa dilatation; on affirme qu'il a été formé du sang de David; qu'il est tissu de fibres d'une exquise sensibilité; que son mouvement est doux, etc., etc. -( cf: Recueil de différents exercices de piété en l'honneur du très saint Coeur de Jésus; la Dévotion au Sacré-Coeur, etc.,etc.)-
Un jésuite, le p. Galifet, a cherchééééé à excuser le culte rendu au Sacré-Coeur par celui que l'église catholique romaine rend à la chair de Jésus-Christ dans la fête du Saint-Sacrement, appelée vulgairement Fête-Dieu. Il est certain que cette fête est appelée dans les livres liturgiques romains : Festum Corporis, la Fête du Corps. Sur cela, le père Galifet raisonne ainsi: «  Le seul & propre objet de la Fête-Dieu est la chair de Jésus-Christ: d'où l'on doit conclure qu'on n'a pas précisément institué cette fête pour honorer la personne de Jésus-Christ, mais pour honorer sa chair, son corps, son sang, puisque ni l'âme, ni la divinité, ni la personne ne sont l'objet formel de cette fête. L'objet direct & immédiat est la chair très sainte de Jésus-Christ dans le sacrement. » -(cf: Dévotion au Sacré-Coeur, liv. II. c.2.)-
Le P. Galifet raisonne bien. En effet, si l'église catholique romaine a établi la fête du corps de Jésus-Christ, sans relation à la personne Divine, elle a pu établir celle du Sacré-Coeur. Seulement, du raisonnement du p. Galifet, résultent deux preuves au lieu d'une à l'appui du nestorianisme de l'église catholique romaine.
On ne se fit point illusion à Rome sur le CARACTERE HERETIQUE DE LA DEVOTION AU SACRE-COEUR. Aussi, lorsque les jésuites sollicitèrent l'établissement d'une fête du Sacré-Coeur, leur demande fut-elle rejetée par la Congrégation des Rites. Après cet échec, éprouvé en 1797, ils attendirent trente ans pour adresser une nouvelle requête; mais ils profitèrent largement de ce délai pour répandre la dévotion nouvelle dans LE PEUPLE IGNORANT & dévot. Les images, les médailles, les petits livrets, les miracles, les prophéties, les prédications, les exhortations au confessionnal, les congrégations, tous ces moyens par lesquels les jésuites préparent les doctrines qu'ils veulent faire définir, furent employés.
(p.253.)
Le terrain étant ainsi préparé, deux requêtes sont adressées coup sur coup pour l'établissement de la fête, en 1727 & en 1729.
La Congrégation des Rites avait alors pour promoteur de la foi Prosper Lamberini qui fut depuis le pape Benoît XIV. Il était instruit & peu jésuite. Il fit rejeter les requêtes. C'est lui qui a conservé les détails de cette affaire dans son ouvrage intitulé: De la Canonisation des Saints. Si l'on demande, dit-il, une fête pour le Sacré-Coeur de Jésus, pourquoi n'en pas demander pour le sacré côté, les sacrés yeux, & même pour le coeur de la Sainte Vierge?
Cette dernière est aujourd'hui en usage dans l'église catholique romaine. Benoît XIV ne se doutait pas que ce qu'il trouvait ridicule serait institué de la part de Dieu.
L'échec des jésuites ne les découragea pas. Les miracles se multiplièrent; on avait fait surtout grand bruit de la peste de Marseille. Cette ville avait, en 1722, pour évêque un ancien jésuite nommé Belzunce, lequel n'avait quitté la Société des jésuites, comme tant d'autres, que pour mieux la servir dans l'épiscopat. -( N.d.a : On sait que les jésuites sont doués d'un si admirable désintéressement que, en restant jésuites, ils ne peuvent être évêques: seulement il y a plusieurs manières d'être jésuite, & avec le Ciel & le désintéressement, il y a des accommodements.)- On lui avait inspiré l'idée de dédier sa ville épiscopale au Sacré-Coeur, pour arrêter le fléau. Il fait cette consécration avec une mise en scène très émouvante. Quel en fut le résultat? Rome ne se laissa point toucher; le jésuite Galifet & Languet, contemporains du fait, dirent timidement que le fléau avait commencé à diminuer, à dater du jour de la consécration. Mais il fallait quelque chose de plus positif; c'est pourquoi Drouas, évêque de Toul, élève de Languet, assura, en 1763, que la contagion avait cessé le jour même de la consécration. En 1823, M. de Quélen, archevêque de Paris, affirmait que la contagion avait cessé subitement.
Aujourd'hui tout le monde, dans l'église catholique romaine, accepte ce miracle subit. Ce fait, très bien exploité, servit beaucoup à la propagation de la dévotion nouvelle, & prépara l'institution de la fête.
Deux papes, amis des jésuites, Clément XI & Clément XIII, firent les premières concessions. Ce dernier se fit adresser des lettres par quelques évêques polonais; il supposa en avoir reçu une de Philippe V, roi d'Espagne, lequel, en étant averti, fit déclarer que cette prétendue lettre était apocryphe. Les jésuites, le pape, & son ministre Torrégiani, étaient dans ce complot ténébreux. Cependant, Clément XIII n'osa pas établir une fête en l'honneur du coeur matériel de Jésus-Christ; il autorisa seulement, en 1765, une fête en l'honneur du coeur symbolique, c'est-à-dire de l'amour du Sauveur pour les hommes. Ceoendant, son décret fut interprété dans le sens du culte rendu au coeur matériel par Fumel, évêque de Lodève. Rome intervint par l'organe du canoniste Blasi, qui publia, en 1771, une dissertation dans le but d'établir que le culte du coeur matériel n'était pas autorisé. Depuis, le pape Pie VI fit une déclaration analogue.
(p.254.)
Ceci prouve évidemment que Rome ne se faisait point illusion sur la nature du nouveau culte & sur l'hérésie qu'il couvrait; afin d'y échapper, les cordicoles imaginèrent de dire qu'ils adoraient le coeur en ce sens qu'il était uni hypostatiquement à la divinité, & ils ne s'apercevaient pas qu'ils s'exprimaient comme Nestorius, lequel adorait ce qui paraissait, à cause d ece qui était caché/ En effet, le coeur matériel était toujours à leurs yeux l'objet direct du culte nouveau. Ils n'osaien pas dire avec le jésuite Berruyer: «  Jesu Christi humanitas est in se directe et in recto adoranda et cultu latriae prosequenda »; mais ils n'en faisaient pas moins du coeur matériel personnifié l'objet direct de leur culte; c'est à lui qu'ils adressent leurs prières. Du reste, en remontant à l'origine de la dévotion, il est évident que le coeur matériel est l'objet exclusif du culte. Le p. Galifet l'affirme de cette manière: «  Il s'agit du coeur de Jésus-Christ dans sa signification propre & naturelle & nullement métaphorique. Jésus-Christ parle de son coeur réellement pris ( dans les révélations de Marie Alacoque); cela est manifeste par l'action qu'Il fait de découvrir son coeur & de le montrer; Il parle de ce coeur qu'Il découvre & qu'Il montre; c'est ce coeur qu'Il veut qu'on honore, & dont Il veut qu'on fasse la fête. On ne peut prendre dans un autre sens le mot de coeur répété plusieurs fois dans cette révélation, sans faire manifestement violence aux paroles & aux actions de Jésus-Christ. D'ailleurs, il est manifeste, dans la vie de la vénérable mère Marguerite ( Marie Alacoque) que, dans tous les endroits où elle parle de cette dévotion, elle a toujours pris le coeur de Jésus dans le sens naturel. Voilà donc l'objet sensible de la dévotion que Jésus-Christ veut établir. » -( in De l'excellence de la dévotion au Coeur adorable de Jésus-Christ)-.
La doctrine du p. Galifet, qui était celle de tous les cordicoles, l'emporta sur les réticences de Rome.
La plupart des évêques, à la fin du XVIII° siècle, firent des mandements pour établir dans leurs diocèses le culte du Sacré-Coeur, & indiquèrent le coeur matériel comme objet du culte; ils composèrent des offices qui furent insérés dans les Bréviaires & les Missels de leurs diocèses; ils laissèrent répandrent des livrets, des prières, des exercices de piété, où le coeur matériel était donné le plus explicitement possible comme objet d'adoration.
Après la révolution française, la dévotion au Sacré-Coeur devint le point de ralliement de tous ceux qui se déclaraient pour le trône et l'autel; de vastes associations s'établirent, semi-politiques, semi-religieuses; le culte du Sacré-Coeur avquit ainsi une nouvelle importance, & à mesure qu'il s'étendait, il s'accentuait, avec moins de ménagement, dans le sens nestorien. Les papes entrèrent dans la même voie. LES INDULGENCES FURENT PRODIGUEES AU NOUVEAU CULTE; on prétendit que la nouvelle dévotion était destinée à vaincre l'impiété, comme si ceux qui refusaient d'être disciples de Jésus-Christ allaient devenir ceux de Marie Alacoque.
De nos jours, Marie Alacoque a été mise dans le catalogue des saints par Pie IX. Cette béatification est l'approbation directe de ses révélations & de sa doctrine. Or, comme il est impossible d'élever le plus léger doute sur ce que Marie Alacoque entendait par le coeur de Jésus-Christ, Rome a abandonné les distinctions théologiques de Clément XIII & de Pie VI, pour proclamer le coeur matériel de Jésus-Christ digne d'adoration, sans aucune relation à la personne divine, conformément à la doctrine de Marie Alacoque, expliquée par La Colombière, galifet, les deux Languet de Sens & de Saint-Sulpice de Paris, Fumel, & cent autres docteurs cordicoles.
(p.255.)
Aussi cette doctrine ne fait-elle plus doute aujourd'hui. Nous pourrions citer plusieurs ouvrages autorisés qui le prouvent jusqu'à l'évidence. Nous préférons donner la parole à un évêque qui, il y a quelques jours s'exprimait ainsi dans un mandement publié pour vouer son diocèse au Sacré-Coeur: -( Mandement de l'évêque du Mans, en date du 16 mai 1872)-:
«  Dans quelques jours, l'église, après avoir entouré des hommages de sa foi & de son amour le corps du Sauveur toujours vivant pour nous dans la sainte eucharistie, adressera des adorations spéciales au coeur sacré de Jésus, à ce jour toujours palpitant pour nous de tendresse & d'amour...
« Pour répondre à notre double nature, cette dévotion, comme toutes les autres, a un double objet, l'un matériel & sensible, l'autre spirituel. C'est d'abord le coeur matériel même de Jésus, à cause de son union avec la divinité. L'humanité tout entière de notre divin Sauveur est, en effet, l'objet de notre adoration...
«  Comment donc le coeur de Jésus ne serait-il pas l'objet d'un culte spécial? Non seulement il est uni à la divinité, mais n'est-il pas ce qu'il y a de plus excellent dans la création? N'est-il pas la partie la plus noble de la sainte humanité du Verbe fait chair? N'est-ce pas la source de sa vie physique? N'est-ce pas de ce coeur que sont sorties toutes les gouttes du sang répandu sur la croix, & qu'il nous est donné de recueillir dans le calice eucharistique? Ce coeur enfin, percé sur la croix par la lance du soldat, ne nous présente-t-il pas une des palies les plus touchantes de notre doux Sauveur?...
«  Si le coeur matériel de Jésus-Christ est déjà digne de tous nos hommages, que sera-ce si, en nous conformant au langage universel, nous considérons ce coeur comme le siège, comme l'emblème & le symbole de l'amour infini du Verbe éternel, de l'amour du Dieu fait homme pour nous? »
L'évêque qui a prononcé de telles paroles s'étend en vain sur l'union de l'humanité avec le Verbe & sur le coeur symbolique; il n'en a pas moins affirmé : que l'humanité de Jésus-Christ en elle-même est adorable; que le corps est adorable; que le coeur est adorable; qu'ils ne sont pas adorés d'une seule & même adoration s'adressant à la personne divine.
Il est vrai que l'évêque du Mans n'enseigne pas une doctrine qui lui soit personnelle; sa doctrine est celle de son église, comme il a soin de le déclarer.
Or, CETTE DOCTRINE EST HERETIQUE, & a été condamnée par les deux Conciles Oecuméniques d'Ephèse & de Constantinople.
Le premier de ces Conciles approuva le huitième anathème de Saint Cyrille, dans lequel on condamnait celui qui n'adorait pas l'Emmanuel ou la personne divine de Jésus-Christ par une seule adoration.
(p256.)
Le deuxième Concile Oecuménique de Constantinople s'exprime ainsi: «  Si quelqu'un soutient que Jésus-Christ doit être adoré dans chacune de Ses natures, de manière qu'il introduise deux adorations, l'une de Dieu, l'autre de l'homme en jésus-Christ, au lieu d'adorer par une seule & unique adoration, le Verbe incarné & la nature humaine qu'Il s'est rendue propre & sienne, ainsi que l'Eglise, par une Tradition constante, l'a toujours cru & observé, qu'il soit anathème. »
Les cordicoles cherchent à échapper à cette condamnation, en prétendant que leur adoration ne s'adresse au coeur qu'à cause de l'union hypostatique de l'humanité avec la divinité. Nestorius avait recours au même subterfuge, comme le lui reprochait Théodote d'Ancyre en plein Concile d'Ephèse, mais ce subterfuge n'empêcha pas les Pères de condamner ses erreurs, car il n'y avait recours que pour dissimuler la division qu'il établissait dans la personne unique du Verbe incarné.
L'église catholique romaine divise non seulement la personne unique du Verbe, pour rendre à chacune des deux natures une adoration, mais elle divise même la nature humaine, pour adorer séparément le coeur matériel de Jésus-Christ; elle va donc encore PLUS LOIN QUE NESTORIUS lui-même, & SON HERESIE EST PLUS MONSTRUEUSE encore.

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