lundi 22 août 2022

Saint Syméon le Métaphraste, Saint Spyridon le Thaumaturge

 



SAINT SYMEON LE METAPHRASTE







SAINT SPYRIDON

le Thaumaturge





Edité par le Monastère du Pantocrator

Aghios Athanasios, Corfou, Grèce





Traduit du grec par

Soeur Svetlana Marchal



1ère édition (1992)

3ème édition ( 1998)



Pour la traduction française et toute autre traduction :

c 2000 by Monastère du Pantocrator

Aghios Athanasios

49083 CORFOU, Grèce

Tél : 30 26630 71208

Fax : 30 26630 72571

E-mail : impaak@OTENET;GR



1ère édition, 2000

2ème édition, 2008



ISBN : 978-960-86309-4-9





Introduction



Le saint hiérarque présenté dans cet ouvrage est une figure attachante, sympathique et peu traditionnelle pour un évêque. Simple berger de l'île de Chypre, de moeurs rustiques et peu cultivé, célèbre pour son amour des pauvres et son hospitalité, le futur saint Spyridon garda le même humble mode de vie après son élévation au siège épiscopal de la ville de Trimythonte : il portait, en effet, les mêmes vêtements pauvres, pratiquait l'aumône, accueillait avec empressement les malheureux, les indigents et les pèlerins, se déplaçait toujours à pied, travaillait dans les champs et continuait de garder son troupeau.



Pour sa douceur, sa charité, sa délicatesse et sa profonde humilité, Dieu lui accorda les charismes de clairvoyance et de prophétie ainsi que la grâce d'accomplir de nombreux miracles : il guérissait les malades, rendait la vue aux aveugles, délivrait les possédés, changeait un serpent en or pour venir en aide à un pauvre accablé de dettes, etc... Peu instruit selon la sagesse du monde, il reçut en héritage la Sagesse d'En-Haut, "sagesse cachée aux sages et aux savants, mais révélée aux tout--petits" (cf. Mt 11, 25), et, par la Grâce de Dieu qui habitait en lui, il fut jugé dine d'accomplir des prodiges éclatants, à l'égal des grands Prphètes de l'Ancien Testament. Tel un nouvel Elie (cf. 1R17, 1-18, 46), il ouvrait le Ciel par sa prière, pour faire venir la pluie, ou retenait, au contraire, les nuages menaçants pour permettre à un pieux Chrétien d'accomplir son voyage sans incident. En route pour délivrer un innocent injustement emprisonné et condamné à mort, il arrêta, tel un nouveau Josué ( cf. Js3, 15-17), le cours impétueux d'un torrent qui avait débordé et lui barrait le passage, et traversa ainsi que son escorte à pied sec. Tel un nouveau prophète Elisée (cf. 2 R4, 18-30), il ressuscita l'enfant d'une femme étrangère, qui, à l'exemple de la Sunamite, l'avait déposé avec foi à ses pieds.

Plein d'amour et de compassion pour son prochain, Saint Spyridon savait allier bonté et sévérité, humour et rigueur pour éduquer les pécheurs et les conduire tout doucement au repentir. AInsi, il n'héista pas à "condamner au silence" un diacre qui tirait orgueil de sa belle voix. De même, il cloua sur place par sa prière des voleurs venus piller ses bergeries, et les laissa patienter jusqu'au petit matin, où après les avoir déliés et exhortés à gagner honnêtement leur vie, il leur fit cadeau d'un bélier, en ajoutant avec grâce et humour : " Ceci, afin que vous n'ayez pas veillé pour rien!".



Défenseur de la Foi Orthodoxe au Concile de Nicée (325), champion de l'homoousios aux côtés du célèbre Athanase, saint Spyridon continua de défendre la pureté de l'Orthodoxie après sa mort et intervint avec puissance en 1716 pour libérer l'île de Corfou du joug turc.

Son saint corps, conservé complètement intact et incorrompu au fil des siècles, fut une source inépuisable de guérisons pour les fidèles de Chypre jusqu'au VIIème siècle, où, sous la menace d'une invasion arabe, il fut transféré à Constantinople, puis transporté clandestinement à Corfou en 1456.

Quelque temps avant sa mort, Saint Spyridon avait prédit : " Dieu entourera ma mémoire d'une grande gloire, et l'anniversaire de mon départ de cette terre et de ma naissance au Ciel sera jour de fête pour beaucoup!" En effet, la châsse contenant les saintes reliques du corps intact du Saint est portée solennellement en procession dans la ville plusieurs jours par an, et il est assez bouleversant de constater la vénération et l'amour que le peuple porte au "Saint", comme on l'appelle couramment à Corfou. Protecteur de la ville, par excellence, Saint Spyridon continue aussi d'accomplir des prodiges éclatants en faveur de tous ceux qui sur terre ou sur mer l'invoquent avec foi et piété, si bien que non seulement les Orthodoxes, mais encore les catholiques témoignent de sa puissance de thaumaturge.



Il ne faudrait pas toutefois que la fascination pour le miraculeux nous fasse oublier que le témoignage et la vie de ce grand saint sont un véritable défi pour l'Orthodoxie contemporaine. Alors que le conformisme règne parfois dans l'Eglise, l'exemple de Saint Spyridon, qui ne rougissait pas de se présenter devant les empereurs en tenue de pâtre, un bâton de palmier à la main en guise de crosse, est un appel à la simplicité. A notre époque où pullulent les hérésies et les sectes, où, sous prétexte d'unité et de charité, on prône l'avènement d'une religion unique et l'on fait souvent maints compromis en matière de théologie, la rigueur de Saint Spyridon est un appel pour tous les Chrétiens Orthodoxes à la vigilance et à la pureté de la foi.



Monastère du Pantocrator

17 juillet 2000, fête de Sainte Marina.





TROPAIRE



Tu te montras le champion du Premier Concile, ô Spyridon, père sage et bienheureux. Par une seule parole miraculeuse, tu arrêtas le cours des fleuves, interpellas une morte gisant dans la tombe et transformas un serpent en or. Lorsque tu chantais des saintes prières, les Anges concélébraient avec toi, ô très saint. Gloire à Celui qui t'a donné la puissance, gloire à Celui qui t'a couronné, gloire à Celui qui par toi opère pour tous des guérisons.



KONDAK



Blessé par l'amour du Christ, Père très saint, et ayant donné des ailes à ton intelligence grâce à la lumière du Saint-Esprit, par la pratique des commandements tu atteignis la contemplation, ô inspiré de Dieu, et, devenu un autel du Seigneur, tu demandes pour tous la divine illumination.



MEGALINAIRE



Toi qui es devenu un océan de miracles, sauve, par tes prières, de toute tempête sur mer et sur terre, ceux qui invoquent ton nom.





1ère partie.

VIE DE SAINT SPYRIDON



La vie des hommes généreux et pleins d'amour de Dieu est d'un grand profit pour l'âme et a la puissance de susciter la vertu en abondance : non seulement elle détourne de commettre le mal, mais elle transforme et rend meilleur. Car, en écoutant de tels récits, celui qui est dominé par ses passions les combat avec une ferveur plus grande et, par admiration pour son semblable, il est poussé à l'imiter. Bien d'autres, certes, ont imité le combat inlassable mené par les Saints pour acquérir la vertu et ont montré quelle force a l'imitation des hommes admirables. Plus que tous, l'admirable Spyridon manifesta un grand zèle pour imiter le Patriarche Jacob et le divin David. Comme eux, il aima la douceur et la simplicité, et, admirant l'hospitalité d'Abraham, il distribua ses biens aux pauvres. Grâce à sa douceur, il hérita, comme il est promis dans l'Evangile, non d ela terre, mais du Ciel même! Ayant méprisé les richesses terrestres pour s'intéresser uniquement aux célestes, au Christ, il fit jaillir des sources de miracles, qui sourdent en permanence et ne tarissent jamais.

Chypre fut sa patrie. Ni bavard, ni orgueilleux, il n'aimait pas la foule et le bruit. Il était humble, au contraire, ami de l'hésychia (1) et recherchait la vie simple.

(1) : Hésychia (mot grec) : terme du vocabulaire ascétique, signifiant à la fois tranquillité, calme, paix, douceur, silence, solitude, éloignement du monde.

Aussi, imitant en tout - comme nous l'avons dit - la vie du Patriarche Jacob, il devint berger de moutons. Il ne fut pourtant pas un berger malotru, rustre, et dur; mais il se révél, tout au contraire, plein de vertus. S'il évitait les foules, il était en revanche facilement abordable et communicatif avec les pauvres et les étrangers - au point d'avoir plus de grâce que personne dans sa conversation et le plus grand zèle pour l'aumône. S'il lui arrivait de manquer le passage d'un voyageur ou de le laisser héberger ailleurs que chez lui, il le regrettait beaucoup et y voyait un grand mal. Il restait, cependant, libre en esprit et étrnager à toute vile flatterie ou bassesse. Pour soulager la peine des voyageurs, lever les pieds de ceux qui étaient fatigués, dresser la table pour les hôtes ou rendremaints services avec amour et humilité, il avait l'empressement et le zèle d'un serviteur fidèle envers son maître. Car en lui s'alliaient la simplicité avec la modestie, la douceur avec le courage, l'amour impétueux et ardent avec le grâce de la chasteté. Il aimait cette vertu et l'embrassait avec zèle. Ayant épousé une femme chaste, il vécut quelque temps avec elle et eut des enfants. Puis, après la mort de son épouse, il demeura au-dessus de tout plaisir et de tout désir charnel; Pratiquant la vertu avec un zèle encore plus grand et méditant avec soin la Loi du Seigneur, il devint tout amour et miséricorde; En bref, Saint Spyridon était un divin archétype et une stèle de vertus : toutes étaient gravées en son âme, si bien que peu pourraient l'imiter. Ses vertus et ses exploits brillaient tant, ssa vie était si sainte qu'il fut gratifié de très grands dons. Je ne citerai ici que ceux qui esquissent sa gloire future et sa grandeur : il accordait la santé aux corps usés par la maladie, rendait la vue aux aveugles, menaçait les esprits malins. Et sitôt la menace lancée aux démons, la guérison était accordée aux malades : les possédés étaient libérés sur-le-champ. Par la Grâce de Dieu, il accomplit bien d'autres miracles encore. Et, de berger de moutons il devint pasteur d'hommes. Alors que Constantin le Grand était empereur de Rome, le divin Spyridon fut nommé évêque de la ville de Trimythonte. Les miracles qu'il accomplit après son élévation au trône épiscopal révéleront l'ardeur qu'il mettait dans l'exercice de la vertu. Citer en détail tout ce qui se rapporte au Saint serait énorme, fastidieux et en même temps impossible. Mais ne rien raconter serait vraiment dommage. Je me bornerai donc à rapporter ce qui présente le plus grand intérêt.

Dieu châtiait un jour l'île de Chypre en n'envoyant pas de pluie, et une terrible sécheresse y régnait; Cette sècheressse entraînait la famine, et une famine mortelle. Un grand nombre de personnes mouraient chaque jour, et d'autres risquaient à chaque instant de subir le même sort. Cette calamité nécessitait l'intervention d'un nouveau Prophète Elie ou d'un autre saint, capable d'accomplir des oeuvres semblables à celles d'Elie et d'ouvrir le Ciel par sa prière. Spyridon fut ce Saint. Comme le fléau menaçait et tourmentait le peuple, Spyridon eut grande compassion de son troupeau et, enflammé d'un amour paternel, le pasteur miséricordieux supplia le Dieu de Miséricorde, qui remplit aussitôt le cile de nuages. Le plus étrange, cependant, fut ceci : pour que l'on ne pense pas que cette pluie obéissait aux lois de la nature, Dieu chassa au loin les nuages, les retint et ne les laissa pas répandre la pluie sur l'île tant que le Saint ne Le supplia pas à nouveau. Celui-ci n'eut même pas le temps de laisser couler ses larmes qu'une abondante pluie se mit à tomber; La terre fut rassasiée d'eau, les produits du sol nourris, les récoltes commencèrent à pousser, et tous les maux cessèrent. Spyridon, j'oserai dire, se montra en cela plus miséricordieux qu'Elie, car celui-ci ouvrit le ciel après l'avoir fermé. Le Saint, lui, sans imiter le premier miracle d'Elie, se montra son égal en accomplissant le second.



Une calamité et la stérilité de la terre frappaient à nouveau l'île. En cette heure du châtiment de Dieu, les marchands de blé, avides de s'enrichir, aggravèrent la catastrophe en "thésaurisant le blé", comme dit la Sainte Ecriture. Ils emmagasinèrent donc le blé, abusant du malheur de leurs prochains pour se procurer un honteux profit. Or un pauvre vint trouver l'un de ces marchands, qui s'enrichissait de cette façon. N'ayant pas d'argent pour acheter le nécessaire à sa subsistance, il essaya d'attendrir cet homme impitoyable, en pleurant et en suppliant. Il l'implorait avec une attitude et un regard humbles, se prosternait à ses pieds et pleurait sur sa famille. Que ne fit-il pas et ne dit-il pas pour essayer de l'émouvoir! Mais comme rien n'inclinait ce coeur de pierre à la compassion, le pauvre eut recours au Saint. Il se précipité donc chez Spyridon pour lui raconter son malheur et la cruauté du riche; Au récit du pauvre, Spyridon eut pitié de lui, détesta le manque de compassion du riche et, rempli d'une divine illumination, il prophétisa : " Ne te lamente pas. Ne pleure pas. Demain, tu verras ta maison remplie de biens, et le riche, devenu pitoyable et ridicule, te donner malgré lui tout ce dont tu as besoin et te supplier même de le prendre!"

Le pauvre pensa que le Saint disait cela pour le consoler, et il s'éloigna tout attristé, vu que son ancre, c'est-à-dire l'espérance qu'il avait placée dans le Saint, s'avérait inutile et vaine. La nuit venue, cependant, Dieu, dans Sa bienveillance miséricordieuse, fit tomber une pluie si impétueuse qu'elle entraîna dans sa violence les greniers du riche. Le blé et les autres produits de la terre qui y étaient emmagasinés se déversèrent à flots au-dehors, à la disposition de ceux qui voulaient les ramasser. Au lever du jour, le misérable et pitoyable riche courait ça et là, pleurant son juste malheur et priant les passants de l'aider à ramasser ses céréales. Mais comme le peuple avait faim, les hommes accouraient en foule pour s'en emparer. Le pauvre vint, lui aussi, au comble de la surprise à la vue du miracle. Se moquant du riche à juste titre, il remplit sa maison de blé, sans avoir, comme on dit, ni semé ni labouré. Quant à ce riche cruel et sans pitié, il voyait la population affluer de partout - car il fallait que toutes les prophéties du Saint s'accomplissent - et entrer en possession de son bien.

Et même ce pauvre, qui, hier, le suppliait, jouissait maintenant de son bien. Faisant semblant de se montrer large et impétueux, et comme s'il distribuait volontairement ses biens, cet homme avare et égoïste exhortait le pauvre à prendre sans crainte tout ce qu'il voulait. Après s'être bien moqué de la stupidité du riche, le pauvre rentra chez lui en rendant grâces à Dieu tout d'abord, puis à saint Spyridon. Celui-ci savait ainsi ouvrir les cataractes du ciel - non seulement en faveur de beaucoup, mais même en faveur d'une seule personne - et prédire le moment où le miracle aurait lieu. Il savait, à la fois, faire du bien aux pauvres et corriger les riches. Même si, comme bous le verrons plus loin, cet homme cupide ne devint pas meilleur, il fut l'occasion pour de nombreux riches de se corriger.



Un autre paysan, ami du Saint, était tourmenté par la faim, et il s'adressa à ce même misérable riche, qui possédait encore maintes réserves de blé. Le paysan supposait que le malheur précédent devait l'avoir suffisamment éclairé. Malheureusement, celui-ci avait bien prdu de son blé, sans pour autant perdre en rien son avarice ni sa dureté de coeur, et il n'était pas devenu meilleur. Le pauvre avait beau promettre au riche qu'il lui rendrait, dès l'été et avec intérêt, le blé prêté, celui-ci lui répliquait : " Les insensés vivent d'espérance, comme dit le proverbe. Sans argent, tu n'obtiendras de moi ni un seul grain de blé, ni même son ombre!" Désespéré, le pauvre fit comme avait fait le premier, et à son tour, s'adressa à Saint Spyridon comme à un trésor commun. Il lui raconta son malheur et lui rapporta les paroles du riche en réponse à ses supplications. Après l'avoir consolé, le Saint le renvoya chez lui, mais il ne se borna pas à le consoler par des mots. Le lendemain, en effet, l'évêque vint en personne chez le pauvre, tenant un objet d'or qu'il transportait avec difficulté. Le Grand Spyridon mit l'objet dans les mains du pauvre en disant : " Prends cela! Donne au riche en gage son or bien-aimé, et reçois de lui tout ce dont tu as besoin!" Le pauvre se réjouit grandement et courut aussitôt chez le riche; A la vue de l'or, le riche qui, il y a peu de temps encore, était dur, inflexible et sourd à toute supplication, donna au pauvre tant de blé que celui-ci en remplit sa maison et put même en semer dans ses champs. Et sa récolte fut si abondante qu'il remboursa sa dette à son créancier, récupéra l'or qu'il lui avait laissé en gage, et le rendit au Saint avec gratitude. Mais qu'était cet or auparavant? D'où le Saint l'avait-il donc tiré? Lorsque le Saint récupéra ce qu'il avait prêté, il dit au pauvre : " Viens, mon frère, allons rendre cet or à Celui qui te l'a prêté avec charité!" Le Saint le conduisit alors dans le petit jardin qu'il possédait pour adoucir son abstinence avec quelques légumes. De bout près du mur en pierres, il éleva ses yeux vers le ciel et dit à haute voix, si bien que le pauvre, qui se tenait à ses côtés, l'entendit : " Seigneur Jésus-Christ, Toi qui par Ta seule Volonté crées et transformes toutes choses, Toi qui as jadis transformé le bâton de Moïse en serpent devant les yeux du roi d'Egypte, Toi qui as donné cette forme à l'animal que Tu as changé en or, veuille maintenant lui rendre sa forme primitive, afin que Ton serviteur voie combien Tu prends soin de nous et apprenne de ce miracle ce qu'atteste l'Ecriture : " Tout ce qu'Il a voulu, le Seigneur l'a fait" ( Ps134, 6)". Le Saint pria ainsi, et l'or se transforma aussitôt en serpent qui sifflait, rampait et s'enroulait près du mur en pierres, d'où le Saint l'avait tiré de ses propres mains et changé en or de cette façon prodigieuse. A la vue de ce miracle si extraordinaire, et dépassant la raison humaine, le paysan fut saisi de frayeur. Il tomba la face contre terre, répandit de la poussière sur sa tête et confessa dans les larmes qu'il était indigne non seulement de jouir de tels dons et d'une grâce si élevée, mais de voir le miracle ou d'en entendre parler. Mais le Saint le releva et l'affermit spirituellement et physiquement. Le serpent, quant à lui, traversa le mur et rentra dans son trou.



Un autre ami du Saint, qui était très vertueux, avait, en raison de sa vertu, provoqué la jalousie d'hommes méchants; Il fut calomnié et accusé d'avoir commis des crimes. Arrêté par le gouverneur de la province, il avait été emprisonné et condamné à mort. Alors que le jour prévu pour l'exécution de la sentence approchait, le Saint, qui le savait grâce à son charisme de clairvoyance, s'empressa d'aller délivrer son ami du malheur. Or, c'était le plein hiver, et le torrent qui coulait par là avait débordé. L'eau avait submergé les rives, et elle coulait avec impétuosité, rendant la traversée impossible. Pensant à Josué et à ce qu'il avait accompli lors du passage de l'Arche, avec une foi inébranlable que Dieu est le même aujourd'hui comme hier, le Saint s'adressa au torrent comme à un serviteur et lui dit : " Arrête-toi! Le Seigneur de toutes choses te l'ordonne! Moi, je vais paser et l'homme pour lequel je cours et ai beaucoup supplié Dieu sera sauvé!"

Sa parole fut aussitôt un frein pour le torrent qui arrêta son cours : il ouvrit un chemin non seulement pour Saint Spyridon, mais aussi pour les autres pèlerins. Et cet endroit ne fut donc plus un obstacle infranchissable. L'oeuvre secondaire fut donc aussi prodigieuse que l'oeuvre principale, et c'est même à cause de celle-ci que celle-là réussit. Car dès que les compagnons du Saint virent ce qui s'était passé, ils le devancèrent et coururent à la ville annoncer le miracle. Et le gouverneur, ébloui par le miracle et effrayé peut-être de paraître heurter un homme capable d'accomplir des choses si prodigieuses, libéra aussitôt le prisonnier et le rendit au Saint. Sain Spyridon rentra chez lui en compagnie de son ami, ayant ainsi accompli deux miracles en même temps : il avait arrêté le cours du torrent, et, aussi, avec grande charité, le cours des malheurs de l'homme.



Je pense qu'il n'existe pas de plus grand signe des charismes de prophétie et d ethaumaturgie du Saint, ou de sa compassion envers les malheureux que les miracles précédents. Mais ceux que je vais citer dans la suite les dépassent en compassion et en puissance prophétique. Je pense ici au charisme qui lui permettait de voir les péchés cachés des hommes et de les pardonner par la Grâce de Dieu et avec charité.

Le Saint gardait l'humilité en tout et se plaisait dans la simplicité, voulant par là imiter son Seigneur. Il 'utilisait jamais de cheval dans ses déplacements et ne gardait rien de particulier pour lui-même, se contentant de ce qui était d'usage commun. Un jour, les pieds fatigués après avoir fait une longue route en marchant vite, il s'arrêta pour être hébergé chez un de ses amis, une fidèle brebis de son troupeau. Celui-ci, en tant que brebis du bon pasteur, considérait la vie du Saint comme un parfait modèle. Il se comporta avec la même humilité que son maître, ou plutôt que son Seigneur et premier Maître, le Christ : il prit de l'eau et se pérpara à laver les pieds du Saint. Mais apprenant la présence du Saint, les voisins accoururent, eux aussi, avec la même attention. Ils se disputaient la bénédiction de laver les pieds du Saint.

Or, parmi eux, se trouvait une femme robuste, qui écartait les autres et insistait pour laver les pieds du Saint. Récemment, cette femme, prise aux filets du désir charnel, avait succombé au péché. Lisant à l'intérieur du coeur de la femme et connaissant toutes ses actions, le Saint détourna son doux visgae d'elle et lui dit calmement : " Ne me touche pas, femme!" Cependant, il ne prononça pas ces paroles par orgueil ou comme s'il avait eu cette femme en horreur, car sinon, comment aurait-il pu être disciple de Celui qui mangeait avec les publicains, les prostituées et les pécheurs? Mais il voulait la conduire doucement à avoir honte, à comprendre sa mauvaise action et à se repentir - et son but se réalisa.

Comme la femme tentait encore de faire ce qu'elle désirait tant et s'obstinait, le Saint la réprimanda plus sévèrement et dévoila son péché. Toute surprise qu'il ait vu les plaies invisibles de son âme, le coeur blessé par sa sage réprimande, elle lava alors les pieds du Saint non pas avec de l'eau, mais de ses larmes, et confessa sa faute d'un coeur brisé. Vu qu'elle s'était comportée envers lui comme la pécheresse de l'Evangile envers le Christ, le Saint lui adressa les paroles pleines d'encouragements du Seigneur : " Courage, ma fille, tes péchés te sont pardonnés" ( Lc 7, 48), et encore : "Vois, tu as été guérie, ne pèche plus!" ( cf. Jn5, 14) - la guérissant, comme un sage médecin, de sa maladie et l'affermissant pour qu'elle n'y retombe plus. La femme obtint sa guérison de la meilleure et de la plus avnatageuse façon, si bien que non seulement elle recouvra la ferme santé de son âme, mais de plus, en racontant le miracle, elle fut pour beaucoup une cause de salut.



Les miracles constituent des témognages irréfutables de la sainteté de celui qui les accomplit. Celui qui suit montrera quel zèle pour la foi avait le Saint. Alors que Constantin le Grand était empereur de Rome et premier empereur Chrétien, que Paulin et Julien étaient consuls, eut lieu en 325 à Nicée le fameux concile des Saints Pères. Ce concile avait pour but de déposer Arius, qui, avec impiété, appelait le Fils de Dieu une créature, et d eprockamer que le Fils était de même nature (homoousios) que le Père; Les premiers et les plus connus à soutenir le basphème étaient Eusèbe de Nicomédie, Maris, évêque de Chalcédoine, et Théognis, évêque de Nicée. Avec le fanatique Arius à leur tête, ces créatures perverses proclamèrent le dogme que le Fils de Dieu est une créature. Ceux qui combattaient pour la Foi Orthodoxe, ceux qui se distinguaient par leurs paroles et leur vie, étaient le Grand Alexandre, simple prêtre, mais représentant du bienheureux Patriarche Mitrophane, absent pour cause de maladie, et le célèbre Athanase, diacre de l'Eglise d'Alexandrie, qui allait devenir l'ornement du trône épiscopal. Aussi étaient-ils fortement jalousés. Car s'ils ne se distinguaient pas des autres par le rang eccléisastique, ils étaient plus puissants qu'eux par la parole de la foi et par leurs prières. Parmi eux se trouvait également le Grand Spyridon, dont la vie et la Grâce divine reposant en lui firent plus pour convaincre que l'habile rhétorique, les puissants raisonnements et l'éloquence des autres. Selon la volonté de l'empereur, des philosophes assistaient au concile et faisaiant étalage de leur savoir avec arrogance. Ils étaient bien formés dans l'art de la rhétorique sophiste. L'un d'eux, célèbre orateur, possédait une force irrésistible de persuasion. Il conversait avec les évêques et soutenait fortement Arius. Il plaidait avec insistance en sa faveur, si bien que plusieurs, désireux de voir laquelle des parties adverses l'emporterait, étaient poussés à l'écouter. Il n'existait pas d'objection difficile que son habileté rhétorique ne puisse lever aisément. Et si son apologie débouchait sur l'impasse, il s'esquivait comme une anguille au moyen d'arguments insidieux et d'artifices de langage. Il y avait donc concurrence entre la vrité et l'art rhétorique.

Ceux qui défendaient la vérité avec des arguments loyaux attaquaient le sophiste, mais lui utilisait comme armes les équivoques de langage, les arguments insidieux et les artifices trompeurs, et il pensait l'emporter ainsi. Afin que ce ne soient pas les mots qui finalement l'emportent, mais le Christ et la Vérité, la victoire "passa au-dessus des lettrés et s'arrêta sur le simple Spyridon. Dès que le Saint, qui ne connaissait que "le Christ, et le Christ crucifié" ( 1 Co2, 2), comme dit l'Apôtre Paul, vit le philosophe s'échauffer avec ses sophismes, parler d'une façon insultante du Christ et s'efforcer de dénigrer les dogmes orthodoxes. Il l'approcha et demanda à lui parler. Mais les pieux Orthodoxes, qui connaissaient les manières simples du Saint et savaient qu'il ignorait la culture grecque, l'empêchaient de se présenter pour s'opposer au sophiste. Saint Spyridon, toutefois, ne se laissa pas arrêter, car il savait que la Sagesse d'En-Haut est supérieure à la sagesse humaine et éphémère. Il s'approcha donc du sophiste et lui dit : " Au Nom de Jéus-Christ, sois attentif à mes paroles, philosophe, et écoute ce que je vais te dire!" Le sophiste lui répondit : " Paarle, et je t'écouterai." Spyridon dit alors : " Il existe un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre. Il créa les Puissances célestes, façonna l'homme à partir de la glaise, et créa simultanément toutes les choses visibles et invisibles. Par Son Verbe et Son Esprit furent créés le ciel et la terre, s'écoula la mer, s'étendit le firmament, naquirent les animaux, fut façonné l'homme, le plus merveilleux de Ses crétaures. Tous les astres furent créés, le soleil et la lune, la nuit, le jour et tout le reste. Nous savons donc que le Verbe est le Fils de Dieu et Dieu Lui-même. Nous croyons que, pour nous, Il naquit de la Vierge, fut crucifié et enseveli. Il ressuscita ensuite et nous ressuscita avec Lui, nous accordant la vie incorruptible et immortelle. Nous affirmons qu'Il reviendra pour juger tous les hommes et examiner sévèrement nos propres oeuvres, paroles et pensées. Il est de même nature (homoousios) que le Père, égal en dignité, et règne avec Lui. N'es-tu pas d'accord, ô philosophe?", demanda-t-il.

Il nous faut relater ici le célèbre miracle de la tuile. Après ces paroles, le Saint prit une tuile dans sa main gauche et la serra. Et miracle! Une flamme s'éleva aussitôt en l'air, de l'eau se déversa à terre et l'argile de la tuile resta entre les mains du Saint, symbolisant de cette façon la Trinité vivifiante et indivisible. Tous en restèrent éblouis. Le philosophe sembla ne plus être le même homme, ne plus posséder le même cerveau ni la même langue, lui qui ssavait si bien s'opposer et disputer. Il demeura comme stupéfait, son âme fut remplie de surprise et sa voix s'éteignit. Après un temps de silence, il ne put que dire : " Je suis du même avis!". Le Saint lui dit alors : " En avant donc! Si tu es d'accord avec moi, ne sois pas en désaccord par tes oeuvres! Puisque tu sais qui est le Dieu qui a créé toutes choses, lève-toi et viens à l'église confesser le symbole de la Foi Orthodoxe".

A ces paroles, le philosophe revint à la vraie foi et, s'adressant à ses disciples et aux autres auditeurs, il dit : " Jusqu'à présent, nous combattions en paroles et je l'emportais par mon habile rhétorique. Mais puisqu'une force divine qui m'était opposée a manifesté une puissance indicible et mystique par les simples paroles de l'évêque Spyridon, je n'ai pas honte d'avouer que j'ai été vaincu. Je conseillerais donc avec joie à moi-même comme aux autres - à moins qu'ils ne soient pervers et veuillent altérer la Vérité - de croire au Christ et de suivre ce saint Vieillard, dont les paroles humaines ne sont rien d'autre que les paroles de Dieu."

Imaginez la honte des Ariens à ces paroles et la joie mêlée de fierté des Orthodoxes! La victoire des Orthodoxes fut si éclatante et la défaite des hérétiques si cuisante que presque tous embrassèrent la Foi Orthodoxe. Seuls six évêques restèrent du côté d'Arius, pour devenir la part du Diable, le père du mensonge, qui, depuis les origines, est l'Ennemi implacable de la vérité et des âmes.

Après cette condamnation manifeste de l'Arianisme et des hérétiques arianistes, les évêques rentrèrent chez eux, tout joyeux de la victoire et pleins d'admiration devant le miracle suscité par Saint Spyridon, rendant grâces à Dieu des prodiges qu'ils avaient vus et de la défaite d'Arius. Frappé par le miracle, l'empereur lui-même honora grandement le Saint et le raccompagna en lui demandant de prier pour lui.



Pendant ces évènements, la fille du Saint mourut subitement; Sa chasteté avait été plus belle que la beauté de sa jeunesse. Elle avait en effet vécu toute sa vie dans la virginité, et était une digne fiancée du Pur et Divin Fiancé, le Christ. Lorsqu'il retra du Concile, le Grand Spyridon supporta cette épreuve avec courage, comme il convenait. Peu après, toute bouleversée, une femme vint le trouver en pleurant, car elle avait confié un bijou en or à sa fille. Mais celle-ci était morte subitement, sans avoir restsitué le bijou. Le Saint prit ce souci à coeur. Son âme avait tant de charité pour le prochain! Ce serait vraiment injuste, se disait-il, que cette femme ne retrouvât pas son bien. Après avoir cherché en vain le bijou dans toute la maison de sa fille, que fit le Saint? De même que le Christ était allé jadis au tombeau de Lazare, le Saint - qui était Son disciple et s'efforçait de L'imiter - se rendit au tombeau de sa fille. De nombreuses personnes le suivirent. Et là, comme s'il voyait sa fille, non pas gisant dans la tombe, mais encore vivante et allongée sur son lit, il l'appela par son nom et lui dit : " Irène, mon enfant, où as-tu mis le bijou en or que l'on t'a confié?".

Comme se réveillant d'un léger sommeil, celle-ci lui répondit d'une voix ferme : " Mon seigneur, j'ai mis le bijou à tel endroit de la maison". Tous les assistants furent stupéfaits. Mais ce miracle ne fut pas le seul. Comme s'il était maître de la vie et de la mort, et avait reçu gratuitement de son Christ Bien-Aimé ce don et cette faveur insigne, Saint Spyridon, qui avait rendu la vie à sa fille pour un court laps de temps, lui ordonna de mourir à nouveau : " Rendors-toi, mon enfant, jusqu'à ce que Notre Seigneur te ressuscite avec tous les défunts!".

Le Saint se rendit ensuite à la maison de sa fille. Il trouva le bijou et le remit à la femme, donnant ainsi une splendide confirmation au miracle.



Tous ces évènements se passèrent à Chypre. Mais, comme le montre le récit suivant, Antioche, elle aussi, fut témoin de la vertu du Saint et de la Grâce divine qui l'habitait.

A la mort de Constantin le Grand, son empire fut partagé enre ses deux fils. Constance, empereur d'Orient, réisdait à Antioche de Syrie. Or il tomba gravement malade, et aucun médecin ne parvenait à le guérir. aprèsavoir tout essayé, découragé, il supplia Celui qui seul sait guérir les âmes et les corps. Il pria donc Dieu avec ferveur, et, une nuit, il vit en rêve un Ange lui montrant un choeur de saints véêques. L'empereur les contempla et en remarqua deux, qui ressemblaient bien à des évêques, mais semblaient les protecteurs et les guides des autres. L'Ange lui désigna ces deux évêques et lui dit qu'eux seuls pourraient le guérir de sa maladie. A son réveil, l'empereur, qui ne parevanit pas à interpréter ce rêve, se demanda qui étaient ces évêques, dont il ne connaissait ni le no ni la patrie. En outre, l'un des deux portait des vêtemsnts épiscopaux, alors qu'il n'était pas encore évêque. Le rêve représentait une préfiguration du futur. L'empereur se trouvait donc fort embarrassé. Ebranlé par le rêve et oppressé par ses douleurs, il ne savait que faire. Mais sa foi profonde lui disait à juste titre que ce rêve n'était pas fortuit. Cela étant, il réagit en empereur : courageusement, il convoqua à Antioche les évêques de l'empire romain qui se distinguaient par leur sainteté. Lorsqu'ils seraient ainsi tous rassemblés, il pourrait reconnaître les deux qui lui étaient apparus. Il expédia donc des lettres dans tout l'empire.

Mais lorsque tous les évêques furent arrivés, l'empereur ne reconnut pas ceux qu'il cherchait parmi les présents. Il écrivit alors à Chypre, et convoqua Spyridon, le tout plein de Grâce. Celui-ci connaissait en esprit tout ce qui était arrivé, car la Grâce de Dieu le lui avait manifestéen rêve. Confirmé, de plus, par la lettre de l'empereur, il se mit en route avec Tryphille, en compagnie duquel il était apparu à l'empereur. Ce Tryphille n'avait pas encore été jugé digne de l'épiscopat, mais, bien avant les suffrages des hommes, il avait reçu de Dieu Lui-même la consécration épiscopale.

Saint Spyridon se présenta avec Tryphille au palais impérial, sous une humble et pauvre apparence : misérablement vêtu, un bâton en bois de palmier à la main, il portait une mître sur la tête. Un petit flacon d'argile - tel qu'en confectionnent les habitants de Jérusalem pour avoir sur eux de l'huile de la veilleuse de la Précieuse Croix - était suspendu à son cou. Comme il lui fallait imiter le Christ, son Seigneur, non seulement dans la pauvreté et l'abaissement, mais aussi dans la douceur face aux insultes, un courtisan, qui raillait son piètre accoutrement et jugeait qu'il était inconvenant de se présenter ainsi à l'empereur, lui donna un soufflet. Si le feu du Ciel ne tomba pas alors sur la tête de celui qui avait osé frappé le Saint, c'est que Celui qui avait supporté les mêmes outrages fit preuve d'indulgence.

Quant à Saint Spyridon - quelle âme courageuse et disposée à souffrir pour le Christ!-, il se tourna vers son insulteur et lui tendit l'autre joue. Appliquant à la lettre le commandement du Seigneur, il vainquit l'insolence et la rudesse par son empressement à souffrir pour le Christ. L'attitude du Saint, en effet, fit ployer l'orgueilleux courtisan et brisa son coeur - surtout lorssqu'il apprit que celui qu'il avait inulté était évêque. Il se repentit, supplia le Saint de lui pardonner et s'efforça de réparer son péché et son insolence par un fervent repentir. Saint Spyridon, qui avait appris à pardonner les péchés tout comme à supporter les outrages, récompensa celui qui l'avait offensé. Il le combla de bienfaits, lui prodigua maints conseils paternels et fut ainsi la souce d'une profonde conversion intérieure. Ensuite de cet incident, les premiers dignitaires de l'empereur, voulant manifester au Saint leur respect, le conduisirent jusqu'à l'empreur avec la déférence qui s'imposait.

Saint Spyridon voyait que son disciple Tryphille deviendrait vite parfait et suivrait ses traces; Mais pour le moment - et il était excusable, en raison de sa jeunesse -, il accordait encore de l'importance aux biens terrestres qui, pour beaucoup, ont de la valeur. Ainsi, il admirait les objets du palais impérial, les habits étincelants et l'éclat de l'or, et surtout l'empreur lui-même qui, siégeant sur un trône élevé, semblait glorieux et redoutable. Le voyant captivé par tout cela et comme extasié, Saint Spyridon voulut le tirer de sa torpeur et de ses rêves. Il le saisit donc par le bras et le secoua en disant : " Tryphille, montre-moi l'empreur, car je ne le connais pas!". Sans comprendre ce que voulait le Saint, Tryphille lui désigna l'empereur et répondit : " C'est lui!". " Eh bien, rétorqua Saint Spyridon, pourquoi est-il le plus admiré de tous? Si tu ne peux affirmer qu'il est l'homme le plus vertueux de la terre, ce serait donc à cause de la gloriole et de la vanité qui l'entourent? Ne mourra-t-il pas, lui aussi, tout comme un pauvre homme, inconnu et abandonné? Son corps ne sera-t-il pas, comme un autre, soumis à la corruption? Ne devra-t-il pas se présenter devant le Juge Impartial? Pourquoi alors honores-tu des biens passagers comme s'ils étaient durables, et admires-tu des chimères, au lieu de rechercher les biens immatériels et éternels, et d'aimer seulement la gloire céleste et incorruptible?"

Alors que Saint Spyridon exhortait ainsi Tryphille, l'empereur, du haut de son trône, posa son regard sur lui. Ce fut tout d'abord l'apparence extérieure du Saint qui attira son attention, car tout correspondait exactement à ce qu'il avait vu en rêve : le bâton, la mître, le petit flacon d'argile au cou et l'ornement épiscopal. Il reconnut immédiatement celui qui lui était apparu. mais il ne pouvait reconnaître Tryphille, et ne prit d'ailleurs pas même la peine de l'observer avec attention, car, contrairement à ce qu'il avait vu en rêve, celui-ci n'avait pas l'apparence extérieure d'un évêque.

L'empereur se leva de son trône et s'approcha du Saint. Le désir de guérir lui fit mépriser l'étiquette. Il considéra le palais et la majesté de l'autorité impériale comme des réalités bien dérisoires et secondaires face à l'honneur dû au Grand Spyridon. Il s'avança donc vers le Saint avec simplicité, recherchant humblement sa compassion et montrant par son attitude quelle différence il y a entre un roi de la terre et le serviteur du Roi Eternel. Inclinant la tête devant le Saint, il le suppplia avec larmes et implora sa bénédiction, comme si c'était le plus puissant remède pour dissiper toute tristesse. Et aussitôt que la main du Saint eut touché la tête de l'empereur, celui-ci recouvra la santé. Qui pourrait raconter l'admiration des assistants et de l'empereur lui-même devant le miracle? Toute la journée, le palais impérial fut en fête. La joie était dans les coeurs, et on oubliait tout autre motif de réjouissance. Le nom de Spyridon était sur toutes les lèvres, on ne parlait que de Spyridon, on ne voyait que Spyridon : le Saint était le centre de l'attention générale.

L'empereur obtint donc la guérison du corps. Mais le médecin aurait-il négligé la santé de l'âme? Cela aurait été indigne de Saint Spyridon. A l'âme aussi, donc, il donna le remède approprié : Il conseilla à l'empereur de ne pas oublier le bienfait de Dieu, d'agir avec indulgence et mansuétude envers ceux de ses sujets qui lui faisaient du tort et l'affligeaient, et d'être bienfaisant et charitable envers les autres. Il lui dit également d'être comme un père, un protecteur général et compatissant envers les pauvres.

" Tu es le plus élevé de tous par le rang, lui dit-il; tu dois donc être le plus élevé de tous dans la vertu; Car le souverain qui ne se comporte pas ainsi ne mérite pas d'être appelé empereur, mais tyran. On ne doit pas le dire bienheureux pour son pouvoir, mais le considérer plutôt comme un misérable pour son arrogance et le haïr". Il lui conseilla, en outre, d'être rigoureux sur les questions touchant la Foi, et de ne pas accepter le moindre iota jugé non orthodoxe par l'Eglise de Dieu.

Voualnt récompenser le Saint pour la guérison accordée, l'empereur lui donna une grande quantité d'or. Mais le Saint refusait avec insistance d'accepter quoi que ce soit et il se récriait : " Il ne faut pas, ô empereur, récompenser l'amitié par la haine. Tout ce que j'ai fait pour toi prouve, en effet, ma véritable amitié à ton endroit : j'ai quitté ma maison, traversé la mer, supporté la rigueur de l'hiver et la rudesse des vents sur les vagues pour venir jusqu'à toi. Et, en récompense de cela, tu voudrais que j'accepte de l'or - lequel est la source de tous les maux et anéantit toute vertu -, me condamnant ainsi moi-même et empruntant la voie de la perversité!".

L'empreuer, de son côté, insistait d'autant plus qu'il jugeait honteux de ne pas récompenser le bienfait dont il avait été favorisé. Ayant obtenu la santé du corps, il voulait prouver au Saint sa reconnaissance et lui montrer que la santé de son âme n'était pas moindre. Aussi le suppliait-il d'accepter, pensant vaincre par là l'invincible. Il réussit seulement à le persuader d'accepter l'or, mais non pas de le garder pour lui-même. Saint Spyridon prit congé de l'empereur et, en quittant le palais, il distribua l'or aux courtisans, leur enseignant, par l'exemple, quelle disposition ils devaient avoir envers les richesses et l'argent s'ils voulaient être libres intérieurement. Car être porté vers l'argent et succomber à la passion de s'enrichir n'est rien d'autre qu'un pur esclavage volontaire.

Lorsque l'empereur apprit ce que Saint Spyridon avait fait de l'or, il dit ne pas être surpris qu'un tel homme accomplisse de si grands miracles. Il tira profit des conseils de Spyridon et fut attentif à pratiquer l'aumône, à faire preuve de bonté enevers ceux qui étaient dans le besoin et à consoler avec charité les veuves, les orphelins et les pauvres. Lui, le premier, promulgua la loi d'exemption d'impôts pour tout le clergé, les prêtres et les diacres, jugeant qu'il ne convenait pas que des hommes consacrés au service du Roi Immortel et aidant et secourant les pauvres paient des impôts au roi mortel.



Après avoir quitté le palais, le Saint fut hébergé dans la maison d'un pieux Chrétien. Une femme, originaire, d'un payas étranger et qui ne savait pas le grec, vint l'y trouver. Elle portait dan ses bras son enfant mort et le déposa aux pieds du Saint. Elle-même se prosterna à terre en sanglotant d'une façon pitoyable. Comme elle parlait une langue étrangère, ses paroles étaient incompréhensibles pour les assistants. Ses larmes, en revanche, parlaient d'elles-mêmes : il était clair qu'elle pleurait son enfant mort et demandait au Saint Evêque de le ramener à la vie. Spyridon, le tout-miséricordieux, fut ému, mais partagé entre son humilité naturelle et sa compassion pour la femme. D'une part, contemplant la souffrance de cette femme et la douleur qui brûlait ses entrailles, il était enclin à opter pour le miracle, et désirait vivement supplier Dieu de ressusciter l'enfant. Mais, d'autre part, considérant la gravité de la demande, humble de coeur et plein de crainte de Dieu comme il l'était, il reculait, hésitait et jugeait l'acte bien osé. Aussi décida-t-il de prendre conseil de l'un de ses proches, le diacre Artémidor, un homme éprouvé en toutes les vertus. L'un des traits caractéristiques de ce diacre - comme une coloration ajoutée à ses vertus - était de cacher à tous qu'il pratiquait telle ou telle vertu. Le Saint lui demanda donc ce qu'il devait faire, et Artémidor lui répondit ce qu'il devait entendre : " Pourquoi m'interroges-tu, Père? Que te faut-il faire, surtout toi, sinon supplier le Christ, Donateur de Vie, qui t'a prouvé en maintes occasions qu'Il exauce tes prières? D'ailleurs, si l'empereur lui-même a été sauvé grâce à tes supplications, les pauvres et les petits seront-ils oubliés?".

L'Evêque obéit à cet excellent conseil. La douleur lui fendit le coeur; ses yeux se remplirent de larmes. Il se mit à genoux, mouilla le sol de ses larmes, cria vers Dieu avec ferveur et contrition, suppliant avec compassion le Christ plein de bonté de ressusciter l'enfant de la malheureuse femme, et de lui prouver - selon les paroles de l'Ecriture - qu'une mère se réjouit de son enfant ( cf. Ps 112, 9). Et Celui qui, par les prières d'Elie et d'Elisée, ressuscita le fils de la veuve de Sarepta ( cf. I R17, 17-24) et celui de la Sunamite ( cf. 2 R4, 18-30), leur rendant la vie, exauça également Spyridon. L'enfant, qui gisait mort, se mit à remuer, et à pleurer, tel un enfant qui demande sa mère.

Mes yeux (2)

(2) : ( C'est le biographe du Saint, Saint Symoén le Métaphraste, - ce qui veut dire le Traducteur -, qui s'exprime ici)

se remplirent de larmes de joie à la vue de ce miracle. mis dès qu'elle vit son enfant bien-aimé vivant - indicibles sont Tes Jugements, ô Christ -, la mère ne put supporter cette joie excessive : elle s'effondra à terre et rendit l'âme. Cet incident nous prouve qu'il est bon d'éviter tout excès. Car nous savons bien que non seulement l'excès de tristesse est mortel, mais encore l'excès de joie; Je sais que, vous aussi, vous souffrez dans votre âme, passant de la joie à la tristesse. La compassion ainsi que la charité sont, en effet, naturelles à l'homme. Mais le Grand Spyridon est toujours proche de vous pour transformer l'affliction en joie.

Saint Spyridon obéit à nouveau à Artémidor : lui, l'humble évêque, décida de rendre, cette fois, la mère à l'enfant. Il tourna donc son regard vers le Ciel, inclina son coeur vers le Seigneur et supplia Celui qui ressuscite les morts et transforme toutes choses par Sa seule Volonté. Il dit ensuite à la morte : " Lève-toi et marche!"( AC 3, 6). Aussitôt, comme si c'était le sommeil, et non la mort, qui s'était emparé d'elle, la femme se leva, se tint debout aux côtés du Saint et prit son enfant dans ses bras. Celui-ci, comme nous l'avons dit, était vivant et tressaillait de joie contre son sein. Humble comme il l'était, le Grand Spyridon voulut que tout cela reste caché. Aussi ordonna-t-il à Artémidor et à la femme de garder le silence sur ces évènements. Après la mort du Saint, cependant, Artémidor considéra qu'il était injuste de cacher un si grand miracle aux Chrétiens et il le révéla.



Lorsque Saint Spyridon rentra d'ntioche à Chypre, un homme qui désirait lui acheter cent chèvres de son troupeau vint le trouver. Le Saint lui permit de déposer lui-même le prix des chèvres et de prendre ensuite les bêtes; Mais cet homme paya seulement le prix de 99 chèvres, en se disant selon le proverbe : " Mieux vaut un gain perçu dans la honte qu'un honneur avec perte!". Il pensait que cela échaperait au Saint, homme naïf et dépourvu du sens de l'argent. Lorsqu'ils entrèrent tous deux dans l'enclos, le Saint dit à l'acheteur de prendre autant de chèvres qu'il en avait payées. Sans se remettre en question pour autant, l'homme fit sortir cent chèvres de l'enclos. Mais l'une d'elles, comprenant, comme une bonne esclave, que son maître ne l'avait pas vendue, fit demi-tour avec impétuosité et rentra dans l'enclos. L'acheteur effronté la fit sortir à nouveau et la tirait de même. Ce fait prodigieux se renouvela deux ou trois fois de suite. Alors que la chèvre retournait dans l'enclos, l'acheteur, en colère, la tirait de toutes ses forces. Comment cela se termina-t-il? Voyant qu'il n'arrivait pas à ses fins, l'acheteur la saisit et la mit sur ses épaules pour l'emporter. Mais la chèvre se mit à bêler fort et à le frapper de ses cornes, manifesatnt ainsi de façon claire la contrainte qu'elle subbissait, et semblant se venger de cet homme cupide pour l'injustice qu'il avait commise. Les assistants, perplexes, ne pouvaient s'expliquer cet étrange phénomène. Ne voulant pas accuser ouvertement l'acheteur malhonnête, Saint Spyridon lui dit avec calme : " Fais attention, mon enfnat, c'est peut-être avec raison que la chèvre résiste au rapt, Tu as peut-être oublié de la payer?" L'homme fut transpercé : il se convertit, reconnut son acte, confessa sa faute et demanda pardon. Il paya ensuite cette centième chèvre, qui suivit dès lors paisiblement les autres, sans plus bêler ni résister.



Il existe à Chypre un bourg appelé Erythra, situé près de la métropole de Constance, à environ six kilomètres de la ville. Un jour que le Saint se trouvait là, il entra dans l'église pour prier et dit à l'un des diacres de chanter rapidement l'office, car il était fatigué de la longue route et épuisé par la chaleur estivale. Mais le diacre chanta, au contraire, d'une façon encore plus lente, faisant volontairement, et par orgueil, traîner l'office, cherchant, semble-t-il, à tirer une vaine gloire de son chant. Spyridon, le très doux par nature, le regarda sévèrement et le réprimanda d'un : " Tais-toi!" (Jg3, 19). Comme si on lui avait lié la langue, le diacre perdit aussitôt la parole et resta muet : il ne put pas même achever la prière qu'il avait commencée et ce fut le Saint qui la compléta. A la fin de l'office, celui qui, un instant plus tôt, était fier de lui-même et "parlait" beaucoup, tomba, pitoyable et muet, aux pieds du Saint. La crainte saisit les assistants, et le bruit du miracle fit accourir les autres. De nombreuses personnes affluèrent, des proches du diacre, surtout, en raison du miracle accompli par le Saint, et par compassion envers le malheureux diacre. Comme tous supplièrent saint Spyridon, cette âme généreuse, de pardonner à celui qu'il avait condamné au silence et de le délier du lien qui enchaînait sa langue, savez-vous ce que fit celui qui unissait en lui, avec hramonie, toutes les vertus? Il se rendit aux supplications, mais, voyant d'avance, par le Saint-Esprit, que le diacre avait encore besoin d'être éduqué, il partagea avec grande sagesse la pénitence en deux. Il permit au diacre de recouvrer la parole, mais pas d'une façon entièrement libre : sa voix ne fut plus aussi harmonieuse et agréable qu'auparavant; elle devint lente, engourdie, comme ankylosée, et même bégayante. Le Saint lui apprit ainsi à ne pas s'enorgueillir de sa belle voix ni à se vanter des paroles que l'on dit, vu que l'homme sage, même de ses vertus ne se glorifie pas.



Spyridon, cet homme divin, entra un jour dan sune église de la ville pour chanter les Vêpres, à son habitude; Alors qu'il n'y avait personne dans l'église, hormis les sacristains et le diacre, le Saint ordonna d'allumer plus de veilleuses qu'à l'ordinaire. Lui-même se tenait, tout joyeux, devant l'autel et adressait à "l'assistance" le traditionnel Paix à tous (3).

(3) : ( A la fin de certaines prières d'intercession, le prêtre adresse le souhait Paix à tous à l'assistance, qui lui répond Et à ton esprit ).

Comme il n'y avait personne pour lui chanter le répons d'usage, on entendit des hauteurs une voix semblant provenir de myriades de bouches lui donner la réplique : Et à ton esprit! Cette voix mélodieuse, harmonieuse, tout autre, ne ressemblait pas à une voix humaine. Quand le diacre, rempli de crainte de Dieu, eut terminé la prière, il entendit à nouveau - ô miracle! - la même voix suave lui répondre les Kyrie éléison. Cette voix mélodieuse s'entendait jusqu'à l'extérieur de l'église, et nombreux étaient ceux qui accouraient avec crainte et admiration. Pourtant, en entrant dans l'église, elles n'entendirent plus rien et ne virent personne, hormis le Saint et ses acolytes, qui affirmèrent, eux aussi, n'avoir vu personne, mais avoir entendu des voix chanter avec une allégresse divine.



Un jour, au milieu des Vêpres, il n'y avait presque plus d'huile dans l'une des veilleuses, et on ne disposait pas de réserve. La méche, donc, était près de s'éteindre. Le Saint le regrettait beaucoup, et ne voulait pas interrompre l'office au beau milieu; Mais aussitôt, par une puissance invisible, la veilleuse fut remplie jusqu'à déborder d'huile : les sacristains durent placer des récipienst au sol pour la recueillir! Lee Saint, lui, bénéficiait tant de la Grâce de Dieu qu'elle débordiat de son âme plus encore que l'huile de cette veilleuse!



Il y a dans l'île de Chypre une ville qui porte le même nom que la ville de Cyrène en Libye. Le Saint s'y rendit un jour pour une affaire, accompagné de son disciple Tryphille, lequel - conformément à ce que le rêve de l'empereur avait prédit - était maintenant devenu évêque de Kallinikis. Ils traversèrent Kythéria, située aux pieds du Mont Pentadactylo et atteignirent Parymni. Cette ville était agréable et parée de beauté par la nature. Charmé par le site, Tryphille fut saisi par le désir d'acquérir un domaine à Parymni pour y établir son évêché. Il considérait cette idée comme importante et la retournait dans sa tête, ce qui n'était pas sans échapper aux yeux spirituels de Spyridon, bien au contraire! Discernant clairement tout cela, il gronda son disciple avec douceur : " Tryphille, pourquoi te préoccupes-tu de choses vaines et frivoles? Pourquoi désires-tu posséder des champs et des vignes? Ces choses n'ont, en vérité, aucune valeur. C'est seulement leur nom qui impressionne et procure du plaisir. Nous avons dans les Cieux une richesse que l'on ne peut nous enlever, nous avons une demeure non faite de main d'homme. Sois captivé par ces biens-là et tu en jouiras dès ici-bas par l'espérance. Ces biens ne se transmettent pas d'un homme à un autre : celui qui en devient maître l'est une fois pour toutes; il possède un héritage que nul ne peut lui ravir". A ces paroles, Tryphille se reprit : il enfouit les paroles du Saint dans les profondeurs de son coeur et le pria de lui pardonner. Par la suite, il vécut si vertueuesement, qu'il devint, selon les paroles de l'Apôtre Paul, "un vase d'élection" ( Ac9, 15) du Christ et fut jugé digne de nombreux charismes. C'est de cette façon que le Grand Spyridon éduquait à la fois ceux qui le voulaient et ceux qui ne le voulaient pas; Mais, ainsi que le prouve ce qui va suivre, ceux qui n'acceptaient pas cette éducation finissaient mal.



Un marchand, compatriote du Saint, partit à l'étranger, où il passa deux ans, puis revint dans sa patrie. Lorsqu'il atteignit son village bien-aimé, il trouva sa maison tout à fait inhospitalière à son égard; Sa femme, en effet, avait commis l'adultère en son absence, comme le prouvait clairement le fait qu'elle était enceinte. Peu s'en fallait qu'il ne la tue. "La jalousie excite la rage du mari" ( Pr 6, 34), dit l'Ecriture. Toutefois, il contint sa colère et pensa qu'il n'était bon ni de vivre désormais avec sa femme ni de la tuer; Car la première solution signifiait la honte pour lui-même sa vie entière et une torture à petit feu pour son coeur et, la seconde, la mort de sa femme; Il laissa donc sa femme, se rendit aussitôt chez le Saint, et lui expliqua tout en détail : son absence, sa durée, l'adultère commis, et la preuve irréfutable de la grossesse. Puis, il lui demanda comment supporter cette épreuve et quoi faire. Il ajouta qu'il avait décidé de se séparer de sa femme, mais pas sans l'accord du Saint. Spyridon l'admira pour sa décision, le plaignit en même temps pour son malheur, et fit appeler sa femme. Il ne l'interrogea pas : toute question était superflue. Car qui aurait pu parler de façon plus crédible que son ventre? Le fait étant clair, il dit à la femme : " Que t'est-il arrivé que tu fasses ainsi honte à toi-même et à ton mari?" Mais, sans vergogne, la femme mentit effrontément en affirmant n'avoir approché aucun autre homme. Lorsqu'une femme dépouille toute honte, elle s'endurcit, devient effrontée et impudente. Le Saint rappela à la femme la durée de l'absence de son mari - ce qui prouvait clairement qu'elle mentait -, mais celle-ci ne se départit en rien de son effronterie. Au contraire, l'impudente faisait du tapage et tenatit de réfuter ses accusateurs, si bien que ceux qui entendaient ses justifications étaient davantage irrités par son attitude présente que par l'adultère qu'elle avait commis. Elle soutenait en effet : " L'enfant est resté en moi tant que mon mari était à l'étranger, afin que tous deux arrivent en même temps : mon mari de l'étranger et le bébé de mon ventre!" Elle affirmait cela au Saint et disait des choses plus énormes encore, sans éprouver la moindre honte. En outre, elle provoquait de l'agitation et remplissait la ville de ses plaintes - comme si elle était victime d'une grande injustice - et appelait les assistants à l'aide.

Le très doux Spyridon hésitait encore à la punir, et cherchait plutôt à lui faire peur, afin qu'elle se repente. Il lui dit donc : " Tu es tombée dans un grand péché, femme. Si de toi-même tu avais manifesté un grand repentir, il te resterait peut-être une espérance de salut. Car aucun péché ne peut l'emporter sur l'Amour de Dieu pour l'homme. Mais puisque l'adultère a engendré le désespoir, et le désespoir le mensonge effronté, il serait juste que tu goûtes en pratique le salaire de tes mauvaises actions et sois soumise à un sévère châtiment. Toutefois, je veux t'offrir encore une occasion de repentir et te prédis clairement ceci : le bébé que tu portes ne verra pas la lumière du jour tant que tu ne cesseras de dissimuler la lumière de la vérité par l'obscurité du mensonge, pensant, comme on dit, dissimuler ce que même les aveugles voient".

Ces paroles se réalisèrent très vite. Des douleurs aigues saisirent la femme avant l'accouchement : ses entrailles se rétractèrent violemment, empêchant le bébé de naître. Mais le pire fut que même ainsi elle n'abandonna pas son effronterie, et mourut d'une mort douloureuse et lamentable. D'aucuns plaindraient cette femme pour son malheur. Je la plaignis, moi, pour son obstination perverse et invétérée. On dit que le Saint fut surtout attristé de cela, il en pleura et dit : " Je ne condamnerai plus jamais personne, vu que la sentence est exécutée aussi rapidement!". Ceux qui furent témoins de ces événements en tirèrent un grand respect pour le Saint : ils se comportaient envers lui avec déférence et le contemplaient avec crainte - tout comme ceux qui, jadis, avaient été témoins du miracle accompli par les Apôtres à l'encontre d'Ananie et de Saphire. ( cf. Ac 5, 1-11).



Une femme pieuse et chaste du nom de Sophronia était mariée à un homme non chrétien et idolâtre. Elle prenait la peine d'aller souvent chez le Saint pour le prier avec ferveur de délivrer son mari de son égarement spirituel. Celui-ci, du reste, ne l'en empêchait pas, car, d'une part, il ignorait pour quel motif elle s'y rendait, et, d'autre part, il avait un grand respect pour le Saint. Lui aussi allait fréquemmenet le visiter, le traitait comme un ami et considérait qu'honorer le Saint était pour lui un honneur. Saint Spyridon, de son côté, allait de temps en temps lui rendre visite. Ils avaient donc des relations. Et, un jour qu'ils soupaient ensemble, le Saint voulut profiter du moment opportun pour attrapper son ami idolâtre dans ses filets. Il se tourna vers l'un des serviteurs et lui dit de façon que tous entendent : " Le sommeil s'est emparé du petit berger que j'avais assigné à garder le troupeau et les bêtes se sont échappées; A son réveil, après les avoir bien cherchées, il les a trouvées toutes rassemblées dans une grotte. Auparavant, il s'était hâté d'envoyer ici un messager pour me faire part de l'incident. Celui-ci est arrivé et se tient à la porte. Descends lui dire que les animaux ont été retrouvés et que le troupeau est complet." Le serviteur s'empressa de transmettre les paroles de Saint Spyridon au messager qui se tenait à la porte. Les convives étaient encore à table, quand arriva un autre messager porteur de la même nouvelle : on avait retrouvé le troupeau au grand complet, à tel endroit. Comme ces paroles correspondaient exactement à ce que le Saint avait prédit, une profonde admiration s'empara de l'idolâtre. Il considérait le Saint comme un dieu et eut la même intention que les habitants de Lystre vis-à-vis de Paul et de Barnabé : il voulait lui offrir des taureaux et suspendre des couronnes de laurier à sa porte. Mais, comme les Apôtres jadis, Spyridon s'écria : " Je ne suis pas un dieu, mais un serviteur de Dieu, un homme comme toi. Le fait que je connaisse bien le seul vrai Dieu me donne la Grâce de connaître ces choses également; Si, toi aussi, tu le confesses comme Seigneur, tu connaîtras avec certitude Sa puissance invincible et Sa force!".

Quant à cette femme, qui aimait plus le Christ que son mari, elle profita de cet événement extraordinaire comme d'une occasion propice pour avancer, elle aussi, ses propres arguments, et convainquit son mari de renoncer à son égarement spirituel, de tourner en dérision le culte qu'il rendait aux idoles, de se laisser bien catéchiser, et de revêtir le Christ par le baptême.



On dit que le Grand Spyridon, avec sa modestie naturelle et l'humble sentiment qu'il avait de lui-même, remplissait de façon excellente son devoir de pasteur, sans négliger pour autant ses troupeaux. Or, une nuit, des voleurs entrèrent dans ses bergeries et volèrent des bêtes. Mais Dieu, qui prenait soin du pasteur, n'était pas plus indifférent au sort de ses troupeaux : Les voleurs furent solidement entortillés par des liens invisibles, les maisn attachées. Impossible de fuir! Au point du jour, lorsque le Grand Spyridon réalisa ce qui se passait et vit que les voleurs avaient les maisn attachées dans le dos, il les délia par sa prière. Puis, il leur donna maints conseils pour pourvoir à leur subsistance par des moyens honnêtes, et leur fit cadeau d'un bélier, en leur disant avec grâce : " Ceci, afin que vous n'ayez pas veillé pour rien!".



Un capitaine de la marine marchande originaire de Trimythonte, et qui avait besoin d'or pour son commerce, vint demander eu Saint de lui en fournir. Spyridon qui, outre les autres commandements du Christ, mettait en pratique celui de donner à qui veut t'emprunter, lui donna avec empressement le peu d'or dont il disposait pour son évêché. Le capitaine le prit; son voyage fut favorable, et il revint en ayant fait des bénéfices. Il retourna donc chez le Saint pour rembourser sa dette. Sans rien examiner et sans vérifier le montant, contrairement à ce que font la plupart, celui-ci lui dit de déposer lui-même la somme dans le coffret, où il l'avait prise. Plein de respect pour la bonté et la confiance de son créancier, le marchand déposa l'or à l'endroit indiqué; Une autre fois, pressé par le besoin, le marchand eut à nouveau recours au Saint, qui lui donna l'or avec le même empressement, et il le remit ensuite honnêtement à sa place. Cela se réitéra, et le marchand finit par succomber à la passion de l'amour de l'argent. Il trahit la confiance du Saint, agit avec perversité et mentit. Abusant de la liberté octroyée, il fit semblant d'avoir déposé l'argent à l'endroit habituel - alors que, sans rien déposer du tout, il avait scellé le coffret vide avant de s'en aller. Mais "Celui qui, comme dit l'Ecriture, attrappe les sages à leur propre astuce" ( 1 Co 3, 19), ne devait pas permettre que le Saint soit ainsi lésé, afin que l'homme naïf et innocent ne soit pas aisément trompé, méprisé par les méchants et déshonoré. Voyez donc comment la sage et juste Providence de Dieu dispose toutes choses, afin que celui qui tente de nuire à son prochain se nuise plutôt à lui-même; comme ce marchand dépnesa l'or à des dépenses préjudiciables et se trouva dans le besoin, il se souvint de sa vieille planche de salut.

Il revint donc chez le Saint et lui demanda l'or, qu'il n'avait pas rendu, comme si celui-ci se trouvait dans le coffret. Cette action malhonnête n'échappa point à saint Spyridon, qui lui dit néanmoins avec douceur de faire comme d'habitude. Et le marchand, comme s'il n'avait rien fait de mal ou d'indigne, alla au coffret pour prendre l'or qu'il y avait soi-disant déposé. Il ouvrit donc le coffret et, le trouvant vide, ainsi qu'il l'avait laissé, il en fit part au Saint, pensant le duper aisément. mais celui-ci lui répondit : " Cherche mieux, car, depuis que tu as déposé l'or à sa place, personne ne l'a pris." Le marchand fit semblant de chercher à nouveau. Ne pouvant trouver dans le coffret ce qui ne s'y trouvait pas, il feignit de ne rien comprendre et répéta qu'il ne trouvait rien. L'homme doux et bon qu'était Spyridon lui dit alors : " En vérité, mon cher, si tu avais déposé l'or, tu le trouverais facilement. Mais si tu me demandes maintenant de te donner ce qui est resté entre tes mains, sache que tu dupes ta propre personne plutôt que moi.". A ces paroles, le marchand, que tourmentait le secret reproche de sa conscience, ne put plus résister : il se prosterna à terre, et étreignit les pieds du Saint en lui demandant pardon. Celui-ci lui conseilla alors de ne pas désirer le bien d'autrui et de ne pas souiller sa conscience par des tromperies et des mensonges. Car le profit que l'on croit tirer ainsi se révèle non pas un profit, mais un pur préjudice.



Du vivant du Saint, alors qu'll dirigeait son évêché, le Patriarche d'Alexandrie convoqua un synode de ses évêques, afin de renverser par leur prière commune les idoles et les statues de Grecs. La ville, en effet, était encore pleine d'idoles, et le Patriarche, tel l'Apôtre Paul, brûlait d'un zèle sacré pour le Christ en voyant l'idolâtrie. Lorsque les évêques furent donc rassemblés, ils prièrent avec ferveur et, par la Volonté et la Puissance de Dieu, toutes les statues, sauf une, furent ébrablées et s'écroulèrent. Malgré les nombreuses prières que firent les évêques, chacun séparément et tous ensemble abev le Patriarche, cette statue restait inébranlable. Non que Dieu n'écoutât point les saintes prières des évêques ou les méprisât, mais Il voulait glorifier Son serviteur par cette sage économie et révéler aux évêques ce qu'ils ignoraient: quel grand Saint se cachait parmi eux en la personne de Spyridon!

La nuit était tombée, et le Patriarche continuait à prier, lorsqu'il eut une apparition, qui lui dit : " Ne sois pas triste de n'avoir pu renverser l'idole. Il n'appartient qu'au seul Saint Spyridon de briser cette statue. Envoie vite un messager à Chypre pour le convoquer, car il est évêque de Trimythonte. Le Patriarche obéit et envoya une lettre pour convoquer le Saint. Il y expliqua le motif de cette convocation, fit part de la vision et écrivit à Spyridon qu'il devait venir à tout prix. Celui-ci obéit. Aussitôt après avoir vu la lettre, il partit pour Alexandrie. Le bateau accosta à Néa Poli, le port principal de la ville. Tout en débarquant, le Saint priait intérieurement, et dès que ses pieds touchèrent la terre ferme, l'infâme statue, qui semblait plus puissante que la prière de nombreux évêques, fut anéantie ainsi que le temple où elle était placée : tout s'écroula et fut réduit en poussière. Ce fut pour le Patriarche un signe manifeste de l'rrivée du Saint, dont on ne savait encore rien. En effet, dès que ceux qui avaient vu s'écrouler l'idole l'annoncèrent au Patriarche, celui-ci s'écria : " Spyridon, l'évêque de Trmythonte, est arrivé, mes amis!" Et il leur ordonna d'aller à sa rencontre. Les envoyés du Patriarche coururent et trouvèrent le Grand Spyridon au débarcadère.



C'était l'été. Les récoltes étaient belles et abondantes dans les champs du Saint, qu'il cultivait, du reste, lui-même, pour la plupart. Le Saint prit donc la faux et commença de moissonner. Soudain, alors qu'il ne pleuvait pas, de fines gouttes d'eau tombèrent sur sa tête. Dieu voulait lui signifier par là qu'il faisait s'épanouir les fleurs des vertus et recevait la rosée comme un bel épi mûr, qui serait bientôt recueilli par le Maître et le Cultivateur céleste. Ce phénomène étrange fut suivi d'un autre plus étrange encore. Alors que Spyridon mettait la main sur sa tête et montrait les gouttes d'eau aux assistants, des cheveux blonds, bruns et blancs poussèrent immédiatement sur son crâne. Ce que Dieu voulait manifester ici semblait bien obscur. Mais Spyridon, semble-t-il, le comprit, et dit : " Sachez, mes chers, que mon âme va bientôt se séparer de mon corps. Dieu entourera ma mémoire d'une grande gloire, l'anniversaire de mon départ de cette terre et de ma naissance au Ciel sera jour de fête pour beaucoup, et des hommes de tout âge, jeunes, adultes et vieillards, le fêteront avec ferveur". Le Saint ajouta d'autres paroles et prophétisa divers autres événements. Il leur donna ensuite des conseils pour leur vie et leur rappela brièvement les oeuvres bonnes et salutaires à accomplir, et surtout la vertu la plus grande à cultiver, l'amour envers Dieu et le prochain. Peu de temps après, ainsi qu'il l'avait prédit, il remit son âme pure et sainte à Dieu, et fut jugé digne d'être réuni au choeur des Anges. Mais il ne s'éloigna nullement des hommes. Au contraire, il est davantage leur protecteur maintenant qu'il se trouve près de Dieu et jouit d'une plus grande assurance auprès du Seigneur.







2ème partie



MIRACLES DE SAINT SPYRIDON



Un pieux Chrétien qui aimait beaucoup Spyridon rapporta ceci comme étant la vérité : il s'était rendu au tombeau du Saint le 12 décembre, jour de sa fête, pour le rencontrer, comme lorsqu'il était vivant, et lui manifester sa vénération. " Alors que je m'approchais et commençais à me concentrer pour mieux le vénérer, je ressentis une telle consolation divine m'envahir et pénétrer mon coeur que j'entrai comme en extase, entièrement tourné vers les beautés du Ciel. Oubliant toutes choses terrestres, même mon propre corps, je demeurai muet et interdit. Je ne parlai à personne, et, bien qu'à jeun, je ne ressentis ni faim ni soif de toute la journée, mais communiai seulement aux Saints Corps et Sang du Seigneur".



Le même homme vint de nouveau à Trimythonte le jour de la Saint-Spyridon. Comme il se prosternait et embrassait la châsse-reliquaire contenat le corps du Saint (4),

(4) : ( Le corps de Saint Spyridon est intégralement conservé intact et incorrompu dans une châsse-reliquaire),

son coeur fut si rempli de lumière et son âme inondée de joie que cela lui donna comme un avant-goût des biens célestes qui attendent les Saints.

Il alla ensuite au marché pour acheter quelques meubles, ainsi que des vêtements pour les pauvres et les indigents, car c'était l'hiver et il faisait froid; Puis, ces dispositions prises, il s'apprêtait à rentrer dans son pays où une nécessité urgente l'appelait quand, soudain, des nuages s'amoncelèrent, annonçant qu'une pluie diluvienne allait tomber. Ce brave homme se trouva fort embarrassé : devait-il entreprendre son voyage de retour par un si mauvais temps, et exposer son chargement à la pluie? Il se retrancha dans l'espérance : chargeant les meubles et les vêtements sur des bêtes de somme, il courut à l'église du Saint. Là, se prosternant sur la châsse, il étreignit le Saint, comme s'il était vivant, et le supplia d'être son compagnon de route et un guide sûr pour lui et son escorte, de faciliter leur voyage et de retenir la pluie ainsi que le vent violent; Sa prière achevée, il sortit de Trimythonte. Saint Spyridon fut avec lui pendant tout le voyage, non seulement de façon invisible, comme un compagnon de route, ainsi qu'il l'en avait supplié, mais sous forme visible également. Le vent soufflait et les nuages s'amoncelaient, mais la pluie était comme suspendue au-dessus d'eux : on aurait dit que la puissance du Saint la retenait et l'empêchait de se déverser.

Lorsque l'homme atteignit sa maison, le Saint disparut subitement. Le coeur du voyageur fut à nouveau illuminé d'une lumière indicible et rempli de joie - comme si le Saint avait touché son coeur et lui avait communiqué sa propre joie et son allégresse. Saint Spyridon redevenu invisible, et le voyageur une fois rentré dans sa maison, une pluie battante se mit à tomber et persista trois jours durant. Cette fois-là, le Saint avait supprimé les difficultés de son voyage; une autre fois, c'est d'une grosse peine qu'il le délivra :

C'était la Saint-Spyridon, mais ce brave Chrétien ne pouvait se rendre au tombeau du Saint pour le vénérer comme il le faisait chaque année, ce qui était pour lui un véritable malheur. Il supplia donc le Saint de ne pas le priver de la consolation ni de la Grâce qu'il lui accordait d'habitude en ce jour. Et que se passa-t-il? Il n'avait pas plus tôt achevé sa prière qu'il lui sembla se trouver dans l'église Saint-Spyridon. En même temps, il sentit la présence du Saint, lumière et douceur, l'envahir comme à l'accoutumée chaque année en ce jour de sa fête. Il lui sembla que Saint Spyridon était entré avec lui dans l'église et restait présent pendant tout l'office. Puis il bénit les assistants et disparut.



Je n'ai évidemment pas rapporté tous les miracles du Saint, mais ceux qui sont mentionnés suffisent aux amis de la vertu. Personne ne peut dire comment Saint Spyridon aide quotidiennement ceux qui le prient, hormis ceux qui bénéficient chaque jour de ses miracles et de sa Grâce. Mais nous ne devons pas frustrer les pieux Chrétiens malgré tout. Si quelqu'un se demande d'où provient cette pluie de miracles due à Saint Spyridon et pour quelles vertus le Christ lui a accordé tant de grâces, qu'il sache que toutes les vertus, comme d'un commun accord, se sont concentrées en la personne de Spyridon et qu'il est devenu un modèle de la vie parfaite en Christ; Mais il se distinguait pourtant des autres : par son humilité et sa modestie extrêmes. Lui qui dépassait presque tous ceux qui furent jugés dignes d'accomplir des miracles se considérait comme un homme vil et pécheur.

Ses miracles furent à la hauteur de ses vertus. Plais à Dieu que nous acquerrions, nous aussi, quelques-unes de ses vertus! je ne dis pas toutes, car c'est quasiment impossible. Avec son aide, imitons-le afin de jouir, nous aussi, des biens qui nous ont été préparés pour lui, pr la Grâce et l'Amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel, avec le Père et le Saint Esprit, appartiennent la gloire, l'honneur et l'adoration, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles (5).

(5) : ( Ici s'achève le texte de Saint Syméon le Métaphraste. Les miracles qui suivent sont tirés du livre du Métropolite Méthode, édité à Corfou en 1951 : Office et Vie de notre Père parmi les Saints Spyridon le Thaumaturge).



Dieu, qui conserve intacts les ossements des Justes en témoignage et affermissement de la Foi Orthodoxe et comme un indice éternel de leur vertu, conserva intact le corps de Saint Spyridon, en dépit des lois immubales de la nature; Car "lorsque Dieu le veut, l'ordre de la nature est vaincu" (6).

(6) : ( Cf. Ménées de Mars, trad. P. Denis Guillaume, éd. Diaconie Apostolique, Rome, 1983, p. 154).

Sanctifié par Dieu, son corps reçut, d'abord sous terre et ensuite sur terre, l'honneur et la vénération de tous les Orthodoxes. Il fut avant tout honoré par les Chrétiens de la cité impériale, qui vénéraient chaque jour avec piété cette précieuse relique. Lorsque le corps du Saint était exposé pour être vénéré (7), les emperuers eux-mêmes assistaient à l'office - ainsi que le chante le doxastikon (8) des Vêpres.

(7) : ( On ouvrait alors la châsse, comme on le fait encore maintenant, et le corps du Saint était placé à la verticale en station debout).

(8) : ( Tropaire ( courte composition poétique portant sur le saint ou l'événement fêté) chanté au Gloire au Père.).

Après la douloureuse prise de Constantinople, un pieux Corfiote, nommé Kalochairétis, transporta le corps du Saint à Corfou et le déposa dans une magnifique église. Devenu prêtre, il y célébra chaque jour l'Eucharistie. Après que le corps de Saint Spyridon eut été déposé dans cette église, de multiples guérisons et miracles eurent lieu par l'action du Saint-Esprit. Emerveillé par ces événements, le peuple de Corfou accourait chaque jour avec piété à l'église du Saint pour rendre grâces d'avoir reçu un tel trésor et d'avoir été jugé digne par la Divine Providence de posséder un tel patron pour sa ville. Lorsque Corfou fut rénovée et reconstruite ailleurs, les prêtres construisirent une autre église dédiée à Saint Spyridon. grâce à de riches dons venant du peuple et à de précieuses offrandes, cette église devint splendide. La châsse contenant le corps du Saint, placée bien en vue, y est glorifiée par de multiples miracles, et Spyridon le Thaumaturge stupéfie tout le monde par les prodiges qu'il accomplit après sa mort.

Lorsque l'île de Corfou fut privée de moyens de subsistance et subit la famine, Saint Spyridon apporta du blé par bateaux : il apparut en effet, le Samedi Saint, à des maîtres d'équipage et leur fit part de la nécessité dans laquelle se trouvait l'île; Ainsi, grâce à l'intervention du Saint, l'île affligée fêta Pâques avec joie et splendeur.

Un certain Théodore, commerçant venu d'orient, était devenu complètement aveugle; Avec une foi ardente, il accourut à l'église du Saint et recouvra la vue.

Une épidémie mortelle frappait Corfou et tous les habitants se réfugiaient à l'église Saint-Spyridon. Parmi eux, beaucoup étaient contaminés et, d'après les lois de la nature, la ville aurait dû être anéantie par l'épidémie. Mais, grâce à l'intercession de Saint Spyridon, ce peuple à la piété profonde ne subit presque rien et recouvra rapidement la santé.

Qui ne s'émerveillerait pas d'apprendre que des hommes tombés du haut du clocher de l'église, où, par dévotion pour le Saint, ils étaient audacieusement montés pour éteindre le feu qui y avait pris, ne subirent aucun mal?

Saint Spyridon rendit la vue à deux rameurs aveugles qui avaient été renvoyés de la flotte vénitienne à cause de leur infirmité. Tous ceux qui avaient été témoins de ce prodige furent vivement impressionnés et s'écrièrent : " Grand est Spyridon, le protecteur de Corfou!".

Un aristocrate tenait un jour des propos vains et stupides et se moquait d'un enfant qui, atteint d'une maladie incurable, s'était, lors de la procession, jeté sous la châsse contenant le corps du Saint; Corfou a gardé, en effet, la vieille tradition de faire des processions avec le corps de Saint Spyridon, comme on en fait avec les icônes. Bien plus, cet homme de la noblesse raillait les parents de l'enfant qui suppliaient le Saint en pleurant. La justice divine, cependant, l'atteignit bien vite. Au même instant, un coup de canon partit et la balle lui arracha l'oeil droit - ce dont beaucoup furent témoins. Par la suite, il manifesta son repentir en passant des nuits entières à prier avec larmes dans l'église du Saint.

Vers 1673, une maladie infectieuse décimait les villages, les bourgs et la ville, menaçant de mort les habitants de toute l'île, pour la deuxième fois en un an. Mais Saint Spyridon remédia à la maladie et guérit tous ceux qui avaient été contaminés. Ce fut vraiment un grand miracle le 13 juillet, jour où l'on fêtait le miracle de la guérison de l'aveugle Théodore, de voir ceux qui étaient à demi-morts recouvrer soudain la santé. Et le Dimanche des Rameaux, jour de la grande procession annuelle avec le corps du Saint, le fléau était enrayé.



Avec la prise du Péloponnèse (9),

(9) : ( Le Péloponnèse, reconnu propriété vénitienne par le traité de Karlowitz (1699), fut pris par les Turcs en 1715)

alors que les Vénitiens et les Ottomans se trouvaient en état de guerre, il sembla logique à l'audacieux chef des Turcs impies de chercher à s'emparer de Corfou. Et le 24 juin 1716, les Turcs attaquèrent et assiégèrent la ville par terre et par mer. Un cruel combat commença. Le feu et les armes oppressaient la ville et ses habitants. Après de violentes batailles qui durèrent cinquante jours, les Turcs décidèrent de concenter leurs forces avant de lancer une nouvelle offensive. Tous les Chrétiens, cependant, suppliaient Saint Spyridon avec larmes et gémissements. Et lorsque l'armée turque revint pour attaquer la forteresse de Corfou, la plupart de leurs troupes furent anéanties et se dispersèrent. Après cette défaite, les Turcs devinrent encore plus cruels et avides de meurtre. La menace d'une nouvelle incursion, d'une funeste captivité et de la mort planaient sur la ville. Mais les Chrétiens ne cessaient d'adresser prières et supplications à leur "Père", implorant avec grande foi sa protection. Aussi le dessein des Ottomans échoua-t-il : alors que les Corfiotes s'attendaient à la destruction de leur ville, le Grand Spyridon, notre Père, apparut à l'aube aux ennemis en compagnie d'une armée céleste innombrable. Un glaive étincelant dans la main droite, il chassait les Turcs avec colère; A la vue de ce prodige, les soldats turcs se dispersèrent aussitôt dans la confusion, craignant de recevoir une bastonnade invisible. Ils s'enfuirent sans combat, ni feu, ni épée, mais vaincus par la peur : personne, en effet, ne les chassa, si ce n'est la puissance invisible de Dieu, notre Sauveur, par les ardentes prières de Spyridon le Thaumaturge!

L'infanterie et la cavalerie turques ayant pris la fuite, la flotte leva l'ancre. Corfou resta donc libre. Au matin, alors que les habitants s'attendaient au combat habituel, ils ne virent plus personne : tout était calme et silencieux. Ils s'approchèrent avec curiosité des tentes ennemies et comprirent le miracle. Tressaillant d'allégresse, ils se réjouirent de cet événement extraordinaire : les Turcs étaient bien partis! Et de plus, ils s'emparèrent de leur butin. Quant aux Turcs, ils confessèrent ouvertement avoir été contraints de s'enfuir en débandade à la vue d'un moine respectable - Saint Spyridon -, apparu dans le Ciel en compagnie d'une glorieuse armée céleste. Tous les Corfiotes accoururent alors à l'église du Saint pour rendre grâces à Dieu et remercier le Saint hiérarque. Reconnaissant Saint Spyridon comme le libérateur de l'île et le protecteur des armées chrétiennes, l'aristocratie vénitienne, avec gratitude, envoya aussitôt un lustre aux multiples veilleuses en ragent pour l'église du Saint et décida que le 11 août, jour de la libération de l'île, aurait lieu chaque année une procession avec le corps su Saint, qui accomplissait tant de merveilles.



En raison de ce miracle, André Pizanis, chef de la flotte vénitienne et gouverneur de Corfou, eut l'idée de cosntruire un autel dans l'église du Saint, afin d'y faire célébrer quotidiennement l'Eucharistie suivant le rite latin. Il pensait remercier ainsi le Saint pour avoir libéré l'île du joug turc; mais comment Saint Spyridon, le défenseur de l'Orthodoxie, aurait-il pu permettre que s'accomplisse le Saint Sacrifice, la Divine Liturgie, dans sa vénérable église, par des prêtres non-orthodoxes, et avec du pain azyme? (10).

(10) : ( Contrairement à l'usage latin du pain azyme, hérité de la synagogue, l'Eglise Orthodoxe prescrit d'utiliser du pain levé pour l'Eucharistie ( cf. le canon 11 du Concile in Trullo 691-692).).

Le Saint apparut deux fois au gouverneur pendant son sommeil et lui ordonna d'abandonner son projet. Mais celui-ci n'obéit pas, accordant plus de foi à un théologien qui lui disait que son rêve était d'origine diabolique. Il menaçait même les prêtres préposés à la garde du corps du Saint, car ils refusaient une telle innovation. Vu que l'apparition de Saint Spyridon n'avait pas détourné le gouverneur de sa folle entreprise, le feu prit de nuit à la poudrière de la vieille forteresse. L'explosion fit s'écrouler les maisons situées alentour et tua André Pizanis, tous ceux qui étaient avec lui, ainsi que de nombreux Latins. André Pizanis fut étranglé entre deux poutres qui lui lacérèrent la gorge. Son mauvais théologien fut trouvé mort dans une cour. Le garde préposé à la surveillance de la poudrière voyait le Saint approcher, des torches à la main. Lui fut sauvé, car Saint Spyridon le transporta près de l'église du Crucifié. Un Vénitien habitant Corfou, qui se trouvait au grenier de sa maison à ce moment-là, vit trois flammes sortir du clocher de l'église du saint et se diriger vers la forteresse. Et aussitôt après, la réserve des munitions explosa. Cette même nuit, la foudre tomba à Venise sur le portrait de Pizanis et le consuma entièrement, sans que personne dans la maison ne subisse aucun mal. Tous ces événements extraordinaires - ô miracle! ô Saint Spyridon, gloire des Orthodoxes! - se passèrent le 12 novembre 1718.

Tel fut Spyridon, ardent défenseir de la Foi Orthodoxe, de son vivant et après sa mort! Mais qui pourrait raconter un à un les prodiges qui s'accomplissent quotidiennement par l'intercession du patron de notre ville?



C'était à l'époque où l'inoubliable Nicéphore Théotokis (11), le nouvel astre de l'Eglise, enseignait à Corfou, relatait les miracles de Saint Spyridon, et confiait ses auditeurs à la protection du Saint.

(11) : ( Clerc et brillant théologien grec (1730-1800), qui manifesta une grande activité littéraire, et fut par la suite évêque de Cherson).

En présence de témoins oculaires, il relata, deux semaines plus tard, ce miracle qui avait eu lieu le Dimanche des Rameaux : lors de la procession avec le corps plein de Grâce de Saint Spyridon, on avait amené une démoniaque qui écumait et grinçait des dents. Elle avait les mains et les pieds entravés, mais c'est à grand'peine que deux ou trois hommes parvenaient à contenir ses mouvements violents. Le visage sans plus d'apparence humaine, la voix déformée, elle mugissait comme un boeuf, ou aboyait comme un chien, ou encore vagissait comme un nouveau-né. On l'étendit à terre par trois fois, et le corps de Saint spyridon, qui opère des miracles, passa trois fois au-dessus d'elle, en symbole de la Sainte Trinité, que le Saint avait défendue au Concile de Nicée. La femme fut aussitôt guérie : elle cessa de gémir et de pousser ces cris bizarres, et se remit à parler normalement. On la délivra alors de ses liens. Elle se leva toute seule et se prosterna aux pieds du Saint pour le remercier de sa grande miséricorde.



Vers 1769, un soldat allemand parlysé, qui avait été mis à la retraite en raison de son handicap, supplia Saint Spyridon avec des larmes ardentes et recouvra miraculeusement la santé. Entendant les cloches des églises et les clameurs de la foule émerveillée, André Donas, le gouverneur de Corfou, convoqua les médecins des hôpitaux publics pour savoir s'il s'agissait bien d'un miracle. Apprenant que oui en vérité, il se précipita à l'église du Saint, où l'on chantait un office d'action de grâces.



En octobre 1855, le choléra, qui ravageait l'Europe, frappa soudain Corfou. Les premiers cas d'épidémie se manifestèrent au faubourg de Mandouki. La frayeur gagna la ville et toute l'île. La situation de la ville et des faubourgs, le grand nombre d'habitants répartis sur une petite surface, surtout dans certains quartiers, laissaient penser que le choléra allait sévir : la plupart des familles devraient se préparer au deuil et l'onreuserait une multitude de tombes. Dès que les premiers cas d'épidémie furent connus, tout le peuple, d'une seule âme, se préicpita de nuit à l'église du Saint et implora son secours, à genoux et dans les larmes. Trois nuits de suite, on adressa des supplications à Dieu et à Saint Spyridon. Et grâce à l'intercession du Saint, Corfou ne subit pas le sort commun de nombreuses autres villes où sévissait le choléra : le nombre des victimes y fut mille fois inférieur à ce que l'on redoutait. Qui aurait pu, en effet, calmer la juste colère de Dieu à notre égard et enrayer l'épidémie, sinon les supplications de notre protecteur compatissant, notre bon Père Spyridon le Thaumaturge, le défenseur de l'Orthodoxie et le champion de la Foi Orthodoxe?

Chaque année, le premier dimanche de novembre, comme on sait, une procession avec le corps du Saint rassemble une foule nombreuse. Certains, les médecins surtout, pensaient que l'affluence du peuple propagerait plus encore l'épidémie et que les fossoyeurs allaient travailler sans répit. Le peuple, cependant, ne partageait pas cette crainte. Car, en ce jour, il plaçait toute son espérance en Saint Spyridon!

La plupart des habitants de la campagne se précipitèrent à la ville et, tous, citadins et ruraux, se rassemblèrent sur la place, où le corps du Saint devait passer; Le clergé chanta une Paraclisis (12) à Saint Spyridon le Thaumaturge,

(12) : ( Office de supplication à la Sainte Trinité, au Christ, à la Mère de Dieu, aux Saints ou aux Anges, très populaire en Grèce, et célébré tout spécialement lors des catastrophes ou de toute situation de détresse)

et la foule, à genoux, et en proie à une profonde émotion, implora avec larmes le secours et l'intercession du Saint. Il était frappant de remarquer la foi et la piété de ce peuple envers Saint Spyridon. Et de fait - Dieu est admirable dans Ses Saints ( Ps 67, 36) - , le nombre des victimes diminua dès lors très sensiblement. Il n'y eut presque plus de morts : le choléra destructeur céda devant la puissance des prières du Saint, et le 11 décembre, l'épidémie était complètement enrayée.



Le Hiéromoine (13)

(13) : ( Du grec Hiéromonachos : moine-prêtre)

Grégoire Balmis relate le miracle suivant dans une revue parue en 1856. Vassilio, une femme née à Zagori en Epire, épouse de Jean Andréas, originaire de Bouno de Cheimaras, lieu où elle habitait avec son mari, partit le 13 juin 1853 en compagnie d'autres femmes du village au Mont Logara - à deux jours de marche - pour y ramasser du bois de pin, comme c'était leur habitude, et revint le 16 du même mois. Epuisée par la route et par le fardeau qu'elle portait sur ses épaules, elle s'assit pour manger, puis, alors qu'elle était encore en sueur, elle se lava les pieds et les mains à l'eau froide. Elle n'eut pas le temps d'achever que son bras et sa jambe gauches se contractèrent et furent paralysés - ce qui la consterna ainsi que ses voisines. Tout ce qu'entreprit la malheureuse femme plus de deux ans durant pour guérir et se libérer de sa paralysie le fut en pure perte. En proie à la tristesse et au désespoir, elle s'adressa même à un certain muezzin pour qu'il la guérisse. Mais elle dépensa beaucoup d'argent sans obtenir d'amélioration, et demeura à pleurer sa maladie incurable. Elle menait, comme on peut aisément se l'imaginer, une vie pitoyable. Elle se sépara de son mari avec le consentement de celui-ci et l'accord de l'Eglise : elle avait fini par être un fardeau pour elle-même et son entourage, lassé de s'occuper d'une femme privée d'autonomie. Pleurant et gémissant, avec repentir et le coeur brisé, elle supplia le Dieu très miséricordieux, par les prières et l'intercession de Ses Saints, de lui pardonner ses péchés et de la délivrer de sa douloureuse maladie.

En décembre 1855, elle vit en rêve un Prêtre qui frappa sa jambe paralysée en disant : " N'écris pas à ton frère à Corfou, comme tu le pensais, mais va toi-même là-bas!" Toute surprise, et pleine de curiosité, la femme lui demanda : " Qui es-tu? " Il répondit : " Je suis le Saint que tu as appelé tant de fois à ton secours." Après cette vision, la femme se réveilla remplie de crainte et, toute stupéfaite, raconta à ses voisins ce qu'elle avait vu. Tous furent d'avis qu'elle devait obéir aux paroles du Prêtre. Avec une foi ardente, elle décida avec joie d'exécuter tout ce que le Saint lui avait dit. Transportée dans un panier attaché sur un cheval jusqu'en Epire, elle fut, de là, débarquée à Corfou. Le spectacle de ce pauvre corps atteint d'une maladie incurable faisait frémir tout ceux qui le contemplaient. Du débarcadère, on la transporta en voiture à l'église Saint-Spyridon, où on la porta assise sur une chaise jusqu'à la châsse du Saint. Là, se prosternant en esprit aux pieds du Saint, elle pleurait, inconsolable, et le suppliait sans relâche d'intercéder auprès de notre Dieu Tout-Miséricordieux et Tout-Puissant pour qu'Il lui accorde le pardon de ses péchés, la santé de l'âme et du corps, et le salut éternel. Grand est le Nom de notre Seigneur Dieu! Ses larmes, qui témoignaient de sa foi ardente, et les prières de notre Saint protecteur fléchirent le Dieu compatissant. La deuxième des trois nuits de veille, aux environs de minuit, alors qu'elle était allongée près de la châsse du Saint, elle appela le prêtre de l'église et, des larmes de gratitude et de joie indicibles aux yeux, lui annonça que le Saint l'avait guérie : ses membres jusqu'alors pétrifiés s'étaient réchauffés et elle pouvait les bouger. Après s'être confessée avec contrition et vrai repentir au Père Prifti, qui parlait l'albanais, l lendemain matin, elle s'approcha toute seule des Portes Royales (14),

(14) : ( Portes situées au centre de l'iconostase ( cloison remplie d'icônes, qui sépare la nef du sanctuaire),

et, se tenant debout, elle fut jugée digne de communier aux Purs et Vivifiants Mystères. En bonne santé, elle passa le reste de sa vie à rendre grâces au Très-Haut et à proclamer la gloire indicible dont jouit Spyridon le Thaumaturge auprès de Dieu.



Au début de novembre 1861, Jean Pallios, le fils unique et très cher de Spyridon et Catherine Vrikou, Grecs Orthodoxes installés depuis des années à Barletta -une ville de l'Italie méridionale - fut gravement atteint par la fièvre typhoïde. Malgré tous les moyens employés par la médecine dix-sept jours durant, l'état de l'enfant, alors âgé de huit ans, ne cessait d'empirer. Au matin du 17ème jour, il avait, selon la formule médicale grecque, une mine hippocratique, c'est-à-dire qu'il présentait tous les symptômes d'un moribond : pouls filant et presque imperceptible, extrémités des membres immobiles er glacées, voix inexistante et le râle typique des mourants.

En cet instant terrible, la mère de l'enfant, qui, pendant toute la maladie, n'avait cessé de pleurer et de supplier, à genoux, Saint Spyridon, intensifia ses larmes et ses supplications. Et soudain, comme sous l'impulsion d'une inspiration divine, elle s'écria : " Je veux que l'on envoie immédiatement un télégramme à ma famille de Corfou, afin qu'ils fassent ouvrir la châsse du Saint et célébrer une Paraclisis pour mon Jeannot. Grâce au pouvoir d'intercession qu'il possède auprès de Dieu, Saint Spyridon sauvera mon enfant et me le rendra, car je l'ai beaucoup supplié et le supplie encore de toute mon âme et de tout mon coeur." On expédia aussitôt le télégramme et vers 11 heures du matin -ô miracle! - au moment où l'on ouvrait à Corfou la châsse de Saint Spyridon et célébrait la Paraclisis, l'enfant, dont l'état avait encore empiré, fut soudain saisi d'un tremblement spasmodique, qui agitait tout son corps. Les médecins présents pensèrent que c'était là le dernier soubresaut de vie, alors qu'en fait, grâce à l'intercession du Saint, le corps de l'enfant, par cette violente secousse, rejetait la maladie mortelle! Peu après, les spasmes cessèrent et l'enfant transpira abondamment. Il ouvrit les yeux, son visage reprit des couleurs, son pouls redevint normal : il présentait tous les signes de la vie, si bien que les médecins eux-mêmes s'exclamèrent avec émerveillement : " Un miracle a vraiment eu lieu! Dieu est admirable dans Ses Saints!".

Commença ensuite la convalescence, qui fut longue, car, à la consternation de ses parents, l'enfant restait muet. Mais la guérison fut totale. Par les prières de Saint Spyridon le Thaumaturge, le 11 décembre, veille de la fête du Saint, la langue de l'enfant se délia et il se remit à parler. Il recouvra donc complètement la santé, afin que soient glorifiés Dieu ainsi que son fidèle serviteur Spyridon le Thaumaturge!



Le miracle suivant fut rapporté par celui qui le vécut personnellement, Christos Diamandoudis, élève de l'écolde de police de Corfou. Il le relata à l'évêché de Corfou, en présence de Charalampos Komninos, sergent de la police urbaine, et de Christos Tsatsaris, élève de l'école; Ce miracle fut aussi confirmé pa d'autres élèves qui en avaieent été témoins oculaires.

Le 12 février 1935, Christos Diamandoudis se trouvait au café situé près de l'école, en compagnie d'autres élèves : Panaghiotis Skylakakis, Spyridon Kaloudis et Aistide Guéorgakopoulos; Tous écoutaient Spyridon Trivyza, le patron du café, raconter des miracles du Saint; Christos Diamandoudis, lui, manifestait son incrédulité par toute sa conduite, et était plein d'irréverence envers Saint Spyridon. Aussitôt, il sentit ses forces réduites à l'impuissance et, sous l'effet d'un trouble intérieur, il fut agité de mouvements convulsifs. Au même instant, on entendit deux coups frappés à la porte, comme si qulequ'un lançait des pierres. Perturbé, Christos Diamandoudis se leva et rentra à l'école. La police fit immédiatement une enquête au sujet des coups frappés, mais on ne put rien éclaircir; On ne trouva pas de pierres et on conclut donc que ces coups n'étaient pas d'origine humaine.

La conversation, qui avait été interrompue, se poursuivit après le départ de Diamandoudis, et on discuta du pour et du contre l'origine surnaturelle d el'incident. En proie à l'agitation, Diamandoudis se mit à errer dans les couloirs de l'école, alors que c'était l'heure de l'étude. Le sergent Charalambos Kominos, qui le renontra, lui en fit la remontrance, et Diamandoudis lui raconta alors en détail ce qui s'était passé. A ce récit, le sergent lui conseilla de se repentir et de demander pardon au Saint. Diamandoudis passa une nuit affreuse : il fut troublé et inquiet, car il entendait à intervalles réguliers des coups identiques à ceux frappés à la porte du café, et il ne put fermer l'oeil de la nuit. Il passa également le lendemain matin; 13 février, dans l'inquiétude, hésitant entre la foi et l'incrédulité, la piété et l'impiété. So camarade et ami, Christos Tsatsaris, lui conseilla d'aller à l'église Saint-Spyridon, d'embrasser la châsse du Saint, d'allumer un cierge, et de demander pardon. Lui-même l'accompagna. Mais dès qu'ils entrèrent dans la pièce où se trouve la châsse contenant le corps du Saint, Diamandoudis sentit une force invisible le repousser vers l'extérieur, et il fut contraint de s'appuyer, effrayé, contre la porte; Son camarade, qui l'accompagnait avec crainte de Dieu, l'incita à s'avancer et à embrasser la châsse, mais cela s'avéra impossible. Le prêtre de l'église, le Père Constantin Skafidas, qui avait saisi ce qui se passait, le prit alors par la main, le conduisit près de la châsse du Saint, et chanta une Paraclisis pour que l'élève malade et efrayé recouvre la santé. Pendant cet office d'intercession, Christos Diamandoudis sentit une force invisible - comme un courant électrique - sortir de la châsse, parcourir son corps et le réchauffer. Simultanément, il entendit, comme il le raconta lui-même, un claquement frappé de l'intérieur de la châsse.

La nuit suivante, Diamandoudis fut assez paisible. Il s'endormit vers le matin, et vit en rêve Saint Spyridon, sous l'aspect d'un vieillard aux cheveux blancs, qui le reagardait gaiement. Le lendemain, avec piété et vrai repentir, il se rendit à nouveau à l'église pour vénérer les pieds du Saint et lui demander pardon. Sa santé se rétablit tout à fait, sans intervention des médecins, et il continua ses études à l'école de police, rendant grâces à Dieu et remerciant Saint Spyridon de lui avoir accordé la santé de l'âme et du corps.



Le 12 octobre 1939, au début de la seconde guerre mondiale, le bateau à vapeur "Aris" naviguait à 175 milles des côtes nord-ouest de l'Irlande. Soudain apparut un sous-marin allemand. Le bateau stoppa aussitôt et l'équipage se rassembla sur le pont. Le sous-marin lança deux tirs explosifs : Georges Tsakilis, le second, fut tué, ainsi qu'un marin, et sept autres furent grièvement blessés. Les Allemands firent ensuite signe à l'équipage de quitter le bateau. Les marins montèrent dans les canots de sauvetage, emmenant les blessés avec eux. Les Allemands coulèrent alors le navire à coups de canon. Les marins parvinrent tout juste à s'éloigner à temps du tourbillon causé par le naufrage du bateau, ayant eu seulement le temps de prendre avec eux une boîte de fusées éclairantes, afin de pouvoir lancer un signal de détresse. Ils attachèrent les deuc chaloupes ensemble, afin qu'en cas de danger, tous aient le même sort. Les marins restèrent deux jours et deux nuits dans les chaloupes, à une distance colossale de la terre, à la merci du vent et des vagues de l'océan atlantique et sans espoir de secours. Parmi les naufragés se trouvait le rdio, Georges Kokkinos (15), un jeune Corfiote très croyant, dont le coeur et la pensée étaient tournés vers Dieu :

(15) : ( Ce miracle fut connu grâce à une lettre de Georges Kokkinos, conservée dans les archives de l'église Saint-Spyridon. Lui-même vint en personne à Corfou en 1951, à l'invitation du Métropolite Méthode, pour confirmer le miracle et aider à le consigner).

il appelait Saint Spyridon à l'aide, persuadé que le Saint ne les abandonnerait pas. Et de fait, c'est seulement grâce à l'assistance du Saint que les naufragés, qui étaient restés deux jours et deux nuits sans manger ni boire, furent préservés de la noyade. Hormis quelques incrédules, tous constatèrent de leurs propres yeux que le Saint les encourageait et leur prêtait assistance. Le 13 octobre, en effet, à 16h25, l figure de Saint Spyridon, sous l'aspect d'un vieillard aux cheveux blancs, dessinée de la tête jusqu'au buste comme par un peintre habile, se profila toute lumineuse au nord-oues de l'horizon. Elle disparut ensuite sans se désintégrer. Non seulement Georges Kokkinos, mais d'autres naufragés également virent cette apparition. Lui, cependant, fut le seul à interpréter ce phénomène comme un signe de la protection du Saint. La deuxième nuit, vers minuit, les naufragés virent au moin, au nord-ouest à l'horizon, d'abord une lumière, puis deux, et ensuite plusieurs. Pensant que c'étaient des chalutiers, ils lancèrent des fusées éclairantes en signe de détresse, se mirent à crier et à ramer en direction des lumières. Mais peu après, toutes ces lumières disparurent.Les incroyants parmi les vingt-huit naufragés se mirent alors à blasphémer. Georges Jokkinos leur cia de cesser leurs blasphèmes et de prendre conscience de la situation désespérée qui était la leur, d'où seule la Miséricorde de Dieu pouvait les sauver! De fait, comme le lui disait sa foi, seule l'intervention de Saint Spyridon les poussa à virer pour ramer dans la direction des lumières apparues : à l'aube de cette même nuit, en effet, arriva un bateau comme envoyé par Dieu. ET au matin du 14 octobre à 4h25, ils montèrent l'echéelle du navire à vapeur danois "Sikélia", qui s'était arrêté pour les prendre à bord. Georges Kokkinos et les plus sensés des naufragés attribuèrent leur sauvetage à un miracle de Saint Spyridon et rendirent grâces à Dieu à juste titre : en tant que marins, ils étaient bien compétents pour estimer leurs chances de salut et la gravité du danger dans lequel ils se trouvaient!

De retour au Pirée, treize des naufragés qui avaient été sauvés envoyèrent en offrande à l'église Saint-Spyridon deux petites barques en argent, liées entre elles par une chaîne en argent, en souvenir de leur sauvetage et en guise de remerciement au Saint.



Le miracle suivant eut lieu le 11 août 1946, à la fin de la procession avec le corps du Saint. " Il y a huit ans, raconte Catherine, épouse de Basile Yfanti, - la femme qui fut guérie -, je perdis la parole à la suite d'une congestion cérébrale, et mon droit fut paralysé. Quatre ans plus tard, j'eus une autre congestion, et ma jamabe gauche, cette fois, fut paralysée; Pendant huit ans, je ne pus parler. Avec beaucoup d epeine et d'efforts, je réussissais parfois à articuler un mot à peine audible, puis après un long moment, à nouveau avec grand peine, je prononçais un autre mot, sans rapport avec le premier. Personne ne pouvait donc rien saisir. Je me faisais comprendre par signes de tête. Après ma deuxième congestion, paralysée, je restais en permanence couchée dans un lit, ou bien on me transportait dan sune couverture. Je consultais les médecins, qui me firent perdre l'espoir de guérir. Torturée par la maladie, et n'ayant plus d'espoir dans les médecins, je me tournai vers Dieu et plaçai en Lui mes espérances. Je lui rends grâces et L'adore d'avoir eu pitié de moi. Un jour, je poussai des gémissements assez forts, comme si je criais, et prononçai avec grand peine les mots : " Saintt Spyridon". Puis je redevins muette comme auparavant. Mon mari, qui se trouvait à mes côtés et m'entendit, comprit que je lui demandais de m'emmener vénérer le corps du Saint et, sans hésiter, il me promit avec empressement d'accéder à mon désir. Et le 10 août, veille de la procession, on me mit dans une couverture pour me descendre dans la voiture qui nous transporta à Igouménitsa. De là, à nouveau dans une couverture, on me transporta jusqu'au bateau, et de même à Corfou pour le trajet du port à l'église, où j'arrivai hier au soir. Je restai allongée sur les dalles de l'église, et assistai aux Vêpres et à la Liturgie. Au Verset de Communion (16),

(16) : ( Verset de psaume chanté par le choeur avant la communion),

je fis signe à ma famille et on me porta pour que je communie. Depuis la balustrade, où mon mari et mon fils me portèrent, j'assistai au début de la procession, alors qu'elle sortait de l'église. Lorsque le Saint passa devant moi, je pleurai d'émotion et essayai de parler pour Le supplier d'avoir pitié de moi, mais en vain. Au retour de la procession, comme le son des musiques se rapprochait, je fis signe à mon mari de me mettre devant, sur les marches de l'ambon (17),

(17) : ( emplacement surélevé situé devant l'iconostase, sur lequel se tiennent les Prêtres),

où le Saint allait passer. Devinant ce que je voulais, mon mari, qui ne m'a jamais rien refusé, obéit aussitôt et me transporta sur les marches. Cependant, dès que les policiers m'aperçurent, ils se mirent à crier pour obliger mon mari à me déplacer. Mais devant mon insistance et mes larmes, ils furent touchés et me permirent de rester. Mon émotion était grande, en pensant que Dieu me ferait la grâce que le Saint passe au-dessus de moi. J'étais persuadée qu'après je me sentirais mieux. Et en vérité! Grande est la Grâce que possède Saint Spyridon! Que son nom soit béni!

La procession allait s'achever. Les prêtres entrèrent dans l'église, puis le corps du Saint, qui allait passer au-dessus de moi, entra, lui aussi, dans l'église. Aussitôt après le passage de la Sainte Relique du Saint corps intact, mon mari, aidé d'une femme, se précipita pour me soulever, afin que je ne sois pas piétinée par la foule, et me déposa dans une stalle. Un quart d'heure plus tard environ, alors que tout était terminé et que la plupart avaient quitté l'église, je sentis que ma langue était déliée et mon pied guéri. J'essayai de parler et y parvins sans aucune difficulté. J'essayai mon pied et, ô merveille, je pus le bouger. Toute joyeuse, je tentai alors de me lever et de marcher : appuyée à la stalle, je me levai et me tins droite, puis je pris appui sur mon pied paralysé depuis quatre ans! Saint Spyridon m'avait guérie!

Et de fait, Saint Spyridon, qu'elle avait vénéré avec piété et contrition, l'avait guérie. Sa foi persévérante et inébranlable avaient accompli le miracle. Dieu, qui exauce toujours nos supplications lorsque nous L'invoquons avec foi, par l'intercession de Saint Spyridon, exauça la supplication de son humble servante : Il lui rendit la parole qu'elle avit perdue huit ans auparavant et guérit son pied paralysé depuis quatre ans!



Du miracle suivant, il existe dans les archives de l'église Saint-Spyridonun procès-verbal daté du 14 décembre 1948. Angélique Papafloratou, célibataire de 42 ans, originaire du village d'Agrostoli dans l'île de Céphalonie, vivait en 1948 à Patras. Possédée par le démon depuis dix ans, elle souffrit pendant longtemps et les médecins ne parvenaient pas à la guérir. Sa famille l'emmena à l'église Saint-Gérassime, qui abrite le corps vénérable (18) du Saint et elle fut guérie;

(18) : ( Le corps de Saint Gérassime le nouvel ascète (1509-1579) est conservé intact et incorrompu dans l'île de Céphalonie, où il accomplit beaucoup de miracles, surtout en faveur des possédés.).

Certains considéreront peut-être qu'il n'est pas sérieux de s'arrêter à cel. C'est pourtant en accord avec les paroles du Christ dans l'Evangile : " En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi, fera aussi les oeuvres que je fais et il en fera de plus grandes" ( Jn 14, 12). Seule l'incrédulité insensée du rationalisme nie la vérité de l'Evangile.

En octobre 1947, Angélique Papafloratou subit une nouvelle crise démoniaque. Elle souffrait beaucoup et elle ne s'apaisait qu'en de brefs instants. On la conduisit à nouveau à l'église Saint-Gérassime, où elle resta quelques jours, sans toutefois être guérie. Or, un jour, en proie à une crise démoniaque, elle cria soudain à sa famille qui l'accompagnait : " Nous n'allons pas rester ici! Nous irons chez Spyro!" Ses proches la reconduisirent à Patras, sans qu'elle ait été guérie. Et le 11 décembre, début des trois jours où l'on fête Saint Spyridon, elle arriva de grand matin à Corfou. Sa mère ainsi que d'autres membres de sa famille l'accompagnaient. Ils la conduisirent à l'église du Saint, et, voyant qu'elle était calme et paisible, profitèrent de l'occasion pour la mener au prêtre. Elle se confessa et communia aux Purs Mystères. Le soir et toute la nuit suivante, elle resta dans l'églie et assista à l'agrypnie (19).

(19) : (Agrypnie. Du grec agrypnia, absence de sommeil : vigile de toute la nuit, se terminant normalement par la célébration de la Divine Liturgie. Les agrypnies sont très fréquentes dans les églises et les monastères grecs).

Le lendemain, 12 décembre, sous la surveillance de sa famille, elle assista à la Divine LIturgie célébrée pr l'évêque. Elle se tenait par terre, à droite au fond de l'église, quand, à l Grande Entrée (20), au momant où les prêtres sortirent du sanctuaire avec les Saints Dons, elle fut soudain prise d'une crise démoniaque, et se mit à hurler : " je m'en vais, Spyro, je m'en vais!"

(20) : (Grande Entrée : Transfert des Dons de la Prothèse ( autel latéral où se fait la préparation des oblats) à l'Autel : sortant du sanctuaire par la Porte Nord ( porte latérale située à gauche de l'iconostase), en portant le calice et la patène, le prêtre rentre dans le sanctuaire par les Portes Royales et dépose les Dons sur l'Autel).

Au même instant sortit de sa bouche comme une fumée blanche, comme un fort souffle de vent : Angélique était guérie. Accompagnée de sa mère, elle s'avança à genoux et vénéra les pieds du Saint, qui était exposé debout, comme c'est l'usage en ces jours de sa fête. L'assistance avait avec émerveillement suivi ce qui s'était passé. Tous comprirent qu'un miracle avait eu lieu, et invoquèrent Saint Spyridon avec larmes et émotion. Ce miracle fut constaté également par l'évêque, qui célébrait à ce moment. Les cris effrayants d'Angélique avaient , en effet, troublé toute l'assistance. La femme fut lors complètement guérie.

Le 11 décembre de la même année, veille de la Saint-Spyridon, l'épouse de Constantin Démiris, originaire de Zagori en Epire, arrivait à Corfou avec son fils Georges de onze ans, afin que le Saint le guérisse. L'enfant, en effet, était né muet. Les parents s'étaient adressés à de nombreux médecins, mais la science médicale était impuissante. Avant de venir à Corfou, ils avaient fait le tour des principales églises d'Epire en suppliant Dieu de guérir leur enfant. Or quelques jourq avant la Saint-Spyridon, la mère du petit Georges eut un rêve et vit le Saint guérir son enfant. Elle en fit part à son époux et exprima le désir d'emmener leur fils à Corfou, à l'église du Saint, où viennent tnt d'autres malades pour être guéris. Avec le consentement de son mari, elle partit donc à pied avec leur petit Georges et ils arrivèrent près d'Igouménitsa. Là seuement, ils trouvèrent un moyen de transport, mais la mère ne perdit pas espoir d'arriver à temps pour la fête. Et de fait, le 11 décembre, ils atteignirent Corfou. Ils allèrent à l'église Saint-Spyridon et prièrent avec foi pendant les deux agrypnies et la Divine Liturgie des 12 et 13 décembre.

Le 13 décembre, à quatre heures de l'après-midi, au moment où l'on fait dans l'église trois processions avec le corps du Saint avant de le remettre dans sa châsse, la mère étendit son enfant à terre, afin que la Vénérable Relique du corps intact passe sur lui. Or dès que le corps du Saint, porté par trois prêtres, passa sur lui, Geoges Démiris, l'enfant muet, se leva fou de joie et cria à l'assemblée : "Salut, salut!" De la foule, qui avait aussitôt perçu qu'un miracle avait eu lieu, jaillirent des cris d'émotion, de louange et d'action de grâces à Dieu at au Saint; Quelques marins, qui se trouvaient près de l'enfant, le soulevèrent dans leurs bras, le portèrent en triomphe autour du marché, et s'apprêtèrent à l'emmener au poste de police. Mais le petit Georges, jadis muet et maintenant guéri, cria : " Pas à la police! Allons chez Pétino!" Il voulait dire chez l'homme qui l'hébergeait aunsi que sa mère. En raison du miracle, la foule, au lieu de se disperser, se concentrait plus encore dans l'église pour voir l'enfant qui avait été guéri. Le P ère Constantin Skphfidas le souleva alors dans ses bras, monta les marches devant les Portes Royales et le montra à la foule. Fou de joie, Georges, le petit miraculé, saluait la foule en disant : " Salut, salut!". Rempli de bonheur du fait de sa guérison, il rentra dans son village avec sa mère, et fut désormais en bonne santé.



Tel fut, Chrétiens bénis de Dieu, la vie de Saint Spyridon. Tels furent les plus célèbres de ses miracles innombrables. Car, en vérité, qui pourrait les compter? Les habitants de Corfou sont témoins des prodiges sans nombre que, par la Puissance du Christ, Saint Spyridon continue d'accomplir. Non seulement les Orthodoxes, mais les catholiques aussi témoignent de sa Grâce de thaumaturge.

Ceux qui voyagent sur mer et ceux qui subissent malheurs et afflictions s'adressent tout spécialement à lui. Les nombreux objets précieux offerts à l'église Saint-Spyridon sont une preuve manifeste des miracles éclatants que le Saint accomplit. Ceux qui ont recours à lui avec foi et contrition ne manquent pas d'être exaucés.

REndons gloire et action de grâces au Dieu de Bonté et de Miséricorde, qui a accordé à Corfou, notre patrie bien-aimée, de posséder ce trésor sacré, Saint Spyridon, notre grand et admirable protecteur, et chantons : " Dieu est admirable dans Ses Sains!" (21).

(21) : ( Ps 67, 36).

A Lui appartiennent la gloire, la puissance, l'honneur et l'adoration pour les siècles des siècles.



AMEN



TABLE DES MATIERES



Introduction

Tropaire, Kondak e Mégaliniaire de Saint Spyridon.

1ère partie : Vie de Saint Spyridon.

2ème partie : Miracles de Saint Spyridon.





FIN