mercredi 27 janvier 2021

Saint Gabriel le Fol en Christ, par Jean-Claude Larchet

 

JEAN-CLAUDE LARCHET



SAINT GABRIEL LE FOL EN CHRIST DE GEORGIE



COLLECTION GRANDS SPIRITUELS

ORTHODOXES DU XX° SIECLE

EDITIONS L'AGE D'HOMME



Ouvrage publié avec la bénédiction de

Sa Sainteté et Beatitude le Catholicos-Patriarche

de Géorgie Elie II



2015 by Editions L'Age d'Homme, Lausanne, Suisse



Catalogue et informations: écrire à L'Age d'Homme, CP 5076, 1002 Lausanne (Suisse).



AVANT-PROPOS



Saint Gabriel (1929-1995), qui a été canonisé en 2012 par l'Eglise de Géorgie, appartient à une catégorie de saints qui est très spéciale mais qui a toujours été représentée dans l'Eglise orthodoxe au moins depuis le III° siècle et jusqu'à nos jours : celle des fols-en-Christ ( ou fous-pour-le-Christ), appelés en grec saloi et en russe jurodivyj.

Ceux-ci sont devenus rares depuis plusieurs siècles en Grèce et dans les pays hellénophones. En revanche, ils ont été nombreux en Russie entre le XVI° et le XIX° siècles; il y en avait encore un certain nombre dans les deux premières décennies du XX° siècle, mais ils ont été durement traités par l'Etat communiste qui les a éliminés de la vie sociale en les internant dans des hôpitaux psychiatriques.

Saint Gabriel est sans aucun doute l'un des derniers fols-en-Christ connus dans le monde orthodoxe. Il est décédé il y a seulement vingt ans, a été canonisé par l'Eglise de Géorgie moins de vingt ans après sa dormition, et beaucoup de ses enfants spirituels, et d eceux dont il a réorienté la vie, ou qu'il a marqués par ses paroles, ses actes ou ses miracles sont aujourd'hui parmi nous et peuvent témoigner de manière vivante de sa vie, de sa personnalité et de ses charismes.

Saint Gabriel est une figure originale de la spiritualité orthodoxe contemporaine non seulement en tant que fol-en-Christ, mais encore parce qu'il fut dans le même temps un confesseur de la foi, un martyr des persécutions communistes, et un authentique starets, doué des charismes de clairvoyance et de prophétie qu'il a mis au service de ce qui, dans la vie spirituelle, outre l'humilité, lu paraissait essentiel: l'amour du prochain. Un amour qui chez lui se manifeste souvent par des moyens détournés, qui parfois brusque les gens pour les réveiller de leur torpeur et provoquer en eux un électrochoc spirituel, mais qui est toujours authentique et profond, et n'a d'autre but que d'aider chaque personne à se réorienter vers Dieu et à se rapprocher de Lui. Les nombreux miracles accomplis par saint Gabriel avant et après sa mort témoignet abondamment qu'il fut un porteur de l'Esprit et un dispensateur généreux de la grâce divine.

Saint Gabriel n'a pas laissé d'écrit et ses homélies n'ont pas été enregistrées. Mais le témoignage de sa vie tout entière, les apophtegmes que nous ont légués les témoins de celle-ci, et les paroles qu'ont recueillies ceux qui l'ont approché, constituent des enseignements forts pour la vie spirituelle, dont nous souhaitons à tous les lecteurs de ce livre de tirer profit.

Cet ouvrage est grandement redevable aux divers documents mentionnés dans la bibliographie. C'est moins une oeuvre originale qu'un travail de composition, d'ordonnancement, de traduction et de réécriture.

Il m'a paru nécessaire de l'accomplir pour trois raisons :

1) Les sources que je viens de mentionner sont informelles : mal organisées, souvent mal rédigées et mal traduites en français pour celles d'entre elles qui l'ont été; aucune d'elles n'aborde le sujet dans sa totalité et ne constitue un livre qu'il aurait été possible de reprendre.

2) La collection "Grands spirituels orthodoxes du XX° siècle", après plus de vingt volumes consacrés à des spirituels grecs, russes, roumains et serbes, se devait de faire place aussi à un éminent représentant de l'antique et vénérable Eglise de Géorgie.

3) Saint Gabriel m'est devenu, au cours de la dernière décennie, familier : à la fin de mes différents voyages en Géorgie, qui ont précédé sa canonisation, je suis allé me recueillir sur sa tombe et vénérer ses reliques, accompagné soit de mon ami l'archevêque Stéphane de Tsageri et Lentekhi, soit de l'un de mes amis géorgiens qui était un disciple de saint Gabriel et qui est devenu prêtre conformément à l'une de ses prophéties, si bien que j'ai pu prier lors des pannychides improvisées célébrées par l'un ou l'autre; j'ai pu aussi rencontrer plusieurs proches du saint -dont Mère Paraskéva,qui fut sa servante de cellule et sa plus proche fille spirituelle parmi les soeurs de Samtavro -, les entendre évoquer sa mémoire, et recueillir auprès d'eux quelques anecdotes.

Je remercie Sa Sainteté et Béatitude le Patriarche- Catholicos Elie II, que j'ai eu le privilège de rencontrer lors de chacun de mes voyages en Géorgie, d'avoir béni la publication de ce livre. Il avait une profonde vénération pour le Père Gabriel et fut toujours pour lui un fidèle soutien.





VIE



1. La petite enfance.

Goderdzi Ourguébadzé ( le futur saint Gabriel) est né le 26 août 1929 à Tbilissi, la capitale de la Géorgie. Ses parents s'appelaient Vassili et Barbara. Ils avaient déjà deux enfants, Emma et Michaël, et eurent, après la naissance de Goderdzi, une seconde fille, Julietta.

Son père était non seulement communiste mais athée militant, puisqu'il participait à la destruction d'églises, et sa mère n'avait que peu d'intérêt pour la religion (1).

(1) : (Sous l'influence de son fils, elle deviendra moniale à la fin de sa vie, sous le nom d'Anna, au couvent de Samtravro où elle décédera en 2000).

Aussi est-ce par les soins d'une ancienne moniale, Tamar Beguiaschvili (2), qu'il fut baptisé, à l'église Sainte-Barbara, située non loin du domicile familial, dans le quartier de Navtlughi.

(2) : ( Beaucoup de monastères avaient été fermés par le pouvoir communiste, et souvent leurs moines ou moniales se trouvaient contraints de vivre en ville comme de simples laïcs).

Goderdzi avait environ deux ans quand son père fut assassiné dans des circonstances obscures. Sa famille lui donna alors le prénom de Vassiko (3) en mémoire de son père.

(3) : ( Diminutif de Vassili : " Petit Basile").

Dans son enfance Vassiko, bien que ne bénéficiant d'aucune éducation religieuse, montrait des dispositions pieuses. Il aimait construire de petites églises avec des allumettes. Certains jours de la semaine, il ne consommait pas toute la nourriture qu'on lui servait, bien qu'elle ne fût pas abondante en ces temps de disette; cela étonnait beaucoup sa mère.

Il préférait la solitude aux jeux avec les enfants de son âge; il était calme et restait volontiers silencieux.

Il aimait beaucoup les animaux. Par exemple, il souffrait que l'on tuât ou blessât avec des pièges les souris dont on voulait se débarrasser, et il confectionnait lui-même de petites cages pour les prendre vivantes et les relâcher ensuite dans la nature. Il avait une familiarité surprenante avec les oiseaux : l'un de ses divertissements favoris était de courir, un petit bâton à la main, et d'être suivi par une foule d'oiseaux gazouillants, dont certains venaient se poser sur sa tête ou sur ses épaules.

Il entra à l'école primaire à l'âge de six ans. C'était un élève studieux, que ses maîtres et ses camarades appréciaient beaucoup pour sa gentillesse.

A l'âge de sept ans, il entendit parler du Christ d'une façon qui le marqua profondément et orienta sa vie dans une direction nouvelle. Il assista un jour à la querelle de deux voisins, où l'un disait à l'autre : "Tu aimerais me crucifier comme le Christ, hein!" Vassiko demanda alors à son entourage pourquoi le Christ avait été crucifié. On lui conseilla de se rendre à l'église pour poser cette question au prêtre. L'église était alors fermée, mais le gardien, qui s'était enquis d ela raison de sa visite, lui conseilla de lire "le livre sur Jésus-Christ". Il économisa de l'argent pour s'acheter un Evangile, et il n'eut plus qu'une idée : vivre pour le Christ. Perdant presque tout intérêt pour les choses extérieures, il passait chaque jour de longs moments à lire et à relire les Saintes Ecritures. En rentrant de l'école, il faisait rapidement ses devoirs pour avoir plus de temps à consacrer à la Parole de Dieu. Le soir, il priait longuement.



2. Les charismes et les miracles d'un enfant de douze ans.

Sa piété se développa dans les années qui suivirent. Alors qu'il était âgé de douze ans, il eut, en relation avec l'ardent combat qu'il menait contre le mal, la vision d'un démon, qu'à la fin de sa vie il relata ainsi : " Une nuit, alors que je dormais, je fus soudain révéillé et je vis en face de moi un démon avec un visage terrible. Il me regardait plein de rage. Grâce à la miséricorde de Dieu, je n'eus pas peur, mais j'étais néanmoins tendu. Cependant, je n'ai rien fait pour le chasser. Je l'ai simplement regardé avec surprise. Il rugissait contre moi, me disait : " Tu te bats contre moi, n'est-ce pas?" Et il me frappa avec le poing." Lorsque sa mère entra dans la chambre, elle trouva son fils étendu sans connaissance.

Cet épisode, éprouvant spirituellement, psychiquement et physiquement, fut pour lui providentiel : il renforça sa foi en Dieu, et lui fit mesurer concrètement l'efficacité de la prière pour lutter conre les puissances du mal. " En voyant le démon, dira-t-il plus tard, ma foi dans le Christ s'est renforcée et je me suis dit : " Si le diable existe, alors Dieu existe plus encore.""

Durant la même période, le zèle spirituel du jeune Vassiko lui valut une autre vision, qui cette fois lui révéla en un signe prophétique le mode de vie qui allait être le sien pendant toute son existence terrestre : celui de la crucifixion spirituelle librement endurée par amour pour Dieu et pour le prochain : " J'étais assis sur le balcon, au deuxième étage, plongé dans mes pensées, quand une voix intérieure m'ordonna de regarder le ciel. Je me levai, je me déplaçai jusqu'au bord du balcon, je levai les yeux et je vis une grande croix dressée dans le ciel. Je ne savais pas alors - mais je le sais maintenant - que c'était la croix que j'allais devoir porter pour l'amour de Dieu et de mon peuple."

Habité par la grâce du Saint-Esprit le jeune Vassiko se montrait à cet âge capable d'accomplir des actes outrepassant les limites des lois naturelles.

La moniale Pélagie ( Ksovreli), qui avait le même âge que lui et était sa voisine, rapporte cet épisode : " Un jour d'été, mon oncle vint à la maison et nous dit : " Gloire à Jésus-Christ, notre Seigneur : il semble qu'Il prend soin de Ses élus sur la terre!" Nous lui demandâmes ce qu justifiait ce propos. Il nous raconta alors cette étonnante histoire : " Je marchais vers la maison, le long de la vieille route de Sainte-Barbara. Alors que je m'approchais de l'église de Saint-Georges, qui avait été détruite, j'ai vu Goderdzi, le fils de Vassiko, qui, sous le soleil, dégageait le sol de l'église des grosses pierres qui l'encombraient. Etant plongé dans le travail, il ne remarquait pas ma présence. De mon côté, je l'observais sans rien dire. Lorsqu'après un certain temps il me vit, il fut tout joyeux et me dit : " Viens, oncle Moukha, et si tu le peux soulève ça!" Il me montrait un gros rocher." Mon oncle, dont le vrai nom était Georges était un sportif, et il était surnommé Moukha ( c'est-à-dire chêne) à cause de sa force et de ses capacités de lutteur. Moukha continua : " J'ai bien essayé, mais je n'ai pas réussi à déplacer le rocher. Vassiko dit alors : ' Au Nom du Christ!', puis il le prit et le mit avec les autres rochers déjà rassemblés par lui hors de l'église." Notre famille était religieuse, mais, en raison de la pression du régime athée, elle ne pratiquait pas. Mais à partir de ce jour-là, mon oncle commença à mener une vie chrétienne."

Alors qu'il n'avait que douze ans, le jeune Vassiko était pourvu par Dieu du charisme de clairvoyance : alors que la guerre avait éclaté, des familles inquiètes s'adressaient à lui pour obtenir des nouvelles de leurs proches qui étaient au front. Les informations qu'il donnait à ceux qui l'interrogeaient se révélaient par la suite toujours justes. Il utilisait ce don, qui lui valait le respect de tous, pour encourager ceux qui venaient le voir à mener une vie plus chrétienne. " Allez à l'église, leur disait-il, n'abandonnez pas le Christ et ne perdez pas le salut de vos âmes!"

Le petit Vassiko ne tirait aucun orgueil ni aucune vanité de ces charismes qui lui valaient l'admiration et les louanges de ceux qui le connaisssaient. Au contraire il s'humiliait d'une façon étrange, semblable à celle des fols-en-Christ, et qui annonçait d'une certaine façon qu'il allait par la suite faire sien leur mode de vie : il se mettait dans une poubelle et répétait avec une voix forte, pour être entendu de tous : " Rappelle-toi toujours Vassiko, que tu es une poubelle, et ne pense jamais de bien de toi-même." Sa famille s'irritait contre lui à cause de ce comportement et allait jusqu'à le punir. Mais les gens qui le connaissaient évitaient de se moquer de lui et de le mépriser.

Un autre comportement, moins étrange mais tout aussi exceptionnel pour un enfant de cet âge, est le soin qu'il mettait à préserver les icônes et la vénération qui leur est due, à une période où, sous la pression du pouvoir communiste athée et par crainte des persécutions, les gens les remisaient souvent dans des greniers, des caves, ou des cachettes diverses, témoignant ainsi d'un manque de respect, d'égard et d'attention vis-à-vis de ces images sacrées.

Le petit Vassiko avait l'habitude d'aller voir ces gens et leur disait : " Vous avez une icône dans votre maison ( il montrait du doigt l'emplacement précis où elle était cachée). Vous devez soit lui accorder le respect qui lui est dû, soit me la confier. Je la garderai, et plus tard, si vous la voulez à nouveau, venez me voir et je serai heureux de vous la rendre." Des icônes qui lui étaient remises, Vassiko prenait un soin pariculier, leur accordant la vénération que leurs propriétaires leur avaient refusée.

La mère de Vassiko, Barbara, était de plus en plus gênée par la foi quelque peu démonstrative de son fils. Quand elle vit que la vie spirituelle de celui-ci prenait la forme d'un engagement total, elle exigea de lui qu'il se montrât plus modéré. " Cesse de te tourmenter ainsi, lui disait-elle. Vis comme vivent les gens ordinaires! Sois religieux, mais pas au point de ne vouloir que le seul Evangile et de te consacrer complètement à la religion (4)!"

(4) : ( Plus de cinquante ans après, quand elle rendit visite à celui qui était devenu le moine Gabriel, qui était gravement malade et allait mourir un an plus tard, elle montra qu'elle n'avait pas changé d'opinion lorsqu'elle lui dit en sanglotant : " Quelle a été ta vie, Gabriel? Des tortures et rien d'autre! Tu n'as pas eu d'enfance. Il aurait beaucoup mieux valu que tu m'écoutes et que tu prennes soin de toi-même!" En la voyant pleurer, le Père Gabriel fut désolé de voir que sa mère ne le comprenait toujours pas. Après un silence, il lui répondit : " Je ne pouvais pas mener une vie différente.").

Vassiko continua cependant à mener la vie à laquelle il se sentait appelé. Un jour, sa mère était si irritée par son obstination qu'elle prit son Evangile et le jeta dans les toilettes.

Vassiko l'en retira rapidement et le mit contre sa poitrine en pleurant. Ce faisant, il réfléchit et pria intensément.



3. La fuite du monde et l'appel de la vie monastique.

A minuit, âgé seulement de douze ans et ayant pour seul bagage son Evangile, il s'enfuit du domicile familial. C'était la fin de l'automne. Il marcha toute la nuit, et au petit matin il atteignit la ville sainte de Mtskheta (5).

(5) : ( Située à une douzaine de kilomètres de Tbilissi).

Il se rendit tout d'abord au couvent de Samtavro (6).

(6) : ( Ce couvent très connu a été fondé au XII° siècle. Son église contient les tombes du saint roi Mirian, qui a converti son pays au christianisme et en a fait l'un des premiers pays chrétiens dans le monde, et de son épouse sainte Nana. Il contient dans son enceinte une petite chapelle du IV° siècle, où sainte Nino, qui a vécu sur ce site, a prié).

L'higoumène Anousia ( Kochlamazashvili) le reçut avec amour, mais ne put l'héberger que quelques jours, car les hommes (même enfants) n'étaient pas autorisés à demeurer dans un monastère de femmes. Elle lui proposa d'aller au monastère voisin de Svetitskhoveli (7).

(7) : ( Ce monastère est dédié à la sainte tunique du Christ, qui est conservée dans un pilier de la cathédrale de Mtskhéta).

Il s'y rendit mais ne put y passer que trois jours, car un décret gouvernemental interdisait aux monastères de donner abri aux adolescents pendant une longue période. Il se rendit alors à pied au monastère de Shio-Mghvimé (8), situé à une soixantaine de kilomètres de là.

(8) : ( L'un des plus célèbres monastères de Géorgie, situé dans un cirque rocheux. Il a été fondé au VI° siècle par saint Shio, l'un des treize "Pères syriens" et conserve son tombeau).

Là aussi il ne put rester que trois jours, et fut ensuite accompagné au monastère de Zédazéni (9), où vivaient plusieurs moines très âgés.

(9) : ( Fondé au VI° siècle par saint Jean de Zédazéni, l'un des "Pères syriens" et le père spirituel des douze autres).

Ceux-ci lui aménagèrent une cachette près du monastère, où il put se tenir pendant plusieurs semaines. Mais en raison du contrôle strict dont ils étaient l'objet de la part de la police, les moines ne purent le garder plus longtemps et l'envoyèrent au monastère de Béthania (10), situé à une soixantaine de kilomètres de là.

(10) : ( Situé à seize kilomètres au sud-ouest de Tbilissi. Il a été fondé au XII° siècle par la famille Orbéli).

Ils lui expliquèrent en détail comment s'y rendre et lui donnèrent des provisions pour la route. A Béthania, il fut accueilli par deux saints moines qui y vivaient, le Père Georges ( Mkheidzé) et son compagnon d'ascèse le Père Jean ( Maisuradzé) (11).

(11) : ( Grâce à leurs exploits ascétiques et aux souffrances qu'ils enduraient du fait des persécutions incessantes, qui en firent des confesseurs et des martyrs, ils maintinrent pendant près de quarante ans en Géorgie un haut niveau de vie spirituelle. L'Eglise de Géorgie les a tous deux canonisés).

Le Père Georges, qui avait vécu pendant quinze ans au Mont-Athos et avait une grande expérience d ela vie monastique, devint pour de nombreuses années son père spirituel. Vassiko dut cependant quitter ce monastère, dont l'existence n'était que tolérée par les autorités (12), mais resta par la suite en contact avec lui, rendant visite aux moines quand il le pouvait (13).

(12) : ( Cette tolérance était due au fait que les moines faisaient tourner à proximité du monastère un moulin qui subvenait aux besoins de la population locale. Une partie de celle-ci leur était cependant hostile, et un jeune moine qui était venu se joindre à eux, le Père Basile, fut battu par des villageois sur le chemin du monastère avec une telle violence qu'il succomba à ses blessures. Le Père Gabriel lui-même, une fois qu'il se rendait au monastère, fut attaqué par des femmes qui lui jetèrent des pierres et déchirèrent son vêtement monastique).

(13) : ( Le Père Georges est mort dans les bras du Père Gabriel en 1956, qui fut dans la vie de ce dernier une année charnière. Le Père Jean est mort en 1961. Après sa mort le monastère de Béthania fut abandonné pendant dix-sept ans, jusqu'à ce que, en 1978, un moine, l'archimandrite Jean, puisse venir s'y installer).



4. Le retour à Tbilissi.

Vassiko revint à Tbilissi. On ne sait rien de son périple ni du lieu où il habita; en tout cas ce n'était pas dans sa famille, car sa mère ignora longtemps qu'il était de retour dans la capitale.

On sait qu'il était protégé par une femme nommée Margo, qui était bonne et généreuse, mais gagnait sa vie en disant la bonne aventure. Vassiko était désolé qu'une femme ayant une aussi grande qualité d'âme eût une telle activité, que l'Eglise réprouve et considère comme un péché. Un jour, Margo tomba malade. Elle s'inquiétait d ene plus pouvoir subvenir à ses besoins. Vassiko la rassura en lui disant qu'il ferait en sorte que les visiteurs puissent continuer à venir la consulter. Il profita de cette situation pour les accueillir d'abord lui-même et s'entretenir avec eux. Il leur parlait du Christ et de la nécessité de mener une vie chrétienne. Pour l'aider à les convaincre, Dieu donna à Vassiko la faculté de prophétiser. Ayant conservé le charisme de clairvoyance que le Saint-Esprit lui avait attribué quelques années auparavant, il leur révélait aussi, avec la même intention, des fautes qu'ils avaient commises mais dont ils n'avaient gardé aucun souvenir. Il les incitait alors à se rendre auprès d'un prêtre pour se confesser, et à recevoir ensuite la Sainte Communion. Les personnes qui l'avaient rencontré à cette occasion étaient étonnées par ses propos et par son comportement. Margo elle-même fut impressionnée par les charismes de l'enfant qui dépassaient ses propres capacités de prévoyance et témoignaient manifestement d'un don divin. Elle cessa sa coupable activité et commença à menre une vie chrétienne.

Dans la ville, on parla de plus en plus de cet enfant extraordinaire.

La mère de Vassiko, qui n'avait cessé de le chercher depuis qu'il s'était enfui, finit par apprendre où il avait trouvé refuge. Elle alla le trouver et l'invita à revenir à la maison, en lui promettant qu'elle ne s'opposerait plus désormais à son choix et à son mode de vie. Vassiko réintégra le domicile familial. Sa mère fut désormais moins stricte envers lui, tout en déplorant périodiquement qu'il ne mène pas une existence ordinaire et soit exclusivement engagé dans la vie spirituelle, ce qui le démarquait radicalement des adolescents de son âge et de la mentalité dominante.

Pendant les années qui suivirent, Vassiko continua à aider les gens de la ville qui étaient en difficulté ou dans le malheur, tant par ses propos inspirés que par ses bonnes actions.

Il avait pris l'habitude d'aller une fois par mois au monastère de Béthania pour dévoiler ses pensées et se confesser auprès du saint Père Georges, qui l'avait accueilli et aidé quelques années auparavant, et pour recevoir ses sages conseils. Ces séjours lui permettaient aussi d'accomplir des tâches matérielles pour venir en aide aux moines du monastère, qui étaient très âgés et ne pouvaient plus faire grand-chose.

A l'âge de seize ans, il alla en pèlerinage au monastère de Martkopi (14).

(14) : ( Fondé au VI° siècle par saint Antoine de Martkopi, il est situé à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Tbilissi).

Au cours de son voyage, il rencontra un saint moine, doué de clairvoyance, le Père Aïtala, qui l'impressionna beaucoup et dont il garda toujours un souvenir affectueux.

Parmi les bonnes actions du jeune Vassiko à cette époque, l'une est particulièrement révélatrice de l'amour qu'il déployait non seulement en faveur des personnes qu'il rencontrait, mais encore en faveur des défunts ( ce qui est toujours un signe de sainteté, car l'amour pour les défunts est un amour gratuit, dont on n'attend rien en retour). Le gouvernement communiste avait décidé de raser un parc public situé près de l'ancien cimetière de Véra, où avaient été inhumés les jeunes soldats géorgiens tués au cours de la guerre d'indépendance de 1921. Alors que le terrain était dégagé par des bulldozers, Vassiko fut très affecté par le fait qu'on ne prêtait aucune attention aux corps qui reposaient à cet endroit. Il s'y rendit de nuit, recueillit respectueusement les ossements des défunts, les plaçant dans des sacs, et les enterra à nouveau dans un lieu décent et protégé situé à quelque distance.



5. Le service militaire.

En 1949, Vassiko dut se soumettre à l'obligation d'accomplir son service militaire dans l'armée soviétique. Il servit dans l'unité de gardes-frontières de Batoumi. Malgré le régime strict imposé à tous les soldats, il réussit à garder le jeûne et put même se rendre périodiquement en secret à l'église Saint-Nicolas pour s'y confesser et recevoir la Sainte Communion.



6. Le retour à Tbilissi, où la Providence prend soin de lui;

Après la période de service militaire obligatoire, Vassiko retourna dans la capitale.

Peu de temps après, il fut convoqué à l'hôpital de la ville, dans le service de psychiatrie. Il fut interrogé sur les visions qu'il avait eues dans son enfance, en particulier sur celle où, à l'âge de douze ans, il avait dit avoir vu un démon. Le médecin qui l'examina, qui était athée, posa un diagnosctic de délire psychotique. Il reçut un certificat qui attestait qu'il était mentalement malade, ce qui l'empêchait désormais de travailler à un poste quelconque. Il reçut alors la pension qui était attribuée par l'Etat aux personnes handicapées de catégorie II. Cela était en contradiction avec le fait que Vassiko avait été, les années précédentes, reconnu apte au service militaire, mais avait été organisé par les services de sécurité soviétiques, afin de l'empêcher d'intégrer une institution quelconque, car Vassiko commençait à être connu par une partie non négligeable de la population locale, et il avait acquis un rayonnement et une influence certaine par son mode de vie, ses paroles et ses actes, que le pouvoir communiste considérait comme une menace potentielle pour son idéologie antireligieuse.

Mais, comme dans beaucoup de cas où Il Se sert des mauvais desseins et des actions négatives d ecertains hommes pour les retourner au profit de leurs victimes, Dieu trouva le moyen, par la pension qui fut ainsi octroyée à Vassiko, de lui épargner le souci de subvenir à se sbesoins matériels, afin d elui permettre de se consacrer entièrement à la vie spirituelle qu'il chérissait.

Vassiko n'en eut que plus de zèle. Pour pouvoir s'isoler et prier de longs moments dans le silence et sans être dérangé, il se confectionna dans la cour de la résidence familiale un abri qui était si petit qu'on ne pouvait même pas y placer un tapis; c'est cependant là qu'il s eretira désormais.



7. Au service de l'Eglise.

Tout en continuant à aider dans la ville des personnes dans le besoin, Vassiko se rendait régulièrement à la cathédrale de Sioni (15), située au centre de la vieille ville, pour assister aux offices et participer à la Liturgie.

(15) : (La cathédrale de Sioni est nommée ainsi en l'honneur de la Montagne de Sion. Elle est située dans le centre historique de la ville de Tbilissi, à l'emplacement d'une église construite entre 575 et 639. C'est l'une des rares églises de la capitale qui n'ait pas été fermée pendant la période communiste. Elle a servi de cathédrale jusqu'à la construction de la cathédrale de la Trinité en 2004. La relique de la croix de sainte Nino y est conservée).

Peu de gens à cette époque fréquentaient l'église, en raison surtout des persécutions que subissaient les croyants et des risques que cela représentait pour ceux, très nombreux, qui étaient employés par l'Tat athée.

La piété et le zèle de Vassiko attirèrent l'attention du patriarche-catholicos, Sa Béatitude Melchisédek III, qui célébrait régulièrement à la cathédrale et restait proche du petit troupeau de fidèles. Avec sa bénédiction, il commença à servir à la cathédrale et fut ordonné lecteur.

Après deux ans, il s'adressa à l'évêque Gabriel (Tchatchanidzé) de Koutaïssi, en lui faisant part de son désir de s'engager davantage au service de l'Eglise, comme moine et prêtre. Celui-ci accéda à sa requête et, le 30 Janvier 1955, l'ordonna diacre.

Le 23 février de la même année, il fut tonsuré comme moine au monastère de Motsaméta près de Koutaïssi, par l'higoumène, l'archimandrite Georges, avec, comme il l'avait souhaité, le nom de saint Gabriel l'Athonite (16).

(16) : ( Saint Gabriel d'Iviron était un saint ascète qui vécut au XII° siècle. Selon sa Vie (cf. Synaxaire au 13 mai), bien que rattaché au monastère d'Iviron ( c'est-à-dire des Ibères, autrement dit des Géorgiens), il vivait souvent en ermite, se nourrissant d'herbes sauvages, et il avait l'aspect d'un ange. A la suite d'une apparition de la Mère de Dieu, il recueillit miraculeusement, en marchant sur les eaux, la célèbre icône de la Mère de Dieu d'Iviron ( appelée en grec Portaïdissa - " Porte du ciel" -, et en russe Vratarnitsa ou Iverskaïa, c'est-à-dire d'Ibérie) qui, quelques siècles auparavant, avait été confiée aux flots pour la protéger des iconoclastes).

Trois jours après, il fut ordonné à la prêtrise par l'évêque Gabriel, à la cathédrale des Saints-Pierre-et-Paul de Koutaïssi.

Avec la bénédiction du patriarche-catholicos Melchisédek, le hiéromoine Gabriel fut affecté à la cathédrale de Sion, au centre de Tbilissi.

En 1960, il fut envoyé au monastère de Béthania, auprès du Père Jean. Mais en 1961, après la mort de celui-ci, le gouvernement ferma le monastère de Béthania.

Le Père Gabriel revint alors à Tbilissi. De 1962 à 1965, il servit à la cathédrale de la Trinité et de Tous-les-Saints.



8. La construction de son église.

A partir de 1952, dans la cour de la maison où il avait son abri, au 11 de la rue Tetriskaro, il construisit de ses propres mains et sans aucune aide, une petite église, qui fut achevée en 1962. Cette église avait sept coupoles, que le Père Gabriel avait peintes en bleu en référence aux églises de Russie. Elle avit un aspect étrange, étant à la fois naïve, pauvre et hétérogène par ses matériaux - tous d erécupération - et baroque par la surcharge et le caractère parfois fantaisiste de ses ornements. L'intérieur était petit, ce qui n'empêcha pas le Père Gabriel de répartir l'espace en plusieurs "chapelles". Les parois étaient intégralement recouvertes par les icônes que Père Gabriel avait recueillies depuis son enfance auprès de ceux qui n'en prenaient pas soin et avaient bien voulu les lui confier, et par la suite sur des décharges où des athées les avaient jetées, et qui provenaient souvent d'églises détruites ou de monastères abandonnés.

La future Soeur Théodora (Bolkvadzé) raconte : " Quand je vis pour la première fois l'église qu'il avait lui-même construite, avec sa croix et son clocher, je fus étonnée par sa beauté et par le très grand nombre d'icônes qu'elle contenait. Je pensais : " D'où le starets tient-il tant d'icônes?" Il perçut ma pensée et y répondit aussitôt : " Savez-vous d'où elles viennent? Quand des hommes mauvais, avec des bennes à ordures ont mis à la décharge des piles d'icônes (17), je les ai ramassées et je les ai apportées ici."

(17) : ( Suite à des confiscations ou à des destructions d'églises par les autorités communistes).

Mais le Père Gabriel récuoérait aussi de cette façon tous les autres objets de culte : des vases sacrés, des voiles, des chandeliers, des chapelets, des croix, etc., et il y en avait aussi toute une collection dans sa petite église. Et ce n'est pas seulement à Tbilissi qu'il les récoltait, mais dans différents villages et lieux où des églises et des monastères avaient été fermés. " Parfois, disait-il, je devais pelleter des montagnes de déchets dans une cour, dans le coin d'une enceinte, ou dans un sous-sol pour les dégager."" Peu lui importait la valeur de ces différents objets qu'il sauvait de l'oubli et d ela destruction. Leur valeur tenait pour lui à ce qu'ils étaient en eux-mêmes des objets sacrés ou avaient été placés dans des lieux sanctifiés. " Peut-être, disait-il à leur propos, qu'ils étaient dans le sanctuaire pendant quarante ans quand le Saint-Esprit descendait sur les Saints Dons..." Le Père Gabriel disait à l'un de ses visiteurs, le futur higoumène Antoine (18) :

(18) : ( Nom que lui donne Valéria Alfeyeva dans son récit : " L'appelé, l'élu, le fidèle", Moscou, 4, 1991, p. 3-51 ( en russe), partiellement repris dans " Dying and yet Behold We Live", The Orthodox Word, 28, 1992, p. 116-128. Selon l'éditeur de cette dernière revue, il s'agirait en réalité de l'archimandrite Jean du monastère de Béthania avec lequel l'auteur s'est longuement entretenu lors d'un séjour d'un mois dans ce monastère. Dans la suite de notre exposé, nous garderons cependant ce nom d'Antoine).

" Beaucoup de ces pièces sont sans valeur marchande. Ce sont seulement les restes et les témoins d'une vie ecclésiale passée. Mais pour moi ils ont une valeur sentimentale inappréciable, comme ce grand crucifix de l'église dans laquelle j'ai été baptisée et qui a été ensuite détruite. La figure du Christ y est effacée, mais j'ai confectionné une couronne d'épines pour la mettre à son emplacement. Je la porte parfois, car ces épines très pointues percent la peau et me rappellent comment le Sauveur a souffert."

La future Soeur Nino ( Dashniani) visitait aussi le starets à cette époque et nous donne un témoignage complémentaire sur la vénération qu'il avait pour les icônes qu'il avait sauvées : " Après la mort de mon fils, son Eminence Thaddée me demanda si je savais quel starets plein d'amour nous avions en Géorgie, et me conseilla de lui rendre visite. Ayant pris son adresse je me rendis chez lui. Il habitait près d el'église Sainte-Barbara. A la porte de son église, je prononçai la formule de prière requise (19).

(19) : ( "Par les prières de nos saints Pères, Seigneur Jésus-Christ notre Dieu, aie pitié de nous.")

La porte s'ouvrit et un moine de taille moyenne aux yeux pleins de vie, revêtu d'une mandya (20), me souhaita cordialement la bienvenue.

(20) : ( Grande cape monastique noire).

A mon grand étonnement, dans sa chapelle toutes les trente-trois lampes à huile étaient allumées (21).

(21) : ( Ce nombre correspond au nombre d'années de vie du Christ).

En outre, devant chaque icône de la Mère de Dieu, il y avait un flacon de parfum. Ayant pris sa bénédiction, j'allumai un cierge et je me demandai intérieurement : " Où s'est-il procuré tant d'icônes?" Père Gabriel répondit immédiatement : " Sur les tas d'ordures." J'essayai de cacher ma surprise et je continuai ma prière. Lorsque j'eus terminé, Père Gabriel me raconta en détail l'histoire de chaque icône. J'aurais voulu que son récit ne s'arrêtât jamais! La grâce divine rayonnait de lui! C'est à regret que je dus quitter l'église, petite par la taille mais grande par l'esprit et remplie de la gloire divine."

Attenant à l'église elle-même, il y avait une très petite cellule où le Père Gabriel se tenait souvent pour prier, et qui n'était autre que l'abri qu'il s'était d'abord construit pour y résider. Le Père Gabriel n'y laissait entrer personne, car c'était son refuge personnel. Le futur higoumène Antoine l'aperçut alors que la porte était entrouverte et la décrit ainsi : " Il y avait à peine assez de place pour contenir une personne à genoux. Il y avait une croix au mur, une lampade, et sur le sol un tapis usé."

C'est progressivement que Père Gabriel édifia son église, car il était sans aide et n'avait pas de moyens financiers. Mais la Grâce de Dieu le soutint dans cette tâche et accomplit quelques miracles, dont celui-ci qu'il rapporte lui-même : " Un jour, il pleuvait très fort; et le toit avait des fuites. Je me demandais avec inquiétude: que va-t-il arriver à toutes ces icônes? J'avais besoin de plusieurs mètres cubes de bois de construction pour réparer la toiture. Mais je n'avais pas le moyen de m'en procurer. Je priai Dieu d em'apporter de l'aide. C'est alors qu'un homme apparut devant moi, qui me sembla être un ingénieur. Il posa son regard sur les icônes et me dit : " Je me hâtais d'aller à un certain endroit, mais une force invisible m'a poussé à venir ici. Pourquoi? Je ne sais pas..." Et il ajouta : " Vous savez, cette icône me dit d'apporter ici un mètre cube de bois de construction." Il pointa alors du doigt la grande icône du Sauveur devant laquelle j'avais prié. Etonné par ce miracle, l'homme promit d'apporter le bois dont j'avais besoin, et il tint sa promesse."

La construction de cette église par le Père Gabriel était un acte courageux, totalement à contre-courant en ce temps où les églises étaient fermées et détruites, et où a fortiori la construction d'aucune nouvelle église n'était autorisée par le pouvoir communiste qui punissait les clercs qui contrevenaient à sa politique antireligieuse. Les autorités lui demandèrent par écrit de détruire le bâtiment qu'il avait édifié. Sa soeur Julietta vit le Père Gabriel à genoux s'adressant ainsi à Dieu avec des larmes : " Seigneur, comment pourrais-je détruire l'église qui T'est dédiée?" Le Père Gabriel ayant refusé d'obtempérer, des représentants de l'administration vinrent le trouver personnellement pour exiger de lui qu'il procédât sur-le-champ au démantèlement de l'église. Il leur répondit : " Je ne la détruirai pas. Si vous le pouvez, essayez de le faire vous-mêmes!" Interloqués par tant d'audace, ils quittèrent les lieux, mais envoyèrent une équipe d'ouvriers pour effectuer la destruction. Le Père Gabriel les mit en garde en disant : " Sachez que celui qui donne les ordres sera davantage puni que celui qui les exécutera." Ils prirent peur et quittèrent les lieux.



9. La confession publique de la foi chrétienne

face au régime communiste, et les tortures endurées.

La vie du hiéromoine Gabriel qui s'annonçait stable du fait de son intégration dans les institutions ecclésiales - bien que le conflit précédemment mentionné avec les autorités civiles fût quelque peu gênant pour elles -, fut gravement perturbée par un événement qui se produisit le 1er mai 1965, l'année de la mort de Staline.

Comme chaque année en ce jour de fête du travail, une grande manifestation était organisée. Sur la place de la capitale située devant l'immeuble du Comité du parti communiste, une grande foule était rassemblée pour écouter les discours officiels. Un portrait géant de Lénine (22) était suspendu le long de la façade, derrière la tribune officielle. Au point culminant de la manifestation, alors qu'un membre du gouvernement faisait son discours, le Père Gabriel - qui s'était introduit dans l'immeuble avant la fermeture des portes, et avait donc mûrement prémédité son acte - réussit, par une fenêtre du premier étage, à mettre le feu au portrait géant du dictateur, en criant à la foule rassemblée que le silence et la stupéfaction avaient gagnée : " Le Seigneur a dit : " Tu ne feras pas d'idoles ni d'images sculptées... Tu ne t'inclineras pas devant elles ni ne les serviras, car je suis le Seigneur ton Dieu... Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi" ( Ex 20, 3-5). Vous tous, revenez à votre bon sens! Les Géorgiens ont toujours été chrétiens. Alors pourquoi vous inclinez-vous devant des idoles? Jésus-Christ est mort et est ressuscité le troisième jour. Mais vos idoles de bronze ne ressusciteront jamais. Durant leur vie, elles étaient déjà mortes."

Bien des années plus tard, à des visiteurs qui voulaient savoir la vérité sur ce fait devenu légendaire, qui avait souvent été rapporté avec diverses variantes et subi des déformations, le Père Gabriel expliqua : " Je suis un pasteur à qui a été confié par Dieu la tâche de prendre soin de son troupeau. Ils ont érigé une idole et voulaient que le peuple se prosterne devant elle. C'est une figure de l'Antichrist, l'image d'un homme ou plutôt d'une bête, et les communistes voulaient lui rendre l'honneur qui appartient à Dieu seul. Je ne pouvais pas les laisser faire..."

Les pompiers arrivèrent , et c'est par la grande échelle qu'ils descendirent le Père Gabriel.

A peine fut-il arrivé en bas que la foule en furie le frappa violemment, lui donnant des coups de poings et de pieds, et lui lançant des pierres. Le Père Gabriel n'eut la vie sauve que grâce à l'intervention du redouté huitième régiment appelé promptement sur les lieux pour y rétablir l'ordre. Grièvement blessé, ayant dix-sept fractures du crâne et de smembres, le visage en sang et ayant l'apparence d'un cadavre, il fut transporté à l'hôpital du Département de la sécurité où il fut mis à l'isolement. Etant dans un état désespéré, proche de la mort, et ne répondant pas aux traitements mis en oeuvre, il pria le Seigneur de le sauver, et soudain il sentit une amélioration, provoquée, rapporta-t-il ensuite, par un influx de la même puissance divine dont avaient bénéficié son saint patron Gabriel l'Athonite, saint Georges l'Hagiorite ou saint Syméon Stylite, trois saints qu'il aimait beaucoup.

Le Père Gabriel, par la Grâce du Christ, supportait ses blessures et ses souffrances avec patience, se disant avec saint Jean Chrysostome : " Nul ne peut blesser celui qui ne se blesse pas lui-même", considérant que les blessures de l'âme provoquées par le péché sont plus graves que toutes celles que peut endurer le corps du fait d'agents extérieurs.

Quinze jours après, les représentants du KGB vinrent l'interroger et le brutalisèrent à nouveau. cela ne l'empêcha pas de leur dire qu'ils devaient détruire tous les monuments à la gloire de Lénine et les remplacer par des parterres fleuris.

Après une enquête sommaire, il fut condamné à mort. Mais les autorités communistes cherchèrent à exploiter la situation : elles lui promirent la vie sauve en échange de l'aveu de sa participation à une conspiration présumée de l'Eglise orthodoxe géorgienne contre le régime. Le Père Gabriel refusa de se prêter à ces faux aveux, et resta inflexible malgré les tortures auxquelles on le soumit. Au contraire, pendant son interrogatoire, il traita une fois de plus Lénine de bête malfaisante, et pour cela on ajouta encore à ses souffrances en le rouant à nouveau de coups.

La nouvelle de cet événement, incroyable et sensationnelle, à l'époque où les actes d'insoumission étaient très rares, sortit du pays et fut diffusée par les médias européens et américains. L'ampleur prise par l'événement amena le Kremlin à renoncer à cette condamnation et à l'interner dans un hôpital psychiatrique, ce qui fut fait au cours du mois d'août 1965.

Diverses raisons amenèrent les autorités à abréger cet internement, qui aurait pu se prolonger jusqu'à sa mort.

D'une part le Père Gabriel commençait à prêcher à l'hôpital et y apparaissait donc comme une source de trouble. D'autre part il bénéficia de l'intervention en sa faveur de plusieurs personnalités, dont le célèbre académicien géorgien A. Zurabashvili.

On demanda aux psychiatres de l'hôpital un rapport d'expertise qui pourrait justifier sa sortie.

Il est intéressant de lire ce rapport, non seulement parce qu'il est typique des méthodes "staliniennes" de l'époque, mais parce qu'il présente comme des symptômes pathologiques ( en dehors du cas particulier des visions) la foi et les pratiques les plus courantes du christianisme :

Hôpital Psycho-neurologique de la ville de Tbilissi, République Socialiste Soviétique de Géorgie, 1 rue Electroni, Tbilissi.

19/1 - 1966 - n°666

Patient : Vassili Ourguebadzé, né en 1929, éducation de 6° classe. Adresse : 11 rue Tetritskaro.

Le patient est gardé à l'hôpital psycho-neurologique de la ville depuis le 18.8. 1965, où il a été amené de la prison pour un traitement forcé. Diagnostic : personne psychopathe, sujette à des accès de psychose schizophrénique. Il a été libéré de l'hôpital le 19. 11. 1965. Selon l'historique de la maladie, il a eu une vision fantomatique de l'esprit du mal avec des cornes sur la tête à l'âge de douze ans. Le patient prétend que tout le mal qui se produit dans le monde est dû au diable. Dès l'âge de douze ans, il a commencé à aller dans les églises, à prier, à acheter des icônes , et à étudier la littérature ecclésiastique (...). Il ne mangeait rien les mercredis et vendredis, en donnant cette raison absurde qui a fait rire les adultes et les soldats présents : " C'est un mercredi que Judas a vendu le Christ pour trente pièces d'argent, et c'est un vendredi que les prêtres juifs l'ont crucifié (23)";

(23) : (Cette justification des jeûnes du mercredi et du vendredi est traditionnelle, et nullement une invention du Père Gabriel. Le jeûne lui-même ( qui existait déjà, les mêmes jours, avec d'autres justifications, dans l'Ancien Testament) remonte aux premiers siècles. Le médecin qui établit le rapport y voit quelque chose d'incongru en raison de son manque d'éducation religieuse et du fait qu'à cette époque, dans le pays, peu de chrétiens suivaient ce jeûne).

il était dans un état de totale hallucination. Cela explique le fait que, lors de la manifestation du 1er mai 1965, il ait brûlé un grand portrait de Lénine accroché sur le bâtiment du Conseil des ministres. Lors de son interrogatoire, il a dit qu'il avait fait cela parce que c'est l'image de la crucifixion du Christ qui devrait être accrochée là, et qu'il n'est pas possible d'idolâtrer un homme terrestre. Cela a suscité un doute quant à son état de santé psychique, raison pour laquelle il a été soumis à une expertise psychiatrique. L'examen a montré que l'équilibre du patient est désorienté dans l'espace, dans le temps et dans l'environnement. Il se parle à lui-même à voix basse. Il croit en l'existence d'êtres célestes, de Dieu et des anges, etc. Lorsqu'il parle, l'axe principal de son discours est toujours tourné vers l'idée que tout dépend de la volonté de Dieu, etc. Dans le département, il se tient à l'écart des autres malades mentaux. Mais quand quelqu'un s'adresse à lui, il parle avec assurance de Dieu, des anges, des icônes, etc. Il est incapable de critiquer son état. Il a reçu un traitement à base d'aminazinophrazie et de syptomicine, après quoi il est passé devant la commission.



Le Père Gabriel fut libéré en février 1966 et confié aux soins de sa mère au domicile de celle-ci.

La Providence avait veillé sur le destin du Père Gabriel pour préserver sa vie et lui rendre sa liberté, tout en lui ménageant pour la suite de son existence des épreuves par lesquelles allaient se révéler sa sainteté.



10. L'exclusion des institutions ecclésiastiques et sociales,

et la persécution par les services de sécurité.

L'acte héroïque du Père Gabriel ayant mis en cause l'Eglise elle-même ( puisque la police, de bonne ou de mauvaise foi, avait soupçonné qu'il était l'expression d'un complot fomenté par les religieux), le Synode prit à son encontre une mesure d'interdiction d'exercer toute fonction sacerdotale ( sans cependant le réduire à l'état laïc). Il assistait donc aux services liturgiques et communiait comme un simple fidèle.

Le Père Gabriel se trouvait également exclu a priori et pour longtemps de toutes les institutions sociales : dans les usines, les petites entreprises, les magasins, chez les artisans ou dans les familles, nul n'osait lui proposer un travail, de peur des représailles.

Il était régulièrement convoqué par les services de sécurité, qui lui infligeaient chaque fois de mauvais traitements. Un jour, il fut frappé si violemment qu'il était incapable de marcher et que les policiers durent appeler des membres de sa famille pour venir le récupérer là où ils l'avaient abandonné.



11. La vie dans la pauvreté et le dénuement.

Pendant cette période où il se retrouvait seul, le Père Gabriel vivait dans des conditions matérielles difficiles. L'Etat lui avait, pour justifier le handicap mental que lui avaient attribué les institutions psychiatriques, alloué une pension mensuelle toute symbolique de quinze roubles, avec laquelle il ne pouvait quasiment rien acheter. Non seulement il ne pouvait trouver aucun emploi rémunéré pour subvenir à ses besoins élémentaires, mais beaucoup de personnes craignaient de l'aider, même d'une manière informelle.

Les carnets que Père Gabriel rédigea en ces temps de misère sont remplis de citations du Livre de Job. Mais ces paroles du Christ pouvaient s'appliquer à lui : " Bienheureux êtes-vous, quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d'exclusion et qu'ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'homme" ( Lc 6, 22).

Le Père Gabriel pouvait heureusement loger dans le petit abri qu'il s'était construit dans la cour de la maison familiale, où était aussi sa petite église. Mais sa mère, qui vivait tout près, ne pouvait guère l'aider. Elle subissait le contrecoup de l'ostracisme dont son fils était l'objet. Elle ne pouvait plus sortir que la nuit, et lorsqu'elle se risquait à quitter la maison dans la journée, les voisins lançaient leurs chiens à sa poursuite.

Le Père Gabriel dans les premiers temps ne pouvait même pas sortir dans la ville.

Pour subsister, il dut errer dans les villages autour de la capitale, où il put trouver des petits boulots. Il fut notamment employé pour garder des vignobles, ou pour entretenir le feu dans des églises...

Il menait cependant une vie spirituelle intense.

Le futur higoumène Antoine, qui l'a connu dans ces circonstances, rapporte : " Il était à ce moment-là gardien dans notre ferme, et vivait dans une petite hutte. Pendant la journée, il allait dans la forêt, où il s'était creusé dans une falaise, comme un ermite. Aimant moi-même me rendre dans la forêt pour y prier, je découvris cette grotte par hasard, et y vis trois planches dans un coin, de vieux vêtements, et des bougies fixées à la paroi. Entre-temps, il vivait avec nous, aidant mon grand-père, allumant le feu, entretenant le poêle... Personne ne savait qu'il était prêtre, mais nous le voyions parfois prier avec des larmes dans les yeux."

Quelque temps après, le Père Gabriel retourna à Tbilissi, où il fut réduit à mendier à la porte des églises où c'était possible, car souvent les prêtres le chassaient pour ne pas avoir d'histoires. Seuls les gens qui n'avaient jamais entendu parler de lui consentaient à lui faire l'aumône.

Il mangeait alors rarement à sa faim. Pendant un temps, il se rendait la nuit sur un terrain vague situé à l'arrière d'une fabrique de gâteaux où celle-ci avait ses poubelles et jetait ses déchets. Il rapportait chez lui des débris de pâtisserie, fortement colorés de rouge, de jaune, de bleu ou de vert, les plaçait sur une assiette et se disait : " Certainement, c'était autrefois un beau gâteau..." Il les bénissait, les mangeait et rendait grâces à Dieu. Mais il ne pouvait pas se nourrir uniquement de ces restes pleins de sucre et de colorants. Souvent il se plaçait devant l'assiette qui les contenait, buvait du thé et mangeait un morceau de pain noir séché, et il les emportait dehors en disant : "Je vais nourrir les oiseaux; ils feront un banquet royal."

Parfois, le Père Gabriel recevait de l'aide de fidèles qui le vénéraient, et même du patriarche qui, en privé, lui conservait toute son estime; mais cet apport était irrégulier, comme en témoigne la future moniale Théodora ( Bolkvadzé) en se rappelant une visite qu'elle avait faite au starets : " Quand le Père Gabriel apprit que nous avions apporté des cadeaux de la part du patriarche, il s'exclama : " Merci, Dieu miséricordieux! Tu sais que je n'ai ni argent ni nourriture..." Puis il se tourna vers nous en disant : " Je n'ai rien eu à manger depuis plusieurs jours. J'ai commis une faute en demandant à mes voisins d eme donner quelque chose à manger - ils m'ont maudit. Je pleurais dans ma cellule. Comment les gens peuvent-ils être si cruels et si intolérants? Est-il possible de considérer un homme comme un brigand pour la raison qu'il aime Dieu? Mais j'ai regretté ce mouvement de faiblesse quand je me suis souvenu que Jésus-Christ était passé par la voie des humiliations et des insultes, S'était abaissé Lui-même et S'était fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la Croix! Je me suis calmé. Et voici que vous êtes là!" Père Gabriel mit alors la table et nous pria de nous joindre à lui pour fêter l'événement. Il remplit nos verres de vin et nous proposa des toasts. Quant à lui, il ne mangea ni ne but rien. Je pensai : " Il est affamé...", mais il répondit aussitôt : " J'ai plus besoin d'amour que de nourriture et de vin.""



12. Une vie simple, proche des oiseaux et des Pères.

On se rappelle que le petit Vassikos'était, par sa pureté enfantine, attiré l'amitié d'une foule d'oiseaux qui le suivaient en gazouillant joyeusement et même se posaient sur lui quand il courait. Le Père Gabriel avait toujours gardé cette pureté et cette simplicité qui attirent et font rester auprès des saints les animaux les plus farouches ou les plus craintifs.

Le futur higoumène Antoine nous donne ce témoignage de l'époque où il fut quelque temps hébergé à Tbilissi par le Père Gabriel : " J'étais alors lecteur dans une église, mais j'avais par ailleurs quitté mon emploi dans une équipe d'ouvriers municipaux, et à l'église ils ne me payaient pas. Je rencontrai le Père Gabriel et il me dit : " Pourquoi louer une chambre? Tu peux venir habiter chez moi le temps que tu voudras..." C'est alors que j'allai vivre dans sa maison-église. Le matin, j'étais réveillé par des oiseaux qui venaient taper à la fenêtre avec leur bec. Dehors, on pouvait voir le Père Gabriel assis sous un arbre dans un jardin qui faisait alors penser au Paradis. Des mangeoires faites de boîtes de différentes couleurs ainsi que de petits paquets étaient suspendus aux branches, et sur le sol étaient répandus des abreuvoirs et des boules de graines. Les oiseaux volaient tout autour et picoraient. Un pivert - magnifique avec son triangle rouge sur la tête et ses rayures blanches sur les ailes -, venait se poser sur la main du Père Gabriel. Le starets était très simple, mais pourtant je n'ai jamais rencontré un homme plus intelligent et plus cultivé que lui. Il avait lu un grand nombre de livres des Saints Pères et se souvenait de tout, spécialement des écrits de Saint Isaac le Syrien, auxquels il se référait souvent. A cette époque j'éprouvais de grandes difficultés, et le starets me soutenait en me rappelant des propos de Saint Isaac qui l'avaient lui-même aidé : " Si l'on trouve sur son chemin une paix constante, cela veut dire que l'on est loin de la perfection spirituelle et que l'on a été oublié par Dieu. Plus un homme grandit spirituellement, plus il rencontre des épreuves. Quand commence le temps des grandes épreuves, cela signifie que l'âme accède sans le savoir à un haut niveau spirituel. Si l'âme est infirme et faible et demande à Dieu de le délivrer des épreuves, Dieu alors lui prête l'oreille, mais dans la mesure où l'âme n'a pas la force de supporter de grandes épreuves, dans cette même mesure elle ne peut recevoir de grands dons. Le Seigneur ne fait pas de grands dons sans de grandes épreuves, et c'est en proportion des épreuves qui nous sont envoyées par la Providence divine que la Grâce nous est aussi envoyée par elle. C'est pourquoi il est dit que l'on doit se réjouir dans les afflictions et rendre grâce à Dieu pour elles. De là que Saint Isaac écrit que l'on doit se réjouir de ses épreuves, parce que l'on se trouvera alors sur la voie qu'ont suivie tous les Saints.""



13. Le choix de la folie-en-Christ comme mode de vie ascétique.

Son exclusion des institutions ecclésiales et l'impossibilité d'exercer son ministère sacerdotal, autant que le harcèlement dont il était l'objet de la part des services de sécurité, amenèrent le Père Gabriel à réorienter la forme extérieure de sa vie spirituelle et du ministère que Dieu l'avait appelé à exercer dans la ville au milieu du peuple.

Suivant un appel divin, il adopta le mode de vie des fols-en-Christ, qui simulent la folie devant les hommes et en font une voie ascétique, dans le but surtout d'acquérir l'humilité.

On retrouvait dès lors chez lui certains comportements d'anciens fols-en-Christ de tous les pays orthodoxes, et d'autres qu'il improvisait selon les circonstances et son inspiration du moment.

On le voyait alors sillonner les rues de la capitale, avec une apparence qui ne pouvait manquer d'attirer l'attention. L'higoumène du monastère de Samtavro, Kétévan, se souvient, avec d'autres, de cette période où elle rencontra elle-même le Père Gabriel pour la première fois : " Beaucoup de personnes ont gardé le souvenir d'un starets fol-en-Christ, parcourant les rues revêtu d'une pèlerine, parfois pieds nus avec une couronne dorée sur la tête."

Si jusqu'alors le Père Gabriel s'était totalement privé de vin, il buvait désormais parmi les gens et faisait semblant d'être ivre.

Au lieu de rester silencieux comme il le faisait volontiers auparavant, il prêchait dans les rues et haranguait les passants de manière démonstrative, poussant des cris ou des gémissements accompagnés de grands gestes.

Un jour, on le vit se tenir sur une chaise qu'il avait placée au milieu de la chaussée dans une rue à grande circulation. Par miracle, il n'y eut pas de voiture le temps qu'il prêchait, mais le trafic reprit dès la fin de son discours.

Lorsqu'il prêchait ainsi dans les rues ou sur les places publiques, certains s'arrêtaient et l'écoutaient avec intérêt, d'autres passsaient leur chemin avec un sourire ironique, d'autres encore l'agressaient.

Le Père Gabriel avait une telle soif de diffuser la Parole du Christ, qu'il osait même entrer à la synagogue, à la mosquée ou au temple des baptistes pour y prêcher, sans souci des règles et sans crainte des réactions hostiles. Plus tard, il se rappelait : " Je suis allé à la synagogue. Les Saints Pères eux-mêmes y allaient et prêchaient... A l'entrée, il y avait une icône du prophète Moïse auquel j'ai rendu hommage. Puis je suis monté là où ils lisent la Bible et j'ai commencé à prêcher. Les gens me regardaient étonnés... Puis ils ont appelé leur Maître, mais il ne m'a pas interrompu. Lorsque j'ai eu fini ma prédication, il m'a invité dans son bureau, et nous avons longuement parlé du Christ... Je suis allé aussi à la mosquée. Quand je suis entré, ils étaient en train d eprendre le thé. Voyant comme j'étais habillé, ils se sont levés et m'ont invité. Je les ai rejoints et je leur ai parlé de l'amour... J'ai également rendu visite aux baptistes. Mais mon apparence les a irrités. Ils ont appelé leur chef et ils m'ont chassé."

Le Père Gabriel avait en public toutes sortes de comportements excentriques, mais quand il rentrait chez lui, il se réfugiait dans sa petite église et pleurait en secret sur ses péchés et les malheurs des gens.

Ne s'arrêtant pas à ses comportements extravagants, beaucoup de gens le respectaient et le vénéraient pour ses vertus, qu'il ne pouvait pas cacher tout à fait ( en particulier son humilité, sa bonté et la sagesse que manifestaient ses conseils et ses exhortations), et pour ses charismes de clairvoyance ( qui lui faisait connaître et parfois révéler les pensées secrètes de ceux qu'il rencontrait) et de prophétie ( qui lui permettait de connaître et parfois d'annoncer certaines circonstances de la vie future de ses interlocuteurs ou du pays tout entier). Parmi ceux qui le vénéraient se trouvaient des gens modestes, du petit peuple de la ville, mais aussi des personnalités laïques et religieuses.

L'humilité du Père Gabriel souffrait beaucoup de la considération dont il était l'objet de la part de ces personnes.

Sa soeur aînée Emma relate à ce sujet : " Les gens le respectaient beaucoup. Mais lorsqu'il revenait à la maison, il entrait dans son église et pleurait souvent d'une voix plaintive. Un jour la porte de son église était ouverte, et quand je l'ai entendu pleurer, je me suis inquiétée et, entrant dans l'église, je lui ai demandé : " Vassiko, mon frère, pourquoi pleures-tu? Est-ce que quelque chose te fait mal?" "Ma soeur, répondit-il, le Christ est né dans une mangeoire, mais les gens me respectent et me baisent la main.""

Pourtant si quelques personnes l'estimaient, beaucoup d'autres continuaient à voir à son encontre des comportements de mépris et de rejet, liés pour une part à l'ostracisme dont il était victime de la part des autorités, et pour une autre part à ses comportements étranges dont peu comprenaient le sens spirituel profond, et à ses paroles et à ses actes qui ne cherchaient aucunement à plaire, conformément à la parole de l'Apôtre : " Maintenant est-ce la faveur des hommes, ou celle de Dieu que je veux gagner? Est-ce que je cherche à plaire à des hommes? Si je voulais encore plaire à des hommes, je ne serais plus le serviteur du Christ" ( Ga 1, 10). Comme tous les fols-en-Christ, c'est malgré lui qu'il suscitait parfois l'admiration et la vénération, car par ses comportemenst extravagants, parfois choquants, c'est le mépris et non les éloges qu'il cherchait à s'attirer, et cela dans le but d'acquérir plus profondément l'humilité, qui est avec l'amour la principale vertu chrétienne et la porte de la Grâce divine. Il pouvait prendre à son compte ces paroles de l'Apôtre : " Nous nous recommandons en tout comme des ministres de Dieu : par une grande constance dans les tribulations, dans les détresses, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les désordres, dans les fatigues, dans les veilles, dans les jeûnes; (...) dans l'honneur et l'ignominie, dans la mauvaise et la bonne réputation; tenus pour imposteurs et pourtant véridiques; pour gens obscurs, nous pourtant si connus; pour gens qui vont mourir, et nous voilà vivants; pour gens qu'on châtie, mais sans les mettre à mort; pour tristes, nous qui sommes toujours joyeux; pour pauvres, nous qui faisons tant de riches; pour gens qui n'ont rien, nous qui possédons tout. Nous vous avons parlé en toute liberté; notre coeur s'est grand ouvert. Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous" ( 2 Co 6, 4-12).



14. Les autorités civiles s'en prennent à son église.

Les services de sécurité continuaient à surveiller étroitement le Père Gabriel et ne pouvaient supporter ses activités religieuses parmi la population, ni le rayonnement et l'influence qu'il avait sur beaucoup de gens de toute condition.

En 1970, les autorités communistes décidèrent de détruire son église. Le Père Gabriel la réédifia, mais elle fut de nouveau détruite, et cela trois fois de suite.

Cela ne découragea pas le Père Gabriel qui supporta patiemment cette épreuve et profita même de cette situation pour changer finalement la forme de l'édifice : au lieu de sept petites coupoles il mit une seule coupole de plus grandes dimensions. C'est dans cet état que l'on peut voir cette église aujourd'hui encore.

La patience et la persévérance du Père Gabriel, le fait qu'il ne protestait pas mais acceptait de bon gré ses persécutions, le fait aussi qu'il ne maudissait pas ses ennemis mais priait pour leur conversion, finit par toucher, par les voies invisibles de la Grâce, à la fois le chef du département de la police soviétique et le secrétaire du comité du parti du district, qui vinrent tous deux à lui en secret pour lui demander personnellement pardon.



15. L'affectation au couvent de Samtavro.

Ayant à subir de nombreuses tribulations dans sa vie quotidienne, le Père Gabriel pria l'une de ses filles spirituelles, la future higoumène Johanna ( Sikharulidzé) d'intervenir auprès du métropolite Elie ( le futur patriarche Elie II) de lui concéder une cellule au couvent de Samtavro. La Mère Johanna raconte : " Je ne pouvais pas imaginer comment m'adresser au métropolite avec une telle requête. Mais le Père Gabriel réitéra sa demande avec des larmes dans les yeux : " Vous devez le faire, ma Soeur, s'il y a de l'amour dans votre coeur." Bien que ce fût très difficile pour moi, je ne pouvais pas refuser. A ma requête, le métropolite répondit : " Je ferai ce que vous demandez dès qu'il y aura une possibilité.""

En 1971, suite à l'intervention du métropolite Elie (24) et avec la bénédiction du catholicos-patriarche de toute la Géorgie Ephrem II, il fut installé en tant que prêtre au couvent de Samtavro.

(24) : (Qui n'était pas l'évêque du lieu, mais avait en charge le séminaire de Mtskhéta, qui était lié au couvent de Samtavro).

On lui donna comme cellule le rez-de-chaussée d'une antique tour appelée du nom du roi Mirian. Le Père Gabriel y vit une manifestation de la Providence divine. A la fin de sa vie, il disait : " J'ai reçu cette cellule à la fois par la miséricorde de Notre Sauveur et de la Mère de Dieu, et par la bénédiction de deux patriarches." Cette cellule ronde avait environ quatre mètres cinquante de diamètre. Quelques ouvertures laissaient passer la lumière mais elles étaient de petites dimensions, si bien que l'intérieur de la cellule était assez sombre à la manière de beaucoup de petites églises orthodoxes, ce qui rendait l'endroit propice à la prière. Le Père Gabriel s'empressa de recouvrir totalement d'icônes - de toutes tailles et de tous styles - le mur circulaire en brique, convoquant ainsi "une nuée de témoins" (He 12, 1) permanents, et reproduisant autant que faire se pouvait l'environnement divino-humain qui était le sien dans sa petite église-cellule de Tbilissi.

Le Père Gabriel n'avait plus célébré la Liturgie depuis très longtemps. A un proche, il avait confié : " Je rêve souvent la nuit que je suis en train d'élever les Saints Dons, mais peut-être que je mourrai dans cet état sans avoir pu de nouveau célébrer la Divine Liturgie." Mais grâce à Dieu il fut alors rétabli dans son ministère sacerdotal. Au début, il célébrait tous les services liturgiques. Par la suite le couvent fut pourvu d'un aumônier et d'un confesseur, et il ne célébrait donc que périodiquement. Il faisait parfois des homélies, mais, outre le rôle de référent que lui conférait son autorité charismatique pour toutes les questions touchant à l'organisation et à la vie du monastère, c'est un rôle de conseiller spirituel informel vis-à-vis des soeurs et des clercs du monastère qu'il jouait. Tantôt il était consulté par eux, tantôt il prenait lui-même l'initiative d'intervenir, selon son inspiration, pour donner des avis ou des conseils. il était respecté et vénéré comme un starets charismatique, non seulement par les moniales, l'higoumène et les clercs servant au monastère, mais par le patriarche lui-même, et par tous les clercs - évêques, prêtres, diacres - et tous les fidèles qui se rendaient au monastère; et pendant les vingt années qu'il y séjourna, son influence et son rayonnement ne cessèrent de croître.

Il menait cependant une vie modeste, travaillant abondamment, tant que ses forces le lui permettaient, à des tâches aussi ordinaires que le nettoyage des locaux ou la préparation des repas au réfectoire. Très souvent il faisait le ménage dans le sanctuaire, et il passait beaucoup de temps à nettoyer et à faire briller les lampades et les candélabres de l'église. "Pour lui, rapporte l'higoumène Lazare (Gagnidzé), il n'y avait pas de travail sans importance, car tout travail pouvait servir à rendre gloire à Dieu."

Il avait un amour particulier pour les objets sacrés et liés au culte. Il cherchait toujours ce qu'il pouvait faire pour les nettoyer, les restaurer, les embellir, les mettre en valeur, et y consacrait beaucoup de travail. Depuis l'épisode de sa jeunesse où il s'était fait le collecteur et le protecteur des images sacrées menacées d'abandon, d'oubli ou d'indifférence, il aimait particulièrement prendre soin des icônes. Il les nettoyait avec amour, et plaçait beaucoup d'entre elles dans des cadres en bois qu'il fabriquait lui-même.

Comme autrefois, il se rendait régulièrement à un dépôt d'ordures de la ville, où il pouvait trouver assez souvent des objets religieux, parmi lesquels de vieilles icônes dont les athées s'étaient débarrassé. Dans ce cas, il revenait tout joyeux de ses précieuses trouvailles. Il se mettait alors à les nettoyer et à les polir, avant de leur trouver un emplacement digne.



16. La sollicitude à l'égard des églises

et des monastères détruits ou abandonnés.

De 1972 à 1990, soit pendant près de vingt ans et jusqu'à ce que son état de santé rende ses déplacements difficiles, le Père Gabriel manifesta aussi une grande sollicitude à l'égard des églises et monastères qui avaient été abandonnés ou détruits en application de la politique antireligieuse du pouvoir communiste athée. Il s'y rendait en pèlerinage, y célébrant des services liturgiques et leur apportant toute l'aide qu'il pouvait, si bien qu'il joua un rôle important dans la restauration de la vie monastique en Géorgie après la période des grandes persécutions et des grandes destructions.

Si le chemin était long, difficile ou dangereux, il se déplaçait seul, sinon il était toujours accompagné par un ou plusieurs fidèles qui lui apportaient de l'aide. Le Père Gabriel disait pour justifier cette activité : " Nous devons toujours croire que notre travail n'est pas inutile. Bien que de nombreuses églises et monastères soient détruits ou fermés aujourd'hui, le saint ange qui a été envoyé par Dieu voit notre effort et écoute notre supplication, et il porte avec joie nos prières à Dieu, Lui faisant connaître ce que nous accomplissons. A présent nous trouvons notre action difficile. Nous allons dans la neige et la boue, recouverts d'un sac en plastique, nous avons à prononcer des sermons, mais viendra le temps où ces églises et monastères seront reconstruits et où les offices y seront rétablis", des propos prophétiques à une époque où rien absolument ne laissait présager une telle restauration.



17. Le renforcement de son ascèse à Samtavro.

En 1987, tout en gardant sa cellule dans la tour, le Père Gabriel choisit de résider la plupart du temps dans un petit hangar situé dans une allée de noyers de la cour du monastère appelée Kakovani. Ce hangar avait servi de poulailler et était alors désaffecté.

Cela correspondait à sa volonté de vivre d'une manière plus ascétique, car non seulement l'espace y était très restreint, mais ses parois avaient de grosses fissures qui laissaient pénétrer le vent et le froid, et le Père Gabriel y passait l'hiver sans chauffage.



18. L'appel du startchestvo.

En 1990, le Père Gabriel se rendit au monastère de Shio- Mghvimé avec l'intention de mener dans ses environs une vie érémitique. Là, il eut une révélation divine lui indiquant qu'il devait retourner au couvent de Samtavro afin de s'y mettre au servce des gens.

A partir de ce moment et jusqu'à sa dormition, il réintégra sa cellule de l'ancienne tour.

Il y reçut la visite de pèlerins de plus en plus nombreux, qu'il écoutait en confession, consolait, apaisait, conseillait, mettant à profit ses charismes de clairvoyance et de prophétie pour aider les gens à résoudre leurs problèmes et à progresser dans la vie spirituelle, et devenant ainsi pour le peuple un véritable starets.

Le Père Gabriel accueillait avec amour et joie tous ceux qui venaient le voir. Il ne faisait aucune différence entre les gens. Il partageait les joies et les peines de tous. Par son charisme de clairvoyance, il percevait immédiatement l'état de leur âme et pouvait de manière sûre leur donner les conseils appropriés ou leur dispenser les paroles de consolation ou d'encouragement dont ils avaient besoin. Grâce à son charisme de prophétie, il les mettait en garde contre les dangers qui les guettaient, leur révélait leur vocation future, ou les réorientait sur le chemin de la Vérité.

A cette époque, comme l'attestent de multiples témoignages, le Père Gabriel accomplit de nombreux miracles.

Il dissimulait autant que possible ce pouvoir que Dieu lui avait donné, et ne le révélait que dans quelques cas où cela était nécessaire pour faire voir à ses interlocuteurs la toute-puissance de Dieu. Ce fut le cas un jour où il reçut la visite d'un Géorgien qui avait longuement séjourné en Inde et qui, après s'être converti à l'hindouisme, continuait à s'y rendre régulièrement pour y voir son gourou. Le Père Gabriel prit du pain et fit le signe de la croix sur lui au nom de la Sainte Trinité; le pain éclata alors miraculeusement en blé, eau et flamme. " Regarde et vois, dit-il à son visiteur : il en va de même avec la Sainte Trinité en trois hypostases : le Père, le Fils et le Saint-Esprit." Le Père Gabriel fit à nouveau le signe de la croix, et le blé, l'eau et le feu se transormèrent en pain. " Comme ce pain est entier et ne peut pas être divisé, il en va de même avec la Sainte Trinité, essence une et indivisible", ajouta-t-il.



19. Le pressentiment de jours sombres pour le pays.

En octobre et novembre 1991, la situation politique de la Géorgie devint tendue, et le Père Gabriel eut le pressentiment des malheurs à venir que personne cependant ne pouvait encore imaginer. "Du sang sur l'avenue Roustaveli (25)! Du sang! Du sang des Géorgiens", prophétisa-t-il.

(25) : ( L'avenue principale de la capitale).

Lorsque des échanges de tir commencèrent sur l'avenue Roustaveli et qu'un Géorgien tira sur un autre Géorgien, le Père Gabriel courut sonner les cloches du couvent et se lamenta. Il entreprit un jeûne rigoureux, refusant toute nourriture. Il est difficile, rapportent les soeurs du monastère, de décrire la façon dont, avec ardeur, il se lamentait, pleurait et suppliait de tout coeur Dieu et la Mère de Dieu de sauver la Géorgie.

Un jour, l'higoumène du monastère athonite de Xéropotamou, l'archimandrite Joseph, et quelques-uns de ses moines vinrent en pèlerinage en Géorgie. Ils visitèrent le couvent de Samtavro et vinrent prendre la bénédiction du Père Gabriel. Le starets commença à réprimander l'higoumène Joseph : " Comment as-tu osé dire, avec un air de défi à la Mère de Dieu, qu'elle a abandonné la Géorgie? Nous sommes sous ses prières et sa miséricorde, mais tu ne vois pas cela, et même tu prétends le contraire." En entendant ces paroles, l'archiandrite Joseph fut horrifié et demanda pardon. Le Père Gabriel étreignit alors son visiteur avec amour et l'invita à partager son repas. Que s'était-il passé? Avant de venir à Samtavro, les Pères grecs avaient visité la cathédrale à Svetitskhoveli. La situation politique tendue et les difficultés économiques du pays, accompagnées par les difficultés spirituelles que connaissait la nation tout juste libérée du régime communiste, avaient fait douter l'higoumène Joseph et lui avait fait se dire : " Sainte Mère de Dieu, tu as abandonné la Géorgie!" Mais cette pensée intérieure était parvenue surnaturellement à la conscience du Père Gabriel.

Lors des adieux, les pères suggérèrent au Père Gabriel de se rendre au Mont-Athos, mais il refusa en disant : " Je suis ici sur mon Athos."



20. La maladie et les souffrances des dernières années.

Dans les dernières années de sa vie, le Père Gabriel devint gravement malade. Il souffrait d'un oedème. En outre, il s'était cassé la jambe et n'avait pas fait soigner la fracture, si bien que depuis ce moment jusqu'à sa mort, pendant un an et demi, il fut incapable de marcher et dut rester alité.

Ce n'est qu'à de très rares occasions, lors de douleurs aiguës, qu'il demandait qu'on l'aide à se lever et qu'on le mettait assis devant sa cellule.

Avant de se casser la jambe, il se montrait si hospitalier envers ses visiteurs qu'il nourrissait tout le monde avec des repas qu'il préparait de ses propres mains. Mais quand il fut incapable de cuisiner, il demanda à la Mère Paraskéva ( celle des soeurs qui était la plus proche de lui et l'assistait le plus souvent) ou à quelqu'un d'autre de faire cuire des repas, et avec beaucoup d'amour il continuait à inviter ceux qui venaient à lui.



21. Père spirituel jusqu'à la limite de ses forces.

Au cours de ces dernières années, c'est couché dans son lit qu'il continuait à recevoir ceux qui venaient chercher de l'aide auprès de lui.

Il mettait toute son énergie à rapprocher les gens de Dieu. Ses paroles remplies de grâce et d epuissance divines pénétraient avec chaleur et avec force dans le coeur de chacun, lui apportaient ce dont il avait besoin et le transformaient en proportion de ses bonnes dispositions. Sa prière intense était toujours accompagnée d'abondantes larmes, qui témoignaient de sa profonde compassion, et personne ne pouvait y rester indifférent.

Dans ces années, l'enseignement spirituel du Père Gabriel portait la plupart du temps sur Dieu, l'amour du prochain, le repentir, l'humilité et la bonté.



22. Les derniers jours.

Durant les derniers jours de sa vie terrestre, le Père Gabriel concentra ses propos sur l'amour. Il le prêchait et l'enseignait à tous ses visiteurs avec des larmes dans les yeux : " Souvenez-vous de cela : Dieu est amour. Ayez autant de bonté que vous le pouvez pour trouver par elle le salut. Soyez modestes, car c'est à Ses serviteurs humbles que Dieu accorde Sa miséricorde. Repentez-vous de vos péchés et n'attendez pas le lendemain pour le faire, car c'est là le piège du Diable. Aimez-vous les uns les autres, car l'homme sans amour ne peut pas hériter du Royaume des Cieux."

" Deux semaines avant sa dormition, rapporte la Mère Paraskéva, une icône de la Sainte Face lui fut apportée. Sur cette icône, le Christ portait une couronne d'épines. Je dis au starets qu'il serait soigné par cette icône, mais je me rappelai qu'il se sentait mieux après que l'icône de la Mère de Dieu eut été placée dans sa cellule. Je voulus la lui apporter, mais il hocha la tête en disant : " S'il n'y avait pas eu la couronne d'épines, j'aurais été guéri. Cela signifie que je mourrai dnas les tourments." Les yeux du Sauveur sur l'icône étaient clos, mais après un moment, ils s'ouvrirent miraculeusement. Quand je le remarquai, le starets me dit : " Vous connaîtrez le moment de ma mort trois jours avant." Trois jours avant sa mort, je lisais les prières de supplication à la Mère de Dieu en lui demandant la guérison du starets. (...). Il me demanda de lui parler toute la nuit afin d ele maintenir en éveil. Je parlai avec lui une grande partie de la nuit, mais soudain je m'assoupis. Lorsque je me réveillai, le starets ne dormait pas et il me reprocha ma faiblesse. A quatre heures du matin, il m'appela : " Mère, Mère, Soeur, Soeur!" Des larmes coulèrent de son viasage. Je me mis à genoux. Il me bénit et fit ensuite le signe de la croix dans toutes les directions, regarda tout autour de la cellule avec amour, et commença à prier en arrêtant son regard sur l'icône de saint Nicolas. J'avais l'impression que la cellule était remplie par une multitude d'anges."

Le jour qui précéda sa mort, le Père Gabriel dit : " Le temps est venu pour mon départ." Puis il caressa avec sa main droite l'icône du Sauveur suspendue au-dessus de sa tête, garda le silence pendant un certain temps et dit : " Je te suis, ô Christ, depuis l'âge de douze ans. Je suis prêt, prends-moi!"

Toute la nuit, jusqu'à quatre heures, il passa par de terribles douleurs, puis il commença à respirer bruyamment. L'higoumène et les moniales vinrent l'entourer, avec des membres de sa famille (dont sa mère, qui était alors moniale au couvent), des laïcs, un médecin et des prêtres qui étaient dans le monastère. Le Père Michaël, le confesseur du monastère, était alors au patriarcat, à Tbilissi. Il raconte : " Nous avons appris que le Père Gabriel était mourant et souffrait terriblement. Sa Sainteté le Patriarche donna sa bénédiction à l'évêque Daniel pour lire les prières pour la lubération de l'âme. Nous nous rendîmes en hâte à Mtskhéta après avoir hélé une voiture. Tout le monde était sous tension, craignant de ne plus trouver le starets vivant. L'évêque Daniel nous rassura : " Le Père Gabriel est un serviteur de l'Eglise si dévoué qu'il ne nous quittera pas sans que l'évêque soit venu." Nous fûmes heureux d ele trouver encore en vie. Dès que l'évêque eût terminé les prières, le Père Gabriel après nous avoir gratifié de son sourire plein d'amour, partit paisiblement pour la Patrie éternelle." C'était le 2 novembre 1995.



23. Les funérailles et l'inhumation.

On plaça le corps du starets au monastère de la Transfiguration. L'higoumène Michaël, de qui le Père Gabriel recevait habituellement la Sainte Communion, célébra une pannychide. Le lendemain, Sa Béatitude le patriarche-catholicos Elie II célébra le service des funérailles.

Selon ses dernières volontés, le Père Gabriel fut enterré dans la cour du couvent de Samtavro, tout près de la chapelle de Sainte Nino. Son corps fut enveloppé d'un tapis, selon une tradition monastique ancienne. Lors de l'inhumation, il était entouré de gens qui l'aimaient. Personne ne voulut jeter de terre sur lui comme le veut la coutume, mais tous dispersèrent la terre sur les côtés de la tombe. La terre, l'entourant en abondance, se déversa d'elle-même dans le trou, recouvrant doucement son corps.

Selon sa volonté les paroles suivantes furent écrites sur sa tombe : " La vérité est dans l'immortalité de l'Esprit - Moine Gabriel."



24. Le testament du Père Gabriel.

Avant de s'endormir dans le Seigneur, le Père Gabriel avait rédigé ce testament :

Gloire à Dieu en Christ!

Je demande le pardon et la bénédiction de Sa Sainteté et Béatitude, le catholicos et patriarche de toute la Géorgie Elie II. Je demande pardon au clergé, aux moines et aux moniales, et je donne ma bénédiction à vous tous.

Dieu est amour. J'ai essayé, mais j'ai été incapable d'atteindre l'amour de Dieu et du prochain, selon les commandements de notre Sauveur. L'amour est le seul but de l'homme dans ce monde visible pour hériter du Royaume des Cieux et du repos dans l'Eternité.

Permettez-moi d'être enterré sans cercueil, enveloppé dans un tapis.

Soyez bienveillants et humbles. Dieu Se souvient de nous dans notre abaissement, Dieu donne Sa Grâce aux humbles. Soyez humbles et bienveillants et aimez tout le monde autour de vous.

J'ai de l'amour pour vous tous - tous les Orthodoxes et tout homme né dans le monde.

Le but de cette vie est d'hériter du Royaume des Cieux, d'être proche de Dieu et de reposer dans l'Eternité. Et je vous souhaite à tous d'y parvenir.

Je vous donne ma bénédiction à tous, afin que vous ne perdiez pas la Grâce de Dieu; que tout le monde soit digne d'hériter du Royaume.

Il n'y a personne sur terre qui ait gagné le salut et qui n'ait pas péché. Je ne suis qu'un grand pécheur, indigne et faible.

Quand vous serez près de ma tombe, je vous prie avec tout l'amour de prier pour le repos de l'âme d'un pécheur.

J'étais poussière, et à la poussière je suis retourné.

La vérité est dans l'immortalité de l'Esprit.



Moine Gabriel



25. Les années qui ont suivi le décès.

Durant les années qui ont suivi le décès du Père Gabriel, des milliers de personnes - simples fidèles pour la plupart, mais aussi moines, prêtres, évêques - de Géorgie et d'ailleurs, sont venus prier devant sa tombe, y déposant des cierges, y prenant de la terre et prélevant de l'huile dans la veilleuse qui y brûlait en permanence, pour les emporter chez eux comme une bénédiction et une source de Grâce.

Pendant cette période, comme en attestent de nombreux témoignages ( qui ont été rassemblés et publiés), d'innombrables miracles se sont produits en faveur de ceux qui demandaient l'intercession du starets.

Des icônes le représentant comme saint ont été peintes. Des brochures sur sa vie et sur ses miracles ont été publiées en diverses langues.



26. La canonisation.

Entérinant cette vénération populaire et considérant que tous les critères relatifs à la reconnaissance de la sainteté étaient dans son cas réunis, l'Eglise de Géorgie, lors de la réunion de son Saint-Synode du 7/20 décembre 2012, a canonisé l'Archimandrite Gabriel comme "confesseur et fol-en-Christ", et fixé sa commémoration liturgique au 2/15 novembre.

Le décret de canonisation est ainsi rédigé :



Plusieurs personnes témoins des miracles divins du Père Gabriel se sont adressés à la commission synodale pour demander sa canonisation. Après avoir étudié la vie du Père Gabriel, le Saint Synode a statué :

1. Compte tenu de sa vie, des miracles divins accomplis sur son tombeau et de l'immense amour que lui vouent les fidèles, la commission reconnaît à l'unanimité la sainteté de l'Archimandrite Gabriel ( Gabriel Ourguébadzé, 1929-1995). Il est canonisé comme confesseur et fol-en-Christ.

2. Le tombeau devra être ouvert et le corps de Saint Gabriel devra être transféré à l'église de Samtavro. Son icône devra également être peinte et son tropaire rédigé.

3. Sa fête sera célébrée le 2 novembre.



Le recueil de ses ossements et leur transfert ont été accompagnés par une foule immense.

Une multitude de fidèles vient désormais vénérer ses reliques dans l'église du monastère de Samtavro, et de nombreux miracles continuent à se produire par l'intercession du Saint.

La ville de Tbilissi qui fut pour le starets un lieu de découverte de la foi, de prédication, mais aussi de martyre, a reconnu sa dette à son égard : la rue Tetriskaro où il a vécu et a construit sa cellule et son église a été rebaptisée à son nom, et une nouvelle église y est construite. C'est la deuxième église qui lui est dédiée en Géorgie. Elle sera sans doute suivie de beaucoup d'autres, tant est grande la ferveur du peuple à l'égard de ce puissant intercesseur auprès de Dieu.





II

LE FOL-EN-CHRIST





1. L'appartenance du Père Gabriel à la lignée des fols-en-Christ.

Le Père Gabriel a été canonisé par l'Eglise géorgienne dans la catégorie des Saints fols-en-Christ, dont la commémoration liturgique se fait de la même manière que celle des saints moines, même s'ils sont laïcs.

Ce type de sainteté - correspondant à un type très particulier de vie ascétique - est devenu rare à notre époque, mais se rencontre depuis les premiers siècles à toutes les époques de l'histoire du christianisme.

Les plus célèbres dans le monde byzantin furent : Saint Ammônas, le premier connu, qui vivait dans le désert d'Egypte au IV° siècle; Sainte Isidora (+ vers 365), qui séjourna comme moniale au couvent des Tabennésiotes et que nous connaissons par l'Histoire lausiaque de Pallade; Saint Marc le Fou, qui vivait à Alexandrie aux V°-VI° siècles; Théophile et Marie, qui vécurent à Amida au VI° siècle; Priscus, que Jean d'Amida connut lors de son séjour à Constantinople (VI° s.); Saint Syméon, sans doute le plus connu de tous parce qu'étant le premier dont on ait écrit entièrement la vie, qui vécut à Emèse au VI° siècle; Antiochus ou Jean le Sabaïte, que nous connaissons par L'Echelle Sainte de Saint Jean Climaque (VI° s.); Saint André de Constantinople, qui vécut au IX° siècle, et dont la Vie connut une popularité aussi grande que celle de Syméon d'Emèse; Basile le Jeune, qui vécut à Constantinople au X° siècle; Hiérothée, qui fut moine à la Laure de Saint Syméon le Nouveau Théologien (XI° s.); Saint Cyrille le Philéote, contemporain du précédent; Saint Sabas le Jeune ( + 1348); Saint Maxime le Kavsokalyvite (XIV° s. (26)).

(26) : (Pour les sources, voir mon livre Thérapeutique des maladies mentales, Paris, 1992, chap. 6, "Une forme singulière de folie : la folie pour le Christ", p. 133-134).

D'autres fols-en-Christ ont continué ensuite à se manifester dans le monde hellénophone, et le Mont-Athos en a encore connu quelques-uns au XX° siècle, mais c'est surtout en Russie qu'il y en eut une véritable floraison, en particulier du XVII° au début du XX° siècle, le régime communiste ayant finalement fait disparaître les derniers d'entre eux en les internant comme malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques. Les plus célèbres de ces fols-en-Christ slaves sont : Saint Isaac le Reclus, des Grottes de Kiev (XI° s.); Saint Procope d'Oustioug (XIV° s.), qui fut le premier russe à mener ce genre de vie dans le monde; Saint Nicolas Kotchanov et Saint Théodore, de Novgorod; Saint Maxime de Moscou (XIV-XV° s.); Saint Michel de Klopsko (XV° s.); Saint Laurent de Kalouga (XV°-XVI°s.); Saint Jacques de Borovitchi (XVI° s.); Saint Nicolas de Pskov (XVI ° s.); Saint Jean Vlasaty ( XVI° s.) ; Saint Ivan Grand Bonnet (XVI° s.); Saint André de Totma (XVII° siècle); la bienheureuse Xénia de Saint-pétersbourg (1720-1790); la bienheureuse Pacha de Birsk (XIX° siècle); Sainte Pélagie Ivanovna (Pacha) (+ 1915), qui vécut au monastère de Divéyévo, où il y eut aussi deux autres folles-en-Christ : Nathalie Dimitrievna (Natachenka), Marie Ivanovna (+ 1927) (27).

(27) : (Voir I. Goraïnoff, Les Fols en Christ, Paris, 1983, p. 53-134; L. Puhalo et V. Novakshonoff, La Vie des Fols-en-Christ. Folie du monde et Sagesse de Dieu, La Planette, 2002, p. 40-156).

Ces Saints fols-en-Christ sont différents par leur personnalité, mais ils ont des caractères communs par leur mode de vie, leurs visées spirituelles, leurs comportements et leurs charismes (28), et nous retrouvons la plupart de ces éléments communs chez le Père Gabriel, ce qui permet de le situer véritablement dans cette sainte lignée.

(28) : (Voir mon livre Thérapeutique des maladies mentales, Paris, 1992, chap.6, " Une forme singulière de folie : la folie pour le Christ", p. 133-168).

Nous avons étudié ailleurs en détail (29) le phénomène spirituel de la folie-en-Christ.

(29) : ( Voir mon livre Thérapeutique des maladies mentales, Paris, 1992, chap. 6, " Une forme singulière de folie : la folie pour le Christ", p. 133-168, et mon article (en russe) "Fou" pour le Christ dans le mensuel Moscou, n° 110, juin 2012, p. 21-26).

Rappelons seulement ici pour éviter toute confusion, que le fol- en-Christ n'est ni "un simple d'esprit" ni un "innocent". Il présente un certain nombre de comportements ( se traduisant dans ses attitudes, ses gestes, ses paroles et ses actes) qui sont en décalage par rapport aux comportements "normaux", et qui ressemblent formellement aux symptômes d'une maladie mentale ( en général de ce que la nosographie psychiatrique appelle "manie (30)").

(30) : ( J. Grosdidier de Matons remarque à propos de Saint Syméon ( dont la vie constitue pour la folie-en-Christ un caractère archétypal) : " Ce qui frappe le plus à la lecture de (sa) Vie, c'est la cohérence et la vraisemblance avec laquelle le Saint soutient son rôle de fou : un psychiatre à qui on la fait lire y reconnaît sans peine un cas de manie bien caractérisé. (...) L'on retrouve le maniaque dans tous (ses) faits et gestes : dans ses propos incohérents, ses familiarités excessives, son goût des accoutrements excentriques, son débraillé qui va parfois jusqu'à l'exhibitionnisme, et surtout ses sautes d'humeur et les violences auxquelles il se livre quand on le dérange ou quand on s'oppose à ce qu'on prend pour ses caprices" ( " Les thèmes d'édification dans la Vie d'André Salos", Travaux et mémoires du Centre de recherche d'histoire et de civilisation byzantines, IV, Paris, 1970, p. 302-303).).

Mais la différence entre un malade mental ( que l'on appelait autrefois un "fou") et un authentique fou-en-Christ est que ce dernier n'est pas réellement fou; il est même parfaitement sain d'esprit. Il feint la folie, il a choisi de paraître fou, il fait tout pour paraître tel aux yeux des autres, pour qu'on le croie réellement tel, maîtrisant parfaitement chaque acte et chaque parole, et calculant précisément leurs effets. Devant certains interlocuteurs qui ont percé son secret ou qu'il a lui-même choisis, il quitte le masque de la folie, de même lorsqu'il se retrouve seul, et se révèle parfaitement sain d'esprit. Dans le cas où la folie pour le Christ n'est qu'un épisode de sa vie, son comportement ne manifeste aucun trait pathologique ni avant ni après. Un fou véritable, tout en ayant la possibilité d'assumer sa folie en Christ, ne peut être un fou pour le Christ au sens traditionnel. A ce dernier la folie ne s'impose pas; il se l'impose. Elle correspond à une condition qu'il a choisie et qu'il est capable de quitter dès qu'il le souhaite et de reprendre dès qu'il le juge utile. Elle n'est pas pour lui un handicap et ne perturbe pas sa vie psychique ni ne trouble et ne gêne sa vie spirituelle. Il connaît un dédoublement analogue à celui de l'acteur qui, tout en s'investissant dans son rôle, reste lui-même.

Le fol-en-Christ simule la folie dans certains buts spirituels, dont le principal est la recherche, par une voie radicale, de l'humilité ( à travers l'humiliation sociale que génère généralement la folie).

Comme on le verra dans ce qui suit, le Père Gabriel avait divers comportements étranges ou "décalés" par rapport aux normes sociales, qui le faisaient passer pour un malade mental aux yeux de ceux qui ne le connaissaient que superficiellement, mais qui ne trompaient pas ceux qui le connaissaient en profondeur. Plusieurs de ces proches, dans leurs témoignages qu'on lira, non seulement constatent la parfaite normalité de l'étatdu Père Gabriel en privé, mais décèlent facilement et indiquent les moments où il commence à contrefaire la folie, ou, comme l'on dit communément à "faire le fou (31)".

(31) : ( Voir par exemple le témoignage de l'higoumène Michaël (Gabrichidzé) : "... A ce moment, Père Gabriel changea sa nature de moine en celle de fol-en-Christ"; ou celui de Mère Paraskéva (la moniale qui l'a le mieux connu) : " Etant dans son état de fol-en-Christ, le Père Gabriel dit...").



2. Comportements étranges,

faisant croire à un déréglement mental.

Le Père Gabriel avait souvent des comportements étranges, qui aux yeux de certains le faisaient passer pour un malade mental.

Quand il résidait à Tbilissi, il avait souvent un capuchon sur la tête et se promenait pieds nus dans les rues.

Parfois, au lieu d erevêtir ses habits monastiques, il se couvrait d'un sac ou d'autres vêtements étranges. Il avait souvent des couvre-chefs bizarres ou incongrus. Il mettait parfois sur sa tête une sorte de bandana.

Il avait ces vêtements étranges surtout quand il vivait à Tbilissi, mais aussi parfois quand il vivait au couvent de Samtavro.

Il mettait aussi parfois une couronne en métal, dont l'aspect fait penser aux couronnes qui accompagnent chez nous les galettes des rois du temps de l'Epiphanie. Il n'hésitait pas à la porter en toutes circonstances. Un jour qu'il la portait devant le patriarche, celui-ci lui fit une remarque spirituelle dont les personnes présentes ne saisirent pas la portée. D'autres fois, il mettait une couronne parsemée de clous acérés, semblable à la couronne d'épines du Christ; le Père Gabriel alors disait qu'il voulait partager Ses souffrances.

Souvent, le Père Gabriel s'exprimait d'une façon démonstrative, parlant à voix très forte, criant et vociférant même, tout en faisant de ses bras des gestes larges et rapides. Mais ce qui pouvait paraître anormal et déplacé avait un effet positif : les personnes présentes étaient marquées par ces attitudes, et les paroles du starets restaient fixées en elles plus que s'il s'était exprimé normalement. Il accompagnait aussi ses homélies de toute une gestuelle, ce qui avait pour effet, note la Mère Paraskéva, qu'"elles restaient gravées dans le coeur et l'esprit des fidèles". " Le starets, ajoute-t-elle, n'écrivait jamais rien, mais il écrivait dans les pensées des gens."

Souvent il criait dans les églises où il se trouvait. L'higoumène Théodora (Makhiviladzé) se souvient : " La première fois que je rencontrai le Père Gabriel, c'était à la cathédrale de Sion en 1986. Sa conduite inhabituelle, caractérisée par le fait qu'il poussait des cris au cours de la Divine Liturgie, attira mon attention, et je l'observai à quelque distance. En quittant l'église, à la fin de la Liturgie, il se prosterna devant le patriarche en lui demandant pardon. Depuis ce moment, le visage du Père Gabriel s'est fermement fixé dans mon coeur."

Souvent aussi on le voyait pleurer et on l'entendait gémir ou se lamenter à haute voix.

Il parlait souvent seul, comme s'il s'adressait à une personne invisible.

Parfois, il se laissait tomber sur le sol en agitant ses bras, ses mains et ses jambes, en secouant la tête et en pousssant des cris ou des gémissements. Il semblait alors en état d'ivresse, mais plusieurs personnes qui l'accompagnaient ont attesté qu'il était alors parfaitement sobre. Dans cette position ou juste après s'être relevé, il prononçait d'ailleurs des paroles sensées, même si parfois elles se recouvraient d'un voile symbolique et avaient un caractère prophétique.

L'higoumène Théodora (Makhivladzé) rapporte d'autres comportements étranges du starets : " Son comportement était imprévisible et inexplicable. Il pouvait prendre un taxi et en sortir sans payer, ou pouvait au contraire surpayer la course. Sans raison visible, il pouvait chasser à coups de pieds de l'église des personnalités ou des gens ordinaires en leur adressant des insultes. Pendant des semaines, en hiver, il pouvait marcher pieds nus. Tout d'un coup, il pouvait dans la rue arrêter la circulation, mendier de l'argent, ou encore danser et chanter, quel que soit le moment ou l'endroit. Son attitude envers les gens était adaptée à chacun. L'un était foulé aux pieds, un autre était louangé ou inspirait de bonnes actions, un troisième était forcé à boire du vin cul sec, un autre encore à s'agenouiller sans avoir la bénédiction de se lever avant plusieurs heures... J'essayais souvent d'analyser ses actions qui transgressaient tous les codes sociaux admis, mais ne pouvais y trouver aucune logique. Intuitivement, j'acceptais ce qu'il faisait et je lui faisais confiance."

En réalité, comme le montrent beaucoup d'apophtegmes que nous citerons dans le prochain chapitre, et comme l'indiquent aussi beaucoup de récits d'expériences que des fidèles ont vécues dans leurs relations avec Père Gabriel, ces comportements étranges, qui portaient souvent la marque extérieure de la folie, étaient voulus, parfaitement maîtrisés et avaient des buts bien précis, liés soit aux vertus que pratiquait intérieurement le Père Gabriel ( en particulier l'humilité et l'amour du prochain), soit à des effets spirituels qu'il cherchait à produire chez ceux qui le voyaient ou l'entendaient.



3. Comportements non conformistes.

Les comportements du Père Gabriel, comme ceux de tous les fols-en-Christ, étaient "non conformistes", allant jusqu'à contrevenir à la règle monastique ou aux prescriptions de l'Eglise.

Par exemple, le Père Gabriel offrait souvent un verre de vin à ses visiteurs, même quand le jour ne s'y prêtait pas, parce que le calendrier ne le permettait pas ce jour-là, n'hésitant pas à transgresser ainsi les règles du jeûne (32).

(32) : ( Dans l'Eglise orthodoxe, la consommation de vin est proscrite pendant les carêmes et les mercredi et vendredi de toute l'année, exception faite de quelques jours festifs). Mais il exprimait de cette façon son amour à ses visiteurs et les invitait à partager la joie spirituelle, qu'il avait de les rencontrer. L'higoumène Michaël (Gabrichidzé) raconte qu'un jour où il avait rendu visite au Père Gabriel, celui-ci ne se sentait pas bien et était étendu dans sa cellule, mais invita la soeur qui le servait à aller chercher une bouteille de vin, en fit servir un verre à son invité, et le pria de le vider d'une traite, en lui disant : " L'amour doit transcender tous les canons."

Parfois, suivant son inspiration, le Père Gabriel intervenait à contre-temps, sans souci des convenances ou, en ce qui concerne la vie ecclésiale, en décalage avec le typikon. L'higoumène Mariam (Mikeladzé) se souvient que la première nuit de Pâques qu'elle avait passée au couvent Sainte-Nino, alors qu'il n'était pas encore minuit et que tout le monde était dans le silence en attente du début des Matines, le Père Gabriel était entré brusquement dans l'église en criant triomphalement : " Le Christ est ressuscité!". " Il alluma, dit-elle, une grande lumière dans nos coeurs et toute l'assistance répondit en choeur : " En vérité Il est ressuscité!"" La Vie éternelle acquise aux hommes par le Ressuscité était entrée dans son coeur, et l'Esprit le poussait à partager sa joie, fût-ce au prix de ce qui apparaissait comme un léger contretemps au regard de la chronologie humaine.



4. Familiarité dans les conseils donnés à tous.

Le Père Gabriel ne se souciait pas des conventions sociales ni des précautions de langage dont on fait habituellement preuve dans les relations avec les autres, mais avait, pour s'adresser à eux, cette familiarité commune aux fols-en-Christ, qui lui permettait de faire, de manière spontanée, de façon brute et parfois brusque, des remarques non demandées, non souhaitées et non attendues à des personnes ou à des groupes dont il croyait nécessaire de redresser, pour leur édification, la façon de voir ou le comportement. Dans aucun cas le starets ne leur manquait, au fond, de respect ni d'amour, mais sa façon de faire avait la vertu de les "secouer", de les "réveiller" et de les corriger d'une façon efficace et souvent immédiate, ce dont les bénéficiaires, le premier choc passé, lui étaient ensuite toujours reconnaissants.

Lorsqu'il résidait à Tbilissi, il n'hésitait pas à prêcher dans l'avenue principale de la capitale. Parfois il se plaçait au milieu de la chaussée, mettant en danger sa vie. Un témoin dit même l'avoir vu placer une chaise au milieu de l'artère principale et monter dessus pour faire un sermon. Souvent il hélait les passants.

Sans souci des règles et des usages, il entrait dans les synagogues, les mosquées ou les temples protestants pour y prêcher le Christ et la foi orthodoxe. Ce qui lui valut parfois d'être écouté avec respect, mais parfois aussi d'être chassé à coups de pieds.

A l'époque de la transition politique où des meetings se tenaient chaque jour, il n'avait pas peur d'aller s'adresser à la foule excitée pour la calmer lorsqu'il y avait un risque de débordements.

Le Père Gabriel n'hésitait pas, quand cela lui paraissait nécessaire au bien de quelques-uns ou même d'une seule personne, à intervenir dans le cours de services liturgiques, parfois même en criant et en gesticulant. Cela se produisait même lors de services pontificaux, alors qu'il était placé à côté de l'évêque, voire même du patriarche.

Le métropolite Isaïe (Kanturia) se souvient de cet épisode vécu lors d'un séjour au monastère de Samtavro : " Un soir, Père Gabriel entra dans l'église au cours de Vêpres; Il se fraya un chemin parmi les moniales et les laïcs présents, qui avaient l'habitude de se courber et de s'agenouiller devant lui pour prendre sa bénédiction et baiser sa main. Soudain il s'arrêta devant une femme et lui dit : " Quand tu t'agenouilles, quelqu'un pourrait penser que c'est moi que tu adores, alors que c'est de Jésus- Christ que tu reçois la bénédiction, et donc c'est devant Lui que tu t'agenouilles."" C'était une façon de dénoncer la "gérontolâtrie" de certains fidèles, et de rappeler que Dieu seul doit être adoré et que c'est Lui la source de toute bénédiction. Continuant à se déplacer dans l'église, le Père Gabriel regarda la moniale qui était en train de lire les prières et lui demanda : " Qu'est-ce que tu es en train de marmonner?" Il lui faisait ainsi remarquer qu'elle ne lisait pas de manière claire, distincte et concentrée comme on doit le faire à l'église, et l'invitait à changer sa façon de faire pour le profit spirituel des fidèles présents et le sien.

D'autres anecdotes montrent le Père Gabriel intervenant à l'église d'une manière intempestive dans le but de corriger certains comportements pour le bien de leurs auteurs; Par exemple, un jour, un groupe de touristes visitait la cathédrale de Svetithskoveli. Père Gabriel se tenait près du pilier très vénéré qui renferme la précieuse relique de la tunique du Christ. Jetant un coup d'oeil sur les visiteurs, et ayant remarqué leur indifférence, il commença à crier, agitant son bâton d'une manière menaçante : " Avez-vous une idée de l'endroit où vous vous trouvez? Pensez-vous que vous rendez gloire au Tout-Puissant en ayant les mains derrière le dos?" Bien que le guide n'eût pas traduit ses propos, les personnes du groupe comprirent à ses gestes et à son expression la raison de son indignation et apprirent ainsi à améliorer leur attitude.

Il arrivait que le Père Gabriel révélât en public le péché de quelqu'un, sachant que la personne l'accepterait avec humilité et que les témoins ne la jugeraient et ne la condamneraient pas. Il ne révélait pas ce péché en le désignant précisément, mais indiquait seulement son existence, ce qui suffisait à obtenir l'effet désiré. L'higoumène Théodora (Makhviladzé) rapporte : " Une fois, nous allâmes avec Père Gabriel au monastère de Shio-Mgvimé pour la fête du monastère. beaucoup de fidèles participaient à la Liturgie. Après le discours, lors du repas festif, il s'adressa de manière inattendue à un homme, lui demandant s'il avait commis quelque péché grave. celui-ci répondit que c'était le cas. tout le monde était gêné, mais le Père Gabriel tourna si habilement le sujet en plaisanteries que la tension fut aussitôt levée. j'étais étonnée de voir comment le starets avait perçu le péché, et comment le pécheur avait ouvertement fait preuve d'humilité. Par la suite cet homme devint prêtre, et les deux faits ont sans doute une relation."

Il arrivait aussi que les dénonciations de Père Gabriel fussent faites par lui en public et à haute voix sans citer personne; Seule la personne concernée percevait le sens de ses paroles, tandis que les autres personnes présentes trouvaient sa conduite et ses propos incohérents et le prenaient pour un fou.



5. Brusquerie pédagogique.

Comme l'ont déjà montré quelques exemples précédents, le Père Gabriel, à la manière de beaucoup de fols-en-Christ, dans une intention pédagogique et selon la connaissance clairvoyante qu'il avait de la psychologie des personnes auxquelles il s'adressait, faisait souvent preuve de brusquerie dans ses paroles et dans ses actes, à tel point que cela pouvait paraître choquant à ceux qui ne voyaient pas quels bénéfices spirituels allaient en tirer ceux qui les subissaient. Mais, comme le note la Mère Paraskéva (Rostiashvili), qui assista le Père Gabriel les dernières années de sa vie, les anciens Pères agissaient souvent ainsi pour apprendre aux novices ou aux jeunes moines les rudiments de la vie monastique, fondés sur la patience.

La Mère Paraskéva rapporte ainsi ses premières expériences : " Une nuit, je rêvai que j'étais désignée pour être "servante de cellule" du père Gabriel, et qu'il m'enseignait comment mener une vie agréable à Dieu. Le jour suivant, mon rêve se réalisa : l'higoumène Kétévane me donna la bénédiction pour prendre soin du Père Gabriel qui était malade. Je courus en hâte dans sa cellule pour lui faire part de mon rêve et obtenir sa bénédiction. Lorsqu'il apprit que je n'avais pas parlé de mon rêve à l'higoumène, il dit : " Tu aurais dû lui en parler, car c'est ce que j'avais demandé à la Mère de Dieu. Gloire à elle!" A ce moment-là, des soeurs apportèrent au starets une bouillie de riz." "Manges-en si tu veux...", me dit-il. Il vint alors jusqu'à la table, prit une assiette, la nettoya avec un chiffon qu'il avait en mains, et me la passa. Lorsque je commençai à manger, je sentis que la bouillie avait un goût d'huile de paraffine, celle qu'il utilisait pour nettoyer les cadres des icônes. Je n'osai faire aucune remarque et continuai à manger. Quelques minutes après, il prit lui aussi une assiette, la nettoya avec le même chiffon et goûta la nourriture. "Oh! le chiffon est plein de paraffine. Comment as-tu pu manger?", s'écria-t-il en souriant. Alors il me demanda si je voulais apprendre. Je répondis : " Oui!". " Alors si tu veux apprendre, tu devras bien te souvenir que c'est toi qui l'as voulu!", dit-il en me demandant de confirmer. Dans les temps anciens, les saints Pères éprouvaient les novices en les traitant durement. Si les commençants supportaient cela patiemment, ils pouvaient rester au monastère, sinon ils étaient invités à le quitter. Quand le starets me mettait tout à coup à la porte de sa cellule à coups de pieds, je me rappelais alors que c'était mon choix. Dans de tels cas, je retournais vers le starets pour lui demander pardon, et il en était heureux. Parfois, il me mettait en colère intentionnellement. Connaissant bien mes défauts, il cherchait par là à les déraciner. Le starets m'avertissait : " Tu seras attaquée aujourd'hui, et on verra si tu peux le supporter!" Il m'éprouvait alors pour voir comment je réagirais aux calomnies, aux insultes et aux mauvais traittements. Parfois je n'y arrivais pas, et il avait l'habitude de me dire, les yeux remplis de larmes : " Je veux que tu grandisses vite, mon enfant! Quand tu penses à moi, souviens-toi que je t'ai irritée parce que plus tu es irritée, plus grand est mon amour. Cela n'est pas mon propre enseignement, cela vient de Dieu." Par son amour pour le Christ, le Père Gabriel élevait chacun, le guidant par les voies de l'humilité et de l'obéissance vers le Royaume des cieux. Il avait l'habitude de dire : " Seul un homme humble, qui est béni de Dieu et endurci contre les tentations, peut entrer dans le Royaume des cieux." Après un certain temps, nous pouvions comprendre la signification des épreuves auxquelles il nous soumettait pour nous enseigner l'humilité et l'obéissance."

Ces comportements brutaux passaient pour être des symptômes de dérèglement psychique à ceux qui s'en tenaient à une perception superficielle. Mais leur caractère forcé, intentionnel et maîtrisé apparaissait à ceux qui dans le même temps peercevaient les dispositions sous-jacentes et véritables du Père Gabriel, et notamment l'amour du prochain qui l'animait en ces circonstances. L'higoumène Mariam (Mikeladzé) rapporte : " La première fois que je vis le Père Gabriel, il entrait dans la cathédrale de Sion en criant. A cette époque, je me considérais comme une chrétienne très pieuse, et j'avais une approche "ecclésiastique" de tous les sujets. Etant dans un état d'illusion spirituelle, j'étais alors incapable de mesurer les dons inestimables du starets, et je le considérais comme mentalement malade, bien que ses yeux remplis d'amour et de compassion contrastassent avec sa rage apparente, entravant le jugement que je pouvais finalement porter. Notre rencontre suivante eut lieu au couvent de Sainte-Nino. A nouveau je vis la discordance qui existait entre ses yeux et ses actions. C'était à l'époque où j'avais décidé de devenir moniale. La connaissance générale que j'avais alors était fondée sur les livres, et je n'avais aucune expérience. La chose la plus bénéfique que fit pour moi le Père Gabriel fut de détruire l'image stéréotypée que je m'étais faite de la vie monastique. A ce moment-là, je cherchais un endroit isolé où je pourrais me plonger dans mes pensées avec Dieu. Je venais de le trouver quand la voix tonitruante du Père Gabriel se fit soudain entendre, interrompant ma "communication avec Dieu". " Viens tout de suite faire la soupe, me cria-t-il, les intellectuels sont arrivés!" Cela me rendit furieuse. J'étais en colère en lisant mes prières! Il attrapa mon livre et le jeta en hurlant : " Comment oses-tu déranger le Seigneur?" Plus tard, je compris la raison de son comportement : mes prières étaient sans vie, sèches, purement formelles, sans aucun effort en vue de mon salut. Pour le Père Gabriel au contraire, chaque moment de sa vie était un sacrifice de soi au nom du Christ. Je ne pense pas qu'il y eût aucun moment où il ne fût avec Dieu."

La visée pédagogique des attitudes brutales du Père Gabriel, en même temps que l'état sous-jacent de son âme apparaissent bien aussi dans cet épisode relaté par l'higoumène Michaël (Gabrichidzé) : " Un jour je m'entretenais avec le Père Gabriel, quand deux dames âgées frappèrent à la porte de sa cellule. Elles avaient reçu la bénédiction du starets pour lui rendre visite. elles lui dirent qu'elles lui avaient apporté quelques pâtisseries faites maison et qu'on leur avait dit qu'il était malade. A ce moment, Père Gabriel changea sa nature de moine en celle de fol-en-Christ. " Qui vous a dit que je suis malade? Je me suis juste étendu pour me reposer, pour redresser mes épaules." L'une des deux dames ne connaissait pas le starets. Elle lui demanda de prendre sa main. Le starets me regarda avec un sourire : " Qu'a-t-elle besoin de ma main maintenant?§", demanda-t-il. La dame prit sa main, en marmonnant quelque formule pour elle-même. Alors soudain, d'une voix véhémente et retentissante, il la força avec un geste brusque à lâcher sa main. " Comment oses-tu me toucher, moi qui suis un moine? Essaies-tu de me séduire? Sortez maintenant toutes les deux et n'oubliez pas d'emporter vos pâtisseries avec vous!" Les deux dames étaient mortes de peur et ne savaient plus que foire. Toutes deux tombèrent à ses pieds en demandant pardon. Mais le starets répéta fermement : " Reprenez vos pâtisseries et filez, ne m'obligez pas à me lever!" L'une des deux dames, qui semblait connaître le starets, lui demanda de garder au moins les pâtisseries faites de leurs propres mains. Mais ce fut en vain. Il resta inflexible. Dès que les dames furent sorties, le starets commença à prier pour elles avec un amour si ardent que j'en fus étonné. En élevant les mains vers le ciel, il les bénit ainsi que leurs familles. " La visite qu'elles ont faite à un moine n'était pas respectueuse, mais elles apprendront à partir de maintenant comment on doit se comporter avec le clergé (33)", me dit-il avec un sourire."

(33) : (Les termes généraux utilisés par le Père Gabriel - "un moine", "le clergé" - montre qu'il n'en fait pas du tout une affaire personnelle).

Un autre cas de stratégie pédagogique du starets se manifestant dans la brusquerie est rapporté par la Mère Paraskéva : " Les enseignements de Père Gabriel étaient extraordinaires. Assis à l'extérieur sur les escaliers, il appelait quelqu'un et lui demandait d'aller chercher un bol dans sa cellule. cette personne était décomposée de ne pas trouver le bol en question, et Père Gabriel en profitait pour lui révéler, en criant le plus fort possible, ses points faibles. Plus tard, "entraînée" à l'humilité par le starets, elle pouvait tenir bon face aux machinations du diable."

Assez souvent le Père Gabriel ordonnait à une moniale ou à un visiteur laïc de se mettre à genoux, et laissait la persone un certain temps dans cette position avant de lui donner la bénédiction de se relever. Il éprouvait ainsi à la fois son obéissance et son humilité.

Ottar Nikolaishvili se rappelle que le starets l'avait placé en public dans une position humiliante : " Une fois, sur la place du marché, il m'ordonna de m'agenouiller et de me tenir avec la tête courbée sur un tas d'épluchures de melons d'eau jusqu'à ce qu'il me donne la bénédiction pour me relever. Je voyais les jambes des passants. Les gens me regardaient avec curiosité. Probablement ils pensaient avec étonnement qu'un homme fou était en train de s'agenouiller sur un tas d'ordures..." Mais le jeune homme comprit que le starets voulait ainsi lui enseigner l'humilité.

Mais il arrivait que les exigences que le Père Gabriel avait à cette fin fussent encore plus dures.

L'higoumène Kétévane, du couvent de Samtavro raconte : " Il était habituel que le Père Gabriel éprouvât l'humilité des gens en les faisant agenouiller, en les dénonçant, en les attaquant avec indignation, ou qu'il les édifiât par la Sagesse divine. Un jour, aprèès le repas, le Père Gabriel ferma la porte du réfectoire et interdit aux moniales de sortir. C'était avant ma tonsure. Il me demanda de prendre un grand bol et d'y laver les mains de toutes les soeurs. Lorsque je revins à lui avec le récipient plein d'eau sale, il me regarda fixement et me dit : "Bois cette eau jusqu'à la dernière goutte." "Tout le récipient?", lui demandai-je surprise. " Oui, et cul sec!" me répondit-il. Je le bus sans dire un mot, car cela ne souffrait pas de contestation. Le starets me prit alors affectueusement dans ses bras et me bénit chaleureusement." Le couvent était alors en quête d'une Pélagie ( Ksovreli) : " Tous comprirent qu'en faisant cela le starets montrait que l'higoumène Kétévane, par son obéissance inconditionnelle et son humilité, était digne de porter une aussi lourde charge." Le Père Gabriel, comme pour se faire pardonner une démonstration aussi dure, et pour témoigner de sa propre humilité, s'étendit sur le dos devant la porte du réfectoire et demanda à toutes les personnes présentes de sortir en lui marchant sur la poitrine. Bien que gênées, toutes obéirent.

Le starets paraissait souvent irrité et frappait les ges physiquement ou avec des paroles dures, mais, note l'higoumène Théodora ( Makhviladzé), "sa colère ne provoquait jamais de tristesse, mais elle révélait à la personne à laquelle elle s'adressait son indifférece spirituelle et sa mollesse".

Lorsque sous ses cris ou sous ses coups un homme montrait aussitôt de l'humilité, le starets ne pouvait cacher sa joie et son amour.

Mère Paraskéva rapporte : " Le Père Gabriel aimait se tenir assis en haut des escaliers et observer. Une fois, il vit un prêtre gravir les escaliers et il me dit : " Veux-tu que je le secoue?" J'étais effrayée. Le Père Gabriel s'adressa rudement au prêtre, utilisant le langage le plus insultant qui soit. Le prêtre s'arrêta et répondit calmement : " je suis bien pire que cela!" Le starets le serra alors dans ses bras en lui disant avec amour : " Tu es mon frère!""



6. Dénonciation du formalisme et du pharisaïsme dans la vie spirituelle.

C'est un trait commun aux fols-en-Christ d'adopter parfois des comportements scandaleux en vue de dénoncer le formalisme et le pharisaïsme. Ainsi certains d'entre eux n'hésitaient pas à manger publiquement de la viande en carême, afin de révéler le véritable esprit du carême, et le fait qu'il ne consiste pas seulement à s'abstenir physiquement d ecertains aliments. C'est dans cette perspective que se situe un épisode rapporté par le métropolite Isaïe (Kanturia) du temps où, novice, il s etrouvait au monastère de Samtavro : " C'était un service liturgique du dimanche, pendant une période de carême. Le Père Gabriel entra dans l'église en poussant de grands cris. C'était vraiment effrayant et l'on pouvait croire que la fin du monde était arrivée. Parmi les sons stridents, je pus discerner ses paroles : " Les chats ont volé ma sauce!" Cela ne me fit pas rire. Nous, les novices, nous faisions des efforts pour suivre strictement le carême, et à l'apogée de cette période de jeûne, le Père Gabriel se préoccupait de la sauce qu'il avait perdue! Ses paroles ne changèrent pas ma détermination à observer strictement les règles du jeûne, mais je compris mieux alors que ce n'est pas ce qui entre dans la bouche d'une personne qui la rend impure, mais ce qui en sort, selon la parole de l'Evangile (cf. Mt 15,11)."

Il arrivait que le Père Gabriel, au mépris des conventions, prît la parole publiquement pour dénoncer le formalise de la pratique religieuse, son manque d'authenicité ou de ferveur.

Nous avons vu précédemment comment le Père Gabriel avait repris ouvertement, en entrant à l'église, au cours d'un service liturgique, une moniale qui faisait la lecture d'une manière mécanique, en lui disant : " Qu'est-ce que tu es en train de marmonner?"

L'higoumène Michaël (Gabrichidzé) rapporte un autre épisode caractéristique : " Un jour, le Père Gabriel fit son apparition dans la cathédrale de Sion alors qu'un évêque y célébrait un molében (34) à la reine Tamar.

(34): ( Service de suppication; en grec paraklésis ).

Se tenant près de l'évêque, il jeta un regard rapide sur les fidèles. Ayant constaté que la sainte ne faisait l'objet d'aucune vénération particulière de leur part, il gravit les marches du sanctuaire et dit d'une manière sonore à l'étonnement de tous les assistants : " A genoux! Est-ce que vous réalisez ce que vous faites et pourquoi vous êtes ici? Etes-vous en train d'adresser des supplications à la sainte? De quelle façon? Avec une telle indifférence?" Les fidèles se mirent immédiatement à genoux avec le Père Gabriel, qui poursuivit avec des pleurs : " Quand le destin de la Géorgie était en cause, elle a passé des nuits sans sommeil à supplier par d'ardentes prières le Seigneur et la Mère de Dieu de sauver la patrie, et, pieds nus, la croix dans la main, à conduire les troupes sur le champ de bataille où elles ont toujours été victorieuses... Et vous, ingrats que vous êtes, vous ne voulez même pas vous agenouiller?!" Ses gémissements se firent encore longuement entendre. A la fin, il se leva et alla embrasser avec vénération l'icône de sainte Tamar. Dans un silence de mort, la foule des fidèles suivit son exemple. Chacun de nous comprit alors quel profond respect et suppliant notre sainte et révérende reine Tamar. En ce qui me concerne, cet événement changea ma vie et je choisis alors de m'engager dans la voie monastique."



7. Enseignement spirituel à travers des actes symboliques apparemment incongrus.

Comme tous les fols-en-Christ, le Père Gabriel dispensait souvent son enseignement spirituel à travers des actes symboliques apparemment incongrus.

Gia Kobashishvili raconte : " Nous habitions dans le voisinage de Père Gabriel. Nous étions alors enfants et il nous emmenait souvent à l'église de Sainte-Barbara. Il nous distribuait des petites croix et nous faisait mettre en cercle autour de l'église. Une fois, il s'arrêta devant moi et me dit en me fixant dans les yeux avec une expression remarquable : " Souviens-toi toujours qu'ici réside Dieu." Il n'avait pas plus tôt prononcé le dernier mot qu'il s elaissa tomber à terre, hocahnt la tête et agitant les mains comme s'il était en agonie. Je réalisai que malgré une telle conduite il avait la tête claire. Avec les mots qu'il m'a adressés avec foi, il a implanté à jamais dans mon âme l'amour de Dieu"

Le métropolite Isaïe (Kanturia) se rappelle coment le Père Gabriel, par quelques comportements étranges, lui fit ressentir de manière inoubliable la joie pascale de la victoire du Christ sur le péché, la souffrance et la mort : " J'étais étudiant et depuis peu venu à la foi. Nous célébrions ma première fête de Pâques au couvent de Samtavro, où je rencontrai le Père Gabriel. Il me parut étrange, et avait sur la tête un couvre-chef bizarre. Il vivait dans un poulailler, près duquel je passai par hasard. Il me remarqua, me fit venir à lui, et remplit un verre de vin rouge en me disant : " Tu dois le boire, car nous célébrons Pâques aujourd'hui. Dieu a pardonné tous mes péchés, alors maintenant nous pouvons boire un peu et nous réjouir. Celui qui pense au péché aujourd'hui est pire que Judas!" Ces paroles suscitèrent en moi de la crainte, et je vidai le verre avec une obéissance respectueuse (...) La Vigile fut suivie du repas pascal. Les jeunes membres de la communauté étaient assis près de Père Gabriel. Tandis que les plats circulaient, le Père Gabriel parlait des souffrances qu'avait endurées la Mère de Dieu, de la crucifixion, et de la résurrection de Notre Sauveur. De manière inattendue, il commença à crier, et tout à coup ses yeux se remplirent de joie. Son récit était si vivant et expressif que quand il criait nous criions avec lui, et quand il riait nous riions avec lui. Je n'ai jamais rien vécu de semblable. Ce fut une célébration de Pâques vraiment inoubliable."

La Soeur Elisabeth ( Zedgénidzé) rapporte quant à elle cet épisode où le Père Gabriel apprit à son entourage d'une part à ne pas juger, d'autre part à s'humilier : " C'était un samedi matin. Le Père Gabriel me dit : " Montons au monastère de Djvari (35)! "

(35) : ( Le monastère de Djvari dont il ne reste aujourd'hui que l'église, s'élève au sommet d'une montagne rocheuse de la Koura et de l'Aragvi, face à la ville sainte de Mtskhéta. D'après les sources traditionnelles, sainte Nino, après avoir converti le roi Mirian au christianisme, aurait élevé à cet endroit une grande croix de bois à la place d'un temple païen, et le site serait devenu un lieu de pèlerinage. une petite église en bois y fut érigée vers 545 et fut remplacée par l'actuelle église, l'une des plus belles de Géorgie, construite entre 586 et 605 par le prince -primat Stéphane Ier d'Ibérie).

J'étais déjà habituée à ses foucades de fol-en-Christ. Il me demanda d'acheter de la vodka, cacha la bouteille sous son manteau, et avec un air sérieux se dirigea vers le monastère de Djvari. Là, il ouvrit la bouteille, but une petite gorgée et me la passa. J'en bus une gorgée, mais en ayant curieusement la sensation que je buvais de l'eau. Il présenta ensuite la bouteille à toutes les personnes qui étaient autour en leur demandant d'en prendre une gorgée. Quand tous eurent bu, il fit ce commentaire : " Regardez, personne ne m'a blâmé! Tous entreront dans le Royaume des cieux! " Je pensais que la "performance" était terminée. Mais non! Le Père Gabriel se tourna vers moi l'air sérieux et me dit : " Assieds-toi, tends la main et mendie!" Quand j'eus collecté assez d'argent, il invita tout le monde à consommer la nourriture que nous avions apportée, mais lui-même n'y toucha même pas. Il conclut ce repas très inhabituel par ces mots qui concernaient ce que nous avions tous fait à sa demande : " Celui qui s'humilie sera exalté!""

Une autre habitude du starets sortant de l'ordinaire était non seulement de se coucher lui-même régulièrement dans un cercueil qu'il s'était fait confectionner ( beaucoup de saints ascètes l'ont fait), mais de présenter ce cercueil aux moniales du couvent pour lui enseigner à garder constamment la "mémoire de la mort (36)".

(36) : ( La "mémoire de la mort " est un exercice ascétique classique dans la tradition monastique orthodoxe. Il s'agit de garder en permanence la conscience de sa propre mort, ce qui a un effet décapant par rapport aux passions et à toutes les formes d'attachement à ce monde, et incite à se préoccuper prioritairement de son salut et de la vie dans l'au-delà).



8. L'amour du prochain manifesté dans des actes étranges.

Le Père Gabriel exprimait souvent son amour du prochain dans des comportements étranges, surprenants, qui manifestaient aussi sa folie-en-Christ.

Il n'hésitait pas alors à payer de sa personne, non seulement psychologiquement mais physiquement, comme le montre cet épisode relaté par la Mère Nino (Dashniani) : " C'était l'hiver. J'étais tombée gravement malade. Père Gabriel me rendit visite dans ma cellule. Il m'appela " Bienheureuse Xénia" ( du nom de la sainte). " "Ô mon Dieu! puissé-je mourir, dit-il. Comment se fait-il que tu sois malade?" Il enleva alors ses chaussures et éleva sa prière à Dieu : " Seigneur, moi, moine Gabriel, je donne ma parole d'honneur de marcher trois jours pieds nus pour que la Bienheureuse Xénia soit guérie!" Je lui demandai d emodérer sa promesse. Malgré cela, il accomplit le voeu qu'il avait fait en marchant pieds nus dans la neige pendant trois jours. Il ne tomba cependant pas malade. Quant à moi, je guéris complètement."

Comme tous les fols-en-Christ, le starets avait une grande compassion pour les pauvres, et celle-ci se manifestait également à travers des actes surprenants. La Mère Nino (Dashniani) rapporte : " Une fois le starets me demanda de l'accompagner à la cathédrale de Sion. Je le suivis avec joie. A l'entrée, il commença à mendier en disant : " Aidez-moi, pour l'amour du Christ!" J'étais là, à la fois surprise et honteuse. Bientôt, il collecta quatre cents roubles. Il fit ensuite la même chose à l'église de la Sainte-Trinité. Puis il distribua tout l'argent aux pauvres."



9. L'acceptation d'être soi-même accusé en venant en aide au prochain.

Les fols-en-Christ prenaient souvent sur eux le péché des autres, ou acceptaient d'être accusé de fautes qu'ils n'avaient pas commises pour éviter aux coupables, par amour pour eux, d'être accusés ou d'avoir des problèmes.

Ottar Nikolaishvili raconte comment le Père Gabriel, par amour fraternel, lui avait évité de graves ennuis tout en lui révélant une faute qu'il prenait publiquement sur lui, au risque de scandaliser son entourage : " Une fois, le starets me choqua par sa demande de lui apporter un magazine pornographique "vigoureux comme un poisson qui se débat." Quelques jours plus atrd, je revins en espérant que le Père Gabriel avait oublié sa demande, mais la première chose qu'il me demanda était le magazine. Quand je lui dis que je ne l'avais pas apporté, il me mit dehors à coups de pieds en me disant : "Si tu ne l'apportes pas tu seras puni très sévèrement!" Je n'avais plus le choix et je lui apportai le magazine. Ayant appris cela, la communauté commença à condamner le starets. Je considérais de mon côté que c'était moi qui devais être blâmé pour cela, quand tout à coup je me souvins que mon péché de luxure était imprimé sur des photos que je gardais dans un coffre-fort avec mes documents de travail. Lorsque j'ouvris le coffre-fort, je trouvai les photos, sur lesquelles j'étais au lit avec deux filles, tandis que sur la table il y avait un "vigoureux" poisson. Je brûlai les photos. Or quelques jours après, en relation avec une enquête, mon coffre-fort fut fouillé par une agence de sécurité, et si les photos avaient été trouvées, j'aurais eu de gros problèmes. de cette façon, le starets m'avait évité de graves ennuis, au risque de perdre sa réputation. Il était ainsi capable d'accepter un scandale pour sauver son prochain."



10. Comportements débridés en public, pénitence en privé.

Comme tous les fols-en-Christ, le Père Gabriel avait en public un comportement qui le faisait passer aux yeux de beaucoup pour un malade mental. Mais à ses proches il révélait en privé un comportement normal et parfois aux antipodes des fantaisies qu'il simulait.

L'higoumène Théodora (Makhviladzé) rapporte : " J'ai souvent vu le Père Gabriel dans un état où il était grave et sérieux, en particulier dans l'extraordinaire église qu'il avait lui-même construite et dans laquelle il se retirait habituellement le temps du Grand carême, refusant d erecevoir quiconque à part nous. Là, le Père Gabriel était plongé dans ses pensées, il ne plaisantait jamais, et ses propos édifiants mnifestaient sa perfection spirituelle. " J'ai conscience d emon infirmité", avait-il l'habitude de dire. Je comprenais que ces mots venaient de son expérience. Sa parole était si captivante qu'il n'était pas facile de se rendre compte de la durée de nos entretiens - des heures ou des secondes -, car avec lui le temps n'avait plus de durée. Dans de telles circonstances, même son visage était différent : il avait une apparence saine, une expression paisible."

Comme on peut le voir aussi dans les Vies de beaucoup de fols-en-Christ, le Père Gabriel se repentait en privé de comportements brusques qu'il avait eus en public, lesquels s'expliquaient par des raisons pédagogiques pour la personne qui en était l'objet, mais aussi parfois pour les spectateurs de la scène. La pénitence et la prière du Père Gabriel avaient alors pour but d'obtenir le pardon pour le moyen utilisé, et pour la peine qu'il avait pu produire chez certains.

La moniale Pélagie (Ksovreli) rapporte à ce sujet : " Un jour, le Père Gabriel me gifla violemment devant tout le monde. Par la suite, j'en compris la raison : il voulait montrer combien la vie monastique est difficile. La nuit suivante, à genoux, il demanda pardon. Je m'agenouillai aussi à ses côtés. Nous tenant l'un l'autre dans les bras, nous pleurions et souriions joyeusement en même temps. Je sentis alors mon coeur rempli par la grâce."



11. Adoption de comportements suscitant la raillerie,

le mépris ou le rejet, dans le but d'acquérir l'humilité.

Le Père Gabriel éprouvait souvent l'humilité de ses enfants spirituels ou de ses visiteurs en vue de les faire progresser dans cette vertu. Mais lui-même n'était pas en reste : il s'humiliait devant les autres de diverses façons.

Parfois il s'humiliait lui-même en paroles, comme le rapporte Lia Kobashvili : " Vivant dans le voisinage de Père Gabriel ( lorsqu'il habitait à Tbilissi), nous nous rencontrions fréquemment. Quand il commençait à parler, ses premiers mots étaient : " Je suis stupide.""

Mais le plus souvent, comme nous l'avons vu maintes fois dans les pages précédentes, le Père Gabriel adoptait des comportements étranges qui donnaient à penser qu'il était fou. Comme chez presque tous les fols-en-Christ, il ne s'agissait pas de comportements maladifs subis contre sa volonté ( ce qui est le cas chez les vrais malades mentaux) mais d'actes voulus pour simuler la folie. De tels comportements attirent en général à leur auteur, de la part de personnes étrangères, les railleries, le rejet et le mépris. Les fols-en-Christ provoquent sciemment de telles réactions en vue de s'exercer à les supporter et à acquérir ainsi l'humilité. Dans une longue étude que j'ai précédemment consacrée à la folie-en-Christ, j'ai même montré que la recherche de l'humilité la plus haute par la voie la plus radicale, celle du mépris, du rejet et l'humiliation par les autres est la principale raison pour laquelle les fols-en-Christ adoptent ce genre de vie qui consiste à feindre la folie, et qui est une forme radicale d'ascèse par les peines qu'elle comporte (37).

(37) : ( Voir mon livre Thérapeutique des maladies mentales, Paris, 1992, chap. 6, " Une forme singulière de folie : la folie pour le Christ", p. 145-154).

Or c'est bien ainsi qu'agissait le Père Gabriel.

Souvent, et plusieurs témoins de sa vie l'ont observé, il s'agissait pour lui de se faire déconsidérer et dévaloriser après avoir commis des actes ou dit des paroles suscitant de l'admiration et de la vénération de la part d'autrui, afin d'échapper à la vaine gloire et à l'orgueil que suscitent facilement de telles marques d'honneur.

Le Père Gabriel avait inauguré un tel comportement alors qu'il n'était âgé que de douze ans, lorsque, pour échapper à l'admiration que lui valaient ses dons de clairvoyance et de prophétie, il se mettait dans une poubelle et répétait avec une voix forte, pour être entendu de tous : " Rappelle-toi toujours Vassiko, que tu es une poubelle, et ne pense jamais de bien de toi-même."

Le Père Gabriel simulait la folie, mais aussi l'alcoolisme, à tel point que certains le considéraient comme un ivrogne et le méprisaient comme tel. Parfois il se laissait tomber à terre en agitant les jambes et les bras. Souvent il poussait des cris désordonnés. Au couvent de Samtavro, il avait l'habitude de prendre un pichet de vin dans sa cellule et de le couvrir visiblement d'un linge, comme pour faire croire qu'il cherchait à cacher la faiblesse de sa soi-disant addiction.

Dans un épisode précédemment rapporté, nous avons vu aussi comment le Père Gabriel, ayant décidé de s erendre au monastère de Djvari, fit - geste totalement incongru de la part d'un moine - acheter une bouteille de vodka à la moniale qui l'accompagnait, en but une gorgée et fit passer la bouteille à toutes les personnes présentes.



12. La folie simulée comme moyen de cacher ses vertus,

ses charismes et ses miracles.

Comme tous les fols-en-Christ, le Père Gabriel utilisait des comportements inconvenants ou se dénigrait excessivement lui-même dans le but de cacher ses vertus, ses charismes ou ses miracles.

La soeur Thékla (Oniani) remarque : " Père Gabriel évitait toujours les louanges. Ses mots, comme une étincelle, allumaient la foi dans les coeurs de ceux qui étaient perdus ou coyaient peu, mais aussitôt après, son comportement avait pour but de cacher ses mérites."

L'higoumène du couvent de Samtavro, Kétévane (Kopaliani) raconte comment le Père Gabriel jeûnait strictement, mais cherchait cependant à faire croire qu'il était un gros mangeur et un grand buveur : " Le starets n'acceptait jamais aucune sorte de louange. Dès qu'une tentative de ce genre était faite, son comportement de fol-en-Christ la faisait aussitôt échouer. Une fois, je m'enquis de sa santé avec une révérence calculée. Il posa sur moi son regard perçant et me dit : " Soeur et Mère, comment pourrais-je être en bonne santé alors que je mange et bois, bois et mange, à tel point qu'une telle quantité de nourriture et de boisson aurait rendu un pharaon envieux! Je ne sais pas quoi faire de toute cette sollicitude. S'il vous plaît, souciez-vous plutôt d evous-même!" Sur la table du starets, il y avait toujours de la nourriture que nous avions apportée, mais je ne l'ai jamais vu manger quelque chose. Seul Dieu peut percer ce mystère."

Parfois, toujours par humilité, après avoir accompli un miracle, le Père Gabriel cachait qu'il en avait été l'auteur en l'attribuant à quelqu'un d'autre, ou du moins en tentant de le faire, comme le montre l'épisode suivant : " Un jour, la Soeur Nino, du couvent de Samtavro, fut mordue par un serpent dans la cour du couvent. Elle avait deux traces de morsure. Effrayées, les moniales coururent chez le Père Gabriel pour demander de l'aide. Le starets appliqua de l'huile, aspergea de l'eau bénite sur les deux morsures profondes de sa jambe, et elles guérirent aussitôt. Mais afin de cacher aux moniales son don de guérison, il leur dit : " Maintenant, allez rapidement, tandis que le Père Gabriel, dans sa cellule, adressait à Dieu de ferventes prières d'action de grâces."

C'est souvent par un comportement de fol-en-Christ ou par un pieux mensonge que Père Gabriel évitait de se voir attribuer le mérite des miracles qu'il accomplissait, comme le montre ce témoignage de la Soeur Catherine (Ebralidzé) à propos de sa capacité de chasser les démons : " Le Père Gabriel n'acceptait jamais de louanges, c'est pourquoi, après avoir fait des miracles, il prenait habituellement son comportement de fol-en-Christ. Nous sommes témoins de la façon dont il expulsait les mauvais esprits. Grâce aux prières du starets, la personne était complètement guérie. M ais pour effacer cet événement de notre mémoire, le Père Gabriel prétendait qu'il avait été piégé par les démons. Pour cacher son pouvoir, il voulait nous montrer sa faiblesse. Et nous le croyions... Des années plus tard, le Seigneur nous a éclairées et nous avons senti la sagesse du starets."



13. Patience et amour dans la souffrance.

Prière pour les persécuteurs.

L'un des traits communs aux fols-en-Christ est leur capacité de supporter la souffrance, notamment celle qui vient des persécutions qu'ils subissent.

Gia Kobachisvili, l'un des anciens voisins du starets lorsqu'il habitait à Tbilissi, note : " Des incroyants occupant des places importantes dans la société, en ces années d'athéisme, ont persécuté le Père Gabriel pendant toute sa vie. Son coeur fut blessé de très nombreuses fois, mais il n'eut jamais de malice ni ne se plaignit jamais de ceux qui le traitaient avec rudesse."



14. L'amour des "petites gens".

Comme tous les fols-en-Christ, le Père Gabriel avait une attention et un amour particulier à l'égard des petits, des obscurs, des sans-grade, des pauvres, des simples d'esprit, de ceux que la société méprise, oublie ou rejette.

L'higoumène Théodora (Makhviladzé) témoigne : " Graduellement, j'ai acquis la conviction que les paroles et les actes du starets étaient le reflet de sa foi profonde et de son immense amour du prochain. Il consacrait sa vie à garder les deux principaux commandements : l'amour de Dieu et du prochain. Il ne refusait jamais de consoler les âmes "offensées et humiliées", sans tenir compte de leur statut social, de leur nationalité ou d ela nature de leur foi."

Le métropolite Isaïe (Kanturia) se rappelle un épisode vécu au cours de Vêpres auxquelles il assistait, quand il était jeune, au couvent de Samtavro : " Parmi les moniales et les laïcs présents, il y avait une femme faible d'esprit de Mtskheta, qui n'arrêtait pas de parler de ses oies, qu'elles avait perdues puis retrouvées, puis perdues, puis de nouveau retrouvées - c'était une histoire sans fin... Etant entré pendant les Vêpres, le Père Gabriel se fraya un passage parmi l'assistance, bénissant ceux qui, à droite et à gauche s'agenouillaient devant lui à son passage. Il continuait ainsi ses bénédictions quand il remarqua dans la foule cette femme faible d'esprit. Son coeur fut alors rempli de joie, il alla vers elle et l'étreignit avec beaucoup de chaleur, la rgearda dans les yeux et lui demanda : " Comment vas-tu?" Elle répondit : " Pas mal..." "Comment vont tes oies? " interrogea-t-il. Si vous aviez vu comme il se sentait concerné par cette histoire d'oies perdues et retrouvées, et comme ils étaient touchants tous les deux!"



15. Le charisme de clairvoyance.

Bien que ce ne soit pas un trait qui leur est propre ( les vrais startsy disposent aussi de ce charisme), les fols-en-Christ sont tous clairvoyants, c'est-à-dire possèdent d'une part la capacité à la fois de lire dans les coeurs (cardiognosie) et de percevoir dans les âmes des pensées ou des attitudes secrètes, inavouées ou inconscientes de la personne qui en est porteuse, et d'autre part de connaître des êtres, des choses ou des faits qui se situent à distance, ou encore des événements qui se sont produits dans le passé des personnes.

De nombreux récits témoignent que le Père Gabriel possédait ce charisme. La soeur Théodora (Bolkvadzé) note : " Le Père Gabriel avait le don de lire les pensées et il était impossible de lui cacher quoi que ce soit." L'un de ses enfants spirituels, Ottar Nikolaishvili témoigne que le starets répondait à ses questions avant qu'il ait prononcé un seul mot. Et Mère Paraskéva rapporte : " Un jour, je demandai au Père Gabriel si je pouvais lui confesser mes péchés. Il me dit : " Prends un miroir et regarde-toi. Je ne penses pas que tu y voies mieux ton visage que je ne vois ton âme. Je n'ai pas besoin de ta confession."

Le Père Gabriel avait reçu ce charisme de Dieu alors qu'il était au seuil de l'adolescence, puisque nous avons vu dnas sa Vie que pendant la guerre, alors qu'il n'était âgé que de douze ans, des personnes allaient le consulter pour savoir ce qu'étaient devenus leurs parents partis combattre au front. Nous avons vu aussi que quelques années plus tard il précédait la diseuse de bonne aventure Margo ( par laquelle il était hébergé) auprès des visiteurs venus la consulter, afin d eles gagner au christianisme, en leur faisant des révélations qui dépassaient les capacités de la "voyante".

Ce don ne l'a pas quitté mais s'est au contraire développé par la suite. Comme tous les spirituels qui le possèdent, il l'utilisait non à son propre profit ou pour sa propre gloire, mais dans le but d'aider certains de ses visiteurs.

L'archimandrite Sabbas (Kutchava) raconte comment le Père Gabriel avait aidé des jeunes gens à révéler leurs fautes en confession en les découvrant lui-même : " Une fois des jeunes gens vinrent se confesser chez le Père Gabriel, mais ils n'avaient pas l'habitude de se confesser, et il était difficile pour eux de commencer. Le Père Gabriel se mit gentiment à révéler leurs fautes, et à la fin ils n'avaient rien à ajouter... Ayant écouté ses conseils, ils repartirent soulagés."

Pour d'autres personnes, c'est sans qu'elles le veuillent qu'il leur révélait leurs péchés, afin de les amener à se repentir et à changer leur conduite.

La Mère Paraskéva rapporte : " Un jour, un moine interrogea le Père Gabriel sur la signification du jeûne. " Un moment!" lui dit le starets, qui commença alors à énumérer tous les péchés du moine depuis son enfance. Le moine fut rempli de confusion et tomba à genoux pour demander pardon. Père Gabriel devint alors tout joyeux et lui offrit à manger."

Le charisme de clairvoyance permettait aussi au Père Gabriel de percevoir les difficultés tenues cachées par certaines personnes, de leur apporter l'aide adéquate et parfois de les sauver des pièges du diable et de la perdition spirituelle.

L'archimandrite Sabbas (Kutchava) note : " Les paroles de Père Gabriel étaient toujours prononcées au bon moment et préservaient alors les gens de troubles qui allaient leur survenir. Il était difficile de percevoir ce qu'il pensait, mais pour lui, inversement, les âmes étaient transparentes et par son discernement spirituel toutes les illusions étaient retranchées."

La Soeur Nino (Julakidzé) se souvient : " Quelques mois après être entrée comme novice au couvent de Samtavro, une lourde épreuve pesa sur ma tête. L'une des moniales commença à me calomnier, essayant de m'accabler. Je n'en parlai à personne, considérant que mes péchés en étaient la cause. Et aussi je ne voulais pas déranger mon père spirituel avec mes plaintes. Finalement la situation devint si grave que je pris la décision de quitter le couvent, mais je n'en informai personne. C'était le temps de la prière. Tout le monde se rassemblait à l'église. Je marchais seule. Le Père Gabriel vint à ma rencontre sur les escaliers et me chuchota : " L'Ennemi veut t'enlever la grâce. Sois patiente! Tiens bon!" J'étais étonnée qu'il ait pu percevoir mes pensées. Je fus encore plus surprise quand il s'approcha de celle qui me calomniait, et lui fit des reproches. Je glorifiai Dieu et je décidai de rester au couvent. Bientôt les propos édifiants du Père Gabriel portèrent leurs fruits et ma patience fut récompensée. Le patriarche donna sa bénédiction pour que je porte l'habit monastique, et je fus tonsurée un an après."

Le témoignage de la Soeur Nana (Agladzé) fait apparaître comment ce don de clairvoyance pouvait se combiner chez le Père Gabriel avec un comportement de fol-en-Christ, et comment cette combinaison pouvait avoir un effet salvateur : " Une fois, je sentis que j'avais des pensées de vaine gloire. Bien que je sache que cela venait du diable, je ne fis rien contre. Lorsque j'allai chez le Père Gabriel pour prendre sa bénédiction, il commença à crier : " Elle n'est bonne à rien! Jetez-la dehors!" Humiliée, je sortis, mais mes pensées de vaine gloire disparurent aussitôt. Le jour suivant, quand je passai devant la cellule du starets, je l'entendis s'exclamer : " Eh! le pape de Rome en personne est venu me voir, moi pécheur, pour prendre ma bénédiction!" Je compris que la tempête s'était calmée. La fois suivante, il me dit : " Toutes les tentations admises par Dieu nous sont données pour nous éprouver.""



16. Le charisme de prophétie.

Un autre charisme présent chez presque tous les fols-en-Christ mais moins présent en revanche chez d'autres spirituels est celui de prophétie, qui permet de voir certains événements avant qu'ils ne se produisent.

De nombreux témoignages montrent que le Père Gabriel était pourvu également de ce don de Dieu; Il l'avait reçu également au temps de son adolescence et le manifesta jusqu'à sa mort. La moniale Pélagie (Ksovréli) note : " Pas un seul mot prononcé par le starets n'était gratuit. Il avait toujours un certain sens caché; Par une grâce spéciale qu'il avait reçue de Dieu, le starets avait un don prophétique et pouvait voir les événements par avance. Mais le côté extérieur de la chose - l'opinion que les gens pouvaient avoir à ce sujet - ne lui importait aucunement."

La soeur Nino (Julakidzé) se souvient que sa première rencontre avec le Père Gabriel fut marquée par la révélation de ses dons à la fois de clairvoyance et de prophétie : " Le 22 mai 1993, je vins au couvent de sainte Nino. Le jour suivant, je vis le Père Gabriel en face des escaliers du clocher. Sur sa poitrine, il avait une icône du Sauveur. Le starets était bizarrement habillé. Je pensai : "Quelle personne excentrique!" A son apparence, je compris qu'il lisait dans mes pensées, et cela me donna froid dans le dos. Je ressentis de la honte à cause de mes pensées. On me dit qu'il s'agissait du Père Gabriel, un prêtre clairvoyant, un thaumaturge, qui pouvait prédire mon avenir. Le Père Gabriel me souhaita respectueusement la bienvenue, et je pus avoir un long entretien avec lui. Tout ce qu'il m'a dit alors s'est révélé vrai jusqu'à ce jour."

Comme les anciens prophètes, les fols-en-Christ utilisaient souvent ce don pour réveiller les gens spirituellement, et pour les amener à changer leur conduite et à la conformer à la volonté de Dieu. Cette tâche s'imposait particulièrement en Géorgie dans la période où la propagande communiste et la politique antireligieuse du pouvoir avaient éloigné beaucoup de gens de l'Eglise.

L'higoumène du monastère de Samtavro, Kétévane, se rappelle cet épisode, datant de l'époque où le Père Gabriel vivait dans la capitale, où il s'indignait de voir une église affectée à des activités profanes : " J'ai vu Père Gabriel pour la première fois il y a vingt ans avenue Rustaveli (38).

(38) : ( L'avenue principale de la capitale. L'équivalent des Champs-Elysées de Paris).

Il était en train de proclamer à haute voix : " Géorgiens, réveillez-vous! Recouvrez votre bon sens! Qu'arrive-t-il à la Géorgie? Portez votre regard sur le tombeau de saint Shushanik! Qu'est-ce que le théâtre a à voir avec l'église de Méthékhi?!" En pleurant amèrement et en poussant des gémissements, le starets fol-en-Christ exprimait son chagrin et sa peine pour le peuple et l'Eglise. Après cet épisode, je me rendis à l'église de méthékhi, et je trouvai sur le tombeau du saint des articles relatifs au théâtre. Un certain temps après, par la grâce divine et le labeur de Sa Sainteté Elie II, les Liturgies furent de nouveau célébrées dans les églises et les tombeaux des saints de nouveau vénérés."

Cet épisode, raconté par l'higoumène Mariam (Mikeladzé) montre mieux encore comment le Père Gabriel pouvait voir à distance certains événements, mesurer leurs conséquences et prédire leur suite : " Le 9 avril 1989, le couvent menait sa vie routinière. Mais à minuit, le Père Gabriel, qui avait perçu les événements tragiques qui se déroulaient dans la capitale, alla sonner les cloches en criant : " Réveillez-vous! La Géorgie est ensanglantée (39)!"

(39) : ( Ce jour-là, l'armée soviétique avait durement réprimé une manifestation en faveur de l'indépendance, tuant une cinquantaine de personnes).

Malheureusement, personne ne pouvait savoir ce qui s'était passé, et on le laissa seul avec son chagrin. Après ces événements dans notre pays, ayant perdu espoir, je demandai à Père Gabriel si la Géorgie survivrait. Il me répondit avec son visage rayonnant : "Le salut vient de commencer!""

D'autres fois, les prophéties du Père Gabriel concernaient le destin particulier des personnes. L'higoumène Kétévan ne peut oublier cette prophétie la concernant : " La deuxième fois que je rencontrai le vénérable starets, c'était à la cathédrale de Sion. Après la Liturgie, il bénissait les fidèles présents. S'approchant de moi, il me dit : " Que notre Seigneur Dieu te bénisse, mon enfant. Tu seras la Mère de la Géorgie." Je fus toute confuse, recevant cette parole comme une exagération dépourvue de sérieux, puisque c'est sainte Nino qui est considérée comme la mère de la Géorgie. Le temps passa, et par la grâce de Dieu je fus tonsurée. Quelques années plus tard, le patriarche devait consacrer une nouvelle higoumène pour le couvent de Sainte-Nino. je craignais que cette lourde croix ne pèse sur mes épaules, et je fis part de ma crainte au Père Gabriel. Le starets l'apaisa aussitôt en me disant : " Ne sois pas effrayée, ma Soeur : la grâce divine est sur toi; ne rejette pas la bénédiction du patriarche puisque c'est la volonté de Dieu." Le 13 juillet 1991, en la fête des Douze Apôtres, je fus consacrée higoumène du couvent Sainte-Ninon de Samtavro. La prophétie du starets s'était réalisée : le couvent Sainte-Nino est en effet considéré comme "la Mère" de tous les couvents de Géorgie."

Parfois les prophéties se suivaient. L'higoumène Théodora ( Makhviladzé) rapporte : " J'étais novive au couvent de Samtavro. Ce jour-là, lorsque j'entendis la voix puissante du Père Gabriel, je me précipitai pour lui ouvrir la porte de l'église, et il apparut juste en face de moi. Je ne pus proférer une parole; je me trouvais devant un homme d'un autre monde. " J'ai entendu que l'amour en personne nous avait visité", dit-il gentiment en s'adressant à moi. Puis, jetant soudainement son regard alentour et l'arrêtant sur la novice Nino ( aujourd'hui higoumène Myriam), il lui dit : " Tu seras higoumène dans douze ans." A une autre, qui s etenait non loin de là, il prophétisa : " Tu seras à demi Shushanik (40)."

(40) : ( Ce qui signifiait : tu seras à moitié martyre, car Shushanik (Suzanne) est une sainte martyre géorgienne).

Et il salua ainsi chacun d'entre nous d'une manière inhabituelle."

Parfois, le Père Gabriel percevait d'avance les malheurs qui allaient affecter l'avenir d'une personne. Quand il n'était pas utile spirituellement de les lui révéler, il pleurait seulement sur son sort et priait pour elle. L'higoumène Théodora (Makhviladzé) rapporte : " Un jour, une jeune fille vint prendre la bénédiction de Père Gabriel. Lorsqu'elle s'éloigna, il commença à gémir : " Deux horribles souffrances l'attendent, et sa douleur sera comparable à celle qui a percé le coeur de la Mère de Dieu." Et effectivement, deux événements tragiques se produisirent par la suite, qui laissèrent en elle des marques profondes pour le restant de sa vie."

Pour d'autres personnes, les prophéties du starets prévoyaient de futurs errements et sonnaient comme des mises en garde, dont malheureusement ceux à qui elles étaient destinées ne tenaient pas toujours compte. L'archiprêtre Néophyte (Davitashvili ) se souvient : " Je rencontrai pour la seconde fois le starets dans un monastère. Là, en public, il dénonçait un clerc en tapant du pied. Ses prophéties étaient si terrifiantes que j'étais paralysé par la peur. Je ne pouvais pas imaginer que de telles choses puissent arriver avec une telle précision mathématique. Maintenant que ce clerc est dans le schisme et que personne ne sait ce qu'il est devenu, je reconnais respectueusement que le Père Gabriel possédait réellement, par la grâce de Dieu, le pouvoir de prophétie et de clairvoyance."

La moniale Pélagie (Ksovréli) relate un cas semblable, où le don de prophétie du Père Gabriel s'accompagne de son comportement de fol-en-Christ : " Au couvent était célébrée la cérémonie de conséécration d'un évêque. Au cours de la Divine Liturgie, le starets commença à parler à haute voix, à faire du bruit, interrompant le service. Chacun s'efforçait de supporter avec patience ses extravagances, mais quand il alla se placer près de l'évêque qui allait être consacré et dit à haute voix qu'il ne méritait pas ce titre, le métropolite demanda que l'on fasse sortir le Père Gabriel de l'église. Quand deux novices s'approchèrent de lui pour l'emmener, le starets prit soin d'ajouter : " Vous n'avez pas compris ce que je voulais dire;" Le temps passa et l'évêque consacré quitta l'Eglise."

Les prophéties du Père Gabriel servaient aussi à éviter des malheurs. La future Soeur Elisabeth (Zédgénidzé) rapporte : "Nous nous préparions pour un long voyage. Père Gabriel vint se mettre devant ma voiture et la bloqua en disant : " ne partez pas, sinon vous allez mourir dans un accident!" En dépit de son avertissement, nous partîmes. Et nous eûmes un accident : une voiture venant en sens inverse heurta notre voiture avec une telle force qu'elle chuta dans un ravin profond de seize mètres. C'est par un miracle que nous restâmes en vie : " J'ai beaucoup prié pour vous sauver de la mort!" nous dit le Père Gabriel à notre retour."

Les prophéties du Père Gabriel prévoyaient aussi d'heureux événements, et amenaient ceux qui allaient en bénéficier à les préparer spirituellement comme il convient.

Un témoin rapporte : " Un homme et une femme étaient mariés depuis de nombreuses année. Ils n'avaient pas d'enfant et les médecins n'étaient pas optimistes quant à une possibilité future de procréer. Ils allèrent voir Père Gabriel. Celui-ci les fit mettre à genoux, les bénit et leur prescrit de faire célébrer trois services de supplication à saint Jean Baptiste, leur disant qu'après cela leurs prières seraient entendues. Père Gabriel rassura la femme et l'assura qu'elle serait mère dans un an. "Si c'est un garçon, nous lui donnerons votre nom!" dit-elle avec un sourire heureux. " Pourquoi donc, répartit le Père Gabriel, la reine Tamar était une femme, et n'était-elle pas supérieure?" Un an plus tard, le couple donna naissance à l'enfant tant attendu : c'était une fille qu'il amena au starets pour qu'il la bénisse."

Parmi les prophéties du Père Gabriel, l'une concerne sa propre mère. Celle-ci, après s'être longtemps opposée à l'engagement total de son fils dans la vie spirituelle puis dans la voie monastique, avait été amenée par Dieu, à la suite des prières de celui-ci, à devenir moniale, à la fin de sa vie, au couvent de Samtavro. Le Père Gabriel prédit un jour que sa mère serait enterrée le jour même de sa mort, ce qui paraissait a priori improbable, puisque les canons de l'Eglise prescrivent de respecter un délai de trois jours, et que cela ne peut se produire que dans des circonstances très exceptionnelles. La Mère Paraskéva se souvient : " J'étais confuse quand le Père Gabriel me dit un jour : " Ne m'enterrez pas dans un cercueil; gardez-le plutôt pour ma mère. Il peut arriver que l'on enterre une personne le jour même." Quelques années plus tard, la mère du Père Gabriel, la moniale Anna, décéda. C'était en 2000, le soir du Grand Mercredi, quelques jours avant Pâques. Le lendemain nous annonçâmes le décès au patriarche, qui, à ce moment-là, célébrait la Liturgie. Il donna sa bénédiction pour célébrer les funérailles le jour même à cause des fêtes qui suivaient. C'est alors que je me rappelai les paroles du Père Gabriel, qui sur le moment m'avaient paru étranges."





III

APOPHTEGMES



Un jour, deux soeurs, Nana et Manana rencontrèrent le Père Gabriel en ville et étaient très heureuses d'aller prendre sa bénédiction. Mais parce que le sol était boueux en raison de la pluie, elles décidèrent de ne pas s'agenouiller comme on le faisait d'habitude, mais seulement de faire une petite métanie. Quand elles le firent, à leur surprise, le Père Gabriel s'agenouilla dans la boue, de sorte qu'elles durent suivre son exemple. Il les bénit dans cette position, et, en leur faisant un clin d'oeil, il leur dit : " Score : 1-0!" Le Père Gabriel n'était pas seulement, comme un enfant malicieux, content de leur avoir joué un bon tour : il leur avait montré, par un acte d'humilité et de vénération réciproque, que quand on vénère vraiment une personne on ne doit, pour le lui exprimer, reculer devant aucune circonstance matérielle.



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L'higoumène Michel (Gabrichidzé) rapporte : " Alors que je venais d'être tonsuré, je rendis un jour visite au Père Gabriel pour en recevoir un enseignement spirituel. Il était malade et était étendu dans sa cellule. Il demanda néanmoins aux soeurs qui le servaient de dresser la table et d'apporter une bouteille de vin à mon intention. Lorsque les soeurs eurent quitté la pièce, il me dit : " Elles croient que je ne me sens pas bien. Mais en vérité, personne n'est plus heureux que moi, car, plus je souffre, plus je me rapproche de Dieu." Il s'arrêta un instant et commença à pleurer. " Que ma foi est faible! reprit-il. Je me suis laissé aller à predre une pilule pour soulager mes maux d'estomac. Mais que peut faire une minuscule pilule si le Tout-Puissant permet que je sois éprouvé?!"



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L;higoumène Kétévane, du couvent de Samtavro, témoigne : " Le Père Gabriel se distinguait par un don de tolérance exceptionnelle. Dans toutes les personnes, sans aucune distinction, il voyait l'image et la ressemblance de Dieu. Il partageait les sentiments du prochain et éprouvait de la compassion pour ses souffrances. Il était si humble qu'il se considérait lui-même comme le plus grand des pécheurs. Il nous exhortait à être doux et humbles. Il nous interdisait catégoriquement de condamner notre prochain."



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Un jour que Sa Sainteté le patriarche Elie II visitait le couvent de Samtavro, le Père Gabriel apparut avec sur la tête la couronne dorée qu'il portait déjà parfois dans les rues, quand il résidait à Tbilissi. Après que le Père Gabriel eut pris la bénédiction du patriarche, celui-ci lui demanda si la couronne était en or. " Non, lui répondit le Père Gabriel. Si elle avait été en or, j'aurais été décapité depuis longtemps." Ils se regardèrent alors l'un l'autre avec un amour fraternel.



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L'higoumène Michaël (Gabrichidzé) rapporte : " Lors de la Grande Semaine, le Grand Jeudi, après le service liturgique à la cathédrale, nous retournâmes au couvent pour le repas. En passant devant la tour où se trouvait la cellule de Père Gabriel, nous entendîmes des gémissements. Lorsque nous demandâmes ce que c'était, les soeurs nous dirent que le Père Gabriel pleurait chaque jour pendant la semaine de la Passion. Dans sa contrition devant Dieu, il Lui demandait d'accorder Son pardon à chacun d'entre nous."



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Un jour, on décida de changer les icônes de l'iconostase. Le Père Gabriel exprima fermement son opposition. Aussitôt, les icônes commencèrent à émettre un délicat parfum, et du myrrhon suinta d'elles pendant environ un mois.



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Pendant la guerre civile en Géorgie, un groupe armé d'une quarantaine d'hommes vint visiter le couvent de Samtavro. Le Père Gabriel les bénit avec amour, leur fit déposer les armes à l'extérieur, les conduisit dans l'église, et, après leur avoir fait réciter le Notre Père à genoux, il leur distribua des petites croix. Ensuite, montant à l'ambon, il leur fit un sermon sur l'amour fraternel et l'amour de Dieu, puis il leur demanda : " Où allez-vous, mes fils?" nous allons à Zougdidi pour faire la guerre!", répondirent-ils. " Quoi, mes frères?! s'indigna le Père Gabriel, vous allez faire la guerre à d'autres Géorgiens?". Levant alors les mains, il s'écria : " Tuez-moi, je suis la Géorgie!" Puis, prenant son bâton, il l'agita et cria : " Je vais vous casser la tête avec ça, misérables lâches! C'est une coiffe de femme que vous devriez porter, pas un couvre-chef d'homme!" Aussitôt les "nobles chevaliers" sortirent de l'église avec une telle précipitation qu'ils faillirent oublier leurs armes.



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Un jour, le futur métropolite Daniel, qui était alors le père spirituel du couvent, discutait des problèmes de la vie monastique avec des moniales; Le Père Gabriel montait alors les escaliers et entendit des plaintes des soeurs au sujet de l'higoumène. Il s'approcha alors des moniales et leur dit : " Comment osez-vous parler sur l'higoumène? Savez-vous qui vous êtes vous-mêmes?" Il se tourna ensuite vers le Père Daniel et lui dit en lui montrant les soeurs : " Pardonne à celle-ci et prends soin de celle-là!" Puis il descendit les escaliers. Le Père Daniel remarqua alors avec étonnement : " J'avais l'intention de dire quelque chose de tout à fait différent, mais le Père Gabriel a changé toutes mes pensées, car le Seigneur Lui-même parle par sa bouche."



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Un jour, quelques laïcs allèrent vers le Père Gabriel pour prendre sa bénédiction. Il leur demanda : " Pourquoi venez-vous me voir?" " Vous nous manquez", lui répondirent-ils. " Qu'est-ce que ça veut dire, " vous nous manquez", reprit le Père Gabriel, est-ce que je suis Nato Vachandzé (41) ?

(41) : ( Célèbre acteur de cinéma géorgien).

Vous devez venir me voir seulement quand vous avez besoin d'une aide spirituelle."



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Les pensées du Père Gabriel étaient constamment avec Dieu. Chaque fois qu'il voyait quelqu'un dire des prières rapidement, il commençait à mimer : " Ta-ra-tat-ta, ta-ra-ta-ta, " et disait : " Es-tu en train de dire des prières ou de lire un journal? ça ressemble au bruit d'une mitraillette... Il faut dire les prières avec crainte et vénération! Pense un moment en face de qui tu te tiens! A qui parles-tu? Jésus-Christ est toujours invisiblement présent. Il est au milieu de nous!"



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Un jour, le professeur de médecine Bochorishvili et sa famille vinrent en visite au couvent. Le starets était retiré dans sa cabane. Les hôtes allèrent le saleur respectueusement et lui proposèrent une assistance médicale. Mais le Père Gabriel déclina fermement l'offre en disant : " Désolé, je suis moine et je ne suis pas en position de faire ce que je veux de mon corps. Le premier Guérisseur, c'est Dieu; après Lui seulement vient le médecin."



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L'higoumène Lazare (Gagnidzé) rapporte : " Le starets Gabriel était une étonnante synthèse du monachisme florissant du Moyen Age et du monachisme persécuté du XXème siècle, et une image des Saints Pères que nous font connaître les chroniques anciennes. Etant à la fois très ascétique et doux comme un enfant, il émettait un rayonnement divin. Ses mains expressives, ses paroles émouvantes, pleines de force et persuasives, conduisaient les commençants sur le chemin de la Lumière. Dans le même temps, il était pour les chrétiens expérimentés un sévère dénonciateur de leurs faiblesses. Si c'était nécessaire, il leur faisait voir leurs fautes, les faisant mettre à genoux et élevant la voix sur eux. En général, il ne manquait pas une occasion de faire une remarque bénéfique pour l'âme et pour le corps. Même ceux qui ignoraient tout de la foi orthodoxe et prenaient sa bénédiction lorsqu'ils visitaient le couvent, étaient attirés par la force magnétique et la grâce qui irradiaient de sa personne. Il semait en tous les semences de la vraie foi."



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Après la Liturgie, le Père Gabriel allait dans la cour, où il était entouré par les fidèles et s'entretenait avec eux. Il ne laissait jamais aucune question sans réponse. Et il était étonnant de voir à quel point ce qu'il disait se réalisait.



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Mère Paraskéva, la servante de cellule du Père Gabriel, rapporte : " Je me trouvais dans la cellule du Père Gabriel et quelques pèlerins vinrent demander un verre d'eau. Puisqu'il n'y avait pas d'eau courante au robinet, je les dirigeai vers le réfectoire, ne voulant pas déranger le starets. Celui-ci me réprimanda en disant : " Comment peux-tu manquer une chance de montrer de la miséricorde envers ton prochain? Cours vite! Un simple verre d'eau donné à quelqu'un qui a soif est une grande action aux yeux de Dieu.""



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Le Père Gabriel racontait cette histoire : " Un Saint Père avait un novice à qui il donna sa bénédiction pour planter des choux en mettant les plants à l'envers. Le novice pensa que l'Ancien avait perdu l'esprit, et il mit les replants dans le sens normal, mais les choux ne poussèrent pas. L'Ancien lui dit alors : " Mon fils, c'est le fruit de la désobéissance." Le novice demanda pardon et mit les plants dans le sens qu'avait béni l'Ancien. Les choux poussèrent alors magnifiquement. L'Ancien lui dit : " Tu vois, mon fils, c'est le fruit de l'obéissance.""



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Le Père Gabriel ne voulait pas imposer sa volonté quand il s'agissait d'orienter la vie des gens, mais tenait à respecetr leur liberté. Il disait : " L'homme doit bénir sa voie par des décisions raisonnables. Sa voie dépend de la façon dont il agit. Dieu a doté l'homme d'une volonté libre. Qui suis-je pour interférer?"



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Le médecin traitant du Père Gabriel était le docteur Zurab Varazishvili. Un jour, pour lui exprimer sa reconnaissance, le Père Gabriel lui donna un mouton qui avait été offert au monastère, en disant : " Tout travail mérite salaire, et témoigner de sa gratitude à un médecin, c'est rendre grâces à Dieu." Mais le médecin refusa le cadeau, car il considérait que son assistance devait être gratuite. Le jour même, le mouton mourut. Lorsqu'il revit le médecin, le Père Gabriel lui dit : " Mon frère, pourquoi n'as-tu pas consenti? Personne n'a jamais entendu dire qu'un mouton offert au monastère meure; c'est la première fois que c'est arrivé, et cela s'est produit à cause de ta désobéissance." Il offrit alors un autre mouton au médecin, que celui-ci accepta avec gratitude.



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Mère Paraskéva rapporte : " Un jour, quelqu'un apporta des pommes. Père Gabriel me dit de faire de la confiture en faisant bouillir les pommes avec les pépins. Je lui dis que c'était impossible de faire de la confiture avec les pépins, et je les ôtai. Quelques jours plus tard, la confiture était moisie dans tous les pots."



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Des visiteurs apportèrent un jour trente oeufs au starets. Celui-ci leur donna sa bénédiction pour en laisser quinze et pour reprendre le reste. Mais ils refusèrent d'emporter le reste. Ces quinze oeufs pourrirent peu après.



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Un jour, un moine interrogea le Père Gabriel sur la signification du jeûne. " Un moment!", lui dit le starets, qui commença alors à énumérer tous les péchés du moine depuis son enfance. Le moine fut rempli de confusion et tomba à genoux pour demander pardon. Père Gabriel devint alors tout joyeux et lui offrit à manger. Le moine, avec un coeur contrit, dit alors avec tristesse : " Comment puis-je manger dans un tel état? " "C'est exactement le sens du jeûne, lui répondit le starets : quand tu te repens avec des gémissements et que tu cesses de penser à la nourriture."



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Mère Paraskéva rapporte : " Il était six heures du soir. J'étais assise avec le Père Gabriel dans sa cellule. Tout d'un coup, il me dit d'une façon inattendue : " Laisse-moi seul maintenant; on ne doit pas me voir." " Pourquoi?" lui demandai-je. " Laisse-moi!" répéta-t-il en détournant son visage. En me dirigeant vers la porte, je remarquai que sa face était toute brillante et réfléchissait des rayons semblables à ceux du soleil."



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Avant le Grand Carême, le Dimanche du pardon, le Père Gabriel, se mettant à genoux, demandait pardon à chacun. Si une personne qu'il avait réprimandée n'avait pas paru avant la nuit, il allait lui-même la trouver pour lui demander pardon.



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Un couple, dont la femme attendait un enfant, était assis dans la cellule du Père Gabriel. Celui-ci les avertit : " Le bébé entend tout, aussi essayez d'être toujours dans un bon état d'esprit et d'utiliser des mots gentils." Le mari objecta : " Si je n'entends pas ce que mon voisin fait derrière le mur, comment l'enfant entendrait-il dans le ventre de sa mère?" "Vous ne me croyez pas?" dit le Père Gabriel. Se tournant alors vers la mère, il s'adressa à l'enfant : " Eh! petit enfant, n'entends-tu pas la parole de Dieu?" L'enfant donna alors de si vigoureux coups de pieds que la mère fut forcée de sortir.



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Mère Paraskéva rapporte : " Etant dans son état de fol-en-Christ, le Père Gabriel dit : " Je suis toujours là où je veux être. J'ai été aussi dans l'Hadès. C'est le lieu qui est en-dessous de nous. Vous ne pouvez pas imaginez combien les gens souffrent là-bas!"



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Un jour, alors qu'il était gravement malade, il dit : " En ce moment je vais au monastère de Shavnabada." Je pensais qu'il plaisantait. Après un moment, je lui demandai :

"Avez-vous visité le monastère de Shavnabada, Père?

- Oui, ils prenaient le repas lorsque je suis arrivé.

- Vous ont-ils vu?

- Non, je ne voulais pas apparaître devant eux pour qu'ils ne soient pas surpris.

- Que faisait l'higoumène?

- Il comptait les personnes présentes."

Quelques jours plus tard, l'higoumène du monastère de Shavnabada, l'archimandrite Shio, nous rendit visite. Je lui demandai combien de moines et de novices il y avait dans le monastère. " Je ne le sais jamais, dit-il, car quelqu'un vient, quelqu'un s'en va, et je compte d'ordinaire les présents avant chaque repas." Le Père Gabriel me regarda alors en souriant."



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On demanda au Père Gabriel s'il est possible de mentir pour sauver un homme. Il répondit : " On peut parfois cacher quelque chose pour éviter à quelqu'un qu'on lui fasse du mal." Et il raconta cette histoire : " Un voleur vint chez un ermite en lui demandant de le cacher de ceux qui le poursuivaient. L'ermite le cacha. Quand les poursuivants l'interrogèrent au sujet du voleur, l'ermite dit qu'il n'avait vu personne." Le Père Gabriel conclut : " On ne doit pas mentir par peur; cela serait considéré comme un péché. Mais l'amour du prochain est une raison supérieure."



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Mère Paraskéva rapporte : " En tant que servante de la cellule du Père Gabriel, j'étais autorisée à y pénétrer sans prononcer la prière (42).

(42) : ( Dans la tradition monastique orthodoxe, lorsqu'un moine frappe à la porte de la cellule d'un autre moine pour y entrer, il dit : " Par les prières de nos saints Pères, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, aie pitié de nous." Si l'autre moine accepte d'ouvrir, il répond : " Amen.").

En faisant le signe de la croix, j'ouvris la porte. J'entendis alors le starets qui parlait avec quelqu'un, mais il n'y avait personne à part lui... Lorsque je lui demandai à qui il parlait, il me répondit : " Aux anges.""



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Le Père Gabriel ne laissait jamais quelqu'un attendre à la porte de sa cellule. ll disait : " Comment pourrais-je être tranquille si quelqu'un attend après moi? Le coeur d'un bon moine doit être aussi tendre que celui d'une femme." Il lui arrivait aussi de rassembler toute une foule dans sa cellule et de prêcher à tous la Bonté éternelle."



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Mère Paraskéva relate : " Un jour, Père Gabriel nous demanda comment nous comprenions l'affirmation que la prière peut être un péché.

" C'est que la prière n'a pas été dite correctement", avons-nous répondu.

- Non, ele a été dite correctement.

- Elle ne venait pas du ceour...

- Non, elle venait du coeur.

- Elle était dite avec une attention distraite...

- Oh! maintenant vous revendiquez le privilège d'être placées parmi les saints, car seuls les saints peuvent prier avec l'esprit complètement concentré!"

Nous demandâmes alors au starets de nous expliquer ce qu'il fallait entendre par là. Dans le même temps, un visiteur vint prendre sa bénédiction. Père Gabriel lui demanda une faveur. L'homme refusa en disant qu'il était trop occupé : " Je verrai si je peux le faire plus tard." Et à ces mots il sortit. Le Père Gabriel nous dit : " Maintenant cet homme va aller prier cinq heures durant. Pensez-vous que Dieu entendra ses prières après qu'il a refusé de m'aider? Si vous désobéissez aux commandements, n'allez pas déranger Dieu! vos prières Lui seront une offense. Les bonnes actions ouvrent les portes du Royaume des cieux; seule l'humilité vous y conduira, et seul l'amour vous rendra capables de voir le Seigneur. Si les prières ne sont pas suivies de bonnes actions, elles sont des paroles mortes.""



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Pour montrer que lorsqu'on juge quelqu'un on tombe souvent soi-même dans le péché qu'on lui reproche, le Père Gabriel raconta ce qui lui était survenu à l'époque où il vivait en ville : " Un jour, j'allai voir un prêtre qui était porté sur la boisson, et je le blâmai devant le patriarche, bien que je ne le connaisse pas bien. A la maison, nous avions toujours une réserve de vin; Habituellement, je ne buvais pas, mais j'éprouvai soudain l'envie d'en boire. J'en pris un verre. Je me sentis alors un peu pris de vertiges, mais me rendis néanmoins à la cathédrale de Sion. J'entrai dans le sanctuaire. Soudain, je chancelai et le patriarche me tira en arrière. Personne ne semblait l'avoir remarqué, mais je compris pourquoi cela était arrivé. Souvenez-vous bien de cela : quand vous jugez quelqu'un, vous jugez le Seigneur.



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L'évêque Thaddée raconte : " J'ai vu le Père Gabriel tenir un fil électrique dénudé avec les mains; une gerbe d'étincelles était projetée à leur contact, mais le starets n'en était pas affecté."



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Mère Paraskéva rapporte : " J'ai demandé au Père Gabriel si, quand en échange de son amour, il recevait des injures, des moqueries, des humiliations, il aimait toujours ceux qui l'insultaient. Il m'a répondu avec tristesse : " je les aime même davantage, et je me sens désolé pour eux.""



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Un jour, le Père Gabriel ordonna à un jeune homme de communier aussitôt. Celui-ci obéit. Dans la soirée, son voisin l'invita à se rendre à une party, mais après avoir reçu la sainte communion il ne pouvait participer à une telle fête et refusa donc de s'y rendre. Le voisin invita alors un autre camarade. Après la fête, en retournant à la maison, ils eurent un accident où ce camarade trouva la mort.



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Après avoir assisté à un service liturgique, des fidèles virent un chien errant et commencèrent à lui jeter des pierres. Le coeur brisé, le starets dit : "Il aurait été meilleur pour eux de ne pas venir à l'égliseen prétendant y prier."



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Ottar Nikolaishvili rapporte : " C'était pendant le Carême. J'étais avec le startes à la cathédrale de Svétiskhovéli. Au cours de la nuit, je ressentis une vive douleur aux reins. Je ne voulus pas déranger le starets et je me rendis à l'hôpital. Les médecins me donnèrent des antalgiques; Le quatrième jour, le Père Gabriel me rendit visite. En raison d'une douleur insupportable, je ne pouvais pas bouger. Il me demanda de me mettre à genoux et dit la Prière de Jésus. Aussitôt, la douleur cessa. Par la grâce de Dieu et les prières du Père Gabriel, je pus éviter l'opération."



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Le Père Gabriel, dans le but de leur apprendre l'humilité, faisait s'agenouiller même de hautes personnalités. Un jour, un homme refusa de le faire. Père Gabriel répéta sa demande, et lorsque l'homme se jeta à terre, il resta la tête collée au sol, incapable de se lever avant que le starets ne lui donne sa bénédiction.



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Un jour, un hiéromoine dit au Père Gabriel qu'il ne croyait pas à ses miracles. " Agenouille-toi!" lui intima le starets. Le hiéromoine s'agenouilla alors respectueusement. " Et maintenant, lui dit le starets, je permets que tu te remettes sur tes pieds si tu le peux!" " Imaginez, se souvint plus tard ce hiéromoine, je voulais me relever, mais je n'y arrivais pas!"



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La compassion de Père Gabriel était si grande et le pouvoir de sa prière si fort, qu'il pouvait changer les dispositions d'une personne. La Soeur Catherine (Ebralidzé) rapporte : " Un jour, le Père Gabriel était assis sur un banc dans la cour du couvent. Soudain, une jolie femme au visage très maquillé, portant un pantalon, vint s'asseoir sur ses genoux et commença à l'embrasser en lui disant : " Père Gabriel, tu es si beau! Je t'adore! Je reviendrai te voir!" La situation était si étrange et contraire à la nature que nous étions hébétés, ignorant quel complot elle avait fomenté. Le Père Gabriel lui aussi était pétrifié. Le regard fixé au ciel, il écoutait calmement le baratin de la femme sans l'interrompre. Après un moment, il lui dit : " Reviens, Maklava, reviens!" Ayant entendu prononcer son nom ( qu'elle n'avait donné à personne), la femme, comme si elle émergeait du sommeil, se leva brusquement, nous regarda, et s'enfuit en courant. Nous nous attendions à ce qu'elle revienne le jour suivant, et elle revint en effet, mais c'était une personne complètement différente, aui n'avait rien à voir avec la précédente. Elle portait une longue robe noire, sa tête était couverte d'un foulard, et elle n'avait aucune trace de maquillage sur le visage. Elle s'approcha de la cellule de Père Gabriel en versant des larmes et en gémissant : " Père Gabriel, je sais que tu n'ouvriras pas la porte, je sais que je ne te reverrai pas, mais, je t'en prie, pardonne-moi ma conduite honteuse. Je sens ton pouvoir; tu m'as relevé de la mort et tu as changé ma vie. Merci pour tout!" Une scène aussi émouvante nous fit toutes pleurer. Nous étions stupéfaites de constater le changement qui s'était produit en elle. Nous comprenions que le Père Gabrielavait accompli un miracle, ayant guéri une personne malade et ramenant une brebis perdue; Je me rappelle encore un détail : avant que Makvala lui rendît visite pour la première fois, le starets soudain s'était levé et était allé dans sa cellule. Il avait senti qu'elle venait. Après cette visite, il était retourné dans sa cellule en demandant que personne ne vînt le déranger et, à genoux, il avait prié la Mère de Dieu de sauver l'âme de Makvala."



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Une jeune fille vint trouver le Père Gabriel, se plaignant de constantes querelles dans sa famille. Son frère avait quitté la maison. Sans attendre, le starets se rendit sur place avec la jeune fille. Comme ils entraient dans l'appartement, ils trouvèrent le fils, qui était revenu, et qui expliquait qu'une force invisible l'avait ramené là. Le starets alla se placer devant l'icône de la Trinité, et commença à prier en élevant les mains vers le ciel. La jeune fille raconte qu'alors son visage était baigné par des rayons divins et que ses prières étaient si puissantes que le maléfice qui pesait sur la famille fut chassé de la maison, si bien que la tranquillité et la paix y furent à jamais rétablies.



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Lia Kobachishvili se rappelle : " A Tbilissi, nous vivions dans le voisinage du Père Gabriel, et nous avions de fréquentes rencontres avec lui. Un jour, mon mari lui demanda s'il pouvait nous donner l'une des nombreuses icônes qu'il avait trouvées dans les décharges publiques et restaurées. Le Père Gabriel en fut très heureux. Bientôt, nous entendîmes ses pas, accompagnés d'un chant. Le Père Gabriel entra chez nous, portant au-dessus de sa tête, dans un kiot (43), une grande icône du Sauveur.

(43) : ( Sorte de boîte en bois, avec une face vitrée amovible à l'avant, dans laquelle on place une icône pour la protéger).

Il la plaça respectueusement à un endroit choisi par lui, et bénit notre famille en disant : " L'icône du Saint Sauveur est venue dans votre maison et la bénédiction de Dieu est avec vous. Ne dérangez pas l'icône par de multiples demandes; demandez seulement quand vous serez dans le besoin." Notre famille vécut sans troubles pendant vingt ans. Mais soudain, l'une de mes filles tomba gravement malade. Son état était si sérieux que les médecins considéraient qu'il ne laissait aucun espoir. Je priai alors, tout en demandant aux médecins de tenter une opération. Pendant trois jours, ma fille resta inconsciente, puis elle revint à elle-même et resta finalement en vie. Lorsque je me présentai de nouveau devant l'icône du saint Sauveur, je vis un miracle : alors qu'il était toujours fermé, le kiot était ouvert. Je me mis à genoux pour remercier Dieu. Plusieurs années passèrent, et nous eûmes à subir d'autres infortunes. mon autre fille devait subir un accouchement difficile et je revins à la maison dans un état d'extrême détresse. A mon arrivée, je vis de nouveau que le kiot était ouvert. Quand je retournai à la maternité, je pus rendre grâces à Dieu que l'accouchement s'était bien passé."



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Quelqu'un demanda au Père Gabriel pourquoi Dieu nous fait voir les malheurs des gens. Il répondit : " Pour les aider par nos prières; De cette façon, Dieu nous apprend à aimer notre prochain; Vous devez apprendre comment il faut aimer, et vous devez ensuite faire des efforts pour le faire."



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La soeur Elisabeth (Zédgénidzé) rapporte : " A l'époque où des meetings se tenaient chaque jour dans la capitale, le starets dit de manière inattendue : " Allons-y! Il faut que je les calme." Il se faisait un chemin au milieu de la foule excitée et commençait à prêcher; En un instant les sentiments négatifs des manifestants se dissipèrent."



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Quand il était jeune, le Père Gabriel cherchait à calculer le nom de l'Antichrist (44).

(44) : ( L'Apocalypse de saint Jean dit que le signe de l'Antichrist est le chiffre 666. De nombreuses interprétations ont depuis tenté de traduire ce chiffre en lettres, au moyen de différents systèmes d'interprétations et de décodage dont aucun n'a pu imposer ses résultats).

Alors qu'il priait, un ange apparut soudain devant lui et lui dit : " Son nom a été caché aux hommes, mais le combat entre les prophètes Enoch, Elie et l'Antéchrist sera montré à la télévision (45)."

(45) : ( Cette affirmation peut paraître de prime abord naïve. Mais nous sommes depuis plusieurs décennies dans une société du spectacle et de l'image, où tout fait sortant un peu de l'ordinaire qui se produit à quelque endroit du monde est aussitôt photographié ou filmé, et immédiatement diffusé par les différents moyens de communication modernes. Ce phénomène ne fait que s'accentuer, et il est logique de penser que les événements extraordinaires qui se produiront à la fin du monde seront a fortiori l'objet de ce processus de médiatisation par l'image).



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On demanda au Père Gabriel si le destin existe. " Non, répondit-il. Quelqu'un peut dire "c'était mon destin", mais si son destion était de mourir et était déterminé par avance, pourquoi devrait-il être jugé au jour du Jugement? Nous façonnons nous-mêmes notre destin. Si un homme par imprudence ou bêtise met sa vie en danger, qu'est-ce que cela a à voir avec le destin?"



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L'archimandrite Sabbas ( Kutchava) dit : " Les paroles édifiantes de Père Gabriel portaient premièrement sur l'obéissance et l'humilité. Il disait notamment : " Mes enfants, ne faites jamais rien sans la bénédiction de votre père spirituel. N'évitez jamais sa bénédiction, même dans le cas où un ange flamboyant apparaîtrait devant vous dans toute sa majesté.""



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A la question de savoir si tout le monde serait sauvé, le Père Gabriel répondit les larmes aux yeux : " Non, mon enfant. Dieu est miséricordieux, mais tous n'en profitent pas : je ne peux aucunement vous aider si vous-même ne faites pas d'effort en vue de votre salut."



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La Mère Nino (Dashniani) remarque : " Le Père Gabriel portait en permanence la grâce de Dieu. Il est le serviteur de Dieu le plus aimant et le plus humble que j'aie connu. Dans ses prédications, les mots "Dieu est amour" revenaient sans cesse."



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Peu avant son décès, le Père Gabriel montra du doigt aux soeurs présentes un coin de sa cellule et dit : " Là est la mort, qui m'attend. Je dois partir et présenter pour vous des prières devant Dieu."



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La seour Nana (Kutaleladzé) rapporte : " J'étais en train de laver les assiettes à la cuisine. Le Père Gabriel entra, accompagné du Père Nicolas. J'étais heureuse de les voir, mais je ne leur adressai pas la parole ( car j'étais occupée et je n'avais pas la bénédiction pour leur parler). Le Père Nicolas en fut surpris et demanda au Père Gabriel : " Pourquoi fait-elle la tête?" Il se sentait offensé. Le Père Gabriel répliqua : " Vois plutôt son coeur.""



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Le Père Gabriel était très triste quand une soeur quittait le couvent. Il disait : "Même si une seule moniale quitte le couvent, celui-ci perd la moitié de sa grâce."



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Soeur Thékla (Oniani) se souvient : " Un jour, après les matines, je me sentis très fatiguée et j'avais envie de dormir plutôt que d'accomplir le service qui m'incombait. Je me rendis à ma cellule. En chemin, je croisai le Père Gabriel qui s'exclama avec un visage rayonnant : " Alors, on court accomplir son obédience (46)?!

(46) : (Obédience : Tâche confiée à chaque moine par l'higoumène - d'où le lien avec l'obéissance - pour participer à la vie du monastère).

C'est bien! " Aussitôt, mon envie de dormir disparut, et je commençai mon obédience avec un tel zèle que je ne me sentis plus fatiguée de la journée."



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Le Père Gabriel offrait à manger à tout le monde. Il ne laissait partir personne sans l'avoir rassasié. Quant à lui, il ne prenait qu'une très petite quantité de nourriture.



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L'évêque Joseph relate : " Un soir, au monastère de Saint Shio de Mgvimé, avant les Vigiles, personne ne parvenait à ouvrir les portes de l'église. Le starets fit un signe de croix sur les portes et celles-ci s'ouvrirent après un léger appui."



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Le Père Gabriel avait l'habitude de fixer les yeux sur le soleil de la même manière que nous regardons la lune. Quand on lui demndait comment il poiuvait faire cela, il répondait : " Ce n'est rien. Il est plus difficile de contempler le Créateur du soleil."



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L'archimandrite Sabbas (Kutchava) rapporte : " Le Père Gabriel n'acceptait de relâchement dans aucun domaine. Tout en aidant les moniales à faire la cuisine, il leur parlait de l'amour, de l'obéissance, ou du renforcement de la foi. Ses mots simples s'imprimaient dans notre mémoire, y laissant d'ineffaçables traces d'amour authentique."



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Kétévan Surmava donne ce témoignage : " Le starets, se tenant fermement sur un sentier plein d'épines, conduisait ses semblables vers Dieu. Ses grands enseignements ascétiques avaient pour but de leur apprendre l'amour, la bonté, l'obéissance, l'humilité et le repentir que lui-même possédait abondamment. Le starets aimait tous les hommes sans exception et de manière égale. Tout ce qu'il disait avait pour but le salut de l'âme. Pour moi, une personne ordinaire, il consacrait tellement de temps et d'énergie que j'étais assez stupide pour penser que j'étais élue. Mais pour le Père Gabriel chacun était élu, et il donnait généreusement son amour et son attention à tous. Il connaissait les points faibles de chacun et les moyens de les amender. Il me paraissait très proche de Dieu."



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L'archimandrite Sabbas (Kutchava) rapporte : " Un jour qu'avec le Père Gabriel et mon frère noous traversions un pont, un mendiant s'approcha de nous en tendant la main. Le Père Gabriel le prit dans ses bras, le consola et lui donna de l'argent; Mon frère était content que nous ayons pu l'aider. Mais le Père Gabriel dit : " Ce n'est pas nous qui l'avons aidé; c'est la bénédiction de Dieu qui nous a fait donner l'aumône à ce pauvre.""



*

La moniale Pélagie (Ksovréli) se souvient : "Un jour, le Père Gabriel me dit : " Allons à l'église!" Je restai devant l'iconostase tandis qu'il pénétrait dans le sanctuaire. Il y resta longtemps en prière. Soudain, il sortit brusquement en criant : " Du myrrhon suinte des icônes!" Je vis alors les icônes de l'iconostase couvertes avec l'huile sainte et diffusant un parfum remarquable. Je compris que le Père Gabriel avait, dans sa prière fervente, anticipé le miracle. L'huile sainte exsuda pendant un mois. Quand tout le monde y fut habitué et que le miracle ne donna plus lieu à une vénération particulière, le phénomène cessa."



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L'archimandrite sabbas (Kutchava) rapporte : " Le Père Gabriel avait projeté d'aller à Tbilissi pour acheter des affaires pour le couvent. Pour cela il avait cent roubles. A un arrêt d'autobus, il entendit deux apiculteurs se plaindre qu'ils ne pouvaient pas trouver cent roubles pour sauver leurs abeilles. Le Père Gabriel sortit de sa poche tout l'argent qu'il avait, le leur donna et s'en retourna au couvent. Le jour suivant, deux artistes de renom rendirent visite au starets et lui donnèrent mille roubles. Le Père Gabriel dit alors avec un sourire : " Ce que l'on donne pour de bonnes actions est remboursé dix fois par Dieu.""



*

L'higoumène Johanna (Sikharulidzé) rapporte : " Quelques jours avant sa mort, Père Gabriel était couché sans pouvoir bouger, le regard posé sur les icônes. Je lui demandai si je pouvais faire quelque chose pour lui. Il me répondit : " Priez pour tout le monde. C'est mon testament.""



*

Un jour, le Père Gabriel eut une vision : Dieu tenait un globe surmonté d'une croix. Le Père Gabriel demanda : " Comment les gens pourront-ils être sauvés avant la Parousie?" Une voix lui répondit : " Par les bonnes actions et l'amour."





IV

ENSEIGNEMENTS SPIRITUELS



Âme

Votre âme appartient à Celui qui vous l'a donnée.



Amour de Dieu

Dieu est un Amour, une Bonté et une Justice infinis. Celui qui aime la bonté et la justice, aime Dieu et est aimé par Dieu comme Son propre enfant.



*

Le juste n'éprouve pas la crainte de Dieu; il n'éprouve que de l'amour pour Lui.



*

Lorsque vous prononcez le Nom de Dieu, levez-vous et faites le signe de la croix.



Amour du prochain

Nous pensons que nous avons de l'amour. Mais qu'est-ce que l'amour? Comment le reconnaître? Selon l'apôtre Paul, "l'amour est longanime; l'amour est serviable; il n'est pas envieux; l'amour ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas; il ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal; il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il met sa joie dans la vérité. Il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout." C'est dans le véritable amour que réside lebonheur de l'humanité. L'amour est la plus grande des vertus. Mais il est encore plus important d'apprendre comment aimer. Sans sacrifice pour Dieu, ni les hauteurs spirituelles ni l'amour ne peuvent être atteints.



*

Dieu a besoin de notre bon coeur et de nos bonnes actions. Quoi que vous fassiez de bien à un homme, c'est à moi que vous le faites, dit le Seigneur.



*

L'amour est supérieur à toutes les règles et à toutes les lois.



*

L'amour apprivoise même le lion le plus féroce.



*

Si pour sauver votre prochain qui est malade vous êtes déterminé à partir loin dans la nuit, à traverser une forêt profonde sans craindre les dangers, et à lui apporter le médicament dont il a besoin, alors vous aimez vraiment votre prochain.



*

Comment l'âme d'un homme pourrait-elle être tranquille si son prochain est en danger? si quelqu'un est malade à la maison et qu'il n'y a personne pour s'en occuper, il est préférable de ne pas assister au service à l'église et de rester à la maison pour montrer de l'affection à son prochain.



*

Un homme qui s'efforce de faire des bonnes actions en faveur de son prochain fait des efforts pour sauver son âme.



*

Si vous avez tout mais pas l'amour, considérez que vous n'avez rien du tout.



*

Si tu reprends quelqu'un, fais-le avec amour.



*

Même si vous ne haïssez qu'une seule personne, en son image vous haïssez le Christ Lui-même, et alors vous êtes loin du Royaume des cieux.



*

Aimez-vous les uns les autres. C'est par l'amour que nous serons sauvés. Nous sommes les témoins de la fin des temps. Vous verrez l'Antichrist. Le Seigneur, nore Dieu, nous demandera d'aimer Dieu et notre prochain; celui qui tiendra bon jusqu'à la fin sera sauvé.



*

Ayez de bonnes dispositions envers votre prochain. Aider un homme dans le besoin exige une certaine sagesse, qui est un don de Dieu; c'est une sorte de sacrifice fait pour Dieu.



*

Vous ne pouvez demander beaucoup à une personne si vous ne lui donnez jamais rien.



*

Aimez tout le monde; si vous ne le pouvez pas, montrez au moins de la bonne volonté.



*

Celui qui cherche à sauver son âme et vient en aide à son prochain par des paroles ou des actes accomplit les commandements de Dieu.



*

Si votre prochain est dans le besoin, aidez-le, consolez-le, priez avec un coeur contrit et le Seigneur entendra vos prières et lui pardonnera. C'est pour cela que nous avons été créés : distribuer autant que possible.



Amour des ennemis

Comment doit-on aimer une personne méchante? En haïssant le mal et non la personne qui le fait. Qui sait? Peut-être qu'un jour elle se repentira de ses péchés par les pouvoirs de la prière, des larmes et de la confession, et deviendra comme un ange.



*

"Aimez vos ennemis" - c'est clair. Mais comment aimez un ennemi du Christ? Arrêtez de le haïr, et alors vous deviendrez capable de l'aimer.



*

Comment prier pour ses ennemis? Quand vous priez, priez d'abord pour ceux que vous aimez le plus, par exemplevos enfants. Ensuite, priez pour les autres membres de votre famille, pour vos voisins et vos connaissances, afin de ne pas avoir d'ennemis parmi eux. Bénissez ensuite la ville dans laquelle vous êtes né, puis toutes les villes de votre pays, et demandez à Dieu d'enlever toute hostilité de leurs habitants; maintenant que vous avez prié pour tout le monde, il ne reste plus que vos ennemis; Demandez à Dieu de remplir leur coeur de bonté. Et leur esprit de sagesse; De cette façon vous serez capables de prier pour vos ennemis.



Amour de la création

Nourrir les pigeons et les autres oiseaux est une bonne action.



Ascèse

Quand vous faites quelque chose de bien, vous montez d'un cran; quand vous péchez, vous descendez d'un cran. Toute notre vie consiste en de telles montées et en de telles descentes.



*

Essayez de lutter constamment pour Dieu. En voyant votre aspiration, le Seigneur vous accordera tout ce qui est nécessaire.



*

Il est impossible d'être sauvé sans peine.



*

Pour être fortifié physiquement et spirituellement, prenez de l'eau ssainte - de l'eau bénite - et de la prosphore - du pain bénit- avec confiance et respect.



Christ

Le Christ n'a pas parcouru les routes en marchant sur des tapis. Il était simple, et l'hypocrisie et le luxe Lui répugnaient. Il n'avait pour vêtement qu'une seule tunique, qui Lui avait été tissée par la Mère de Dieu.



*

C'est par Sa sagesse et Son humilité que le Christ a été reconnu.



Calomnies

Si vous êtes calomniés ou que l'on vous fait du mal en retour de vos bonnes actions, n'ayez pas de malice en votre coeur. Pardonnez au calomniateur et réjouissez-vous de ce que vous êtes montés de quelques crans vers Dieu.



Compassion

Lorsque vous peenez les repas, souvenez-vous de ceux qui sont dans le besoin, qui ont faim, qui ont soif, qui sont dans la souffrance, et de cette façon vous apprendrez à recevoir une grâce divine.



Crainte

N'ayez qu'une crainte : celle de pécher.



Défunts

Les prières des pannychides (49) sont nécessaires non seulement pour les personnes défuntes afin que leurs péchés leur soient pardonnés, mais aussi pour ceux qui disent ces prières.

(49) : ( Pannychide : Service commémoratif chanté pour les défunts).



*

Une personne malade mentalement qui a commis un suicide sera pardonnée par Dieu; Mais une personne qui s'est intentionnellement ôtée la vie ira dans l'Hadès. Nous ne pouvons pas prier pour de telles personnes (50), mais nous pouvons les aider : nous devons faire des aumônes et accomplir de bonnes actions au nom des personnes disparues.

(50) : (Les canons de l'Eglise interdisent de célébrer des funérailles et des pannychides pour les suicidés, et aussi de les commémorer à la Liturgie. Mais les prières privées restent toujours possibles).

Il arrive alors que certaines d'entre elles soient sorties de l'Hadès (51).

(51) : ( Selon la doctrine orthodoxe, il n'y a pas de purgatoire, mais seulement deux lieux où l'âme peut aller après la mort : le Paradis et l'Hadès. L'Hadès se distingue de l'Enfer en ce que l'Enfer correspond à un état définitif qui prendra place après le Jugement dernier. Avant celui-ci, l'Hadès est un état provisoire, dont certains peuvent sortir pour entrer au paradis en conséquence des prières pour eux de l'Eglise et/ou des fidèles. Sur cette question, voir mon livre La Vie après la mort selon la Tradition orthodoxe, 2e éd;, Paris, 2004.).



Détachement

Laissez de côté le monde matériel, et préoccupez-vous d'abord du Royaume des cieux et de ce que le Seigneur exige de vous, et alors Il vous donnera toutes les autres choses dont vous avez besoin.



Dons

N'accepte pas comme offrande "l'argent de Judas (52)". Avec un tel argent, vous serez impliqués dans un péché dont il sera difficile de sortir.

(52) : ( C'est-à-dire de l'argent acquis par une action ou dan sle cadre d'une entreprise malhonnête, qui trahit le Christ en n'étant pas conforme à Ses commandements).



Douceur

La douceur est un cierge toujours allumé qui plaît à Dieu.



Education

Un petit enfant dans le sein de sa mère entend tout. Aussi, soyez attentifs à vos paroles et à votre conduite, choisissez des mots conformes à Dieu, car l'éducation commence dès le premier jour que l'enfant est conçu.



Eglise

De celui dont l'Eglise n'est pas la mère, Dieu ne sera jamais le père.



Egoïsme

L'égoïsme est opposé à l'amour. L'égoïste ne donne jamais quoi que ce soit, il veut seulement recevoir. Même toutes les richesses du monde ne lui suffiraient pas.



Enfer

Ce n'est pas Dieu qui abandonne l'homme, mais l'homme qui abandonne Dieu; L'enfer est un éloignement de Dieu.



Epreuves-Souffrances

C'est dans les souffrances que l'on perçoit ce que sont la foi et l'amour.



*

Un homme n'est éprouvé qu'autant que Dieu le permet dans Sa divine Providence.



*

Il ne convient pas à un chrétien de se plaindre.



*

Ne trahissez jamais Dieu. Supportez toutes les épreuves, et les portes du ciel s'ouvriront pour vous.



Espérance

Ne perdez jamais espoir en la Providence de Dieu.



Fin des temps

Dans les derniers temps, l'homme sera sauvé par l'amour, l'humilité et la bonté. La bonté ouvrira les portes du Royaume des cieux; l'humilité conduira dans les Cieux; l'homme dont le coeur est rempli d'amour verra Dieu.



Antichrist

La moitié de l'enfer est déjà sur terre, l'Antichrist est à la porte, et il n'est pas en train d'y frapper, il est en train de l'enfoncer. Vous serez les témoins de son règne. Les persécutions seront partout. Pour être sauvé, hâtez-vous de faire l'aumône et de donner de l'amour fraternel.



*

La venue de l'Antichrist a déjà été anticipée. Il y a déjà eu des guerres, mais les signes dans les cieux ne se sont pas encore produits, et il n'y a pas encore eu d'apostasie générale.



*

Pendant les temps de l'Antichrist, la plus forte tentation sera d'anticiper le salut à partir du cosmos, comme venant d'humanoïdes, d'extratessestres qui seront en fait des démons.



*

Au temps de l'Antichrist, certains tenteront d'interpréter le Saint Evangile à leur manière; malheur à eux! Par la suite, les disciples de l'Antichrist assisteront aussi aux offices religieux, feront le signe de la croix, et prêcheront le Saint Evangile. Les vrais croyants se reconnaîtront alors à leurs bonnes actions.



*

Souvenez-vous bien que le Christ est le Seul et l'Unique, et qu'il n'y en aura jamais d'autre (53).

(53) : ( Mise engarde relative à l'Antichrist qui tentera de se faire passer pour le Christ).



*

Satan a disposé 666 pièges. Son sceau sera non seulement invisible mais visible, sur le front et sur les bras (54).

(54) : ( Cela se réfère directement à l'Apocalypse, 13, 16-18 : " Par les manoeuvres ( de la Bête), tous, petits et grands, riches ou pauvres, libres et esclaves, se feront marquer sur la main droite ou sur le front, et nul ne pourra rien acheter ni vendre s'il n'est marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom. C'est ici qu'il faut de la finesse! Que l'homme doué d'esprit calcule le chiffre d ela Bête, c'est un chiffre d'homme : son chiffre, c'est 666." On pense inévitablement aujourd'hui à une puce électronique codée permettant, comme celle d'une carte bancaire, de payer ses achats et de faire des transactions, et au fait qu'une telle puce commence, aux Etats-Unis, à être implantée sous la peau).

Si l'impression du sceau est faite par la force, aux yeux de Dieu il sera considéré comme le fait pour une vierge d'être déshonorée (55).

(55) : ( C'est-à-dire comme un acte dont la personne qui le subit n'est pas coupable).

La plus dure épreuve pour les chrétiens sera de voir leurs parents accepter le sceau; Le sceau restera sans effet s'il a été apposé contre la volonté de quelqu'un. Mais imaginez le piège tendu par l'Antichrist pour une mère restée seule avec cinq enfants. Comment les nourrir si ce n'est en acceptant le sceau?



*

Le sceau sera placé sur l'index, pas sur la paume d ela main, avec l'aide d'un ordinateur. Dans un premier temps, le sceau sera offert aux volontaires. Toutefois, lors de l'intronisation de l'Antichrist, tout le monde sera poussé à accepter le sceau. La désobéissance sera présentée comme éétant une trahison. Les gens s'enfuiront dans les forêts. Des précautions devront être prises pour se déplacer en groupes d'environ dix à quinze personnes, car les démons pourront essayer de faire tober des falaises les personnes isolées. Les croyants seront protégés par le Saint-Esprit. Quoi qu'il arrive, ne perdez jamais espoir. Aidez-vous les uns les autres. Dieu éclairera votre esprit et vous saurez comment réagir? Celui qui tiendra bon sera sauvé ( cf. Mt 24-13).



*

Si vous volez de la nourriture, vous transgresserez l'un des commandements et suivrez alors l'Antichrist. Les croyants doivent mettre toute leur confiance en Dieu.



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Aucun vrai croyant ne ressentira la faim ni la soif. Au temps du désastre les croyants ne disparaîtront pas. Le Seigneur fera des miracles pour eux. Une seule feuille d'une plante suffira pour se nourrir un mois. En faisant le signe de la croix sur lui, un morceau de terre pourra être changé en pain.



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N'acceptez pas de pain d'une personne qui aura accepté le sceau de l'Antichrist.



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Quelques produits alimentaires portent déjà le sceau (56), mais ce n'est pas grave :

(56) : ( De l'Antichrist).

avant de prendre de la nourriture, il faut dire le Notre Père, faire le signe de la croix et asperger la nourriture avec de l'eau bénite.



*

La vraie foi trouve sa place dans le coeur de l'homme, non dans sa tête. L'Antichrist sera démasqué par les croyants ayant leur foi dans le coeur, tandis que ceux qui ont leur foi dans leur tête le suivront.



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Ne perdez jamais espoir en Dieu, et vous serez protégé de la faim, de la soif et des désastres.



Jugement dernier

Quand vous allez passer des examens devant votre professeur, votre coeur commence à palpiter; imaginez comment vous vous sentirez devant le Créateur! La grandeur de Dieu est incomparable.



Foi

Les épreuves qui vous surviennent sont dues à votre manque de foi. Demandez à Dieu de vous pardonner et de fortifier votre foi.



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La foi est le talent (57) béni par Dieu.

(57) : ( Voir dans l'Evangile la parabole des talents que l'on doit faire fructifier).



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Si votre foi a été insultée en votre présence et que vous avez gardé le silence, vous êtes pire que l'insulteur.



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Votre âme meurt quand vous ne faites rien pour défendre votre foi; mais si vous mourez pour défendre votre foi, la porte du Royaume des cieux s'ouvre devant vous.



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L'oecuménisme est une super hérésie.



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Gloire à Dieu que vous soyez nés dans la foi orthodoxe. Gardez-la fidèlement et ne vous occupez pas de savoir si ceux qui appartiennent à d'autres religions seront sauvés ou non. ce n'est pas notre prérogative, mais celle de l'amour inépuisable de Dieu.



*

Il est mieux d'être une prostituée que l'adepte d'une hérésie.



*

L'Eglise orthodoxe est un vaisseau naviguant sur l'océan agité et tempétueux de la vie. Les chrétiens orthodoxes sont le passagers de ce vaisseau tandis que les adeptes des autres religions sont des nageurs en pleine mer.



Habillement

La façon dont une personne est habillée reflète son état spirituel. La vêture d'un chrétien doit être modeste.



Humilité

Ceux qui s'élèveront eux-mêmes seront humiliés, tandis que ceux qui s'humilient seront élevés.



*

La miséricorde est de l'or, l'humilité du diamant.



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Un homme humble est protégé contre les tentations. Nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu sans humilité.



Jugement du prochain

Quand vous condamnez quelqu'un, vous condamnez Dieu.



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Vous condamnez quelqu'un parce qu'il a péché. Mais avez-vous vu qu'il s'est déjà repenti et que Dieu lui a pardonné?



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Reprenez votre prochain, mais ne le condamnez pas; ce sont deux choses très différentes.



*

Un higoumène a le devoir de reprendre ses enfants spirituels pour leur faire voir leurs fautes. S'ils lui désobéissent, c'est Dieu qui est leur juge.



*

Si vous voyez quelqu'un commettre un vol et que vous ne pouvez rien faire, commencez à dire la prière du Seigneur.



*

Pccupez-vous de vos propres affaires et pas des fautes des autres.

Asseyez-vous et pleurez sur vos propres péchés.



*

Ne donnez pas de conseil à votre prochain si vous ne connaissez pas son état spirituel. Votre conseil pourrait aggraver sa situation au point de le ruiner.



*

Ne faites pas toujours confiance à vos yeux et à vos oreilles, car vous pourriez être victime d'illusions (59).

(59) : ( Cette parole concerne aussi bien les fausses apparitions que les erreurs que l'on commet facilement en jugeant une personne d'après son apparence physique ou son comportement extérieur).



*

Si vous voyez un meurtrier, un adultère ou un ivrogne couché dans la rue, ne le blâmez en aucun cas, car il est une créature de Dieu.



*

Je vous le répète encore : si vous voyez un pécheur, ne le condamnez pas si vous voulez préserver l'amour. Rappelez-vous que de nombreux pécheurs sont devenus des saints.



*

Tout ce qui est mauvais en l'homme est accidentel. Vous ne devez jamais mépriser personne, même si vous voyez des gens - ils sont devenus plus nombreux à notre époque - qui sont effrayants, crasseux, ivrognes, ou qui jurent avec un langage ordurier. L'image de Dieu est préservée même en eux, à un niveau de profondeur dont eux-mêmes, peut-être, sont inconscients. L'ennemi a simplement défiguré cette image et l'a recouverte de ses saletés, de la même façon qu'une icône peut être souillée. Mais si elle tombe en de bonnes mains, elle peut être nettoyée et commencer à briller, et même à irradier. Il est difficile de voir l'image de Dieu dans ces gens qui vous répugnent, qui vous apparaissent sous l'image d'une bête. Mais on doit alors éprouver pour eux encore plus de pitié, parce que leurs âmes sont déformées, peut-être irréparablement, sous un éternel tourment. Comme il est difficile d'aimer ses ennemis! oh oui, difficile... On doit consacrer toute sa vie à apprendre à le faire. Mais par un tel amour, l'homme parvient à ressembler au Dieu crucifié..."



Monachisme

Un moine ne peut être insouciant, c'est un combattant du Christ.



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Malheur au moine qui ne partage pas le martyre de son peuple.



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Le vrai moine est celui dont le coeur est aussi attentionné que celui d'une femme.



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Un moine doit se fatiguer lui-même avec un travail physique. Il sera sauvé par la peine qu'il se donne.



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Le monachisme est un ordre céleste. Pour atteindre la perfection, le moine doit passer par le feu des tentations.



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Un moine doit mener une vie simple. La grâce de Dieu réside dans la simplicité.



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Un moine doit avoir un esprit résolu; il acomme devoir de combattre pour la vérité, puisque la vérité est Dieu Lui-même.



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Un moine, tel un lion rugissant, doit être le gardien de la foi orthodoxe.



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Le monachisme est un combat, un effort pour Dieu jusqu'au dernier souffle.



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Il n'y a pas de plus grand héroïsme que le monachisme.



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Si un moine n'a pas d'humilité et ne fait pas pénitence, il n'y a pas pour lui d'espoir de salut.



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La louange peut ruiner le moine. Celui qui loue un moine est son ennemi.



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Le moine a aussi besoin de compassion et de consolation.



*

Si vous voulez devenir moine, vous êtes déjà moine.



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Si un laïc surmonte ses passions pour l'amour du Christ, il est placé au même rang qu'un moine.



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Pour le Seigneur, il n'est pas tellement important de savoir si vous êtes un moine ou un laïc; ce qui est important, c'est d'être assoiffé de Dieu. C'est par cette soif qu'un homme peut être sauvé.



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Un monastère n'est pas un hôtel, c'est un grand vaisseau d'amour.



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Dans le monde, la grâce monastique se perd. Ne quittez pas votre monastère pour une longue période.



*

L'obéissance est la lumière inextinguible qui plaît à Dieu.



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Etre higoumène ne signifie pas simplement porter un titre, mais implique humiliation et mortification de l'estime de soi et de l'orgueil. A certains, il est donné pour leur salut, à d'autres pour leur perte. Si un higoumène suit la voie de Dieu avec humilité, il est sur le chemin du salut.



*

Mort

La mort est une transfiguration. N'ayez pas peur de la mort; craignez plutôt le jour du Jugement.



Nom de Dieu

N'utilisez pas le Nom du Seigneur votre Dieu en vain. Si vous le faites, vous transgressez le troisième commandement.



Passions

Si vous voulez être sauvé, ne vous occupez pas beaucoup de votre corps, soignez plutôt votre âme; Celui qui vainc sa langue et la gourmandise est déjà sur la bonne voie.



*

Fanfaron est celui qui ne voit pas ses fautes et se vante. Ceux dont le coeur est rempli d'orgueil et de vaine gloire sont détestables aux yeux de Dieu.



*

Si vous considérez que vous avez quelque supériorité par rapport aux autres, vous êtes détestable aux yeux de Dieu.



*

Certains pensent qu'il est possible de n'avoir aucun attrait sexuel. Mais comment pourrait-il en être ainsi, Tant que la distinction des sexes existera, il y aura à combattre la convoitise. La chose la plus importante est de la surmonter par l'attrait de l'amour du Christ. Si vous avez réussi à le faire, vous pouvez considérer que vous avez gagné le combat (60).

(60) : ( Selon le témoignage des moniales de Samtavro, le Père Gabriel était lui-même d'une très grande chasteté et pureté).



Péchés.

Toute forme de transgression est l'expression d'une hostilité envers Dieu. Pensez un moment contre qui vous êtes en train de lutter!



*

Manquer à sa parole est un péché grave.

Si vous n'êtes jamais tombé, vous ne percevrez jamais la puissance de Dieu; Si j'étais sans faute, comment Dieu pourrait-Il m'aimer?



*

L'outrage et l'impudence sont la source de toute transgression.

N'importe quel péché au regard de Dieu est comme une goutte d'eau dans la mer; aucun péché ne peut être plus grand que la miséricorde de Dieu.



Pénitence. Repentir

La conscience est une petite parcelle de Dieu dans votre coeur. Avant d'aller vous coucher, faites-vous à vous-même un bref compte-rendu : comment vous avez passé la journée, ce que vous avez fait, quand vous avez péché, ce que vous auriez dû faire. Soyez exigeant envers vous-même.



*

Si vous ne tombez pas, vous ne vous lèverez jamais et vous n'éprouverez jamais de repentir. Je suis moi-même un grand pécheur, c'est pourquoi j'ai un sentiment particulier de compassion à l'égard des pécheurs.



*

Nous devons nous repentir avec notre coeur plutôt que de verser simplement des larmes.



*

La colère de Dieu est sur les femmes qui ont avorté. Si tel est votre cas, repentez-vous et priez constamment afin que Dieu puisse pardonner votre péché d'avoir été les meurtriers de vos propres enfants.



*

Avez-vous péché? Repentez-vous immédiatement.



*

Tous les pécheurs repentants sont des enfants de Dieu, aussi sont-ils admis à recevoir la Sainte Communion.



Père spirituel

Même si un ange vous apparaissait dans toute sa splendeur pour vous demander quelque chose, ne faites rien sans bénédiction (61), et ne changez jamais la bénédiction donnée par votre père spirituel.

(61) : ( Dans le langage monastique, bénédiction signifie autorisation, sans pourtant perdre son sens premier : c'est une autorisation bénie).



*

Souvenez-vous que votre père spirituel est toujours avec vous et est attentif à chacun de vos pas.



*

Vous devez choisir votre père spirituel selon votre volonté, mais après l'avoir choisi, vous lui devez une obéissance totale. Si ses enseignements sont hérétiques, fuyez-le comme le feu.



*

Vous devez vous référer à un starets en cas de besoin spirituel, pour votre édification, et pour apprendre la sagesse.



*

Possession

Quand le diable capture un homme, il commence par le priver de son esprit.



Prière

Si les prières ne sont pas suivies de bonnes actions, elles sont mortes.



*

Si vous n'obéissez pas aux commandements de Dieu, n'importunez pas le Seigneur avec vos longues prières : elles ne seront pas entendues.



*

Si pendant que vous dites vos prières quelqu'un vient vous demander de l'aide et que vous lui dites : " Laissez-moi d'abord terminer les prières et ensuite je vous aiderai", vos prières ne sont d'aucune utilité.



*

Vos bienfaits et vos prières doivent être offerts à Dieu comme votre sacrifice.



*

Dites les prières avec un profond respect, considérez devant qui vous vous tennez et à qui vous parlez; Le Christ est toujours invisiblement avec nous.



*

Lorsque quelqu'un élève des prières devant des icônes que vous avez peintes ou des croix que vous avez sculptées, la moitié de la grâce vient sur vous.



Providence

Ne perdez jamais espoir en la Providence de Dieu.



*

Un homme n'est éprouvé qu'autant que Dieu le permet dans Sa divine Providence.



*

Il est difficile à un homme de percevoir la signification de la Providence. Il y a trois types d'événements attribuables à la Providence : l'admission, la volonté de Dieu et la Providence proprement dite. L'admission signifie que Dieu a laissé à un homme la libeté de faire ce qu'il veut. Par la volonté de Dieu, un homme fait ce que Dieu lui commande de faire. La Providence signifie le soin que met Dieu à contr^pler l'admission et la volonté. Si vous trouvez un problème trop difficile à résoudre, faites confiance à la Providence, et ne pensez pas à autre chose.



*

Sans la volonté de Dieu, même des miettes de pain ne peuvent tomber.



*

Le premier médecin est Dieu, le second est le médecin; mais celui qui ne remercie pas le médecin ne remercie pas Dieu. Tout travail mérite salaire. Les mains et l'esprit d'un médecin accomplissent des actions qui plaisent à Dieu.



Pureté

L'oeil est un miroir de votre âme. Vous ne regarderiez plus jamais rien de mal si votre âme y était vraiment opposée.



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Ressemblez aux petits enfants, non par l'esprit, mais par le coeur et l'innocence.



Sagesse

Pour devenir sage, vous devez d'abord être stupide (62).

(62) : ( C'est-à-dire reconnaître que vous ne savez rien et que vous êtes totalement dépourvu de sagesse. Vieux principe, reconnu aussi en dehors du christianisme : selon l'Apologie de Socrate de Platon, la Pythie de Delphes avait dit à Kairéphon que Socrate était le plus sage de tous les hommes; enquêtant, dans sa modestie, pour comprendre le sens de cette parole qui lui paraît énigmatique, Socrate comprend qu'à la différence de tous ceux qui sont réputés sages dans la société, il considère qu'il ne sait rien, et que c'est cela qui fonde sa sagesse supérieure).



Volonté propre

Ne cherchez jamais à vous justifier et ne faites rien par votre volonté propre.



Dernières volontés et testament spirituel

Règles écrites et affichées par le Père Gabriel pour l'édification des moniales de Samtavro :



Supprimer la gloutonnerie.

Ne jamais manquer les Vigiles et le chant.

Boire de l'eau modérément.

Restreindre le pain.

Supporter les blâmes et les reproches.

Tolérer les accusations et les condamnations.

Mortifier les passions, retrancher la volonté propre.

Endurer les insultes avec humilité.

Endurer les mauvais traitements.

Supporter les outrages.

Essuyer les offenses sans colère; pardonner immédiatement à l'auteur s'il se repent, les essuyer avec regret et patience si ce sont des médisances.

Pardonner et ne pas chercher à se venger.

Si l'on est blâmé, accepter humblement, sans se défendre.



Voici mes dernières volontés et mon testament :

Elevez vos prières pour tout le monde.

Vos prières déplaceront les montagnes.

Aimez-vous les uns les autres.





FIN





BIBLIOGRAPHIE



A. Histoire de la Géorgie

- Abashidzé (Z.), "L'Eglise orthodoxe de Géorgie", dans C. Chaillot (éd.), L'Eglise orthodoxe en Europe orientale au XX° siècle, Paris, 2009, p. 385-403.

- Landru (N.), Menthon (C. de), Natroshvili (N), Meliava (V.), Géorgie, 3° éd., Paris, 2008, p. 50-66.

- Martin-Hisard (B.), " Christianisme et Eglise dans le monde géorgien", dans J. - M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez et M. Vénard (éd.), Histoire du christianisme, IV, Evêques, moines et empereurs (610-1054), Paris, 1993, p. 549-603.



B. Les fols-en-Christ

- Goraïnoff (I.), Les Fols en Christ, Paris, 1983.

- Grosdidier de Matons (J.), " Les Thèmes d'édification dans la Vie d'André Salos", Travaux et mémoires du Centre de recherche d'histoire et de civilisation byzantines, IV, Paris, 1970, p. 277-328.

- Kovalevsky (J.), en russe, Moscou, 1902.

- Larchet (J. - C.), Thérapeutique des maladies mentales, 2° éd., Paris, 2007, ch. 5 : " Une forme particulière de folie : la folie-en-Christ", p. 133-168.

-Novakshonoff (V.) et Phualo (L.), La Vie des fols-en-Christ. Folie du monde et sagesse de Dieu, 2002.

- Presbytéra Anna (Traductrice d'un Collectif) : Vie de Saint Théophile le Fol en Christ des Grottes de Kiev (ED. L'Age d'Homme), et in ce Blog de Presbytéra Anna.

- Ryden (L.), " The Holy Fool", dans S. Hackel (éd.), The Byzantine Saint, Studies Supplementary to Sobornost, 5, Londres, 1981, p. 106-113.

- Spidlik (T.), " " Fous pour le Christ" en Orient", Dictionnaire de spiritualité, V, 1964, col. 752-758.

- Syrkin (A. Y.), " On the Behaviour of the " Fools for Christ's Sake"", History of Religions, 22, 1982, p. 150-171.



C. Saint Gabriel

- Alfeyeva (V.), " L'appelé, l'élu, le fidèle", Moscou, 4, 1991, p. 3 - 51 ( en russe).

- Id., "Dying And Yet Behold We Live", The Orthodox Word, 28, 1992, p. 116-128.

- Gerasim (Monk), " Father Gabriel and the Last Georgian Elders", The Orthodox Word, 28, 1992, p. 229-239.

- Karelin (Archimandrite Raphaël), " Souvenirs sur l'Archimandrite Gabriel", Tbilissi, 2003; trad. fr. par Kétévane Dushuashvili, dans Archimandrite Gabriel, fol-en-Christ (1929-1995), éd. du Monastère orthodoxe Serbe Saints-Clair-et-Maurin, Lectoure, p.11-18.

- Mshvenieradzé (D.), Elder's Diadem. Archimandrite Gabriel (Urgebadze), éd. du Monastère Sainte-Nino de Samtavro, Tbilissi, 2008.

- "Samtavro Convent in Georgia Today", The Orthodox Word, 28, 1992, p. 241-244.

- Miracles divins et guérisons, éd. du Monastère Sainte-Nino de Samtavro, Tbilissi 2003; trad. fr. partielle par Kétévane Dushuashvili, dans Archimandrite Gabriel, fom-en-Christ (1929- 1995), éd. du Monastère orthodoxe serbe Saints-Clair-et-Maurin, Lectoure, p. 35-56.

- "Entretien avec la Mère Paraskéva et le Père Guiorgui (Gorguidzé), archiprêtre de l'Eglise Saint-Georges de Roustavi, Mtskhéta le 20 juin 2010", Foi Transmise et Sainte Tradition, 2010, p. 10-12.

- "The Burning Beast", Death to the World, 1, 1994, p. 10-11.

- "Archimandrite Gabriel, confesseur du Christ"; Site multilingue dédié à l'archimandrite Gabriel par le monastère de Samtavro : http : // www.monkgabriel. ge





TABLE DES MATIERES



AVANT-PROPOS



CHAPITRE I : VIE

1. La petite enfance

2. Les charismes et les miracles d'un enfant de douze ans.

3. La fuite du monde et l'appel de la vie monastique.

4. Le retour à Tbilissi.

5. Le service militaire.

6. Le retour à Tbilissi, où la Providence prend soin de lui.

7. Au service de l'Eglise.

8. La construction de son église.

9. La confession publique de la foi chrétienne face au régime communiste, et les tortures endurées.

10. L'exclusion des institutions ecclésiastiques et sociales, et la persécution par les services de sécurité.

11. La vie dans la pauvreté et le dénuement.

12. Une vie simple, proche des oiseaux et des Pères.

13. Le choix de la folie-en-Christ comme mode de vie ascétique.

14. Les autorités civiles s'en prennent à son église.

15. L'affectation au couvent de Samtavro.

16. La sollicitude à l'égard des églises et des monastères détruits ou abandonnés.

17. Le renforcement de son ascèse à Samtavro.

18. L'appel du startchestvo.

19. Le pressentiment des jours sombres pour le pays.

20. La maladie et les souffrances des dernières années.

21. Père spirituel jusqu'à la limite de ses forces.

22. Les derniers jours.

23. Les funérailles et l'inhumation.

24. Le testament du Père Gabriel.

25. Les années qui ont suivi le décès.

26. La canonisation.



CHAPITRE II : LE FOL-EN-CHRIST

1. L'appartenance du Père Gabriel à la lignée des fols-en-Christ.

2. Comportement étrange, faisant croire à un déréglement mental.

3. Comportements non conformistes.

4. Familiarité dans les conseils donnés à tous.

5. Brusquerie pédagogique.

6. Dénonciation du formalisme et du pharisaïsme dans la vie spirituelle.

7. Enseignement spirituel à travers des actes symboliques apparemment incongrus.

8. L'amour du prochain manifesté dans des actes étranges.

9. L'acceptation d'être soi-même accusé en venant en aide au prochain.

10. Comportements débridés en public, pénitence en privé.

11. Adoption de comportements suscitant la raillerie, le mépris ou le rejet dans le but d'acquérir l'humilité.

12. La folie simulée comme moyen de cacher ses vertus, ses charismes et ses miracles.

13. Patience et amour dans la souffrance.

Prière pour les persécuteurs.

14. L'amour des "petites gens".

15. Le charisme de clairvoyance.

16. Le charisme de prophétie.



CHAPITRE III : APOPHTEGMES.



CHAPITRE IV : ENSEIGNEMENTS SPIRITUELS.



BIBLIOGRAPHIE





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