SAINT NECTAIRE D' EGINE
LETTRES PASTORALES
aux moniales d'Egine
Traduites du grec par la moniale Nectaria
Monastère Notre-Dame-de-Toute-Protection
Bussy-en-Othe.
Préface du père Placide Deseille
LIS & PARLE
EDITIONS
Du même auteur, sur saint Nectaire :
Moniale Nectaria, Sous l'étole bénie de Nectaire d'Egine.
Sa vie et ses miracles, Editions du Désert, 2003.
LIMINAIRE
La vie du saint hiérarque Nectaire est maintenant connue en France grâce à deux biographies écrites l'une par le père Ambroise Fontrier, l'autre par M. Sotos Chondropoulos et mises à la disposition du lecteur francophone par les soins du père Théologue de Foucauld, récemment retourné à Dieu. Beaucoup d'âmes ont été réchauffées et illuminées par la lecture de ces pages, qui nous rendent présent un saint de notre temps, qui a vécu dans ce monde si proche du nôtre et, confronté à des épreuves qui ont fait de lui un nouveau Job, a su garder son âme dans une paix divine, vérifiant une fois encore la parole de saint Séraphim de Sarov : " Garde ton âme dans la paix, et des milliers autour de toi seront sauvés".
Le zèle de saint Nectaire pour le salut des âmes s'est traduit, en particulier, par la rédaction de nombreux ouvrages qui, en l'absence de traductions, sont malheureusement restés inaccessibles aux lecteurs français. La présente traduction de trente-cinq de ses lettres, adressées aux moniales d'Egine à l'époque de la fondation de leur monastère, qui restent le plus beau fleuron de son activité pastorale, commence à combler ce vide.
Certains trouveront sans doute ce volume bien mince. Mais nous sommes dans un domaine ou l'efficacité ne dépend pas de la quantité. Il en va comme des saintes reliques : ainsi que l'écrivait au V° siècle l'évêque de Rouen saint Victrice et comme l'ont expérimenté au long des siècles d'innombrables croyants, un petit fragment de son corps, ou même un linge qu'il a touché, rend présent un saint tout entier, avec toute sa puissance d'exemple et d'intercession. Récemment, la publication par les moniales de Solan du témoignage du moine Agapios sur l'Ancien Porphyrios l'a montré : la lecture de ces quelques pages a communiqué la "flamme divine" dont le saint géronda était porteur à de nombreuses âmes, avant que de plus volumineuses publicatins ne soient accessibles. Nous avons donc confiance que ces quelques lettres de saint Nectaire, dan slesquelles s'est épanchée la plénitude de sa vie spirituelle, mise à la portée de débutantes dans la vie monastique, seront une abondante source de grâce pour tous ceux qui les liront.
Monastère Saint-Antoine-le-Grand, le 14 septembre 2011.
Archimandrite Placide Deseille.
Introduction de l'édition grecque,
du père Théoclite de Dionysios
Le Père Basile Voloudakis a été bien inspiré de faire rééditer mon livre Saint Nectaire le Thaumaturge par les éditions Hypakoé. Outre la suppression des textes de saint Nectaire provenant d'autres collections, et les controverses, aujourd'hui dépassées, autour de sa sainteté, il envisage de publier séparément les trente-cinq lettres écrites parle sint sous l'inspiration de Dieu, celles-ci faisant partie de l'ouvrage cité ci-dessus.
Au sujet des trente-cinq lettres pastorales et paternelles, pleines de divine sagesse de notre saint père Nectaire, j'avais alors noté :
La correspondance entre le saint directeur de Rizarios et les novices devenues ensuite moniales s'étendit de la fin de l'année 1904 au printemps 1908. Plus de cinquante lettres furent conservées, longues ou courtes, toutes autographes. Je ne pense pas qu'une seule ait été perdue, sans toutefois en exclure la possibilité; En effet, les moniales les gardaient comme des objets précieux. Ces lettres sont un véritable trésor, non seulement par ce qu'elles furent écrites à l'âge de la maturité, lorsque saint Nectaire était comblé d'expérience spirituelle et devenu un réceptacle du Saint-Esprit, mais aussi parce qu'elles possèdent une spontanéité dont sont privées ses autres oeuvres, ces dernières s'dressant à des lecteurs anonymes. J'avais songé à ne pas insérer les lettres telles quelles, mais à en composer un florilège pour mettre en relief l'enseignement et les convictions du saint. C'était là, bien sûr, un point de vue défendable si mon unique dessein avait été d'exposer son enseignement spirituel, et non principalement sa vie intérieure. Et, à mon avis, aucun autre genre littéraire n'est susceptible de dépeindre avec autant de plénitude l'âme d'un homme que ses lettres, d'où jaillit quelque chose de personnel, d'intérieur.
Toutefois, contrairement aux sentiments paternels et à la spiritualité qui peuvent s'épancher dans les lettres, l'élément cognitif, théologique et philosophique de l'écrivain se trouve nécessairement limité par le degré de réceptivité des destinataires. Le saint théologien, écrivant à des moniales débutantes et peu cultivées, se devait de s'abaisser à leur degré de compréhension et d'instruction, de s'adapter à leur niveau spirituel.
Malgré cela, les lettres contiennent un enseignement très précieux. Hormis son grand amour paternel et son humilité, elles manifestent le fin discernement avec lequel il dirigea dans le monachisme des âmes inexpérimentées. On admire aussi dans les lettres ses profondes connaissances en matière de vie monastique, son estime des méthodes spirituelles et ascétiques, l'accent qu'il mettait sur l'humilité et la prière, et par-dessus tout son principe fondamental, à savoir le respect de la volonté de Dieu, qu'il recherchait dès sa jeunesse. Pour le vénérable Ancien, le critère le plus élevé de la qualité de toute action réside dans l'accord avec la volonté de Dieu. Il jugeait tout sur ce principe de base qu'il avait fait sien. Tous les actes de vertu, écrivait-il aux moniales, s'ils ne sont pas accomplis selon Dieu, n'ont pas de valeur, ne sont pas agréables à Dieu et, par suite, n'engendrent pas de profit spirituel pour l'âme.
Les lettres du saint recouvrent quatre années de sa vie, et, puisqu'elles reproduisent avec clarté les mouvements de son âme sublime, il serait dommage de priver le pieux lecteur du bénéfice de ces textes au sens spirituel direct, l'incitant à un contact personnel avec le saint hiérarque. Outre l'aspect historique - la sollicitude de saint Nectaire au sujet du monastère et des moniales nouvellement établies - les lettres contiennent un enseignement spirituel et monastique très varié, et donnent de la joie à ceux qui lisent les conseils d'un maître de l'Eglise universelle, dont les conseils valent pour tous les orthodoxes.
Mais, au-delà de toutes ces considérations, détenant les lettres autographes d'un saint vénérable, cela aurait été une erreur impardonnable de ne pas les publier toutes. En effet, elles se comparent à des tables gravées par un saint amour paternel, des écrits tracés par le Saint-Esprit, la voix d'une âme divinisée, des empreintes de la vie en Christ, des règles de sagesse pstorale et à des boussoles indiquant ses saintes vertus.
Et ne serait-ce pas une honte pour nous, les enfants de l'Eglise, de ne point dresser devant nos âmes mais aussi aux yeux du monde ces symboles de la sainteté incarnée, ces pavés d'hagiographie, à l'époque où une lettre autographe d'un "grand" de ce monde devient un objet d'enchère parmi les hommes? Et nous savons bien qui, réellement, sont les grands. Non, bien sûr, ces hommes passionnés, avec leur éclat trompeur et ephémère, qui "meurent et sont ensevelis", mais ceux qui ont parcouru le chemin plus étendu qui va de la terre jusqu'au ciel, ceux qui on combattu contre les adversaires invisibles et les ont vaincus, ceux qui ont inversé les rythmes passionnés de leur âme et ses ont rendus semblables aux anges, qui sont devenus humbles et doux, pleins d'amour, emplis du désir de Dieu, des tentes du Saint-Esprit, qui se sont libérés de la corruption et sont devenus immortels et éternels, des dieux par Grâce. Dieu par Grâce, voilà ce qu'est saint Nectaire, lui qui par sa compassion et son amour des hommes demandait à Dieu la grâce des guérisons. Et encore, sans cesse, il guérit les passions " de nos âmes et de nos corps", les plus incurables humainement.
Ce qu'il toucha de ses mains, ce qu'il écrivit, ce qui lui appartenait, participent de la Grâce du Saint Esprit. Il en va de même pour ses lettres. Celles qui sont autographes contiennent en plus cette grâce de l'objet qu'il a tenu dans ses mains, alors que celles qui sont retranscrites recèlent uniquement la grâce de sa parole. De même que ses saintes reliques, qui "exhalent un ineffable et doux parfum pour ceux qui le vénèrent avec piété" et d'où s'écoule la Grâce, représentent un trésor inamissible pour l'orthodoxie, ses lettres - qui participent de la Grâce divine, laquelle a largement fait sa demeure en son âme - transmettent la Grâce aux âmes réceptives de ceux qui l'invoquent.
L'autre raison qui nous oblige à rééditer les lettres pneumatophores du saint hiérarque est que leur première édition date de 1955. Elle était due à l'archimandrite Tite Matthéaki, dans son fameux livre sur saint Nectaire. Elle est aujourd'hui épuisée et rare en bibliothèque.
En introduction, nous avons exprimé quelques réflexions sur l'importance des lettres de saint Nectaire, cet évêque sage en Dieu, écrites à l'école Rizarios et adressées aux moniales et novices nouvellement installées à Egine. Un bref commentaire s'avère indispensable.
Nous avons appelé ces lettres "pastorales", car elles sont écrites dans un souci pastoral. Elles abordent un grand nombre de sujets, mais leur ligne centrale reste d'ordre pastoral. Elles touchent aussi les problèmes de la vie monastique. Ce père inspiré de Dieu n'écrit pas de directives spirituelles qui seraient destinées à des femmes chrétiennes en général, mais il enseigne, conseille et instruit des débutantes. Voilà ce qui le retient de s'étendre sur sa manière de penser, en partant de sa propre expérience spirituelle. En outre, le niveau intellectuel peu élevé des moniales et la médiocrité de leur instruction - hormis le cas de l'humble Xénie, qui se montra réfléchie et sage - ne favorisaient pas de grands développements d'initiation au monachisme.
J'avais alors écrit ces lignes.
Et à présent je complète :
Le très-doux saint Nectaire, voulant guider les débutantes vers la perfection par l'ascèse, exprimait dans l'une de ses lettres sa tristesse et son inquiétude : " Nous avons fondé un monastère avec des moniales jeunes et sans expérience (...) qui ignorent ce qu'est le renoncement en vue de la perfection." Pour cette raison, il ressentait la nécessité de diriger de près la vie des nouvelles moniales, ce qui signifie que l'higoumène Xénie, aveugle corporellement , ne suffisait pas pour paître ce troupeau spirituel. Quoi qu'il arrivât, sans jamais s'exaspérer, mais avec la discrétion du sage pasteur, saint Nectaire menait avec amour ses enfants à la compréhension de la véritable philosophie du monachisme, écrivant en particulier à chacune de celles qui avaient besoin de son art pastoral.
En s'aidant de l'enseignement des pères ascétiques et de la Philocalie, mais aussi en s'appuyant sur sa propre expérience, saint Nectaire guidait avec discernement les moniales débutantes vers la perfection. C'est précisément cela que l'on découvre dans ses lettres, arrivant de cette façon à des aménagements qui peuvent surprendre ceux qui mettent un accent excessif sur l'ascèse.
Pour commencer, il informe les moniales de ses activités en vue du fonctionnement et de la sauvegarde du monastère, pour les revigorer et créer en elles un sentiment de sécurité au sujet de leur avenir, ce que des egns privés de discernement auraient pu considérer comme superflu. Dans une autre lettre, il s'inquiète parce qu'il reste sans nouvelle de leur part depuis un mois, et il leur envoie continuellement des odes "à la Souveraine Mère de Dieu".
Ensuite, il leur retranscrit une homélie prononcée à la métropole d'Athènes sur la bonne conscience, abordant le sujet sous tous ses aspects, afin que les jeunes moniales s'instruisent par l'intellect et en leur âme, pour qu'elles acquièrent à la fois des connaissances dogmatiques et une expérience ascétique.
Plein d'amour pour Dieu et son prochain, saint Nectaire n'a pas son pareil dans l'affection qu'il porte à ses enfants, une affection non seulement paternelle mais aussi toute maternelle, avec la tendresse qui s'y exprime, l'inquiétude pour leur santé, le souci de les voir manquer de quelque chose. D'un point de vue rigoureusement monastique, cet intérêt qui est le sien paraît déplacé et vient contredire son désir de perfection. Or, en ce qui concerne notre saint, cela vient confirmer sa sainteté, sa sagesse, mais encore sa délicatesse.
Sa cinquième lettre, dont l'esprit traverse toutes les autres, fait non seulement état de son amour, mais égalment de son discernement ascétique : " Les maladies empêchent ceux qui ne sont pas encore parvenus à la perfection de progresser. Quant à vous, vous avez maintenant besoin de santé pour le travail spirituel. ( ...) Ceux qui sont à peine entrés dans l'arène, s'ils n'ont pas la santé requise pour combattre, sont terrassés et s'épuisent. (...) C'est pourquoi je vous conseille d'éviter les excès. Les austérités vont de pair avec la mesure de la vertu..." Le très modeste Ancien continue : " Recherchez les choses spirituelles, et que le physique concoure au service de l'esprit."; " Il faut que vos jeûnes soient à la mesure de votre santé, afin que vous ne soyez pas contraintes d'abandonner la solitude pour rechercher dans les villes la guérison de votre corps malade. " Certes, ce ne sont pas les aliments qui nous rapprocheront de Dieu" (I Cor 8, 8)."
Le vénérable père et maître de la vertu déploie la richesse de la sagesse ascétique avec une science et un discernement qui peuvent surprendre au premier abord, alors qu'il ne s'écarte pas de la tradition monastique : " Par la poste, je vous fais aussi parvenir un flacon d'eau de Cologne, qui est un véritable remède... Il est reconnu aujourd'hui par les médecins. Ne le refusez donc pas par excès d'austérité", "Conduisez-vous avec simplicité de coeur et confessez-vous les unes aux autres." Seul un saint, sage et doué de discernement, aurait enseigné de la sorte. c'est pourquoi l'application de son enseignement réclame du discernement.
Saint Nectaire voulait créer un monastère cénobitique exemplaire; aussi était-il exigeant sur le choix des jeunes filles qui se présentaient pour devenir moniales, afin de mettre en évidence "les dignes parmi les indignes", même si son âge avancé ne lui permettait pas une conduite ascétique soutenue. Aussi réclamait-il de celles qui désiraient intégrer le monastère " d'être enflammées d'amour pour Dieu, d'aimer la prière de tout leur coeur et d'en avoir un vif désir, d'avoir le renoncemen, la soumission à la volonté d'autrui, la patience dans les épreuves." Ces éléments, bien entendu, ne constituent pas la perfection, mais d'indispensables prédispositions pour y mener, dans la mesure où ils sont mis en oeuvre avec énergie et sont sanctifiés par la Grâce de Dieu et une direction droite.
Si une âme frappait à la porte du monastère avec le bagage requis, le très saint higoumène prescrivait " de la musique et des danses", des offices d'actions de grâce au Seigneur, des baisers pleins d'amour de la part de la communauté, mais aussi des prières bien particulières pour les nouvelles venues agrégées au choeur des vierges sages. Le pasteur Nectaire savait ce que signifie le salut d'une âme, c'est pourquoi lui-même fêtait l'événement de loin. Voilà en quoi consiste le véritable amour paternel! Pendant ce temps, occupé par tant d'obligations à l'école Rizarios et ayant également soin d'assister les pauvres, il composait des vers en rimes de quinze pieds, principalement à la Mère de Dieu, qu'il envoyait aux moniales récemment installées, pour réchauffer leur amour envers elle, tout en cultivant leur conscience dogmatique orthodoxe, et incitant leur intellect à des occupations spirituelles.
Le coeur théophore du hiérarque ne se rassasiait pas de passer son temps avec la personne très vénérable de la Mère de Dieu, qu'il avait pour permanente protectrice. Elle était son inspiration et son allégresse. Et alors qu'il écrivit des milliers de vers à partir des Théotokia du Paraclitique, il demandait à l'higoumène aveugle, Xénia, celle qui voyait les anges, de supplier "la Souveriane Mère de Dieu d'intercéder auprès du Seigneur, pour qu'il envoie un rayon de Sa Lumière divine..." afin qu'il puisse achever son oeuvre!
Dans le domaine des offices liturgiques, nous dirions que notre évêque très sagace était un novateur s'il n'avait pas eu, en fait, à s'adapter à la situation concrète de la communauté. Dans sa seizième lettre, il distingue la véritable adoration de l'application de l'ordo. Il écrit : " Les canons des saints ne sont pas une prière à proprement parler, mais une louange au saint. Or, nous pouvons bien nous limiter à un petit nombre de chants de louanges. (...).Vous pouvez lire à la place un canon à la Souveraine Mère de Dieu. (...) Je voudrais que les mots parlent à votre coeur. Je ne veux pas que vous accomplissiez une prière formelle, mais une prière d'adoration. ( ...). Je désire que vous compreniez ce que je dis."
J'avoue qu'après une vie de prière liturgique au sein d'un monastère cénobitique rigoureux depuis déjà un demi-siècle, c'est seulement maintenant que je perçois cette fine distinction entre le culte et la prière à travers la rigidité de l'ordo. Celui-ci, avec toutes ses prescriptions, recouvre les quatre formes de prière, à savoir la supplication, la demande, l'action de grâce et la doxologie, au moyen des psalmodies et des lectures, toutes bénéfiques et indispensables pour l'assimilation de la vie de l'Eglise. Mais l'inspiré de Dieu, Nectaire, avait en vue la faiblesse de la nature féminine et le peu d'instruction ou la difficulté des moniales à comprendre autant la langue liturgique elle-même que le sens des livres liturgiques. Il voulait aussi leur apporter des délectations spirituelles plus immédiates, avec des hymnes à la Mère de Dieu d'un abord facile pour leur psychologie. Ainsi leur recommandait-il ce qu'il produisait lui-même par le débordement de son désir de Dieu, sans bien sûr faire abstraction des usages consacrés. Et, sans contredit, il était dans la vérité, puisque ses vues n'étaient autres que l'expression de ses saintes expériences. En effet, il désirait que ses enfants vivent la même chose que lui. Qu'elles s'y efforcent, il s'entend, mais qu'elles y parviennent tout de suite, c'était impossible. D'ailleurs, le saint reconnaît dans ses lettres qu'il faut beaucoup de temps pour atteindre des états spirituels élevés, et que "les dons divins ne se laissent pas prendre par la force." Et si, dans la dix-septième lettre, il émet des plaintes et se montre soucieux du progrès des moniales, cela se veut être un acte pastoral, afin qu'elles demeurent toujours vigilantes, car il connaissait leurs imperfections, et il rappelle continuellement la nécessité de la guérison de leur égoïsme et l'acquisition de l'humilité qui élève.
Vivant en Jésus-Christ, saint Nectaire ressentait ce que Paul disait : " Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi." C'est pourquoi il voulait que les moniales puissent dire cela, qu'elles ressentent l' inhabitation du Seigneur en elles par l'Esprit Saint : " Que nulle d'entre vous ne s'égare en pensant que les prières et les supplications la conduisent à la perfection. Elle se méprendrait parce que c'est le Christ vivant en nous qui nous conduit à la perfection. (...) Sans la présence du Christ en nous, nos prières et nos supplications nous feront tomber dans l'illusion. Je dis cela pour vous montrer dans quelle direction vous devez vous tourner et ce qu'il vous faut rechercher. (...) Que votre combat vise surtout à humilier votre égoïsme, lequel ressemble à l'hydre aux multiples têtes. (...) Il se présente comme une sorte de maladie de l'âme, sous la forme d'un esprit d'insubordination et de désobéissance; il prend l'apparence du bon sens, du savoir, d'une sagesse prudente, du contentement de soi, du murmure, de la revendication, de la prétention, de l'exigence à être justifié, de la convoitise, de la vanité, de l'ambition, etc..."
La vingt-sixième lettre de notre très-doux père, maître de la vie en Christ, resplendissant de lumière et exempt de tout égarement, constitue véritablement une table écrite par Dieu. Moines et gens les plus divers, hésychastes et laïcs, le clergé à tous ses degrés, doivent l'avoir constamment sous les yeux. Cette sentence du bon pasteur : " Sans la présence du Christ en nous, nos prières et nos supplications nous feront tomber dans l'illusion" signale de terribles dangers. Car beaucoup, sans un guide spirituel expérimenté, se gouvernent tous seuls dans la prière et notamment dans la prière du coeur. Adonnés à de faux états de ferveur et d'allégresse, se recouvrant d'ulcères, souffrant d'un faux esprit d'élévation mystique, ils sont le jouet de Satan et perdent la raison, ainsi que de sages moines en furent témoins. De tels cas sont décrits dans les vies des saints comme des exemples à fuir. Et seul cet enseignement concret dans le Saint-Esprit donne la mesure de la sainteté de l'admirable Nectaire.
Avant de clore ce commentaire sur les lettres lumineuses de notre père théophore Nectaire, qui pourraient être qualifiées de canoniques dans le domaine de la philosophie monastique, je voudrais attirer l'attention particulière du pieux lecteur sur la trente-dexième lettre. Celle-ci fait la distinction entre l'amour sentimental pécheur propre à l'homme et l'amour spirituel, qu'engendre l'amour commun envers le Christ. Je l'érige comme règle et ligne directrice autant pour les moines que pour les chrétiens laïcs, afin qu'ils ne soient pas influencés par les enseignements forcenés et antispirituels émanant - hélas!- du clergé et des théologiens qui exaltent l'amour humain réciproque en tant que révélation des théophanies, conduisant vers l'éternelle séparation de Dieu. D'ailleurs, pour les Orthodoxes, seuls les Saints représentent la sécurité et la garantie du parcours que nous accomplirons sans nous égarer. Ceux qui n'ont pas la morale de nos saints sont de faux maîtres se trouvant dans l'iillusion et qui conduisent dans l'erreur. Ils sont "voleurs et brigands" d trésor de nos âmes immortelles. Soyons proches, aussi proches de nos saints, de saint Nectaire, que la lumière du Christ!
Théoclite, moine au monastère de Dionysios.
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Anastase Képhalas, le futur saint Nectaire, naquit en Thrace, dans le village de Silybrie, le 1er octobre 1846, dans une famille nombreuse d'une grande pauvreté. Tout jeune enfant, il se distinguait déjà par sa piété fervente. Il aimait prier avec sa grand-mère. il avait une prédilection pour le psauma 50, qu'il récitait souvent. Il apprenait par coeur les sentences des saints Pères.
A l'âge de treize ans, il partit tout seul, sans un sou en poche, à Constantinople, pour gagner sa vie et pour étudier. Il fut embauché par un homme dur qui tenait un magasin de tabac. La nuit, à l'insu de son patron, Anastase recopiait sur les papiers d'emballage du tabac les paroles des Pères qu'il gardait en mémoire, commençant ainsi son oeuvre missionnaire. pendant ces années difficiles, il poursuivit son étude approfondie des Ecritures. Plus tard, toujours à Constantinople, il travailla comme surveillant à l'école rattachée au Saint-Sépulcre. Là, il pouvait participer aux offices liturgiques, qui faisaient sa joie.
A vingt ans, il quitta Constantinople et s'établit sur l'île de Chios, où il fut instituteur. Il enseignait aux enfants tant les sciences profanes que le catéchisme et l'amour de Dieu. Au bout de quelques années, il renonça au monde et entra au célèbre monastère Néa Moni. Il fut tonsuré moine le 7 novembre 1876. Son attitude douce et angélique, sa charité fraternelle, son humilité et sa piété lui valurent d'être ordonné diacre très rapidement, sous le nom de Nectaire. Cependant, il aspirait à s'instruire toujours davantage. Un personnage influent de l'île de Chios fit sa connaissance et s'émut de l'histoire de ce jeune diacre et de sa vertu. Il le prit sous sa protection et lui offrit des études à Athènes. Il l'envoya aussi à Alexandrie auprès de son ami le patriarche Sophrone, lequel apprécia beaucoup le jeune clerc aux talents prometteurs.
A l'université, Nectaire se fit remarquer comme un étudiant brillant et inspiré. Il obtint son diplôme de la Faculté de théologie en 1885 et retourna auprès du patriarche Sophrone, qui fit de lui son bras droit. Il connut alors une ascension fulgurante dans la carrière ecclésiastique : en seulement quelques mois, le patriarche lui conféra successivement l'ordination sacerdotale, la dignité d'archimandrite, la charge de secrétaire patriarcal, puis d'administrateur du patriarcat. Enfin, il n'hésita pas à le sacrer métropolite de la Pentapole (1) le 15 janvier 1889, trois ans seulement après son ordination sacerdotale.
(1) : ( Ancien diocèse de la Lybie supérieure).
Au Caire, il se montra un pasteur plein de zèle, enseignant l'Evangile par l'exemple de sa vie débordante d'amour envers les pauvres et tous les fidèles. Il s'efforça d'embellir l'église patriarcale du Caire dédiée à saint Nicolas, la rendant toute resplendissante, de modeste qu'elle était. Le peuple s'attacha tellement à lui, et son excellente réputation se répandit si vite que le clergé du patriarcat d'Alexandrie s'alarma : peut-être le patriarche déjà fort âgé allait-il désigner Nectaire pour lui succéder? Piqués de jalousie, ils complotèrent contre le jeune métropolite, divulguant d'ignobles calomnies à son sujet. Ils réussirent à circonvenir le patriarche, qui déposa Nectaire, sans un mot d'explication, en juillet 1890. Ce dernier se retrouva soudain privé de tout, et même du pain quotidien. Il s'embarqua pour Athènes, où il vécut dans un dénuement extrême. A force de supplications, il finit par obtenir en 1891 un humble poste de prédicateur en Eubée. Les mensonges infamants déversés par ses adversaires le pécédèrent partout; aussi souffrit-il beaucoup de l'accueil insolent qu'on lui réserva. Lui, parcourait les villages et les campagnes les plus reculés, offrant sa vie pour le salut des âmes qui lui étaient confiées, les consolant, les instruisant et les affermissant, sans ménager ses forces. Sa conduite selon l'Evangile gagna vite les coeurs, au point qu'à nouveau les autorités ecclésiastiques craignirent sa popularité. En 1893, il fut donc envoyé dans une autre région de Grèce pour être séparé de ses ouailles. Là aussi, il se montra un père compatissant et un modèle de vie chrétienne pour son troupeau spirituel.
Le 8 mars 1894, il fut nommé directeur de l'école ecclésiastique d'Athènes, fondée par les frères Rizarios. D'amères épreuves l'y attendaient encore : on s emoquait de lui, on le méprisait, les fausses accusations venues d'Egypte continuaient de l'accabler sans relâche... Par sa sévérité pleine d'amour, il parvint cependant à donner une haute tenue intellectuelle et morale à l'école. Irrésistiblement, les élèves se sentaient attirés par sa personne et devenaient ses enfants spirituels. Le Saint se privait souvent de sommeil pour écrire des ouvrages de théologie destinés aux jeunes séminaristes, ouvrages qu'il distribuait d'ailleurs gracieusement à tous ceux qui les lui demandaient. Il composa des traités dogmatiques, des oeuvres pastorales, des poèmes, des hymnes, notamment un recueil entier d'hymnes en l'honneur de la Mère de Dieu, pour laquelle il avait une vénération toute particulière, son Petit Théotokarion.
Aux liturgies qu'il célébrait, ses sermons soulevaient l'enthousiasme des foules qui affluaient pour l'entendre. Un cercle de jeunes filles ferventes venaient ainsi l'écouter avec assiduité. Elles s'enflammèrent de désir pour la vie monastique, décidèrent de s'en ouvrir à lui et se placèrent sous sa direction. Saint Nectaire fonda pour ses nouvelles disciples un monastère sur l'île d'Egine, au lieu-dit Xantos, à l'emplacement d'un ancien monastère en ruines. Il fit ériger uen église consacrée à la Sainte-Trinité, qui fut dédicacée en juin 1908. C'est d ecette époque que datent les Lettres pastorales, adressées aux jeunes novices et moniales récemment installées à Egine.
Les années passèrent, avec leur poids d'épreuves, de souffrances, de maladies. Le Saint, épuisé par l'ascèse, les multiples responsabilités et les difficultés continuelles, résolut de démissionner de ses fonctions en 1908 et vint s'établir à Egine. En père attentif et plein de sollicitude, il dépensa ses dernières forces au service de la communauté, veillant au progrès spirituel des moniales, organisant leur vie jusque dans les moindres détails, participant lui-même aux travaux de construction.
La Grâce que Dieu faisait abonder en son serviteur lui procurait le charisme d'accomplir des miracles. Il guérissait les malades, chassait les démons, guidait les âmes vers Dieu, accordant à chacun ce qui lui était utile. Il fit aussi tomber la pluie sur l'île assoiffée, comme jadis le prophète Elie.
Cependant, jusqu'à ses derniers jours, saint Nectaire eut à subir les humiliations de la part des hommes. Le métropolite d'Athènes, jaloux du développement rapide de la communauté, menaçait sans cesse de dissoudre le monastère et persécutait le saint par toutes sortes d'ennuis et de vexations. Puis ce fut au tour de la justice civile de s'attaquer à lui d'une façon ignominieuse, aveuglée par l'activité diabolique de la mère d'une novice. Le doux hiérarque, tel un agneau qu'on mène à l'immolation, ne cherchait jamais à se justifier. Il supportait tout sans murmure ni révolte pour l'amour du Christ.
Après quelques mois d'une douloureuse maladie, qu'il endura en secret, saint Nectaire fut hospitalisé à Athènes, où il remit son âme à Dieu le 8 novembre 1920. Son corps, qui embaumait, fut escorté par une foule de fidèles jusqu'au monastère d'Egine, et fut inhumé tout près de l'église, à côté du pin qui, lors de sa plantation, avait merveilleusement laissé au saint la place de son tombeau.
Le 3 septembre 1953, on pécéda à l'invention de ses reliques. Puis sa sainteté fut canoniquement reconnue le 20 avril 1961, et sa mémoire annuelle fixée au 9 novembre. Depuis lors, le monastère de la Sainte-Trinité voit déferler des multitudes de pèlerins venus de tous les continents. L'intarissable bonté de saint Nectaire fait répandre à flots les miracles qur ceux qui l'implorent, et même sur ceux qui ne l'invoquent pas!
LETTRES DE SAINT NECTAIRE
AUX MONIALES D'EGINE
35 lettres choisies
LETTRES
N° I. LE 19 octobre 1904.
Mes filles bien-aimées dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
Je vous annonce avec joie que Dieu nous a dévoilé sa sainte volonté au sujet de la fondation du saint monastère. Il a bien voulu que ce saint monastère soit construit et rayonne.
Le métropolite Théoclite a non seulement béni mon oeuvre, mais encore il l'a placée sous sa protection. Il a agréé tous les projets et souhaits que je lui ai soumis. Il m'a même dit qu'il se chargerait de faire reconnaître le monastère par le Saint-Synode, de la même manière que celui de Kalamata. Il se propose également de nous envoyer, après la construction, quelques jeunes filles pieuses de Sparte. il a même accepté mon invitation à venir avec moi visiter le monastère. Je l'ai informé qu'Alexandra désirait construire une église et que je viendrais après Pâques poser la première pierre. Cela aussi, il l' accepté avec plaisir. En tout ceci apparaît la bienveillance de Dieu, et que vos prières ont été exaucées. Recevez mes salutations paternelles et ma bénédiction, et réjouissez-vous dans le Seigneur.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°2. Le 2 novembre 1904.
A mes enfants spirituelles Chrysanthe (Xénie) et Catherine (Cassienne).
Hier, j'ai remis au métropolite un rapport rédigé sur sa requête, concernant la restauration et la fondation du saint monastère, puisqu'il se propose, comme il me l'a affirmé, de demander sa reconnaissance canonique auprès du Saint-Synode.
Transmettez mes salutations à Aspasie. Annoncez-lui la bonne nouvelle que le métropolite, avec beaucoup d'intérêt, s'est chargé de la reconnaissance et de la protection du monastère. De plus, comme j'ai fourni toute assurance et garantie, il a dit qu'il enverrait cinq ou six jeunes filles de ses ouailles. Nous devons assurer une entière tranquillité à ces jeunes filles ainsi qu'une parfaite sécurité; aussi, je tiens à ce qu'après votre propre installation, puis l'arrivée des autres jeunes filles, le monastère, avec la bénédiction du métropolite, soit considéré comme institué. Sous aucun prétexte, je ne permets que des hommes passent la nuit au monastère. Si une jeune fille veut entrer au monastère, je souhaite en être informé, car je ne désire pas qu'il se passe quoi que ce soit au monastère sans mon assentiment. En effet, je m'en suis porté garant face à un si grand nombre de jeues filles, et vis-à-vis du métropolite lui-même.
Je demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°3. Athènes, le 8 décembre 1904.
Chères enfants dans le Seigneur, réjouissez-vous!
Je n'ai pas reçu l'autre lettre que vous aviez écrite le 10 novembre, il y a donc exactement un mois, et j'ignore comment vous allez. De mon côté, depuis la réception de votre lettre, je vous en ai écrit une autre et vous ai envoyé des pages de mon livre Connais-toi toi-même, ainsi qu'un chant à la Souveraine Mère de Dieu. Je pense que vous les avez reçus; aujourd'hui, je vous envoie ci-joint un autre chant qui, je crois, vous procurera un doux plaisir spirituel.
Aujourd'hui, par la présente, je vous transmets l'ébauche d'une homélie que j'ai prononcée à l'église de la métropole, à la fête de saint Nicolas. J'ai pris pour thème l'épître lue ce jour : " Certes, nous croyons avoir une bonne conscience, résolus que nous sommes à nous bien conduire en toutes choses" ( He 13, 18-19); et j'ai parlé de la bonne conscience. J'ai dit que la bonne conscience était le plus grand de tous les biens. Elle nous procure la paix de l'âme, la sérénité du coeur, la tranquillité de la conscience, la quiétude de l'esprit. Elle répand la joie dans le coeur, elle accorde la confiance filiale envers Dieu, elle nous fait obtenir la satisfaction de nos requêtes. A celui qui frappe, elle ouvre les portes du Ciel, elle est porteuse des dons divins, elle dispense à profusion les fruits du Saint-Esprit, elle offre les charismes de l'Esprit. Elle comble l'aspiration au bien suprême, elle conduit au bonheur et à la béatitude. Aux âmes qui la possèdent, elle donne un gage du Royaume des Cieux. Cela, nous l'avons appris des Saintes Ecritures elles-mêmes, de la bouche même du Sauveur et de Ses Saints Apôtres.Le Sauveur nous donne ce commandement : " Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à celui qui frappe on ouvrira" ( Mt 7, 7).
J'ai continué ainsi : Oui, mes frères, nous avons été adoptés par Dieu, nous sommes devenus enfants de Dieu, lui qui, en tant que Père plein de bonté, est prêt à exaucer nos demandes en vue du salut et à nous donner la vie éternelle. Car son Fils unique nous a rachetés de la malédiction de la Loi, pour que nous obtenions l'adoption filiale. C'est pourquoi Paul écrit aux Galates : " La preuve que vous êtes bien des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de Son Fils, qui crie : " Abba, Père!" Tu n'es donc plus esclave, mais fils; et si tu es fils, tu es aussi héritier de Dieu" ( Gal 4, 6-7). Le bien-aimé Jean, l'évangéliste vierge et ami intime du Christ, écrit la même chose dans sa première épître catholique : " Si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons pleine assurance devant Dieu; quoi que nous lui demandions, nous le recevrons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faison ce qui lui est agréable" ( I Jn 3, 21-22). De ces paroles de l'évangéliste, l'ami intime du Seigneur, nous apprenons que ceux qui ont une bonne conscience ont aussi une confiance pleine d'audace envers Dieu, parce qu'ils gardent ses commandements et accomplissent ce qui lui plaît. Leur coeur ne les accuse ni de péché ni de transgression des commandements de Dieu. Leur coeur est pur, et leur esprit droit. C'est de ceux-là que veut parler ici l'évangéliste.
Par conséquent, nous apprenons que celui qui a le coeur pur, qui n'est pas accusé par son propre coeur, qui fait le bien et ce qui est agréable et parfait devant Dieu, qui observe exactement les commandements du Seigneur, celui-là possède l'assurance devant Dieu. Tout ce qu'il sollicite de Dieu, il le reçoit. L'homme au coeur bon, tel un fils bien-aimé de Dieu et dont le coeur est habité par l'Esprit de son Fils, jouit de l'assurance auprès de Dieu : il reçoit ce qu'il demande, il trouve ce qu'il cherche, il est accueilli lorsqu'il frappe. Quel homme est plus heureux que celui-là? De quel bien pourrait-il rester privé? Tous les biens, tous les charismes du Saint-Esprit ne sont-ils pas réunis en son âme bienheureuse? De quoi manque-t-il encore? De rien, vraiment de rien! Oui, mes frères, car, ayant une bonne conscience, il possède le bien suprême habitant en lui. En vérité, la bonne conscience est le meilleur de tous les biens puisqu'en elle réside la félicité. Heureux, trois fois bienheureux, l'homme qui a acquis une bonne conscience!
Combien s'égarent ceux qui cherchent le bonheur, la félicité, la béatitude à l'extérieur d'eux-mêmes, dans la gloire, dans l'opulence et toutes sortes de jouissances, dans la volupté, les plaisirs, le luxe et les vanités, toutes choses qui ne finissent que dans l'amertume! Combien s'égarent ceux qui édifient leur bonheur sur des choses corruptibles et changeantes, dépourvues de toute valeur et de toute joie spirituelle, car le véritable bonheur, l'authentique félicité, la véritable béatitude ont la joie spirituelle pour fondement. Toute autre jouissance n'est suavité que pour les lèvres, tandis qu'elle emplit le coeur d'amertume. Edifier son bonheur en dehors de son propre coeur, c'est construire sur un sol constamment agité par des tremblements de terre : il n'en restera pas pierre sur pierre. Celui qui construit ainsi est un homme futile et malheureux.
Mes frères, le bonheur se trouve au-dedans de nous! Heureux, trois fois bienheureux, l'homme qui comprend cela! Examinez votre coeur et connaissez son état spirituel. Voyez s'il n'a pas perdu son assurance auprès de Dieu, s'il ne vous accuse pas d'avoir transgressé les lois morales, s'il ne vous reproche pas d'avoir rejeté les préceptes divins, si votre conscience ne proteste pas d'être oppressée, si elle ne vous accuse pas d'injustice, de mensonge, de négligence envers vos devoirs sacrés et envers votre prochain. Cherchez bien et voyez si votre coeur ne se gonfle pas de méchancetés et de passions, afin que le désir du mal ne vous conduise pas à travailler pour le mal. apprenez à votre coeur à ne pas s'éloigner du bien, à ne pas prendre des chemins détournés ni des routes tortueuses sur lesquelles les amis de la perdition tendent des pièges.
Malheureux ceux qui abandonnent leur propre coeur et leur bonheur en rêvant aux talents de Crésus - les richesses de ce monde, les mines d'or enfouies sous terre - impuissants à procurer un quelconque bonheur. Que dis-je, quel bonheur? Car ils ne peuvent ni s'affranchir de leur misère, ni apaiser le trouble de leur âme agitée sous une multitude de maux, telle une mer soulevée par des vents impéteux.
Malheureux, mes frères, celui qui néglige son coeur et n'en prend pas soin diligemment! Celui-là non seulement se voit privé de tous les biens, mais encore il tombe dans une avalanche de maux sans issue. Il chasse la joie de son coeur, et ce sont le chagrin et l'amertume qui y font irruption, flanqués de l'affliction et de l'angoisse. Il chasse la paix, et voilà que l'envahissent le trouble et la guerre, le tumulte et l'effroi. Il rejette l'amour, et la haine s'introduit. Ainsi son coeur se dépouille de toute vertu capable de soigner son âme malade. finalement, il dissipe tous les fruits et charismes du Saint-Esprit qu'il avait reçus au baptême et qui rendent l'homme heureux. En outre, il accumule toutes sortes de vices, qui font de lui un être malheureux, pitoyable et mauvais. La menace du châtiment et de l'enfer pèse sur son âme.
Mes frères, le Dieu riche en miséricorde, qui nous a créés à son image pour que nous devenions participants de sa bonté, désire que nous soyons trouvés tous dignes de la vie bienheureuse, dans le temps présent et dans le siècle à venir. C'est à cette fin que le Dieu trinitaire a fondé la sainte Eglise sur la terre, ici-bas parmi nous, pour nous laver, pour nous purifier de nos péchés et nous sanctifier, pour nous réconcilier avec lui, pour nous faire don de la confiance filiale envers lui et nous ouvrir les portes du Ciel, afin que nous y entrions et que nous soient accordés les bénédictions célestes et les dons divins. L'Eglise a été fondée pour sanctifier les pécheurs, et ses bras sont ouverts pour les accueillir.
Venez, hâtons-nous, nous qui avons la conscience chargée! Hâtons-nous, l'Eglise est prête à prendre le lourd fardeau qui accable notre conscience, prête à nous octroyer la confiance filiale envers Dieu, pour que notre coeur soit comblé de bonheur et que nous soyons jugés dignes de la béatitude éternelle! Amen.
Voilà ce que j'ai dit. Je vous l'ai écrit pour vous faire plaisir. Mes salutations à madame Eutychie, à Filio et à vous-mêmes. Je vous souhaite patience et sagesse.
Je demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°4. Athènes, le 11 janvier 1905.
Mes enfants bien-aimées dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
J'ai reçu votre lettre et je me suis réjoui de votre santé et de votre patience. Grâce à Dieu, moi aussi, je vais bien. Je prie notre Dieu de nous garder tous en bonne santé et de guider nos pas dans l'accomplissement de ses commandements.
Je n'ai rien à vous écrire, car je n'ai pas célébré de liturgie et n'ai point prononcé d'homélie dont je puisse vous donner le résumé. Si l'Esprit n'anime pas mon intellect, il reste stérile et je suis incapable de vous dire quoi que ce soit, si bien que je n'ai rien à vous écrire.
Je vous envoie ci-joint une ode en l'honneur de la Très Sainte mère de Dieu, que j'ai composée à partir de l'hymne acathiste à notre Souveraine, en allongeant sa métrique en vers iambiques de sorte qu'elle puisse être chantée sur le premier mode. Je crois qu'elle vous plaira. On peut la chanter soit lentement soit rapidement. J'ai l'intention d'éditer toutes les hymnes en un recueil de petit format, la moitié du Livre de prières, et de l'appeler "Petit Théotokarion", afin qu'il soit diffusé et que notre Souveraine, la Mère de Dieu, soit louée par les fidèles. J'aurais lancé l'impression tout de suite, mais je suis encore en dette vis-à-vis de l'imprimeur. Dès que j'aurai recueilli le montant de la dette, je ferai imprimer le Théotokarion, et ensuite je publierai l'ouvrage d'un certain moine nommé Antiochus, dont j'ai fait mention à la page 267 du Connais-toi toi-même; c'est une oeuvre extraordinaire. L'auteur dit qu'il y a condensé toute l'Ecriture ssainte, l'Ancien et le Nouveau Testament. Je n'ai pas d'argent, parce que j'ai dépensé ce que j'avais pour l'édition du Connais-toi toi-même, d'où je ne retirerai pas grand-chose, car 90 ou 100 souscripteurs à peine se sont inscrits. De plus, nous ne percevrons leurs contributions que dans plusieurs mois, et encore en petites sommes vite perdues. Même si je n'ai pas de quoi, je vais tout de même essayer de le faire imprimer, avec l'aide de Dieu, sur ce qui reste de mes appointements. Priez, vous aussi, pour que Dieu m'éclaire, qu'il me fortifie et me facilite la tâche.
Jusqu'à présent, monsieur le maire ne m'a pas répondu. Quand il l'aura fait, je vous enverrai sa lettre.
Je vous fais parvenir la présente lettre par madame Hélène Zervoulakou, par laquelle je vous ai envoyé aussi du papier, de l'encre et des plumes. Si vous manquez de quelque chose, écrivez-le moi en toute liberté. Si vous avez froid, écrivez-moi, que je vous envoie deux petites soutanes que j'ai.
Je vous bénis paternellement et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
P.S. - Les vêtements monastiques, je vous les enverrai moi-même.
N°5. Athènes, le 7 mars 1905.
Ma chère enfant dans le Seigneur, Catherine, réjouis-toi!
J'ai reçu ta lettre et j'ai vu comment vous allez. Ta maladie m'a affligé, surtout parce que c'est à cause de l'humidité de la cellule que vous avez pris froid. Je suis surpris par votre manière de raisonner. Puisque la cellule se trouvait dans un tel état, n'aurait-on pas pu la restaurer à moindres frais? Comment ne m'avez-vous pas écrit de vous envoyer de l'argent, afin de ne pas prendre froid et de ne pas exposer vos vies? Une telle réserve de votre part, vos scrupules pour une chose si minime m'ont attristé. Pensez-vous que vous m'auriez importuné en me faisant part du problème et en demandant la somme nécessaire pour préserver votre santé? Sur ce point, vous n'avez pas bien agi. Maintenant écrivez-moi combien vous avez dépensé, que je vous envoie cet argent. Votre santé est primordiale. Mise à part Philio, vous êtes toutes fragiles nerveusement et de faible constitution. Vous devez vous comporter avec prudence et grande vigilance. Les maladies empêchent ceux qui ne sont pas encore parvenus à la perfection de progresser. Quant à vous, vous avez maintenant besoin de santé pour le travail spirituel. Sachez que ceux qui ne sont pas encore parfaits, pour ne pas dire ceux qui sont à peine entrés dans l'arène, sont terrassés et s'épuisent s'ils n'ont pas la santé requise pour combattre, d'autant plus qu'il leur manque le courage qui rend forts les parfaits. Pour les personnes non encore parvenues à la maturité spirituelle, la santé est le char qui porte l'athlète au temps du combat. C'est pourquoi je vous recommande d'avoir du discernement et d ela mesure en tout, et je vous conseille d'éviter les excès. Les austérités vont de pair avec la mesure de la vertu. Celui qui ne possède pas de vertus élevées et qui veut rivaliser avec les parfaits, en vivant avec austérité comme les saints ascètes, celui-là encourt le danger de la suffisance et de la chute. Conduisez-vous avec humilité de coeur et vivez comme des novices débutantes, afin que la miséricorde de Dieu vous protège.
Je désire que chacune de vous réfléchisse sur elle-même avec humilité et qu'elle invoque l'assistance divine pour être fortifiée. Que chacune veille rigoureusement à ne pas juger ou condamner ou encore en rejeter une autre pour une imperfection quelconque. Car elle rissque d'engendrer l'affliction, ou l'affliction est le début de la division. Si une soeur est choquée par quelque chose, qu'elle le dise avec amour, sans avoir la prétention de s'imposer pour être écoutée favorablement. Et si elle ne trouve pas de repos, qu'elle m'écrive, et je la rassénerai moi-même.
Recherchez les choses spirituelles, et que le physique concoure au service de l'esprit. Ces choses, je les écris pour toi, Catherine, puisque tu es malade et que tu as maintenant besoin de te rétablir. Demande à Philio, à qui de tout coeur je souhaite d'être en bonne santé du corps et de l'âme, de t'accompagner, avec Angélique aussi, chez le médecin, pour vérifier qu'il ne reste plus trace de ton refroidissement. Puis conforme-toi aux conseils du médecin. Si vous vous portez bien, vous ferez des progrès, sinon vos peines seront vaines.
Il faut que vos jeûnes soeint à la mesure de votre santé, afin que vous ne soyez pas contraintes d'abandonner la solitude pour rechercher dans les villes la guérison de votre corps malade. " Certes, ce ne sont pas les aliments qui nous rapprocheront de Dieu" ( I Cor 8, 8). Je préfère que vous mangiez tout ce qui est nécessaire à votre santé e que vous restiez dans la solitude en priant, plutôt que de vous voir retourner dans les villes.
Je vous envoie par la poste soixante drachmes pour ta cellule. J'en ai informé Isidora, afin qu'elle s'occupe de t'envoyer cet agent. Faites venir l'ouvrier et demandez-lui combien les travaux vont coûter.
(...) Par la poste je vous fais aussi parvenir un flacon d'eau de Cologne, qui est un véritable remède. Les médecins reconnaissent aujourd'hui que l'eau de Cologne est plus employée en pharmaceutique qu'en parfumerie. Ne la refusez donc pas par excès d'austérité. Pour le moment, aucune de vous n'a la force de supporter la souffrance et ne peut se permettre de refuser le présent remède. Il ne faut pas non plus que les soeurs se sentent gênées d'en faire usage. Conduisez-vous avec simplicité de coeur et confessez-vous les unes aux autres. Je vous souhaite de tout coeur et je désire apprendre que vous êtes en bonne santé. Dis à Chrysanthe que j'envoie à sa mère les cinq drachmes, comme convenu, en attendant qu'elle se trouve un gagne-pain et qu'elle vienne en été. De même, j'envoie régulièrement dix drachmes à madame Hélène Zervoulakou à son intention.
Après le dimanche de Thomas, je tâcherai de venir vous voir. J'a appris que vous êtes troublées en craignant que je vous envoie peut-être Moscha. Vous êtes pusillanimes : voici que le trouble s'est rendu maître de votre pensée. Vous n'avez pas pris en considération le fait que je ne ferais rien sans y avoir mûrement réfléchi, ni rien qui vous mettre dans l'embarras. je vous assure, demeurez en paix. Le Seigneur sait si nous l'enverrons, en fonction de vos dispositions.
Je vous souhaite de passer la période du saint carême en bonne santé. puisque Catherine est malade, si vous ne pouvez pas lire tout l'office, lisez-le en partie. Pour le reste, récitez la prière de Jésus.
Je reviens à la question de Moscha, à propos d'Angélique. La maladie nerveuse d'Angélique est survenue à cause de la machine à coudre. (...) Elle travaille sur cette machine depuis son jeune âge : cela lui a affecté le système nerveux, et elle va finir par ne plus pouvoir se tenir debout. Le médecin, monsieur Constantin Iavopoulos, affirme que, d'après les symptômes, elle souffre de rhumatismes, et qu'en été elle devrait aller en cure thermale à Méthone. Les rhumatismes lui sont venus parce qu'elle présente un système nerveux très affaibli. Son état de santé m'a fait penser qu'il fallait envoyer une jeune fille robuste pour apprendre avec elle à travailler à la machine. Cette jeune fille pourrait ensuite la remplacer. J'ai alors pensé à Moscha, mais si vous désapprouvez, je crois qu'une autre devra prendre en charge le travail à la machine à coudre. Si Angéliqe continue à travailler, il lui sera impossible de guérir.
Je vous envoie en même temps un thermomètre, un peu de menthe et de la quinine. Quand tu m'écriras, je te recommande d'avoir cette lettre sous les yeux et de m'écrire sur tous les points qui nécessitent une réponse.
Je vous bénis. Votre père spirituel,
+ Nectaire de la Pentapole.
N°6. Le 14 mars 1905.
Chères enfants dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
J'ai reçu les deux lettres de Philio, celle du 8 et celle du 12 mars, et je viens vous répondre.
Pour la jeune fille au sujet de laquelle vous m'écrivez, je désirerais d'abord la voir et lui poser quelques questions, surtout : est-elle enflammée par l'amour de Dieu, aime-t-elle de tout son coeur la prière et en éprouve-t-elle un vif désir, a-t-elle de l'abnégation, a-t-elle la force de renoncer à sa volonté propre, est-elle prête à se soumettre à la volonté d'autrui, lui est-il possible d'accomplir ce qui s'oppose à sa volonté, est-elle capable de ne pas contredire et d'accepter des ordres sans se plaindre, peut-elle dire au Seigneur : " non pas comme je veux, Seigneur, mais comme tu veux", est-elle capable de supporter l'épreuve, a-t-elle une confiance inébranlable en l'assistance et la protection divines, et enfin, pour e pas rallonger davantage, peut-elle tout pardonner aux soeurs avant le coucher du soleil, à cause du commandement de la charité fraternelle? Si elle accepte tout cela, alors qu'elle le confesse en votre présence devant l'icône du Seigneur, dans l'église, après quoi vous chanterez une doxologie au Seigneur, parce que c'est lui qui l'a appelée. Après avoir prié sur elle pour que le Seigneur la fortifie et la fasse progresser, embrassez-la toutes et tenez-la pour votre soeur. Pour Ancienne elle aura Chrysanthe, à laquelle elle se soumettra aveuglément.
Voilà pour ce qui la concerne; Que Dieu la protège et la garde pour l'éternité, qu'il la rende digne de sa vocation et qu'il la compte au nombre des "vierges sages", ce que je souhaite aussi à vous toutes. Amen.
J'apprends qu'une épreuve vous est survenue et que vous vous êtes effrayées comme de jeunes poussins. Quel malheur que vous soyez si faciles à effrayer et que vous tombiez si vite dans le désespoir! Sns la patience dans l'épreuve, vous n'arriverez pas à la mesure d ela perfection. Vous devez garder la patience, même si l'on vous donne des coups. Le Seigneur est avec vous. Vous chantez chaque jour : " Dieu est avec nous", mais il faut croire que vous n'avez pas bien compris ca que cela signifie. Je voudrais que vous lisiez ce texte une fois attentivement afin de bien comprendre, et je vous assure que votre coeur trouvera la paix. Apprenez que les puissances de l'adversaire vont se déchaîner contre vous, mais vous, continuez à psalmodier : " Dieu est avec nous, l'adversaire ne peut nous effrayer ni nous troubler, car Dieu est avec nous." Fortifiez-vous et tenez bon, car Dieu est avec vous. Si vous patientez jusqu'à la fin, vos noms seront inscrits dans le Livre de Vie. Je veux apprendre que la Grâce vous a visitées et que vous avez trouvé la paix.
Concernant la jeune fille, si c'est Dieu qui l'a appelée et qu'elle reste, je pense qu'il serait bon qu'elle apprenne à travailler à la machine à coudre pour soulager Angélique. Angélique pourrait alors aider Philio, que je voudrais nommer Philothée, si elle est d'accord.
J'attends votre réponse détaillée à propos de cette jeune fille, ainsi qu'à tout ce que je vous ai écrit dans ma lettre précédente. Pour terminer, je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°7. Athènes, le 6 avril 1905.
Mes enfants bien-aimées dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
J'ai eu de vos nouvelles par Vassilissa. Je prévoyais que Dieu allait intervenir. J'en avais parlé à madame Argyrie, et ma confiance en la protection divine m'a donné raison. C'est pourquoi ma confiance en Dieu s'est affermie encore davantage. Mon espoir que Dieu va bénir cette oeuvre, qu'il vous fortifiear et vous protègera, grandit. Ayez confiance en Dieu, le Dieu bon, le Dieu fort, le Dieu vivant, qui vous conduira "au lieu du rafraîchissement" ( Ps 65, 12). Les épreuves sont suivies par la joie spirituelle. Le Seigneur est attentif à ceux qui supportent les épreuves et les afflictions pour son amour. " Que votre coeur ne se trouble point, qu'il ne s'intimide point!" (Jn 14, 27), car Dieu est avec vous.
J'ai appris qu'Hélène était tombée malade, cela m'a navré. Je désire avoir de ses nouvelles, j'espère que maintenant elle va bien.
J'ai su qu'Angélique désirait que je lui écrive à propos de sa faiblesse nerveuse qui l'empêche d'accomplir sa règle d eprière. Que doit-elle faire? Donc, je lui dis d'agir selon sa conscience et avec crainte, en faisant ce qu'elle peut, jusqu'à ce que ses nerfs reprennent des forces. Priez les unes pour les autres afin d'être guéries. Dieu vous exaucera, il ne dédaignera pas votre supplication.
La décision d'Eutychie de fonder un autre monastère est selon Dieu; ainsi vous n'en concevrez aucune gêne. Aimez-la, transmettez-lui ma bénédiction et dites-lui que je lui rendrai visite à Sainte-Kyriakie.
Je vous souhaite de passer la semaine sainte en bonne santé et l'âme emplie de contrition, de façon à fêter dans la joie la sainte Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ le troisième jour.
Par l'intermédiaire du porteur de la présente, je vous envoie deux paquets de cierges fins et dix gros cierges qui ne coulent pas. Je vous envoie aussi une petite boîte de café et une autre remplie de sucre, pour que vous ayez au moins cette petite consolation. J'ai reçu la lettre d'Argyrie. Je la remercie et lui souhaite de tout mon coeur de rester avec vous.
Je vous souhaite à toutes le meilleur et je vous demande de prier Dieu pour moi, afin qu'il ne détourne pas de moi son visage à cause de ma grande négligence. Qu'il me done un esprit vif, la sagesse dans les pensées et un coeur sobre. Qu'il m'accorde sagesse et intelligence, ainsi qu'une pleine santé pour accomplir ses commandements.
Que le Seigneur vous récompense de vos prières. Je pense venir pour deux jours pendant la semaine du Renouveau, si Dieu me garde en bonne santé durant la grande semaine. Priez qu'il me protège de toute emprise de l'ennemi, afin que je puisse réaliser mon projet. Quand je viendrai, je vous apporterai neuf autres hymnes que j'ai composées après l'édition du Théotokarion. Un élève les recopie déjà sur un beau papier, de la taille du Théotokarion, pour que vous les y rajoutiez à la fin. Je vous dirai aussi comment on les chante. Si vous voulez des exemplaires du Théotokarion, écrivez-le-moi et je vous en enverrai. Vous pouvez les vendre à 25 ou même 20 centimes, pour couvrir vos petites dépenses.
Je demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°8. Le 25 avril 1905.
Mes enfants bien-aimées dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
Le Christ est ressuscité!
S'il plaît à Dieu, j'arrive à Egine le lundi 25 de ce mois d'avril finissant. J'ai averti monsieur le maire ainsi que l'higoumène du monastère. J'ai prié ce dernier de m'envoyer deux mulets, puisque le diacre m'accompagne. Je désire cependant que vous disiez à madame Chrysie, à laquelle j'envoie ma bénédiction, de bien vouloir accueillir le diacre pour une nuit. Je souhaite que le diacre soit hébergé là-haut, pour que nous puissions célébrer une lirurgie à l'église de saint Denis et invoquer ainsi sa protection.
Monsieur le maire m'a envoyé un télégramme pour m'exprimer sa satisfaction à la nouvelle de mon arrivée à Egine. En effet, celle-ci coïncide avec la commémoration du décès de sa mère.
A vous toutes, je vous souhaite le meilleur et le secours d'En haut.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°9. Le 17 mai 1905.
Chères enfants dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
Je vous envoie quatre odes que j'ai composées en l'honneur de la Très Sainte Mère de Dieu, afin que vos coeurs se remplissent de joie et que vous chantiez la Souveraine Mère de Dieu avec des hymnes nouvelles. Que la joie venant d ela Grâce du Très-Saint Esprit vivifie toujours vos âmes d'une joie secrète et vous rende heureuses. Gardez avec soin cette joie en vos coeurs et ne permettez à personne d'y mêler d el'amertume. Soyez vigilantes! Veillez à ce que votre paradis intérieur ne devienne pas un enfer! " Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation" (Mt 26, 41). Ne désespérez pas de retomber continuellement dans des fautes anciennes. Beaucoup d'entre elles ont de la force, car elles proviennent de la nature et d el'habitude. Mais avec le temps et de la persévérance, elles seront vaincues. Que rien ne vous fasse désespérer. " Demandez, et vous recevrez" ( Mt 7, 7).
Transmettez mes salutations à la bonne madame Hélène Zervoulakou, dont l'amour fraternel montre bien l'abondance de ses vertus. Transmettez aussi mes salutations à mesdames Eutychie, Aphrodite, Sophie et Chrysie. En vous souhaitant encore la protection divine et le secours d'En-Haut, je demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°10. Le 18 mai 1905.
Ma chère enfant dans le Seigneur, Catherine, je te bénis paternellement.
En réponse à ta lettre, je t'envoie mon poème à la Souveraine Mère de Dieu. En le lisant, élève ton esprit et ton coeur vers la compatissante Mère du Seigneur, et tu obtiendras son prompt secours et sa protection.
I
Réjouis-toi, auguste renommée des premiers créés,
honneur et "part la meilleure (2)",
(2) : (Cf. Lc 10, 42).
Réjouis-toi, désir ardent des ancêtres et joie éternelle,
Réjouis-toi, gloire d'Abraham et promesse de Dieu,
Réjouis-toi, jeune Vierge, bénédiction divine pour toutes les nations,
Réjouis-toi, échelle de Jacob, tabernacle richement paré,
Réjouis-toi, sceptre d'Aaron, réjouis-toi, porte close,
Réjouis-toi, vase de la manne, Vierge pleine de Grâce,
Réjouis-toi, trône du Seigneur, immaculée et sanctifiée,
Réjouis-toi, Vierge gardée pure pour Dieu,
Réjouis-toi, reflet de l'inaccessible, Mère toute glorieuse,
Réjouis-toi, montagne, réjouis-toi, buisson, réjouis-toi, autel saint,
Réjouis-toi, ma Toute Sainte Souveraine pleine de Grâce.
II
Réjouis-toi, fierté des moines et splendeur des saints ascètes,
Réjouis-toi, rempart des vierges, leur soutien et leur beauté,
Réjouis-toi, conductrice des navigateurs,
Réjouis-toi, Toute-Sainte, paix de ceux qui sont combattus,
Réjouis-toi, unique puissante consolation de ceux qui pleurent,
Réjouis-toi, soutien et salut de ceux qui vacillent,
Réjouis-toi, unique et ferme stabilité de ceux qui sont debout,
Réjouis-toi, chemin tout assuré pour ceux qui cheminent,
Réjouis-toi, Mère de Dieu, sérénité de ceux qui traversent de rudes épreuves,
Réjouis-toi, Vierge, joie et allégresse des affligés.
III
Par toi notre race est délivrée de la malédiction,
Par toi elle a été jugée digne des délices du paradis.
Par toi toute la nature humaine est régénérée,
Par toi l'antique création défigurée est renouvelée,
Par toi la race d'Adam est magnifiée,
Par toi elle a été rendue digne de recevoir la Grâce, la
gloire, la vigueur.
Par toi qui portes Dieu en tes entrailles
elle a atteint la Divinité,
Par toi, Vierge et Mère, elle s'est défaite de la
tyrannie.
Par toi elle a été rendue digne de la bénédiction de
Dieu.
Par toi l'incurable plaie béante est guérie.
Par toi elle a obtenu l'adoption et le salut,
Par toi elle a hérité du Ciel.
IV
C'est pourquoi, ô Vierge, je me rééfugie
maintenant auprès de toi avec confiance,
et de toute mon âme je réclame ta miséricordieuse
compassion.
Sois donc attentive, ô ma Souveraine, à mon
humilité,
envoie-moi ton secours, empresse-toi de me
fortifier.
Console-moi, jeune Vierge, ma Souveraine toute
sainte,
unique prompte consolation des affligés.
Douce gaieté, joie et alacrité,
soulagement toujours disponible de ceux qui
t'invoquent.
Espoir des désespérés, supplication de ceux qui
souffrent,
prompte protection de ceux qui s eréfugient en toi.
Tu es, ô Vierge, la défense de ceux qui sont
cruellement éprouvés
et de ceux, Souveraine, qui sont combattus par
l'ennemi.
La douleur de mon âme et sa stérile amertume,
ôte-les toi-même de mon âme, ô Vierge, et
accorde-moi la guérison.
V
Vois la multitude de mes maux, écoute mon
gémissement,
vois ma tristesse, considère ma lamentation.
Vois mon humilité, vois mon découragement,
vois ma captivité et ma langueur.
Devance-moi, secours-moi avant que je ne sois
perdu,
avant que je ne sois dévoré par la tristesse amère.
Car, malheureux que je suis, je n'ai d'autre
défense que toi,
ni d'autre refuge, ni une autre consolation.
VI
Tu es ma protection et ma délivrance, tu es ma
consolation,
tu es mon secours, tu es mon espérance et ma
défense.
Veille sur moi, ô Vierge, garde-moi, affermis-moi,
toi, Vierge Mère de Dieu, devance-moi, sauve-
moi.
Toi, jeune Vierge, fotifie-moi dans le combat,
dans l'arène.
Toi, Vierge et Mère, tu es mon sujet de gloire
dans la vie.
Toi, ô Vierge, secours-moi au fort de la bataille
que je mène contre l'antique ennemi.
Dresse-toi face aux artifices de ce funeste
et hostile adversaire, redoutable et fourbe.
Ô toi, rends-moi victorieux! Ô toi, fais-moi
paraître couronné en vainqueur,
ô toi, fais de moi un ferme et généreux soldat du
Christ.
+ Nectaire de la Pentapole.
P.S. 1 - Avant-hier, Marie est venue chercher du travail et m'a demandé l'autorisation d'aller quelques jours à Egine, car elle désire beaucoup vous revoir. Je le lui ai accordé, pour un court séjour, et lui ai dit de loger à l'hôtellerie, car il n'est pas permis aux laïques de passer la nuit dans le même bâtiment que les moniales.
Maintenant à toi, voilà ce que je veux te dire : ton état résulte en partie de ta maladie. Il semblerait que, toi aussi, tu souffres d'une maladie nerveuse. La maladie a épuisé ton système nerveux et t'a rendus neurasthénique. Tes nerfs sont extrêmement sensibles, d'où ton état actuel. Dieu ne permet pas une telle épreuve aux âmes faibles; c'est en toi que se trouve la cause du mal. Le démon profite de ta maladie et t'afflige, te faisant penser que cet état neurasthénique est incurable, et il te pousse ainsi au désespoir. Sache donc que ces suggestions du Malin sont mensongères. Rejette-les loin de toi! Tâche de fortifier un peu ton système nerveux et cesse d'être troublée par ces pensées. Ton comportement à l'égard de Chrysanthe est la conséquence de ta maladie, n'en sois pas navrée. Cette maladie qui touche ton âme n'est pas une maladie de l'âme elle-même : l'âme souffre comme par réflexion dans un miroir, ou comme on dit par sympathie. Le Malin te présente cette maladie comme si elle venait de l'âme elle-même, ce qui ne l'est pas. Lorsque ton corps sera guéri, ton âme aussi se rétablira. Ecoute-moi donc et veille à te faire soigner. Ils guériront alors tous les deux. Ne te désole pas comme si ton mal était incurable.
Réjouis-toi dans le Seigneur et prie-le pour la santé de ton âme et de ton corps. A partir de maintenant, la tristesse provenant du Malin a disparu. Ecris à Madame Argyrie le détail de ton état pathologique, dis-lui aussi mon avis à ce sujet, afin que le médecin t'envoie des médicaments adaptés à la faiblesse nerveuse féminine.
Je te bénis. Ton père spirituel.
+ Métropolite de la Pentapole.
P.S. 2 - Je souhaiteraisque les photographies ne soient pas en vue, à l'exception d'une seule qui doit être exposée au réfectoire.
N°11. Le 25 août 1905.
Mes chères enfants dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
Grâce à Dieu, je vais bien. Nous avons fait un excellent voyage. Comment se porte Acacia? Je lui souhaite d'aller bien.
J'aurais désiré vous écrire davantage, mais jusqu'à présent l'inspiration m'a fait défaut. Argyrie et Vassilissa m'ont rendu visite et m'ont dit tout ce que Marika avait écrit à sa mère à propos de sa maladie, c'est-à-dire qu'on avait interrogé deux médecins sur l'origine du mal.
Questionnés séparément, ils avaient convenu du même diagnostic, affirmant qu'elle devait rapidement être soumise à un traitement régulier d'au moins un mois, pour éviter une seconde congestion, car alors sa vie serait en danger. Estimant donc nécessaire qu'elle suive ce traitement sans rarder, j'ai demandé que sa mère vienne la chercher; et je m'occuperai de la faire entrer, si elle veut bien, à l'hôpital de l'Annonciation. Si elle ne veut pas, elle peut aussi être soignée en externe. Enfin, il faut qu'elle vienne le plus vite possible pour ne pas risquer une seconde congestion. La blessure de l'artère doit cicatriser. Je lui souhaite de rester calme, moi aussi je le serai. D'ailleurs, je lui permettrai de venir à l'école avec Irène Dimitriadou. Je l'y autoriserai dès que le médecin m'aura assuré que sa vie n'est plus en danger.
Je conseille à Cassienne d'être attentive à sa santé et de prendre régulièrement ses médicaments pour parvenir à une complète guérison. De même, que Xénie ne néglige pas de soigner son corps, ne se souciant soi-disant que de son âme, afin de ne pas être combattue par la droite (3).
(3) : ( Dans le langage ascétique, le combat "par la droite" désigne la tentation d'un zèle déplacé, d'une ardeur excessive, du pharisaïsme, l'auto-justification alléguant de bons prétextes).
"L'animal a besoin de l'assiduité de l'effort avec une prudence pleine de sagesse." Il vous faudra beaucoup de temps pour arriver à la perfection. Ne tendez pas la corde de l'arc au-delà de la mesure. Les dons divins ne se laissent pas prendre par la force : Dieu donne ce qu'il veut à qui il veut, et ses dons sont toujours gratuits. Nous recevons tout gratuitement de la miséricorde divine. Le labeur régulier et l'offrande parfaite de notre espérance en Dieu sont agréables au Seigneur, lequel prodigue ses Grâces. Espérez et appliquez-vous au travail : ne tendez pas la corde de l'arc au-delà de la mesure, afin qu'elle ne csse pas prématurément.
Je désire beaucoup que vous ne soyez pas tristes de mon départ puisque, sans nul doute, j'ai été préservé du danger. Un profond chagrin peut aussi venir du Malin. Soyez très attentives à la prédisposition à cette passion. Je ne l'appelle pas un sentiment, parce que le sentiment a sa place dans la nature humaine. L'excès est une passion et provient de l'adversaire. Soyez donc vigilantes. Je veux apprendre de vous que vous mettez votre joie dans le Seigneur. Ne l'échangez pas contre la tristesse, qui vient du Malin. Réjouissez-vous dans le Seigneur, et de nouveau, je vous répète, réjouissez-vous!
Je vous envoie à toutes mes voeux les meilleurs.
Votre père selon l'esprit,
+ Nectaire de la Pentapole.
N°12. Le 23 septembre 1905.
Très vénérable Xénie! Je te bénis paternellement.
Par monsieur le maire je vous i envoyé 60 drachmes pour la cellule, j'espère que vous les avez reçues. Demandez au père Andronique s'il a bien reçu les 120 drachmes que je lui avais envoyées par monsieur le maire et transmettez-lui mes salutations. Les 40 drachmes, je vous les ferai parvenir la semaine prochaine. Lorsque les travaux de la cellule seront complètement terminés, je veux que tu m'écrives s'il ne manque rien, pas même le moindre dernier clou.
J'ai fait transmettre par monsieur le maire les 100 drachmes d'Irène pour Elisabeth, à laquelle j'ai fait savoir votre invitation. Elle viendra aussitôt que sa maîtresse lui aura trouvé une remplaçante.
Je vous annonce que le père Pachôme est malade; il est venu se faire soigner à l'hôpital de l'Annonciation. Il souffre d'un rétrécissement de l'oesophage; il ne peut prendre aucune nourriture en dehors du lait. J'espère qu'il guérira. Je vous demande de faire trois métanies par jour pour sa santé.
Je vous envoie une hymne. Je crois qu'elle vous plaira. Il me semble que vous n'avez pas le temps de lire mes odes parce que vous faites votre joie de lectures plus élevées; c'est pourquoi mon coeur ne m'incite pas à vous en envoyer d'autres : vous en avez déjà tellement! J'ai déjà écrit la centième, et lorsqu'avec l'aide de Dieu je les éditerai, vous les verrez et les lirez toutes ensemble. Nous allons tailler les rochers, nous ouvrirons un chemin et bâtirons un mur, mais je n'ai plus d'argent. Dès que j'en aurai, je vous l'enverrai pour effectuer ces travaux.
Pour Marika, le médecin dit que probablement elle guérira. Elle devra rester cinq mois à l'hôpital. Je lui ai faitune visite avant-hier; elle paraît contente. J'irai la voir toutes les semaines et vous enverrai de ses nouvelles.
Reçois mes salutations. Transmets aussi mes salutations et ma bénédiction à toutes les soeurs. Ecrivez-moi que vous avez prié pour le père Pachôme, je lui montrerai votre lettre. Je demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
P.S. - je suis navré que le rasso (4) de Cassienne ne lui convienne pas.
(4) : ( Vêtement monastique).
Comment n'a-t-elle pas fait attention aux mesures? Maintenant toute la couture devra être refaite, et il sera très laid. Argyrie vient d'arriver à l'instant et vous salue.
N°13. Le 24 octobre 1905.
Ma fille dans le Seigneur, vénérable Cassienne,
je te souhaite paternellement la miséricorde divine.
j'ai reçu ta lettre; ton état de santé m'a attristé. J'ai interrogé le père Andronique à ce sujet et j'ai appris de lui que tu as maigri. Puisque, comme tu me l'écris, vous manquez d'argent, je t'envoie par l'intermédiaire de père Andronique 15 drachmes, pour que tu te procures régulièrement des oeufs et du lait et que tu prennes un peu soin de toi-même. Irène est venue hier, elle viendra chez vous dans quelques jours. Je lui ai donné six coudées de tissu pour qu'elle te les apporte, fais-en ce que tu veux. Si tu n'as pas besoin de toute cette longueur et qu'il t'en reste, donne le surplus - si toutefois c'est le cas - à la chère Xénie.
La tentation qui t'a saisie m'attriste, elle vient vraiment du Malin. Dépêche-toi donc d'aller la révéler à cette soeur et de lui demander de prier pour toi afin que la tentation cesse. Dès que tu recevras ma lettre, va à l'église, invoque la Souveraine Mère de Dieu et lis la Paraclisis (5).
(5) : ( Office de supplication à la Mère de Dieu).
Moi aussi, je vais demander pour toi la miséricorde divine par l'intercession de la Très Sainte Mère de Dieu et toujours vierge Marie, le seul espoir qui n'ait jamais trompé notre espérance et qui nous protège. Je suis certain que tu seras libérée de la tentation. Je te prie, ne te laisse pas gouverner par des sentiments d'aversion. Le Malin t'inspire de la haine envers ta très chère Xénie, qui est à la fois ta soeur et ta mère spirituelle, afin de détruire et de transformer en haine la reconnaissance que tu as envers elle, parce qu'elle a travaillé au salut de ton âme. Sache que l'amour pour la bonne Xénie est enraciné au fond de ton coeur et que le Malin cherche à le déraciner, parce qu'il est jaloux de toi et qu'il veut se venger de Xénie ( Chrysanthe). Comprends bien que si ton coeur est triste, c'est parce qu'il proteste contre ce sentiment de haine qui lui est étranger et dont il veut se débarrasser. Et comme il n'y parvient pas, il s'afflige. De là te vient cet état déplorable. Le Malin t'a attaquée, tout à la fois pour t'enlever la joie et l'amour et pour troubler notre paix. Mais prends courage et ne désespère pas : Dieu est avec nous. Dieu ne permettra pas que tu sois vaincue. Toutefois, tu dois savoir que tu es aussi un peu fautive, parce que tu t'es laissée égarer par tes pensées. Tu délaisses la prière, et ton coeur se retrouve sans protection. C'est pourquoi, je t'en prie, dis sans cesse la prière de Jésus et ne te laisse pas gouverner par tes pensées. N'admets pas en ton coeur les assauts de l'aversion. Je te le souhaite de tout mon coeur.
Que la Grâce de Dieu et sa miséricorde infinie soient avec toi. Ton père spirituel,
+ Nectaire de la Pentapole;
P.S. - Je désire apprendre que tu es guérie.
N°14. Le 25 octobre 1905.
tu es languissante et que tu désires vivement revoir tes parents et tes frères. Je crains que la nostalgie que tu éprouves ne soit la cause de ton état de santé déplorable, et je désire t'en voir débarrassée. Je suis inquiet, et je veux voir comment tu vas. Pour que tu changes d'état d'esprit et qu'en conséquence ta santé s'améliore, je te donne la permission de venir nous voir une semaine, puis tu repartiras.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°15. Le 31 octobre 1905.
Très vénérable Xénie, ma fille dans le Seigneur, je te bénis paternellement.
J'ai reçu vos lettres par l'intermédiaire de la mère d'Irène, et j'en ai été content. Que la Grâce de Dieu protège votre saint monastère, par les prières de la Souveraine Mère de Dieu, et vous garde toutes en bonne santé de l'âme et du corps.
Et puisqu'il est question de la Grâce de la Souveraine Mère de Dieu, j'ai la plaisir de vous annoncer qu'elle m'a rendu digne de mener à bien le projet que je m'étais proposé, à savoir d'appliquer la métrique de la posésie grecque ancienne à tous les Théotokia du Paraclitique et aux canons (6) à la Mère de Dieu.
(6) : ( Composition hymnographique, constituée d' hirmis et de tropaires, sur un thème donné ( la Mère de Dieu, le saint du jour, etc...). Les canons sont, ordinairement, constitués de neuf odes).
Ce projet est parvenu à son parfait achèvement aujourd'hui, exactement à l'heure de none. Tous les théotokia et les canons à la Souveraine Mère de Dieu sont transcrits en vers métriques. Je vous fais donc savoir que j'ai composé 103 odes, 30 hymnes et 11 canons. L'ensemble représente 5000 vers. Ils me paraissent beaux et pleins de contrition. J'en suis heureux, non seulement parce que j'en ai achevé la composition, mais aussi à la pensée que les âmes pieuses y trouveront une délectation spirituelle. A cause de cette joie que la Souveraine Mère de Dieu m'a jugé digne d'éprouver, je vous demande de chanter un cantique d'action de grâce en son honneur ainsi que la Paraclisis, pour qu'elle m'encourage à entreprendre d'autres oeuvres similaires et que je les mène à bien.
J'ai l'intention de composer autant d'hymnes et d'odes que je peux au Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit. Priez, s'il vous plaît, la Souveraine Mère de Dieu. Qu'elle intercède auprès du Seigneur, pour qu'il m'envoie un rayon de sa lumière divine et que je puisse entreprendre et achever heureusement ce travail important qui me tient à coeur. Ces oeuvres-là seront notre richesse commune.
J'ai dit au père Andronique de s'occuper de faire tailler les rochers, réparer le chemin, construire le mur jusqu'au chemin et ouvrir un égoût à l'écart de ce dernier. Qu'il mécrive le prix que tout cela coûtera, pour que je lui envoie l'argent. En effet, je pense qu'il faut enfin terminer ce chemin et que vous puissiez chercher l'eau. En parlant du chemin, le problème du puits me revient à la mémoire. Je désire que vous buviez l'eau du puits de madame Chrysie : je crains en effet que l'eau du petit puits que vous buvez ne soit pas saine, et vous finirez par tomber malades. Demandez à quelqu'un de venir nettoyer ce puits, et ensuite vous pourrez boire de son eau. En attendant, utilisez l'eau de chez madame Chrysie.
A propos de Chrysie, je vous fais part de mon idée, que j'ai présentée à sa mère, par l'intermédiaire d'Amélie, et elle y a consenti. Voici de quoi il s'agit : que l'on accorde la main de la soeur d'Amélie à Georges, le fils de Chrysie. Ainsi, la mère d'Amélie pourra prendre part aux travaux du monastère. De plus, la famille de Chrysie ne sera pas étrangère au monastère, et Amélie viendra aussi plus vite. Si vous approuvez cette idée, faites-la savoir de ma part à madame Hélène Pétalas, pour qu'elle la propose à madame Chrysie. Ecrivez aussi la réponse à Amélie.
Transmets mes salutations à Hélène, Philothée, Elisabeth et Acacia ( je lui demande de se ménager et lui souhaite une santé solide). De même pour Anastasie, Irène et Marguerite.
Mes salutations au père Andronique. A Cassienne, je lui écris séparément. Je te bénis.
+ Nectaire de la Pentapole.
P.S. - Fais savoir aux soeurs, en particulier à Irène, qu'elles doivent toutes te révéler leurs pensées, même si ces dernières sont injurieuses. Et toi, accueille-les avec amour, afin de vaincre les épreuves.
N°16. Le 1er novembre 1905.
Vénérable Cssienne, ma fille bien-aimée dans le Seigneur,
je te bénis paternellement.
J'ai reçu ta lettre et je me suis réjoui. Puisse Dieu le Très- Saint te faire miséricorde et te garder dans une santé robuste de l'âme et du corps.
Le médicament que je t'ai envoyé est un fortifiant pectoral. On l'administre aux enfants chétifs : il fortifie l'organisme dans son ensemble. Aussi, quand tu l'auras fini, si tu sens qu'il t'a fait du bien, écris-moi, et je t'enverrai un autre flacon. Je désire que tu prennes des forces pour pouvoir travailler.
A propos de mon invitation, puisque tu n'éprouves pas de langueur particulière, ne viens pas. Mais si, après avoir pris ce médicament, même après le second flacon, tu te sens épuisée, alors viens quelques jours. Il faudra diagnostiquer l'origine de ton indisposition et y remédier. En effet, la situation du monastère est telle que vous ne devez pas tomber malades. Toutefois, il est probable que le petit puits contienne de la vase; or la vase est une chose malsaine. Il se peut bien que vous soyez malades à cause de cette eau que vous utilisez. C'est pourquoi je veux que, à l'heure même, vous cessiez de boire l'eau de ce petit puits. Qu'Hélène appelle deux ouvriers pour le nettoyer complètement, afin qu'il ne reste plus à l'intérieur la moindre trace de vase. Que le fond et les parois soient dûment curés, puis versez-y de l'eau bénite, installez-y également un couvercle. Ensuite, vous pourrez puiser l'eau et la boire. Ecrivez-moi la somme des frais engagés pour ces travaux, et je vous enverrai l'argent.
Ici, par ordre du médecin, nous assainissons la citerne et le puits : la citerne tous les ans et le puit tous les deux ou trois ans. Cela a sensiblement contribué à la diminution des cas de fièvre. Je désire entendre que vous allez bien, que je puisse m'en réjouir, parce que j'ai de la peine lorsque vous êtes malades.
Je vais donner les hymnes, les odes et les canons à madame Zervoulakou pour qu'elle les recopie tous, et je vous les enverrai. J'ai relié un cahier à cet effet, de la taille du volume entier, avec le même papier, pour qu'on les écrive à l'intérieur. Je crois que vous serez très contentes de pouvoir en lire, à la place d'une autre lecture ou d'un canon poétique. D'autre part, ces cantiques sont pleins de contrition. D'autre part, les odes de supplication à la Mère de Dieu contiennent ce que n'ont pas les canons des saints, car ces derniers ne sont pas une prière à proprement parler mais une louange au saint. Or, nous pouvons bien nous limiter à un petit nombre de chants de louanges. La lecture des canons des saints, aussi bien des Ménées (7) que du Paraclitique, n'est pas absolument nécessaire.
(7) : ( Les Ménées et le Paraclitique sont les livres liturgiques en usage pour la célébration quotidienne des offices orthodoxes).
Vous pouvez lire à la place un canon à la Souveraine Mère de Dieu, extrait du Grand Théotokarion manuscrit que je vous enverrai. Je voudrais que les mots parlent à votre coeur. Je ne veux pas que vous accomplissiez une prière formelle, mais une prière d'adoration; en effet, ce n'est pas la règle qui procure un contentement au coeur, mais l'adoration, ni la lecture de tous les canons, lesquels furent écrits pour les célébrations des saints, mais la qualité de la prière. je désire que vous compreniez ce que je dis.
Si, à cause du travail, toutes les soeurs n'assistent pas à l'office des heures, cela ne fait rien. Néanmoins quand, pendant la lecture des heures, les soeurs vaquent à leur travail manuel par nécessité, pour nourrir la communauté et subvenir aux besoins, elles doivent réciter les heures intérieurement, si elles les connaissent par coeur, ou bien dire la prière de Jésus et lire les prières des heures. La prière dite à l'église est faite de la part de toutes les soeurs et pour toutes les soeurs.
Le père Pachôme s'est endormi dans le Seigneur, et je vous demande de l'inscrire dans les dyptiques. Certainement, le défunt de bienheureuse mémoire réclame cela de vous, parce qu'il s'est montré un guide pour moi, à l'époque où j'ai reçu la charge d'administrateur ( patriarcal). J'ai aussi été sollicité par ses disciples à ce propos. Comme en même temps ils m'ont prié d'écrire aux soeurs des paroles de consolation, je souhaite que vous leur présentiez vo condoléances par écrit. Envoyez-moi votre lettre, je la leur expédierai. Dites-leur que c'est mues par l'amour fraternel que vous leur écrivez, car je vous ai appris la mort de leur Ancien, le père Pachôme. Bien que vous ne l'ayez point connu, vous le respectez et l'honorez comme ami de votre père spirituel et son guide dans les débuts de sa vie cléricale.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°17. Le 11 novembre 1905.
Ma fille dans le Seigneur, très vénérable Xénie, je te bénis paternellement.
( Que cette lettre soit lue à toutes les soeurs).
Hier, j'ai reçu la visite de madame Zervoulakou, d'Amélie et de Marika. Elles m'ont appris que tu étais malade. Cette nouvelle m'a peiné, mais en dehors de cette affliction concernant ta maladie et ton amaigrissement excessif, dont Hélène m'a parlé et qui m'inquiète, j'ai encore ressenti quelque chose de désagréable, je ne sais pourquoi, mais cela a perturbé mon humeur. Il me semble que cela venait de la supposition, erronée de ma part, que tu es malade parce que les soeurs ne sont pas totalement libérées des défauts du monde ni de certaines passions de l'âme. J'espère que je me trompe et que mes conjectures sont fausses. Mais si elles sont justes, soit complètement soit en partie, si elles se vérifient pour l'une de vous seulement ou pour la majorité d'entre vous, et que je sois confirmé dans cette hypothèse, alors je serai grandement affligé. Quant à moi, chère Xénie et mes enfants bien-aimées en Christ, je vous vois comme des vierges avisées qui se hâtent vers la perfection, gardant toujours leurs cierges allumés et leur provision d'huile, prêtes à entrer dans la divine chambre nuptiale de la gloire du Christ. Je pense que, toutes, vous veillez, pour qu'à la voix de : "Voici l'Epoux qui arrive...", vous sortiez à sa rencontre et qu'alors vous vous trouviez toutes avec vos lampes allumées. Telle est ma conviction à votre égard; c'est pourquoi je n'accepte pas les pensées qui m'inquiètent, et effectivement je n'en aurais pas raison. En effet, comment serait-il possible qu'une vierge ne prenne pas soin d'orner la lampe avec laquelle elle va s'empresser à la rencontre du Seigneur, cet Epoux en qui elle a sa joie? Comment donc est-il possible qu'elle la traite avec négligence, puisque c'est pour l'embellir qu'elle est partie au désert, à la recherche de l'huile à acheter auprès des marchands? Pourquoi donc est-elle partie si elle néglige d'acheter de cette huile et d'en mettre en réserve? Pourquoi se donne-t-elle de la peine pour beaucoup d'autres choses, alors que c'est d'huile qu'elle manque? Comment donc sera-t-elle avisée, si elle ne met pas toute sa sollicitude à l'embellissement de son âme, comme il plaît au Seigneur? Comment va-t-elle plaire au Seigneur, pour qui elle combat, si elle ne s'examine pas chaque jour avec grande attention et vigilance, pour se connaître elle-même et voir les passions de l'âme dissimulées par l'égoïsme et l'amour-propre?
Mes enfants bien-aimées dans le Seigneur, je vous considère toutes comme des vierges avisées. Mais puisque le trouble est né en moi - peut-être l'une de vous a-t-elle repoussé, pour un instant, l'oeuvre qui convient à sa vocation? - pour avoir le coeur tranquille, j'ai jugé nécessaire de vous écrire la présente lettre et de vous conjurer de faire attention à vous-mêmes, afin de ne point passer votre vie au désert dans la négligence. Par la négligence tout est détruit; Le soin de votre âme n'est pas une occupation qui se limite à la prière et au jeûne, sans que vous ayez une compréhension profonde de ces choses; ce travail, à lui seul, ne peut porter les fruits désirés. Jeûne, veille et prière sont des moyens pour atteindre le but pour lequel vous êtes parties dans la solitude. N'oubliez jamais cela pour ne pas déchoir de votre vocation et manquer votre destination En effet, beaucoup de jeûneurs et d'ouvriers de l'ascèse corporelle, inversant le but et les moyens, et dépensant leur vie à ces seules choses, ont délaissé leur but et - parole redoutable! - l'ont manqué. Ainsi ont-ils peiné en vain.
Embellissez vos lampes avec l'huile des vertus! menez votre combat pour repousser les passions de l'âme. Purifiez votre coeur et gardez-le pur, chassez de lui toute souillure avec "la potasse des foulons", selon le mot de l'Ecriture (Mi 3, 2), afin que le Seigneur vienne en vous, qu'il y habite et y marche; pour qu'il établisse sa demeure en votre coeur, que le Très-Saint Esprit l'inonde de ses dons divins et qu'en lui foisonnent avec munificence les fruits de sa Grâce.
Mes enfants bien-aimées dans le Seigneur, que votre application soit dirigée vers ces choses, que cela devienne tout l'objet de votre occupation! Que cela soit votre but, votre désir permanent, que cette quête réchauffe votre coeur, que toute votre attention soit tournée vers le Dieu trinitaire! Frappez à la porte de la miséricorde, et elle s'ouvrira à vous. Cherchez le Seigneur chaque jour, mais à l'intérieur de votre coeur, non à l'extérieur. Et quand vous l'aurez trouvé, tenez-vous avec crainte et tremblement, comme les chérubins et les séraphins, parce que votre coeur sera devenu le trône de Dieu. Cependant, pour trouver le Seigneur, humiliez-vous jusques à terre devant lui. Le Seigneur déteste les orgueilleux, mais il aime et visite les humbles de coeur. C'est pourquoi il dit : " Sur qui veillerai-je? Sur celui qui est doux et humble de coeur." Que votre labeur soit la garde du coeur afin que l'orgueil ne puisse pas s'y cacher comme un serpent venimeux, car c'est un mal prolifique dont le poison corrompt toutes les vertus et les fait disparaître. Vous devez vous mettre scrupuleusement à l'affût de ce mal satanique; faites de cette inspection une oeuvre incessante, jour et nuit, car il se cache partout comme un serpent et empoisonne tout. S'examiner et garder son coeur consiste, si j'ose dire, à traquer l'orgueil et ses rejetons en toutes choses et à les pourchasser; je pense être dans la vérité. En effet, si l'on s'affranchit de l'orgueil, acquérant à sa place l'humilité, et qu'on la fasse régner dans notre coeur, alors nous avons tout. En effet, puisque l'humilité nous élève, elle entraîne avec elle tout le choeur des vertus. Si toutes les vertus ne suivaient pas l'humilité, cette dernière ne serait pas source d'élévation, car c'est le choeur des vertus tout entier qui élève, et non pas quelques-unes d'entre elles seulement. D'ailleurs les vertus ne peuvent exister les unes sans les autres, étant comme les rayons du soleil ou bien comme les couleurs d'un seul rayon réfracté à travers une âme pure. Ainsi, là où est la véritable humilité selon le Christ, là sont toutes les vertus. C'est la raison pour laquelle l'humilité est source d'élévation. C'est donc elle que vous rechercherez. Aimez-la et établissez-la au plus profond de votre coeur, pour être élevées de terre vers le Ciel. Si l'humilité vous fait défaut, l'orgueil et ses rejetons, travaillant de concert avec perfidie, vous attireront vers la terre, à la dérobée, et entraveront votre envol vers les hauteurs, faisant échouer la réalisation de votre vocation.
Je vous ai écrit cette lettre au réveil, avant toute autre activité, pour soulager mon coeur. Je veux apprendre que chaque jour vous vous élevez un peu plus, car c'est là ma joie. Mon souci pour vous augmente. Le progrès, le perfectionnement du monastère sont ma constante préoccupation. Mon âme est faible : si je suis surpris par une mauvaise nouvelle de votre part, cela peut refroidir mes sentiments. Je vous raconte tout cela par intérêt paternel.
Je vous souhaite à toutes la visite de la Grâce divine.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°18. Le 22 novembre 1905.
Ma chère fille dans le Seigneur, vénérable Xénie, je te bénis paternellement.
(Que cette lettre soit lue à toutes les soeurs).
Hier, j'ai conféré l'ordination diaconale à un élève. Son changement de nom reste tout frais dans ma mémoire; cet événement m'a incité à prendre la plume ce matin et à vous écrire au sujet du changement de nom pour ceux qui entrent dans le stade des combats spirituels, qui s'engagent à faire la guerre aux principautés et aux puissances du prince de ce monde, qui luttent pour la victoire du Royaume de Dieu et cherchent à obtenir la couronne de la victoire par la perfection. J'ai jugé nécessaire et très urgent de t'écrire à ce sujet aujourd'hui, pressé par certaines scènes fâcheuses qui se sont produites parmi les soeurs. J'en conclus qu'en elles le vieil homme vit avec ses passions et ses convoitises : elles ont à le clouer sur la croix dont elles se sont chargées, comme disciples du Seigneur. La constatation de ces défauts tout à fait indignes pour des monailes m'a profondément affligé; c'est pourquoi j'écris cette lettre, pour l'enseignement de celles qui n'ont point renoncé au monde ni aux défauts de ce monde. Je traite donc la question du changement de nom dans la vie monastique.
Pour les moines qui promettent de vivre dans la vertu, le changement de nom joue un rôle essentiel, pour deux raisons fondamentales : la première est le total renconcement au passé et le souvenir constant du changement de vie; la deuxième est d'avoir comme modèle, pendant toute notre vie, le saint dont nous portons le nom. Le changement de nom amène l'oubli du passé. Il rappelle sans cesse la transformation du genre de vie, avec ses engagements, lesquels sont à accomplir avec beaucoup d'amour et de zèle généreux.
Le nom est sin intimement lié au moi, que nous ne pouvons séparer notre prénom de notre moi et de notre personnalité. Le souvenir de l'un entraîne le souvenir de l'autre, si bien que l'évocation de l'un et de l'autre s'effectuent simultanément. D'où l'indélébile mémoire du vieil homme tant que nous portons notre ancien nom et, au contraire, le souvenir de l'homme nouveau lorsque nous entendons le nom nouveau. Cette force spirituelle contenue intrinsèquement dans le changement de nom en constitue, de fait, la raison première. Mais cette force est repoussée lorsque notre volonté propre empêche la mise en pratique et l'accomplissement des préceptes rappelés aux moines par leur nouveau nom. Ceci vient du fait que le vieil homme vit en nous, et que nous le préférons à l'homme nouveau. En conséquence, nous négligeons les rappels continuels qui nous sont proposés par l'appellation nouvelle. Cette indifférence envers les engagements monastiques, remis constamment en mémoire grâce au nouveau nom, témoigne de l'existence d'un autre mal, la transgression de la voix de la conscience. Car à chaque manquement aux devoirs de cette vie nouvelle, rappelée en permanence par le nouveau nom, la conscience s'insurge et proteste. Mais elle n'est pas écoutée, parce que le vieil homme règne en maître et méprise les exigences de l'homme nouveau, qui sont exprimées par la voix de la conscience. Ce mépris atteint un degré tel, qu'il réprouve la voix de la conscience, comme exigeant des choses folles et déraisonnables, et finalement il va jusqu'à lui imposer le silence. Cet état est semblable à l'endurcissement de la conscience. Le moine, donc, qui méprise la voix sévère le rappelant à l'observance de ses engagements souffre du même mal que ceux dont la conscience est endurcie. Malheur à lui! Il va être condamné pour n'avoir pas vécu selon Dieu, pour avoir placé son ego et sa propre sagesse au-dessus de celle des saints Pères et pour n'avoir pas eu une bonne disposition intérieure. Les frères Caïn et Abel apportèrent des sacrifices à Dieu, mais Caïn n'était pas dans une bonne disposition d'âme et fut réprouvé par Dieu (Gen. 4,7). Ozias brûla des parfums pour Dieu avec un encensoir en or, mais il fut condamné par Dieu pour n'avoir pas bien présenté son offrande ( 2 Ch 26, 18). Saül aussi offrit des sacrifices à Dieu, mais il fut condamné et réprouvé, lui et tous les gens de sa maison, parce qu'il ne les avait pas bien présentés ( I Sam 15 à 31). De même, les Juifs offraient des sacrifices, mais Dieu les rejetait et disait : " Mon âme les a en horreur!" ( Is 1, 14). Ainsi, il ne suffit pas de présenter sacrifices et offrandes pour plaire à Dieu, ni de prier, mais de bien les offrir, avec le sentiment de sa propre imperfection et de son indignité. Or, ce sentiment-là requiert l'obéissance aux paroles de Dieu et le renoncement total à soi-même, ainsi que l'humilité accompagnée d'un labeur spirituel incessant. Si donc ces éléments permettent seuls d'apporter dignement à Dieu nos sacrifices, le premier et plus grand sacrifice que nous offrons est bien notre propre coeur. Comment notre sacrifice et notre offrande seraient-ils agréables à Dieu, si nous-mêmes ne sommes pas dignes de comparaître devant lui et de lui présenter un sacrifice agréable? ni notre don, digne, en tant que tel, d'être une offrande pour Dieu? C'est pourquoi, ne nous fions pas à nos supplications et à nos offrandes, si tout d'abord nous n'allons pas nous appliquer assidûment à vivre nous-mêmes en dignes initiés des mystères sacrés d'une part, et à rendre nos sacrifices agréables à Dieu d'autre part. Car ceux qui pensent que tout culte et tout sacrifice plaît à Dieu sont dans l'illusion, une illusion redoutable! Le culte qui plaît à Dieu et le sacrifice qu'il agrée, c'est un esprit contrit et un coeur brisé (Ps 50), non un esprit hautain et enflé d'orgueil, ni un coeur implacable et passionné.
Voilà donc ce qui motive, en premier lieu, le changement de nom dans la vie monastique. En second lieu, grâce à ce changement de nom, le moine est tenu d'avoir pour modèle de vertu et de perfection la vie et la conduite du saint dont il porte le nom. Ceci, pour mener son combat durant toute sa vie et suivre son exemple. Le modèle de la vertu de son saint patron fortifie grandement celui qui lutte dans l'arène. Il lui apprend à s'humilier, même s'il descend de lignée royale; à patienter, même si les épreuves sont insupportables; à aimer même ceux qui le haïssent. Il lui apprend à honorer ceux-là même qui le déshonorent. Il lui apprend à vivre pour ses frères et à mourir pour la Loi de Dieu et ses divins commandements. Il lui apprend à aimer la dernière place et à trouver ses délices dans une vie cachée. Et que ne lui enseigne-t-il pas? Si je voulais énumérer par le menu tout ce que l'exemple des saints nous enseigne, je manquerais et de temps et de papier pour tout mentionner!
Voilà donc les deux raisons pour lesquelles les moines changent de nom. Aussi, à cause du devoir qui m'est échu en tant que père spirituel, j'attire votre attention sur ce point. J'espère apprendre de vous que vous êtes diligentes à écouter les rappels à vos engagements que votre nom monastique vous prodigue.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°19. Le Ier décembre 1905.
Ma chère fille dans le Seigneur, vénérable Xénie, je te bénis paternellement.
( Que cette lettre soit lue à toutes les soeurs.)
Hier, j'ai célébré la liturgie à l'hospice des pauvres. J'ai prononcé une homélie sur la pureté du coeur et de l'esprit, en développant longuement les mots de Nathanaël : " Maître, tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d'Israël!" (Jn 1, 49). Je t'envoie aujourd'hui la transcription de ce sermon, à cause de l'importance du thème que je viens d'évoquer.
Mes frères, l'admirable confession de Nathanaël : " Maître, tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d'Israël", étonne, surprend et émerveille! En effet, elle fut si immédiate, et énoncée avec une pleine assurance! D'où cette connaissance lui venait-elle? D'où tenait-il cette certitude? Que se passa-t-il en lui, dans son âme et dans son coeur, pour qu'en quelques instants il prenne conscience que son interlocuteur était le Fils de Dieu, le Roi d'Israël, le Messie tant attendu, au sujet duquel avaient écrit les prophètes, ainsi que Moïse dans la Loi? En vérité, c'est le Seigneur qui le lui dévoila, lorsqu'il le vit sous le figuier. Mais, à elle seule, cette révélation suffisait-elle pour croire, pour que Nathanaël soit si vigoureusement convaincu, pour susciter de lui une telle confession? Si effectivement cette révélation s'avérait suffisante pour Nathanaël, cela nous plonge dans l'embarras... Pourquoi d'un côté un laps de temps minime, une unique révélation suffirent à Nathanaël pour parvenir à la connaissance de Dieu et à la confession de la foi, alors qu'aux Juifs, en particulier aux scribes et aux pharisiens, ni la vie terrestre du Seigneur tout entière, ni ses oeuvres, ni ses paroles, ni son témoignage n'ont été suffisants pour leur faire reconnaître sa personne et sa nature divines? Et non seulement ils ne furent nullement convaincus, mais encore, ils le lapidèrent quand il se rendit témoignage à lui-même! Et pour finir, ils le condamnèrent à mort parce qu'il s'était proclamé Fils de Dieu! D'où provient une telle différence, deux conséquences si opposées face à la même information concernant la personne du Seigneur? C'est le Seigneur lui-même qui dissipe notre perplexité, lorsqu'il révèle à ses propres disciples la pureté et l'intégrité de Nathanaël : " Voici un véritable Israélite, en lequel il n'est point d'artifice." Voilà l'explication : Nathanaël, lui, crut immédiatement et confessa que le Seigneur, le MaÎtre, était le Fils de Dieu, le Roi d'Israël, parce qu'il était un véritable Israélite, loyal et pur de coeur, en lequel ne se trouvait point d'artifice. Quant aux pharisiens et aux scribes et aux autres Juifs incrédules, ils étaient une engeance de vipères, des fils du mensonge, une génération incrédule, perverse et adultère, selon les paroles du Seigneur lui-même, en raison d ela fourberie de leurs coeurs et de leur impureté. Ainsi se comprend la différence: Nathanaël, le pur de coeur, crut et confessa aussitôt qu'il eut vu, alors que les pharisiens, les scribes et ceux qu'on appelait faussement " Juifs israélites" ne crurent point.
Et comment, mes frères, était-il possible que les Juifs croient en ayant un tel coeur? En effet, comment la lumière de la connaissance, la lumière de la Vérité, pouvait-elle pénétrer en des coeurs si enténébrés, remplis d'une telle obscurité par d'épais nuages noirs, pleins de foudre et de tempêtes? Assurément, c'était impossible! Mais encore, quelle communion entre la lumière et les ténèbres? La lumière divine illumine les coeurs purs et la pensée pure, parce qu'ils sont réceptifs à la lumière. Mais les coeurs et les pensées non purifiés, en tant qu'inaccessibles à l'illumination, répugnent à la lumière de la connaissance, la lumière de la Vérité, parce qu'ils se complaisent dans les ténèbres; A propos de cette corruption morale des Juifs, Isaïe prophétise ainsi : " Ils ont des oreilles et n'entendent pas; ils ont des syeux et ne voient pas. Car le coeur de ce peuple est devenu insensible. Ils ont endurci leurs oreilles, ils ont fermé leurs yeux, de peur qu'ils ne voient de leurs yeux, qu'ils n'entendent de leurs oreilles, qu'ils ne comprennent de leur coeur, qu'ils ne se convertissent et que je les guérisse" ( Is 6, 10). C'est donc parce que le coeur du peuple d'Israël était devenu insensible, c'est-à-dire endurci à cause de leur malignité, qu'ils n'ont point cru; Ils ne pouvaient pas croire! Mais l'authentique Israélite, lui, crut et confessa le Seigneur comme étant le Fils de Dieu, parce qu'il avait un coeur sans artifice.
C'est une grande chose, mes frères, qu'un coeur pur et sincère, car il est disposé à recevoir la lumière de Dieu et les révélations divines. La confession de Nathanaël nous le confirme. Quand Pierre entendit cette question du Seigneur : " Et vous, qui dites-vous que je suis?" et qu'il confessa sa foi à l'instar de Nathanaël, le Seigneur lui déclara : " Ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les Cieux" ( Mt 16, 17). En vérité, seul le Père qui est aux Cieux pouvait révéler à Nathanaël que le nouveau maïtre, qu'il voyait pour la première fois, était le Fils de Dieu, le Roi d'Israël. Sans une elle révélation divine, il était impossible pour un Juif ignorant des trois hyposases de la divinité et de leurs attributs de savoir et de confesser que Jésus, le Maître, était le Fils du Père céleste. Donc, de toute façon, à Pierre comme à Nathanaël, c'est le Père céleste qui révéla que le Seigneur Jésus-Christ était le Fils de Dieu, le Roi d'Israël. C'est bien à cause de la pureté de son coeur que Nathanaël reçut du Père cette révélation.
Mes frères, le pourquoi de cette révélation constitue une autre grande révélation. Nous y apprenons que Dieu aime les hommes au coeur pur. Il exauce leurs prières, il accorde leurs requêtes en vue du salut, il se révèle à eux et leur enseigne les mystères de la nature divine; De tout cela Nathanaël, qui était dénué de toute fourberie, fut digne de jouir, grâce à la pureté de son coeur.
Nous savons par le Seigneur que Nathanaël était sous le figuier. En effet, le Seigneur l'a vu. En tant que Dieu, le Seigneur l'a vu et a écouté sa voix lorsqu'il priait sous le figuier. L'accomplissement de sa demande résulte d'abord de l'invitation de Philippe, puis de la rencontre avec Jésus, avec lequel il a ait connaissance. La révélation entraîne ensuite la profession de foi. L'appel de Dieu à la grande dignité de l'apostolat conduit Nathanaël à être compté au nombre des douze apôtres, dont les noms sont inscrits dans les Cieux. ( Nathanaël est en fait Bartholomée.)
Voici quels biens considérables un coeur pur procure à l'homme! Rien de plus grand qu'un coeur pur. En vérité, rien n'est plus grand, car qu'y a-t-il de plus grand que le trône de Dieu? Rien! Rien ne saurait être plus grand qu'un coeur pur, puisque ce dernier devient le trône de Dieu. A ce sujet le Seigneur dit lui-même qu'il désire habiter en lui, y marcher et y établir sa demeure (Lev 26, 1). En quel coeur Dieu désire-t-il habiter, si ce n'est en un coeur pur? Par le truchement du prophète Isaïe, le Seigneur avait enjoint aux Juifs de se laver, de se purifier tout d'abord, pour qu'il puisse se réconcilier avec eux (Es I, 16). En effet, Dieu ne se réconcilie qu'avec des coeurs purs, il se manifeste à eux et habite en eux. Le prophète David réclame à Dieu un coeur pur pour se réconcilier avec la divinité, et un esprit droit pour ne point méditer de choses malignes et perverses (Ps 50). Ces deux vertus vont de pair, elles ne sauraient être dissociées. Et Nathanaël les possédait toutes les deux, selon le témoignage du Seigneur.
Par conséquent, aimons ces vertus, demandons-les à Dieu! Il est nécessaire que nous nous donnions de la peine pour elles, car elles seules nous conduisent à la perfection. Ces deux vertus-là sont les seules à faire de nous des icônes de Dieu. C'est uniquement grâce à elles que notre coeur devient le trône de Dieu et que nous arrivons à la béatitude. Par ces deux vertus, nous percevons, comme en gage, la connaissance des biens futurs. Nous avons dit ces choses, et d'autres encore, sur la béatitude. Je vous ai écrit ces lignes pour votre instruction.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°20. Le 30 avril 1906.
Ma fille bien-aimée dans le Seigneur, vénérable gérondissa Xénie.
Je te bénis paternellement.
J'ai reçu votre lettre, j'ai vu votre affection et je cède à votre prière. La portée de la lettre témoigne de la profondeur de la vie spirituelle de la communauté ainsi que de votre épuisement. Cependant, je souhaite que Philothée sache que sa conduite m'attriste et que je ne céderai plus à sa volonté. J'appliquerai les procédés des saints Pères pour éprouver le renoncement, l'abolition de la volonté propre et la patience de chacune. Je pense qu'il est temps de nous soumettre au joug du Seigneur, car jusqu'à présent vous avez vécu selon votre propre volonté. Il faut désormais que chacune de vous comprenne qu'elle s'est chargée du joug du Seigneur, joug qu'elle doit porter avec patience. Et puisque le Seigneur m'a placé à votre tête, je donnerai des ordres sans fournir d'explication, pour mettre à l'épreuve votre consécration à Dieu et votre patience. Je ne tolérerai aucune question, il n'y aura pas de pourquoi. " Que celui qui peut comprendre comprenne!" (Mt 19, 12). Je vous souhaite le meilleur.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°21. Le 13 mai 1906.
N.B. Dans sa lettre du 13 mai 1906, le saint donnait diverses instructions concernant les bâtiments et l'église du monastère qui étaient en construction à cette époque. Il faisait aussi savoir qu'il leur avait expédié de l'argent. Il y inséra encore des préceptes pour leur nouveau genre de vie. Il écrivait :
" Je me réjouis beaucoup pour la grande charité qui règne entre les soeurs, cette charité qui, à ma connaissance, fait défaut à Philothée et qu'elle ne partage pas avec les autres soeurs. Mais je considère comme mon devoir de vous dire que vous devez être très prudentes dans vos relations. Respectez-vous mutuellement comme des personnes sacrées, comme des offrandes consacrées à Dieu, des icônes de Dieu. Ne regardez jamais le corps ni sa beauté, mais l'âme, et que votre pensée ne s'attarde pas à l'étude du caractère des différents membres du corps. Surveillez la croissance de la charité, car ce sentiment est menacé si le coeur n'est pas fortifié par une prière pure qui le réchauffe, de telle sorte que l'amour ne devienne pas charnel, contre nature, qu'il ne trouble pas vos pensées et qu'il ne brûle pas le coeur lui-même, ce que je ne vous souhaite pas... Surveillez le sentiment de l'amour : aimez-vous saintement les unes les autres comme des soeurs, et que seul le même amour du Seigneur vous unisse. Evitez de vous serrer la main et de vous embrasser, parce que vous avez à combattre le plus rusé des trompeurs."
N°22. Athènes, le 15 janvier 1907.
Ma fille dans le Seigneur, vénérable Xénie,
Je te souhaite, ainsi qu'à toutes les soeurs, la santé et la patience dans les épreuves.
La mère d'Euphémie m'a dit ce que vous endurez: les unes et les autres, vous souffrez du froid. Si le temps me permettait de venir, je vous apporterais quelque consolation. Malheureusement, le froid est intense. A Athènes, la température est descendue à -8°, si bien qu'il m'est impossible de venir. Je voulais surtout venir consoler Acacia et la bénir avec la précieuse Croix et les saintes reliques que je vous ai laissées. Je désire que, sur mon ordre, tu la signes avec chacune des saintes reliques et qu'avec les soeurs vous invoquiez la Grâce des Saints pour sa guérison. Malheureusement, je ne peux pas venir prier pour elle. Je lui souhaite de recouvrer une parfaite santé et d'être délivrée de cette épreuve. Sa maladie vient du froid et de l'humidité. Que la Grâce de la Souveraine Mère de Dieu la guérisse complètement.
Je sais que Marie tousse à la suite d'un refroidissement. Aujourd'hui je vais faire acheter quatre flacons de médicaments de Koromélas; donnez-en deux à Marie; Je lui souhaite d'être complètement délivrée de sa toux; Si elle s'habille chaudement, le froid ne lui fera pas de mal. Qu'elle sorte un peu respirer l'air pur, cela lui fera certainement du bien. J'ai appris que Marguerite aussi était très faible. Je veux que vous lui donniez les deux autres flacons comme fortifiant, et qu'elle mange des oeufs et du lait en plus des autres plats; de même pour Marie. Je souhaite que Marguerite fortifie son organisme; Je demande que toutes vous mangiez régulièrement des pois chiches, de l'ail et des oignons, que vous buviez toutes un peu de vin, et le matin après l'église, un peu d eraki, maintenant qu'on est en hiver, pour suppléer à la déperdition de chaleur du corps. J'ai su qu'Amélie souffre d'un mal de gorge. Je lui conseille de mouiller à l'eau froide une pièce de tissu blanc, en fonction du modèle que vous avez, de l'essorer et de se le mettre autour du cou, en le nouant avec un mouchoir. Seulement, qu'elle fasse cela le soir, au moment de se coucher, et qu'elle s'endorme avec. Elle le gardera jusqu'au matin. Qu'elle ne sorte pas avant qu'il fasse jour. Quand elle se lèvera le matin, sa gorge sera guérie. Je conseille aux chantres de ne pas ressortir immédiatement de l'église avant que leurs cordes vocales ne reviennent à leur température naturelle. En sortant de l'église, qu'elles ne s'attardent pas à parler, au lieu de se rendre tout de suite dans leur cellule. Au bout d'un quart d'heure ou plus, qu'elles boivent un peu, une tasse d'eau tiède. Comme les chantres ont la gorge assez sensible, qu'elles fassent ceci hiver comme été : quand elles se lèvent le matin pour l'office, après la transpiration d ela nuit, qu'elles se mouillent la gorge avec les mains. Qu'elles le fassent deux-trois fois et ensuite qu'elles s'essuient bien. Puis, lorsque la gorge est bien chauffée, elles peuvent sortir. Elles peuvent faire un gargarisme avec un peu d'eau à température ambiante. Ce procédé les protégera des refroisissements. De temps en temps, qu'elles fassent un gargarisme soit avec de l'acide borique soit avec une saumure légère. Moi aussi, je pratique tout cela. Je vias lui envoyer une petite boîte de pastilles très efficaces pour la gorge. Je lui souhaite un bon rétablissement. Je sais que, toi aussi, tu souffres de maux de tête. Ecris-moi de tes nouvelles. Je te souhaite un bon rétablissement. Que la Souveraine Mère de Dieu pose sa main sur ta tête et t'enlève la douleur. Je sais que ta mère, elle aussi, a pris froid, et qu'Anastasie est épuisée. Je leur souhaite une bonne santé et un parfait rétablissement. J'ai appris également que les autres soeurs vont bien, mais qu'elles partagent la peine de celles qui sont malades et s'affligent de leurs souffrances. C'est pourquoi, une nouvelle fois, je leur souhaite santé et patience. J'ai supplié la Souveraine Mère de Dieu de vous guérir toutes. Dès aujourd'hui j'ai promis de faire éditer le Théotokarion en témoignage de ma gratitude.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°23. Le 24 janvier 1907.
Très vénérable Xénie, ma fille dans le Seigneur, je te bénis paternellement.
Sur la paix de l'âme.
Notre fille spirituelle Amélie a demandé s'il était possible que la paix demeure en un coeur empli de passions. A sa question je réponds par la présente.
La paix, me semble-t-il, est cette "eau du repos", dont le psalmiste écrit qu'elle est un don de Dieu, abondant pour ceux qui vivent en paix avec lui et accomplissent ses divins commandements (Ps 22, 2).
Notre Seigneur Jésus-Christ, s'adressant à ses saints disciples et apôtres avant sa Passion, leur a donné sa paix en disant : " Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix" ( Jn 14, 27). Donc, la paix des disciples du Seigneur est un don de Dieu. En effet, dans les Saintes Ecritures, Dieu est appelé "Dieu de paix" ( 2 Cor 13, 11). Le divin Jacques, frère du Seigneur, dans son épître catholique, dit que " le fruit de la justice est semé dans la paix pour ceux qui font oeuvre de paix" ( Jc 3, 18).
Nous apprenons ainsi que le Dieu de paix donne sa paix à ses disciples. De plus, le fruit de la justice, c'est-à-dire l'oeuvre de l'Evangile, la Parole de Dieu, est semé dans la paix pour ceux qui travaillent à la paix, à savoir les fils de paix qui sont appelés au salut. Beaux sont les pieds de ceux qui annoncent la bonne nouvelle de la paix, annonciateurs des biens! (Rom 10, 15; Es 52, 7). Ainsi la paix, en tant que don de Dieu, habite en les disciples du Seigneur. La paix, comme don divin; est lumière et elle communie avec ceux qui sont illuminés. La paix étant lumière, elle fuit les ténèbres, car il n'y a aucune communion entre la lumière et les ténèbres. Le péché est ténèbre, et la paix fuit le péché qui est ténèbre. C'est pour cela que le pécheur n'est jamais en paix. La conclusion de tout ceci ne saurait être contestée. Subsiste cependant la question suivante : toutes les passions qui résident en nous sont-elles des péchés repoussant la paix de Dieu, laquelle est donnée à ceux qu'illumine la lumière d ela connaissance de Dieu? A cette interrogation, nous répondons que toutes les passions qui se trouvent en nous, qui sommes illuminés, ne sont pas des péchés. Les passions naturelles de l'âme et du corps sont irrépréhensibles, puisqu'elles sont placées en nous par Dieu. dieu créa toutes choses très bonnes, et les passions furent données pour une fin utile et raisonnable. Ces passions, quand elles sont employées conformément à la loi divine et selon leur raison d'être, et qu'elles concourent à la poursuite du but recherché, se transforment en facultés morales n'ayant aucun caractère passionné ni coupable. Par conséquent, elles peuvent cohabiter avec la paix; la paix ne se retire pas des âmes qui ont ces passions. Effectivement, ces dernières sont établies selon la loi divine. Mais ces passions, lorsqu'elles se mettent à servir non plus la fin utile et raisonnable pour laquelle elles furent données, mais leur propre satisfaction déraisonnable, quand elles agissent contre la Loi et de manière irraisonnée, alors elles possèdent ce caractère passionné et coupable : leur action est considérée comme péché. Celui qui fait appel à leur agissement, de quelque manière que ce soit, pèche contre Dieu; Maais hormis les passions qui nous sont naturelles, plantées dans nos âmes pour l'oeuvre de la vertu et pour notre perfection, certaines autres passions, que Dieu n'a pas déposées en nous, subsistent dans notre âme par héritage. Celles-ci incarnent en nous la loi du péché, laquelle se manifeste par une certaine propension au mal. Cette inclination tend à s'emparer de notre volonté, puis à la régir suivant ses propres désirs. Ce penchant entend nous commander et revendique la souveraineté sur nos facultés aussi bien psychiques que physiques. Il s'efforce de transformer nos facultés en passions serviles, en passions coupables, en passions démoniaques. Quand cette inclination nous domine, alors la paix s'enfuit; oui, l'homme asservi à ces passions n'a aucune paix, puisqu'il est esclave du péché.
Maintenant, il nous faut encore examiner si nos passions sont au service du péché. Si la loi du péché a assujetti notre liberté - laquelle liberté correspond au vouloir at au faire ssans cesse tournés vers la loi de Dieu, et d emême nos facultés psychiques, c'est-à-dire spirituelles, dirigées vers leur fin utile et raisonnable - si donc la loi du péché a assujetti notre liberté spirituelle et notre libre volonté, alors les passions travaillent pour le péché : il n'est point de paix en nous. Mais si la loi de Dieu qui est en nous, la loi du bien , résiste à l'esclavage de la loi du péché et si elle le combat, en enchaînant fortement son élan, si elle conforte la suprématie de notre liberté spirituelle, si nous ressentons que nous luttons pour cette dernière, alors la paix de Dieu emplit nos coeurs. La loi du péché et ses passions sont peu à peu mises en déroute et évincées. Alors le vieux combat, lui aussi, cesse à peu près, et la paix règne. Nous devons cependant nous montrer vigilants et rester sur nos gardes, car la loi du péché ne dort pas et le diable l'attise comme le feu.
Pour conclure, soyez prudentes et luttez contre la loi du péché. Que le déchaînement de vos passions ne vous jette point dans le désarroi. La paix, le bien suprême, n'est pas chassée par les passions, mais par la trace que les passions laissent dans notre âme selon l'issue du combat. Si l'on est victorieux, la révolte des passions est devenue une occasion de joie nouvelle et de paix. Si l'on est vaincu - que Dieu nous en garde! - alors viennent l'angoisse et le trouble. Mais si, après un long combat, nous tombons dans quelque faiblesse humaine, et si la loi du péché nous gouverne quelque temps, revenons au combat, persévérons : nous vaincrons et la paix reviendra.
J'ai écrit cela pour répondre à Amélie. Je vous bénis et demeure votre intrecesseur devant Dieu.
+ Votre père selon l'esprit, Nectaire de la Pentapole.
N°24. Le 2 février 1907.
Ma fille Xénie, bien-aimée dans le Seigneur, je te bénis paternellement.
Le 24 janvier, je vois ai envoyé ma lettre numéro 5 dans laquelle, sur la demande d'Amélie, j'ai développé le thème de la paix. Je pense que vous l'avez déjà reçue. Par la présente, j'accuse réception de votre troisième lettre, datée du 26 janvier. J'y réponds en vous remerciant tout d'abord pour vos prières au Dieu de toute bonté, qui répand ses biens sur moi. En second lieu, je vous fais savoir que, moi aussi, j'ai désiré l'arrivée du printemps pour venir auprès de vous, vous consoler un peu et réjouir vos coeurs si éprouvés par ce rude hiver, cause de diverses souffrances pour toutes les soeurs. Je vous souhaite le secours d'en-haut pour porter avec aisance le poids des afflictions qui vous font avancer vers le Royaume des cieux. En vérité, toute peine endurée avec patience est une marche qui vous élève vers la perfection. Je prie le Dieu saint de vous prodiguer avec munificence la récompense de vos combats. Je prie que la miséricorde du Dieu très bon visite promptement votre mère bien-aimée et accueille vos requêtes en sa faveur. A toi aussi, je souhaite joie et santé; de même aux soeurs je souhaite le meilleur.
Concernant l' agrypnie, mon coeur ne me dit rien pour le moment. Quand le temps sera beau, alors vous pourrez la célébrer. Vous êtes épuisées maintenant et vous vous fatigueriez. Les deux personnes de votre connaissance qui vous ont rendu visite, celles qui ont été trempées en chemin, sont venues me voir et m'ont donné de vos nouvelles. J'aurais voulu savoir si vous avez écrit aux moniales que vous avez bien reçu le trachanas (8) qu'elles vous avaient envoyé.
(8) : ( Semoule au lait caillé).
Hélène viendra la semaine prochaine. Elle vous apportera de ma part des cierges et quelques belles icônes. Tu les donneras à Amélie et à Elisabeth, afin qu'elles les reproduisent en guise d'exercice. Ensuite, vous les distribuerez entre vous, une pour chaque soeur. J'envoie aussi le modèle des croix que Marika peut arranger. Qu'elle en mette une dans ta cellule et une dans chaque chambre d'hôtellerie. Je vous envoie également une grande et belle Mère de Dieu. Elle ressemble à celle que vous m'aviez offerte et que j'ai placée dans un beau cadre, pour que vous la mettiez à l'église. Je pense que la croix de la coupole sera prête et que je pourrai la donner à Hélène. C'est une pure merveille : je ne vous la décris pas, pour éviter que vous vous en fassiez quelque idée. Ainsi, votre saisissement sera plus complet. Il vous est impossible d'imaginer comment je l'ai fait faire. Je voulais que ce soit beau, et réaliser mon désir d'élever une crox sur le toit du sanctuaire sacré de la divine Trinité. Je crois que mon désir sera comblé.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
Votre père selon l'esprit,
+ Nectire de la Pentapole.
P.S. : J'ai composé quelques hymnes triadiques. Je les donnerai à Hélène, qui les transmettra à Hélène Zervoulakou, pour qu'elle les recopie. Après quoi, cette dernière vous les enverra. J'espère qu'elles vous plairont.
N°25. Athènes, le 3 mars 1907.
Ma fille bien-aimée dans le Seigneur, vénérable Xénie, je te bénis paternellement.
A Xantos.
J'ai reçu ta lettre numéro 7 et je me réjouis de votre santé. Grâce à Dieu, moi aussi je vais bien. Que Dieu soit loué!
Je vous demande de traverser le grand carême avec sagesse et bon sens, réglant le jeûne, les lectures et les prières avec mesure, ce que vous indiqueront votre endurance et votre désir.
Je prie Dieu qu'il vous fortifie et vous éclaire, qu'il vous guide tout au long du saint grand carême; qu'il bénisse vos efforts spirituels, afin qu'ils portent des fruits splendides et abondants. Que Dieu soit notre secours, à vous et à moi!
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°26. Athènes, le 13 mars 1907.
Ma fille bien-aimée dans le Seigneur, vénérable Xénie, je te bénis paternellement.
J'ai reçu votre lettre numéro 8 datée du 8 mars. Je l'ai lue attentivement, mais il y a une chose que je n'ai pas vue : l'état de votre santé à toutes. Je désire savoir comment vous allez, comment va Irène, ce qu'elle a, et si elle est guérie; Marie et Marguerite, si elles vont bien, comment elles ont traversé l'hiver, si Marguerite s'est fortifiée un peu. Peut-être ont-elles besoin d'un médicament? Ecrivez-moi, que je le leur envoie. Et Acacia, comment se porte-t-elle? Tu ne m'écris rien. A ton sujet non plus, tu n'écris rien. Je veux savoir comment tu vas, si tu as repris des forces et si tes maux de tête ont cessé, et si tu ne commences pas à ressentir gêne et épuisement.
Je t'ai écrit pour vous recommander de traverser le sant carême avec sagesse. Cet ordre que j'ai donné te confère la responsabilité d'organiser le programme des lectures, des prières et du jeûne. Mais tout ceci, tu l'appliqueras d'abord à toi-même. Je te dis ceci, parce que j'ai pensé que tu es la première à avoir besoin d'une alimentation correcte, et le régime alimentaire dont tu as besoin, ce sont les autres qui doivent te le dire. De fait, j'ignore comment il se fait que tu te trompes à ton propre sujet, et que tu ne saches pas comment tu vas ni dans quel état tu te trouves. C'est pourquoi tu as besoin d'enseignement et d'encouragement. Je veux donc que tu fasses comme suit : sur mon ordre, tu demanderas à toutes les soeurs comment va ta santé et ce qu'elles jugent bon pour ta nourriture, si oui ou non, toi aussi, tu as besoin du régime alimentaire que tu as aménagé toi-même pour les malades. Si les soeurs, qui te voient et comprennent de quel régime tu as besoin, te disent que tu dois suivre le régime des malades, alors soumets-toi à l'avis des soeurs auquel, moi aussi, je me range. Si, toutefois, elles te disent que tu n'as pas besoin du régime des malades, alors, avec ma bénédiction, mange comme celles qui sont en bonne santé. Tu dois savoir que, lorsque tu es en bonne santé, les soeurs le sont aussi, et davantage encore celles qui sont souffrantes. Et quand toi, tu es souffrante, alors souffrent aussi celles qui sont en bonne santé. Ceci, je te demande de bien l'imprimer dans ton esprit. Et non seulement cela... Ta bonne humeur réjouit le visage des soeurs et fait du monastère un paradis, mais ta maussaderie et ta morosité se transmettent également aux soeurs et font fuir la joie du paradis. Oui, c'est de toi que dépendent la joie et la gaieté des soeurs, et tu as le devoir de maintenir cette joie dans leurs coeurs. Mets cela en pratique en te faisant violence maintes fois. Je te conseille de ne pas te laisser aller à une tristesse romantique, parce que cette mélancolie blesse dangereusement le coeur des soeurs. Tu seras richement récompensée si tu deviens une source de joie pour les soeurs. Je te donne ce précepte, parce que, moi aussi, j'en ai fait le principe de ma vie. Je voudrais que mes disciples aient le même principe. En réjouissant le coeur de ton prochain - surtout d'une soeur qui est privée de tout et qui ne peut recevoir la joie spirituelle que de toi - sois certaine alors que tu plais à Dieu beaucoup plus que par de longues prières et de grands jeûnes. Sache que ta position est désormais celle d'une mère spirituelle. Tu n'es déjà plus Chrysanthe, qui pouvait faire ce qu'elle voulait. Maintenant, si tu accomplis rigoureusement tes devoirs spirituels envers les soeurs, tu accomplis aussi tes devoirs envers Dieu. Négliges-tu ceux là, soi-disant au profit de ceux-ci? Alors ceux-ci non plus ne sont pas agréables à Dieu.
La supérieure du monastère vit non pas pour elle-même, mais pour la communauté, et vivant pour la communauté, elle vit pour Dieu. Et Dieu agrée cette vie comme un sacrifice agréable.
Il semblerait que je t'écrive cela, mû par une voix secrète qui m'a guidé aussi la main. En effet, mon intention était de t'écrire deux mots sur d'autres sujets; or j'ai déjà rempli quatre pages.
Ayant, me semble-t-il, achevé d'écrire sous l'inspiration, je viens maintenant répondre à ta lettre. Les offices liturgiques sont bons, et je prie Dieu de vous fortifier. Mais peut-être les soeurs se fatiguent-elles? Peut-être s'épuisent-elles? Si tu vois que vous êtes épuisées, diminuez un peu. Si l'une des plus jeunes a faim le soir, elle peut prendre un peu de pain et d'eau, puisqu'elle est encore en période de croissance. Il ne faut pas que les jeunes soient privées de la nourriture nécessaire et de l'apport alimentaire utile au développement du corps, afin que ce dernier n'en pâtisse point. Quand le temps de la croissance sera révolu, alors elles pourront jeûner et manger une seule fois par jour. L'organisme féminin a été créé avec des besoins plus importants parce qu'il est prédisposé à de plus grands affaiblissements. C'est pourquoi les femmes qui veulent imiter le régime alimentaire des hommes sont vite exténuées. Physiologiquement, la femme a besoin de davantage de nourriture et de sommeil. Rappelez-vous que vous êtes des f de grandsemmes et ne cherchez pas à rivaliser avec les hommes. Pour modèle, prenez toujours des saintes femmes, et encore, sans tout de suite adopter en totalité leur genre de vie. Il convient effectivement de distinguer ce qui est de l'ascèse et ce qui est de la perfection morale. Quand vous voyez une ascèse intense, sachez qu'il y a une grande vertu qui soutient cette ascèse corporelle. Il nous faut bien savoir que la vigueur de l'âme fortifie et soutient le corps dans les combats. Sans courage, les grandes ascèses sont impossibles; et si quelqu'un de téméraire entreprend de grands exploits ascétiques avant d'avoir fait passer son âme à travers la voie étroite des vertus, celui-là tombera dans l'illusion et sera renversé
. C'est pourquoi j'ai à coeur, j'exige, je désire ardemment que vous marchiez s vur la voie de la sagesse en toutes choses, vous conduisant selon ce que réclame votre corps pour conserver la santé, et que vous recherchiez ainsi votre perfection. Je souhaite que vous fortifiiez dans la vertu au point que vous puissiez dire et ressentir : " Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" ( Gal 2, 20). Lorsque vous parviendrez à cela, alors cherchez à acquérir aussi les autres vertus, mais celle-là passe en premier, car, sans elle, vous ne ferez rien. De plus, que nulle d'entre vous ne s'égare en pensant que les prières et les supplications la conduiront à la perfection. Elle se méprendrait parce que c'est le Christ vivant en nous qui nous conduit à la perfection, lui dont nous faisons la volonté, lui qui dit qu'il habite et marche en nous quand nous accomplissons ses commandements. Et l'unique et premier commandement, c'est que s'accomplisse en nous non pas notre volonté, mais celle de Dieu, et qu'elle s'y accomplisse avec la même perfection que l'accomplissent les saints anges dans le ciel, et que nous puissions dire : " Seigneur, non comme je veux, mais comme tu veux! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel." Sans la présence du Christ en nous, nos prières et nos supplications nous feront tomber dans l'illusion.
Je dis cela pour vous montrer dans quelle direction vous devez vous tourner et ce qu'il vous faut rechercher, afin d'atteindre en toute sûreté le but désiré. Que votre combat vise surtout à humilier votre égoïsme. Tel est le commencement du renoncement et du triomphe de la volonté de Dieu en vous.
Je vous souhaite d'être toutes victorieuses dans le combat contr l'égoïsme, qui est un combat très dur. L'égoîsme ressemble à l'hydre aux multiples têtes. Quand on lui coupe une tête, une autre repousse sous un autre aspect et d'un autre genre. Ainsi, tandis que nou avons réussi à quitter le monde et les choses du monde, à refuser tout plaisir à notre corps, à le traiter durement afin de ne pas vivre selon sa volonté, nous voyons soudain apparaître une sorte de maladie de l'âme. Cette maladie se manifeste le plus souvent sous la forme d'un esprit d'insubordination et de désobéissance; elle prend l'apparence du bon sens, du savoir, d'une sagesse prudente, du contentement de soi et du murmure. Mais que nommer en premier? Sous toutes ces apparences se cache la laideur de l'égoïsme. Examinez-les quelque peu, cas par cas, et vous découvrirez leur hideur. Plus rarement, cela se présente sous l'aspect de la revendication, de la prétention, de l'exigence de la revendication, de la prétention, de l'exigence à être justifié, de la convoitise et, exceptionnellement, de la vanité, de l'ambition, etc... A eux tous, ils forment les diverses facettes de l'égoïsme. Maintenant, que chacune de vous s'examine : si elle voit en elle l'un de ces aspects, qu'elle ait bien soin de le déraciner, qu'elle n'aille pas jusqu'à des passions plus graves qui la feraient travailler en vain, et perdre le fruit de ses peines. Je veux que, de temps en temps, tu éprouves à dessein les soeurs, pour connaître le niveau de leur renoncement et le degré de leur victoire dans le combat contre l'égoïsme. Je désire que les soeurs sachent que cela constitue le premier degré de la vertu. Sans elle, il n'y a rien de bon; sans cette victoire, elles ne seront point couronnées. Je veux apprendre que toutes les soeurs ont reçu la couronne de la victoire dans leur combat contre l'égoïsme. J'ai écrit ces lignes pour que vos combats soient fructueux; (...)
Vous ne m'avez pas écrit si Hélène Zervoulakou vous avait apporté les hymnes triadiques. Je lui en avais envoyé plusieurs. Elles me plaisent beaucoup quand elles sont chantées. Du Paraclitique j'ai versifié les canons de la Résurrection, les canons de la Croix et les canons de repentir. ils sont beaux et pratiquement méconnaissables. Il me semble qu'ils rendent très bien; et monsieur Karvounis, auquel je les ai lus le soir, dit de même. J'avais écrit à Hélène de vous envoyer les hymnes une fois qu'elle les aurait recopiées, pour que vous les ayez. Je vous en avais parlé dans ma lettre précédente, mais vous ne m'avez pas répondu.
Pour terminer, je vous souhaite le meilleur.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°27. Le 26 mars 1907.
Ma fille dans le Seigneur, bien-aimée Xénie, je te bénis paternellement.
J'ai reçu vos deux lettres numéro 10 et 11 des 23 et 24 mars, et je rends gloire à Dieu qui n'a pas permis que vous soyez éprouvées au-delà de vos forces. Que son nom soit béni, que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel! Que Dieu vous accorde à toutes la santé de l'âme et du corps. Dis à Irène que, de tout mon coeur, je fais monter des prières à Dieu pour sa santé. Console-l et encourage-la. Je constate que le combat se poursuit avec véhémence, mais l'adversaire sera entièrement défait. Transmets également mes salutations à la chère Acacia. Dis-lui avec quelle ferveur je supplie Dieu de la guérir, pour la gloire de son nom. Dis-lui d'espérer et d'attendre patiemment la miséricorde de Dieu. Dis de ma part à notre boenne Marguerite, notre fille spirituelle, d'être courageuse. Elle souffre de l'estomac, mais, comme me l'a dit le médecin, elle ira parfaitement bien après le passage de la mauvaise saison. L'abattement provient de l'épreuve. Je demande avec instance qu'elle prenne courage et qu'elle espère dans le Seigneur. Invoquez aussi mes saintes protectrices pour sa guérison, pour qu'elles intercèdent auprès du Seigneur : sainte Parascève, sainte Kyriakie et sainte Théodosie, et aussi sainte Euphémie. Un dimanche ou un samedi, que quelques-unes des soeurs se rendent à une liturgie, qu'elles lisent également un office d'intercession à sainte Kyriakie. De tout mon coeur, je lui souhaite santé et vigueur. A Marie aussi, je souhaite prudence et santé.
J'envoie à Marguerite une herbe qui pousse à Egine, puisque nous en avons cueilli. Qu'elle en ramasse et la fasse bouillir, ou plutôt qu'elle en mette dans de l'eau bouillante avec le thé et qu'elle en boive régulièrement, jour et nuit, même froid. Dis-lui que je me réjouirai quand je saurai qu'elle a confiance en vos paroles et qu'elle se laisse convaincre.
Je vous avais envoyé de l'eau sainte de la Théophanie pour la donner aux malades. C'était dans ce but que je vous l'avais fait parvenir. Je prie que Dieu retire cette épreuve à Marguerite, car il s'agit bien d'une tentation diabolique. Quant à nous, nous la voulons parmi nous, même malade...
Le Théotokarion est sous presse, le deuxième feuillet typographique est déjà tiré. Aujourd'hui je vous envoie mon dernierr travail édité, Le Manuel du prêtre. Vous y apprendrez de très belles choses. Je l'ai rédigé dans une langue de choix. Si on le lit à haute voix en prononçant bien, il est aisé à comprendre. Messieurs les professeurs m'ont dit qu'il est dans le genre des études de rhétorique. Nous verrons bien si le style vous plaira...
A toutes les soeurs, je vous souhaite de tout mon coeur la santé de l'âme et du corps, afin que l'un comme l'autre aillent bien, et que vous m'écriviez de bonnes nouvelles.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
P.S. : Mes félicitations pour la progression de l'icône de la Mère de Dieu. Mais la main du Christ n'est pas réussie.
N°28. Le 13 avril 1907.
Vénérable Xénie, ma fille dans le Seigneur, je te bénis paternellement.
A Xantos.
J'ai reçu votre lettre du 7 de ce mois, sans numéro, et je vous souhaire le meilleur. Grâce à Dieu, moi aussi je vais bien. Hier j'ai été invité au Pirée dans la résidence familiale des messieurs Nicolas Papayoannou et Phocas Bambas. Leur maison est pleine de Dieu; ils m'ont accueilli avec déférence, et je suis resté chez eux durant cinq heures et demie, de 10 heures du matin jusqu'à 3 heures et demie de l'après-midi. Dans cette maison habite aussi Zoé, qu'on entoure de soins. Elle m'a montré votre lettre et m'a demandé la permisiion de venir, ce que je lui ai accordé. Elle vous racontera ma visite là-bas. Cette pieuse famille désire bâtir une maison à l'extérieur du monastère, pour y achever saintement le reste de sa vie; or, pour cela, elle sollicite mon accord. Ils habiteraient en dehors du monastère, mais voudraient venir à l'église participer aux offices et prendre les repas aumonastère. Ils fourniraient le nécessaire pour leur entretien et légueraient tous leurs biens, lesquels deviendraient la propriété inaliénable du monastère après leur mort.
J'ai accédé à leur requête, car je pense qu'à plusieurs points de vue la présence d'une telle famille est utile et avantageuse pour le monastère : premièrement, par sa vertu, par la vieillesse honorable de ces personnes; deuxièmement, pour le soutien moral et le courage qu'ils vont vous procurer; troisièmement, pour leur compagnie; quatrièmement, parce que ces vieillards sont tous les deux des hommes d'église et d'excellents musiciens capables de soulager les chantres; cinquièmement, parce qu'avec le temps, si Dieu veut, je pourrais conférer à l'un d'eux l'ordination sacerdotale; sixièmement, parce qu'ils jouissent de l'estime de tous et cette réputation qui est la leur rejaillirait aussi sur le monastère; septièmement, du point de vue économique : en effet, le monastère acquerrait par la suite une maison où nous pourrions recevoir correctement les hôtes; et en dernier lieu, leurs biens seraient une aide pour le monastère; de plus, pour les menus travaux agricoles à mener autour du monastère, ils pourraient nous rendre service; et, enfin, ils accompliraient, après Dieu, la fonction de gardiens de l'enceinte du monastère.
De la sorte, ils m'ont persuadé de donner mon consentement. Je demande que tu lises aussi ma lettre aux soeurs et que tu m'écrives ton avis. Si vous n'avez pas le temps maintenant, alors vous me direz votre opinion quand je viendrai, le mardi de Pâques.
Monsieur Papayoannou a demandé de venir au monastère pour la semaine sainte, mais je lui ai répondu qu'il n'y a pas de possibilité d'hébergement au monastère!
J'ai sollicité du métropolite, par l'intermédiaire de son diacre qui est élève dans notre école, qu'il fasse venir un prêtre pour les jours que vous avez spécifiés.
Transmets mes félicitations à Amélie pour la croix : elle est très belle. Je lui souhaite tout le bien possible. je crois que je trouverai des progrès à mon arrivée - j'en ai le pressentiment - et que j'en serai content. Je vous souhaite de passer les jours saints de la Passion en communion spirituelle avec le Seigneur et de fêter sa sainte Résurrection le troisième jour dans la joie spirituelle. Amen.
P.S. : Si Stylianos vient, j'enverrai quelques matériaux pour l'église, afin que les travaux puissent commencer. Je veux qu'Hélène dise à monsieur le maire que j'accepte le plâtrier qu'il m'a recommandé et que je m'entendrai avec lui lorsque je viendrai. Qu'elle dise seulement à ce dernier de monter au monastère poser la croix sur la coupole, en sorte qu'elle s'y trouve dressée et resplendissante, maintenant que ce sont les fêtes, et pour le jour d ePâques. Par un gendarme, je vous envoie des cierges et des livres.
Je vous bénis,
+ Nectaire de la Pentapole.
N°29. Athènes, le 17 septembre 1907.
Ma fille dans le Seigneur, ben-aimée Xénie, je te bénis paternellement.
J'ai reçu vos lettres du 10 et du 14 de ce mois, auxquelles je réponds par la présente.
Transmettez mes salutations à madame Catherine, l'épouse de monsieur Nicétas. Dites-lui que c'est uniquement sur concours que les élèves de l'école peuvent obtenir une bourse. Pour cette année, les examens sont terminés. Je crois que le concours sera à nouveau publié l'année prochaine. Mais il faut que son fils apporte au ministère de l'Education un certificat de scolarité de la mairie, prouvant qu'il n'a pas plus de 16 ans, ainsi qu'une attestation du médecin et de son père spirituel, déclarant qu'il est en bonne santé physique et psychique. Il doit présenter tous ces documents à temps, selon les délais fixés par le ministère. Le ministère transmet le dossier au Conseil de l'école, qui l'examine puis l'envoie chez nous. Quant à nous, nous faisons publier dans le journal la convocation des élèves au concours. Ceux qui réussissent obtiennent une bourse de l'école. Le passage du concours est l'unique moyen d'intégrer l'école : c'est de lui seul que dépend l'issue de cette démarche. Moi-même, par mesure de faveur, je payais pour mon neveu la moitié de la somme requise; mais, par décision du Conseil, cette réduction n'est plus désormais autorisée. Par conséquent, nous ne pouvons pas lui être utile.
(...) Grâce à Dieu, ma santé est bonne. A vous aussi je souhaite le meilleur.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
P.S. : je vous envoie quelques hymnes.
Le même.
HYMNES ET ODES
Hymne à Celui qui m'a créé et façonné.
A l'origine, Ami des hommes, de la poussière tu m'as créé,
tu as honoré l'homme en le créant à ton image,
et pour délices tu m'as fait grâce du paradis d'Eden,
séjour éternel, allégresse sans fin.
Puis à nouveau, ô Christ, tu as remodelé
celui qui fut séduit par un fruit à manger,
soumis à la corruption et devenu mortel.
Tu l'as racheté de la corruption et délivré de maux cruels
et derechef l'as appelé à la vie éternelle.
Tu as déchiré la créance, délié le péché,
tu as fait culbuter le mur de haine en ta bonté,
état cloué au bois par infinie miséricorde,
condescendance extrême absolument inconcevable.
Mon créateur et mon Dieu, mon rédempteur gloire à toi!
Hymne à la Souveraine Mère de Dieu.
Le Verbe de Dieu, ayant pris l'esprit et l'âme,
la pâte de la chair de tes chastes entrailles,
ô Souveraine qui as enfanté Dieu, s'est montré
véritablement homme
et assurément il me fait communier à la nature divine.
Hymne au Verbe de Dieu.
Verbe de Dieu, en ta puissance tu enchaînas la mer
et par ton nom tu la scellas.
Rends ferme en ta puissance le peuple illuminé
par la lumière de la divine connaissance et qui te chante
comme Dieu.
Hymne à la Souveraine Mère de Dieu.
Comme sur la toison, ô Vierge, sans un bruit
La Pluis divine est descendue en tes entrailles.
La nature mortelle flétrie et desséchée
Elle l'a rafraîchie par la céleste ondée.
A sainte Xénie.
Sur les modes 2 et 6, et 3 et 7 (9)
(9) : ( Se chante sur la mélodie de Souveraine, Souveraine Mère. ( Note de saint Nectaire).
En ton auguste dormition s'émerveillèrent ceux qui
voyaient
le miracle en vérité extraordinaire réalisé pour toi,
Car dans le ciel est apparue une couronne d'étoiles
glorifiant, vénérable Xénie, ta précieuse relique;
Car ton Epoux, qu'en ta vie tu glorifias,
voulant aussi avec respect te glorifier, fait scintiller
les étoiles pour toi venues des cieux et délègue une
escorte
d'anges saints pour ton chemin vers les hauteurs.
Oh! Amour infini du très bon Epoux!
Tout en un, il sanctifia et ton corps et ton âme,
il te consacra à lui d'un parfait et unique désir,
te rendant admirable, ô Xénie. De gloire il te fit
resplendir.
C'est pourquoi nous tous, ô sainte, qui t'honorons à
l'unisson,
en ta mémoire vénérable, par des louanges nous
glorifions
Dieu qui t'a glorifiée, et par nos chants nous célébrons
ton Sauveur et ton Epoux. Implore-le pour nous.
N° 30. Le 2& octobre 1907.
Mes filles bien-aimées dans le Seigneur, réjouissez-vous en lui!
Je vous écris au saut du lit, pour vous raconter un rêve qui m'a beaucoup impressionné. Le voici. Je me tenais devant la châsse des reiques de saint Nicolas. Je regardais le saint, et il était comme s'il dormait. Puis il me sembla qu'il remuait. Il ouvrit les yeux, il se redressa, s'assit et me tendit les mains. Je me suis incliné avec respect pour l'embrasser. Et lui me prit dans ses bras, m'embrassa trois fois sur la bouche, et je fis de même. Ensuite il me regarda et me dit : " Moi, je vais t'élever très haut, très haut. Mais je veux que toi, tu me fasses un trône d'argent." C'est tout ce qu'il m'a dit. Il se recoucha aussitôt et se rencormit tandis que je me réveillai. Dès mon réveil, je me suis souvenu que j'avais eu le même rêve trois jours auparavnt et que je l'avais oublié. Alors, je me suis souvenu que, la première fois, le saint m'avait seulement embrassé après s'être levé, sans rien dire. Ce n'est que la deuxième fois qu'il fit cette annonce et cette demande.
Voilà ce rêve qui m'a tellement impressionné. Je vous l'écris pour son caractère révélateur en ce qui concerne l'annonce et la demande. J'ai cherché à savoir si ce rêve était vrai. Il semble vrai, mais je reste sans réaction, que Dieu nous garde pour l'accomplissement de toute oeuvre bonne. L'église du Caire que j'ai décorée et embellie, et qui, de toute pauvre qu'elle était, est devenue resplendissante, est dédiée à saint Nicolas. C'est la première fois de ma vie que je vois sain Nicolas en rêve, embrassant et parlant. Que le nom du Seigneur soit béni!
Je vous enverrai l'argent des chaussettes par Hélène ZErvoulakou, car pour l'instant nous n'avons rien reçu. Moi-même, je n'ai même pas de quoi payer le trajet en bateau pour venir, car des dépenses exceptionnelles se sont rajoutées aux frais ordinaires. Un des fils de ma soeur est venue de Silvyrie. Il m'a amené aussi un jeune neveu, fils de mon frère, pour ses études, mais il n'a pas d'argent. J'ai eu de la compassion pour le plus jeune, je l'ai gardé pour qu'il fasse ses études à l'école, à mes propres frais. En effet, le Conseil ne l'a pas pris comme boursier, et il est à ma charge. Quant au grand, je l'ai renvoyé à la maison, puisque nous avons dépensé près de 70 drachmes. Dès que je recevrai de l'argent, je vous en enverrai pour la vigne et pour l'ouvrier qui mettra les conduits en place.
Vous m'avez écrit de venir; moi aussi j'ai le désir de vous voir. Mais jusqu'à présent nous n'avons pas envoyé le programme au ministère, parce qu'après la mort de Miltiade Pantazi aucun professeur n'a été nommé. La réunion des membres du Conseil pour la nomination du professeur de musique se fait attendre. En raison de divers empêchements, la séance est remise de jour en jour et, par suite, la nomination des professeurs. Tant que les professeurs ne sont pas nommés et que les emplois du temps ne sont pas mis au point, le programme ne peut pas être envoyé au ministère, et cela m'empêche de venir.
Je me suis beaucoup réjoui que la santé de Kyriakie se soit améliorée. Je lui souhaite de tout coeur un complet rétablissement. Je souhaite également à Synclétique le meilleur pour l'âme et le corps. A propos des croix en papier, qu'elle ne les fasse pas. C'est dans le doute, peut-être, que les gens ne les prennent pas. Qu'elle fasse seulement de petites images sur des planches de cyprès. Qu'elle les enduise ensuite d'une couche de vernis sur la face avant, et qu'elle les peigne au verso. De cette façon, en tout cas, la conscience de chacun restera en paix. Dès que j'en aurai l'occasion, je viendrai vous voir. Ecrivez-moi comment vous semble le rêve.
Je vous bénis et demeure votre intercesseur devant Dieu.
Votre père spirituel.
P.S. : Ecrivez-moi les impressions du métropolite.
+ Nectaire de la Pentapole.
P.P.S - Le 22 octobre.
Par la poste, je vous envoie ce qui me reste du mois d'octobre, environ 50 drachmes, pour la vigne et la pose des consuits par monsieur Zervoulakou.
N°31. Le 15 novembre 1907.
Ma fille dans le Seigneur, bien-aimée Xénie, je te bénis paternellement.
Hier, j'ai célébré dans l'église Saint-Nicolas du Pirée. L'homélie que j'ai prononcée avait pour thème la vertu, d'après l'épître où Paul, admonestant Timothée, écrit : " Toi donc, mon enfant, fortifie-toi dans la Grâce qui est en Jésus-Christ (...)" ( 2 Tim 2, 1-10). J'ai développé en quelques mots toute la pensée d el'apôtre. Puis j'ai discouru pendant une demi-heure en mettant l'accent sur la proposition, ou disons plutôt la divine sentence :
" L'athlète n'est couronné que s'il a combattu en respectant les règles."
En me levant aujourd'hui, j'ai tardé à entreprendre un autre travail, jugeant bon d'écrire un résumé de cette homélie et de vous l'envoyer, croyant que vous y trouverez quelque profit. Voici donc ce que j'ai dit :
Mes frères, il est vraiment terrible de lutter et de ne pas être couronné, car les combats des lutteurs ( que nous sommes) n'aboutissent à rien : les vains espoirs et les désirs ardents pour lesquels nous avons engagé la lutte restent incomblés. Oui, c'est sans succès que nous cheminons dans le stade, que nous endurons les afflictions et les tourments, sans en recevoir de récompense. Nous dissipons notre temps et dépensons notre vie de façon infructueuse sans rien obtenir, arrivant au bout les derniers et couverts de honte. Oui, c'est terrible! parce que le temps de course dans l'arène est définitivement révolu pour ceux qui ont déjà parcouru la piste.
Quelle peut être donc la cause de cette immense perte? L'exercice mené sans le respect des règles. Par conséquent, non seulement l'exercice est nécessaire, mais encore l'exercice accompli selon les règles. Quel est-il donc, ce combat selon les règles qui est gratifié de la couronne, qui se voit décerner la récompense de la lutte, qui comble les désirs, qui confirme les espoirs, qui transforme les peines en joie, qui possède une fin glorieuse, qui mène une activité dont on n'a point à s erepentir, qui échange le temps contre des pierres précieuses? En vérité, cette interrogation - posée d'emblée - sur la nature du combat s'avère être d'une grande importance et d'une extrême nécessité. Car c'est de cette compréhension que dépendent notre salut, l'accomplissement des désirs que nous portons dans nos coeurs, la confirmation de nos espérances et la récompense de nos peines.
Le combat selon les règles est celui qui a pour fondement la vertu, et pour terme la perfection spirituelle. Ce principe provient des exercices corporels; En effet, saint Théophylacte d'Ochrid interprète le passage cité plus haut : " (...) non pas si l'athlète enlace son adversaire, mais s'il ne respecte point les règles du combat athlétique en ce qui concerne les aliments, la boisson et la modération, et encore, ceux-ci dépendent du type de combat. Car l'athlète est appelé à s elivrer au combat non point sans art et à sa guise, mais d'après les règlements propres à chaque sport." Théodoret de Cyr dit également : " L'exercice sportif connaît certaines règles que les athlètes sont tenus de respecter, et celui qui combat en dépit de ces règles n'obtient pas les couronnes." Ainsi, il appartient à chacun de combattre suivant les lois de l'éthique chrétienne, puisque l'on combat en vue de la perfection spirituelle, et celui qui y parvient est couronné.
Tous, nous connaissons les lois de l'éthique chrétienne. La première est l'amour de Dieu de toute son âme, de tout son coeur, de toutes ses forces et de toute sa pensée, et l'amour du prochain comme son frère. De l'amour pour Dieu et pour le prochain découlent les lois de l'amour du bien et du bon, d ela vérité et de la justice. Or, de même que nous aimons Dieu parce qu'il est l'amour en soi et le seul bien désirable, et que nous aimons notre prochain comme étant créé à la ressemblance de Dieu, de même nous devons aimer le bien à cause de son caractère moral ou spirituel, parce qu'il est le bien, et aimer ce qui est bon parce qu'il est bon, aimer ce qui est vrai à cause de la vérité et ce qui est juste à cause d ela justice. L'amour de ces lois est établi dans nos coeurs, car, comme nous l'avons dit, ces lois découlent de l'amour divin. L'amour du divin est une loi inhérente au coeur humain. En effet, le coeur humain a été créé pour connaître le divin, il ressent s aprésence, il l'aime et il l'adore. L'amour du divin est inné, parce que l'homme a été créé raisonnable et indépendant, moral et libre moralement. Créé à l'image de Dieu, il fallait qu'il aimât cette image à laquelle il est semblable afin que, de tout temps, cet amour attire l'homme vers son divin Créateur. Puis donc que l'amour de Dieu est inné en l'homme, le bien et le bon, le vrai et le juste découlent comme une loi de la loi originelle, à savoir l'amour de Dieu. Celui-ci est inné en nous par le fait que nous sommes créés à l'image de Dieu. Il s'ensuit que les lois issues de cette loi de l'amour divin nous sont, elles aussi, innées. Par conséquent, de même que nous aimons Dieu de manière instinctive, nous aimons aussi, avec le même instinct, le bien, le bon, le vrai et le juste, à cause de leur caractère moral.
Cet amour spontané, le penchant naturel pour la loi morale témoigne que la loi divine, c'est-à-dire la volonté divine, est gravée en nous comme notre propre volonté, parce que de manière innée nous voulons ce que Dieu veut. Car la volonté de Dieu consiste en le bien, le bon, le vrai et le juste. Ainsi, Dieu a déposé dans notre coeur, comme notre volonté, sa propre volonté, puisque nous aimons ce que Dieu veut. C'est de cette façon-là, en vérité, que la bonté divine créa l'homme lorsqu'elle le modela à son image, afin de le faire communier à sa bonté et à sa béatitude. Par conséquent, pour parvenir à cette communion à la bonté et à la béatitude divines, et consommer cette communion - ce qui en est le couronnement - l'homme doit garder la loi de Dieu inscrite dans son coeur et être tendu vers la ressemblance à Dieu, livrant le combat de la vertu selo ce que suggère la loi morale, luttant contre la loi du péché, assénant des coups et résistant à la loi d ela chair.
Durant la lutte et les batailles, il importe que cette loi morale ne soit point transgressée, ni que les passions de l'homme ne le trompent. Il est nécessaire que les lois morales aient en nous le pouvoir absolu. Ne pactisons pas avec le mensonge et la fourberie de l'iniquité, pour gagner quelque chose de périssable en cette vie. Pour nous tous, la vie est un combat; tous nous nous hâtons pour être couronnés par le Seigneur. Donc, pour l'amour de Dieu, ne nous laissons pas séduire par le père du mensonge, ne dévions pas de la ligne droite, ce qui nous ferait perdre la couronne à laquelle nous aspirons et en vue de laquelle nous soutenons notre combat. La perte s'avère irrémédiable, et le perdant se trouvera sans défense devant Dieu, parce qu'il aura agi à l'encontre de son désir inné de la vérité et d ela justice, contre les protestations de sa conscience et contre sa véritable volonté. Il aura servi le mal en se trompant vis-à-vis du caractère authentique du bien, puisque son éloignement de Dieu obscurcit sa pensée.
Loin de nous l'industrie du mal, loin de nous l'opposition aux oeuvres bonnes, loin de nous le mensonge divers et varié aux noms multiples, loin de nous le préjudice porté au prochain, au frère, à l'homme! L'injustice et le mensonge soulèvent les sociétés, troublent la paix et génèrent d'immenses ravages en tous genres. Aux Chrétiens qui mènent le bon combat, Paul écrit cette admonition : " Enfin, frères, tout ce qu'il y a de vrai, de digne, de juste, de saint, d'aimable, d'honorable, tout ce qui s erencontre de vertu et tout ce qui est digne d'éloge, voilà ce qui doit faire l'objet de vos pensées. Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi, ce que vous avez vu en moi, mettez-le en pratique, et le Dieu d epaix sera avec vous" ( Ph 4, 8-9). Amen!
+ Nectaire de la Pentapole.
N° 32. 5 décembre 1905.
Mes filles bien-aimées dans le Seigneur, je vous souhaite tout le bien.
J'ai reçu votre lettre du 30 du mois dernier. J'ai vu votre compassion à l'égard de Synclétique et j'agrée votre supplique.
Mon âme s'est tellement refroidie pour Synclétique que je suis devenu indifférent à son endroit. C'est l'état de son âme qui en est la cause. Pour moi, mes bien-aimées, ce n'est pas parce que vous m'aimez que je vous aime, mais parce que vous aimez notre Seigneur Jésus-Christ. C'est le même amour que nous avons pour le Seigneur qui réchauffe mon coeur pour vous. Si l'une d'entre vous s'écarte du Seigneur dans son coeur et s'abandonne à la vanité du monde et aux passions d el'âme, l'amour que j'ai pour elle cesse, parce que cette soeur, en perdant l'amour du Christ, a aussi brisé le lien d'amour entre nous. Car ce qui nous lie est notre amour commun pour le Christ. Donc, ma froideur vis-à-vis d'elle est la conséquence de son éloigenment du Christ. L'amour tout humain qu'elle me porte ne réchauffe pas mon coeur, car c'est un amour étranger au Christ; or il m'est impossible d'avoir dans mon coeur deux amours, l'un selon Dieu et l'autre selon les hommes. On ne peut servir deux maîtres, c'est-à-dire les aimer à la fois. En effet, l'amour est le service de l'être aimé. De plus, celui qui sert n'est pas libre puisqu'il est au service d'une autre personne. C'est pourquoi, puisque le lien de l'amour est le Seigneur, lui qui possède la souveraineté sur nos coeurs, chaque soeur qui ale Christ en son coeur est aussi aimée de moi. De même, si l'une d'elles a écraté le Christ de son coeur - ce que je ne désire pas - et si elle m'aime jusqu'à l'adoration, moi je ne l'aime pas du tout. Mon amour pour vous est à la mesure de votre amour pour le Seigneur. Plus vous aimez le Seigneur, plus moi aussi je vous aime. Moins vous l'aimez, et moins je vous aime, si bien que celles qui désirent mon amour, qu'elles aient pour seul et unique souci d'aimer le Seigneur. Leur amour pour le Seigneur attire aussi mon amour pour elles, étant donné que nous sommes liés les uns aux autres par le Seigneur.
Qu'elles ne se préoccupent nullement de moi et qu'elles n'aillent pas penser, de façon tout humaine, qu'elles ont le devoir de m'aimer. L'amour qu'elles me portent n'est ni le résultat de la réflexion ni la cause de mon amour pour elles, mais le débordement de l'amour du Seigneur. Qu'il ait clairement sa source dans le lien commun de l'amour! Cet amour est l'amour pur, spirituel, dont le Malin est impuissant à tirer profit, qu'il ne peut pas chercher sournoisement à transformer peu à peu en un amour humain ordinaire. Lorsqu'un tel amour humain grandit chez une seule des personnes, il fait naître la haine chez l'autre. S'il grandit chez les deux, il fait naître la passion. C'est pourquoi nous devons chaque jour bien examiner notre amour mutuel, qu'il s'agisse de personnes de sexe différent ou de même sexe, et surtout s'il s'agit de personnes sensibles à la passion, afin de savoir si notre amour provient véritablement de Celui qui est le lien et la plénitude de l'amour, le Christ.
Celui qui reste vigilant sur la qualité de son amour et le garde pur, sans le mélanger avec quelque chose d'humain, se préserve aussi des pièges du Malin. Ce dernier s'efforce d'insuffler un amour tout humain pour les personnes que l'on aime et de transformer l'amour pur en passion, trompant dans leur sommeil ceux qui nourrissent un tel amour humain. Et, alors que la personne qui aime dans le lien de l'amour du Seigneur hait celle qui aime de façon humaine, le Malin la fait voir à cette dernière comme blessée au coeur par la passion. Faites donc très attention à votre amour mutuel, et encore davantage à votre amour pour moi, et pour toute autre personne, afin de ne pas être prises au piège du Malin.
Vous comprenez
maintenant pourquoi j'ai écrit cette lettre aussi sévère pour
Synclétique. J'ai voulu la réveiller, parce que j'ai senti que son
coeur s'était refroidi envers le Christ et qu'un amour humain avait
commencé à grandir dans son coeur, amour qui pourrait aboutir à la
passion si je le tolérais ou si j'y prenais plaisir. Le Malin a
commencé à l'égarer dans son sommeil.
Par cette lettre,
j'ai voulu la détromper, attirer son attention et la ramener à
l'amour du Seigneur. Quant à toi, révérende Gérondissa Xénie, ne
donne pas la lettre que j'ai écrite à l'attention de Synclétique.
Lis aux autres soeurs le passage de cette lettre-ci qui est consacré
à l'amour, si tu approuves. Dis à Synclétique que j'ai reçu sa
lettre et que c'est son contenu qui m'a poussé à rédiger cette
lettre-ci. Dis-lui que mon âme se refroidit à son égard lorsque
j'entends qu'elle désire le monde, lorsque je sens que son coeur
s'est éloigné du Christ, quand je vois l'orgueil et l'arrogance, le
manque d'humilité et la haine déployée envers les soeurs, et des
choses de ce genre. Si elle veut que je l'aime, comme une épouse du
Christ, qu'elle ait soin d'aimer tout d'abord le Seigneur comme son
Epoux. Et puisque son petit pécule lui donne la hardiesse de penser
qu'elle peut vivre dans le monde avec ses parents,
pour retrancher tout espoir de retour dans sa famille, qu'elle leur
écrive de vendre sa part d'héritage et de lui envoyer l'argent qui
lui revient, pour que je lui construise sa cellule. Ceci, afin que
son esprit et son coeur se tranquillisent, et qu'elle soit délivrée
de la tentation qui machine contre elle et l'incite à fomenter sa
fuite.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°33. Le 21 décembre 1907.
Ma fille dans le Seigneur, bien-aimée Xénie, je te bénis paternellement.
Je t'envoie ci-joint une lettre pour Fébronie. Je lui ai écrit qu'elle te la lise.
J'ai commencé à penser que ma présenc eau monastère était nécessaire. Nous avons fondé un monastère avec des moniales jeunes et sans expérience. Elles subissent leurs premières épreuves. D'un côté, elles sont attirées vers la vie monastique et elles l'aiment; de l'autre côté, elles ignorent quel renoncement nécessite la perfection de la vertu. Elles ne connaissent pas le combat qu'il faut mener contre soi-même, c'est-à-dire contre l'égoïsme et les passions de l'âme et du corps. Elles ne savent pas comment combattre le monde - les représentations mentales du monde - ni l'adversaire, notre antique ennemi. Secouées par tous les orages de la vie, elles ont la nausée et sont gouvernées par la peur, tandis que leur embarcation est ballottée en tous sens. elles n'ont pas de matelots expérimentés et perdent courage; il n'y a pas auprès d'elle de combattants exercés dont l'exemple pourrait leur donner du courage.
Tout cela m'inquiète. Je voudrais être avec vous pour vous encourager et vous instruire, et, comme ma pensée me le dit, cela ne devrait pas être très long. Je pourrais alors demeurer à vos côtés plus longuement et donner à toutes le soutien et l'instruction nécessaires. Lorsque je vous ai installées dans le monastère, à Egine, j'ignorais que je prenais une responsabilité qui me conduirait, moi aussi, à Egine. Ma pensée et mon désir sont ailleurs, ils sont à Saint-Jean-Baptiste, sur l'île de Skopélos, mais une voix intérieure me dit que j'ai pris des responsabilités envers vous et que je dois y faire face en restant à Egine. Priez pour que Dieu m'éclaire, afin que je fasse sa volonté.
Fébronie m'a écrit que vous avez certains ennuis. Pouvons-nous savoir de quel genre sont vos ennuis? Vos épreuves, vos difficultés et les événements en général me font comprendre que Dieu veut promouvoir le monastère comme un modèle de monastère féminin et faire progresser les moniales vers la perfection. Puisqu'elles sont toutes débutantes et pleines de défauts, le Seigneur les fustige sans aucune interruption, afin qu'elles en viennent à comprendre qu'elles sont venues là pour vivre pour Dieu seul, non pour elles-mêmes. J'ai aussi pensé qu'elles doivent toutes bien comprendre cela et renoncer à elles-mêmes en s'abandonnant à la volonté de Dieu, en toute humilité et soumission. En effet, c'est seulement de cette manière qu'elles réussiront. Je leur recommande toutefois de ne pas céder au désespoir, tout en poursuivant leur combat. La Grâce divine, qui connaît leur bonne disposition, ne permettra pas qu'elles soient éprouvées au-dessus de leurs forces. Toujours, l'épreuve est à la mesure de leurs forces.
Mettez votre confiance dans le Seigneur, "prenez courage, et que votre coeur reste ferme" ( Ps 30), parce que Dieu est avec vous. Amen.
Je vous souhaite le meilleur, à vous toutes. Que la Grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient avec vous! Je vous souhaite également de fêter dans la joie la Nativité de notre Sauveur. Amen.
+ Votre père spirituel, Nectaire de la Pentapole.
N°34. Le 26 décembre 1907.
Ma fille dans le Seigneur, bien-aimée Xénie, je te bénis paternellement.
Il y a seize jours, nous avons envoyé deux sacs de farine, et l'âne depuis une semaine. Cependant nous ignorons jusqu'à ce jour si vous les avez reçus. (...)
Je vous souhaite le meilleur et que la paix de notre Seigneur Jésus-Christ règne en vous.
Je demeure votre intercesseur devant Dieu.
Grâce à Dieu, chez nous tout va bien. Un pressentiment me dit que, au cours d el'année nouvelle qui point, il y aura du changement dans notre situation. J'ai commencé à réfléchir pour trouver un endroit convenable et pas très loin du monastère, à une distance entre une demi-heure et trois quarts d'heure, où ériger près de la ville une école de théologie. Il en sortirait des prédicateurs de la parole de Dieu, remplis de zèle et d'amour de Dieu, doués d'un renoncement total pour travailler au service de l'Eglise du Christ et pour s'offrir en sacrifice sur l'autel divin de l'amour. Priez Dieu qu'il comble mes désirs pour sa gloire et pour le bien de l'humanité.
Je vous bénis une nouvelle fois et je demeure votre intercesseur devant Dieu.
+ Nectaire de la Pentapole.
N°35. Le 15 février 1908.
Ma fille dans le Seigneur, bien-aimée Xénie, je te bénis paternellement.
J'ai reçu votre lettre et je me réjouis de votre bonne santé. Grâce à Dieu, moi aussi, je vais bien.
Je vous fais savoir que le Conseil de l'école a décidé de me verser une retraite mensuelle de trois cents drachmes, car je leur ai annoncé que je ne pouvais plus diriger l'école en raison de mon épuisement. Je resterai à mon poste jusqu'à ce qu'ils trouvent un nouveau directeur. C'est pour vous apprendre cette nouvelle que je vous écris, afin de vous faire une agréable surprise.
S'ils trouvent un directeur avant Pâques, je viendrai et resterai jusqu'en septembre. Je dis jusqu'en septembre, parce que le métropolite me demande de rester au Pirée pour combattre toutes sortes d'hérésies; ensuite, parce que je n'ai pas encore réglé le problème de Constantin, qui ne peut rester nulle part sans moi, mais qui ne peut pas non plus rester avec moi près de vous. priez pour que Dieu m'éclaire et que je sache ce que je dois faire pour lui. Je vous dis en passant que Constantin ne veut pas que mes affaires soient expédiées à Egine, car il pense que nous serons appelés en Egypte avant qu'elles n'aient le temps d'arriver à Egine. C'est avec ce rêve-là qu'il s'endort et qu'il se réveille. Pour nous, cela fait bien des années que nous avons cessé de rêver ainsi, mais Constantin continue nuit et jour. Lorsque je viendrai, nous réfléchirons ensemble à mon installation avec lui et comment, en même temps, je pourrai être près de vous.
Je vous bénis.
+ Nectaire de la Pentapole.
TABLE
LIMINAIRE
INTRODUCTION DE L'EDITION GRECQUE
NOTICE BIOGRAPHIQUE
LETTRES
Dépôt légal : 4° trimestre 2011.
FIN
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