dimanche 19 avril 2009

Saint Grégoire Palamas

HOMELIE SUR LES MYSTERES
prononcée quatre jours avant
la Nativité du Christ
Les paroles utiles à notre salut font l'effet de graines semées dans l'âme. Suivant donc l'exemple des laboureurs, qui commencent par apprêter à la charrue un champ parfait, avant d'y répandre le grain, il faut, nous aussi, nous purifier et nous préparer à recevoir la semence du ciel, je veux dire la parole de l'enseignement spirituel. Car nous ne sommes pas une terre privée d'âme et de sentiment, qui recevrait d'autrui la culture et l'ensemencement ; au contraire, terres vivantes, ayant l'âme, le souffle et la parole, nous devons en conséquence nous préparer nous-mêmes par la pénitence. Voulez-vous, maintenant, voir par où commence la pénitence, et comment notre âme est mise en culture ? Regardez plutôt ce que faisaient spontanément ceux qui venaient au baptême de Jean : «Ils s'en venaient, dit l'Ecriture, et se faisaient baptiser dans le Jourdain en confessant leurs péchés1».
C'est donc la confession des péchés qui ouvre cette culture de l'âme, qu'on peut nommer aussi pénitence et préparation à recevoir en soi-même la semence du salut : la parole de Dieu qui peut sauver nos âmes. A quoi sert, en effet, l'invention du labourage ? A purger le sein de la glèbe des racines revêches et la rendre assez meuble pour recevoir les graines ou les pousses que nous y plantons. Eh bien ! la confession opère la même chose dans la culture logique, celle du coeur : elle creuse et déracine les passions mauvaises qui s'y tapissent secrètement, et le rend capable d'accueillir les semences de la sainteté, et apte à porter beaucoup de fruits dans le verger des vertus. Car de même que la terre, après la transgression d'Adam, a produit ronces, épines et mauvaises herbes2, de même le coeur de l'homme ne cesse d'enfanter les mauvaises pensées, les passions honteuses, et les péchés qui en sont la suite.
C'est pourquoi il est indispensable, frères, que chacun de vous ait un père spirituel, qu'il aille le trouver avec foi, qu'il se fasse humble devant lui et lui confesse les mauvaises passions de son coeur. Dans l'espérance de la guérison spirituelle, il faut arracher de l'âme, extirper même, ce que chacun y nourrit de ronces et d'épines du péché, résultats d'une vie livrée aux plaisirs et aux passions ; cela fait, prêtez l'oreille à l'enseignement du Saint Esprit, suivez fidèlement les préceptes que nous enseignons et que nous mettons devant tous les yeux pour l'utilité commune et, recevant de nous le pardon et la bénédiction, retrouvez l'amitié de Celui qui, dans l'océan non pareil de son amour des hommes, incline les cieux, descend vers nous, et implante dans les coeurs qui L'écoutent les paroles de la vie et les germes du salut. Que nul d'entre vous ne se prive de ce commencement de la pénitence : car comment progresser ou s'améliorer quand on n'a pas même touché au seuil des vertus ?
Cet effort s'impose aujourd'hui à tous avec une urgence d'autant plus vive que ce carême de quarante jours nous a été donné par les Pères comme un temps de purification, qui nous mène chaque année à la fête de la nativité selon la chair de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus Christ, à l'occasion de laquelle tous les chrétiens, ou presque, ont coutume de communier à Son Corps saint et à Son Sang, de s'unir par eux avec Lui, et de devenir un seul Corps et un seul Esprit avec le Seigneur, d'une manière divine. Car s'il n'est pas possible, sans la confession et la pénitence qui l'accompagne, comme nous venons de le voir et comme la suite de notre propos le confirmera, d'être digne de la simple audition des paroles divines3, comment pourrions-nous recevoir en nous-mêmes le Corps et le Sang du Christ sans nous être d'abord purifiés de nos péchés par la confession et la pénitence appropriée ? Paul en témoigne et nous en avertit en ces termes : «Que chacun s'éprouve lui-même ; et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe. Car celui qui mange et boit indignement mange et boit sa propre condamnation, ne discernant pas le corps du Seigneur4», c'est-à-dire, ne se rendant pas compte que ce Corps exempt de péché ne saurait consentir à habiter un corps tributaire du péché.
Oui, s'il n'est pas permis d'élever les mains vers le Christ et de Le prier lorsque ces mains ne sont pas pures de tout péché et qu'on n'a pas rejeté toute haine et toute pensée née de la haine, comme le montre encore Paul en écrivant : «Je veux que vous priiez en tout lieu, en élevant des mains pures, sans colère ni arrière-pensées5». Et s'il est vrai que nous n'avons pas d'assurance devant Dieu tant que nous ne possédons pas une conscience irréprochable, ce que le Théologien aimé du Christ enseigne quand il dit : «Si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons de l'assurance devant Dieu6» -comment alors contiendrons-nous Dieu en nous-mêmes et deviendrons-nous concorporels à Lui, si nous ne commençons par rejeter nos péchés dans la confession, et par purifier notre âme de leur tache, en pratiquant l'aumône, la chasteté, la tempérance, la prière, la contrition et toutes les oeuvres de la pénitence ? Eh quoi ! Dieu n'agrée pas ton offrande à moins qu'elle et toi soyez purs -ce qu'Il a montré, tout d'abord par Caïn, dont Il n'accepta les dons, lui déclarant : «N'est-il pas vrai que, si ton offrande fut droite, son partage ne l'était pas7?» ; ensuite, par le précepte de l'Ancienne Loi, interdisant que le salaire de la prostituée soit versé à la maison de Dieu8; enfin, par l'Evangile qui dit : «Va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens présenter ton offrande9» ; dès lors, comment pourra-t-il te faire son don immense, celui de Son propre Corps, si tu ne t'es d'abord purifié par la pénitence et la confession ? Que répondras-tu ? Dieu n'accepte pas même qu'on profère ses commandements d'une bouche impure. «Dieu, est-il écrit, dit au pécheur : Pourquoi énumères-tu mes commandements et rappelles-tu mon alliance dans ta bouche10?» Dieu, donc, qui ne permet pas qu'on mentionne son alliance d'une bouche impure, donnerait Son propre Corps à une bouche ainsi souillée ?
C'est pourquoi, frères, commençons par devenir purs de corps, de langue et de pensée, puis approchons-nous de Dieu avec une conscience bonne et sans souillure. Faisons, en effet, comme les fondeurs, les bronziers ou les orfèvres, quand ils recouvrent un objet de bronze d'une couche d'or, d'argent ou de tout autre métal de ce genre : lorsqu'ils en sont à donner son ultime éclat à la précieuse coloration, ils commencent par nettoyer le métal de toute impureté au moyen d'un abrasif. Eh bien ! Nous qui allons, de façon plus sublime, recevoir la dorure de la déification, ne devons-nous pas bien davantage nous purifier préalablement de toute souillure de la chair et de l'esprit ? Car nous n'allons pas simplement briller extérieurement comme un bronze bien fourbi : c'est tout notre homme intérieur qui va resplendir. Approchons donc quand nous aurons lavés même les taches dissimulées au plus profond de notre âme. Car c'est ainsi que nous approcherons les Saints Mystères pour notre salut.
Si, au contraire, nous nous avançons avec une conscience mauvaise, sans avoir, par le moyen de la confession, obtenu de celui qui a reçu pouvoir de lier et délier, la rémission de nos péchés, bref, si nous approchons des Mystères avant d'être revenus à Dieu et d'avoir redressé notre vie sur la règle de la piété, nous irons droit à notre condamnation et au châtiment éternel, puisque nous aurons repoussé les miséricordes de Dieu et Sa patience envers nous, «ayant, comme dit l'Ecriture, foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l'alliance et outragé la grâce de l'Esprit11». On encourt assurément le même châtiment à traîner dans la boue la pourpre royale qu'à la déchirer ; et qu'on verse un parfum au bourbier ou qu'on le resserre dans un vase de mauvaise odeur, le mal sera égal. Certes, en aucun cas le don de Dieu ne souffrira, puisqu'il est impassible ; mais, d'une part, il s'envolera invisible loin de nous car «au vase fétide le parfum n'est point confié12» ; d'autre part, ce que, passible, il eût souffert, la corruption de son être, sera le sort de celui qui l'a indignement reçu.
Rendons-nous donc dignes par la pénitence ou plutôt, présentons-nous, par les oeuvres de la pénitence, devant Celui qui a le pouvoir de nous rendre dignes de Lui, d'indignes que nous sommes. Ainsi, avec une foi et une espérance sans honte, approchons-nous, regardant au-delà du visible, à l'invisible également. Ce pain, en effet, est comme un voile qui cache à l'intérieur la divinité. Paul l'indique en disant : «Il a inauguré pour nous une route nouvelle et vivante au travers du voile, c'est-à-dire, de Sa chair13» et par elle toute la race des mortels monte aux cieux, où réside justement ce pain. Et nous entrons dans le vrai Saint des Saints en offrant, dans la pureté, le Corps du Christ. «Approchons-nous donc, frères, avec un coeur vrai, dans la certitude de la foi14».
On appelle, en effet, ce pain un mystère, parce qu'il ne se réduit pas au visible, mais qu'il est aussi spirituel et inexprimable. Comme le dit le Seigneur : «C'est l'Esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien15» : si tu ne regardes qu'au visible, tu n'en retireras aucun profit ; mais si tu considères l'Esprit, c'est-à-dire si tu vois spirituellement ce pain qui est devant toi, tu seras vivifié en y participant ; car il est «la nourriture qui ne périt pas, mais qui subsiste dans la vie éternelle», le vrai pain descendu du ciel, le pain vivant qui donne la vie au monde. Qui ne mange pas de ce pain ne vivra pas, mais qui en mange vivra éternellement, non seulement ressuscité, mais, de surcroît, délivré du châtiment et jouissant de la royauté toujours vivante. C'est de ce pain, en effet, que le Seigneur parlait, non seulement lors de la Cène mystique, à ses disciples, mais déjà lorsqu'il enseignait en public, dans la synagogue, disant clairement par avance : «Le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde». Et encore : «Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle». O merveille ! O grandeur de l'amour que Dieu répand richement sur nous ! Il nous a fait renaître par l'Esprit et devenir un seul esprit avec Lui, comme le dit Paul : «Celui qui s'attache au Seigneur est avec Lui un seul esprit16».
Afin, donc, que nous soyons un avec Lui, non seulement selon l'esprit, mais selon le corps même, chair de sa chair et os de ses os, il nous a donné cette adhésion à Lui qui se réalise par ce pain. Tout amour, en effet, a sa perfection dans l'union et son commencement dans la ressemblance, d'où l'ancien proverbe : «Qui se ressemble s'assemble». Cependant l'amour qui unit les époux semble avoir quelque chose de plus que les autres : «Pour cette raison, est-il en effet écrit, l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair17». «Ce mystère est grand, dit le divin Paul, je le dis du Christ et de l'Eglise18». Dans l'Ancienne Loi, donc, il est écrit que l'homme s'attachera, et que les deux formeront une seule chair, mais il n'est pas dit qu'ils seront un seul esprit ; pour nous, non seulement nous nous attachons au Christ, mais davantage, nous nous mêlons intimement à Son Corps par la participation à ce pain divin, et non contents d'être un seul corps, nous devenons encore un seul esprit avec Lui. Tu vois comment la grandeur sans mesure de l'amour de Dieu pour nous se révèle et s'accomplit dans la communion à ce pain et à cette coupe ? C'est pourquoi le psalmiste chante : «Il n'a voulu ni sacrifice ni offrande, mais nous a préparé un Corps19».
O communion ineffable, aux aspects sans nombre ! Le Christ est devenu notre frère, en communiant étroitement à nous par la chair et le sang, et en s'assimilant par eux à ce que nous sommes ; Il a fait de nous ses vrais serviteurs en nous rachetant au prix de Son Sang ; Il nous a pris comme amis intimes en nous donnant la révélation de Ses mystères ; Il nous attache et associe à Lui comme l'époux s'attache l'épouse, en nous faisant partager ce Sang, en devenant une seule chair avec nous. Mais Il s'est aussi fait notre Père par le divin baptême en lui, et Il nous nourrit au sein, comme une mère tendre abreuve sa progéniture qui tête encore et, ce qui passe toute grandeur et tout étonnement, ce n'est pas seulement qu'Il nous alimente de Son Sang en guise de lait, mais davantage, de Son propre Corps, que dis-je ? Il fait mieux encore, Il nous nourrit de Son Esprit même, pour conserver toujours intacte la noblesse qu'il nous a donnée, nous élever à un plus grand désir de Lui, et couronner ce désir, en se donnant non seulement à voir, mais encore à toucher et à jouir, en entrant dans notre coeur et en laissant chacun de nous Le contenir dans ses propres entrailles. «Venez, dit-Il, mangez mon corps, buvez mon sang, vous qui brûlez du désir de la vie éternelle20, afin de n'être pas seulement à l'image de Dieu, mais dieux vous-mêmes, rois éternels et célestes, vous qui m'aurez revêtu, moi le Roi et le Dieu du Ciel ; vous deviendrez redoutables aux démons, admirables aux anges, fils chéris du Père céleste, à jamais vivants, plus beaux que tous les fils des hommes, séjour plein de charme de la Trinité suprême».
Si la figure de ce Corps fut la justification d'Abraham21 et celle de ce Sang, la protection, en Egypte, de la vie des premiers-nés d'Israël22 ; si ce même sang, simple figure pourtant, opéra la consécration du premier tabernacle de Dieu23, purifia le Saint des Saints lui-même, le sanctifia et en fit la demeure terrestre du Nom divin ; si c'est lui qui établissait les prêtres, les grands-prêtres et les oints du Seigneur24 : oui, si la figure a accompli tout cela, que ne pourra la vérité ? Sans la première, Aaron n'entrait pas dans le Sanctuaire impénétrable ; de même, les cieux nous resteront inaccessibles si nous ne prenons point part à la seconde : sans elle, nous n'aurons pas de demeure céleste et nous ne deviendrons pas non plus la demeure du Dieu des cieux, ni la victime vivante, sainte et agréable à Dieu. Car c'est par ce Sang seul que nous avons obtenu l'accès25 auprès de Dieu : «Quelle utilité y a-t-il dans mon sang, dans ma descente vers la corruption26 ?» demande en effet David, le prophète d'entre les rois.
Pour cette raison, donc, au Sang de Dieu mêlons le nôtre, afin d'en effacer la corruption qui l'habite : car le Sang divin recèle une abondance de bienfaits ineffables. Il nous rend jeunes au lieu de vieux, éternels au lieu d'éphémères ; il nous fait immortels et toujours florissants, tels des arbres plantés près des courants d'eau de l'Esprit divin27, d'où l'on récolte du fruit pour la vie éternelle. Du paradis, en effet, montait une source, mais qui était un objet sensible, et elle irriguait la face de toute la terre28 en répandant des fleuves de nature matérielle. De cette table sacrée de l'autel, que selon le psaume, le Christ «nous a dressée en face de nos adversaires29», les démons et les passions, jaillit également une source de flots spirituels : elle abreuve les âmes et les fait monter jusqu'aux cieux ; elle attire les regards des anges sur sa beauté, où se voit clairement la sagesse infiniment variée de Dieu, et excite leur désir de plonger leur regard sur les dons qui nous sont transmis par ce Sang30. Car, en nous approchant des mystères, nous devenons pourpre royale, ou pour mieux dire, corps et sang du Roi, et ô merveille ! nous sommes transformés en fils de Dieu ; l'éclat divin nous recouvre mystiquement, nous baigne d'une clarté admirable, fait de nous les christs de Dieu et nous donne, comme Il nous l'a promis, le pouvoir de briller comme le soleil lors de l'avènement de notre Père31, pourvu seulement que l'âme du communiant reste pure de toute tache.
C'est pourquoi, nous devons, non seulement nous purifier avant de recevoir les mystères, et nous en approcher dans cet état, mais aussi, une fois reçu le don divin, faire attention à nous-mêmes et nous garder avec vigilance, afin de rester au-dessus des passions et de proclamer les vertus de Celui qui a daigné venir habiter en nous, à cause de la similitude avec Lui que ces vertus ont fait paraître en nous. Songeons bien à qui nous nous sommes unis et de quels biens nous avons été jugés dignes, afin qu'étonnés de l'immensité du don qu'Il nous a fait et de Son amour sans borne pour nous, nous mettions nos actes, nos paroles et nos pensées à l'unisson de la «volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite32». Car c'est là le Sang de la Nouvelle Alliance, la validation de cette Alliance, qui n'est autre que l'Evangile du Christ : «Un testament, dit l'Ecriture, n'est valable qu'en cas de mort33». N'allons pas, après avoir communié au Sang de l'alliance du Christ, la rendre nulle et non avenue par nos oeuvres, ni encourir la condamnation et le châtiment éternel qui nous atteindraient pour avoir profané le Sang de l'alliance, dans lequel nous avons été sanctifiés34. De même, en effet, que la promesse est grande pour ceux qui conservent la sainteté venue de la communion -le Royaume des Cieux leur est promis-, de même, grand sera le châtiment de ceux qui, après avoir reçu ce don, se seront souillés. «Celui qui a violé la loi de Moïse, dit l'Ecriture, meurt sans miséricorde, aux termes de la loi : de quel pire châtiment pensez-vous que sera jugé digne celui qui aura tenu pour profane le sang de l'alliance et qui aura outragé cette immense grâce35
Frères, je vous en prie, gardons pour nous-mêmes la grâce de Dieu intacte, tendons de tout notre être à l'obéissance et à l'accomplissement des saints commandements et présentons-nous, par nos oeuvres, en offrande à Dieu, qui s'est Lui-même livré pour nous. Le Père, en effet, a donné pour nous Son Fils unique, et le Fils unique de Dieu s'est offert Lui-même : et nous, comment refuser de nous donner nous-mêmes en retour, d'autant que ce don ne saurait avantager que nous, et non pas Lui ? Mais comment pourrons-nous nous donner ainsi à Celui qui s'est donné pour nous, à notre Christ ? Si nous tenons embrassé, de toutes nos forces, l'amour de Dieu et de nos frères ; si, placés sous la main puissante de Dieu, nous nous humilions à cause de Lui devant nous-mêmes et devant nos frères, «sans aspirer à ce qui est élevé, mais nous laissant attirer par ce qui est humble36» ; si nous crucifions la chair dans la mesure du possible, «avec ses passions et ses convoitises37» ; si «nous mortifions nos membres terrestres, l'ivresse, l'impudicité, l'impureté, la cupidité, et toute passion mauvaise38» ; bref, si nous mourons au péché et vivons pour la vertu39.
Tel est l'enseignement du Corps crucifié du Christ qui nous est offert en nourriture : nourrissons-nous de Lui, et apprenons en même temps à communier à ses vertus et à ses souffrances, afin de vivre aussi et de régner éternellement avec Lui. Comme Il l'a annoncé par la bouche du Prophète David, en disant : «Le sacrifice de louange me glorifiera et voici la voie par où je lui montrerai mon salut40», le rite que nous célébrons en mémoire de ce qu'Il a accompli pour nous est un sacrifice d'action de grâces, de gloire, et de louange à lui offerte. Et véritablement, ce Sang même et ce Corps du Christ qui sont offerts, parlent à Dieu le Père d'une manière incomparablement plus puissante que ne le fit le sang d'Abel -car ce sang-là criait vers Dieu contre son frère41, tandis que celui-ci crie pour nous, parce que le Christ a jugé bon de devenir notre frère ; Il crie pour nous rendre Dieu favorable et nous réconcilier avec le Père d'En-Haut. A nous aussi, ce Sang parle et Il nous montre clairement la voie : celle de l'amour, car c'est par amour pour nous que le Seigneur s'est anéanti Lui-même pour venir jusqu'à nous et qu'Il a donné Sa vie pour nous ; celle de l'humilité, car «dans Son humilité Son jugement a été exalté, et comme une brebis Il a été conduit à l'immolation42» ; celle de l'obéissance, car Il s'est Lui-même fait obéissant au Père jusqu'à la mort de la Croix43 ; celle enfin qui, par la mortification des passions, nous donne la vie éternelle.
Car Il a été mort, et voici qu'Il vit pour les siècles, donnant la vie à ceux qui par la foi et la vertu s'attachent à Lui, les glorifiant Lui-même et glorifié par eux, avec Son Père sans commencement et Son Tout-Saint, Bon et Vivifiant Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.
1 . Matt. 3,6; Marc 1,5.
2 . Gen. 3,18.
3 . Dans l'Eglise, au moment de la lecture de l'Evangile des Matines, on prie, selon la formule consacrée, «pour être digne de l'audition du saint Evangile». Il est probable que saint Grégoire a prononcé cette homélie aux Matines.
4 . 1 Cor. 11,28-29.
5 . 1 Tim. 2,8.
6 . 1 Jn 3,21.
7 . Gen. 4,7.
8 . Deut. 23,19.
9 . Matt. 5,24.
10 . Ps. 49,16.
11 . Héb. 10,29.
12 . Grégoire le Théologien, Tétrastiques, 2.
13 . Héb. 10,20.
14 . Héb. 10,22.
15 . Jn 6,63. Les citations qui suivent sont extraites de ce chapitre six de saint Jean.
16 . I Cor.6,17.
17 . Gen. 2,24 et Matt. 19,5.
18 . Eph. 5,32.
19 . Ps. 39,7 (Septante) ; cf Héb. 10,5.
20 . Jn 6,53.
21 . Gen. 14,18; 15,6-11; 22,2-19. Cf Héb. 9,17 18.
22 . Ex. 12,23.
23 . Ex. 40,10; Lév. 8,14-24; 9,8-9; voir Héb. 9,21.
24 . Lév. 8 et 16; 1 Rois (=1 Sam.) 10,1. Voir Héb. 9,11-28.
25 . Rom. 5,2.
26 . Ps. 29,9.
27 . Cf Ps. 1,3.
28 . Gen. 2,10.
29 . Ps. 22,5.
30 . 1 Pe 1,12; Eph. 3,10. Saint Jean Chrysostome, dans son Commentaire sur l'Epître aux Ephésiens explique que les anges ne connaissait, avant l'Incarnation, que la volonté stable et immuable de Dieu ; mais qu'ils ont appris, par la venue du Christ dans la chair et son abaissement ineffable, le caractère multiforme du dessein divin, qui s'étendait jusqu'aux hommes déchus, pour lesquels Dieu devenait ce qu'Il n'était pas.
31 . C'est à dire du Christ qui est aussi notre Père comme saint Grégoire vient de le dire plus haut. Cf Matt. 13,43.
32 . Rom. 12,2.
33 . Héb. 9,17.
34 . Héb. 10,29.
35 . Héb. 10,28-29.
36 . Rom. 12,16.
37 . Gal. 5,24.
38 . Col. 3,5.
39 . Cf Rom. 6,11 et Gal. 2,19; 2 Cor. 5,15.
40 . Ps. 49,23.
41 . Gen. 4,10.
42 . Is. 53,7; Ac. 8,32-33.
43 . Phil. 2,8.

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