vendredi 31 décembre 2010

Théophane sur le bateau des petites Cyclades vers Amorgos.

Théophane sur la plage d'Amorgos avant que d'aller péleriner au Monastère.

Théophane sur la plage voisine du Monastère d'Amorgos.

La Lumière du Thabor n°3. Archevêque Antoine : La vie de l'âme après la mort.

II

CE QUE NOUS POUVONS SAVOIR
SUR LA VIE DE L’ÂME,
DANS L’AU-DELA

Par l’Archevêque Antoine de Genève et d’Europe Occidentale

INTRODUCTION

La vie de l’humanité dans l’au-delà peut-être divisée en deux périodes :

1. De la mort des premiers hommes, Adam et Eve, à la venue dans le monde du Christ Sauveur, et
2. De la fondation de l’Eglise par le Christ jusqu’au jour de la résurrection universelle du genre humain.

L’homme a été créé IMMORTEL, non seulement d’âme mais aussi de corps. Le corps du premier homme, Adam, ne connut ni maladie, ni vieillesse, ni mort. Cependant, le Seigneur le prévint de ce qu’il deviendrait PASSIBLE DE MORT, le jour où il mangerait de l’ARBRE DE LA CONNAIS­SANCE DU BIEN ET DU MAL. (Genèse 2, 17). Par sa désobéissance au Créateur, Adam a porté atteinte à sa nature originelle et mourut spirituel­lement en son âme, étant également devenu MORTEL en son corps. « Tu (c’est à dire ton corps, étant donné que l’âme, bien que défunte spirituellement, est restée immortelle) retourneras à la terre, puisque tu en fus tiré », dit Dieu à Adam, « car tu es poussière et tu retourneras à la poussière ». (Genèse 3, 19).

C’est ainsi que prirent commencement la MORT dans le genre humain et l’existence outre-tombe des âmes humaines. Ainsi, la mort, comme consé­quence du péché, est un phénomène qui n’est ni naturel, ni normal, et, pour cette raison, TEMPORAIRE, de même que la vie de l’âme humaine hors du corps.

PREMIERE PERIODE

Le paradis perdu : « Dieu est Amour » (l Daniel 4, 8), et pour cette raison, seul notre amour réciproque envers Lui nous donne la joie et la plénitude de la vie avec Lui. Mais celui qui chuta, commença à ressentir de la crainte au lieu de l’amour qu’il éprouvait précédemment, et se mit à craindre le Créateur, à se cacher et à l’éloigner de Lui, (Genèse 3, 8). Dans une telle situation, Adam, s’il était resté au paradis, aurait inévitablement souffert, sans trouver d’issue à cette condition accablante. Il ne pouvait rester au paradis, privé, ainsi que ses descendants (par l’hérédité), de la communion immédiate dans l’amour avec le Créateur, ce qui constitue et s’appelle la MORT SPIRITUELLE de l’homme. « Et Dieu renvoya Adam du jardin de l’Eden » (Genèse 3, 23) pour son bien, afin que les difficultés de la vie hors du paradis, les afflictions, les souffrances et la mort même l’amènent à l’humilité et le contraignent à chercher les voies du retour à la Source de Vie.


La tragédie de l’humanité vétéro-testamentaire résidait en la perte du Père débordant d’amour, non seulement dans la vie terrestre, mais aussi dans l’au-delà. La mort spirituelle pesait même sur les âmes des justes, qui étaient privées de la communion directe avec Dieu.

L’Hadès vétéro-testamentaire : jusqu’à la venue dans le monde du Christ Sauveur, l’état général des âmes humaines dans l’au-delà, défuntes spirituellement et corporellement, est appelé dans la langue de l’Eglise HADES. Mais une telle désignation est conven­tionnelle, car le véritable Hadès, dans la pleine acception du terme, ne commencera qu’après la résurrection universelle du genre humain et du Jugement Dernier. Y entreront non les âmes privées de corps mais les HOMMES ressuscités par le Christ.

Dans le catéchisme du Métropolite Philarète de Moscou, nous lisons que « la pleine rétribution des œuvres est destinée à l’homme entier, après la résurrection du corps, lors du Dernier Jugement Divin ».

Cependant, l’état des âmes n’était pas identique pour tous dans l’Hadès vétéro-testamentaire. Les âmes des justes, même si elles souffraient, n’en étaient pas moins consolées par l’espoir de la venue du Sauveur promis, qu’elles atten­daient. Quand aux pécheurs, ils souffraient sans consolation.

Le Christ est le Sauveur de tous : Notre Seigneur Jésus-Christ est le SAUVEUR du genre humain entier, non seulement de ses contemporains et de leur postérité, mais aussi de millions d’hom­mes ayant vécu et étant décédés avant Lui. S’il les avait abandonnés dans LES TENEBRES ET L’OMBRE DE LA MORT, Il ne serait pas le Dieu de vérité, de vie et d’amour. (Dogmatique du Père Justin Popovic).

« LE SEIGNEUR EST DESCENDU JUSQUE DANS L’HADES, AFIN QUE, PRESENT PARTOUT, IL PUT SAUVER LA MULTITUDE EN TOUT LIEU », dit saint Isidore de Péluse. Quant à saint Grégoire Palamas, il nous enseigne que le sacrifi­ce du Sauveur était indispensable non seulement pour ses contemporains et leur postérité, mais aussi pour tous les hommes qui avaient vécu jusqu’à sa venue et dont les âmes se trouvaient dans l’Hadès.

L’Eglise Orthodoxe confesse que, une année et demie avant la descente du Christ dans l’Hadès, son Précurseur y fut, tout comme sur terre, saint Jean Baptiste, qui « annonça même aux captifs de l’Hadès l’apparition du Dieu fait chair, qui ôte le péché du monde et nous fait grande miséricorde » (tropaire du Précurseur).

Le dogme de la descente du Christ Sauveur dans l’Hadès : Le Christ Sauveur, comme DIEU-HOMME, rendit à ceux qui crurent en Lui, le Père Céleste plein d’amour qu’ils avaient perdu. Par sa résurrection, brisant les chaînes de la mort spirituelle, Il les régénéra pour une nouvelle vie dans l’Eglise créée par Lui, y prêchant l’Evangile du salut.

C’est avec la même prédication de l’Evangile et le même amour pour l’homme déchu que, laissant son Corps immaculé dans le Sépulcre, Il descendit en son âme, unie HYPOSTATIQUEMENT à sa DIVINITE, dans l’Hadès auprès des âmes des défunts, afin de les rendre à son Père céleste.
LE CORPS DU CHRIST REJOIGNIT LE SEPULCRE, TANDIS QUE L’AME DESCENDIT DANS L’HADES, dit saint Athanase d’Alexandrie. AU SEPULCRE AVEC LA CHAIR, DANS L’HADES AVEC L’AME, COMME DIEU… confesse l’Eglise.

L’Apôtre Pierre dit du Christ qu’il « FUT MIS A MORT SELON LA CHAIR ET VIVIFIE SELON L’ESPRIT. C’EST EN LUI QU’IL S’EN ALLA PRECHER AUX ESPRITS EN PRISON » c’est-à-dire dans l’Hadès. (I Pierre 3, 18-19). Et l’apôtre précise qu’il s’agit là non seulement des âmes des justes, mais aussi des pécheurs, c’est-à-dire de toutes les âmes, comme Sauveur de tous. Ainsi, le Christ prêcha même A CEUX QUI JADIS AVAIENT REFUSE DE CROIRE LORSQUE TEMPORISAIT LA LONGANIMITE DE DIEU, AUX JOURS DE NOE QUI CONSTRUISAIT L’ARCHE, DANS LAQUELLE UN PETIT NOMBRE… FUT SAUVE À TRAVERS L’EAU. I Pierre 3, 20). C’est ainsi que le Seigneur est descendu dans l’Hadès, pour sauver ceux qui jadis avaient refusé de croire et avaient péri lors du déluge, c’est-à-dire la PREMIERE HUMANITE.

Pour quelle raison précisément l’Apôtre les mentionne-t-il particulièrement ? De toute éviden­ce, en premier lieu, parce que, dans l’esprit des Juifs, qui étaient les premiers chrétiens, cette humanité anéantie par le déluge, était plus pécheresse que tous les pécheurs qui avaient suivi. En second lieu, pour montrer la miséricorde incommensurable de Dieu, qui, par l’horreur du déluge, la crainte indescriptible de la mort chez tout ce qui est vivant, a marqué le début du repentir de ces pécheurs alors impénitents. Il les prépara ainsi à la rencontre du Sauveur qui ne les avait pas oubliés et qui les aimait, descendant vers eux dans l’Hadès.

Par ceci, l’Apôtre veut dire que le Seigneur est venu sauver même les plus pécheurs, ceux qui jadis furent désobéissants mais qui, néanmoins, ne s’endurcirent pas à jamais.

La Prédication de l’Evangile dans l’Hadès : Si le Christ prêcha aux âmes des défunts, cela signifie que les âmes étaient APTES à l’écouter, à recevoir ce qui leur était dit, à réagir à la prédication, à la recevoir ou à la rejeter.

Continuant à vivre après la mort du corps, l’âme, dans son intégralité, dispose de la plénitude de la personnalité et de la conscience. Elle sent, elle est consciente, elle accepte, raisonne, ce que confirme la parole du Seigneur sur le RICHE ET LAZARE, (Luc 16, 19-31). Le riche voit dans l’au-delà Abraham et Lazare, ressent les tourments demande de l’aide, voit comment vivent ses frères sur terre, s’inquiète de leur sort et, cela est évident, les aime. Le patriarche Abraham vit dans la béatitude, explique au riche qu’il est impossible, dans l’Ancien Testament, de changer le sort d’une âme dans l’au-delà, et justifie l’existence des béatitudes et des tourments, indiquant en outre les moyens du salut.

Les limites de l’âme : il ne faut cependant pas oublier que l’âme hors du corps, ne constitue pas l’homme entier et que, pour cette raison, tout ce qui est possible aux hommes ne l’est pas à leurs âmes. Bien que les âmes, après la mort du corps, disposent de l’intégralité de la personnalité et accomplissent toutes les fonctions psychiques, LEURS POSSIBILITES SONT LIMITEES. C’est ainsi, par exemple, que l’homme vivant sur terre peut se repentir et, dans une plus ou moins grande mesure, changer lui-même sa vie, revenir du péché vers Dieu.
Quant à l’âme, elle ne peut, DE SON PROPRE FAIT, même si elle le souhaite, changer radicale­ment ou commencer une nouvelle vie, qui différe­rait absolument de sa vie sur la terre, ou acquérir ce qu’elle ne possédait pas alors qu’elle demeurait encore dans le corps.

C’est précisément dans ce sens qu’il convient de comprendre les paroles affirmant qu’il n’y a pas de pénitence dans l’au-delà. L’âme y vit et se développe dans la direction qu’elle avait prise sur terre et, pour changer, une aide extérieure lui est INDISPENSABLE.

Le paradis retrouvé : le Christ a prêché l’Evangile du salut sur terre durant trois ans et, dans l’Hadès seulement trois jours incomplets. Il est clair que cela était suffisant, car l’âme, libérée du corps et de son intermé­diaire, est apte à ressentir, prendre conscience et réagir bien plus rapidement que lors de sa vie dans le corps (Dogmatique du Père Justin Popovic).

Le Seigneur a prêché son Evangile dans le royaume de la mort avec le même but, manifestement, que sur la terre : afin qu’on l’assimilât par la foi et que l’on fût sauvé. Par la gloire de sa Divinité, la force de son amour envers celui qui était tombé, amour qui le fit descendre jusqu’au plus profond de l’Hadès, le Sauveur illumina, régénéra, changea en mieux, RESSUSCITA pour une VIE NOUVELLE, dans l’Eglise triomphante, en communion avec le Père Céleste plein d’amour, ceux qui reçurent son Evangile. L’amour réciproque envers Lui chassa la crainte et ouvrit la voie vers Dieu. Les chaînes de la mort spirituelle tombèrent et ceux que le Christ avait sauvés entendirent ses paroles : ENTREZ DE NOUVEAU DANS LE PARADIS.

Dans la nuit de la Résurrection, l’abîme qui séparait Hadès et le paradis, insurmontable dans l’Ancien Testament, tel qu’il est évoqué dans la parabole du riche et de Lazare, fut franchi par le Vainqueur de la mort et ceux qui avaient cru en Lui. C’est alors que commença une NOU­VELLE VIE des âmes dans l’Eglise TRIOMPHAN­TE, qui vainquit le péché et la mort, terrassant Hadès.

Toutefois, cette vie des âmes au paradis, dans l’attente de la résurrection des corps, n’est pas encore ce paradis définitif de la joie, de la béatitude éternelles et totales, dont hériteront les justes après le jugement dernier de Dieu.

C’est par la fondation de l’EGLlSE que s’est achevée la première période de la vie d’outre-tombe de l’humanité et que s’ouvre la seconde période.

SECONDE PERIODE

Le Nouveau Testament et la vie de l’Eglise : après la Résurrection du Christ également, les hommes continuent à vivre et à mourir, et leurs âmes partent pour le monde de l’au-delà, soit dans le paradis, soit dans l’Hadès.

Nous nous limiterons ici au sort outre-tombe des enfants de l’Eglise du Christ, qu’il créa pour le salut des hommes. Le destin de l’humanité qui n’appartient pas à l’Eglise est voilé pour nous d’un mystère définitif. Supposons que, de même que l’humanité vétéro-testamentaire ne pouvait prévoir que ses âmes seraient sauvées par l’Incarnation et la descente dans l’Hadès du Sauveur…
…nous ne pouvons non plus deviner par avance et prévoir les moyens et les possibilités dont dispose le Créateur pour le salut de sa création – indocile, mais non endurcie définitive­ment – pour sauver les hommes qui ne Le connais­sent pas, ceux qui sont dans l’erreur, qui appartien­nent à de fausses religions, ou encore à des sectes, des hérésies, etc.

Donc, le chrétien meurt. Son âme, se PURI­FIANT dans une certaine mesure, LORS DE LA SORTIE MEME DU CORPS, GRACE, SEULE­MENT, A LA CRAINTE DE LA MORT, comme le dit saint Marc d’Ephèse, quitte le corps inanimé. Elle est vivante, immortelle et continue de vivre de la plénitude de la vie qu’elle avait commencée sur terre : avec toutes ses pensées et tous ses sentiments, ses vertus et ses vices, ses qualités et ses défauts. La vie de l’âme dans l’au-delà est le prolongement et la conséquence naturelles de sa vie sur terre. Si la mort changeait radicale­ment l’état de l’âme, cela constituerait un acte de violence qui porterait atteinte à l’inviolabilité de la liberté humaine et ce serait en outre l’anéan­tissement de ce nous appelons la personnalité de l’homme (Dogmatique du Père Justin Popovic).

Si le chrétien défunt était pieux, priait Dieu, espérait en Lui, se soumettait à sa volonté, se repentait devant Lui, s’efforçait de vivre selon ses commandements, son âme, après la mort, ressentira la présence Divine, communiera immédiatement, dans une plus ou moins grande mesure, à la vie Divine qui lui a été révélée dans l’Eglise triomphante. Si, au contraire, le défunt a perdu, dans sa vie terrestre, la communion avec le Père Céleste plein d’amour, ne L’a pas recherché, ne L’a pas prié, a blasphémé, servant le péché, son âme, après la mort, ne trouvera pas Dieu, incapa­ble qu’elle sera de ressentir son amour. Privée de la vie Divine, en vue de laquelle fut créé l’homme à l’image de Dieu, l’âme insatisfaite commencera à éprouver de la tristesse, à se tourmenter, et ce, dans une plus ou moins grande mesure, se trouvant dans un état semblable à celui des âmes de l’humanité vétéro-testamentaire jusqu’à la descente du Christ dans l’Hadès.

L’attente de la résurrection du corps et du juge­ment redoutable augmentera la joie des pieux et l’affliction des impies.

La doctrine du jugement particulier est-elle ortho­doxe ? Les hypothèses relatives au JUGEMENT PARTICULIER, selon lesquelles l’âme, lors de sa sortie du corps, comparaîtrait aussitôt devant le tribunal Divin (il s’agirait donc d’un jugement particulier, temporaire, jusqu’au Jugement dernier), au cours duquel le Divin Juge lui accorderait la béatitude ou la condamnerait aux tourments, ne constitue pas une doctrine de l’Eglise faisant autorité pour tous les orthodoxes.

Cette hypothèse, visiblement, a été empruntée à la théologie catholique-romaine (papiste), par les théologiens de Kiev du XVIe siècle. Dans le catéchisme du métropolite Philarète de Moscou, le JUGEMENT PARTICULIER n’est pas mentionné.

Généralement, on fonde cette hypothèse sur les paroles de l’Apôtre Paul : ET COMME LES HOMMES NE MEURENT QU’UNE FOIS, APRES QUOI IL Y A UN JUGEMENT (Hébreux 9, 27). Il convient toutefois de mentionner que l’Apôtre n’a pas dit : APRES QUOI IL Y A AUSSITOT UN JUGEMENT.
C’est pourquoi ces paroles peuvent être comprises dans deux sens différents ou bien l’Apôtre parle ici du dernier et unique Jugement, ou du bien du jugement par l’homme de sa propre personne, dans le sens indiqué par le Christ, à savoir : QUI CROIT EN LUI N’EST PAS JUGE ; QUI NE CROIT PAS EST DEJA JUGE. (Jean. 3, 18).

La doctrine des PEAGES ne constitue pas un dogme de l’Eglise : les pieuses réflexions sur les PEAGES ne constituent ni des dogmes de l’Eglise, ni son enseignement officiel. Il est évident que l’âme, séparée du corps, sera tourmen­tée, dans une plus ou moins grande mesure, par le même esprit impur qui l’éprouvait de son vivant. Elle cherchera alors, en cette heure redoutable pour elle, un protecteur et un secours en la personne de son Ange gardien. C’est là tout ce que l’on peut dire à ce sujet.

Quant aux PEAGES, sous la forme de quelques DOUANES par lesquelles passeraient les âmes des défunts en s’élevant vers le Trône Divin, et auxquelles les retiendraient les esprits mauvais, les accusant de différents péchés, ils sont évoqués par saint Cyrille d’Alexandrie et en quelque sorte confirmés par la vision de la bienheureuse Théodora, narrée par celle-ci à Grégoire, disciple de saint Basile le Nouveau.

Mais l’Apôtre Paul témoigne de ce que RAVI JUSQU’AU PARADIS, IL ENTENDIT DES PAROLES INEFFABLES, QU’IL N’EST PAS PERMIS A UN HOMME DE REDIRE (2 Cor. 12, 4). De sur­croît, la vision de sainte Théodora, relative à la vie dans l’au-delà, ne peut véritablement décrire avec des paroles humaines ce que vécut et ressentit la Bienheureuse.

Les prières de l’Eglise pour les défunts : ainsi, l’âme du défunt ne peut changer d’elle-même dans l’autre monde, ni acquérir ce qu’elle n’avait pas dans la vie terrestre. Il lui faut une aide extérieure, qu’elle reçoit du Sauveur du genre humain, qui jadis descendit dans l’Hadès mais qui est toujours vivant dans l’Eglise. Il est le Chef de l’Eglise, qui constitue son Corps et dans lequel est rétablie l’UNITE de la nature humaine endommagée par le péché, et ce, dans l’UNION avec Dieu par l’Incarnation du Fils de Dieu. C’est pourquoi notre Sauveur a prié ainsi : QUE TOUS CEUX QUI CROIENT EN MOI, LES ENFANTS DE MON EGLISE, SOIENT UN, COMME TOI, PERE, TU ES EN MOI ET MOI EN TOI, QU’EUX AUSSI SOIENT UN EN NOUS. (Jean. 17, 21).

Dans cette UNITE ECCLESIALE, semblable à l’unité des Hypostases de la Sainte Trinité, s’accomplit le MYSTERE de l’enrichissement et du renouveau de l’âme du défunt, par le Christ Sauveur, par la richesse spirituelle de l’Eglise et de ses Saints.

Certains pensent naïvement que les prières pour les défunts ont pour but de rendre Dieu plus miséricordieux, de Le disposer au pardon des péchés, comme si le Seigneur avait besoin de nos supplications pour aimer sa création. VOTRE PERE SAIT BIEN CE QU’IL VOUS FAUT, AVANT QUE VOUS LE LUI DEMANDIEZ (Matthieu 6, 8), dit son Fils Divin.

N’oublions pas que Dieu est IMMUABLE et qu’il est de par sa nature AMOUR infini, illimité et universel. Il nous aime, bons et mauvais, bien plus que nous sommes capables de nous aimer nous-mêmes.
La force régénératrice de la prière : nos prières à l’Eglise pour les défunts ne rendent pas Dieu plus miséricordieux, mais CHANGENT POUR LE MIEUX les âmes de ceux pour qui l’on prie. Même la prière privée, en fonction de la foi et de la force spirituelle de celui qui prie, ainsi que son amour envers le défunt, constitue indubita­blement une force REGENERATRICE pour celui-ci, qui le rapproche de Dieu. Les âmes des défunts sont purifiées après la mort par la force des prières qu’on fait pour elles, dit saint. Marc d’Ephèse.

Mais il est également indubitable que la prière de l’Eglise (lorsque toute l’Eglise, au ciel et sur terre, prie), d’une manière incomparablement plus efficace et puissante enrichit l’âme du défunt de ce qu’elle ne possède pas en quantité suffisante et ne peut acquérir, comme, par exem­ple : l’espoir dans le Sauveur, l’amour envers Lui, la foi dans sa miséricorde, la conscience de ses péchés, la pénitence, etc. De tels sentiments, puisés dans les prières de l’Eglise, rappro­chent le défunt de Dieu et adoucissent son sort outre-tombe.

L’âme du défunt peut et doit prier avec nous : l’âme elle-même doit prendre part à son change­ment en mieux, ne serait-ce que dans une infime mesure. Cependant, toutes les âmes ne répondent pas unanimement aux prières de l’Eglise pour elles. Les plus justes commencent à prier plus rapide­ment et plus volontiers avec ceux qui prient pour elles. Les plus pécheresses se soumettent avec plus de difficulté à la force régénératrice de ces prières. Si l’âme reste entièrement insensible et ne peut ni ne veut prier avec l’Eglise, nos prières pour elles deviennent alors insensées. C’est la raison pour laquelle sont privés de la prière ecclésiale les athées notoires endurcis, les blasphémateurs impénitents, les débauchés éhontés et leurs semblables.

Nous répétons que lorsque nous prions pour le défunt, son âme peut et doit prier avec nous. C’EST EN CELA QUE RESIDE TOUT LE SENS DES PRIERES POUR LUI.

Il est indispensable que l’âme même souhaite devenir meilleure, qu’elle recherche le Père Céleste. La prière incitée par notre amour envers le défunt doit devenir sa prière, et le stimuler à prier le Créateur.

En priant pour les défunts, nous disons : FAIS REPOSER, SEIGNEUR, L’AME DE TON SERVI­TEUR, parce que nous voulons que cette supplica­tion devienne la prière du défunt qui, lui-même, prie mal. Nous croyons que l’âme peut prier dans l’Eglise par nous et avec notre aide. C’est pourquoi nous prononçons aussi d’autres paroles : FAIS REPOSER, SEIGNEUR, L’AME DE TON SERVITEUR DEFUNT, QUI TE PRIE PAR NOUS.

Tant sont indispensables et salvatrices les prières ecclésiales pour les défunts. Les chrétiens orthodo­xes doivent prier pour eux avec espoir et foi, sans se livrer à l’abattement et à un chagrin insensé.

Les prières des justes défunts pour nous : il est indubitable que les âmes des saints et des justes dans l’Eglise triomphante, ainsi que même les parents défunts qui nous aiment, prient pour nous (parabole du Riche et de Lazare) de la même façon que nous aussi nous prions pour eux. La communion de prière entre vivants et défunts ne cesse jamais.
La prière des justes prononcée avec amour pour nous, telles que celles de saint Nicolas, saint Séraphim et d’autres saints encore, nous enrichit dans le Christ et seulement EN LUI, de l’abondan­ce spirituelle du juste. Elle nous fait participer à sa sainteté, nous renforce dans le combat avec les tentations du malin, nous élève au-dessus du niveau de vie spirituelle et éthique que nous pouvons atteindre de nos propres moyens.

Quant aux prières de la Très Pure et Bénie Mère de Dieu, notre secours et notre aide, qui nous délivre des grands malheurs et des afflictions, elles nous enrichissent encore d’une plus forte puissance de pureté et de sainteté.
C’est dans le mystère de la Communion au Corps et au Sang du Christ que nous puisons la force maximale de la grâce : CELUI QUI MANGE MA CHAIR ET BOIT MON SANG, DEMEURE EN MOI ET MOI EN LUI, telle est la promesse du Sauveur. Et c’est dans cette UNITE très douce avec Lui que le Christ purifie, lave, orne, émonde, raisonne et illumine l’âme de celui qui L’aime, le faisant participer à sa Divinité.

La fin de l’existence outre-tombe des âmes : se soutenant les unes les autres dans la prière, dans l’unité ecclésiale avec le Christ, les hommes vivants et les âmes des défunts atteindront le jour de la RESURRECTION UNIVERSELLE. Les âmes retrouveront alors leur corps, ressuscité, transfiguré, REVETU DE LA SPLENDEUR DE L’INCORRUPTIBILITE.

Les morts ressusciteront pour FETER LA MISE A MORT DE LA MORT… le début d’une autre vie éternelle (canon pascal).

Ceux qui vivront encore sur terre CHANGERONT de par l’horreur de l’effondrement de l’univers, alors que LES PUISSANCES DES CIEUX SERONT EBRANLEES. IL Y AURA DES SIGNES DANS LE SOLEIL, LA LUNE ET LES ETOILES, LA MER ET LES FLOTS EMETTRONT UN FRACAS. (Luc 21, 25). De même que la première humanité fut anéantie par le déluge, dont l’horreur les a aidés à ne pas s’endurcir définitivement, ces derniers changeront à l’image des ressuscités et s’uniront à eux.

L’homme RETABLI non dans un corps pesant et pécheur, mais dans un corps léger, immortel, disposera, bien entendu, de la plénitude de toutes les propriétés et de toutes les capacités de l’HOM­ME. C’est pourquoi le Seigneur jugera non nos âmes limitées, mais les hommes ressuscités, pour leur donner l’entière possibilité de retourner volontairement et librement au Père Céleste. Ceux qui répondront à l’amour du Christ, lavés par la pénitence, entendront Sa voix : VENEZ LES BENIS DE MON PERE, RECEVOIR EN HERI­TAGE LE ROYAUME QUI VOUS A ETE PREPARE DEPUIS LA FONDATION DU MONDE. (Matthieu 25, 34).

Qui refusera en ce moment l’amour du SAUVEUR, son royaume éternel ? Il est clair que ce sont les pécheurs impénitents qui seront ENDURCIS DEFINITIVEMENT. De leurs semblables, le Christ a dit : ILS NOUS HAÏSSENT ET MOI ET MON PERE (Jean 15, 24). Avec un grincement de dents, comme expression d’une colère impuissante, ils se précipiteront loin de l’Amour Divin, car il les brûlera et les consumera comme le feu éternel préparé pour le diable et ses anges, Matthieu 25, 41, dont ils partageront le sort. Mais le Mystère de l’ETERNITE ne peut pas être plus sondé et pénétré pour ceux qui vivent dans le temps. + Archevêque Antoine de Genève.

La Lumière du Thabor. Le Magnificat, commenté par Saint Nicodème l'Aghiorite.

I

LE MAGNIFICAT

Commenté par saint Nicodème

Quand l’Archange Gabriel vint chez notre Souveraine la Mère de Dieu, lui annoncer la Bonne Nouvelle, il lui dit, pour confirmer son message, qu’Elisabeth sa parente, avait conçu, elle aussi, depuis six mois, un fils, celui qui allait être Jean le Précurseur : « Et voici Elisabeth ta parente, a conçu elle aussi, un fils en sa vieil­lesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois, car rien n’est impossible à Dieu. » (Luc 1, 36).

Sitôt après la conception miraculeuse du Fils de Dieu, la Vierge partit pour la montagne où habitait Elisabeth. Dès qu’elle entra dans la maison de Zacharie, elle salua sa cousine, et cela pour trois raisons :

1° Pour féliciter sa parente d’avoir été digne de concevoir un fils dans sa vieillesse ;
2° Pour vérifier ce que l’Ange lui avait dit ;
3° Pour nous apprendre, par son exemple, à consulter nos anciens et à recevoir leurs con­seils, comme l’Ecriture nous l’enseigne : « Interroge ton père et il te l’apprendra, tes anciens et ils te le diront. » (Deutéronome 32, 7).

Dès la salutation de la Mère de Dieu, qui était en réalité celle du Fils de Dieu, qu’elle serrait en son sein, Elisabeth fut remplie de joie. Son enfant, Jean le Précurseur, entendant par les oreilles de sa mère, les paroles de la Vierge, sentit la présence du Fils de Dieu, bondit de joie et d’allégresse. Ce bondissement fut tout spirituel, parce que Jean, dès le ventre de sa mère, était rempli du Saint-Esprit : « II sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère. » (Luc 1, 15). avait dit l’Archange Gabriel à Zacharie son père.

Par son bondissement, le fils transmit à sa mère, elle aussi remplie du Saint-Esprit, le charisme prophétique, comme Samuel le Prophète l’avait jadis transmis à sa mère Anne. (I Rois 1).

Remplie donc de l’Esprit Saint, Elisabeth, dans l’enthousiasme que donne la joie spirituelle, dit d’une voix forte à la Mère de Dieu : « Tu es bé­nie parmi toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Et comment se fait-il que la Mère de mon Seigneur vienne chez moi ? Bien­heureuse celle qui a cru que tout ce que le Seigneur lui avait dit serait accompli. » (Luc1, 42).

En entendant ces paroles, la Vierge, parfaitement informée, déclama l’Ode appelée MAGNIFICAT, où elle glorifie et magnifie le Seigneur.

Ô combien, dit saint Nicodème, cette Ode désirée par le monde entier, est plus aimable, plus douce que les trois odes de Moyse (Exode 15, 1 - Nombres. 21, 17 - Deutéronome 31, 1) ; plus douce que celle de David (Ps. 29, 1) ; plus douce que les cinq mille odes de Salomon (3 Rois 4, 32) ; plus que celle d’Avvakum (3, 1) ; plus douce que celles de tous les hommes saints.
Plus que celle de Mariam la sœur d’Aaron (Exode 15) ; plus que celle de Déborah (Juges 4, 12) ; plus que celle de Judith (Juges 16, 1).

Si ces Odes de l’Ancien Testament, sont des actions de grâce rendues à Dieu pour des bienfaits corporels et pour le salut temporaire de ceux qui les ont offertes, celle de la Mère de Dieu est l’Ode de la Grâce Nouvelle de l’Evangile, composée et offerte en actions de grâce, non pour des bienfaits corporels et terrestres, mais pour des bienfaits célestes et immatériels, non pour un salut temporel, mais pour le salut éternel du monde entier et dont Isaïe a dit: « Israël a obtenu du Seigneur le salut, un salut éternel » (45, 17).

Nous pouvons affirmer que cette Ode de la Mère de Dieu, n’est pas l’oeuvre d’un être terrestre, mais une de ces Odes nouvelles, que les Bienheureux chantent dans les cieux devant le Seigneur, selon le livre de l’Apocalypse : « Quand je pris le Livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau… et ils chantaient une Ode nouvelle… » (Apocalypse 5, 8).

El je dirai, pour résumer, que cette Ode est une création, une composition, un chant, de cet esprit divin, de ce coeur plus que pur, de cette bouche plus que sainte de Marie la Toujours Vierge, la Mère de Dieu.

Que toutes les Odes chantées par tous les saints au cours des siècles s’inclinent donc et cèdent la première place, à l’Ode de Celle qui est plus Sainte que tous les saints. Que les Orthodo­xes la méditent et la chantent dans le plus grand respect, dans la plus grande piété. D’ail­leurs ils le font, quand le prêtre ou le diacre encense toute l’église, quand les chantres et les fidèles descendent de leurs stalles et se découvrent la tête.

Nous qui savons honorer une oeuvre d’après son auteur – et plus son auteur est grand, plus grand est l’honneur que nous rendons à son œuvre – nous devons reconnaître que cette Ode doit être plus honorée que celles de tous les saints, son compositeur étant la Reine de l’univers, la Mère du Créateur de toute chose.

Le temps choisi par les Pères divins, pour le chant de cette Ode, est aussi admirable et aimable que l’Ode elle-même : c’est la fin de l’Office de Matines, quand monte à l’horizon oriental du ciel, l’aurore teintée de blanc et de jaune d’oeuf. Comme l’aurore chasse les ténèbres de la nuit, annonce le jour très doux et donne au monde le soleil naturel, de même la Mère de Dieu, a chassé les ténèbres de l’idolâtrie et du péché, a annoncé le Jour spirituel et a donné aux hommes le Soleil Mystique de Justice. Salomon, dans le Cantique des Cantiques, a merveilleusement dit d’elle : « Qui est celle qui apparaît comme l’aurore ? » (6, 10). Notons aussi, qu’entre les six versets qui forment la IXe Ode ou Magnificat, on chante, intercalé, le tropaire plein d’allégresse et de douceur : « Toi plus vénérable que les Chérubins et incompa­rablement plus glorieuse que les Séraphins, qui sans tache, enfantas Dieu le Verbe, Toi véritablement la Mère de Dieu, nous te magni­fions. » et non pas un autre.

C’est le divin poète Cosma qui a composé ce tropaire pour être chanté avec la IXe Ode du Grand Vendredi ; la mélodie, la joie, les éloges et les significations très élevées, dignes de la Mère de Dieu s’y mêlent, pour la consoler, car en ce jour du Grand Vendredi, elle a été affligée et meurtrie par la Passion de son Fils Bien-Aimé.
Pour bien montrer que ce tropaire est lié à la IXe Ode ou Magnificat, il se termine par les mots : « Nous te magnifions. » ; « Mon âme ma­gnifie le Seigneur… » avait dit la Vierge.

La Mère de Dieu remercia très vite le divin Cosma. Elle lui est apparue et lui a dit tout le plaisir qu’elle prenait à ce tropaire, et que là où il serait chanté, elle serait présente, par la Grâce et la Puissance de Dieu, et qu’elle bénirait ceux qui la bénissent. En effet, beaucoup d’hommes de Dieu, ont vu la Mère de Dieu, pendant le chant de la IXe Ode et du tropaire qui l’accompagne, présente, selon sa promesse, et bénissant ceux qui la bénissaient.

Chantons donc avec piété, la tête découverte, cette Ode de la Mère de Dieu, sachant que la Vierge est spirituellement présente, qu’elle bénit ceux qui la louangent, comme Nicéphore Xanthopoulos, qui a commenté le tropaire ci-dessus, l’a clairement affirmé.

Commençons, maintenant, le Commentaire du MAGNIFICAT, en citant brièvement le divin Grégoire de Néo-Césarée, surnommé le Thauma­turge, qui a dit, dans son Homélie sur l’Annoncia­tion : « Merveilleuses furent les paroles que la stérile (Elisabeth) adressa à la Mère de Dieu : Tu es bénie parmi toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni – mais plus merveil­leuses encore, celles que fit entendre la Vierge, paroles au parfum suave, pleines de théologie, ode offerte à Dieu, en actions de grâces, où, après les cantiques anciens, les nouveaux sont annoncés, où, après les choses passées, celles de la fin des siècles sont proclamées, où les Mystères du Christ sont brièvement récapitules… »

MON AME MAGNIFIE LE SEIGNEUR

De trois manières, la Vierge a magnifié le Seigneur :

1° Par des pensées grandes et sublimes, dignes de la Majesté de Dieu ; par toute sa vie, surtout pendant son séjour de douze ans, dans le Saint des Saints, totalement livrée à la contemplation ou plutôt à la vision de Dieu. S’étant placée au-dessus de toute considération vulgaire des choses de ce monde, elle est montée au-dessus du sensible et de l’intelligible, de toutes les forces de l’âme, de la sensation, de l’imagination, de la pensée, des réflexions de la raison ; de tout son esprit, elle s’est livrée à la contempla­tion de Dieu, sans forme, sans figure, telle un Ange incorporel, comme Grégoire Palamas l’a fort bien dit, dans sa première homélie sur l’Entrée de la Vierge au Temple. Là, seule, elle a contemplé Dieu seul ; là, seule, elle a été vue par Dieu seul ; là, seule, elle a magnifié le Seigneur seul ; là, seule, elle a été magnifiée par le Seigneur seul ; là, seule, elle s’est éprise du Seigneur seul ; là, seul, le Seigneur s’est épris d’elle seule…

Si Maxime le Philosophe Théophore, commentant la parole de l’Ecriture : « Grand est son Nom en Israël », a pu dire que « celui qui contemple la magnificence de Dieu, Le magnifie dignement », on peut se demander, qui plus que la Mère de Dieu a contemplé les choses divines et subli­mes ? Qui, parmi les hommes et les anges, a saisi plus qu’elle, les grandeurs de Dieu ? Certainement personne ! En vérité, aucun ange, aucun homme, n’a pu magnifier Dieu comme il convenait, comme l’a fait la Mère de Dieu.
Le même Grégoire, a solennellement proclamé, que la Mère de Dieu a inauguré dans le Saint des Saints, une vie divine, égale à celle des anges ; qu’elle a découvert une PRAXIS spirituelle, supérieure à la contemplation des sages antiques, qu’elle a été digne d’une contemplation plus élevée, plus sublime que celle des anciens, comme la Vérité est supérieure et bien au-dessus de l’imagination.

Par le retour, en soi, de l’intellect, par l’atten­tion, par la prière divine et perpétuelle, elle a totalement et entièrement unifié son être, et s’est élevée au-dessus de toute forme, de toute figure, inaugurant ainsi une voie nouvelle vers le ciel, voie que j’appellerai « SILENCE DE L’INTELLECT ».

Elevée au-dessus de toutes les créatures, elle a vu la Gloire de Dieu, plus parfaitement que ne l’a vue Moyse ; elle a vu la Grâce divine, que les sens corporels ne peuvent percevoir, vision sacrée et pleine d’allégresse, réservée aux seules âmes purifiées et aux anges. Cette PRAXIS, cette oeuvre spirituelle, cette contem­plation, la Mère de Dieu l’a découverte, l’a mise en pratique et l’a transmise à la postérité.

2° La Vierge a « MAGNIFIE » le Seigneur en termes sublimes et élevés, en termes dignes de la Majesté Divine. Toute sa vie n’a été qu’une doxologie de Dieu. Sa bouche ne s’est ouverte que pour exalter la magnificence et la gloire de Dieu, surtout en cette Ode où elle magnifie le Seigneur, en L’appelant Fort et Tout-Puissant, en confessant que son Nom est Saint et Tout-Saint, en proclamant que sa Miséricorde a été étendue à toutes les généra­tions humaines, que les puissants et les orgueil­leux ont été déposés et les petits élevés, que les affamés ont été comblés de biens et les riches renvoyés les mains vides, qu’Israël était sous sa protection et accomplies les promesses faites à Abraham et à sa race. Tout cela magnifie le Seigneur, tout cela étend sa gloire et sa domination.

3° La Vierge a « MAGNIFIE » le Seigneur, par des oeuvres grandes et nobles, par des œuvres dignes de la Majesté Divine ; par sa vie sur­humaine, égale à celle des anges, au cours des douze années passées dans le Saint des Saints du Temple, et par sa pureté extrême et surnaturelle, qui l’a rendue digne de devenir la Mère du Fils et Verbe de Dieu. Quelle parole pourra dire combien la Vierge a magnifié le Seigneur et combien elle a étendu sa Domination et son Règne ? Tous les anges préposés à la garde des Nations, selon l’Ode de Moyse : « Il a fixé les limites des Nations selon le nombre des anges » (Deutéronome 32,8), n’ont pas amené autant d’hommes à Dieu, n’ont pas autant étendu la Domination de Dieu, comme l’a fait, à elle seule, la Mère de Dieu. Les Apôtres eux-mêmes, envoyés prêcher à toutes les Nations, n’ont pas sauvé autant d’âmes, n’ont pas tant étendu le Règne du Seigneur, que ne l’a fait la Mère de Dieu. Par elle, la Domination et le Pouvoir du Seigneur ont été étendus, exaltés, augmentés, tant chez les Juifs, que chez toutes les Nations de la terre, chez les anges qui sont dans les cieux.

Elle seule a été la frontière entre le Créateur et la créature, comme l’a fort bien dit Grégoire Palamas. Par elle, le Fils de Dieu s’est fait Fils de l’homme, par elle, les hommes sont devenus fils de Dieu. Elle a rendu les Anges immuables devant le mal, elle les a rendus dignes des plus grands charismes. De ce que les Anges sont devenus immuables devant le mal, par la Mère de Dieu, dans le Mystère de l’Incarnation divine, Grégoire le Théologien en témoigne, dans son Homélie Pascale : « Aujourd’hui c’est le salut du monde visible et invisible… »
Il appelle salut du monde invisible l’immuabilité des Anges face au mal, et Nicétas, son commen­tateur, et Jean Damascène le suivent, disant eux aussi que les « Anges sont devenus immuables devant le mal » ; saint Grégoire Palamas, Nicéphore Xanthopoulos, l’affirment aussi : « Par la manifestation du Christ, les Anges ont reçu la force de ne plus se mouvoir vers le mal… »

David, bien qu’il fût David, n’a pu, à lui seul, magnifier le Seigneur. Aussi a-t-il appelé à l’aide, tous les hommes doux et saints, en vue de cette grande œuvre : « Magnifiez avec moi, le Seigneur. » (Ps. 33) ; tandis que la Mère de Dieu, à elle seule, a été capable d’accomplir ce grand exploit et a magnifié, seule, sans le concours des autres, le Seigneur, en tant que Mère de Dieu.

Si David a dit que toutes les oeuvres, toutes les créatures, sensibles et spirituelles, magni­fiaient leur Créateur, par leur sagesse, leur beauté, leurs perfections reçues lors de leur création: "Tes oeuvres, est-il écrit, sont magnifi­ques Seigneur, Tu as tout crée par ta sagesse", (Ps. 103, 24), qu’aurait-il dit de la Vierge, qui tant par ses dons naturels que par ses perfections acquises, et surtout les perfections divines dont elle fut comblée, a été l’ornement du monde entier et la beauté des Anges et des hommes ? Combien plus n’est-elle pas digne de magnifier le Seigneur ?

Celui qui considère tout cela d’un oeil attentif ne peut que glorifier et magnifier le Seigneur qui l’a comblée de sa Grâce. En magnifiant ainsi le Seigneur et sa Domination, la Mère de Dieu a réduit le diable et rétréci sa domination, détruit son royaume, supprimé l’idolâtrie, ôté la gloire et l’honneur dont il jouissait avant Elle, comme prince de ce monde, servi par tous les peuples comme dieu.

Si Eve, notre antique mère a, par sa désobéissance, réduit la Domination du Seigneur, fortifié et étendu le pouvoir du diable, Marie la Fille d’Eve, par son obéissance, a magnifié le Seigneur et agrandi sa Domination, amoindri le diable et son royaume : la Descendante d’Eve a guéri la faute de son aïeule.

Et comme le péché et les malheurs sont venus par la femme, c’est par la Femme que la vertu et le bonheur devaient également survenir, comme le dit Origène : « Comme le pèche a commencé par la femme, par la Femme devaient aussi commencer les biens ».

Cette parole convient aussi à toi chrétien, surtout à toi femme chrétienne : en élevant tes pensées vers Dieu, en ne songeant pas aux vanités de ce monde, aux toilettes et aux frivolités, tu imiteras la Mère de Dieu et tu magnifieras le Seigneur ; en glorifiant Dieu par tes cantiques théologiques, en préservant ta bouche de toute parole honteuse, des insultes et des bavardages, tu imiteras la Mère de Dieu et tu magnifieras le Seigneur. En ramenant, par tes bonnes paroles, des pé­cheurs à la pénitence, tu imiteras la Mère de Dieu, tu magnifieras le Seigneur et tu éten­dras son Règne.

En accomplissant des œuvres agréables à Dieu, en gardant ses commandements, en vivant conformément à l’Evangile et en t’abstenant de toute mauvaise action, tu imiteras la Mère de Dieu et tu magnifieras le Seigneur. Saint Jean Chrysostome disait : « Comment Celui qui est Dieu de toute éternité, qui n’a besoin d’aucun ajout, comment peut-Il devenir grand ?
- Quand ceux qui Lui appartiennent mènent une vie exemplaire, Le louangent par leurs actes et leurs paroles, alors II est magnifié… »

Quand tu patientes dans les épreuves, avec courage et grandeur d’âme, sache que tu magni­fies le Seigneur. Saint Basile disait : « Celui qui par sa grandeur d’âme et sa pensée virile, patiente dans les ‘épreuves pour la piété, celui-là magnifie le Seigneur. » (Comm. Ps. 33).

Si au contraire, tu as des idées fausses sur la richesse, la gloire, les plaisirs, tu n’imites pas le Mère de Dieu, tu limites le Seigneur au lieu de Le magnifier. De même, quand ta bouche profère des sottises et des insanités, quand tes oeuvres sont miséra­bles et indignes de Dieu et de ta vocation de chrétien, sache que tu restreins, que tu limites le Seigneur ; quand tu laisses les vices et les passions te dominer, tu rétrécis, tu réduis le Seigneur. Le sage Origène a dit : « L’âme réduit le Seigneur, selon la mesure du mal qui est en elle. »

ET MON ESPRIT EST RAVI DE JOIE EN DIEU MON SAUVEUR

Dans la Sainte Ecriture, l’âme et l’esprit sont choses différentes, bien qu’apparemment une.

« Sache, dit Théophylacte, que lorsque l’Ecriture parle de l’esprit et de l’âme, elle semble dire la même chose, mais en réalité, elle les sépare. Elle appelle homme psychique celui qui vit selon la nature, dont les pensées sont purement humaines, qui ne fait rien à contre-nature et qui n’est pas attiré par les dons surnaturels. Elle appelle homme spirituel, celui qui vit au-dessus des lois de la nature et dont la pensée n’est pas naturelle. Elle appelle homme charnel, celui qui ne se comporte pas selon les lois de la nature, mais se laisse entraîner par le mal contre-nature ».

De ces trois sortes d’hommes l’Apôtre dit : « L’homme animal ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. L’homme spirituel, au contraire, juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne. Puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes n’êtes-vous pas charnels et ne marchez-vous pas selon l’homme ? » (I Cor. 2, 14-3, 13).

Ainsi donc, après avoir dit que son âme « magnifiait » le Seigneur, maintenant, la Mère de Dieu dit que son esprit, c’est à dire le don spirituel qui est en elle, est dans l’allégresse, qu’il est ravi de joie en Dieu son Sauveur.

Le cœur de celui qui est ravi de joie, qui est dans l’allégresse, bondit, tressaille, jubile. Les Pères Neptiques disent que l’allégresse et le ravissement, c’est la Grâce divine qui agit dans le cœur.

Pour Grégoire le Sinaïte, il y a le grand et le petit tressaillement ou bondissement. Le petit, c’est la sérénité, appelé aussi soupir, bonheur de l’Esprit. Le grand, c’est le saut du coeur, l’envol du coeur embrasé vers Dieu.

Quand l’âme, sous l’effet de l’action du Saint-Esprit, prend les ailes de l’éros divin, elle se défait des liens des passions, se libère et s’envole vers le Dieu dont elle est éprise, et veut se séparer de son corps, même avant la mort et le plus vite possible.

La Mère de Dieu, digne du grand envol du cœur, tout entière demeure de la Grâce, habitation de la Divinité, qui a porté dans son sein Dieu le Verbe fait Homme, ne s’est pas simplement réjouie en Dieu son Sauveur, mais son esprit ravi de joie et envahi par l’amour, a bondi d’allégresse. Porté par des ailes, tout son être est monté vers Dieu son Bien-Aimé.

Tout d’abord, l’esprit de la Mère de Dieu a été ravi, a été dans l’allégresse, en Dieu, qui l’avait connue à l’avance et l’avait destinée, depuis des siècles, à être sa Mère, qui l’avait créée dans les derniers temps, à son image et à sa ressemblance, qui l’avait choisie parmi toutes les générations, qui l’avait élevée au degré le plus haut de la Maternité Divine : mettre Dieu au monde.

Ensuite, l’esprit de la Mère de Dieu, a été ravi de joie, a été dans l’allégresse en son Sauveur, qui devait sauver le monde entier de ses péchés, et la Mère de Dieu elle-même du péché ancestral, car elle était sans péché personnel, pardonnable ou mortel, à l’abri de toute mauvaise pensée, fut-ce la plus simple – son ange gardien la protégeait contre toute attaque des mauvaises pensées. C’est pourquoi le Cantique des Cantiques dit d’elle : « Tu es toute belle mon amie, il n’y a pas en toi de défaut ». (Cant. 4, 7.) Dans son livre contre Nestorius, saint Cyrille d’Alexandrie écrit « qu’il était téméraire de dire qu’il y a, en la Mère de Dieu, faute ou péché », et Germain de Constantinople appelle la Vierge « Celle qui n’a rien à voir avec le péché », il s’agit ici, bien entendu, de péchés personnels, car elle a été, elle aussi, sous le coup du péché ancestral, jusqu’au Jour de l’Annonciation, où la venue du Saint-Esprit, l’a purifiée, selon la parole de l’Archange « l’Esprit Saint viendra sur toi ». (Luc 1, 35.) Grégoire le Théolo­gien, suivi par d’autres théologiens, disait que « la Vierge qui avait conçu le Christ, avait été purifiée à l’avance d’âme et de corps. » (Homélie sur la Nativité).

Eusèbe d’Emesse, dans son homélie sur la Nativité du Christ disait également : « Sachez-le, frères, nul n’est exempt du péché ancestral, pas même la Vierge la Mère de Dieu. » Cyrille d’Alexandrie, dans son livre XVI sur le Lévitique, Ambroise de Milan, dans le Livre II sur Luc, Origène dans sa IIe homélie, disent que seul le Christ est sans péché.

Sébaste de Trébizonde, démontre longuement, dans son IIIe Livre, que notre Souveraine la Mère de Dieu, a été sous le coup du péché ancestral jusqu’au Jour de l’Annonciation et réfute ceux qui affirment le contraire.

La Vierge appelle Dieu son SAUVEUR, parce que Dieu, dans son amour, a fait siens tous les hommes, dont elle-même faisait partie, à cause de la commu­nauté de la nature humaine, et qui devaient être sauvés par Jésus son Fils ; David ne s’identifie-t-il pas, en de nombreux psaumes, tantôt aux Juifs, tantôt aux païens ? C’est le propre de l’Amour que de faire siens ceux qu’il aime, que de se réjouir du bonheur de ses amis ou de s’attrister de leurs malheurs, selon l’antique sentence : « tout est commun entre amis. »
En appelant Dieu son SAUVEUR, la Vierge a, mystérieusement, révélé le Nom de son Fils, car Jésus signifie SAUVEUR. L’Ange l’avait dit à Joseph : « Tu lui donneras le Nom de Jésus, c’est Lui qui doit SAUVER son peuple de ses péchés. » (Matthieu 1, 21).

Lecteur, vois la sagesse de la Vierge ! Selon la coutume, les noms étaient donnés aux enfants, non par la mère, mais par le père, au moment de la circoncision, le huitième jour ; l’Ecriture divine en témoigne à propos d’Isaac : « Et Abraham appela son fils Isaac », (Genèse 21, 3) ; et de Jean le Précurseur : « Ils firent des signes à son père (Zacharie) pour savoir comment il voulait qu’on l’appelât. Zacharie demanda des tablettes et il écrivit : Jean est son nom. » (Luc 1, 62). Jésus étant né sans semence de la Mère seule, c’est fort judicieusement que la Vierge a imposé le Nom de Jésus à son Fils, lors du huitième jour. La Vierge était la vraie mère, tandis que Joseph n’était que le père légal. D’ailleurs, le Nom de Jésus avait été donné par le Père Eternel, qui l’a engendré sans Mère, selon la Divinité. Ce Nom de Jésus a été révélé par le Père à Gabriel qui l’a apporté sur la terre, à celle qui L’a conçu sans père, selon l’humanité.

Peut-être, te demanderas-tu comment la Mère de Dieu savait déjà le Nom de son Fils au moment du MAGNIFICAT, avant que l’Ange n’apparût à Joseph, pour lui dire d’imposer ce Nom à l’Enfant, le huitième jour ? A ta question, je réponds que c’est de l’Archange Gabriel, que la Vierge avait appris ce Nom, avant la conception, le Jour de l’Annonciation : « Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un Fils, et tu lui donneras le Nom de Jésus ». (Luc 1, 31). Et l’Evangéliste dit encore : « Le huitième jour, auquel l’Enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le Nom de Jésus, Nom qu’avait indiqué l’Ange avant qu’il fut conçu dans le sein de sa Mère. » (Luc 2, 31.)

Cette parole convient à toi aussi chrétien. Si par tes passions et tes péchés, tu ne rejettes pas la Grâce du Saint-Esprit, reçue lors du Saint Baptême, et que tu la gardes intacte dans ton âme, par la pratique des vertus et des commande­ments divins, si tu augmentes en toi le feu de l’Esprit, si tu progresses et ne le laisses pas s’étein­dre par la négligence et les mauvaises actions, comme Paul te le recommande : « N’éteignez pas l’Esprit » (1 Thessaloniciens 5, 19 ); sache que tu imites la Vierge et que ton âme ne sera pas seule à magnifier le Seigneur, mais que ton esprit, c’est-à-dire le charisme spirituel que tu as reçu, se réjouira en Dieu ton Sauveur, bondira de joie et s’élancera en avant.

Par ce bondissement de joie de l’esprit et du cœur, tu sauras que tu as vraiment été baptisé, que tu as vraiment reçu l’Esprit Saint. Ton cœur sera dans l’allégresse, toutes les fois que la Grâce te visitera, toutes les fois que l’Esprit Saint agira, mystiquement en ton âme, surtout dans la prière sacrée du coeur, lors des fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu, et de la communion aux Saints Mystères.

A Antiochius, qui avait demandé comment l’homme pouvait connaître qu’il avait été bien baptisé et qu’il avait reçu l’Esprit Saint, alors qu’il était encore nourrisson au moment du Baptême, saint Athanase le Grand a répondu ceci : « Le Prophète Isaïe dit à Dieu : dans ta crainte Seigneur, nous avons conçu en nos seins, nous avons souffert, et nous avons enfanté l’Esprit du salut.
La femme qui a conçu en son sein, sait sans se tromper, par les bondissements de son enfant, qu’elle porte un fruit ; de même, l’âme du vrai chrétien sait, non pas par ce que ses parents ont pu lui dire, mais par les bondissements de son cœur, surtout au cours des Fêtes, des illuminations et par la Communion aux Saints Mystères du Christ, par la joie qui envahit son âme, il sait qu’il a reçu le Saint-Esprit lors de son Baptême… »

De même, quand le chrétien se repent vraiment, quand il confesse, d’un coeur contrit et en larmes, à son père spirituel, qu’il a péché, qu’il a attristé Dieu, qu’il a irrité sa bonté, il sent alors en son cœur, la joie et l’allégresse et avec David il s’écrie : « Fais-moi entendre la joie et l’allégresse et mes os humiliés se réjouiront. » (Ps. 50, 8).

L’Esprit de Dieu donne cette allégresse à celui qui fait pénitence et pleure ses péchés ; cette allégresse est le signe que Dieu a accueilli la pénitence et qu’il n’est plus irrité. Et si le pénitent persévère dans les larmes, alors la joie intérieure et la consolation viennent se mêler aux larmes, selon la parole du Seigneur : « Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consoles ». (Matthieu 5, 4).

PARCE QU’IL A REGARDE L’HUMILITE DE SA SERVANTE

Dans la Sainte Ecriture, il y a cinq sortes d’humilité :

1° L’Ecriture appelle humilité, la modestie libre et volontaire, selon la parole du Seigneur qui a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » (Matthieu 11, 29).

2° Elle appelle humilité, la sagesse tirée des épreu­ves et des difficultés de la vie, selon le psalmiste: « II m’est bon d’être humilié, afin que j’apprenne tes statuts. » (Ps. 118, 71).

3° Elle appelle humilité, la chute et l’humiliation, selon le psaume : « L’orgueilleux humilié est comme un blessé. » (Ps. 88, 11).

4° Elle appelle humilité, la soumission à l’ennemi, selon la parole : « Ne rejette pas l’homme dans l’humiliation ». (Ps. 89, 3).

5° Elle appelle humilité, la pauvreté et l’indigence de la nature humaine, comparée à la grandeur, à la magnificence et à la majesté de la nature divine.

C’est de cette humilité, de cette pauvreté de la nature humaine, à laquelle elle a ajouté la modestie libre et volontaire, dont elle a été la demeure parfaite, que parle ici la Vierge et non de la modestie des paroles, des manières et des vêtements, facile à acquérir par celui qui la désire.

La modestie de la Vierge, enracinée par la pratique, dans son âme et dans son corps, était un don de l’Esprit, que le divin Grégoire décrit dans sa lettre à Xénia. La Vierge avait appris par Isaïe, que Dieu jetait ses regards sur ceux qui étaient humbles : « Sur qui porterai-je mes regards ? dit le Seigneur. - Sur celui qui est humble, doux et qui tremble à mes paroles ». (Is. 66, 2).
On trouve chez les Pères deux sortes « d’humilités » : la première consiste à se considérer comme inférieur à tous les hommes, et la seconde à attribuer à Dieu tous ses exploits.

La Vierge possédait aussi ces « humilités ». Tous ses exploits, toutes ses vertus, elle les a attribués à Dieu et non à elle-même et à ses propres forces. C’est pourquoi elle a pu dire que Dieu AVAIT REGARDE SUR L’HUMILITE DE SA SERVANTE, attribuant ainsi la merveille à Dieu et non à elle-même. Dieu a regardé son humble servante et non pas elle son Dieu :

- Dieu m’a fait miséricorde, moi, je n’ai rien demandé, car que suis-je devant son oeuvre immen­se, devant son grand mystère ? Humble et inconnue, me voici appelée à coopérer à l’accomplissement de l’Economie ineffable.

En vérité, on s’étonne, on a le vertige, quand on pense à l’extrême humilité de la Mère de Dieu. Elle qui a porté dans son sein virginal, le Verbe Dieu qui porte l’univers ; elle qui a été la vraie Mère de Dieu et la Souveraine de toutes les créatu­res visibles et invisibles, s’est appelée SERVANTE DE DIEU. Servante en sa condition humaine de créature de Dieu, comme le dit le psalmiste : « Toutes les créatures Te servent. » (Ps. 118, 91) ; mais aussi par son humilité grande et extrême. Son humilité a été à la mesure de sa grandeur et de sa magnificence ; par son humilité, elle a trouvé grâce devant Dieu, selon Sirach : « Plus tu es grand, plus sois humble en toutes choses, et tu trouveras grâce devant Dieu. » (Ecclésiaste 3, 18).

Sébaste de Trébizonde écrit, sur l’humilité de la Vierge : « La jeune et pure Vierge, qui se rappelait le glissement et la chute des protoplastes, œuvre de Lucifer, pensant en elle-même que celui qui s’élève sera abaissé, et que celui qui s’abaisse sera élevé, s’était tout entière livrée à cette vertu de l’humilité. Aucune autre vertu ne pouvait provoquer l’extrême abaissement de Dieu, comme l’a fait cette humilité pratiquée avec intelligence et discernement et à laquelle elle avait uni toutes les autres, elles aussi nécessaires ; mais ce n’est que celle-ci qu’elle a mis en avant, en disant : IL A REGARDE SUR L’HUMILITE DE SA SERVANTE… En effet, c’est une Mère humble que le Très-Haut voulait pour s’abaisser jusqu’à prendre la forme du serviteur, se faire obéissant jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la Croix. Pour cet abaissement sublime, Dieu l’a élevé au-dessus de tout le crée, comme l’Apôtre le dit : Dieu lui a donné tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. »

Pour son humilité exemplaire, la Vierge a été digne de devenir la Mère de Dieu, supérieure et au-dessus de toute la créature visible et spirituel­le, seconde cause du salut universel.

L’humilité pure et authentique, consiste à considérer comme poussière et sans valeur, une chose précieuse et rare, dont on pourrait tirer orgueil et vanité… (Saint Isaac. Sent. 20).

Certains théologiens disent que c’est par grande humilité, que la Vierge n’a pas révélé à Joseph son époux le message de l’Archange Gabriel, bien qu’il fût dans l’embarras en la voyant enceinte et ne sachant comment la renvoyer.
Pour ne pas tomber dans l’orgueil et la vanité, elle a caché sa gestation sans semence et virginale, et a laissé à Dieu, le soin d’informer d’En-Haut son époux. Dieu devait, en effet, envoyer son Ange divin.

Vois, ô lecteur, combien la Vierge a aimé l’humilité ; elle a préféré à l’orgueil l’épreuve et le soupçon d’adultère. Elle savait, la toute-pleine de sagesse, que : « celui qui est humble, ne chute jamais… et que l’humilité était la demeure où l’Esprit aimait se reposer… » (Saint Macaire le Grand Homélie 19).

Où sont les chrétiens et les moines qui, pour avoir reçu de Dieu un don naturel ou spirituel s’enflent d’orgueil et s’élèvent ? Qu’ils imitent Marie la Vierge, qu’ils prennent chez elle des leçons d’humilité, chez elle qui a amassé, en son âme, la totalité des dons faits par Dieu à toutes les créatures terrestres et célestes, chez elle qui a su s’humilier et se considérer comme la dernière de tous.

Ceux qui après avoir reçu le don de contrition, des larmes, de la prière pure, du jeûne, de la pauvreté, s’enflent d’orgueil en pensant posséder une chose extraordinaire, ressemblent aux nouveaux riches, hier encore pauvres, qui tirent grand orgueil de leurs sous, lèvent haut leur front, traversent les places publiques, en se haussant sur la pointe des pieds, afin de montrer les signes extérieurs de leurs richesses.

Le sage Sirach, qui détestait ce genre d’homme, disait : « Mon âme déteste trois choses : le pauvre orgueilleux, le riche menteur, le vieillard adultère. » (Sir. 25, 2). Que ces hommes sachent, tant qu’ils ne seront pas entrés dans la cité de l’humilité, même s’ils jouissent de la trêve des passions, même s’ils possèdent un charisme, ne doivent pas en tirer de la vanité, car le diable cherche à les précipiter dans l’abîme, selon l’avertissement de saint Isaac : « tant que tu n’es pas entré dans la cité de l’humilité, attends-toi à ce que l’ennemi t’attaque. Ne sois pas sûr de toi, même quand les passions ne t’importunent plus, car après la trêve, l’ennemi t’assiégera et te troublera. » (Homélie 24). Saint Jean Chrysostome disait aussi : « Rien n’égale l’humilité ; c’est par elle que Jésus a commencé ses béatitudes. Elle est comme le fondement et le faîte d’un grand édifice ; Jésus la place au premier rang, parce que sans elle, personne ne pourra être sauvé. » (Homélie 33, in Jean).

VOICI QUE DESORMAIS TOUTES LES GENERATIONS
M’APPELLERONT BIENHEUREUSE

Théodoret de Cyr dit que la Mère de Dieu a participé au charisme prophétique de son Fils Jésus, le Maître de tous les prophètes, comme Anne avait participé au charisme de son fils Samuel, et Elisabeth à celui de son fils Jean le Baptiste.

La Mère de Dieu, a été plus prophète que Mariam la sœur de Moyse, plus que Déborah (Juges 4, 4), plus qu’Hulda (4 Rois 22, 14), plus qu’Anne (1 Rois 2, 1), plus qu’Elisabeth et que toutes les femmes de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui ont reçu de Dieu le don de prophétie. Isaïe, qui a prophétisé la Conception sans semence du Fils de la Vierge, l’a clairement appelée PROPHETESSE : « Je m’étais approché de la Prophétesse ; elle conçut et elle enfanta un Fils. » (Is. 8, 3).

Saint Basile, le Grand, qui a commente ce passage écrit : « Que la Prophétesse de laquelle Isaïe s’approcha, soit bien Marie, personne ne le contestera, si on se souvient des paroles prophétiques qu’elle a prononcées. Qu’a-t-elle dit ? Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit est ravi de joie en Dieu, mon Sauveur ; parce qu’il a regardé l’humilité de sa servante, voici que désormais toutes les générations m’appelleront bienheureuse. Si tu fais bien attention à ces paroles, tu n’hésiteras pas à l’appeler Prophétesse, car l’Esprit du Seigneur est descendu sur elle et la force du Très-Haut l’a couverte de son ombre. »

Ces paroles de la Prophétesse des prophétesses, de la Vierge Bienheureuse, sont une vraie prophétie qui s’accomplit tous les jours.

A Elisabeth, qui a appelé Bienheureuse la Vierge : « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de tout ce que le Seigneur avait dit », (Luc 1, 45), la Mère de Dieu semble lui répondre et lui dire : Ô Elisabeth, seras-tu la seule à m’appeler Bienheu­reuse et riche de toutes sortes de biens ?

Pour saint Grégoire de Nysse, « La béatitude c’est la possession de tous les biens », pour saint Jean Chrysostome aussi : « Quand on dit béatitude, on entend tous les biens ». « Oui, je serai appelée bien­heureuse, non par une ou deux ou trois personnes, mais par toutes les générations, dans toutes les nations, sans exception, qui croiront en Christ qui va naître de moi sans semence, par Lui je deviendrai Bienheureuse. »

En vérité, cette prophétie de la Bienheureuse Vierge, s’est jadis réalisée, se réalise chaque jour, et se réalisera de génération en génération, jusqu’à la fin du monde. Elle s’est accomplie, cette prophétie, quand la femme amie de Dieu, dont l’Evangéliste Luc a parlé, qui entendant Jésus prêcher l’Evangile du Royaume de Dieu, émue par sa douce doctrine, éleva la voix au milieu de la foule et proclama bienheureux le sein de la Mère de Dieu, qui avait porté un tel Fils. Elle proclama bienheureuses les mamelles virginales qui avaient allaité le Maître Céleste : « Pendant que Jésus parlait, une femme éleva la voix dans la foule et dit: bienheureux le ventre qui t’a porté et les mamelles qui t’ont allaité. » (Luc 11, 27).

En entendant ces paroles, le Fils et Seigneur répondit : « Tu l’as dit, bienheureux en vérité, le sein qui m’a porté et heureuses les mamelles qui m’ont allaité… »

Cette prophétie de la Vierge s’accomplit chaque jour. Toutes les générations de chrétiens, aux quatre coins du monde, toutes les familles des Nations croyantes, dans toutes les saintes églises du Christ, au cours des offices, d’une seule bouche, d’un seul cœur, proclament BIENHEUREUSE la Mère de Dieu. Ne chantent-elles pas, ces générations, d’une seule voix (disant cela, mon cœur bondit de joie et chante secrètement) : « Nous te proclamons bienheureuse Mère de Dieu et Vierge, et te magnifions comme il se doit », ou encore : « Toutes les générations, nous te proclamons bienheureuse, ô Vierge Mère de Dieu », et bien d’autres louanges offertes à la Majesté de la Mère de Dieu et en particulier, l’hymne angélique, apportée et chantée à la Sainte Montagne, par l’Archange Gabriel, dans le Kellion de la Mère de Dieu : « II est digne en vérité de te célébrer, toi qui enfantas Dieu. Bienheureuse à jamais, très pure et mère de notre Dieu… »
Oui, cette hymne est chantée devant les Saintes Icônes de la Mère de Dieu, ou encore récitée par tous les chrétiens orthodoxes, même par les enfants, avec beaucoup de joie et de piété. Dans toutes les églises de Dieu, au cours des liturgies sacrées, des matines, des compiles, etc., la Vierge, la Mère de Dieu est proclamée BIENHEUREUSE à jamais.

Dans les cieux également, tous les bienheureux la proclament BIENHEUREUSE et la glorifient, selon le psalmiste qui a dit : « Les peuples te confes­seront dans les siècles des siècles. » Ces paroles s’a­dressent à la Mère de Dieu. « Vois-tu, écrit saint. Grégoire Palamas, toutes les créatures confessent la Mère de Dieu, dans le temps présent et aussi à jamais, dans les siècles des siècles… »

Et toi chrétien, si tu veux que s’accomplisse en toi la prophétie de la Mère de Dieu, si tu veux que le monde t’appelle heureux, proclame souvent BIENHEUREUSE la Vierge, louange-la par des hymnes, surtout par celle révélée et chantée par l’Archange Gabriel : « II est digne en vérité… » Car si le Fils de la Mère de Dieu glorifie ceux qui Le glorifient, selon sa promesse rapportée par le Premier Livre des Rois, en 2, 3 : « Je glorifierai ceux qui me glorifient », de même, sa Mère proclame heureux, tous ceux qui, chaque jour, la disent avec piété BIENHEUREUSE.

Il est vraiment juste et digne que tous les chrétiens hommes, femmes, jeunes, vieillards, tous les âges, proclament BIENHEUREUSE la Mère de Dieu et béatifient Jésus-Christ son Fils, notre Sauveur, notre Rédempteur, selon David qui a dit : « Toutes les nations le diront BIENHEUREUX… » (Ps.71, 18).

La Mère de Dieu est aussi la Grand-Mère et la Mère des chrétiens, parce que son Fils est appelé notre Père par Isaïe : « Père du siècle à venir », (Is. 9, 6), Mère, parce que son Fils s’est dit notre frère : « Va dire à mes frères… » (Jean 20, 17). Chaque chrétien est donc petit-fils et fils de la Mère de Dieu, qu’il doit proclamer BIENHEUREUSE comme sa Grand-Mère et Mère, selon la Grâce. Comme Grand-Mère, elle dépasse en amour et en compassion, toutes les grand-mères naturelles, et comme Mère, elle dépasse en tendresse et en miséricorde, toutes les mères selon la chair.

Si Léa, la femme de Jacob, a été appelée Bienheu­reuse, pour avoir enfanté Aser, si les femmes de cette époque l’ont appelée bienheureuse, pour avoir été la mère d’un simple mortel : « Léa dit : Que je suis heureuse, car toutes les femmes m’appelleront bienheureuse » (Genèse 30, 13), combien infiniment plus, Marie la Vierge, doit-elle être appelée BIENHEUREUSE, elle qui a mis au monde le Seul qui soit BIENHEUREUX, le Dieu Tout-Puissant, comme Paul l’affirme dans sa lettre à Timothée : « …jusqu’à l’apparition de notre Seigneur Jésus-Christ le BIENHEUREUX et seul souverain. » (I Tim. 6, 15).

Non pas les femmes seules, mais aussi les hommes, doivent appeler BIENHEUREUSE la Vierge, car elle a été la Mère du Fils Unique de Dieu. Salomon a prophétisé dans le Cantique des Cantiques, la béatification de la Vierge, quand il a écrit : « Une seule est ma colombe, ma parfaite… Les jeunes filles la voient et la disent BIENHEUREUSE, les reines et les concubines aussi, et elles la louangent ». (Cant. 6, 8).
Salomon appelle reines, les âmes des saints parvenus à la sainteté, et qui, dans leurs homélies et leurs louanges ont, d’une seule voix, appelé BIENHEUREUSE la Mère de Dieu, comme saint Germain qui a écrit : « Ô Vierge épouse de Dieu, nous te bénissons dans la foi, nous te proclamons Bienheureuse à jamais et te magnifions. Heureux, en vérité, parmi les hommes, ton père, heureuse ta mère, heureuse ta maison, heureux tes amis, heureux ceux qui t’ont vue, heureux ceux qui t’ont parlé, heureux ceux qui t’ont servie, heureux le Temple où tu es entrée, heureux Zacharie qui t’a reçue dans ses bras, heureux Joseph qui t’a épousée, heureuse ta couche, heureux ton tombeau. Tu es l’honneur de ceux qui t’honorent, la gloire de ceux qui te glorifient, tu es la cime des cimes… » (Homélie sur l’Entrée de la Vierge au Temple).

Si selon ce saint, heureux sont ceux qui ont simplement vu ou servi la Mère de Dieu, combien plus heureux seront ceux qui, sans jamais se lasser, la chantent et la disent BIENHEUREUSE.

Saint Marc d’Ephèse, dans la 3ème Ode du 2ème Canon de la Dormition, dit : « Heureux ceux qui habitent ta maison, ils te loueront dans les siècles des siècles. Heureux ceux qui te contemplent sur ton Icône, qui brille dans la splendeur de la Grâce que tu leur transmets, ô Vierge toujours vivante. »

CAR IL A FAIT EN MOI DE GRANDES CHOSES, CELUI QUI EST PUISSANT

Ces paroles révèlent, une fois de plus, la grande humilité de la Mère de Dieu. Elle a dit, plus haut, qu’elle serait appelée BIENHEUREUSE, par toute les générations, non parce qu’elle se croyait digne de cette béatitude, mais parce que DIEU A FAIT DE GRANDES CHOSES en elle. Ce que Sirach dit de Dieu : « Qui scrutera tes grandeurs ? » (18, 3), nous le disons, par admiration, de Marie, la Mère de Dieu. En effet, celui qui veut scruter les grandeurs de la Mère de Dieu, est pris de vertige. Sa langue, fût-elle la plus éloquente, la plus talentueuse, reste sans voix devant ses grandeurs, qui dépassent l’esprit et subjuguent la raison.

Vraiment, Dieu a fait de grandes choses en la Mère de Dieu. Dans sa prescience éternelle, II l’a connue et à l’avance l’a destinée, à être, selon la chair, la Mère de son Fils Unique. Il l’a choisie, dans tout le genre humain, après la transgression d’Adam, parmi tous les Justes qui ont brillé avant la Loi, sous la Loi et après la Loi, et que nous appelons Ancêtres du Christ. C’est parmi eux que le Christ a choisi sa Mère toute sainte et toujours vierge, elle seule parmi toutes les générations. Et je m’explique par un exemple. L’esprit de vin, quand il est alambiqué 90 fois, devient si pur, si subtil, qu’il se répand immédiate­ment dans l’air, dès que le flacon qui le contient est ouvert. Dieu, artiste incomparable, a fait la même chose : après avoir créé notre nature, il l’a distillée soixante dix sept fois, purifiant ainsi, le sang de générations entières de justes et de saints, jusqu’à la Mère de Dieu, notre Souve­raine, l’élue des élus, la juste parmi les justes, la sainte parmi les saints, qui devait L’enfanter selon la chair. En effet, depuis Adam jusqu’au Christ, on compte, d’après la généalogie de Luc, soixante-dix-sept générations. Saint Basile, expli­quant le passage de l’Ecriture où il est dit : « Lamech sera vengé soixante-dix-sept fois », (Genèse 4, 24), dit : « Compte les générations, à partir d’Adam jusqu’à la venue du Christ, et tu verras le Seigneur naître dans la soixante-dix-septième, selon la généalogie établie par Luc. »
A cette distillation, à cette purification du sang humain, ont été ajoutées, pour la Vierge, en leur plénitude, la Grâce et la sanctification. Pure d’âme et de corps, la Souveraine et Mère de Dieu, devait dépasser en pureté, les Anges Incorporels eux-mêmes, comme l’atteste Grégoire Palamas, dans la deuxième homélie sur l’Entrée de la Mère de Dieu au Temple.

Ezéchiel a prophétisé la pureté et l’impassibilité du corps virginal : « Et voici, la gloire du Dieu d’Israël s’avançait de l’Orient (c’est-à-dire la Vierge)… et la terre (le corps de la Vierge) resplendissait tout autour de sa gloire… » (43, 2).

Oui, le Seigneur a fait de Grandes Choses, en la Mère de Dieu. C’est sur la promesse apportée par l’Ange à Anne la stérile, que la Vierge a été conçue, et c’est fort justement, que les théologiens ont dit, qu’elle avait été sanctifiée dès le sein de sa mère.

Oui, Dieu a fait, pour la Mère de Dieu, et pour elle seule, une chose vraiment extraordinaire et grande : dans l’Ancien Testament, on trouve beaucoup de femmes stériles, qui ont enfanté sur une promesse et mis au monde des enfants : Rébecca, la mère de Samson, Anne, la femme d’Elkana, mais toutes ont enfanté des garçons et non des filles. Seule, dans l’Ancien Testament, Anne, mère stérile et aïeule de Dieu, a mis au monde une fille.

Oui, Dieu a fait en la Mère de Dieu des choses singulières et vraiment grandes. Dès l’âge de trois ans, Il l’a retirée de ce monde, l’a enlevée à l’affection de ses parents, pour l’introduire dans le Saint des Saints, là où le Grand-Prêtre n’entrait qu’une fois l’an. Là, elle a vécu douze ans, nourrie et instruite par un Ange.

En elle, Dieu a fait des choses magnifiques. Il l’a montrée pleine de Grâce, pleine de toute la Grâce divine : « Salut ! pleine de Grâce », lui avait dit l’Archange Gabriel. Elle est appelée Pleine de Grâce, dit saint Athanase le Grand, parce qu’elle a été comblée de tous les charismes du Saint-Esprit. D’autres docteurs, et ils sont fort nombreux, ont appelé la Mère de Dieu, Mère de tous les charismes. Saint Grégoire Palamas l’appelle Pleine de Grâces, parce que Dieu l’a transfigurée (1ère Homélie sur l’Entrée), pour saint Jean Chrysostome, la plénitude de la Grâce a été inférieure à celle de son Fils, car, pour lui, la Mère a reçu de la surabondance de son Fils, « nous avons tous reçu de sa plénitude, grâce sur grâce… » (Jean 1, 16).

Certains théologiens, divisent en trois temps, la plénitude de la Grâce, reçue par la Mère de Dieu.

1° Avant la naissance du Verbe Dieu.
2° Lors de la naissance de celui-ci.
3° Après la Résurrection et l’Ascension du Verbe.

Le premier temps a été grand, le second très grand, et le troisième plus que grand. Je dirai que la merveille la plus grande, faite par Dieu en la Vierge, c’est de lui avoir donné de concevoir, par le Saint-Esprit, dans son sein plus que pur, le Verbe de Dieu Théarchique, sures­sentiel, enhypostasié, Fils Unique du Père sans commencement.
Pendant neuf mois, elle L’a porté en elle, et sans fatigue, Celui qui porte toute la création ; puis, sans tache, sans souillure, d’une manière qui dépasse l’intelligence, elle a mis au monde Celui par Qui tout a été fait.

Dieu a fait des choses grandes et surnaturelles, en la Mère de Dieu : Il l’a ornée de trois étoiles scintillantes, de trois privilèges jamais donnés à aucune autre femme au monde : être Vierge avant l’enfantement, Vierge pendant l’enfantement, et Vierge après l’enfantement, autrement dit d’être Vierge à jamais.

Le IIIème Concile Œcuménique, l’a proclamée Vierge avant, pendant, et après l’enfantement. Le VIème Concile Œcuménique, appelé In-Trullo, l’a égale­ment proclamée Vierge ; Basile le Grand, qui a commenté la prophétie d’Isaïe : « Voici, la Vierge concevra dans son sein… », écrit « que l’Emmanuel est sorti de la Vierge Sainte, de celle qui a dit : comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? Oui, la Vierge n’a pas été soumise à la purification imposée par la Loi, qui veut que la femme, selon le Lévitique, qui sera ensemen­cée et qui enfantera un fils, soit impure pendant sept jours. La Vierge, devenue sans semence, la Mère de l’Emmanuel, a été pure, sainte, et sans tache ; même après la maternité, elle est restée Vierge. »

Les iconographes symbolisent dans leur art, et montrent la gloire de la Vierge, en peignant sur son Icône sacrée, trois étoiles : une sur sa tête très pure et virginale, une sur l’épaule droite, et une autre sur l’épaule gauche, indiquant par là, que la Mère de Dieu, notre Souveraine, a été Vierge avant, pendant et après l’enfantement.

Je ne dirai rien des « grandes choses » que Dieu a données à la Vierge après sa mort, car Il ne l’a pas simplement transférée au ciel, mais Il l’a ressuscitée, Il a réuni son âme sans tache à son corps qui avait porté Dieu, et c’est avec son corps qu’elle est montée au ciel, pour régner avec son Fils et Dieu. La foule des théologiens révèle et confirme, en un accord parfait, cette merveille. Saint Jean Damascène, dans sa 3ème Homélie sur la Dormition, dit que « comme l’or dans le creuset, la Mère de Dieu devait déposer dans la mort, l’épaisseur terne et terrestre de la mortali­té, et ressusciter du tombeau, rayonnante dans l’éclat de la chair incorruptible et pure. Aujourd’hui, elle reçoit de Celui qui lui avait donné le commen­cement de la première vie, le commencement de la vie nouvelle. » Qu’est-ce que cette vie nouvelle, cette existence nouvelle, si ce n’est la résurrection ?

Saint Grégoire Palamas, dans son Homélie sur la Dormition, dit très clairement, qu’« Elle seule maintenant, se trouve dans les lieux célestes, avec son corps glorifié par Dieu, en compagnie de son Fils. La terre, le tombeau, la mort, ne pouvaient retenir jusqu’à la fin, son corps principe de vie qui porta Dieu, et qui, plus que le ciel, plus que le ciel des cieux, et tout ce qui se trouve au-dessus, fut le séjour bien-aimé du Dieu du ciel… Ce corps qui avait conçu librement, a été glorifié d’une gloire digne de Dieu, avec Celui qu’il avait enfanté. Selon le chant prophétique, cette Arche de la Sainteté, est ressuscitée avec le Christ, Lui-même ressuscité auparavant, après trois jours passés dans le tombeau. Les linceuls et les bandelettes, abandonnés dans le sépulcre, furent pour les disciples, la preuve de sa résurrec­tion des morts ; ils les trouvèrent, quand ils vinrent la chercher, comme ils avaient trouvé le linceul et les bandelettes de son Fils et Maître.
Pourquoi serait-elle restée davantage sur la terre et ne serait-elle pas passée, aussitôt, du tombeau dans les cieux, comme son Fils et Dieu… ? »

Marc d’Ephèse, dans la IXème Ode du VIIème ton, module ce chant :

Que la Toute-Pure soit magnifiée,
Que la Toute-Bienheureuse, soit dignement proclamée bienheureuse.
Comme Mère du Seigneur,
Elle meurt et ressuscite, affirmant la résurrection finale que nous espérons !

Et dans la VIème Ode du VIIIème Canon :

La Mère de la Vie, accueille la mort ;
Déposée dans le sépulcre,
Elle ressuscite en gloire, après trois jours,
Pour régner avec son Fils,
Et prier pour le pardon de nos fautes !

Théodore le Studite, apporte aussi son témoignage : « Par sa Dormition, la Mère de Dieu, a été digne de renaître et de revivre, c’est-à-dire de ressusciter ! »

Cosma le Mélode, dans un tropaire de son canon de la Dormition, chante : « Avec ton Fils, ô Toute-Pure, tu es ressuscitée pour l’éternité. »

Dans certains Horologes, on lit à propos de la Mère de Dieu, que « les disciples, stupéfaits devant le miracle, au lieu de crier Seigneur aie pitié ! s’écrièrent : Mère de Dieu Toute-Sainte, viens à notre aide. N’ayant pas trouvé dans le sépulcre son corps tout-saint, ils furent convaincus, qu’en vérité, elle était vivante avec son corps, que comme son Fils elle était ressuscitée des morts, puis enlevée au ciel, pour régner avec le Christ, aux siècles des siècles ! »

Comment énumérer toutes les Grande Choses que Dieu a faites pour la Toujours Vierge ? Elles sont infinies en nombre et en grandeur. Si tous ceux qui ont été sauvés, par son enfantement sans semence, formaient une seule bouche, une seule louange, ils ne pourraient les énumérer ni les chanter comme il convient. Que dis-je ? Les Anges du ciel eux-mêmes, les ordres premiers et supérieurs des Chérubins et des Séraphins, ne peuvent énumérer ni célébrer les grandeurs de la Mère de Dieu, qui sont au-dessus de toute intelligence ; ils n’osent, non pas pénétrer, mais même jeter un regard sur les propylées, malgré leur grand désir et leur grand amour qui les dévo­rent. Pierre le Coryphée l’affirme : «…Pour vous, ils étaient les dispensateurs de ces mystères, que vous ont annoncés maintenant ceux qui vous ont prêché l’Evangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel, et dans lesquels (mystères) les Anges désirent plonger leurs regards. » (1 Pierre 1, 12) ; et André de Crète s’écrie : « Mère de Dieu, tu es la magnifi­cence de l’Economie redoutable de Dieu, où les Anges désirent plonger leurs regards. » (Homélie sur la Dormition).

De ces magnificences indicibles et de la dignité de la Mère de Dieu, saint Jean Chrysostome disait : « Rien ici-bas, ne saurait être comparé à Marie la Mère de Dieu. Homme, parcours en esprit, toute la création, et vois s’il y a quelque chose qui égale ou soit plus grand que la Vierge la Mère de Dieu.
Fouille la terre, parcours la mer, examine l’air, visite par ta pensée les deux, te souvenant des puissances invisibles, et vois s’il y a, dans toute la création, une autre merveille qu’Elle. » (Homélie sur la Vierge Sainte).

Ô Mariam plus que douce, quelle est cette passion qui brûle en moi pour toi ? Je ne puis m’arrêter de chanter tes merveilles ! Plus je les chante, plus j’ai envie de les chanter ; mon amour augmente sans cesse, insatiable est mon désir. Aussi vais-je encore et toujours te célébrer.

Ô Mère de Dieu, tes grandeurs sont si merveilleuses, que ceux qui pratiquent les sciences et les arts, se font un honneur de les louanger, chacun à sa manière.

Pour les Grammairiens, tu es, après ton Fils, l’Alpha et l’Oméga, le commencement des prodiges de Dieu et la fin de ses dogmes.

Pour les Logiciens, tu es le moyen-terme de leurs syllogismes.

Pour les Rhéteurs, tu es l’être vivant et complexe, l’épilogue et la récapitulation de toutes les vertus, possédées par toutes les créatures ensemble, célestes et terrestres.

Pour les Arithméticiens, tu es l’enrichissement de leurs analogies, car le rapport qui existe entre le Père céleste et le Christ, entre toi sa Mère terrestre et le Christ, est le même.

Pour les Géomètres, tu es le cercle immense, tu as contenu, en effet, dans ton sein très pur, le Triangle parfait : la Sainte Trinité incontenable et suressentielle, car tu as été la Mère de l’Une des Saintes Hypostases. Tu es aussi pour eux, le Centre, en qui le Verbe, le grand Artiste, l’Euclide spirituel, a posé la pointe de son compas, pour tracer le cercle magistral de l’Economie de l’Incarnation.

Pour les Musiciens et les chantres sacrés, tu es le Conservatoire supérieur, l’Accord parfait à sept voix, la Lyre harmonique, car tu as porté dans ton sein, puis tenu dans tes bras très purs, l’Une des Cordes divines, et le chant que tu as modulé, a rempli de douceur la terre et les cieux.

Pour les Astronomes, tu es la Voûte où scintillent des étoiles sans nombre : les dons lumineux du Saint-Esprit, qu’on ne saurait compter. Tu es aussi, pour eux, la Lune d’argent lumineuse, car comme la pleine lune qui éclaire les corps capables de recevoir ses émanations, tu combles et enrichis les Orthodoxes, par le rayonnement de tes dons de Mère de Dieu.

Tu es aussi leur Pléiade, leur Poussinière, le lien qui unit sept étoiles, selon les anciens, et plus de quarante selon les modernes, comme Galilée qui les a vues au télescope. Pour les Orthodoxes, tu es aussi la Poussinière tendre, qui rassemble ses poussins et les garde sous ses ailes.

Pour les Moralistes, tu es, après Dieu, le Bien suprême, le bonheur total.
Pour les Opticiens, tu es le Télescope merveilleux, qui a permis de découvrir le Conseil secret et pré-éternel de Dieu, et pour nous les Chrétiens, tu es le télescope perfectionné, qui permet de scruter les mystères cachés de Dieu.

Pour les Ingénieurs, tu es le Point d’appui efficace, sur lequel Dieu, le plus ingénieux des Archimède et le plus grand des architectes, a appuyé son levier pour soulever toute la terre et tout le ciel, pour les mener de la corruption à l’incorrupti­bilité, du changement à l’immutabilité.

Pour les Naturalistes, tu es le Miracle des miracles surnaturels, car en partant des lois et des règles de la nature, ils ne peuvent saisir ton mystè­re : comment tu as pu rester Vierge, pendant et après ton enfantement, comment ton corps a-t-il pu contenir un autre corps, sans subir d’altéra­tion, comment Dieu s’est fait chair, comment l’Infini s’est limité, car pour la raison naturelle, tout cela est impossible.

Pour les Métaphysiciens, tu es une Vérité abstraite et théorique, une Fin divine, la Perfection des perfections.

Pour les initiés aux Saintes Ecritures, tu es l’Acros­tiche de tous les Prophètes, la Table des deux Alliances, la Substance des Apôtres, la Matière des Pères et des Docteurs, l’Affermissement des Martyrs, l’Audace des Saints, le Maître de la prière, l’Exhortation à l’humilité, le Modèle vivant du double amour, l’Image de la beauté originelle, la Merveille des Anges, la Statue de la nature sculptée par Dieu, l’Imitation inimitable de Dieu, la Matière vierge de l’Incarnation du Verbe, la Manifestation des abîmes de l’incompréhensibilité divine, l’Ouvroir de l’Union des deux natures en Christ, et pour tout dire avec les théologiens, tu es la Frontière entre le Créateur et Sa créature, plus vénérable que les Chérubins et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins, Dieu après Dieu, venant après la Sainte Trinité.

Entends-tu, lecteur ? La Mère de Dieu dit que le Seigneur est Tout-Puissant : « Il a fait en moi de grandes choses Celui qui est puissant ». Elle dit cela, pour que l’on ne puisse penser que Dieu est impuissant à faire de « grandes choses », pour montrer que l’union en une seule Hypostase ou Personne, de deux natures, la divine et l’humaine, infiniment éloignées l’une de l’autre, sans confusion ni altération, avec la volonté et les énergies propres à chacune d’elles, ne pouvait être l’œuvre que de la Toute-Puissance de Dieu.

Commentant le verset du psaume 44, « Ceins ton glaive sur ta cuisse, toi le puissant », saint Basile le Grand dit : « La preuve de la Toute-Puissance, c’est Dieu dans la nature humaine ; car ni la création du ciel et de la terre, ni la genèse de la mer, de l’air, des grands éléments, ni ce qui est supra-cosmique ou infernal n’ont manifesté autant la puissance du Verbe Dieu, que ne l’a fait l’Economie de son Incarnation, de son Abaissement dans l’humilité et la faiblesse humaines… »

Si pour de grandes choses faites par Dieu à David, (Ps. 70, 20), celui-ci a été dans l’admiration et l’étonnement, il était juste que la Vierge fut, plus encore que lui, émerveillée et étonnée, pour toutes les choses grandes, innombrables et surnaturelles, dont le Seigneur l’avait comblée.
Peut-être David, dans ce psaume, appelle-t-il prophétiquement « siennes », les « grandes choses » que Dieu devait donner au Christ, qui allait naître de sa descendance selon la chair, et par lui à sa Mère toujours Vierge ?

Sirach a dit que les ancêtres avaient vu une grandeur glorieuse : « Leurs yeux ont vu la grandeur de gloire », (Siracide 15, 13). Nous pouvons aussi, dire cela de la Vierge, car ses yeux n’ont pas vu une seule grande chose, au Singulier, comme les Ancêtres, mais les grandeurs, au pluriel, de la gloire, car Elle a dépassé les Ancêtres, les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs, les Saints, en un mot tous les Justes, de même que les Anges et les Archanges, les chœurs des Puissances célestes, selon une mesure non pas comparative mais superlative.

Dieu qui, au commencement, a créé la lumière primordiale répandue sur tout l’univers, ensuite le disque solaire où il a condensé toute cette lumière, a aussi condensé, dans la Vierge, les dons et les « grandes choses », réparties entre ses créatures intellectives, sensibles, célestes et terrestres, faisant d’elle un monde qui fut l’ornement des mondes sensibles et spirituels selon Grégoire Palamas.

Mais pourquoi parler davantage ? Cette partie de la Vierge n’est qu’une partie d’un infini que ni le ciel et la terre ne peuvent contenir. Elle est un immense océan que les esprits angéliques et humains réunis ne pourront jamais épuiser. Sa hauteur est infranchissable, sa profondeur insondable, sa longueur immesurable et sa largeur incalculable.

Vois-tu chrétien, vois-tu les grandeurs, les magnificences, les gloires, les dignités de la Vierge ? Si tu veux en profiter, honore la Vierge par une vie pure, sage et vertueuse, selon ce qui a été dit : « La grandeur de la vertu, c’est de magnifier celui qui la magnifie. »

Glorifie donc la Mère de Dieu, glorifie-la par des hymnes et des louanges dignes d’elle. Chante et exalte ses grandeurs, avec piété, amour et contrition, et surtout par la garde des commandements de son Fils. Si tu fais cela, la Vierge te donnera en partage ses grandeurs, ses magnificences. Comme le trésorier d’un roi terrestre qui ne garde pas les trésors pour lui-même mais les distribue à ceux qui en ont besoin, de même la Vierge, trésorier et gardien de tous les trésors, de tous les dons de Dieu le Roi Céleste, ne les garde pas pour elle seule, mais les distribue et les partage avec toutes les créatures célestes et terrestres, angéliques et humaines.

Grégoire Palamas a dit que la Vierge « a été la première à recevoir la plénitude de Celui qui remplit tout, et qu’elle la distribuait, à son tour, en tant que trésorière et dispensatrice de la richesse divine, selon la mesure de la pureté de chacun. » (1ère Homélie sur l’Entrée de la Vierge au Temple).

ET SON NOM EST SAINT

Par ces paroles, la Mère de Dieu répond à l’avance à ceux qui allaient se demander, comment Dieu a pu s’incarner, dans le sein d’une femme ; elle leur dit, en substance, « Ne vous laissez pas troubler par cette pensée, n’allez pas croire que le Dieu très pur, a pu se souiller en se laissant concevoir dans un sein de femme : il reste saint et immaculé.
Sa présence sanctifie et purifie tout. Son nom est saint et il ne saurait être profané. « Je ne laisserai pas profaner mon nom. » (Ezéchiel 39, 7). Si le seul Nom de Dieu est saint, son Hypostase plus-que-divine l’est bien plus encore, elle qui a pris la nature humaine dans le sein de la Vierge. Comme le soleil sensible qui éclaire des lieux divers sans être souillé par eux, mais au contraire les purifie de leurs souillures, de même le soleil de Justice a sanctifié, purifié le sein de la Vierge où Il a pris chair ; car, si selon la parole de Gabriel, le Saint Esprit est venu sur la Vierge et que la Puissance du Très Haut l’a couverte de son ombre, c’est d’une part, pour sanctifier son corps, de l’autre, pour la rendre capable de porter l’Enfant du salut. Voici ce que dit saint Athanase : « La Vierge a été remplie de Puissance et d’Esprit Saint, pour la sanctification de son corps et la conception de l’Enfant du Salut. Ce n’est pas en puissance ou en œuvre, mais en son Hypostase plus-que-divine, au-delà de tout commencement, que le Fils de Dieu, dans la plénitude de la divinité, a pris chair en elle et s’est fait homme. » Saint Cyrille de Jérusalem, dit lui aussi, la même chose : « En venant sur la Vierge, le Saint Esprit l’a sanctifiée. »

Peut-être, la Vierge a-t-elle voulu dire aussi par ces paroles, que par elle, le nom du Seigneur serait saint parmi les hommes, que par elle et par le Christ qui allait naître d’elle, le Nom de Dieu serait glorifié dans le monde entier, selon la Prophétie de Malachie : « Depuis le lever du soleil jusqu’au coucher, mon Nom sera glorifié par les nations » (Malachie 1,11).

Et toi chrétien, si tu veux que le Nom de Dieu soit sanctifié par toi, comme tu le demandes dans la prière dominicale : « Que ton Nom soit sanctifié » (Matthieu 6, 9), chasse loin de toi les pensées impures et honteuses, qui sont une abomination aux yeux de Dieu, car la « pensée impie est une abomination pour le Seigneur » (Proverbes 15, 27). Efforce-toi, fais-toi violence, pour que les pensées de ton coeur soient pures, simples, innocentes, saintes. Veille à ne pas écouter et à ne pas dire des paroles honteuses, mais des paroles saintes et divines, comme cela convient aux chrétiens. « Que l’impudicité, qu’aucune espèce d’impureté, que la cupidité, ne soient pas même nommées parmi vous, ainsi qu’il convient à des saints. Qu’on n’entende ni paroles déshonnêtes, ni propos insensés, ni plaisante­ries, choses qui sont contraires à la bienséance » dit l’Apôtre Paul. (Ephésiens 5, 3).

Efforce-toi, par-dessus tout, de garder ton corps pur et innocent, évitant l’impudicité, l’adultère et toute impureté, parce que Dieu veut ta sanctifi­cation, abstiens-toi donc de l’impudicité, dit le même Apôtre Paul, (I Thessaloniciens 4, 4).

Et comme personne, sans la sanctification du corps ne peut voir le Seigneur, Paul recommande de « chercher la paix avec tous et la sanctification, sans lesquelles personne ne verra Dieu. » (Hébreux 12, 14).

Ô chrétien, deviens saint et le Nom du Seigneur Dieu sera sanctifié.

ET SA MISERICORDE S’ETEND D’AGE EN AGE SUR CEUX QUI LE CRAIGNENT.

Par ces paroles, la Vierge dit que la Miséricorde de Dieu n’a pas été donnée à elle seule, mais aussi à tous ceux qui Le craignent.

- Si j’ai mis au monde le Fils de Dieu, s’il a pris de moi une chair animée, raisonnable, volontaire, libre, s’il L’a unie à son Hypostase, c’est pour répandre la richesse de sa Miséricorde, sur les générations des hommes qui Le craindront et croiront en Lui.

Donc, ceux qui craignent Dieu, qui par la pénitence arrivent à la crainte, obtiennent miséricorde.Bien que Miséricorde divine, elle n’est donnée qu’à ceux qui en sont dignes et non à ceux qui ne le sont pas. Si la Miséricorde était donnée aux indignes, tous les pécheurs impénitents seraient alors sauvés et non châtiés, ce qui serait contraire à la justice, et Dieu serait injuste.

Commentant le psaume 60, qui commence par le verset : « Aie pitié de moi car je suis faible », saint Jean Chrysostome écrit : « Nous avons tous besoin de la miséricorde, mais nous ne sommes pas tous dignes d’être pris en pitié. La miséricorde n’est donnée qu’à celui qui en est digne. Celui qui aura fait quelque chose, qui mérite miséricorde, pourra dire : Aie pitié de moi ! Celui qui de lui-même s’en sera exclu, dira en vain : aie pitié de moi ! Si la mi­séricorde devait s’étendre à tous les hommes, per­sonne ne serait châtié ; mais la miséricorde agit avec discernement, cherchant celui qui est digne et disposé à la recevoir. »

Origène dit aussi : « Le Seigneur fait miséricorde avec justice, parce qu’il est miséricordieux et juste » (Ps. II, 4, 5).

Ainsi donc, la miséricorde est donnée avec justice et non pas tout simplement et n’importe comment. A Moyse Dieu a dit : « Je fais miséricorde à qui je fais miséricorde », (Exode 33, 19). Et aussi : « Je suis le Seigneur ton Dieu ; je fais miséricorde jus­qu’à mille générations (et non pas tout simplement) à ceux qui m’aiment et qui gardent mes comman­dements. » (Exode 20, 6). Et David : « Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sa bonté est grande pour ceux (non pas pour tous) qui Le craignent. » (Ps. 102, 11).

La Mère de Dieu a bien dit, que la miséricorde de Dieu était donnée d’âge en âge, de génération en génération, tout d’abord à la génération des Juifs, puis à celle des Gentils, qui devaient croire en Christ ; à la génération de ce siècle et à celle du siècle à venir, car ceux qui craignent Dieu, qui font pénitence, obtiennent miséricorde et reçoivent la rémission de leurs péchés dans ce monde, et la vie éternelle dans l’autre ; il leur est fait miséricorde et la vie éternelle leur est donnée en héritage.

Ces paroles de la Vierge, conviennent à toi lecteur. Si tu veux que Dieu te fasse miséricorde et pardonne tes péchés, tu dois Le craindre comme Dieu redoutable, comme Dieu juste, comme Dieu « qui peut détruire l’âme et le corps dans la géhenne », comme Lui-Même nous l’a dit. C’est dans cette crainte que tu dois faire pénitence, pleurer tes péchés et ne pas les répéter. La parole de la Mère de Dieu est claire : « Et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui Le craignent ». Celui qui veut acheter du parfum, prépare d’abord un flacon avant d’aller chez le parfumeur ; de même celui qui veut recevoir de Dieu la Miséricorde, doit préparer son âme à la recevoir. Si nous n’avons pas de flacon, c’est-à-dire une âme préparée, la Miséri­corde ne nous sera pas donnée. Le flacon, c’est la crainte de Dieu, c’est l’espérance que nous mettons en Lui, c’est la pénitence et le renonce­ment au péché, c’est le deuil, c’est la contrition, les larmes.
Saint Basile le Grand dit que la « disposition de l’homme, sert de mesure à la miséricorde de Dieu, et que Dieu la remplit autant qu’elle peut contenir ». (Commentaire du Psaume 32).

Et Hésychius : « Celui qui n’a pas pitié de lui-même, comment sera-t-il pris en pitié par le Juge ? Souviens-toi de la réponse de saint Antoine à celui qui lui demandait de prier pour lui : « ni moi, ni Dieu te feront miséricorde, si toi-même n’a pas pitié de toi. »

Qui que tu sois, sache que si tu ne te repens pas, que si, comme le porc, tu te vautres dans la fange du péché, tu n’obtiendras pas miséricorde. Dieu ne prend pas en pitié, le chrétien qui librement et consciemment, accomplit le péché, et ce faisant, empoisonne et tue son âme.

Sache, ô pécheur mon compagnon, que si tu n’abandonnes pas la pratique du péché, que si tu ne prends pas conscience du mal que tu te fais, que si tu ne te confesses pas à ton père spirituel, le Dieu qui t’a créé, ne te prendra pas en pitié. C’est Lui qui l’affirme, par Isaïe son Prophète : « C’était un peuple sans intelligence ; aussi Celui qui l’a crée n’a point eu pitié de lui, Celui qui l’a formé ne lui a pas fait grâce. » (Isaïe 27, 11).

Si tu crois obtenir la miséricorde de Dieu, en continuant à pécher et sans faire pénitence, sache que tu espères en vain, que le mensonge te sert de consolation, que pour toi s’accomplira ce que le Prophète Isaïe a dit : « Nous avons fait du mensonge notre espérance, sous le menson­ge, nous nous sommes abrités. » (Isaïe 28, 15).

IL A DEPLOYE LA FORCE DE SON BRAS ET IL A DISPERSE CEUX QUI AVAIENT DANS LEUR CŒUR DES PENSEES ORGUEILLEUSES.

Le Bras du Père c’est le Fils. Il est sa Puissance. C’est dans le bras et la main, que se trouve la force de l’homme, surtout de l’homme qui lutte et travaille. Paul l’a clairement dit : « Le Christ c’est la force de Dieu. » (I Cor. 1, 24). A propos du BRAS, Moyse a dit, de la part de Dieu : « Je vous délivrerai par mon bras élevé. » (Exode 6, 6). Et Job : « Comme tu sais bien venir en aide à la faiblesse, ton Bras n’est-Il pas fort ? » (Job. 26, 2). Et Isaïe : « A qui le Bras du Seigneur a-t-il été révélé ? » (Isaïe 53, 1).

Dieu le Père, dit en somme la Mère de Dieu, a déployé sa Force, sa Puissance et Il a vaincu les Lois de la nature, en son Fils.

- Comment ? De quelle manière les lois de la nature ont-elles été vaincues ?
- Par le Fils Incorporel qui s’est incarné en moi la Vierge et que j’ai conçu sans semence. Dieu se fait homme pour que l’homme soit fait Dieu. Vraiment, par le Bras de Dieu, Bras Fort, Bras Tout-Puissant, Bras Elevé, par Lui seul, la victoire a été remportée et les lois de la nature vaincues.
Les ORGUEILLEUX, dont parle ici la Mère de Dieu, sont les démons, les démons qui sont tombés du ciel avec le diable leur prince, à cause de leur orgueil. Sous les traits du roi de Babylone, Isaïe nous a parlé d’eux : « Tu as dit dans ton coeur, je monterai au ciel et je serai semblable au Très-Haut. » (Isaïe 14, 13).
Ces démons impurs, Dieu les a dispersés, Il les a expulsés du cœur des hommes, envoyant les uns dans l’abîme et permettant, aux autres, d’entrer dans des porcs.

« Pour nous, dit Grégoire de Néo-Césarée, le Seigneur a déployé sa Force contre la mort et contre le diable, et Il a déchiré la créance de nos péchés. Il a dispersé le diable lui-même, dont le cœur était rempli d’orgueil, qui voulait dresser son trône au-dessus des cieux et se faire l’égal de Dieu. » (Homélie sur l’Annonciation).

Par ORGUEILLEUX, on entend aussi les Juifs, qui ont refusé de recevoir le Christ et de croire en Lui. Par permission divine, ils ont été dispersés, par les armées romaines, loin de Jérusalem, comme les Prophètes, surtout Ezéchiel, l’avaient annoncé : « Je les disperserai sur toute la terre » (Ezéchiel 11, 16).

Un commentateur anonyme dit que les ORGUEILLEUX, sont les sages païens, qui, pour n’avoir pas accepté la folie, apparente, de la prédication Evangélique, ont été dispersés loin de la vraie connaissance de Dieu, et sont restés dans l’erreur et l’ignorance.

Toi donc, chrétien, qui ne veut pas être dispersé par Dieu comme orgueilleux, et ne pas être abandonné aux malheurs, écoute le conseil du juste Tobie à son fils Tobias : « Toi, mon enfant, ne sois pas orgueilleux dans ton cœur ». (Tob. 4, 13). Autrement dit, sois attentif, prends garde à n’être pas orgueilleux dans ton cœur, dans ta pensée, te croyant meilleur que les autres, ou plus sage que tes frères, sinon malheur à toi, car le Prophète a dit : « Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux. » (Isaïe 5, 21).

Dieu a divisé les langues des Géants orgueilleux et les a dispersés sur toute la terre, parce qu’ils voulaient, dans leur orgueil, construire une tour, dont le sommet toucherait le ciel : « Allons ! Bâtis­sons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom… et le Seigneur les dispersa loin de la surface de la terre. » (Exode 11, 4) ; Dieu dis-je, te dispersera aussi, Il dispersera tes os et ta force, si tu es orgueilleux et si tu cherches à plaire aux hommes. « Dieu dispersera les os de ceux qui cherchent à plaire aux hommes » (Ps. 52, 7). Dieu agit en toute justice ; tous ceux qui font le mal sont dispersés et reçoivent des châtiments temporels et éternels, car David dit aussi : « Si tous ceux qui font le mal fleurissent, c’est pour être anéantis à jamais. » (Ps. 91, 9).

Comment Dieu qui est Juste, n’anéantirait-il pas les orgueilleux qui font le Mal ? L’orgueil est le premier et le plus grand des péchés : « Le com­mencement du péché, c’est l’orgueil. » (Siracide 10, 13) et Cyrille d’Alexandrie ajoute : « Nombreuses sont les passions de notre âme, et une des plus absurdes, des plus insupportables, que Dieu Lui-Même combat, c’est l’orgueil. »

IL A DEPOSE LES PUISSANTS DE LEURS TRONES ET IL A ELEVE
LES PETITS.

La très sage et très éloquente Vierge, qui emploie ici des figures de rhétorique, ne le fait pas à dessein, loin de nous une telle pensée ! L’étude de cet art, eût été chose insignifiante, sans intérêt, indigne de sa majesté de Mère de Dieu. Elle fait cela inconsciemment, guidée par la trame et la composition de son Ode.
Si pour Photios le Grand, le critique, il y a dans les Epîtres de saint Paul, beaucoup de figures de rhétorique, qui sont automatiques, quoi d’éton­nant qu’on en trouve chez la Mère de Dieu, dans la composition de son Ode ; Elle qui portait dans son sein, Celui qui est la Sagesse même et la cause de toute rhétorique ?

Dans ce verset, la Vierge use de figures opposées, qui donnent à son discours de la force et de la beauté. Elle oppose « déposition » et « élévation », « puissants » et « petits ».

Par « puissants », la Vierge entend les démons, qui avaient maltraité la pauvre humanité, et qui avaient fait des âmes, des trônes sur lesquels ils s’étaient assis.

Dieu a fait miséricorde à ses créatures, en desti­tuant, en déposant les démons et en brisant leur tyrannie. En se faisant Homme, dans le sein de la Mère de Dieu, Dieu a détruit les démons, les a chassés de leurs trônes qui étaient les âmes humaines, et Il a élevé les petits, humi­liés et dominés par le diable et le péché. C’est Pierre le Coryphée qui a dit cela à Corneille : « …vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée… Jésus de Nazareth, qui allait de lieu en lieu, faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l’empire du diable… » (Actes 10, 37).

- Comment a-t-il élevé les petits et les humbles ?
- En les faisant renaître par le saint Baptême et en les faisant enfants de Dieu par la Grâce.

Les « Puissants », sont aussi les scribes et les Docteurs de la Loi, qui s’emparaient, en puissants et en tyrans qu’ils étaient, des biens des pauvres et dévoraient les maisons des veuves et des orphelins. Le Seigneur leur adressait ce reproche : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous dévorez les maisons des veuves. » (Matthieu 23, 14).

Ils avaient pour trônes, les chaires de l’enseigne­ment, où ils s’asseyaient pour enseigner et être honorés comme docteurs : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moyse… » (Matthieu 23, 2).

Le Seigneur, qui a précipité du haut de leurs trônes les scribes et les pharisiens, a aussi dépossé­dé de leur royaume, et dispersé dans toutes les nations, ceux des Juifs qui ont refusé de Le reconnaître comme Christ et Roi des rois.

Le trône est le symbole de la Royauté. C’est David qui le dit : « Là (dans Jérusalem) sont les trônes (c’est-à-dire les rois) pour le jugement, ces trônes de la maison de David. » (Ps. 121, 3). Les petits, les humbles, sont les nations qui ont cru en Christ qui l’ont reconnu comme Maître et Roi et qu’il a élevés aux plus grands honneurs, jusqu’à en faire « des rois et des prêtres pour Dieu son Père. » (Apocalypse 1, 6).

Cette parole te concerne aussi, frère chrétien, toi dont le cœur a été le trône du péché et du diable « Puissant ». Ton baptême a chassé et détrôné le diable, le « Puissant », et a mis à sa place la Grâce. Saint Diadoque de Photicé disait :


« J’ai appris par les Saintes Ecritures et par l’expérience de mon âme, que Satan se nichait dans les profondeurs de l’âme, qu’il en bouchait toutes les issues. J’ai aussi appris, que la Grâce appelait l’âme au bien, de l’extérieur, que le baptême chassait le démon et permettait à la Grâce de pénétrer en nous… » (Chapitre 66).

Frère, veille à ne pas laisser ton cœur redevenir par tes mauvaises pensées, tes mauvaises paroles, tes œuvres perverses, le trône du péché et de l’ennemi. L’esprit impur a l’habitude, après avoir été chassé par le baptême, de tout mettre en œuvre, pour reprendre sa place, c’est-à-dire le cœur, s’il le trouve, vide de toute vertu, sans activité spirituelle ; il y revient et c’est alors que le dernier état de « cet homme est, pire que le premier », comme le Seigneur l’a dit. (Matthieu 12, 43).

Si tu veux, frère bien-aimé, que ton cœur soit le trône de la Grâce divine et de la vertu, et non celui du péché et du diable, aie pour occupa­tion permanente la méditation spirituelle dans ton cœur. Ne permets pas à l’ennemi, de converser avec toi, à l’intérieur de ton cœur, par ses pensées honteuses, blasphématoires et mauvaises. Rassemble ton esprit dans ton cœur, qu’il y répète la prière brève : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi. » en retenant, quelque peu, ton souffle. Le Nom saint et redouta­ble de Jésus-Christ, invoqué sans cesse dans ton cœur, comme une épée à double tranchant, taillera en pièces les démons. « Par le Nom de Jésus, frappe tes adversaires », disait Jean le Climaque. Le Nom de Jésus consume les passions, disperse les mauvaises pensées, purifie et sanctifie l’âme, et en fait le trône de la Grâce divine, la demeure de la Sainte Trinité. « Quand la Grâce s’est emparée de tous les pâturages du cœur, dit Macaire le Grand, elle règne sur toutes les pensées. Regarde bien, pour voir si la Grâce y a bien écrit les lois de l’Esprit. »

- Où ?
- Mais dans l’organe souverain, le trône de la Grâce, où sont l’esprit et toutes les pensées, c’est-à-dire le cœur. N’oublie jamais, que ton cœur doit être le trône que de la seule Grâce divine et non celui de l’iniquité. Si pour Paul l’Apôtre, la Lumière et les ténèbres, le Christ et Bélial, sont incompatibles, de même sont incompatibles, le trône de la Grâce et celui du péché. C’est pourquoi David suppliait Dieu pour que les « méchants ne le fassent pas siéger sur leur trône. » (Ps. 93, 20).

L’Esprit Saint te demande de ne donner ton cœur qu’à Lui seul : « Mon fils donne-moi ton cœur ». (Proverbes 23, 26). Sois donc comme une sentinelle, veille sur ton cœur, l’Esprit te le recommande : « Garde ton coeur, plus que tout autre chose, car de lui viennent les sources de la vie. » (Proverbes 4, 23).

IL A RASSASIE DE BIENS LES AFFAMES ET IL A RENVOYE LES RICHES LES MAINS VIDES

Ici, la Vierge emploie, comme dans le verset précédent, des figures opposées : « affamés » et « riches », « rassasiés » et « mains vides ». Les pauvres sont, pour Elle, les païens qui avaient faim, non pas de pain matériel, mais de pain spirituel, de la parole de Dieu. « La Parole de Dieu, c’est le Pain dont se nourrissent les âmes affamées », disait saint Grégoire le Théologien. Les païens n’avaient pas la Loi écrite, les Commandements, les Prophètes, les Prêtres, la Connaissance de Dieu, les Promesses.
Ils vivaient en « athées » dans le monde. « Souvenez-vous, dit l’Apôtre Paul, que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux al­liances de la Promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. » (Ephésiens 11, 11).

Les « riches » sont, pour la Mère de Dieu, les Juifs, riches de la Loi, des Prophètes, des Prêtres, de la Connaissance de Dieu.

- Qu’est-ce que Dieu a fait à ces deux peuples opposés ?
- Il a rassasié de biens, a comblé de Grâce, les païens affamés de biens spirituels, et les « riches », c’est à dire les Juifs, Il les a renvoyés de la Jérusalem terrestre et de la Jérusalem céleste, les mains vides de tout bien.
- Pour quelle raison ?
- En toute justice. Bien qu’ils n’aient pas vu le Christ, avec leurs yeux corporels, les païens ont cru en Lui et L’ont reçu, sur la simple prédi­cation de l’Evangile par les Apôtres ; ils ont été justifiés par la foi et sauvés. Tandis que les Juifs, qui avaient vu, physiquement, le Christ, qui avaient entendu de sa propre bouche son enseignement, ne l’ont pas reçu, n’ont pas cru en Lui, et se sont ainsi exclus eux-mêmes des Promesses faites à leurs Pères, se sont privés des biens spirituels et matériels. « Que dirons-nous donc, s’écrie Paul, les païens qui ne cher­chaient pas la Justice, ont obtenu la Justice, la Justice qui vient de la Foi, tandis qu’Israël qui cherchait une loi de Justice, n’est pas parvenu à cette Loi. » (Romains 9, 30). Ce que la Vierge dit ici, rappelle les paroles de David : « Les riches se sont appauvris et ont eu faim, mais ceux qui cherchent le Seigneur, ne manquent d’aucun bien. » (Ps. 33, 10).

Pour David aussi, les riches sont les Juifs, et ceux qui cherchent le Seigneur, sont les païens. Toi aussi, frère en Christ, toi que Dieu a comblé de richesses, par ses dons spirituels, qui a été fait enfant de Dieu, selon la Grâce, héritier de Dieu et de son Royaume céleste, héritier avec le Christ, (Romains 8, 17), prends soin de ces biens et de ces dons.

- Comment ?
- En étant humble, en te considérant indigne, en évitant le péché, en te repentant quand tu chutes, étant homme faible, en ne tirant aucune fierté de ton argent : « Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse » (Jérémie 9, 23), qu’elle soit matérielle ou spirituelle ; en travaillant à ton salut, avec crainte et tremblement, (Ephésiens 2, 12). Ainsi tu garderas la richesse et les charismes, que Dieu t’a donnés, restant humble, et te jugeant toi-même. Pour les Pères, l’humilité garde, en toute sécurité, les fruits des vertus, contre les démons, voleurs spirituels, toujours prêts à cambrioler.

Si pour ta richesse spirituelle donnée par Dieu, tu tombes dans l’orgueil, sache que tu seras renvoyé les « mains vides ». Dieu a pour habitude, Dieu a pour Loi, d’enrichir les pauvres et les humbles, et d’appauvrir les riches et les orgueil­leux. Anne la Prophétesse, l’a clairement dit : « Le Seigneur enrichit et appauvrit. » (I Rois 2, 7).
Si tu tombes dans l’orgueil, tu perdras ta richesse spirituelle et matérielle ; Dieu soufflera sur les biens que tu tiens dans tes mains : « Vous comptiez sur beaucoup, et voici vous avez peu ; vous l’avez rentré chez vous, mais j’ai soufflé dessus. » (Aggée 1, 9).
IL A PRIS SOUS SA PROTECTION ISRAËL SON ENFANT, SE RESSOUVENANT DE SA MISERI­CORDE, SELON LA PROMESSE QU’IL AVAIT DONNEE A NOS PERES, A ABRAHAM ET A SA RACE POUR TOUJOURS.

La vérité est le fondement principal, le propre des paroles de Dieu : « Le fondement de ta parole est la vérité », a dit le psalmiste, (Ps. 118, 160). Dieu qui est véridique en son être et en son essence, l’est également dans ses paroles : « Que Dieu, soit au contraire, reconnu pour vrai, dit Paul, et tout homme pour menteur ». (Romains 3, 4). Et David : « Le Seigneur est fidèle (véridique) en toutes choses. » (Ps. 145, 13). Dieu est si loin du mensonge, qu’il châtie les menteurs : « Tu fais périr les menteurs. » (Ps. 5, 6).

Par les paroles ci-dessus, la Vierge dit que Dieu est véridique, fidèle, tant dans ses messages que dans ses promesses, donnés d’abord à Abraham, ensuite à Isaac et à Jacob. Dieu n’a pu mentir dans la promesse donnée à Abraham avec serment : « Dieu intervint par un serment, afin que par deux choses immuables (promesse et serment) dans lesquelles il est impossible que Dieu mente, nous trouvions un puissant encouragement… » (Hébreux 6, 17).

- Quelle est la promesse faite par Dieu à Abra­ham ?
- En ta semence, toutes les nations de la terre seront bénies. (Genèse 26, 4).
- Quelle était donc cette semence, cette postérité en laquelle toutes les nations seraient bénies ?
- C’était le Christ.
- Qui l’affirme ?
- L’Apôtre Paul : « Les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité : il n’est pas dit aux postérités, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais en tant qu’il s’agissait d’une seule : à ta postérité, c’est-à-dire le Christ. » (Galates 3, 16). Puisque cette postérité d’Abraham était déjà conçue dans le sein de la Vierge Pure, et que toutes les nations allaient être bénies, la Mère de Dieu dit, dans le verset ci-dessus, que Dieu a pris sous sa protection Israël son enfant, c’est-à-dire Jacob, qu’il s’est souvenu de lui faire miséricorde, selon la promesse qu’il avait donnée à ses pères : Abraham et à sa postérité : Isaac et Jacob ou Israël et aussi David. Cette parole de la Vierge est la même que celle de son ancêtre David : « II s’est souvenu de sa bonté envers Jacob et de sa vérité envers la maison d’Israël. » (Ps. 97, 3). Par Israël, la Mère de Dieu, entend l’Israël concret, le peuple Juif, parce que des myriades de Juifs ont cru au Christ, et ont abandonné le pesant fardeau de ta Loi, pour se mettre sous le joug léger de l’Evangile. Ces Juifs ont formé l’Israël spirituel, car ISRAËL signifie « intellect qui voit Dieu ». Par Israël, la Mère de Dieu, entend également, le peuple des chrétiens venus du paganisme, convertis au Christ, qui forment le vrai Israël, « l’intellect qui voit Dieu ». C’est cet Israël « qui voit Dieu », que Dieu a pris sous sa protection, dans l’Economie de l’Incarnation, et a fait digne d’hériter du Royau­me des Cieux.

Par ce dernier verset, la Mère de Dieu, a achevé et scellé cette Ode prophétique et toutes les odes des Prophètes. La fin de la Loi et des Prophètes, c’était la venue du Fils de Dieu, qui a pris chair dans la Vierge, accomplissement de l’Annonce, de la Promesse faite à Abraham et à sa postérité.

Ici, il faut noter, que la Vierge utilise encore une figure de rhétorique, appelée parenthèse ou hyperbate, parce que « POUR TOUJOURS » n’est pas lié « A SA RACE », mais à « SE RESSOU­VENANT DE SA MISERICORDE », la phrase « SE­LON LA PAROLE QU’IL AVAIT DONNEE A NOS PERES, A ABRAHAM ET A SA RACE », indique le moyen, comme on peut le voir dans de nombreux manuscrits.

La Mère de Dieu, dit en somme, que Dieu s’est ressouvenu de sa miséricorde, de sa promesse de donner à Abraham et à sa postérité « POUR TOUJOURS », c’est-à-dire pour l’éternité, une miséricorde éternelle, miséricorde qui est le CHRIST, et dont Dieu a dit par Isaïe : « Dans un amour éternel, je te ferai miséricorde » (Isaïe 54, 8) et aussi : « Je t’ai abandonné pour un instant, mais je te ferai miséricorde avec une bonté infinie. » (Isaïe 57, 7).

Et toi, frère chrétien, si tu veux être sous la pro­tection de Dieu, imite Jacob, appelé ensuite Israël, nom qui signifie « esprit qui voit Dieu ». Devient d’a­bord Jacob, en talonnant tes passions, le diable, le péché. Tu y parviendras par la pratique des vertus : le jeûne, les veilles, les prosternations, le coucher sur la terre battue, les prières, et par d’autres ascèses corporelles ; puis tu deviendras Israël, un esprit qui voit Dieu.
- Comment ?
- Par la vertu contemplative. En contemplant les raisons de la création visible et de la création invisible, tu monteras jusqu’à la contemplation du Créateur ; et de la contemplation des raisons et des significations contenues dans la Sainte Ecriture, tu t’élèveras jusqu’à la contemplation de Dieu, qui a parlé dans les Ecritures.

Mais plus rapidement et plus sûrement, tu t’élève­ras par la prière spirituelle du cœur, jusqu’à l’illumination de la grâce divine hypostatique, qui opère dans le cœur ; pour mieux dire, élève-toi, par la grâce, jusqu’à la contemplation directe, jusqu’à la vision de Dieu qui est la plus vraie. Dieu te prendra alors, sous sa protection, Il te fera miséricorde, tu deviendras un vrai Israélite, un enfant de Dieu, comme Jacob surnomme Israël : « Toi Israël, mon enfant Jacob » (Ps. 41, 8). Le mot grec PAIS, employé par la Mère de Dieu, signifie serviteur et aussi enfant, fils. Jacob était serviteur, par sa condition de créature, et par son choix enfant, fils de Dieu par la Grâce : « Israël est mon fils, mon premier-né. » (Exode 4, 22)

Fin et à Dieu Gloire !