jeudi 30 décembre 2010
La Lumière du Thabor n°1. Réflexions sur les offices en Français.
7
REFLEXIONS SUR LA CELEBRATION LITURGIQUE
EN LANGUE FRANCAISE
I. La Langue Liturgique
Une particularité des Offices Orthodoxes est leur double rôle de prière et d’enseignement. L’abondance et la richesse des commentaires contenus dans les textes liturgiques, donnent à ce second aspect une importance qui justifie l’emploi, adopté depuis des siècles, d’une langue nationale dans les célébrations : après quelques années de pratique, aucun fidèle attentif ne peut manquer d’être imprégné du contenu dogmatique de ces textes qui couvre la part la plus importante sinon la totalité de la Foi Orthodoxe.
Toute transmission de la Foi implique précision et rigueur : elle impose au vocabulaire théologique une signification strictement univoque et interdit toute traduction approximative. Il en résulte que « langue liturgique » ne signifie pas « langue vulgaire » : tout art, toute science, toute technique possède un vocabulaire qui lui est propre et que tout praticien se doit d’apprendre pour atteindre la maîtrise de sa discipline et la communiquer. Il en est de même, a fortiori, de la connaissance des choses divines et sacrées. La Révélation nous est parvenue par le canal de deux langues : l’hébreu pour la majeure partie de l’Ancien Testament, le grec pour le Nouveau Testament et tout ce qui, dans les écrits des Saints Pères, a été retenu pour l’usage liturgique.
La langue grecque permet une construction souple des substantifs, des adjectifs et des verbes, qui leur confère une très grande précision. Cette possibilité se retrouve, à des degrés divers, dans les langues slaves et dans les langues germaniques, elle fait fortement défaut aux langues latines, ce qui explique leur recours constant, en science et en médecine, à des mots grecs, parfois créés spécialement à cet effet, pour éviter les longues périphrases ou les accumulations d’épithètes qui permettraient d’exprimer un concept avec la précision nécessaire.
Une première règle à respecter, dans les traductions liturgiques, est donc celle de la précision, qui ne permet, pour tout mot important, ni catachrèse, ni emploi d’un terme au sens vague et flottant. Pratiquement, cela peut se traduire par l’emploi de mots français vieux ou peu usités, mais précis, ou encore par le recours à des néologismes qui sont, soit le mot grec simplement translittéré, de manière à ne pas introduire d’ambiguïté de prononciation, soit une forme « francisée », le plus souvent par la suppression de la désinence, à l’imitation de mots déjà entrés dans la langue. Ce sont ces néologismes qui font l’objet d’un glossaire en préparation, avec référence au mot grec original et aux expressions adoptées en slavon et en roumain, seule langue latine dans laquelle les textes liturgiques aient été traduits sous une forme éprouvée par de longues années de pratique dans une nation orthodoxe.
Une autre règle de traduction est celle de la clarté : les textes, qu’ils soient récités ou chantés, doivent être aussi intelligibles que possible ; or, les textes grecs sont toujours des compositions poétiques où la succession des mots est dominée par les règles prosodiques, et les ambiguïtés évitées par les déclinaisons. En français, l’ordre des mots ne peut être modifié sans entraîner une compréhension plus difficile et même de véritables contresens, éventuellement levés, à la lecture mais non à l’audition, par une orthographe souvent muette. Il faut donc renoncer à une traduction trop littérale, aux inversions et autres figures poétiques : contrairement au vocabulaire qui n’est pas nécessairement celui de la langue courante, la syntaxe doit être aussi conventionnelle que possible, même si cela entraîne la perte du charme littéraire de l’original ; il en est évidemment de même des compositions telles que les acrostiches qui sont fréquents, surtout dans les canons.
Une troisième règle, utile mais moins importante, peut être difficile à concilier avec la précédente : il s’agit, sans nuire à la clarté, de donner aux phrases un certain rythme qui en facilite l’assimilation et la mémorisation.
2. Le chant liturgique
La déclamation grecque est nécessairement chantée, chaque mode poétique étant inséparable d’une forme musicale. Les offices sont donc traditionnellement en grande partie chantés et cette tradition a été respectée dans toutes les langues nationales liturgiques, même utilisées depuis peu (anglais, allemand, néerlandais, japonais…) Selon la nature du texte, plusieurs types de chants sont utilisés, qui vont de la simple lecture à des compositions musicales très élaborées.
La simple lecture concerne habituellement les épîtres, les livres bibliques et les psaumes scripturaires. Même dans ce cas, il convient d’éviter une « diction parlée » qui donne trop de poids à l’interprétation personnelle du lecteur. Les psaumes sont généralement récités recto tono sur une note plus haute que celle de l’expression parlée normale du lecteur. Le même procédé peut être utilisé pour les autres lectures à défaut d’un mode défini (par exemple la montée chromatique en usage dans les églises russes).
Les ecténies et, plus généralement tout dialogue entre choeur et célébrant, ne font le plus souvent intervenir que de courtes formes mélodiques portant sur quelques mots, ce qui ne représente pas de difficultés de principe.
Un problème important se pose, au contraire, à propos des compositions poétiques : tropaires, stichères, hirmos, pour lesquelles il faut pouvoir disposer de formules mélodiques assez variées pour éviter la monotonie, assez souples pour s’adapter à des poèmes de longueur et de structure très différentes et assez peu nombreuses pour pouvoir être retenues facilement par des choristes ne possédant pas toujours, une grande pratique du solfège et de la lecture musicale. Ces conditions débouchent naturellement sur une solution de type modal, ce qui rejoint le point de départ grec mais pose le problème délicat du choix du système modal.
Les modes mélodiques attachés à la forme poétique grecque ne sont pas nécessairement les mieux adaptés à l’interprétation d’une traduction. Cela explique que certains chants slaves, notoirement dérivés des modes « byzantins » aient subi des mutations importantes par rapport à ces derniers, au point que parfois, seule une impression subjective rappelle cette filiation.
La création d’un système modal de huit tons, adaptés à une langue moderne, et conservant même partiellement, les « couleurs » des tons originaux serait une entreprise très difficile, menacée de deux écueils : la médiocrité ou, au contraire, un raffinement musicologique impropre à toute spontanéité d’interprétation. Une telle recherche ne semble pas avoir jamais été abordée de manière systématique ; les langues les plus récemment utilisées dans les célébrations liturgiques orthodoxes (anglais, allemand, japonais) utilisent des adaptations des tons slaves ou « byzantins ».
Le problème serait très différent pour une culture possédant déjà une tradition musicale modale, qu’elle soit profane ou religieuse ; ainsi, pour les pays latins, une solution vient tout naturellement à l’esprit : les modes grégoriens, qui comportent effectivement huit tons dont les couleurs peuvent être rapprochées, approximativement et indépendamment de leur numérotation, des tons byzantins. Leur utilisation sur une autre langue que le latin n’est pas impossible et ces modes sont effectivement d’usage constant depuis plusieurs siècles, dans l’église anglicane en Grande Bretagne et dans l’église épiscopalienne aux Etats-Unis, pour la psalmodie en langue anglaise. Sans entrer dans les discussions actuelles, plus scientifiques que pragmatiques, sur la valeur historique et musicologique de la reconstitution de Solesmes, après interruption de la tradition grégorienne, des difficultés pratiques apparaissent rapidement dans la mise en oeuvre de ces modes. Il faut en effet distinguer deux aspects dans le chant grégorien : la psalmodie qui constitue un système adaptable à tout texte et les hymnes qui sont des compositions inspirées par chaque texte particulier.
Des compositions de type hymnologique peuvent être envisagées pour les hirmos et, peut être, aussi pour les tropaires. Les tons de psalmodie sont conçus uniquement pour les versets des psaumes bibliques qui ne comportent généralement que deux vers et, très exceptionnellement, trois : la formule mélodique de chaque ton comporte donc un incipit, une médiante, une flexe (réduite à une note) et une terminaison. Une telle formule convient, par exemple, aux prokiménons, elle est inutilisable dans le cas, de loin le plus important, des stichères dont chacun ne comporte généralement pas moins de cinq vers : la forme psalmodique grégorienne ne peut être retenue telle quelle sans créer une monotonie rapidement insupportable ; plus grave encore est la rigidité de la forme psalmodique qui ne permet pas de mettre en valeur un mot ou un ensemble de mots dans la phrase. Il serait donc nécessaire de réinventer des modes psalmodiques, assouplis et augmentés de formules mélodiques intercalaires supplémentaires.
Une telle entreprise est possible, et même séduisante pour un compositeur parfaitement familier des règles du Grégorien mais cette solution, qui risque d’être un peu bâtarde, est exposée aux écueils déjà évoqués à propos de la création d’un système modal.
Des solutions hybrides, slave-grégorienne par exemple, ont été expérimentées mais, à l’usage, le grégorien a été progressivement éliminé car le changement de « registre » qu’il introduisait dans l’office créait des ruptures dans sa continuité auxquelles les fidèles se sont révélés de plus en plus sensibles.
Reconnaissons que l’introduction d’un chant byzantin dans un office célébré dans les modes slaves crée également une rupture, peut être moins marquée que le grégorien du fait de leur lointaine parenté, mais assez sensible pour permettre son utilisation à marquer un moment particulier de l’office, par exemple la litie des vêpres.
L’intervention de compositions musicales plus élaborées est logique pour les hymnes dites, en grec, idiomèles, dont la mélodie est extérieure au système modal ; de telles compositions peuvent également se justifier pour certains chants du « commun » des Vigiles, des Grandes Complies ou de la Divine Liturgie, où seuls les Tropaires et le Prokimènon sont propres au jour ou à la fête.
Un certain développement musical est presque indispensable à des moments précis de la Liturgie dans deux cas :
- le premier, quand une grande assistance, ou la présence de nombreux concélébrants retardent la Grande Entrée et prolongent la communion ;
- le second, aux Liturgies de saint Basile, dont le Canon Eucharistique (anaphore et anamnèse) est très long.
En ce qui concerne le dernier cas, il faut en effet rappeler que, en dépit d’une décision conciliaire, l’usage s’est perpétué d’une lecture secrète ou à « voix médiocre » par le prêtre des prières du Canon ; il en résulte une coupure de l’action liturgique, à laquelle peuvent remédier des chants appropriés.
Cette notion de « chant approprié » est essentielle dans tous les cas où une composition musicale peut être introduite : une cérémonie religieuse n’est jamais un concert et, pour cette raison, de telles introductions doivent être rares dans un même office, discrètes dans leur forme et bien intégrées dans le cadre liturgique dont elles sont un raccord et non un intermède.
On ne trouvera dans le répertoire religieux d’expression française et plus généralement celui des pays latins que peu d’exemples à suivre pour atteindre ces objectifs, mis à part les hymnes grégoriennes dont il a déjà été question ; les oeuvres venant des pays de la Réforme seraient éventuellement adaptables, malgré un caractère spécifique qui, comme le Grégorien, risque d’introduire un changement de couleur plus ou moins heureux.
Le répertoire considérable des compositeurs slaves tire son inspiration, des très anciennes traditions locales (Znameny par exemple), mais aussi des influences allemande ou italienne : leur génie musical est bien connu, leur esprit religieux ne fait pas de doute, et pourtant leur exemple n’est pas à suivre sans discernement, car une partie de ces oeuvres sont destinées au concert et non à l’église comme plusieurs d’entre elles le mentionnent explicitement en sous-titre.
La difficulté de la composition musicale dans le cadre des offices orthodoxes n’est donc pas propre à la seule langue française mais celle-ci apporte, par ses particularités phonétiques, une complication supplémentaire qui affecte toute forme de chant et qui est assez importante pour justifier un examen particulier.
3. Les problèmes de la phonétique française
Tous les chanteurs professionnels le savent bien : la langue française est difficile à chanter ; pourtant, bien des non-francophones reconnaissent au français parlé une certaine musicalité : ce paradoxe se retrouve effectivement quand on cherche à « mettre en musique » une phrase française en lui conservant sa propre musicalité et il semble que les compositeurs d’opéra aussi bien que ceux des chansonnettes n’aient pas toujours conscience de ce problème.
Quelles sont les particularités de la phonétique française susceptibles de poser des problèmes ?
Il y a d’abord l’accentuation : les mots français sont faiblement accentués et l’accent peut se déplacer de la désinence au radical quand on veut donner au mot un certain relief ; la même particularité s’observe au niveau de la phrase elle-même ; c’est ce jeu des accents, renforcé par l’expression déclamée, qui donne à la phrase le rythme dont nous avons précédemment signalé l’importance dans la traduction. La plupart des poètes sont sensibles à ce rythme, les musiciens ne le respectent pas tous et ont souvent tendance à imposer à un texte donné, le rythme d’une mesure trop régulière.
En ce qui concerne le chant liturgique, nous pensons qu’il faut éviter les notations « mesurées » : c’est le rythme de la phrase qu’il faut suivre, car la primauté doit être au texte, la musique n’en étant que le support. Nous avons encarté dans ces pages une tentative de notation « mesurée » du Notre Père de Rimsky-Korsakoff, très souvent chanté en français sous différentes versions avec un égal manque de rythme : cette notable complication est bien inutile si on prête quelque attention au rythme propre de la phrase1.
Une autre particularité est celle de la durée des syllabes : bien que dans l’élocution courante, la différence ne soit pas toujours perceptible, la langue française comporte des syllabes brèves et des syllabes longues. Il semble évident que toute vocalise sur une brève doit être exclue, bien que ce principe ne soit pas toujours respecté dans la musique vocale française. En revanche, une syllabe longue, principalement celles qui précèdent une syllabe muette, devrait correspondre à la durée de la note pointée, sinon à la durée double : dans les cahiers en usage dans les paroisses du Doyenné français, les notes supportant ces syllabes sont marquées d’un accent et nous préconisons de prendre l’allongement de leur durée sur celle de la syllabe muette qui suit.
La question du « e » muet qui vient d’être évoquée constitue un autre problème phonétique de la langue française : des livres entiers ont été écrits à son sujet ! Ce n’est évidemment pas un son particulièrement musical et il doit, bien entendu, être exempt de toute vocalise ; mais le problème délicat est qu’il existe des « e » muets phonétiquement élidables et d’autres, non élidables ; la frontière n’étant pas facile à définir entre le langage populaire des différentes régions de France où certaines élident pratiquement toutes les syllabes muettes alors que d’autres intercalent au contraire, par euphonie, un « e » entre deux consonnes.
Plus d’un vers de la poésie française ne trouve son équilibre de pieds que par des élisions plus ou moins arbitraires ! Deux éléments peuvent guider le choix entre l’élision et la non-élision dans les cas incertains : le plus important est un critère d’intelligibilité qui permet de ne pas hésiter à conserver un « e » muet, superflu dans l’expression parlée, s’il permet d’éviter une équivoque ou une liaison choquante, le deuxième est l’existence d’une syllabe longue dont l’augmentation de durée au détriment de l’e muet donne à ce dernier sa valeur exacte et permet de donner au mot une certaine emphase.
Une autre lettre pose un problème spécifique : le « i » précédant une autre voyelle, en particulier dans les terminaisons en « tion ». Un tel couple de voyelles n’a pas nécessairement une valeur de diphtongue, en particulier quand le i fait partie du radical, comme dans magnifique ou magnifions ; il devrait être, au contraire, inséparable de la voyelle suivante quand il s’intègre dans une terminaison. Les mots en « tion » apparaissent rarement dans la poésie avant le XIXe siècle ; cette finale semble compter souvent pour deux pieds dans les vers plus récents où elle est moins rare ; elle est pratiquement toujours séparée dans la déclamation lyrique où elle est très fréquente et souvent déplaisante.
La langue parlée rapide ne sépare évidemment pas ces voyelles, même dans les cas les plus légitimes et l’oreille est ainsi plus accoutumée à cette prononciation mais il faut reconnaître que ce son tombant à la fin d’une phrase chantée est assez inesthétique ; c’est pourquoi, pour le chant liturgique, nous préconisons de ne pas couper ces syllabes dans le cours d’une phrase, surtout si elle est dite rapidement, mais de détacher légèrement le « i », en lui donnant la valeur d’une appogiature, quand un tel mot tombe en fin de phrase ou a été isolé, dans le cours d’une phrase, en raison de son importance et de sa signification.
Un exemple typique de cette disposition peut être trouvé dans le cahier du Commun des Vigiles Dominicales en pages 25 et 26, le mot « Résurrection » revient quatre fois dans le tropaire, deux fois suivi d’un complément et deux fois à la fin d’une phrase musicale : dans ces deux derniers cas seulement la syllabe est coupée, la noire notant sa première moitié ayant, à l’exécution, une valeur sensiblement plus brève (ne pas oublier que, dans une notation non mesurée, les valeurs des notes en durée ne sont qu’indicatives). Signalons, dans l’ancien cahier, page 38, pour la Grande Doxologie, un oubli pour le mot « glorifions » où « fi » devrait être noté avec une croche (erreur corrigée dans la nouvelle version, page 35), mais le débit rapide de ce chant le rend pratiquement peu perceptible. Il est inutile de dire que toute vocalise sur de tels « i » est proscrite.
Un dernier problème phonétique est celui des liaisons entre les mots, qui se pose pour le chant aussi bien que pour l’expression parlée. Certaines liaisons sont naturelles, le verbe avec le pronom, le substantif avec l’article ou un adjectif qui le précède (qualificatif, démonstratif, possessif) ; certaines sont un peu moins impératives mais usuelles : entre verbe et adverbe, verbe et complément direct, substantif et adjectif qualificatif qui le suit ; d’autres sont ou deviennent actuellement plus rares : participe passé avec son auxiliaire, verbe et complément direct ; enfin, quelques formes de liaisons sont incertaines. Toute question d’euphonie mise à part, la liaison présente une utilité incontestable : sans elle, la plupart des pluriels français seraient inaudibles. Pourtant, l’usage actuel tend à une réduction considérable du nombre des liaisons dont beaucoup sont considérées comme affectées sinon pédantes, selon le dictionnaire orthographique en usage dans beaucoup d’administrations.
En ce qui concerne le chant, un compromis doit être trouvé entre le caractère antimélodique résultant de liaisons trop rares, et l’intelligibilité réduite, due à des liaisons trop nombreuses. Il convient d’abord de ne pas oublier deux règles qui interdisent une liaison : la virgule (et a fortiori tout autre signe de ponctuation) et ce qu’on peut appeler une liaison retardée qui se présente surtout dans l’expression chantée quand la syllabe susceptible d’être liée au mot suivant est une note longue car ce retard dans la liaison la rend injustifiée et un peu ridicule.
Dans les autres circonstances, le choix est une question d’appréciation assez subjective et peu d’indications ont été données sur ce point dans nos cahiers (sauf quelques élisions d’e muets) mais nous conseillons d’éviter les relations entre mots qui ne sont pas en relation directe et aussi avec certains mots ayant une signification sacrée.
En conclusion, ces réflexions auront atteint leur but si elles ont pu convaincre le lecteur que célébrer en langue française ne consiste pas à débiter des mots français sur une formule mélodique préfabriquée : la phrase doit être aussi compréhensible et rigoureuse que possible, la musique doit mettre en valeur tout son sens et toute sa portée ; cela demande un effort digne du but visé : la glorification de Dieu et la sanctification des fidèles.
Nota : Le Professeur J.J. Bernard, a réalisé une oeuvre considérable et unique. Il a, en effet, composé la musique des Trois Liturgies de l’Eglise Orthodoxe : saint Jean Chrysostome, saint Basile le Grand et celle dite des « Présanctifiés », de même que la musique de tout l’Octoèque, des Fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu… Son travail a été couronné par les « GRAMMATA » Diplôme qui lui a été récemment remis par Mgr l’Archevêque Antoine de Genève. Note de la Rédaction.
REFLEXIONS SUR LA CELEBRATION LITURGIQUE
EN LANGUE FRANCAISE
I. La Langue Liturgique
Une particularité des Offices Orthodoxes est leur double rôle de prière et d’enseignement. L’abondance et la richesse des commentaires contenus dans les textes liturgiques, donnent à ce second aspect une importance qui justifie l’emploi, adopté depuis des siècles, d’une langue nationale dans les célébrations : après quelques années de pratique, aucun fidèle attentif ne peut manquer d’être imprégné du contenu dogmatique de ces textes qui couvre la part la plus importante sinon la totalité de la Foi Orthodoxe.
Toute transmission de la Foi implique précision et rigueur : elle impose au vocabulaire théologique une signification strictement univoque et interdit toute traduction approximative. Il en résulte que « langue liturgique » ne signifie pas « langue vulgaire » : tout art, toute science, toute technique possède un vocabulaire qui lui est propre et que tout praticien se doit d’apprendre pour atteindre la maîtrise de sa discipline et la communiquer. Il en est de même, a fortiori, de la connaissance des choses divines et sacrées. La Révélation nous est parvenue par le canal de deux langues : l’hébreu pour la majeure partie de l’Ancien Testament, le grec pour le Nouveau Testament et tout ce qui, dans les écrits des Saints Pères, a été retenu pour l’usage liturgique.
La langue grecque permet une construction souple des substantifs, des adjectifs et des verbes, qui leur confère une très grande précision. Cette possibilité se retrouve, à des degrés divers, dans les langues slaves et dans les langues germaniques, elle fait fortement défaut aux langues latines, ce qui explique leur recours constant, en science et en médecine, à des mots grecs, parfois créés spécialement à cet effet, pour éviter les longues périphrases ou les accumulations d’épithètes qui permettraient d’exprimer un concept avec la précision nécessaire.
Une première règle à respecter, dans les traductions liturgiques, est donc celle de la précision, qui ne permet, pour tout mot important, ni catachrèse, ni emploi d’un terme au sens vague et flottant. Pratiquement, cela peut se traduire par l’emploi de mots français vieux ou peu usités, mais précis, ou encore par le recours à des néologismes qui sont, soit le mot grec simplement translittéré, de manière à ne pas introduire d’ambiguïté de prononciation, soit une forme « francisée », le plus souvent par la suppression de la désinence, à l’imitation de mots déjà entrés dans la langue. Ce sont ces néologismes qui font l’objet d’un glossaire en préparation, avec référence au mot grec original et aux expressions adoptées en slavon et en roumain, seule langue latine dans laquelle les textes liturgiques aient été traduits sous une forme éprouvée par de longues années de pratique dans une nation orthodoxe.
Une autre règle de traduction est celle de la clarté : les textes, qu’ils soient récités ou chantés, doivent être aussi intelligibles que possible ; or, les textes grecs sont toujours des compositions poétiques où la succession des mots est dominée par les règles prosodiques, et les ambiguïtés évitées par les déclinaisons. En français, l’ordre des mots ne peut être modifié sans entraîner une compréhension plus difficile et même de véritables contresens, éventuellement levés, à la lecture mais non à l’audition, par une orthographe souvent muette. Il faut donc renoncer à une traduction trop littérale, aux inversions et autres figures poétiques : contrairement au vocabulaire qui n’est pas nécessairement celui de la langue courante, la syntaxe doit être aussi conventionnelle que possible, même si cela entraîne la perte du charme littéraire de l’original ; il en est évidemment de même des compositions telles que les acrostiches qui sont fréquents, surtout dans les canons.
Une troisième règle, utile mais moins importante, peut être difficile à concilier avec la précédente : il s’agit, sans nuire à la clarté, de donner aux phrases un certain rythme qui en facilite l’assimilation et la mémorisation.
2. Le chant liturgique
La déclamation grecque est nécessairement chantée, chaque mode poétique étant inséparable d’une forme musicale. Les offices sont donc traditionnellement en grande partie chantés et cette tradition a été respectée dans toutes les langues nationales liturgiques, même utilisées depuis peu (anglais, allemand, néerlandais, japonais…) Selon la nature du texte, plusieurs types de chants sont utilisés, qui vont de la simple lecture à des compositions musicales très élaborées.
La simple lecture concerne habituellement les épîtres, les livres bibliques et les psaumes scripturaires. Même dans ce cas, il convient d’éviter une « diction parlée » qui donne trop de poids à l’interprétation personnelle du lecteur. Les psaumes sont généralement récités recto tono sur une note plus haute que celle de l’expression parlée normale du lecteur. Le même procédé peut être utilisé pour les autres lectures à défaut d’un mode défini (par exemple la montée chromatique en usage dans les églises russes).
Les ecténies et, plus généralement tout dialogue entre choeur et célébrant, ne font le plus souvent intervenir que de courtes formes mélodiques portant sur quelques mots, ce qui ne représente pas de difficultés de principe.
Un problème important se pose, au contraire, à propos des compositions poétiques : tropaires, stichères, hirmos, pour lesquelles il faut pouvoir disposer de formules mélodiques assez variées pour éviter la monotonie, assez souples pour s’adapter à des poèmes de longueur et de structure très différentes et assez peu nombreuses pour pouvoir être retenues facilement par des choristes ne possédant pas toujours, une grande pratique du solfège et de la lecture musicale. Ces conditions débouchent naturellement sur une solution de type modal, ce qui rejoint le point de départ grec mais pose le problème délicat du choix du système modal.
Les modes mélodiques attachés à la forme poétique grecque ne sont pas nécessairement les mieux adaptés à l’interprétation d’une traduction. Cela explique que certains chants slaves, notoirement dérivés des modes « byzantins » aient subi des mutations importantes par rapport à ces derniers, au point que parfois, seule une impression subjective rappelle cette filiation.
La création d’un système modal de huit tons, adaptés à une langue moderne, et conservant même partiellement, les « couleurs » des tons originaux serait une entreprise très difficile, menacée de deux écueils : la médiocrité ou, au contraire, un raffinement musicologique impropre à toute spontanéité d’interprétation. Une telle recherche ne semble pas avoir jamais été abordée de manière systématique ; les langues les plus récemment utilisées dans les célébrations liturgiques orthodoxes (anglais, allemand, japonais) utilisent des adaptations des tons slaves ou « byzantins ».
Le problème serait très différent pour une culture possédant déjà une tradition musicale modale, qu’elle soit profane ou religieuse ; ainsi, pour les pays latins, une solution vient tout naturellement à l’esprit : les modes grégoriens, qui comportent effectivement huit tons dont les couleurs peuvent être rapprochées, approximativement et indépendamment de leur numérotation, des tons byzantins. Leur utilisation sur une autre langue que le latin n’est pas impossible et ces modes sont effectivement d’usage constant depuis plusieurs siècles, dans l’église anglicane en Grande Bretagne et dans l’église épiscopalienne aux Etats-Unis, pour la psalmodie en langue anglaise. Sans entrer dans les discussions actuelles, plus scientifiques que pragmatiques, sur la valeur historique et musicologique de la reconstitution de Solesmes, après interruption de la tradition grégorienne, des difficultés pratiques apparaissent rapidement dans la mise en oeuvre de ces modes. Il faut en effet distinguer deux aspects dans le chant grégorien : la psalmodie qui constitue un système adaptable à tout texte et les hymnes qui sont des compositions inspirées par chaque texte particulier.
Des compositions de type hymnologique peuvent être envisagées pour les hirmos et, peut être, aussi pour les tropaires. Les tons de psalmodie sont conçus uniquement pour les versets des psaumes bibliques qui ne comportent généralement que deux vers et, très exceptionnellement, trois : la formule mélodique de chaque ton comporte donc un incipit, une médiante, une flexe (réduite à une note) et une terminaison. Une telle formule convient, par exemple, aux prokiménons, elle est inutilisable dans le cas, de loin le plus important, des stichères dont chacun ne comporte généralement pas moins de cinq vers : la forme psalmodique grégorienne ne peut être retenue telle quelle sans créer une monotonie rapidement insupportable ; plus grave encore est la rigidité de la forme psalmodique qui ne permet pas de mettre en valeur un mot ou un ensemble de mots dans la phrase. Il serait donc nécessaire de réinventer des modes psalmodiques, assouplis et augmentés de formules mélodiques intercalaires supplémentaires.
Une telle entreprise est possible, et même séduisante pour un compositeur parfaitement familier des règles du Grégorien mais cette solution, qui risque d’être un peu bâtarde, est exposée aux écueils déjà évoqués à propos de la création d’un système modal.
Des solutions hybrides, slave-grégorienne par exemple, ont été expérimentées mais, à l’usage, le grégorien a été progressivement éliminé car le changement de « registre » qu’il introduisait dans l’office créait des ruptures dans sa continuité auxquelles les fidèles se sont révélés de plus en plus sensibles.
Reconnaissons que l’introduction d’un chant byzantin dans un office célébré dans les modes slaves crée également une rupture, peut être moins marquée que le grégorien du fait de leur lointaine parenté, mais assez sensible pour permettre son utilisation à marquer un moment particulier de l’office, par exemple la litie des vêpres.
L’intervention de compositions musicales plus élaborées est logique pour les hymnes dites, en grec, idiomèles, dont la mélodie est extérieure au système modal ; de telles compositions peuvent également se justifier pour certains chants du « commun » des Vigiles, des Grandes Complies ou de la Divine Liturgie, où seuls les Tropaires et le Prokimènon sont propres au jour ou à la fête.
Un certain développement musical est presque indispensable à des moments précis de la Liturgie dans deux cas :
- le premier, quand une grande assistance, ou la présence de nombreux concélébrants retardent la Grande Entrée et prolongent la communion ;
- le second, aux Liturgies de saint Basile, dont le Canon Eucharistique (anaphore et anamnèse) est très long.
En ce qui concerne le dernier cas, il faut en effet rappeler que, en dépit d’une décision conciliaire, l’usage s’est perpétué d’une lecture secrète ou à « voix médiocre » par le prêtre des prières du Canon ; il en résulte une coupure de l’action liturgique, à laquelle peuvent remédier des chants appropriés.
Cette notion de « chant approprié » est essentielle dans tous les cas où une composition musicale peut être introduite : une cérémonie religieuse n’est jamais un concert et, pour cette raison, de telles introductions doivent être rares dans un même office, discrètes dans leur forme et bien intégrées dans le cadre liturgique dont elles sont un raccord et non un intermède.
On ne trouvera dans le répertoire religieux d’expression française et plus généralement celui des pays latins que peu d’exemples à suivre pour atteindre ces objectifs, mis à part les hymnes grégoriennes dont il a déjà été question ; les oeuvres venant des pays de la Réforme seraient éventuellement adaptables, malgré un caractère spécifique qui, comme le Grégorien, risque d’introduire un changement de couleur plus ou moins heureux.
Le répertoire considérable des compositeurs slaves tire son inspiration, des très anciennes traditions locales (Znameny par exemple), mais aussi des influences allemande ou italienne : leur génie musical est bien connu, leur esprit religieux ne fait pas de doute, et pourtant leur exemple n’est pas à suivre sans discernement, car une partie de ces oeuvres sont destinées au concert et non à l’église comme plusieurs d’entre elles le mentionnent explicitement en sous-titre.
La difficulté de la composition musicale dans le cadre des offices orthodoxes n’est donc pas propre à la seule langue française mais celle-ci apporte, par ses particularités phonétiques, une complication supplémentaire qui affecte toute forme de chant et qui est assez importante pour justifier un examen particulier.
3. Les problèmes de la phonétique française
Tous les chanteurs professionnels le savent bien : la langue française est difficile à chanter ; pourtant, bien des non-francophones reconnaissent au français parlé une certaine musicalité : ce paradoxe se retrouve effectivement quand on cherche à « mettre en musique » une phrase française en lui conservant sa propre musicalité et il semble que les compositeurs d’opéra aussi bien que ceux des chansonnettes n’aient pas toujours conscience de ce problème.
Quelles sont les particularités de la phonétique française susceptibles de poser des problèmes ?
Il y a d’abord l’accentuation : les mots français sont faiblement accentués et l’accent peut se déplacer de la désinence au radical quand on veut donner au mot un certain relief ; la même particularité s’observe au niveau de la phrase elle-même ; c’est ce jeu des accents, renforcé par l’expression déclamée, qui donne à la phrase le rythme dont nous avons précédemment signalé l’importance dans la traduction. La plupart des poètes sont sensibles à ce rythme, les musiciens ne le respectent pas tous et ont souvent tendance à imposer à un texte donné, le rythme d’une mesure trop régulière.
En ce qui concerne le chant liturgique, nous pensons qu’il faut éviter les notations « mesurées » : c’est le rythme de la phrase qu’il faut suivre, car la primauté doit être au texte, la musique n’en étant que le support. Nous avons encarté dans ces pages une tentative de notation « mesurée » du Notre Père de Rimsky-Korsakoff, très souvent chanté en français sous différentes versions avec un égal manque de rythme : cette notable complication est bien inutile si on prête quelque attention au rythme propre de la phrase1.
Une autre particularité est celle de la durée des syllabes : bien que dans l’élocution courante, la différence ne soit pas toujours perceptible, la langue française comporte des syllabes brèves et des syllabes longues. Il semble évident que toute vocalise sur une brève doit être exclue, bien que ce principe ne soit pas toujours respecté dans la musique vocale française. En revanche, une syllabe longue, principalement celles qui précèdent une syllabe muette, devrait correspondre à la durée de la note pointée, sinon à la durée double : dans les cahiers en usage dans les paroisses du Doyenné français, les notes supportant ces syllabes sont marquées d’un accent et nous préconisons de prendre l’allongement de leur durée sur celle de la syllabe muette qui suit.
La question du « e » muet qui vient d’être évoquée constitue un autre problème phonétique de la langue française : des livres entiers ont été écrits à son sujet ! Ce n’est évidemment pas un son particulièrement musical et il doit, bien entendu, être exempt de toute vocalise ; mais le problème délicat est qu’il existe des « e » muets phonétiquement élidables et d’autres, non élidables ; la frontière n’étant pas facile à définir entre le langage populaire des différentes régions de France où certaines élident pratiquement toutes les syllabes muettes alors que d’autres intercalent au contraire, par euphonie, un « e » entre deux consonnes.
Plus d’un vers de la poésie française ne trouve son équilibre de pieds que par des élisions plus ou moins arbitraires ! Deux éléments peuvent guider le choix entre l’élision et la non-élision dans les cas incertains : le plus important est un critère d’intelligibilité qui permet de ne pas hésiter à conserver un « e » muet, superflu dans l’expression parlée, s’il permet d’éviter une équivoque ou une liaison choquante, le deuxième est l’existence d’une syllabe longue dont l’augmentation de durée au détriment de l’e muet donne à ce dernier sa valeur exacte et permet de donner au mot une certaine emphase.
Une autre lettre pose un problème spécifique : le « i » précédant une autre voyelle, en particulier dans les terminaisons en « tion ». Un tel couple de voyelles n’a pas nécessairement une valeur de diphtongue, en particulier quand le i fait partie du radical, comme dans magnifique ou magnifions ; il devrait être, au contraire, inséparable de la voyelle suivante quand il s’intègre dans une terminaison. Les mots en « tion » apparaissent rarement dans la poésie avant le XIXe siècle ; cette finale semble compter souvent pour deux pieds dans les vers plus récents où elle est moins rare ; elle est pratiquement toujours séparée dans la déclamation lyrique où elle est très fréquente et souvent déplaisante.
La langue parlée rapide ne sépare évidemment pas ces voyelles, même dans les cas les plus légitimes et l’oreille est ainsi plus accoutumée à cette prononciation mais il faut reconnaître que ce son tombant à la fin d’une phrase chantée est assez inesthétique ; c’est pourquoi, pour le chant liturgique, nous préconisons de ne pas couper ces syllabes dans le cours d’une phrase, surtout si elle est dite rapidement, mais de détacher légèrement le « i », en lui donnant la valeur d’une appogiature, quand un tel mot tombe en fin de phrase ou a été isolé, dans le cours d’une phrase, en raison de son importance et de sa signification.
Un exemple typique de cette disposition peut être trouvé dans le cahier du Commun des Vigiles Dominicales en pages 25 et 26, le mot « Résurrection » revient quatre fois dans le tropaire, deux fois suivi d’un complément et deux fois à la fin d’une phrase musicale : dans ces deux derniers cas seulement la syllabe est coupée, la noire notant sa première moitié ayant, à l’exécution, une valeur sensiblement plus brève (ne pas oublier que, dans une notation non mesurée, les valeurs des notes en durée ne sont qu’indicatives). Signalons, dans l’ancien cahier, page 38, pour la Grande Doxologie, un oubli pour le mot « glorifions » où « fi » devrait être noté avec une croche (erreur corrigée dans la nouvelle version, page 35), mais le débit rapide de ce chant le rend pratiquement peu perceptible. Il est inutile de dire que toute vocalise sur de tels « i » est proscrite.
Un dernier problème phonétique est celui des liaisons entre les mots, qui se pose pour le chant aussi bien que pour l’expression parlée. Certaines liaisons sont naturelles, le verbe avec le pronom, le substantif avec l’article ou un adjectif qui le précède (qualificatif, démonstratif, possessif) ; certaines sont un peu moins impératives mais usuelles : entre verbe et adverbe, verbe et complément direct, substantif et adjectif qualificatif qui le suit ; d’autres sont ou deviennent actuellement plus rares : participe passé avec son auxiliaire, verbe et complément direct ; enfin, quelques formes de liaisons sont incertaines. Toute question d’euphonie mise à part, la liaison présente une utilité incontestable : sans elle, la plupart des pluriels français seraient inaudibles. Pourtant, l’usage actuel tend à une réduction considérable du nombre des liaisons dont beaucoup sont considérées comme affectées sinon pédantes, selon le dictionnaire orthographique en usage dans beaucoup d’administrations.
En ce qui concerne le chant, un compromis doit être trouvé entre le caractère antimélodique résultant de liaisons trop rares, et l’intelligibilité réduite, due à des liaisons trop nombreuses. Il convient d’abord de ne pas oublier deux règles qui interdisent une liaison : la virgule (et a fortiori tout autre signe de ponctuation) et ce qu’on peut appeler une liaison retardée qui se présente surtout dans l’expression chantée quand la syllabe susceptible d’être liée au mot suivant est une note longue car ce retard dans la liaison la rend injustifiée et un peu ridicule.
Dans les autres circonstances, le choix est une question d’appréciation assez subjective et peu d’indications ont été données sur ce point dans nos cahiers (sauf quelques élisions d’e muets) mais nous conseillons d’éviter les relations entre mots qui ne sont pas en relation directe et aussi avec certains mots ayant une signification sacrée.
En conclusion, ces réflexions auront atteint leur but si elles ont pu convaincre le lecteur que célébrer en langue française ne consiste pas à débiter des mots français sur une formule mélodique préfabriquée : la phrase doit être aussi compréhensible et rigoureuse que possible, la musique doit mettre en valeur tout son sens et toute sa portée ; cela demande un effort digne du but visé : la glorification de Dieu et la sanctification des fidèles.
Nota : Le Professeur J.J. Bernard, a réalisé une oeuvre considérable et unique. Il a, en effet, composé la musique des Trois Liturgies de l’Eglise Orthodoxe : saint Jean Chrysostome, saint Basile le Grand et celle dite des « Présanctifiés », de même que la musique de tout l’Octoèque, des Fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu… Son travail a été couronné par les « GRAMMATA » Diplôme qui lui a été récemment remis par Mgr l’Archevêque Antoine de Genève. Note de la Rédaction.
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