vendredi 31 décembre 2010
La Lumière du Thabor n°2. Saint Père Justin Popovic : Entre deux philosophies.
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ENTRE DEUX PHILOSOPHIES
Attelé au joug du Temps et de l’Espace, l’homme tire l’univers. Où ? Vers quels rochers escarpés, vers quels sommets de glace, au-delà du Temps et de l’Espace le conduira-t-il ? Tous les hommes, toutes les races, tous les peuples, toutes les générations sont, à égalité, attelés à ce double joug. Nuit et jour, poussés par une force irrésistible, ils traînent le pesant univers.
Ils buttent, traînent encore pour butter à nouveau, puis ils tombent et disparaissent. Où ? Qui les attelle pour ne jamais les détacher ? Oh, le Temps ! Dites-moi le secret du Temps… Le Temps : fardeau amer. Et l’Espace ? Le malheureux frère jumeau du Temps.
Rien n’est plus tragique, rien n’est plus affligé que le genre humain; il ploie sous le poids accablant du Temps et de l’Espace. Il traîne le temps, sans en connaître la nature, le sens, le but. Il traîne aussi l’Espace, sans en connaître davantage la nature, le sens, le but. Le gratuit est captif de l’absurde ! Le Gratuit et l’Absurde luttent ensemble, et seul le Tragique l’emporte. Exister et vivre dans ce monde, n’est pour personne un privilège. N’est-ce pas vrai ? Mais au nom de quelle nécessité incompréhensible, dès son passage du non-être à l’être, l’homme se trouve-t-il attelé au joug amer du Temps et de l’Espace ? Etrange hospitalité !
Si encore on arrivait en ce monde avec des sens éveillés, on s’apercevrait, très vite, qu’une immense affliction étreint les êtres, qu’une maladie impitoyable interne dévore toutes les créatures. D’un seul coup, notre coeur deviendrait une source de larmes et on verrait alors, couler, des yeux de chaque créature, des larmes intarissables et d’une amère tristesse, larmes de toutes les créatures souffrantes, rassemblées dans le coeur de l’homme et inondant tout son être. Devant le misérable destin de ce monde, tâchez, si vous le pouvez, d’empêcher votre coeur d’éclater en sanglots. Votre tentative se changera en un cri de détresse, votre volonté impuissante faillira, devant le spectacle de la tristesse du monde entier qui envahit votre être.
Ce monde… Qu’est-ce donc que ce monde avec tous ses tourments, ses peines, ses tragédies, ses souffrances ? Rien d’autre qu’un moribond sans espoir, qui râle dans une agonie sans fin et qui ne meurt jamais. Que nous reste-t-il ? Le grincement de dents et la révolte ? Mais contre qui ? Ah, la petite conscience humaine ne pourra jamais trouver le principal coupable. La conscience, semble-t-il, a été donnée aux hommes pour les tourmenter dans une certaine mesure en vain, en leur faisant sentir la tragique impasse des misérables conditions de leur existence. La conscience humaine, c’est une petite luciole au milieu de l’épaisse nuit; tout autour c’est l’obscurité dense et impénétrable. Poussée par je ne sais quelle inquiétude intérieure, la malheureuse luciole, va d’une obscurité à l’autre, d’une petite à une plus grande. Mais l’effroi atteint le sommet, quand la plus grande obscurité apparaît toute petite devant une autre plus grande encore. Et ainsi à l’infini.
Une conscience développée à l’excès… A quoi me sert-elle. Je désire ne plus rien désirer. Une sensibilité développée à l’excès… A quoi me sert-elle ? Je ne veux plus rien sentir.
Le tourment le plus insupportable, c’est de penser à l’absurdité de la pensée. La pensée c’est ce qu’il y a de plus absurde. Oh ! si l’homme avait inventé la pensée, il aurait facilement trouvé le Paradis. Comment ? En détruisant la pensée ! Mais la pensée est imposée à l’homme. C’est elle qui réfléchit, même quand l’homme ne le veut pas… Vous qui êtes les victimes de la pensée, sentez-vous cela ?
Vous connaissez, par la sensation, et c’est là, la connaissance la plus redoutable. Si vous découvrez la fin de la mort de la pensée, vous serez alors le plus grand bienfaiteur de l’humanité. Tant que la pensée et la sensation existeront en l’homme, il sera impossible à celui-ci de ne pas se lamenter sur le mystère redoutable de ce monde d’une lamentation sans fin, sans consolation, car l’homme est sans fin, sans limite dans la tristesse. Là est son immortalité, immortalité maudite et imposée. Puisse l’homme tourmenté et malheureux, trouver une mort où sombrerait avec lui sa pensée tout entière, pour toujours, et pour toute l’éternité.
*
Voilà ! l’homme, voilà le monde, quand je ne le perçois pas, quand je ne le considère pas en Christ. Mais avec Lui tout change. Et moi et le monde qui m’entoure. Dès qu’on le rencontre, un courant tout à fait nouveau, jamais senti jusqu’ici, je ne sais quoi d’invincible, d’inconnu, traverse l’homme. Dans mon amour pour Lui, la sensation que j’ai de moi et du monde, se transforme en un admirable message d’allégresse, qui n’a de fin ni dans le temps ni dans l’éternité. Dans tous les précipices du monde, dans tous les abîmes de l’homme, retentit la voix douce, délicate, captivante, qui fortifie tous ceux qui sont fatigués et relève tous ceux qui sont courbés; cette voix qui sauve les égarés et qui guérit toute blessure, qui console toute tristesse, qui allège tous les fardeaux et adoucit toute amertume, c’est la voix de l’unique Ami des hommes qui dit :
« Venez à Moi vous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et apprenez de Moi que je suis humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger. » (Matthieu XI, 28-30).
Pourquoi la vie est-elle dure pour l’homme ? Parce que l’homme a inventé la mort et l’a établie sur lui et sur tous les êtres qui l’entourent. La mort est la source intarissable de tous les maux, de toutes les afflictions. Tous les nerfs de la mort, prennent leur départ dans l’homme ; l’homme est le principal ganglion de la mort. En vérité, la mort est la seule amertume de la vie, la seule amertume de l’existence. C’est d’elle que vient tout le tragique de la vie.
La vie terrestre de l’homme n’est qu’une lutte permanente contre la mort, contre tout ce qui la précède, contre tout ce qui la suit, contre toutes ses armées. Il n’y a jamais de trêve, encore moins de paix. Sans arrêt, la mort se dresse contre l’homme, de l’intérieur comme de l’extérieur. Comment ? De quelle manière ? – De l’extérieur, par les tentations ; de l’intérieur, par les maladies visibles et invisibles. Tentations, péchés, maladies, ne sont rien d’autre que les dents de la mort, qui sans relâche, dévorent l’homme, de l’extérieur comme de l’intérieur. Et ce qui est plus redoutable, c’est qu’elles ne dévorent pas seulement le corps mais aussi l’âme, l’esprit, la conscience.
A cela, il n’y a qu’une seule issue, une seule délivrance : la Résurrection du Christ, et par elle, la victoire sur la mort dans tous les mondes. Comme la mort est la source de toutes les amertumes, de l’amertume universelle, la Résurrection du Sauveur est la source de toute joie, de la joie universelle. Il suffit à l’homme d’ouvrir les yeux spirituels, pour voir et sentir que Seul le Ressuscité donne le sens et la voie véritables à la vie amère de l’homme sur la terre, Lui Seul et nul autre.
Qu’est-ce qui est essentiel, important dans la vie de l’homme ? – C’est, sans aucun doute, de donner un sens à sa vie, sens perdu ontologiquement et phénoménologiquement à cause de la mort, c’est à dire du péché. Car seuls, le péché et la mort, ôtent tout sens à la vie et à l’existence, ôtent toute raison d’être à l’homme et à la création. Ils privent la création de Dieu de la logosnost (1) originelle, que Dieu le Verbe a semée en elle quand Il l’a faite. En effet, le péché et la mort sont la seule absurdité qui soit en ce monde, quelque chose qui n’a pas de sens, qui est a-logique. Tant que le péché et la mort demeurent en l’homme, cette absurdité détruit la sensation, la conscience, la vie, la création. Ce n’est qu’en participant à la joie de la Résurrection du Christ, que l’homme retrouve son âme logique raisonnable, sa vraie raison d’être, qui le conduit à la merveilleuse immortalité, à l’immensité sans fin du Christ.
Sans le très-doux Seigneur Jésus, la vie, même longue sur cette terre, est redoutable et dépourvue de sens et plus encore, l’immortalité infinie et interminable. Là où règne la mort, il n’y a pas de vraie joie. En d’autres termes, là où le Christ n’est pas, il n’y a pas de joie réelle. Dans le délire du péché, dans l’ivresse des voluptés du péché, les hommes proclament la joie de la vie et une foule d’absurdités et de stupidités. En effet, tout ce qui éloigne l’homme du Christ, tout ce qui ne lui assure pas la sanctification et l’immortalité en Christ, est bêtise et stupidité.
Et encore ceci : là où est la mort, il n’y a pas de vérité, de justice, de vrai amour. Seul Celui qui devait vaincre la mort et délivrer le genre humain de la mort, possède le vrai Amour. Et qu’est-ce qu’un amour qui ne peut délivrer de la mort celui qu’il aime ? Voilà pourquoi le Seigneur Jésus est le Seul Ami de l’homme. Son Amour est total parce qu’il contient toute la Vérité, toute la Justice, tout ce qui est sublime, noble, immortel, béni, divin.
En vérité, l’infortuné genre humain n’a qu’un seul ami véritable : le Christ Sauveur qui l’a sauvé de son ennemi le plus irréductible : la mort. Par Sa glorieuse Résurrection, le Seigneur a plongé le genre humain, dans les eaux du fleuve de l’immortalité qui se jette dans la Vie Eternelle. Et c’est depuis que les pensées, les oeuvres des hommes du Christ, deviennent de petits ruisseaux d’immortalité qui coulent, murmurant leur joie, entre les rochers du Temps et de l’Espace, vers l’Océan sans rivages de la merveilleuse éternité et de la divino-humanité du Christ.
Quand le péché et la mort sont exclus du Temps, le Temps devient alors un admirable prélude à la divine Eternité, une introduction remarquable à la Divino-Humanité, selon la Parole de Vérité du Dieu-Homme éternel qui a dit : « Celui qui croit en Moi possède la Vie Eternelle ». (Jean VI, 47). L’amertume du Temps vient de la mort et du péché. Avec l’immortalité et l’absence du péché, le Temps devient doux. Sans le Christ seul Tout-Puissant, le Temps est un pesant fardeau.
Avec le Christ, il devient léger, de même que l’Espace, cet étrange frère jumeau du Temps, avec tout ce qu’il porte en lui, avec son poids qui contraint et écrase l’homme. Le fardeau que l’homme porte est redoutable et effrayant, le joug est pesant et plein d’épines. Seulement avec l’aide du Dieu-Homme Tout-Bon et Tout-Puissant ce joug devient « doux » et ce fardeau « léger », selon la vraie parole de la Vérité qui dit : « Mon joug est doux et mon fardeau léger. » (Matthieu XI, 30).
Le joug de la vie reste un tourment et le fardeau de l’existence un poids, tant que les chaînes du péché et de la mort les alourdissent. Quand, par la puissance du Seigneur Ressuscité, les liens du péché et de la mort sont détruits à la racine même de la vie et de l’existence, alors le joug de la vie devient doux et le fardeau léger. La vie se transforme en joie et l’existence en allégresse. Ici il s’agit de cette joie de la vie qui n’a de terme ni en ce monde ni dans l’autre. Quand le Dieu-Homme Eternel fortifie et rend l’homme vrai et éternel, alors le joug de la vie devient doux et le fardeau de l’existence léger. L’homme dans tout son être, se sent inondé par la Lumière Joyeuse et Divine qui jaillit des profondeurs et des sommets « transfigurés » du Temps et de l’Espace créés par Dieu.
Pour l’homme qui pense, le Temps et l’Espace sont des monstres, s’ils n’acquièrent pas une signification par l’Eternité, c’est-à-dire par la divino-humanité. Car nous ne connaissons l’Eternité que dans la catégorie, dans le fait, dans la réalité de la Divino-Humanité du Christ. L’Eternité tout entière unie au Temps, s’est présentée, pour la première fois, devant la conscience humaine, dans la Personne du Christ Dieu-Homme. Dieu est le propriétaire et le maître de l’Eternité; l’homme est le représentant du Temps et le Dieu-Homme est la synthèse la plus sublime, la plus complète, la plus parfaite de l’Eternité et du Temps. Le Temps n’acquiert sa signification véritable que dans son union avec l’Eternité, que dans la vie Divino-Humaine du Seigneur Jésus.
Éclairé par le Dieu-Homme, le Temps montre toutes ses propriétés « logiques », car lui aussi a été fait par le Logos, par le Verbe. (Jean I, 43). Etant, en son essence, « logique », le Temps, grâce à la Divino-Humanité, introduit dans l’Éternité du Verbe. Dieu le Verbe Incarné, a démontré avec évidence, que le Temps était une préparation à l’Eternité. Celui qui entre dans le Temps, entre du même coup, dans l’anti-chambre de l’Eternité. Telle est la loi de notre existence.
Se trouvant dans le Temps, l’homme est un être qui se prépare à l’Eternité. Si, sans Dieu le Verbe, la vie sur la terre et dans le Temps est redoutable, stupide et tourmentante, combien plus le sera-t-elle dans l’Eternité ? L’Eternité, sans Dieu le Verbe, c’est l’Enfer. Et la vie terrestre sans le Verbe, c’est le prélude et la préparation à l’Enfer. L’Enfer n’est pas autre chose qu’une vie sans le Verbe, sans signification Divine, sans logique Divine. Dans l’Enfer, il n’y a ni Verbe, ni Logique, ni Signification. Pour l’homme qui ne vit pas dans le Verbe, dans le Christ, l’Enfer commence dès ici-bas sur la terre. De même pour celui qui vit dans le Verbe Divin, dans le Christ Dieu-Homme, le Paradis commence dès ici-bas sur la terre. Pour tout être humain, la signification, la Logique, le Paradis, c’est Dieu le Verbe Incarné. Ce qui est anti-logique et a-logique, est du même coup, absurde et insensé, et cela crée en l’homme les dispositions sataniques qui font de la vie un enfer.
L’homme ? C’est un être destiné à l’éternité dans la Divino-Humanité. En Christ, l’homme est infini et immortel, « il est déjà passé de la mort à la vie » (Jean V. 24), la mort ne peut le briser, parce qu’il va du Temps à l’Eternité. Vivant par le Seigneur Ressuscité, il immortalise sa propre sensation, en sentant en Christ, et sa propre conscience par la conscience en Christ.
Les sens de l’homme ? Ce sont des sens élémentaires. Changés en éternels par la divino-humanité du Christ, ils cessent de tourmenter l’esprit humain. Si vous le voulez bien, vous pouvez le constater : les sens seront pour vous un grand tourment, une horreur, un enfer, jusqu’au moment où le merveilleux Seigneur Jésus les touchera. Dès qu’il les aura touchés, ils se changeront en joie, en allégresse, en paradis. Il n’y a pas de doute, la sensation n’est une bénédiction, que lorsqu’elle opère en Christ, sinon elle est une malédiction, une horreur. L’homme a été créé en forme de Dieu, en forme de Christ, en forme d’Esprit, pour que ses sens en leur substance éprouvent la nostalgie de Dieu, la nostalgie du Christ, la nostalgie de l’Esprit.
Les pensées de l’homme ? Elles sont appelées à devenir pensées éternelles et divino-humaines. La pensée est un pesant fardeau qui tourmente. Il devient léger et agréable, quand la pensée est christifiée et logifiée (2) et acquiert sa valeur éternelle, sa joie, sa signification ; sinon, toute pensée est un petit enfer, et toutes les pensées ensemble, un enfer éternel et sans fin.
Il n’est pas d’horreur plus grande qu’une éternité sans le Christ. J’aimerais mieux être dans un enfer avec le Christ (pardonnez mon paradoxe) que dans un paradis où Il ne serait pas. Car là où le Christ n’est pas, tout devient malédiction, amertume, horreur. Sur l’étincelle à demi-éteinte de la conscience humaine, s’étend l’obscurité sans fin, la noire ténèbre ; le corps devient un lourd fardeau et l’âme un joug maudit. Celui qui est tant soit peu tourmenté par le mystère de l’homme, doit sentir les paroles de l’Apôtre : « Dieu nous a bénis de toutes sortes de bénédictions en Christ » (Ephésiens I, 3). Sans le Christ Dieu-Homme et hors de Lui, l’homme est emporté par les courants ténébreux de la malédiction et du mal.
Par le seul et doux Seigneur Jésus, nous avons appris que ce monde était un prologue à l’autre, que le Temps était un prélude à l’Eternité, que les biens terrestres étaient les primeurs des biens éternels. « Serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Maître. » (Matthieu XXV, 21). Mais nous ne devons jamais oublier ceci : ce n’est que dans la Lumière Divine du Dieu-Homme, que nous voyons et sentons tous les désastres du mal et du péché, et que nous comprenons que le mal terrestre prélude et prépare le mal éternel. Le péché terrestre, nous introduit et nous prépare au royaume éternel du péché et de l’enfer. Seuls les hommes habités par le Christ, connaissent le mystère du bien et du mal dans ses moindres détails, parce que leurs sens « sont exercés à discerner le bien du mal. » (Hébreux V, 14). Ils connaissent aussi, et parfaitement, la mentalité de Satan et la dialectique de la philosophie du mal, selon les paroles de l’Apôtre qui dit que « nous n’ignorons pas ses desseins ». (2 Cor. 2 ; 11).
Dans la profondeur « logifiée » de l’être humain déiforme, le Temps et l’Eternité se trouvent organiquement unis, ontologiquement liés l’un à l’autre, selon la mesure de l’être humain. En se fondant sur les éternités qui sont en lui, l’homme peut s’édifier en une merveilleuse existence ; la forme divine (théoeidès) qui est en lui, est une source intarissable de forces créatrices de nostalgie divine, grâce auxquelles il se transforme en un être éternel.
L’unité entre le Temps et l’Eternité, qui se trouvait à l’origine, dans l’être humain, a été troublée par le péché, le péché qui a creusé en l’homme un gouffre entre le temporel et l’éternel ; et dans ce gouffre viennent s’abîmer, sans cesse, la pensée et la sensation de l’homme. Le péché, en tant qu’anti-Dieu et anti-Verbe, dé-divinise et dé-logifie l’homme et lui ôte toute signification. En d’autres termes, le péché tue l’homme en l’éloignant de Dieu l’Unique Source de la Vie, de l’Immortalité, de l’Eternité.
En vivant dans le péché, l’homme s’isole, ne reconnaît plus que lui-même et s’érige en centre de l’univers. Plus il s’enfonce dans le péché, plus il agrandit, dans sa conscience et dans son coeur, le gouffre entre le Temps et l’Eternité. Tourné vers le monde extérieur, l’homme du péché, sent et voit un fossé redoutable entre lui et les autres hommes, entre lui et les autres créatures. Plongé dans son isolement égoïste, il perd graduellement, puis complètement, le sentiment de l’unité universelle du genre humain. Entre lui et la créature, le gouffre devient sans fond, sans fin, sans pont. Un tel homme ne voit plus que lui-même et personne d’autre, rien au-dessus et autour de lui. Il est tout pour lui-même. Misérable, il se fait dieu et s’assoit sur un trône de fumier ; d’où le grand nombre d’hommes aux pensées courtes, aux sentiments mesquins, incapables de sortir d’eux-mêmes et de penser à autrui, incapables d’atteindre ce qui est éternel et divino-humain. Les pensées, les sentiments égoïstes, infirmes, rétrécis par l’amour de soi, ne reconnaissent ni Dieu ni homme. Une brèche s’ouvre dans les pensées, les sens, la vie de l’homme, déchirant sa conscience, son coeur, son âme, déchirement qui a ruiné l’homme de Faust : « deux âmes habitent dans ma poitrine ». (3)
Le Dieu-Homme, qui ôte le péché, est Celui qui a comblé le fossé creusé par le péché, entre le Temps et l’Eternité, entre l’homme et Dieu, entre l’homme et les autres créatures. Il a ainsi rétabli, dans la conscience et la sensation de l’homme, l’unité entre ce dernier et Dieu, entre le Temps et l’Eternité, entre ce monde et l’autre. C’est pourquoi les hommes qui possèdent l’esprit et la foi du Christ, dans leur lutte contre le péché, luttent pour restaurer en eux, et dans sa totalité, l’image du monde et atteindre ainsi l’homme total.
Le péché a rompu en l’homme l’unité de la sensation en soi, de la conscience en soi, de la pensée, de la vie, de l’existence, de l’être. Il a aussi brisé l’unité de la sensation humaine du monde (cosmo-théorie). La lutte en Christ contre le péché, est une lutte contre la seule force qui brise et détruit en l’homme la sensation de son union avec Dieu, entre le Temps et l’Eternité, la sensation de l’unité universelle. Par sa vie divino-humaine, le Dieu-Homme a donné sa philosophie divino-humaine de l’Unité Universelle. Dans cette philosophie comme dans sa vie, il n’y a pas de place pour le péché, le mal, la mort.
L’homme a été créé par Dieu comme un être macrocosmique ; il est donc naturel et logique, que se trouvent en lui, une sensation et une conscience macrocosmiques du monde. L’homme que le péché n’a ni ébranlé ni brisé, sent l’unité organique de toutes les créatures. Il sent la joie et la tristesse de toutes les créatures, comme si elles étaient siennes, parce que, selon un mode mystérieux, il est porteur du sort de toutes les créatures. Adam est l’exemple parfait, en lui, a régné jusqu’à sa chute, la sensation de l’union universelle. En tombant, il a entraîné avec lui toute la création dans le péché et la mort. Les Apôtres, les Martyrs, les Saints et tous les vrais chrétiens, sont après Adam, avant sa chute, des exemples nouveaux, et l’Apôtre Paul est l’exemple des exemples. Nul autre que lui, n’a senti aussi profondément, aussi intensément, que « toute la création souffrait et gémissait » avec les hommes, qu’elle souffrait et gémissait à cause du péché, soumise à la mort par l’homme ami du péché.
La réintégration de la création, a été accomplie dans la personne du Christ le Dieu-Homme. De Lui et par Lui, elle a été donnée à tous les membres de Son Corps, à tous les hommes qui ont été entés sur Lui, comme les sarments à la vigne. (Jean XV.1) Partant de Lui, la sensation et la connaissance divino-humaine de l’unité universelle de la vie et de la création, pénètrent les hommes, se concentrent surtout dans les âmes des Saints christifiés et pleins de grâce. En eux, et par l’action du Dieu-Homme, ont été guéries et réintégrées, la sensation et la conscience d’eux-mêmes et du monde. Les Saints sont des âmes régénérées et parfaites ; elles guérissent du péché, la création qui les environne et la ramènent à l’unité originelle. Etant devenus « fils de Dieu par la grâce », ils sauvent de l’émiettement de la corruption et de la brisure de son unité, toute la création. (Romains VIII, 19).
La restauration théandrique de l’homme, crée vraiment en lui, la sensation et la conscience de l’unité totale du macrocosme. L’homme du Christ voit toute la création, les cieux et la terre, dans l’unité divino-humaine universelle ; il sent et il sait que tout a été créé par le Christ dans les cieux et sur la terre : tout a été crée par Lui et pour Lui. Il est avant toutes choses et toutes les choses subsistent en Lui. Il est la Tête du Corps de l’Église. (Col. 1, 16).
Par la pratique des vertus évangéliques, l’homme rétablit dans sa conscience, sa sensation et sa vie, l’unité universelle du macrocosme. Tout l’homme participe à la transformation et à la reconstruction de lui-même. De toute son âme, de tout son coeur, de tout son esprit, de toute sa force, tout entier, il croît « de la croissance que Dieu lui donne » à la « mesure de la stature du Christ, jusqu’à l’homme parfait » (Col. II, 19 - I, 29 ; Eph. IV, 13). L’homme perd la sensation évangélique de l’unité universelle du macrocosme, quand il se livre, en toute conscience, aux oeuvres impies, en lui-même et autour de lui. (Col. 1, 21).
La Philosophie Divino-Humaine, la Philosophie selon le Christ, c’est la Philosophie de l’homme renouvelé en Christ, sanctifié, déifié en Christ. Dans cette Philosophie domine la sensation divino-humaine et la connaissance de l’unité universelle, de la PAN-UNITE des êtres et de la création ; tout ce qui paralyse, meurtrit, anesthésie la sensation et la connaissance divino-humaines de l’unité universelle, appartient à la philosophie de l’homme tout court, de l’homme pécheur, de l’homme périssable.
Il n’y a, en réalité, que deux philosophies : la divino-humaine et l’humaine. L’une est la philosophie du monisme divino-humain et l’autre, la philosophie du pluralisme humain. Toute la philosophie humaine se meut dans le cercle vicieux de la mort et de la mortalité, où la sensation et la connaissance de l’homme ont été brisées par le péché. Cette philosophie a introduit dans l’homme et dans le monde, toute une « LEGION » (de démons), les hommes ont été « légionnifiés ». Le nom de l’homme et du monde est vraiment LEGION. (Luc VIII, 30) Tout y respire la mortalité, tout y est « humain, très humain ». Menschliches, Allzumenschliches.
Et ce n’est pas pour rien que l’Apôtre porteur du Christ, conseille avec sagesse : « frères, prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde et non sur le Christ. » (Col. II, 8).
La Philosophie divino-humaine est une philosophie de l’expérience divino-humaine. En elle, tout se fonde sur l’expérience, sur la vie dans la Grâce et sur l’action de celle-ci. Là, il n’y a rien d’abstrait, rien d’irréel. Tout est réalité divino-humaine, car dans le Christ Dieu-Homme, « habite corporellement toute la plénitude de la divinité », c’est pourquoi il dit à tous : « Vous avez tout, pleinement en Lui » (Col. 2, 9-10).
Quand l’homme de tout son être s’incorpore au Christ, qu’il se remplit tout entier de Lui, il acquiert la sensation et la conscience divino-humaine de la PAN-UNITE du macrocosme. Il est envahi par le sentiment que tous sont responsables de tout : les souffrances de tous les êtres sont mes souffrances. Tous en Christ, forment un Corps Divino-Humain : l’Église et le Christ qui est la Tête du Corps de l’Église. (Col. 1,18). C’est Lui qui donne à la pensée de tout chrétien de penser, et à sa sensation de sentir. Il universalise la sensation et la conscience de chaque membre de l’Église pour qu’il vive « avec tous les Saints », de la vie du Christ Dieu-Homme. C’est pour cela que la philosophie divino-humaine de l’unité universelle et de la sensation divino-humaine existe dans l’Église.
L’homme n’est sauvé de la brisure et du morcellement de la sensation et de la conscience, que par la vie divino-humaine seulement. Il est sauvé de l’isolement égocentrique qui est une forme particulière de satanisme. Satan est l’être le plus isolé de tous les mondes. Il a totalement perdu le sentiment de la PAN-UNITE du macrocosme. Satan est seul, absolument seul. C’est pourquoi l’égoïsme des hommes, leur isolement égoïste, leur séparation d’avec la PAN-UNITE du macrocosme, ne sont rien d’autre, qu’un élan vers le Satanisme. Satan est Satan, parce que son auto-conscience et son auto-sensation, ont été complètement coupées de Dieu, de toutes les autres créatures, de tous les autres êtres.
Seule la divino-humanisation de l’homme dans le Christ, le délivre du satanisme, de l’isolement et de l’égoïsme. Par la divino-humanisation de l’homme, sont rétablies l’auto-sensation et l’auto-conscience de l’homme et sa sensation du monde. L’homme sent et reconnaît que son être est tissé avec tous les êtres, toutes les créatures. L’unité universelle est la plus réelle et la réalité la plus proche pour sa conscience et pour sa sensation. Un tel être rassemble, sans relâche, son être en Dieu par la prière, la foi, l’amour, la justice, la miséricorde, la vérité et par toutes les autres ascèses et vertus évangéliques.
Cette concentration de l’homme en Dieu, son auto-concentration dans le Dieu-Homme, fortifie en lui, à un degré inimaginable, la sensation et la conscience ce la PAN-UNITE du macrocosme. L’homme en Christ, inonde toute la création et tous les êtres de son amour infini et de sa miséricorde. Il prie avec larmes pour tous et pour tout, et sent et sait, comme nul autre, que l’amour et la bonté du Christ, sont le seul salut des pécheurs et la gloire immortelle des justes. Dans l’amour pour le Christ, réside toute la Philosophie de l’optimisme éternel, et dans la haine satanique se trouve la philosophie du pessimisme meurtrier de l’homme.
Ces deux Philosophies se dressent devant l’homme.
1. Logosnost est un terme du père Justin, qui exprime l’action de l’énergie de la Lumière Divine du Verbe, qui substantifie, déifie et éclaire tout homme qui vient en ce monde.
2. Christification, Logification et, comme on le verra plus loin, divino-humanisation, triadification, expressions utilisées par le père Justin, qui sont l’équivalent des expressions patristiques de « déification » et « divinisation ». Par elles, le père Justin souligne les nuances christologiques et triadologiques du Mystère de la Déification de l’homme.
3. Saint Macaire d’Egypte, dit que le péché est pour l’homme « une autre âme avec son âme ». Homélie XI, 15. PG., 344. c.556.
ENTRE DEUX PHILOSOPHIES
Attelé au joug du Temps et de l’Espace, l’homme tire l’univers. Où ? Vers quels rochers escarpés, vers quels sommets de glace, au-delà du Temps et de l’Espace le conduira-t-il ? Tous les hommes, toutes les races, tous les peuples, toutes les générations sont, à égalité, attelés à ce double joug. Nuit et jour, poussés par une force irrésistible, ils traînent le pesant univers.
Ils buttent, traînent encore pour butter à nouveau, puis ils tombent et disparaissent. Où ? Qui les attelle pour ne jamais les détacher ? Oh, le Temps ! Dites-moi le secret du Temps… Le Temps : fardeau amer. Et l’Espace ? Le malheureux frère jumeau du Temps.
Rien n’est plus tragique, rien n’est plus affligé que le genre humain; il ploie sous le poids accablant du Temps et de l’Espace. Il traîne le temps, sans en connaître la nature, le sens, le but. Il traîne aussi l’Espace, sans en connaître davantage la nature, le sens, le but. Le gratuit est captif de l’absurde ! Le Gratuit et l’Absurde luttent ensemble, et seul le Tragique l’emporte. Exister et vivre dans ce monde, n’est pour personne un privilège. N’est-ce pas vrai ? Mais au nom de quelle nécessité incompréhensible, dès son passage du non-être à l’être, l’homme se trouve-t-il attelé au joug amer du Temps et de l’Espace ? Etrange hospitalité !
Si encore on arrivait en ce monde avec des sens éveillés, on s’apercevrait, très vite, qu’une immense affliction étreint les êtres, qu’une maladie impitoyable interne dévore toutes les créatures. D’un seul coup, notre coeur deviendrait une source de larmes et on verrait alors, couler, des yeux de chaque créature, des larmes intarissables et d’une amère tristesse, larmes de toutes les créatures souffrantes, rassemblées dans le coeur de l’homme et inondant tout son être. Devant le misérable destin de ce monde, tâchez, si vous le pouvez, d’empêcher votre coeur d’éclater en sanglots. Votre tentative se changera en un cri de détresse, votre volonté impuissante faillira, devant le spectacle de la tristesse du monde entier qui envahit votre être.
Ce monde… Qu’est-ce donc que ce monde avec tous ses tourments, ses peines, ses tragédies, ses souffrances ? Rien d’autre qu’un moribond sans espoir, qui râle dans une agonie sans fin et qui ne meurt jamais. Que nous reste-t-il ? Le grincement de dents et la révolte ? Mais contre qui ? Ah, la petite conscience humaine ne pourra jamais trouver le principal coupable. La conscience, semble-t-il, a été donnée aux hommes pour les tourmenter dans une certaine mesure en vain, en leur faisant sentir la tragique impasse des misérables conditions de leur existence. La conscience humaine, c’est une petite luciole au milieu de l’épaisse nuit; tout autour c’est l’obscurité dense et impénétrable. Poussée par je ne sais quelle inquiétude intérieure, la malheureuse luciole, va d’une obscurité à l’autre, d’une petite à une plus grande. Mais l’effroi atteint le sommet, quand la plus grande obscurité apparaît toute petite devant une autre plus grande encore. Et ainsi à l’infini.
Une conscience développée à l’excès… A quoi me sert-elle. Je désire ne plus rien désirer. Une sensibilité développée à l’excès… A quoi me sert-elle ? Je ne veux plus rien sentir.
Le tourment le plus insupportable, c’est de penser à l’absurdité de la pensée. La pensée c’est ce qu’il y a de plus absurde. Oh ! si l’homme avait inventé la pensée, il aurait facilement trouvé le Paradis. Comment ? En détruisant la pensée ! Mais la pensée est imposée à l’homme. C’est elle qui réfléchit, même quand l’homme ne le veut pas… Vous qui êtes les victimes de la pensée, sentez-vous cela ?
Vous connaissez, par la sensation, et c’est là, la connaissance la plus redoutable. Si vous découvrez la fin de la mort de la pensée, vous serez alors le plus grand bienfaiteur de l’humanité. Tant que la pensée et la sensation existeront en l’homme, il sera impossible à celui-ci de ne pas se lamenter sur le mystère redoutable de ce monde d’une lamentation sans fin, sans consolation, car l’homme est sans fin, sans limite dans la tristesse. Là est son immortalité, immortalité maudite et imposée. Puisse l’homme tourmenté et malheureux, trouver une mort où sombrerait avec lui sa pensée tout entière, pour toujours, et pour toute l’éternité.
*
Voilà ! l’homme, voilà le monde, quand je ne le perçois pas, quand je ne le considère pas en Christ. Mais avec Lui tout change. Et moi et le monde qui m’entoure. Dès qu’on le rencontre, un courant tout à fait nouveau, jamais senti jusqu’ici, je ne sais quoi d’invincible, d’inconnu, traverse l’homme. Dans mon amour pour Lui, la sensation que j’ai de moi et du monde, se transforme en un admirable message d’allégresse, qui n’a de fin ni dans le temps ni dans l’éternité. Dans tous les précipices du monde, dans tous les abîmes de l’homme, retentit la voix douce, délicate, captivante, qui fortifie tous ceux qui sont fatigués et relève tous ceux qui sont courbés; cette voix qui sauve les égarés et qui guérit toute blessure, qui console toute tristesse, qui allège tous les fardeaux et adoucit toute amertume, c’est la voix de l’unique Ami des hommes qui dit :
« Venez à Moi vous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et apprenez de Moi que je suis humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger. » (Matthieu XI, 28-30).
Pourquoi la vie est-elle dure pour l’homme ? Parce que l’homme a inventé la mort et l’a établie sur lui et sur tous les êtres qui l’entourent. La mort est la source intarissable de tous les maux, de toutes les afflictions. Tous les nerfs de la mort, prennent leur départ dans l’homme ; l’homme est le principal ganglion de la mort. En vérité, la mort est la seule amertume de la vie, la seule amertume de l’existence. C’est d’elle que vient tout le tragique de la vie.
La vie terrestre de l’homme n’est qu’une lutte permanente contre la mort, contre tout ce qui la précède, contre tout ce qui la suit, contre toutes ses armées. Il n’y a jamais de trêve, encore moins de paix. Sans arrêt, la mort se dresse contre l’homme, de l’intérieur comme de l’extérieur. Comment ? De quelle manière ? – De l’extérieur, par les tentations ; de l’intérieur, par les maladies visibles et invisibles. Tentations, péchés, maladies, ne sont rien d’autre que les dents de la mort, qui sans relâche, dévorent l’homme, de l’extérieur comme de l’intérieur. Et ce qui est plus redoutable, c’est qu’elles ne dévorent pas seulement le corps mais aussi l’âme, l’esprit, la conscience.
A cela, il n’y a qu’une seule issue, une seule délivrance : la Résurrection du Christ, et par elle, la victoire sur la mort dans tous les mondes. Comme la mort est la source de toutes les amertumes, de l’amertume universelle, la Résurrection du Sauveur est la source de toute joie, de la joie universelle. Il suffit à l’homme d’ouvrir les yeux spirituels, pour voir et sentir que Seul le Ressuscité donne le sens et la voie véritables à la vie amère de l’homme sur la terre, Lui Seul et nul autre.
Qu’est-ce qui est essentiel, important dans la vie de l’homme ? – C’est, sans aucun doute, de donner un sens à sa vie, sens perdu ontologiquement et phénoménologiquement à cause de la mort, c’est à dire du péché. Car seuls, le péché et la mort, ôtent tout sens à la vie et à l’existence, ôtent toute raison d’être à l’homme et à la création. Ils privent la création de Dieu de la logosnost (1) originelle, que Dieu le Verbe a semée en elle quand Il l’a faite. En effet, le péché et la mort sont la seule absurdité qui soit en ce monde, quelque chose qui n’a pas de sens, qui est a-logique. Tant que le péché et la mort demeurent en l’homme, cette absurdité détruit la sensation, la conscience, la vie, la création. Ce n’est qu’en participant à la joie de la Résurrection du Christ, que l’homme retrouve son âme logique raisonnable, sa vraie raison d’être, qui le conduit à la merveilleuse immortalité, à l’immensité sans fin du Christ.
Sans le très-doux Seigneur Jésus, la vie, même longue sur cette terre, est redoutable et dépourvue de sens et plus encore, l’immortalité infinie et interminable. Là où règne la mort, il n’y a pas de vraie joie. En d’autres termes, là où le Christ n’est pas, il n’y a pas de joie réelle. Dans le délire du péché, dans l’ivresse des voluptés du péché, les hommes proclament la joie de la vie et une foule d’absurdités et de stupidités. En effet, tout ce qui éloigne l’homme du Christ, tout ce qui ne lui assure pas la sanctification et l’immortalité en Christ, est bêtise et stupidité.
Et encore ceci : là où est la mort, il n’y a pas de vérité, de justice, de vrai amour. Seul Celui qui devait vaincre la mort et délivrer le genre humain de la mort, possède le vrai Amour. Et qu’est-ce qu’un amour qui ne peut délivrer de la mort celui qu’il aime ? Voilà pourquoi le Seigneur Jésus est le Seul Ami de l’homme. Son Amour est total parce qu’il contient toute la Vérité, toute la Justice, tout ce qui est sublime, noble, immortel, béni, divin.
En vérité, l’infortuné genre humain n’a qu’un seul ami véritable : le Christ Sauveur qui l’a sauvé de son ennemi le plus irréductible : la mort. Par Sa glorieuse Résurrection, le Seigneur a plongé le genre humain, dans les eaux du fleuve de l’immortalité qui se jette dans la Vie Eternelle. Et c’est depuis que les pensées, les oeuvres des hommes du Christ, deviennent de petits ruisseaux d’immortalité qui coulent, murmurant leur joie, entre les rochers du Temps et de l’Espace, vers l’Océan sans rivages de la merveilleuse éternité et de la divino-humanité du Christ.
Quand le péché et la mort sont exclus du Temps, le Temps devient alors un admirable prélude à la divine Eternité, une introduction remarquable à la Divino-Humanité, selon la Parole de Vérité du Dieu-Homme éternel qui a dit : « Celui qui croit en Moi possède la Vie Eternelle ». (Jean VI, 47). L’amertume du Temps vient de la mort et du péché. Avec l’immortalité et l’absence du péché, le Temps devient doux. Sans le Christ seul Tout-Puissant, le Temps est un pesant fardeau.
Avec le Christ, il devient léger, de même que l’Espace, cet étrange frère jumeau du Temps, avec tout ce qu’il porte en lui, avec son poids qui contraint et écrase l’homme. Le fardeau que l’homme porte est redoutable et effrayant, le joug est pesant et plein d’épines. Seulement avec l’aide du Dieu-Homme Tout-Bon et Tout-Puissant ce joug devient « doux » et ce fardeau « léger », selon la vraie parole de la Vérité qui dit : « Mon joug est doux et mon fardeau léger. » (Matthieu XI, 30).
Le joug de la vie reste un tourment et le fardeau de l’existence un poids, tant que les chaînes du péché et de la mort les alourdissent. Quand, par la puissance du Seigneur Ressuscité, les liens du péché et de la mort sont détruits à la racine même de la vie et de l’existence, alors le joug de la vie devient doux et le fardeau léger. La vie se transforme en joie et l’existence en allégresse. Ici il s’agit de cette joie de la vie qui n’a de terme ni en ce monde ni dans l’autre. Quand le Dieu-Homme Eternel fortifie et rend l’homme vrai et éternel, alors le joug de la vie devient doux et le fardeau de l’existence léger. L’homme dans tout son être, se sent inondé par la Lumière Joyeuse et Divine qui jaillit des profondeurs et des sommets « transfigurés » du Temps et de l’Espace créés par Dieu.
Pour l’homme qui pense, le Temps et l’Espace sont des monstres, s’ils n’acquièrent pas une signification par l’Eternité, c’est-à-dire par la divino-humanité. Car nous ne connaissons l’Eternité que dans la catégorie, dans le fait, dans la réalité de la Divino-Humanité du Christ. L’Eternité tout entière unie au Temps, s’est présentée, pour la première fois, devant la conscience humaine, dans la Personne du Christ Dieu-Homme. Dieu est le propriétaire et le maître de l’Eternité; l’homme est le représentant du Temps et le Dieu-Homme est la synthèse la plus sublime, la plus complète, la plus parfaite de l’Eternité et du Temps. Le Temps n’acquiert sa signification véritable que dans son union avec l’Eternité, que dans la vie Divino-Humaine du Seigneur Jésus.
Éclairé par le Dieu-Homme, le Temps montre toutes ses propriétés « logiques », car lui aussi a été fait par le Logos, par le Verbe. (Jean I, 43). Etant, en son essence, « logique », le Temps, grâce à la Divino-Humanité, introduit dans l’Éternité du Verbe. Dieu le Verbe Incarné, a démontré avec évidence, que le Temps était une préparation à l’Eternité. Celui qui entre dans le Temps, entre du même coup, dans l’anti-chambre de l’Eternité. Telle est la loi de notre existence.
Se trouvant dans le Temps, l’homme est un être qui se prépare à l’Eternité. Si, sans Dieu le Verbe, la vie sur la terre et dans le Temps est redoutable, stupide et tourmentante, combien plus le sera-t-elle dans l’Eternité ? L’Eternité, sans Dieu le Verbe, c’est l’Enfer. Et la vie terrestre sans le Verbe, c’est le prélude et la préparation à l’Enfer. L’Enfer n’est pas autre chose qu’une vie sans le Verbe, sans signification Divine, sans logique Divine. Dans l’Enfer, il n’y a ni Verbe, ni Logique, ni Signification. Pour l’homme qui ne vit pas dans le Verbe, dans le Christ, l’Enfer commence dès ici-bas sur la terre. De même pour celui qui vit dans le Verbe Divin, dans le Christ Dieu-Homme, le Paradis commence dès ici-bas sur la terre. Pour tout être humain, la signification, la Logique, le Paradis, c’est Dieu le Verbe Incarné. Ce qui est anti-logique et a-logique, est du même coup, absurde et insensé, et cela crée en l’homme les dispositions sataniques qui font de la vie un enfer.
L’homme ? C’est un être destiné à l’éternité dans la Divino-Humanité. En Christ, l’homme est infini et immortel, « il est déjà passé de la mort à la vie » (Jean V. 24), la mort ne peut le briser, parce qu’il va du Temps à l’Eternité. Vivant par le Seigneur Ressuscité, il immortalise sa propre sensation, en sentant en Christ, et sa propre conscience par la conscience en Christ.
Les sens de l’homme ? Ce sont des sens élémentaires. Changés en éternels par la divino-humanité du Christ, ils cessent de tourmenter l’esprit humain. Si vous le voulez bien, vous pouvez le constater : les sens seront pour vous un grand tourment, une horreur, un enfer, jusqu’au moment où le merveilleux Seigneur Jésus les touchera. Dès qu’il les aura touchés, ils se changeront en joie, en allégresse, en paradis. Il n’y a pas de doute, la sensation n’est une bénédiction, que lorsqu’elle opère en Christ, sinon elle est une malédiction, une horreur. L’homme a été créé en forme de Dieu, en forme de Christ, en forme d’Esprit, pour que ses sens en leur substance éprouvent la nostalgie de Dieu, la nostalgie du Christ, la nostalgie de l’Esprit.
Les pensées de l’homme ? Elles sont appelées à devenir pensées éternelles et divino-humaines. La pensée est un pesant fardeau qui tourmente. Il devient léger et agréable, quand la pensée est christifiée et logifiée (2) et acquiert sa valeur éternelle, sa joie, sa signification ; sinon, toute pensée est un petit enfer, et toutes les pensées ensemble, un enfer éternel et sans fin.
Il n’est pas d’horreur plus grande qu’une éternité sans le Christ. J’aimerais mieux être dans un enfer avec le Christ (pardonnez mon paradoxe) que dans un paradis où Il ne serait pas. Car là où le Christ n’est pas, tout devient malédiction, amertume, horreur. Sur l’étincelle à demi-éteinte de la conscience humaine, s’étend l’obscurité sans fin, la noire ténèbre ; le corps devient un lourd fardeau et l’âme un joug maudit. Celui qui est tant soit peu tourmenté par le mystère de l’homme, doit sentir les paroles de l’Apôtre : « Dieu nous a bénis de toutes sortes de bénédictions en Christ » (Ephésiens I, 3). Sans le Christ Dieu-Homme et hors de Lui, l’homme est emporté par les courants ténébreux de la malédiction et du mal.
Par le seul et doux Seigneur Jésus, nous avons appris que ce monde était un prologue à l’autre, que le Temps était un prélude à l’Eternité, que les biens terrestres étaient les primeurs des biens éternels. « Serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Maître. » (Matthieu XXV, 21). Mais nous ne devons jamais oublier ceci : ce n’est que dans la Lumière Divine du Dieu-Homme, que nous voyons et sentons tous les désastres du mal et du péché, et que nous comprenons que le mal terrestre prélude et prépare le mal éternel. Le péché terrestre, nous introduit et nous prépare au royaume éternel du péché et de l’enfer. Seuls les hommes habités par le Christ, connaissent le mystère du bien et du mal dans ses moindres détails, parce que leurs sens « sont exercés à discerner le bien du mal. » (Hébreux V, 14). Ils connaissent aussi, et parfaitement, la mentalité de Satan et la dialectique de la philosophie du mal, selon les paroles de l’Apôtre qui dit que « nous n’ignorons pas ses desseins ». (2 Cor. 2 ; 11).
Dans la profondeur « logifiée » de l’être humain déiforme, le Temps et l’Eternité se trouvent organiquement unis, ontologiquement liés l’un à l’autre, selon la mesure de l’être humain. En se fondant sur les éternités qui sont en lui, l’homme peut s’édifier en une merveilleuse existence ; la forme divine (théoeidès) qui est en lui, est une source intarissable de forces créatrices de nostalgie divine, grâce auxquelles il se transforme en un être éternel.
L’unité entre le Temps et l’Eternité, qui se trouvait à l’origine, dans l’être humain, a été troublée par le péché, le péché qui a creusé en l’homme un gouffre entre le temporel et l’éternel ; et dans ce gouffre viennent s’abîmer, sans cesse, la pensée et la sensation de l’homme. Le péché, en tant qu’anti-Dieu et anti-Verbe, dé-divinise et dé-logifie l’homme et lui ôte toute signification. En d’autres termes, le péché tue l’homme en l’éloignant de Dieu l’Unique Source de la Vie, de l’Immortalité, de l’Eternité.
En vivant dans le péché, l’homme s’isole, ne reconnaît plus que lui-même et s’érige en centre de l’univers. Plus il s’enfonce dans le péché, plus il agrandit, dans sa conscience et dans son coeur, le gouffre entre le Temps et l’Eternité. Tourné vers le monde extérieur, l’homme du péché, sent et voit un fossé redoutable entre lui et les autres hommes, entre lui et les autres créatures. Plongé dans son isolement égoïste, il perd graduellement, puis complètement, le sentiment de l’unité universelle du genre humain. Entre lui et la créature, le gouffre devient sans fond, sans fin, sans pont. Un tel homme ne voit plus que lui-même et personne d’autre, rien au-dessus et autour de lui. Il est tout pour lui-même. Misérable, il se fait dieu et s’assoit sur un trône de fumier ; d’où le grand nombre d’hommes aux pensées courtes, aux sentiments mesquins, incapables de sortir d’eux-mêmes et de penser à autrui, incapables d’atteindre ce qui est éternel et divino-humain. Les pensées, les sentiments égoïstes, infirmes, rétrécis par l’amour de soi, ne reconnaissent ni Dieu ni homme. Une brèche s’ouvre dans les pensées, les sens, la vie de l’homme, déchirant sa conscience, son coeur, son âme, déchirement qui a ruiné l’homme de Faust : « deux âmes habitent dans ma poitrine ». (3)
Le Dieu-Homme, qui ôte le péché, est Celui qui a comblé le fossé creusé par le péché, entre le Temps et l’Eternité, entre l’homme et Dieu, entre l’homme et les autres créatures. Il a ainsi rétabli, dans la conscience et la sensation de l’homme, l’unité entre ce dernier et Dieu, entre le Temps et l’Eternité, entre ce monde et l’autre. C’est pourquoi les hommes qui possèdent l’esprit et la foi du Christ, dans leur lutte contre le péché, luttent pour restaurer en eux, et dans sa totalité, l’image du monde et atteindre ainsi l’homme total.
Le péché a rompu en l’homme l’unité de la sensation en soi, de la conscience en soi, de la pensée, de la vie, de l’existence, de l’être. Il a aussi brisé l’unité de la sensation humaine du monde (cosmo-théorie). La lutte en Christ contre le péché, est une lutte contre la seule force qui brise et détruit en l’homme la sensation de son union avec Dieu, entre le Temps et l’Eternité, la sensation de l’unité universelle. Par sa vie divino-humaine, le Dieu-Homme a donné sa philosophie divino-humaine de l’Unité Universelle. Dans cette philosophie comme dans sa vie, il n’y a pas de place pour le péché, le mal, la mort.
L’homme a été créé par Dieu comme un être macrocosmique ; il est donc naturel et logique, que se trouvent en lui, une sensation et une conscience macrocosmiques du monde. L’homme que le péché n’a ni ébranlé ni brisé, sent l’unité organique de toutes les créatures. Il sent la joie et la tristesse de toutes les créatures, comme si elles étaient siennes, parce que, selon un mode mystérieux, il est porteur du sort de toutes les créatures. Adam est l’exemple parfait, en lui, a régné jusqu’à sa chute, la sensation de l’union universelle. En tombant, il a entraîné avec lui toute la création dans le péché et la mort. Les Apôtres, les Martyrs, les Saints et tous les vrais chrétiens, sont après Adam, avant sa chute, des exemples nouveaux, et l’Apôtre Paul est l’exemple des exemples. Nul autre que lui, n’a senti aussi profondément, aussi intensément, que « toute la création souffrait et gémissait » avec les hommes, qu’elle souffrait et gémissait à cause du péché, soumise à la mort par l’homme ami du péché.
La réintégration de la création, a été accomplie dans la personne du Christ le Dieu-Homme. De Lui et par Lui, elle a été donnée à tous les membres de Son Corps, à tous les hommes qui ont été entés sur Lui, comme les sarments à la vigne. (Jean XV.1) Partant de Lui, la sensation et la connaissance divino-humaine de l’unité universelle de la vie et de la création, pénètrent les hommes, se concentrent surtout dans les âmes des Saints christifiés et pleins de grâce. En eux, et par l’action du Dieu-Homme, ont été guéries et réintégrées, la sensation et la conscience d’eux-mêmes et du monde. Les Saints sont des âmes régénérées et parfaites ; elles guérissent du péché, la création qui les environne et la ramènent à l’unité originelle. Etant devenus « fils de Dieu par la grâce », ils sauvent de l’émiettement de la corruption et de la brisure de son unité, toute la création. (Romains VIII, 19).
La restauration théandrique de l’homme, crée vraiment en lui, la sensation et la conscience de l’unité totale du macrocosme. L’homme du Christ voit toute la création, les cieux et la terre, dans l’unité divino-humaine universelle ; il sent et il sait que tout a été créé par le Christ dans les cieux et sur la terre : tout a été crée par Lui et pour Lui. Il est avant toutes choses et toutes les choses subsistent en Lui. Il est la Tête du Corps de l’Église. (Col. 1, 16).
Par la pratique des vertus évangéliques, l’homme rétablit dans sa conscience, sa sensation et sa vie, l’unité universelle du macrocosme. Tout l’homme participe à la transformation et à la reconstruction de lui-même. De toute son âme, de tout son coeur, de tout son esprit, de toute sa force, tout entier, il croît « de la croissance que Dieu lui donne » à la « mesure de la stature du Christ, jusqu’à l’homme parfait » (Col. II, 19 - I, 29 ; Eph. IV, 13). L’homme perd la sensation évangélique de l’unité universelle du macrocosme, quand il se livre, en toute conscience, aux oeuvres impies, en lui-même et autour de lui. (Col. 1, 21).
La Philosophie Divino-Humaine, la Philosophie selon le Christ, c’est la Philosophie de l’homme renouvelé en Christ, sanctifié, déifié en Christ. Dans cette Philosophie domine la sensation divino-humaine et la connaissance de l’unité universelle, de la PAN-UNITE des êtres et de la création ; tout ce qui paralyse, meurtrit, anesthésie la sensation et la connaissance divino-humaines de l’unité universelle, appartient à la philosophie de l’homme tout court, de l’homme pécheur, de l’homme périssable.
Il n’y a, en réalité, que deux philosophies : la divino-humaine et l’humaine. L’une est la philosophie du monisme divino-humain et l’autre, la philosophie du pluralisme humain. Toute la philosophie humaine se meut dans le cercle vicieux de la mort et de la mortalité, où la sensation et la connaissance de l’homme ont été brisées par le péché. Cette philosophie a introduit dans l’homme et dans le monde, toute une « LEGION » (de démons), les hommes ont été « légionnifiés ». Le nom de l’homme et du monde est vraiment LEGION. (Luc VIII, 30) Tout y respire la mortalité, tout y est « humain, très humain ». Menschliches, Allzumenschliches.
Et ce n’est pas pour rien que l’Apôtre porteur du Christ, conseille avec sagesse : « frères, prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde et non sur le Christ. » (Col. II, 8).
La Philosophie divino-humaine est une philosophie de l’expérience divino-humaine. En elle, tout se fonde sur l’expérience, sur la vie dans la Grâce et sur l’action de celle-ci. Là, il n’y a rien d’abstrait, rien d’irréel. Tout est réalité divino-humaine, car dans le Christ Dieu-Homme, « habite corporellement toute la plénitude de la divinité », c’est pourquoi il dit à tous : « Vous avez tout, pleinement en Lui » (Col. 2, 9-10).
Quand l’homme de tout son être s’incorpore au Christ, qu’il se remplit tout entier de Lui, il acquiert la sensation et la conscience divino-humaine de la PAN-UNITE du macrocosme. Il est envahi par le sentiment que tous sont responsables de tout : les souffrances de tous les êtres sont mes souffrances. Tous en Christ, forment un Corps Divino-Humain : l’Église et le Christ qui est la Tête du Corps de l’Église. (Col. 1,18). C’est Lui qui donne à la pensée de tout chrétien de penser, et à sa sensation de sentir. Il universalise la sensation et la conscience de chaque membre de l’Église pour qu’il vive « avec tous les Saints », de la vie du Christ Dieu-Homme. C’est pour cela que la philosophie divino-humaine de l’unité universelle et de la sensation divino-humaine existe dans l’Église.
L’homme n’est sauvé de la brisure et du morcellement de la sensation et de la conscience, que par la vie divino-humaine seulement. Il est sauvé de l’isolement égocentrique qui est une forme particulière de satanisme. Satan est l’être le plus isolé de tous les mondes. Il a totalement perdu le sentiment de la PAN-UNITE du macrocosme. Satan est seul, absolument seul. C’est pourquoi l’égoïsme des hommes, leur isolement égoïste, leur séparation d’avec la PAN-UNITE du macrocosme, ne sont rien d’autre, qu’un élan vers le Satanisme. Satan est Satan, parce que son auto-conscience et son auto-sensation, ont été complètement coupées de Dieu, de toutes les autres créatures, de tous les autres êtres.
Seule la divino-humanisation de l’homme dans le Christ, le délivre du satanisme, de l’isolement et de l’égoïsme. Par la divino-humanisation de l’homme, sont rétablies l’auto-sensation et l’auto-conscience de l’homme et sa sensation du monde. L’homme sent et reconnaît que son être est tissé avec tous les êtres, toutes les créatures. L’unité universelle est la plus réelle et la réalité la plus proche pour sa conscience et pour sa sensation. Un tel être rassemble, sans relâche, son être en Dieu par la prière, la foi, l’amour, la justice, la miséricorde, la vérité et par toutes les autres ascèses et vertus évangéliques.
Cette concentration de l’homme en Dieu, son auto-concentration dans le Dieu-Homme, fortifie en lui, à un degré inimaginable, la sensation et la conscience ce la PAN-UNITE du macrocosme. L’homme en Christ, inonde toute la création et tous les êtres de son amour infini et de sa miséricorde. Il prie avec larmes pour tous et pour tout, et sent et sait, comme nul autre, que l’amour et la bonté du Christ, sont le seul salut des pécheurs et la gloire immortelle des justes. Dans l’amour pour le Christ, réside toute la Philosophie de l’optimisme éternel, et dans la haine satanique se trouve la philosophie du pessimisme meurtrier de l’homme.
Ces deux Philosophies se dressent devant l’homme.
1. Logosnost est un terme du père Justin, qui exprime l’action de l’énergie de la Lumière Divine du Verbe, qui substantifie, déifie et éclaire tout homme qui vient en ce monde.
2. Christification, Logification et, comme on le verra plus loin, divino-humanisation, triadification, expressions utilisées par le père Justin, qui sont l’équivalent des expressions patristiques de « déification » et « divinisation ». Par elles, le père Justin souligne les nuances christologiques et triadologiques du Mystère de la Déification de l’homme.
3. Saint Macaire d’Egypte, dit que le péché est pour l’homme « une autre âme avec son âme ». Homélie XI, 15. PG., 344. c.556.
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