lundi 12 avril 2010

VIE DE SAINT PARTHENE DE KIEV.

LE STARETS PARTHENE
de la Lavra Petserskaïa de Kiev



Traduit du russe par le saint monastère du Paraclet. Oropos d’Attique. 1999. Traduit du grec par Presbytéra Anna.


PROLOGUE
de l’édition grecque du saint monastère du Paraclet.

A l'extrêmité sud de Kiev, sur la plus haute colline, dans les épaisses forêts & les grottes en nombre qui s'y cachent, surgirent les premières « fleursembaumantes » du monachisme russe. Ce fut Saint Antoine Petserski, moine russe, fondateur, avec Saint Théodose, de la Petserskaïa, qui l'y implanta depuis le Mont Athos, Jardin de la Toute Sainte, dont il était venu pour ce faire.
La sainteté & la réputation de Saint Antoine & de son disciple Saint Théodose jetèrent les fondements, parmi ces grottes désertes de Kiev, de la fameuse Lavra Petserskaïa. La Lavra allait devenir le foyer d'un immense rayonnement spirituel & déployer une intense activité dans toutes les directions. C'est cependant à une chaîne d'or ininterrompue de grands Starets, qui la relièrent au Ciel & à l'éternité, qu'elle doit principalement sa renommée.
Le Starets Parthène est l'un des brillants maillons de cette chaîne. Sa grandeur se conçoit à seulement feuilleter les pages de sa vie.
La vie du Starets Parthène couvre les années 1790 à 1855. Ce fut un an précisément après sa sainte mort que sa biographie fut écrite dans un langage simple & sans apprêt, & donnée à l'imprimerie du monastère. L'auteur est un fils spirituel du Starets, & vraisemblablement un moine, d'après les nombreuses annotations, de style monastique, du texte.
En quelques pages, il décrit les luttes, les acquisitions spirituelles, la grandeur ascétique, la divine vie de prière, & l'oeuvre du Starets Parthène, auquel il donne souvent la parole, en sorte que peu à peu le texte se transforme en autobiographie.
Les nombreuses visions qui encadrent d'une Grâce mystique la vie du Starets peuvent choquer la pensée rationnelle. Mais que le lecteur sache bien qu'il se trouve devant une figure à la vie entièrement pure. L' étude continuelle du Starets était le monde spirituel. Son coeur diaphane & pur comme le cristal, & son esprit lumineux comme une eau pure constituaient les garde-fous immatériels derrière lesquels il tombait en extase devant les visions divines. «  De ceux-là seuls sont vraies les visions », écrit Saint Syméon le nouveau Théologien, «  dont l'esprit est devenu simple par effusion de l'Esprit & libre de passions, & dont l'étude est celle des choses divines,& la méditation, celle des biens & des rétributions à venir... »
La publication de la vie du Starets Parthène apporte près de nous le monde inconnu des moines de Kiev, & ouvre la voie, espérons-le, à celles d'autres grandes figures du monachisme russe.


LIMINAIRE
de l’auteur russe.

Depuis Saint Antoine Petserski de Kiev, au Xème siècle, la bénédiction de la Sainte Montagne de l’Athos s’est étendue jusqu’à la Lavra Petserskaïa de Kiev. Et c'est un fait véritablement consolant que jusqu’à nos jours cette bénédiction n’a pas cessé d'y richement porter ses fruits. Le véritable esprit du monachisme&de l'ascèse selon Dieu n'ont pas quitté notre Lavra, par les intercessions de la Toute Sainte Mère de Dieu, les prières du Saint, & la Grâce de Dieu. Et aujourd'hui encore, « à la onzième heure « , il se trouve ici de bons ouvriers de la vigne, que le Seigneur accueille, comme ceux de « la première heure » .
Parmi eux se distingue le hiéromoine Parthène, Starets de la Lavra Petserskaïa, qui suivit les traces des anciens Pères, & s'endormit du sommeil du juste en l'an 1855.

Lorsque l'on médite sur les luttes de la vie angélique des anciens ascètes, l'on est saisi de stupeur. Comment ne pas admirer ces héros du désert, qui ont plu à Dieu, en Egypte, en Palestine, & sur l'Athos? Mais de tels lutteurs ont brillé aussi sur notre Athos à nous, que sont les saintes montagnes de Kiev.
Devant ces saintes figures, l'âme, désembarrassée des petitesses terrestres, s'enflamme, si peu que ce soit, du « désir divin » qui »  chez les ermites est ininterrompu. »
Le long intervalle de temps qui nous sépare de leur époque diminue l'influence de ces grands lutteurs sur les hommes d'aujourd'hui qui sont indifférents au Royaume de Dieu. Nos contemporains, paresseux & spirituellement tièdes, soutiennent, pour se justifier que seuls les temps anciens peuvent compter des figures capables de vivre une si haute vie spirituelle.
C'est pour cette raison que l'exemple de lutteurs spirituels qui sont nos contemporains est de première importance.
L'exemple de la vie des Saints contemporains est un événement de plus grande importance encore aujourd'hui, où sont rares de tels hommes, qui ressemblent, selon l'expression du Prophète, aux dernières épis demeurées dans le champ moissonné, ou aux derniers grains de raisins après les vendanges.


VIE DU STARETS PARTHENE

CHAPITRE PREMIER
ANNEES D’ENFANCE
VISIONS DE JEUNESSE

Le village de Simonov, qui se trouve près du bourg d’Alexinskii, à quarante verstes de la ville de Toulsk, eut l’honneur particulier d’être la patrie du très vénérable Starets Parthène, demeuré inoubliable, & à jamais inscrit dans la mémoire de tous. Il naquit le 24 août 1790. Son père & sa mère avaient nom Jean & Anna Krasnopéphtseph.
Pierre, - ainsi le baptisèrent-ils - , parce qu'il était fils d’un pauvre sacristain, allait éprouver, dès sa toute petite enfance, les difficultés & les afflictions qui sont indissociables de la pauvreté.
De fait, la pauvreté recouvre d’épines le chemin de la vie. Pour nombre de gens, elle génère bien souvent des maux variés, & se présente comme un joug pénible à porter,qui étouffe chacun des plus vifs désirs de ceux qu'elle opprime. Mais, tout à rebours, pour les âmes choisies, elle devient un feu purificateur, qui consume dès leur plus jeune âge les passions & les pulsions mauvaises de la nature humaine pécheresse. Et ce feu qui purifie forge aussi le caractère.
La dure lutte pour l'existence de ses parents était pour le petit Pierre une école de vie, où il puisait des leçons de patience & d’âpreté au travail. Il apprenait encore à vivre libre des liens du bien-être matériel.
Les biens terrestres ne le touchaient pas. Il dédaignait toutes les facilités de l'existence, & ceci allait le caractériser jusqu’à la fin de sa vie.
Le seul repos & l'unique bien-être qu’il rechercha jamais, & ce jusqu’à son dernier souffle, fut la prière, &, plus particulièrement, la prière incessante.
Les premiers rudiments des lettres, il les apprit à la maison paternelle.
Devenu jeune homme, il fut inscrit à l’école Orthodoxe de Toulsk. Ses progrès dans les études furent prompts. Du reste, il était d’un naturel doué de maintes facultés .
Ayant acquis les bases de l'enseignement scolaire, il partit suivre la section littéraire du Séminaire.
Les desseins de Dieu étaient cependant autres. Il s’agissait de lui ouvrir des horizons plus larges que ceux d' un cursus universitaire habituel. Le Seigneur allait le révéler pour Son serviteur & comme un vase de prière, & faire de son cœur un temple du Saint Esprit.

Dès sa plus tendre enfance, il avait été pieux. Il aimait particulièrement le Paraclet, troisième personne de la Sainte Trinité, au point que dans ses jeunes années, il fut gratifié d’une visitation de l'Esprit de Grâce .
«  Nous revenions », contait-t-il lui-même un peu plus tard, « mon frère & moi de l’école. Nous faisions la longue route qui mène à la maison. Allait commencer la période des vacances. La distance était grande, & nous fûmes surpris par la nuit. Nous nous arrêtâmes donc en chemin pour nous reposer. Nous nous étendîmes par terre, sous l’infinité du ciel. Le soir était très étoilé, & durant un assez long temps je ne pus fermer l’œil. Je ne sais pourquoi, une joie ineffable inondait mon âme. Je regardai vers les hauteurs du ciel ses étoiles innombrables, lorsque je vis soudain une colombe, blanche comme neige, venir vers moi. J'étais intrigué. D’où venait cette colombe ? Peut-être était-elle à nous ? Mais nous n’avions pas de colombier à la maison. A la vérité, comme elle était belle ! Je la regardai longuement, ne pouvant me rassasier de la voir.
Loin de voler çà & là, elle demeurait précisément au-dessus de moi. Par moments elle s’élevait, puis redescendait.
«  J’éveillai en hâte mon frère qui dormait à mes côtés.
Regarde, lui dis-je. Vois-tu une colombe ? – Quelle colombe ? Où est-elle ? – Là, elle volète au-dessus de moi. – Non, mon frère, je ne vois rien. Tu dois extravaguer dans ton sommeil… » Il se retourna de l’autre côté & se rendormit. Pour moi cependant jusqu' à l'aurore je n' éloignai point les yeux de mon visiteur du soir. Une Joie divine rémanait en mon âme, l'emplissant toute.
« A peine fit-il jour que la colombe, sans prendre son envol, devint soudain invisible. Depuis lors s’installa dans mon cœur une douceur toute divine, cependant que s’y allumait un désir pour le surnaturel. Nulle chose terrestre ne m’attirait plus que l'hypercosmique. Toutes choses se présentaient à moi ennuyeuses & sans attrait, me laissant froid & indifférent. Il me semblait que jamais plus je ne pourrais demeurer dans le monde. »
Le Starets ne put à toujours oublier cette vision toute de douceur. Il en écrit dans une prière de doxologie au Très Saint Esprit :
«  Ineffable Paraclet, qui procède du Père, & reposes dans le Fils, établis en moi l’Eglise de Ta Grandeur. Je garde en mémoire l’apparition de Ta paisible Grâce, tant aimable, lorsque, dans mon jeune âge, la figure de la colombe me visita, nonobstant que je fusse paresseux & négligent.

Après cet événement, Pierre suivit dans sa vie une ligne bien tracée. Il brisa les liens qui le retenaient aux intérêts charnels, & prit la décision de s’éloigner du monde. Bien souvent, il gagnait le bois, qui se trouvait non loin du village. Il s’exerçait là à l’ascèse du Silence, s’enfonçant dans la méditation & la pensée de Dieu, par la Prière recevant Sa sensible Présence.
« Durant l' une de ces sorties, » raconta-t-il, «  je me laissai tomber sous un arbre pour m'y reposer. Le sommeil me prit, & lorsque je m’éveillai, se tenait devant moi se tenait une haute figure, vénérable & imposante. C’était un moine, un Ancien. « Un moine étranger, & mort aux choses terrestres, » me dit-il, & il disparut bientôt sous le dense feuillage des arbres.
« De toutes mes forces, «  poursuivit-il, «  je courus derrière lui, mais je ne parvins pas à retrouver sa trace. Sa figure, cependant, & ses paroles se gravèrent pour toujours en moi. Je commençai de songer à la vie monastique. Réfléchissant à ces mystérieuses paroles, je finis par conclure qu'elles cachaient à peu près ce sens : Celui qui aura été jugé digne par Dieu de devenir moine doit se considérer lui-même sur la terre comme un étranger de passage ici-bas, et comme un voyageur ; il se doit d'être mort au péché & aux choses du monde, & de ne vivre que pour Dieu ».


***

Vassili, le frère aîné de Pierre entra au monastère tandis que celui-ci se trouvait encore au séminaire. Cela devait avoir aussi ses conséquences . Sans doute Pierre fut-il, de ce fait, contraint davantage encore de demeurer auprès de ses parents pour devenir leur soutien.
Doux à l’extrême, paisible, plein d'une sagesse précoce & doté d'esprit de sérieux, Pierre s'était fait aimer de tous. Dans sa famille, il était particulièrement estimé, au point qu' en de nombreux cas où surgissaient des difficultés familiales ses parents disaient :
Nous demanderons son avis à petit Pierre.
Et sa parole, qui tranchait toujours par sa simplicité & sa sagacité prenait pour eux force de loi. Il parlait avec droiture, & ses paroles étaient sans affectation aucune. Ils racontaient à ce propos l’évènement suivant  :
Un jour son frère visita la maison paternelle, alors qu’il était novice dans un monastère du désert de Zambine.
Ses parents voyaient bien que leur plus jeune fils, Pierre,
avait en tête des desseins différents de ce qu'ils escomptaient. Il serait difficile de le contraindre à fonder une famille. C’est pourquoi ils se tournèrent vers Vassili, qui, par nature, avait le sang chaud, & dont le caractère se montrait plein de vivacité.
Ils tentèrent de le persuader d’abandonner le monastère & de revenir auprès d’eux. C'était lui qui fonderait une famille & deviendrait leur soutien. Devant l’insistance & les supplications de ses parents, le novice commençait à céder.
Un soir, la discussion dégénéra en querelle. Ses parents usèrent de toute leur persuasion pour l'amener avec insistance à leur obéir. Ils disaient que ce leur était là la chose la plus utile au monde. Ils montrèrent même la fiancée qu'ils lui avaient trouvée. A la fin de quoi, Vassili céda.
- « Qu’il en soit, mère, à la fin, comme vous le voulez, « dit-il. Cette querelle est close. Je resterai auprès de vous pour votre consolation. Je ne retournerai pas au monastère. J’irai seulement chez l’ Evêque, lui soumettre cette demande...
Ensuite de quoi, il se tourna vers son frère qui était assis sur le grand poêle encastré dans le mur , foyer qui servait à cuisiner & à chauffer tout ensemble.
- « Qu’a cependant à dire petit Pierre de cela? » interrogea-t-il. Quel est son avis propre? »
Et Pierre, puisqu’on le lui demandait, répondit :
- Mon frère, toi qui as promis de servir Dieu , voici à présent que tu trouves moyen de servir Satan. Pour moi, donc, je ne veux plus dorénavant avoir rien à voir avec toi. De même que je ne te connais plus.
La réponse de Pierre était catégorique. Aussi, une nouvelle fois les parents plièrent-ils.
- « Il n’est pas question , «  finirent-ils par dire, « que nous insistions davantage. Puisque petit Pierre n’est pas d’accord, n’en débattons plus . Dieu ne bénirait point. « 
De là queVassili s'en retourna au monastère. Sous le nom de Bénédict il y devint Hiéromoine &, par la suite, Higoumène. Il mourut en 1855, à Kiev, alors qu'il était venu y mener l’hésychia, & fut enterré dans le désert de Kissaef.

***

Jour après jour les désirs divins de Pierre montaient davantage en son coeur. Quelque chose au fond de lui le poussait à visiter la Lavra de Kiev & à y vénérer les Saints Pères qui y reposent à jamais.
Et voici que, durant ses vacances, libéré de ses cours, il obtint pour ce faire l'accord de ses parents. La direction du séminaire lui octroyait également la permission de faire le voyage.
L'on était à l’été 1814. Il partit pour cette ville de Kiev qu’il désirait tant voir. Comme bien d’autres pèlerins , il entreprit le périple à pied. Il allait marcher à pied des kilomètres durant.
Enfin il arriva à la Lavra Petserskaïa de Kiev. La volonté de Dieu était qu'il y connût le père Antoine . Celui-ci, Hiéromoine de la Grande Eglise de Lavra et directeur de l'imprimerie du monastère, s'était coupé du monde pour mener son austère vie ascétique. Il devint Higoumène de la Lavra, & par la suite monta sur le trône épiscopal de Voronège.
Avec beaucoup d’amour & une sollicitude toute paternelle, le père Antoine reçut le jeune pèlerin venu vénérer les reliques des Saints de la Lavra. Pierre devait se rappeler tout au long de sa vie, avec de profonds sentiments de reconnaissance, sa bonté & sa simplicité.
Avec beaucoup d’intérêt, le Hiéromoine écouta le récit de ses difficultés, de ses requêtes & des désirs qui le taraudaient. Il lui concéda encore un logement auprès du sien, qu 'il pourrait garder aussi longtemps qu’il resterait à Kiev.
“ Ma joie était inexprimable, ” dit plus tard Parthène, cependant que je m’avançai vers l’entrée de la Lavra. Devant moi s’élevait la Grande Eglise, semblable au ciel. A ce moment, je fis secrètement une promesse à Dieu : Je resterais moine ici. Oui, que j'y vécusse, si même je devais être le dernier des frères convers dans le cloître de la Lavra.”

***
A cette époque vivaient là deux grands Starets, réputés pour l’austérité de leur vie & pour leur charisme de Proorasis, leur permettant de connaître l’à venir . Il s’agissait de deux moines grands schèmes, Vassion l’aveugle, & Mikhaïl .
Le tsar Alexandre Pavlovitch, durant le temps qu'il séjournait à Kiev, visitait souvent le starets Vassion.
Pour fuir les honneurs & le bruit, il venait le rencontrer à minuit, sans l'en avoir averti à l'avance & sans annoncer son rang impérial . C'était cependant chose qui ne pouvait se cacher à un Starets empli de discernement, & doué de Diorasis , laquelle faculté surnaturelle lui permettait de savoir ce qui se passait ailleurs .
Le pieux monarque demeurait toujours ému de l’entretien avec le Starets aveugle. C’est à lui qu’il se confessait. Il lui offrit une Croix pectorale très précieuse, que conserve encore jusqu’à aujourd’hui le trésor sacristain de la Lavra.
Le Starets Vassion s’endormit en 1827, à l’âge de quatre vingt deux ans, tandis que se levait le jour de la fête de l’Annonciation .

***
Il se trouva que Pierre entendit d'abord parler du starets Michaïl. Il l’alla visiter pour lui demander sa bénédiction.
“ J’allai à sa cellule & je frappai à la porte. Celui-ci, à peine m'eut-il aperçu qu’ aussitôt il m’appela par mon nom, en dépit du fait qu’il ne m’avait jamais vu.
- « Comment es-tu venu ici, Pierre ? « me demanda-t-il.
Je m’assis un peu auprès de lui. Il bénit mon désir de devenir moine à la Lavra. Ma joie en était inexprimable.”
Le Starets Mikhaïl s’endormit le 22 décembre 1815 à l’âge de quatre vingt treize ans, & fut enseveli devant l’église de l’hôpital.

***
Pierre visita la Lavra en août 1815. Son âme en ce lieu goûtait tant de repos, qu’il ne se sentit pas le coeur de retourner poursuivre ses études. Il y demeura donc jusqu’au 22 mars de l’année suivante.
Il ne s’était cependant pas fait rayer de la liste des inscrits au séminaire, non plus que des registres de sa province. C’est pourquoi il reçut des supérieurs de l'Institut de Théologie l'ordre de revenir à Toulsk , pour y achever son cursus.
C’est ainsi qu’il se sépara de sa chère Lavra de Kiev. Mais avec quel coeur allait-il continuer ses études à présent ? Le désir de la vie monastique était ce qui possédait son coeur .
Pour finir, il décida la même année 1815 de se désinscrire du séminaire. Aussi ne termina-t-il pas ses études ; de là qu'il se disait toujours inculte & illettré.
“ Pour moi, je ne suis pas théologien”, disait-il, fuyant les entretiens avec de prétendus sages, dont la fin dernière n’était pas la soif de la Parole divine, mais la curiosité intellectuelle.
Nonobstant tout cela, il méditait les plus hauts sujets théologiques. Il parachevait ses connaissances non seulement grâce aux écrits de la science théologique, mais surtout de par sa continuelle Contemplation de Dieu le Verbe dans la Prière incessante.

***
“ Le Seigneur dirige les pas de l’homme, ” écrit David. La marche des élus de Dieu est rythmée par les conseils cachés du Très Haut. Depuis le commencement la route en paraît malaisée. Innombrables sont les obstacles, qui surgissent devant eux. Des tribulations, qu'elles fussent peu ou fort nombreuses, mettront à l'épreuve leurs dispositions, & exerceront leur âme, de sorte qu' ainsi purifiés, & par là devenus forts, ils se pussent préparer à leur cheminement en gloire. Ce fut ce qui advint dans la vie de Pierre.
Après sa radiation du séminaire, il crut qu’il ne rencontrerait plus nul obstacle dans la réalisation de son dessein . Mais la réalité des faits le détrompa.
Ses parents désiraient qu’il vînt rapidement près d’eux & l’obligèrent à prendre une place libre de sacristain dans sa contrée natale. Ils avaient encore souci de le marier. La fiancée - une fille de prêtre orpheline - était déjà prête.
Pierre, extrêmement doux de caractère, n’eut pas l’air de s’opposer aux desseins de ses parents. Ceux-ci avancèrent & fixèrent le jour du mariage. C'étaient cependant d’autres noces, spirituelles ,& incorruptibles, qui possédaient le coeur de Pierre.
Approchait le jour du mariage, quand , soudain, Pierre disparut. Il était parti pour sa chère Lavra de Kiev. Il y resta, cette fois-ci, deux mois. Après quoi, il fut contraint de revenir, ne s’étant toujours pas fait radier des registres de sa province. Sans cette inscription,il n’était pas possible qu’un citoyen passât d’une province à l’autre.
De retour chez lui il apprit que la jeune fille que ses parents lui avaient destinée pour fiancée était déjà mariée. Cependant ceux-ci n’avaient pas renoncé à leur projet. De la province voisine de Kalouzkaïa , ils trouvèrent une autre jeune fille orpheline, fille de prêtre, elle aussi ; & ils désiraient qu’avec elle Pierre prît la place du sacristain défunt.
Les difficultés, cette fois, redoublaient. Ses parents étaient inflexibles . Sans retard, ils apprêtèrent le mariage. Il ne pouvait y avoir de radiation des registres éparchiques. Pierre semblait prêt à se conformer à la nouvelle situation. Peut-être était-ce a volonté de Dieu qu'il en fût ainsi.
Le jour du mariage approchait. Il advint que le jeune homme se trouvât dans la ville de Toulsk, lorsqu'il y apprit l’ordination du nouvel Evêque Abraham. Il songea que c'était là quelqu'un, qui pouvait le faire sortir de l’impasse . Il y alla, & après qu’il lui eût fait part de ses désirs, il lui demanda l’autorisation d’entreprendre le voyage pour Kiev. L’Evêque montra beaucoup de compréhension.
- « Quand tu iras là-bas, prie aussi pour moi, »  lui dit-il.
Dans l’intervalle, il donna l’ordre qu’on lui préparât sans tarder le laisser-passer. Le jour suivant , Pierre avait entre les mains le passeport, &, le plus important, la désinscription définitive
des catalogues éparchiques.
Qui se serait attendu à une telle évolution de la situation? Pierre voyait très clairement là l’intervention de la Providence divine. Ce qu’il avait regardé comme irréalisable, se advenait à présent devant ses yeux . La désinscription des catalogues éparchiques était chose faite. Il pouvait désormais passer la porte du monastère & vivre à toujours en ces lieux lointains sans plus être importuné.

A son retour, les siens écoutèrent stupéfaits le récit de la nouvelle tournure que prenaient les événements. Dans l’excès de leur chagrin, ils ne pouvaient retenir leurs larmes. Ils n’osèrent cependant pas l’empêcher à nouveau de partir au monastère. Ils lui donnèrent leur bénédiction. S’était en eux affermie la conviction que Pierre était choisi par Dieu, & qu’il deviendrait leur intercesseur auprès du trône céleste.
- Nous sommes assurés à présent qu’il ne sied pas que tu vives avec nous, Pierre.
Ne nous oublie pas dans tes prières, jamais.
C’était avec une émotion particulière que le Starets se souvenait, à toujours, de l’amour de ses parents.
“ Mon père, “ conta-t-il, “ avait une belle paire de bottes, qu’il ne portait que les jours de fête. Lorsque je quittai la maison, il m’accompagna un assez long bout de chemin. Et, avant que nous nous séparions, il me les donna, insistant :
“- Ce sont les tiennes. Les chaussures que tu portes vont s’abîmer en route, & tu n’auras pas d’argent pour en acheter d’autres. »
“ Pour ne pas lui faire de peine, je les pris. Je ne pouvais cependant cesser de penser qu’il en avait grand besoin. Je m’entendis donc en route avec un bon Chrétien pour qu' il les rapportât à la maison paternelle.
“ Mon père me donna en outre un peu d’argent, & me bénit avec une petite croix de métal.”
Son voyage vers Kiev se déroula sans fatigue. Un homme bon, un marchand, qui voyageait avec son propre moyen de transport pour Kiev, s'empressa de lui rendre le service de l'y emmener. Grâce à sa bonté d'âme, Pierre, en sus de réchapper à la marche à pied, fit en sa compagnie un voyage aisé & fort agréable jusqu'à sa destination finale.

***

CHAPITRE DEUX

PREMIERES LUTTES
& PREMIERES CONQUETES.


Nous étions en juin 1819. Pierre arriva à sa chère Lavra de Kiev qu'il avait tant désiré d' atteindre. Son Père spirituel, homme de grande réputation, Antoine, lequel était aussi directeur de l'imprimerie du monastère, avait dans l' entretemps reçu la charge d'Higoumène de la Lavra. Il l'accueillit une nouvelle fois, avec le même amour paternel que naguère. Son souci était de l'installer définitivement au monastère.
Avec la bénédiction du Métropolite Sérapion, Pierre fut mis au rang des novices, & affecté à la boulangerie où sont pétries les prosphores pour le pain béni & le pain liturgique.
Ses rêves devenaient réalité. En sa nouvelle existence il pouvait donner forme aux désirs qui, des années durant, l'avaient tourmenté.
De cette vie de noviciat au monastère , il nous racontait:
« Les ascèses monastiques ne m'importunaient pas excessivement ; & je ne me préoccupais pas véritablement de savoir si j'allais me fixer tel ou tel programme d'ascèse. Une seule chose comptait, à quoi je me tenais continûment : L'essentiel était que je prie, & surtout de Prière incessante . Je me fatiguais autant que j'en avais la force. Je cherchais à obéir en toutes choses, & à l'Higoumène comme à Dieu. Il importait aussi que je n'offense pas mes frères & que je ne condamne personne. Je n'avais d'ailleurs pas le temps de m'occuper des comportements d'autrui. Ce qui m'intéressait, en premier lieu, & avant tout, était d'acquérir la connaissance de soi. »
Avec l' Illumination du Saint Esprit, Pierre dès le premier moment commença d'acquérir les vertus, qui sont habituellement le fruit d'ascèses de longues années.
Il s'habitua à fatiguer son corps , & à le soumettre à toute sorte de privations. Cela, il ne le faisait pas dans le dessein exclusif de mortifier les passions corporelles, que, de fait, il ne connaissait pas. Avec la Grâce de Dieu, il avait toujours été gardé pur depuis ses plus jeunes années. Mais il s'y astreignait, parce qu'il avait appris à mépriser les repos corporels.
Toute préoccupation & souci de « l'homme extérieur » étaient pour lui des obstacles, qui l'arrachaient à la Prière, avec laquelle il voulait sanctifier chaque instant du temps. Et tout le temps qui lui restait de la diaconie très pénible de pétrisseur de prosphores, à laquelle il oeuvrait avec tant de zèle, il le consacrait à la Prière.
Fatigué par sa diaconie, on le voyait étendu sur le banc ou sous la table de la boulangerie.
Son austère mode de vie & son dévouement de toute son âme à l'obéissance ne demeurèrent point ignorés de l 'Higoumène de la Lavra, Antoine, qui suivait ses progrès spirituels avec un intérêt vigilant.
Il ne s'était pas passé un an qu'il fut promu au rang de chef boulanger. Durant douze ans, il demeura en cet emploi, peinant chaque jour & priant sans cesse.

***

Il devait passer un jour par une grande épreuve, lourde pour son âme. La vie à l'obéissance, le travail très ingrat de boulanger chargé des prosphores, les autres privations que comprend la vie ascétique, le plongèrent dans un abattement tel que son âme en devint dépressive. - Il est connu, du reste, que la guerre contre le démon de l'acédie & de la mélancolie est chose habituelle dans la vie des moines -. Son âme avait besoin d'être affermie & consolée.
Dieu se soucia de prodiguer consolation à son digne serviteur. Tandis qu'une nuit, il veillait très chagrin en Prière, il vit devant lui, près du fournil, une forme inconnue. C'était, dans une vision, lui apparaissant, Saint Nicodème le faiseur de prosphores, venu le visiter . Ce Saint avait vécu à la Lavra Petserskaïa au XII°siècle, sous l'Higoumène Pimène. Ensemble avec Saint Spyridon, également pétrisseur de prosphores, ils avaient exercé trente ans leur diaconie, ayant pour canon de lire chaque jour le psautier en entier.
Oui, c'était bien Saint Nicodème qui se tenait assis là, devant lui, le Psautier à la main.
«  Je crus, » nous dit-il, « qu'il s'agissait de l'un des Pères de la Lavra. Sauf que celui-ci portait aussi sa mandia. Je fus fort étonné . Comment avait-il pu se trouver là, sans que je me fusse avisé de son entrée? Je m'approchai de lui, mais il disparut aussitôt.
«  Je me laissai tomber pour dormir. Et voici que je vis dans mon sommeil la même figure, à nouveau se présentant à mes yeux.   « - Je suis Nicodème le pétrisseur de prosphores, «   dit-il, «  & je visite souvent le lieu où je me suis donné bien de la peine, mais qui m'aida à obtenir la miséricorde de Dieu & l'assurance de mon salut. »
De ce temps, Pierre nourrit une vénération & un amour particuliers à l'endroit de ce Saint. De surcroît, à l'imitation de son exemple, il prit une grande résolution : Il lirait chaque jour le Psautier en entier. Peu à peu, il le mémorisa par coeur, au point de pouvoir le psalmodier de mémoire en son entier.
Depuis les premiers jours de son entrée à la Lavra, il avait mené sa vie de façon remarquablement paisible & hésychaste, ce qui est dire adonné à la Prière du coeur .
Parmi ses vertus monastiques prééminaient celle de la tempérance & du jeûne ; - bien que lui-même prétendît le contraire, feignant ne pas pouvoir jeûner , sans parler d' une semaine, fût-ce un seul jour. Dans sa conduite accoutumée, il brillait par son incroyable douceur, & sa gentillesse ; son caractère enjoué le rendait avenant envers tous.
Tous ses frères l'aimaient pour ses vertus & l'estimaient grandement. Plus tard, dans un âge avancé, lorsqu'il se rappelait l'estime & l'amour que lui témoignèrent les autres durant ses années de vie lavriote, il en glorifiait Dieu avec des larmes de reconnaissance.
Il ne se trouvait pas un frère pour l'offenser le moins du monde ni lui causer une quelconque amertume. Tous, au contraire, du plus grand au plus petit, lui témoignaient avec chaleur & coeur qu'ils l'aimaient, l'estimaient, & étaient tout empressés à le servir, quand bien même il évitait, quant à lui, de leur peser,& fuyait toute familiarité excessive.
Outre son ardeur à l'ouvrage, ses veilles , sa prière incessante, & sa bonté d'homme de paix, il impressionnait tous ses frères par son désintéressement de non-possesseur.
On ne lui connaissait pas d'autre vêtement que celui qu'il portait. Quant à celui-ci même, il eût été prêt à le donner avec beaucoup de joie au premier venu qui en eût eu besoin.
Lors d'un hiver particulièrement rude, un passant lui vola l'unique mandia qu'il possédait, son manteau monastique en laine de mouton, cadeau d'un pieux chrétien. Il n'en conçut nul chagrin.
Quelques jours après le vol, les moines attrapèrent le voleur, & l'ayant morigéné, avec force reproches, le menèrent au Starets qui pétrissait ses proshores.
Le Starets, avec amour, serra le pauvre dans ses bras & , voyant son embarras :
 - « Ne le tourmentez pas, » dit-il. « C'est un pauvre, & sous la mandia qu'il porte, il tremble de froid. Nous, nous avons bien chaud, ici, à l'intérieur. Lui, cependant, sans toit, est exposé nuit & jour à la froidure.
Puis, il se tourna vers le voleur :
Ne t'inquiète pas, mon frère. Prends ta mandia. Et voici de l'argent pour ta nourriture. Contente-toi désormais de n'étendre plus la main vers quelque chose qui ne t'appartient pas.
On peut trouver dans touts la vie du Starets nombre d'évènements semblables, révélant la grande indulgence qui était sienne.



***
Comme lui-même le confessait, il avait été gardé pur depuis son jeune âge, & n'éprouvait pas les attaques du combat de la chair.
C'était la volonté du Seigneur, son coeur devant devenir la demeure du Saint Esprit, & temple de prière, qu'il ne fût pas souillé par les passions impures. La Grâce de Dieu le gardait même des pensées impures.
L'évènement suivant nous révèle quelle place il accordait à la pureté :
«  Au début de ma vie à l'obéissance , de pétrisseur de prosphores, «  nous racontait-il, « il se trouva que j'entendisse sans le vouloir les conversations obscènes d'un groupe de jeunes gens. Quand donc, tard, le soir , je me laisser tomber de fatigue pour prendre quelque repos, tout ce que j'avais entendu me revint en mémoire. Parce que j'étais encore inexpérimenté dans la vie spirituelle, je n'éloignai pas aussitôt de moi ces pensées. Tandis que je les repassai en mon esprit, j'étais dans l'embarras me demandant comment il se pouvait faire que les hommes péchassent & quel plaisir ils pouvaient bien goûter aux péchés de la chair. De telles pensées, m'importunaient, toujours davantage, & je ne pouvais en aucune façon me délivrer de leur tyrannie.
«  Soudain l'on frappa à la porte de ma cellule. L'on m'appelait à l'obéissance pour reprendre ma diaconie. J'y allai sans tarder & me mis de bon coeur au travail , dans le même temps que je priais. Et voici que les pensées qui m'avaient tant tourmenté avaient disparu. Je les oubliai tout-à-fait . Je travaillai d'assez longues heures jusqu'à minuit. Après quoi, je fis mon canon & m'endormis.
«  De bon matin, on m'appela pour que j'allasse chez l' Higoumène. Celui-ci me conduisit à son bureau.
« Dis-moi, Pierre, » me dit-il, « pour me parler comme l'on parle à un Père Spirituel, peut-être dans le passé es-tu tombé en quelque péché que tu n'as pas confessé? »
«  Surpris, je réfléchis assez longtemps, cherchai au fond de moi, opérant un retour sur le passé ; mais je ne trouvai rien. - « Non, Géronda, je ne me souviens pas de quoi que ce soit dont ma conscience m'accuserait. » - « Examine-toi mieux , » me dit-il encore, insistant. Je plongeai ma pensée dans une autocritique scrupuleuse, mais je ne pus me rappeler quelque chose que j'aurais gardé en moi sans l'avoir confessé. - « Il faut qu'il y ait quelque chose, » me dit-il. « Ecoute ce que j'ai vu cette nuit en rêve :
«  Tandis que je me trouvai dans la Grande Eglise en face de l'icône de la Très Sainte Mère de Dieu, entourée des icônes de l' Apôtre Pierre & de Saint Antoine, je te vois entrer dans l' Eglise & t'avancer devant l'icône de la Toute Sainte pour lui faire une métanie. Lors, la Mère de Dieu, comme si elle eût été vivante, détourna d'autre côté son visage. Tu te mis à regarder toi aussi dans la même direction, mais elle se détourna encore. Tu t'assis en face d'elle, très triste.
«  Alors Saint Antoine te couvrit tendrement de sa mandia ; &, avec l'Apôtre Pierre, ils dirent à la Mère de Dieu : - « Toute Sainte Souveraine, pardonne-lui, parce qu'il a péché par ignorance. Nous nous portons garants de lui. « Et la Vierge Sainte leur répondit : - « Dans la mesure où vous êtes ses garants, pour l'amour de vous, je lui pardonne. « Et aussitôt, elle tourna son visage de ton côté. A cet instant, je m'éveillai. C'est ce qui me fait insister. Examine-toi bien, au cas où tu aurais péché en pensée, si non en actes.
«  Alors, comme si ma mémoire s'illuminait, je me souvins de ces pensées impures, & aussitôt je les confessai. « Oh! Combien faut-il que nous nous gardions,  explicitait-il plus tard, des pensées impures. La pureté de corps ne suffit pas. La Toute Sainte se détourne de nous, de même que lorsque nous songeons aux péchés des autres. Il est besoin là-dessus d' une grande vigilance. Le Psalmiste y insiste, s'écriant : «  De mes pensées secrètes purifie-moi; épargne à ton serviteur les pensées étrangères. »

***



CHAPITRE TROIS

DIGNITES & CHARGES SPIRITUELLES


La tonsure monastique de Pierre eut lieu le 2O septembre 1824. Ce fut dans l'église de l'hôpital que Père Antoine, l' Archimandrite, Higoumène de la Lavra, qui lui était si cher, le revêtit du schème monastique. Pierre reçut avec l'habit le nom de Paphnuce. Peu de temps après, le Métropolite Eugène le fit diacre. De l'instant où il fut fait moine, il intensifia le combat qu'il menait en cette vie de Prière & de renoncement qu'il avait faite sienne.
Si quelqu'un entrait dans sa cellule, il ressentait un vif étonnement à la vue de sa pauvreté & des privations auxquelles il se soumettait : Les murs en étaient nus. Sur la toute petite table , l'on distinguait une Croix & l'icône de la Toute Sainte Mère de Dieu. Dans un coin, sans aucun matelas, le banc de bois qu'il utilisait comme lit, & comme siège. L'on apercevait encore une écuelle en bois & sa lampe-tempête. C'était là toute la fortune que comptait sa cellule !
Les nuits, il les passait dans la Prière, l'étude, & la copie des livres patristiques. C'est ainsi qu'il recopia de sa main le livre des Pères de la Skyte de la Lavra & l'Abba Isaac le Syrien.

***

A proportion des peines qu'il se donnait, il croissait en vertu, & atteignait des cimes spirituelles. Parfois aussi, il était jugé digne de recevoir des visions envoyées de Dieu.

Un jour, fête de la Pentecôte, tandis qu'il célébrait en tant que Diacre la liturgie dans la Grande Eglise, sous la conduite de l'Higoumène de la Lavra, Antoine, il fut gratifié d'une révélation bénie :
Soudain,alors qu'il regardait vers les hauteurs, il se trouva dans un état d'extase. Dans une admirable lumière il contemplait quelque mystère divin lié au Salut. Chaque fois , par la suite, qu'il se souvenait de cette vision, il ressentait une joie inexprimable. Mais il n'en découvrit rien aux autres qu'allusivement. Il disait qu'il ne pouvait pas expliquer ni même seulement dire ce qu'il avait vu.

L'on avait résolu de l'ordonner Prêtre, sans l'en avoir nullement averti. Une vision, toutefois, qu'il eut durant la nuit, le prépara au grand événement.
«  J'entrai, » raconta-t-il , «  dans le sanctuaire de la Grande Eglise. Devant la sainte Table se tenait un Archiprêtre, revêtu de tout son ornement archihiératique. Il m'était inconnu. A sa droite était une femme vêtue d'une robe royale. Sur la Sainte Table, le Saint Evangile rayonnait d'un puissant éclat.
«  Le saint Archiprêtre me regarda, disant : - »  Paphnuce, prends l'Evangile & célèbre la liturgie. «  Moi, ébloui tout, dans la Lumière qui s'épanchait du Saint Evangile, je répondis : - « Saint Souverain, j'hésite encore à m'approcher de la Sainte Table. Comment oserais-je toucher le Saint Evangile? »
«  Alors intervint la Reine qui était apparue, &, d'une voix infiniment douce : - « Paphnuce », me dit-elle, «  prends-le ; je m'en approcherai pour toi. »  - Je compris que c'était la Vierge Sainte.«  Si c'est toi, Souveraine, «  lui répondis-je « qui t'en approches pour moi, je suis prêt à tout. Que ta volonté soit faite. »
«  Sur ces mots, je m'approchai de la Sainte Table & le Saint Archiprêtre me tendit l'Evangile. A peine l'eus-je pris que je m'éveillai.
«  A ce moment, l'on m'appela. L' ecclésiarque m'informa que Sa Béatitude Eugène m' enjoignait de me préparer à célébrer dans la Grande Eglise. Il célèbrerait lui aussi & - quelque chose à quoi je ne m'attendais nullement – il m'ordonnerait Prêtre, bien que je ne fusse nullement préparé à un tel événement. »
On était alors- & ce fut la date de son ordination - le 26 décembre 1830.

Très vite, le Très Vénérable Eugène lui ajouta au lourd fardeau de la prêtrise le plus lourd devoir encore de Père Spirituel de la Lavra. Il lui confiait aussi la tâche d'enseigner les âmes, de faire des prédications & de donner des conseils spirituels à la communauté des frères.
Il fut également, soit dit en passant, durant assez longtemps occupé à la librairie de la Lavra. Cependant, parce que cette diaconie le dispersait beaucoup dans sa Prière, & ne convenait pas à son caractère, l'on se mit en peine de l'en débarrasser.
Quand le sévère Archevêque, si plein de discernement, lui confia la lourde charge de Père Spirituel, Paphnuce n'avait pas encore quarante cinq ans. Mais, dans la décision du Métropolite , se pouvait aisément déceler la volonté de Dieu.
En soi, le travail de Père Spirituel était particulièrement difficile. Il fallait à présent qu'un être aussi hésychaste & aussi pur qu'il l'était fût mélangé à un monde de péché, & qu'il libérât autrui des liens de la fragilité psychique. C'était pour lui chose très éprouvante. Mais pour tous ceux qui venaient auprès de lui chercher la guérison de leur âme, qu'il devînt
Père Spirituel était salutaire.
Parmi d'autres vertus monastiques, comme la garde du coeur & la Prière incessante, il avait atteint à une telle pureté & à une telle absence de passions que tous ceux qui le connaissaient de près eussent dit qu'il était désincarné, tel un incorporel.
En tant que Père Spirituel , son contact avec le coeur humain plongé dans le péché, tout rempli d'impurs «  reptiles sans nombre », ne troubla pas le cours si pur de ses pensées, que protégeait la Grâce divine. Du fait de cette épreuve psychique, il ressentait néanmoins un affaiblissement de ses forces, qui pouvait aller jusqu'au complet épuisement.
Durant la période du Grand Carême, il avait à confesser un très grand nombre de pèlerins. Après la confession, on le voyait troublé en son âme, & inimaginablement affecté. Le spectre ténébreux de tant de passions humaines traumatisait son tendre coeur & le faisait souffrir, sans qu'il pût aisément retrouver sa paix d' hésychaste.
Il était empli d'affliction à songer combien les hommes se déprivent, par leurs iniquités, de la grandeur & de la Grâce de Dieu.
«  Oh! Pauvres! Pauvres gens! Si ils voyaient combien, par le péché, ils offensent la miséricorde & la Gloire de Dieu! S'ils ressentaient quels biens ils échangent contre les impuretés du péché! Ils préfèreraient lors être morts dans les entrailles maternelles plutôt que d'être nés. »
C'est comme un tendre père qu'il recevait chaque âme pénitente, & il aurait pu se glorifier avec Job, disant : «  Pour moi, j'ai pleuré sur tout être faible. »
Les chutes des hommes dans le péché, il ne les attribuait pas tant à leur propre attitude délibérée qu'au vieil ennemi de notre Salut, Satan.
«  Celui-ci, disait-il, «  comme un lion rugissant rôde, cherchant qui dévorer...Les pauvres gens ne voient pas ses pièges. S'étant éloignés de Dieu, n'obéissant pas à Sa loi ,& n'ayant nul souci de l'enseignement de l'Eglise, ils deviennent prisonniers du Diable. Ici se trouve le commencement du péché & c'est pour cela qu'ils seront jugés.
«  Le péché est en soi pitoyable & les hommes ne devraient pas y adhérer aisément. Mais parce qu'ils sont indifférents , & s'enfuient loin de Dieu, ils tombent dans les griffes de Satan. Ils deviennent son jouet, comme la balle entre les mains de l'enfant, & ils font ce qu'ils n'auraient pas voulu faire. Celui qui veut être sauvé se doit de rechercher le Seigneur de toute son âme. Par de continuelles & insistantes supplications, il Le rencontrera.
«  Toi, prie, supplie de toute ton âme qu'Il ne te laisse pas, & Lui te dirigera. Il te gardera du péché. Tout seul tu ne peux rien mener à bien. « Sans Dieu, «  dit le proverbe russe, « l'on ne parvient pas même jusqu'au seuil... »
***

En 1838, il exprima le désir de devenir moine grand schème.- Le grand schème angélique, dans l'Eglise russe ne se confère qu'à ceux qui sont spirituellement très avancés & s'accompagne d'une vie hésychaste & d'une ascèse extrême. - Il soumit donc au Conseil Spirituel de la Lavra sa demande rédigée dans les termes suivants :

«  Mes chers &Vénérables Pères,

«  Je désire recevoir le grand schème angélique.
Aurai-je, moi l'indigne, votre bénédiction pour ce faire? Je crois inébranlablement qu'au milieu de vous se trouve la Mère de Dieu Toute Sainte, qui est Souveraine du Monastère & qui, avec vous, invisiblement le dirige.
«  Je m'en remets à votre sainte décision, & ce, si même elle était négative. Quoi que vous décidiez, je l'accepterai comme le saint fruit de votre amour.
«  Priez pour moi pécheur, que je ne fasse pas honte aux anges ni aux hommes de mes secondes promesses monastiques.
«  Examinez ma demande, & jugez comme bon vous semble. Je me remets moi-même entre vos mains , & j'attends ce que vous déciderez paternellement, comme venant de la Souveraine de la Lavra Petserskaïa & de ses Saints thaumaturges.

Hiéromoine Paphnuce,
Père Spirituel ».

A cette époque, l'on n'avait pas coutume de revêtir du grand schème quelqu'un qui ne fût pas dans un âge très avancé. Et, parce qu'en son temps les grands schèmes étaient rares, en raison des nombreuses exigences du schème, il doutait beaucoup que sa demande fût acceptée.
Que décideraient donc ses Pères? Quoi qu'il en soit, une réponse négative l'affligerait grandement.

Un jour qu'il était assis dans le jardin, près de sa cellule, & que son esprit se tourmentait à ce propos, il s'endormit.
Il vit dans son sommeil un Saint Archiprêtre, revêtu de ses ornements archihiératiques, s'approcher de lui. - « Paphnuce, lui dit-il, ne doute pas . Ton désir va être exaucé. » - « Archiprêtre de Dieu, qui es-tu donc? » - « Je suis Parthène, Evêque de Lampsakos, » répondit celui-ci.
Paphnuce aussitôt s'éveilla & l'espoir prit en lui la place des doutes qui le troublaient.

Depuis ses plus jeunes années, avant chaque changement important que comportait sa vie, il recevait préalablement, & d'une façon toute particulière, de divins messages, qui lui révélaient les desseins de Dieu touchant son avenir.
Le Métropolite Philarète, qui avait reçu pour troupeau l'Eglise de Kiev, examina sa demande , & lors des entretiens qu'ils eurent ensemble, discerna la Grâce qui se cachait dans l'âme de Paphnuce. Il l'ordonna donc lui-même grand schème dans la grotte de Saint Antoine, le 1er juin 1838, lui donnant le nom de Parthène. Celui-ci avait alors quarante-six ans.

***


CHAPITRE QUATRE


POUR LES ERMITES, LE DESIR DIVIN EST ININTERROMPU...



Le grand schème angélique recouvre de grandes luttes & comporte maintes exigences. Le Starets entrait en lice sur cette nouvelle piste, plein d'un zèle brûlant, comme s'il fût reparti du commencement. Il mettait la main à la charrue sans regarder en arrière. Ce qu'il désirait le plus alors était de posséder le véritable esprit de la Prière. Ce serait dans cette direction qu'il se tournerait, tendant tout ses efforts. Enfin, il réussit à acquérir la Prière pure, qu'il posséda sous sa forme la plus parfaite.
La Prière lui devenait indispensable, comme la nourriture, & comme l'eau. Elle devenait, selon son expression, pareille à une blessure qui s'ouvrait dans son coeur.
Il vivait de l'énergie de la Prière même dans ses occupations extérieures. Il en était encore de même, & de façon tout intense, lorsqu'il dormait.
Il aperçut un jour, dans une vision, son coeur enveloppé de flammes, - symbole de la Prière incessante, par laquelle, ce coeur, comme une flamme, s'élevait vers Dieu. Son entretien continuel avec la Déité constituait pour lui un avant-goût de la béatitude céleste.
Il avait chaque jour, en tant que grand schème, à s'acquitter d'une longue règle de prière. Et voici ce qu'il en disait :
«  Avec la Grâce de Dieu le Père sans commencement, la Force prodiguée par le Fils consubstantiel au Père , & comme Lui sans commencement, & l'Infusion du Très Saint Esprit, mon canon de prière se déroule comme suit, dans ma cellule :
«  Le soir, je fais une lecture de l'Evangile. Le matin, & à midi, je lis un Evangéliste. A partir de midi & dans l'après, je récite avec l'aide de Dieu le Psautier par coeur, &, dans l'intervalle des vingt quatre heures, je l'achève. Avant de m'endormir, je lis l' Hymne Acathiste à la Mère de Dieu, l'adoration des Souffrances du Christ, composé par Saint Dimitri de Rostov, & les Complies. A peine me suis-je relevé du sommeil que je lis le «  Canon au Très Doux Jésus » & les Matines.
«  Suivent neuf chapelets que je fais au Dieu Un en Trois Hypostases. Pour les quatre Evangélistes, sur lesquels s'est reposé le Christ comme sur un char neptique, je dis douze chapelets, c'est-à-dire trois fois quatre. Pour les cinq plaies du Christ, quinze chapelets. Pour les afflictions de la Mère de Dieu, qui les souffrit comme sept glaives mortels, vingt et un chapelets. Pour l'Incarnation du Christ & les trente-trois années qu'il a vécues parmi les hommes, quatre vingt dix chapelets. Pour la Pentecôte & la venue de l' Esprit Saint, cent cinquante chapelets.
«  Ces prières sont plus qu'un nectar & qu'un miel à mon palais, & me donnent plus de joie que tout. Elles m'apportent une prompte protection & le Salut. Et elles chassent au loin les ennemis de mon âme. »

***

Il nourrissait envers la Toute Sainte Mère de Dieu une confiance & un amour particulier, tendre, & enfantin. Il trouvait toujours les mots les plus forts pour exprimer son amour envers Elle, comme pour dire aussi quel était son amour à Elle pour les hommes.
«  Sur la Mère de Dieu, » disait-il, « je m'appuie comme sur une montagne de pierre. Et j'ai la certitude que Dieu ne privera pas du bonheur éternel & de la Gloire ceux qui, après Lui, se sont appuyés avec espoir sur Elle, & n'ont pas cessé de La prier & de La supplier, si même quelques-uns d'entre eux paraissent pécheurs & iniques. Parce que Son Fils Lui a confié toutes choses & qu'Elle est toute bonne, Toute miséricordieuse & pleine de compassion.
«  Pour l'Amour d'Elle, mon Très Doux Jésus Christ, qui a versé Son Sang pour mon Salut, m'acceptera moi aussi dans les demeures éternelles du Ciel. En vérité, en sera-t-il bien ainsi? Ah! Puisse t il advenir selon les souhaits de mon coeur! »
Autant il cultivait envers la Toute Sainte de piété & de dévotion, autant il témoignait de respect & de considération à ceux qui lui demandaient ses conseils spirituels, en particulier à ses novices. Le nom de la Mère de Dieu lui était semblable à « quelque myrrhe s'écoulant »; une myrrhe céleste épanchant alentour un divin parfum. «  Jésus & Marie, vous êtes ma Joie! », répétait-il souvent avec une allégresse hypercosmique.
Et tandis qu'il psalmodiait le Psautier, au milieu des Cathismes il intercalait, non seulement la salutation archangélique, mais aussi ses propres pieuses invocations, telles qu'elles débordaient de son coeur plein d'adoration & empreint de dévotion envers la Mère de Dieu :
«  Vierge très aimée, Fille de Dieu le Père, Mère inépousée de l'Emmanuel, Epouse cristalline du Paraclet, Réceptacle de tout Bien, réjouis-Toi dans le Seigneur;
«  O Saint Nom, Souveraine, plus haute que les Cieux , plus pure que la splendeur & que l'éclat des rayons, Arche Sainte, Lys blanc du Créateur, Vase resplendissant du Christ, afraîchie par l'Esprit & nourrie par l'Ange de la manne céleste;
«  Toi qui as reçu la bénédiction du Ciel, & qui te trouves plus haut que toute la création, ma précieuse protection ! Aie pitié de moi pauvre moine. Table incompréhensible du Verbe & voie intraversable de l'Epoux, noble Gîte de l'Aigle Céleste, Miroir des Mystères du Christ, Beauté des Anges incorporels ,& Fierté des Saints de Dieu, ma Défense & mon Secours, Objet de mon désir, ne méprise pas ma supplique aux heures difficiles.
« Souveraine, qui as enfanté sans souillure, incorruptiblement, Reine Vierge Inépousée, Lampe du monde à jamais allumée, Lumière des aveugles, Mère toute louangée, ma Consolation & mon Salut, sauve-moi des maux & des périls de la vanité. Avec l'Archange Gabriel, je crie vers Toi, Epouse de la Trinité, révélation annoncée avant les siècles, pont entre Dieu & les hommes, régnant sur les siècles. «  Réjouis-Toi, le Seigneur est avec Toi » C'est Toi qui as été jugée digne de devenir Mère du Souverain Christ. Tu es notre Ange gardien, Toi qui promptement écoutes nos supplications. Qui donc crie vers Toi que Tu ne secours pas?
Mon intercessrice, sois ma tutrice pour redresser ma vie. Je ne désire rien de plus, ni ma quotidienne subsistance, si ce n'est ceci seulement: Fais que j'aime de tout mon coeur Ton Fils, notre Seigneur Dieu Jésus Christ, & qu'avec Tes Intercessions de Mère, j'hérite de la Vie éternelle, dont Il nous a fait don par Son sang vénérable. »

La fête qu'il aimait le plus était l'Annonciation de la Mère de Dieu Toute Sainte. Un jour, qui était jour de l'Annonciation, il écrivit à une personne chère :
«  Que soit béni & tout louangé le jour de l'Annonciation de notre toute Sainte Souveraine la Mère de Dieu! Aujourd'hui la terre reçoit l'annonce d'une grande Joie. Aujourd'hui les Cieux chantent la Gloire de Dieu. Que cette fête soit pour nous tous une Consolation & une Joie éternelle dans les demeures du Paradis. Que descende sur nous le secours & la protection, nous qui prenons courage en l'espoir sans souillure qu'apporte notre Souveraine, la Mère bien-aimée des moines, & le refuge de tous les Chrétiens. »
Il était donc naturel que Paphnuce fût jugé digne, en de divines visions, de voir la Vierge Toute Bénie. Un jour qu'il lisait que la Toute Sainte avait été la première moniale sur la terre, il se prit à méditer combien cela était vrai. A cette question qu'il se posait, la vision suivante lui fournit la réponse: A peine le sommeil venait-il de l'assoupir qu'il vit un spectacle grandiose. Une foule innombrable de moines, accompagnant leur Reine, la Toute Sainte, franchissait les saintes portes de la Lavra. La Mère de Dieu portait une mandia d'Higoumène & tenait une houlette. Elle s'approcha de lui, disant : - « Parthène, je suis moniale. Réveille-toi maintenant & garde désormais la pleine certitude que la Mère de Dieu Toute Sainte est la première moniale, comme elle est aussi l'Higoumène de la Lavra Petserskaïa. »
Le Starets, voyant la Vierge Sainte comme moniale, discernait sous le schème extérieur la réalité intérieure : une vie qu'ornait la virginité, la prière, l'humilité, la pauvreté, l'obéissance à la volonté de Dieu. Telles sont les vertus qui désignaient la Toute Sainte pour être le modèle des moines.

Une autre fois, après une nuit entière passée en Prière, comme l'avait surpris un léger sommeil, il vit sa cellule s'emplissant de monstres animaux, lesquels , audacieusement, s'élançaient contre lui pour l'attaquer . Plein d'effroi , lors, il se mit à crier : «  Ma Souveraine, Toute Sainte Mère de Dieu ! «  Et voici qu'une lumière admirable se répandit dans sa cellule & que se présenta devant lui dans une Gloire indescriptible la Toute Sainte, accompagnée de l'Archange Michel. Les monstres menaçants disparurent comme fumée!... Comme il s'éveillait, tressaillant de Joie , il vit une Lumière, au lieu même où il avait vu la Toute Sainte.

Un autre évènement rend manifeste encore sa dévotion à la Toute Sainte :
Sa cellule – celle qu'il prit du jour où il devint grand schème – semblable à une grotte, ne comportait qu'une seule fenêtre, par où il recevait la lumière, lorsqu'un jour il prit la décision de fermer également celle-ci. - « Qu'ai-je besoin « , dit-il, « de lumière sensible? . La Toute Sainte est la Lumière de mes yeux & de mon âme. »
C'est ainsi qu'avec son icône il combla l'ouverture de la fenêtre, & y suspendit une veilleuse perpétuelle, dont la faible lumière éclairait la cellule.
Cette icône fut le reste de sa vie le témoin de ses visions secrètes.
Priant un jour devant cette icône, il demanda à la Souveraine de lui révéler quelles missions il avait revêtues avec le schème. Et il entendit sa voix lui répondre:
Le schème que tu as reçu signifie que tu te sanctifies toi-même par la Prière, pour l'amour du monde entier.

***

Antoine, l'Higoumène de la Lavra, & bien-aimé du Starets Parthène, fut honoré de la dignité d'Evêque. Puis il devint Archevêque de Voronège. Entre eux se développèrent de forts liens spirituels. Le Starets lui écrivait & lui demandait son avis sur ses luttes ascétiques & lui soumettait diverses questions.
Peu de temps avant qu'il eût reçu de la Souveraine du Ciel la réponse à la question qui l' embarrassait, savoir ce que signifiait le schème monastique, il avait soumis la même question à l'Archevêque de Voronège. Celui-ci, sur ce sujet & sur d'autres, lui adressa la lettre suivante :
«  Saint Père Parthène,
Vous désirez savoir, comme vous me l'écrivez, ce que signifie le schème monastique. Il signifie une incommensurable hauteur & profondeur d' humilité chrétienne, dont les fondements se trouvent dans les Paroles de notre Sauveur : «  Apprenez de moi que je suis doux & humble de coeur & vous trouverez le repos pour vos âmes... » Dans l'esprit de ce passage se cache le secret de notre Salut.
Vous me demandez encore s'il est plus utile que vous restiez à la Lavra, ou que vous partiez mener l'anachorèse au désert de Goloséev. Vous demandez l'avis du Métropolite. Dieu vous a fait la Grâce de vous accorder un Hiérarque admirable, qui, outre les autres charismes du Saint Esprit, se distingue pour son humilité aimée de Dieu. Quelque endroit qu'il vous indique pour séjour, acceptez le pour votre résidence. Devant un tel Hiérarque, j'aurais beaucoup désiré , moi aussi , courber ma dure nuque, mais à cause de mon indignité j'ai été privé d'une telle bénédiction.
Je vous supplie instamment, au nom des Saints Pères du désert, de prier pour moi l'indigne. Le Seigneur est Puissant en Force. Puisse-t-il vous fortifier & vous sauver.
Votre dévoué serviteur , priant le Seigneur.
Antoine,
Archevêque de Voronège. »

Un jour, tourmentait Paphnuce l'importune pensée qu'il se trouvait loin de la voie des véritables ascètes, pour ce que durant toute la durée de sa vie à la Lavra, il n'avait pas connu de persécutions que des hommes lui eussent infligées.
Alors, de nouveau, Sa béatitude Monseigneur Antoine l'apaisa avec ses paroles : «  Que t'est-il besoin à toi de persécution, puisque tu te persécutes toi-même? Qui décide aujourd'hui de suivre ta propre vie? «  De là que l'âme du Starets fut en paix.
Que nul n'imagine que Paphnuce ne fût pas passé par la fournaise des épreuves, laquelle purifie comme l'or les âmes des lutteurs spirituels. S'il désarmait par son innocence & sa douceur le Diable envieux , qui , par le vice humain, combat depuis le commencement les humbles serviteurs du Christ, ce même Diable cependant ne dormait pas.
Voici ce qu'il écrit lui-même à ce propos : «  Quelles attaques, depuis vingt ans maintenant, je subis de la part des démons lorsque, dans ma cellule, je fais mon canon, cela est indicible. C'est un martyre indescriptible. Si la puissance divine ne s'était pas tenue perpétuellement à mes côtés pour m'assister, l'on m'aurait descendu dans la tombe. Mais Gloire à Dieu pour toutes choses, qui ne l'a pas voulu ainsi.

***

La solitude & le silence étaient son élément & son milieu naturel. S'il les abandonnait un temps, il ne pouvait plus, ainsi qu'il avait accoutumé de dire, respirer, & il devenait tel le poisson hors de l'eau.
Rien ne pouvait le détourner de l'Amour de Dieu. Depuis que, dès sa jeunesse, il avait trouvé la seule chose dont il y eût besoin, nulle autre n'avait plus le pouvoir de charmer son coeur. Jamais de sa vie il n'avait recherché les honneurs ni n'avait pu comprendre en quoi ils sont utiles à l'homme.
Il était complètement étranger à la passion de l'argent, de la possession, de la cupidité, & de l'avarice, & ce, jusque dans les plus petits détails . Ce qui ne lui était pas absolument indispensable, il le tenait pour ordure tout juste bonne à éloigner de lui, qu'il lui fallait aussitôt abandonner quelque part ailleurs, dehors devant sa cellule, pour le cas où quelqu'un le trouverait, auquel le Starets se faisait une joie de l'offrir .
De ce que par piété lui offraient les pieux chrétiens ,& qu'il acceptait pour ne pas leur causer de peine, il avait donc l'habitude de faire un grand tas indistinct.
De cet entassement qu'il laissait pèle-mêle dehors, à l'extérieur de sa cellule, émergeaient des coupes précieuses, des chandeliers, des habits, etc.... Combien il se réjouissait en vérité quand quelqu'un le prenait, qui en avait besoin. Sa joie était alors pareille à celle d''un petit enfant.
La princesse Anna Alexievna Orlova, lui apporta un jour une magnifique pendule de table. Un peu de temps, il la souffrit dans sa cellule, pour n'être pas désagréable à la princesse. Après quoi, il l'envoya à l'un de ses enfants spirituels avec le message suivant :
Je t'offre cette horloge, parce qu'elle ne me sied pas du tout.
Il ne gardait jamais d'argent sur lui. Si un jour, sous une pression particulièrement forte, il finissait par en accepter de ses enfants spirituels, comme un don de leur amour, sans retard, il le partageait aux pauvres. Aucun nécessiteux ne s'éloignait de lui les mains vides. Toujours, il trouvait quelque chose à donner, si même il n'y avait rien dans sa cellule que l'absolu nécessaire.
On lui envoya un jour un tissu précieux. N'ayant pas que donner aux pauvres, qui avaient accoutumé de le visiter régulièrement, il le mit en pièces, & le leur partagea.
Un autre, à sa place, eût pu devenir véritablement riche à cause de ces cadeaux précieux que beaucoup lui faisaient, & plus particulièrement la princesse Anna Orlova. Cette grande dame laissa son nom dans les annales de l'histoire pour ses grands bienfaits & sa piété envers le monachisme. Elle vénérait le Starets Parthène, & était prête à faire pour lui toute sorte de sacrifice. Un jour qu'il advint qu'elle dût rester assez longtemps à Kiev, elle l' alla visiter. Après un entretien profondément spirituel, elle s'agenouilla, très émue, devant lui.
Mon Père », lui dit-elle, «  dites-moi de quelle façon je puis vous remercier? Pour vous je ne regarde plus même à mes millions.
« Tu as trouvé la manière de me remercier! « répartit-il. « Que m'est-il besoin de ce fumier ? Je n'ai qu'une seule Joie : Que nul ne m'entrave dans ma relation avec Dieu & avec ma Consolation, la Toute Sainte Mère de Dieu.
La pieuse princesse, nonobstant, lui laissa dans son testament quinze mille roubles d'argent. Celui-ci s'empressa de le transmettre au Conseil de la Lavra, pour qu'il servît à nourrir les pèlerins de l'hôtellerie, volonté qui jusqu'à aujourd'hui est encore fidèlement observée.

***

Depuis qu'il avait revêtu le grand schème & durant dix sept années sans discontinuer, il célébra la liturgie dans la chapelle de l'hésychastérion, où l'Archevêque menait l'hésychia. Ses liturgies, ô combien, constituaient la plus chère jouissance de son âme pure.
Il était assoiffé d'un désir ardent de célébrer sans cesse. Durant le Grand Carême, il advenait, certains jours de la semaine, qu'il n'y eût pas de liturgie, & que l'on lût seulement les Heures, chose qui l'attristait. C'est pourquoi il demanda la bénédiction au Métropolite de célébrer ces jours-là aussi la liturgie des Présanctifiés.
Combien de visions fut-il jugé digne de voir, seul le Seigneur le sait, qui savait consoler son serviteur, lequel, depuis sa jeunesse, méprisait les choses terrestres pour l'Amour de Lui, & considérait «  toutes choses comme rebut, afin de gagner le Christ « .
A quelque une de ces liturgies, donc, à l'heure où il chantait l'hymne chérubique, & où il priait, comme à son habitude, les mains levées vers le Ciel, devant l'autel, il vit le Ciel comme s'ouvrant & le Seigneur Jésus Christ descendre sur la Sainte Table. Dieu le Père bénissait la descente & le Sait Esprit volait au-dessus de lui. Ce fut la vision d'un instant.

Un jour , le Starets priait le Seigneur avec des sentiments d'un Amour enflammé, le coeur brisé de contrition : «  Mon Jésus, vis en moi , & juge-moi digne de vivre moi aussi en Toi. » Il répétait continûment cette prière, quand il entendit une douce voix très pure lui dire : «  Celui qui mange ma chair & boit mon sang demeure en moi & moi en lui. »

Toujours il aimait méditer le grand Mystère de l'Incarnation du Seigneur.

On était à la veille de la nouvelle année, & après une nuit entière de Prière, il répétait l'hymne de l'église :
«  Le Sauveur descendu
Parmi la race humaine,
A daigné être revêtu de langes ... »
Il avait son esprit fixé en une pieuse Contemplation sur le Dieu nouveau-né , «  de huit jours selon sa mère, sans commencement selon Son Père « . Il méditait combien plein de Grâce devait être le petit Enfant Jésus , sis « au-dessus de tous les fils des hommes. »

Avec ces saintes pensées, il s'enfonça dans un doux sommeil , & voici que deux Anges volaient depuis l'Orient, tenant le Divin Enfant sur leurs mains, descendirent & Le déposèrent devant le starets stupéfait.
«  Nulle langue humaine, » disait-il lui-même, ne peut exprimer la beauté de ce divin Enfant merveilleux. Il me regardait avec un regard plein d' Amour qui faisait s'enflammer mon coeur. Je ne sus pas si cette vision avait duré longtemps. Les anges prirent le petit Enfant Jésus, bien que je les eusse suppliés de le laisser encore un peu, & ils s'en furent en volant vers Sa Mère...
«  Quand je m'éveillai, j'étais transporté de Joie, hors de moi. Tout le jour, je ne pus rien faire ni penser à rien autre. L'icône de l'Enfant Divin me captivait... »

L'une de ses hymnes préférées était l'ode de l'Annonciation : «  Comme à une arche vivante de Dieu...la voix de l'ange chante... » . Il fut un jour jugé digne de l'entendre des Anges. Cette mélodie était ineffablement douce, & ses yeux s'emplirent de larmes de divine contrition. Chaque fois qu'il se souvenait de cet événement, son coeur s'emplissait de bonheur.

***

Au printemps & à l'été, le Starets continuait de se rendre au désert de Goloséev avec le Métropolite. Ils retournaient à la Lavra quand approchait le 15 août, jour de la fête du monastère.
C'est dans l'un des coins les plus retirés du bois qu'il avait établi sa cellule de désert.
Chaque matin, il célébrait la liturgie dans la petite église de la cabane du Métropolite, avant qu'ils ne se perdissent dans le bois. Là, seul à Seul avec Dieu, il se consacrait à la Prière, de longues heures durant, s'acquittant de son canon . Il psalmodiait le Psautier en chemin, tandis qu'il marchait parmi les sentiers du bois érémitique.
«  Ici, «  disait-il, «  plane l'esprit de nos Saints Pères de Petserskaïa. S'il y a sur terre Consolation & Joie, ils se rencontrent dans le Silence du désert. Les hommes nous éloignent de Dieu, tandis que le désert nous mène auprès de Lui. »
Les dernières années de sa vie, cependant, le Starets dût se mettre à limiter le nombre de ces retraites au milieu des bois désertiques, pleines de douceur céleste. Et lorsque ses forces l'abandonnèrent, il fut contraint d'y mettre tout-à-fait fin.
Retournant à la Lavra, le Starets avait à recevoir une foule de pieuses âmes qui demandaient ses conseils spirituels. C'était encore l'été & les visiteurs de la Lavra affluaient.
Pour ce qu'il aimait beaucoup le silence, les visites le fatiguaient. Bien des fois il tentait de s'enfermer dans sa cellule & tâchait de ne recevoir personne pour la confession.
Il ne réussissait cependant pas à agir selon son désir. Les larmes de ceux qui pour trouver le chemin de leur salut avaient besoin de ses conseils ne pouvaient le laisser indifférent. Et Celui-là ne le laissait pas se retirer davantage qui avec Son Apôtre enjoint, « ...de ne pas se plaire à soi-même. Que chacun de nous plaise à son prochain pour son bien & son édification. »
La volonté de Dieu n'était pas qu'il fût cloîtré seul dans sa cellule. L'évènement suivant le laisse aussi paraître:
Il refusa un jour de recevoir dorénavant ses visiteurs. Il ferma à clef la porte de sa cellule. Il ne recevrait plus même ses enfants spirituels. L'on ne pourrait le voir que dans l'église à l'heure de l'Office.
Un assez long temps passa de la sorte, jusqu'à ce qu'il fît un rêve effroyable: Une bête sauvage surgissait devant lui pour l'attaquer . Elle l'aurait mis en pièces si ses enfants spirituels, tenant tous des bâtons à la main, n'avaient eu le temps de la chasser.
Ce rêve l'affermit dans la conviction que c'était la volonté de Dieu qu'il servît encore son prochain. Et qu'il trouverait & ferait son Salut propre dans son combat pour le salut des autres.
Il commença donc de recevoir chaque jour tous ceux qui venaient à lui, leur consacrant son temps avec patience.& bonté. Il préférait désormais sacrifier son hésychia personnelle au salut d'autrui. Quel sacrifice il consentait là, seuls ceux qui connaissaient de près son programme de vie intérieure pouvaient l'évaluer.
Du temps qu' il était devenu grand schème jusqu'à la fin de sa vie – ce qui représente un intervalle de temps de vingt ans – il fit chaque jour son grand canon. Le fait cependant qu'il s'acquittât de cette astreinte en même temps qu'il répondît aux nécessités spirituelles de ses visiteurs était quelque chose qui le fatiguait plus qu'il ne se peut imaginer.
Car il lui fallait dès lors compléter la nuit la partie de son canon de prière dont il lui était impossible de s'acquitter le jour. La conséquence en était qu'il ne lui restait bien des fois pas même une heure dans la journée pour reposer son corps épuisé.

***

La parole du Starets, simple, franche, & sans apprêt, était une eau fraîche qui étanchait, fortifiait, & guérissait l'âme. A qui venait à l'entendre, sourdaient à l'esprit les Paroles du Seigneur : «  Celui qui croit en moi, » dit l'Ecriture, « des fleuves d'eau vive couleront de son sein. »
Dans les conversations ordinaires, sans contenu spirituel, le Starets ne semblait nullement un être d'exception. Qu'on l'approchât sans foi ni zèle spirituel ardent, et l'on était vite désappointé. Devant une âme froide, il était froid lui aussi & se montrait pareil à un homme du commun. Mais qu' il vît une disposition sincère & un vif intérêt spirituel, alors, il offrait sans réserve tout le trésor de son âme, qu'il exprimait avec les paroles les plus enflammées qui se pussent.
Très souvent, au cours de divers entretiens spirituels, son esprit de clairvoyance, & la justesse de ses remarques, causaient de l'étonnement . L'on aurait dit qu'il scrutait les profondeurs des coeurs. Et cela était plus notable encore dans la confession.
Cette capacité sienne, comme lui-même le disait, était due à l'expérience qu 'il s'était acquise en faisant, bien des fois, face aux mêmes cas. Il semble cependant que cette explication ne peut suffire. Quelque chose de plus haut interférait. Il avait bien reçu d'en haut le don de clairvoyance.
Tant & si bien que beaucoup faisaient une longue route pour le voir, non dans une disposition de profit spirituel, mais par curiosité. Ces gens là, le Starets, plein de discernement, les recevait froidement, ou bien refusait absolument de les voir. Il leur donnait, ce faisant, la bonne leçon qu'ils méritaient.

***

CHAPITRE CINQ

A LA RENCONTRE DU SEIGNEUR

Année après année, le Starets sentait ses forces l'abandonner. Il donnait l'impression de la lampe qui, peu à peu, se consume. Plein de Paix & de Joie, il voyait approcher sa fin, que très tôt il avait désirée. Quelque années auparavant , il écrivait : «  O! Joie à celui qui fait retour des choses de la vie terrestre, corruptible, emplie de larmes, pénible, ennuyeuse, affligeante & douloureuse, au Céleste Séjour, cher à nos coeurs, bienheureux, paisible, tout de bonheur, baigné de lumière, immortel, éternel, patrie indescriptible, où sont ces choses «  que l' oeil n'a pas vues, que l'oreille n'a pas entendues, & où le coeur de l'homme n'est pas monté, que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment. »
«  Oh! Depuis longtemps je languissais après ce Saint Séjour, le désirais, & l'attendais. M'y fera heureusement parvenir la Vierge Mère, ma ferme espérance. Oh! Moi, l'indigne, je me suis confié à elle, le temps de cette brève vie. Je sais avec certitude que tout lui est possible, si elle le veut.
«  Elle est miséricordieuse & longanime. C'est pourquoi moi aussi j'espère fermement qu'elle ne m'abandonnera pas. Elle me conduira pour que je vénère Son Fils, mon bien-aimé Jésus-Christ, le Créateur & Juge, le Maître & Sauveur, le Libérateur & Donateur de Vie, la Propitiation & le Provident, le Seigneur Dieu & Verbe, l'Emmanuel.
«  De fait, je me suis regardé comme le plus misérable de tous, plus vil que les bêtes sauvages, que les bestiaux , & que toute créature vivante. Sans doute la miséricorde de Dieu & le sang qu'a versé le Sauveur pour l'amour de moi vaincront & effaceront mes péchés. Cela console mon âme.
«  C'est pourquoi je remets entre les mains de Dieu tout mon être, mon âme & mon corps, mes os & ma peau, mes veines & mes articulations, ma vue& mes pensées, mon souffle, mes mouvements, & ma vie. Et que par mon canon de prière, qui ne vaut rien & pour lequel je me fatigue tant, depuis vingt ans maintenant, me donne de rassembler du miel comme l'abeille & de plaire à Dieu.
«  J'ai cru en vérité que «  sans Dieu, pas même jusqu'au seuil...Tant que l'homme se vante, il n'ira pas loin, ne progressera pas, ni n'obtiendra ce qu'il veut. Mais il adviendra ce que Dieu jugera bon. C'est pourquoi grâce à Dieu pour toutes choses.
«  Je me remets à la protection & au secours de la Toute Sainte Mère de Dieu & de Ses serviteurs nos Pères, dont les corps incorrompus reposent dans les grottes. Je ne craindrai aucun mal, & je ne serai pas couvert de honte dans les siècles psalmodiant Alleluia.
Oh! Combien il est beau de se trouver près de Dieu! »
Hiéromoine Parthène.
Sa conclusion donnait à entendre qu'il avait touché au bonheur vrai, tel que le définissent les Saints, disant : «  Le bonheur n'existe qu'auprès du Christ . » comme l'avait si bien énoncé, plus tard, Mère Eupraxia la jeune, fille spirituelle du grand Saint Jérôme d'Egine en Grèce.
Et Parthène avait accoutumé de s'asseoir non loin de sa cellule, auprès de sa tombe, qu'il avait lui-même fabriquée, & d'y méditer l'évènement de la mort.
Les dernières années de sa vie, il les passa dans la solitude, en des cellules sises dans les grottes les plus proches. Et chaque jour il célébrait dans l'église de la grotte du grand Saint Antoine Petserski, qui avait au Xème siècle fondé le monastère de la Lavra Petserskaïa, qui porte son nom.
Son amour & sa foi envers les Saints de Petserskaïa n'avait pas de bornes. Seulement, maintenant que ses forces l'abandonnaient, il ne pouvait plus visiter les grottes lointaines dans lesquelles ils avaient mené l'ascèse, ni vénérer leurs séjours, où Dieu avait honoré leurs Saintes reliques de l'incorruptibilité.
C'est pourquoi, il se limitait à une vénération en pensée. De la sorte, il échappait aussi aux entretiens inévitables avec les innombrables pèlerins des grottes. Mais, le matin, comme le soir, il repassait en esprit une à une les grottes, faisait à chacune une métanie, ajoutant une prière particulière de sa composition.
Dans cette prière, appelant chacun par son nom, il invoquait tous les saints, ceux qui avaient mené l'ascèse dans les grottes proches & ceux qui l'avaient exercée dans les grottes plus lointaines. Puis, il achevait par ces mots :
« ...Et vous tous qui vous êtes sanctifiés par votre vie vertueuse dans les montagnes de Kiev, sous la Providence de la Mère de Dieu, mentionnez-moi aussi dans vos prières au Seigneur. Moi qui continûment me réfugie en votre intercession, vous tous, mes protecteurs & mes prompts intercesseurs. Trois angoisses me tyrannisent : Le fait que je vais mourir, le fait que j'ignore quand, & que je ne sais où je serai conduit après la mort. Le Seigneur m'accordera-t-il la couronne de Son Royaume, ou serai-je condamné éternellement à la géhenne du feu pour mes oeuvres pitoyables? « 
Il aimait donc de toute son âme les Saints de Petserskaïa. Dans le carnet où il avait écrit la précédente prière, il avait noté aussi la suivante : «  Les noms de nos Saints Pères Thaumaturges de Petserskaîa me sont comme de l'or que m'aurait octroyé la Mère de Dieu . « 

La nuit entière & la plus grande partie de la journée, le Starets la passait dans sa petite cellule sombre, qui n'avait pour seuls ornements que la Croix & l'icône de la Mère de Dieu.
Là, comme une autre veilleuse perpétuelle, comme un cierge qui brûlait jour & nuit, il priait sans cesse, & même durant le temps de son très court sommeil.
«  Dans mon sommeil aussi, «  disait-il, «  je continue à psalmodier le Psautier, & dès l'instant où je m'éveille je comprends à quel verset du Psautier ou à quelle prière à la Mère de Dieu je me trouve. »
Dans cette cellule, où rien ne rappelait la terre ni les choses du monde, le Starets paraissait comme un esprit immatériel. Son corps tourmenté & malmené
ressemblait à l'enveloppe diaphane de son âme pure, lumineuse comme le jour. Son front large & desséché, ses tempes & son visage creusé faisaient un fort contraste avec ses grands yeux brillants. - Ces yeux qui, lorsqu'ils vous regardaient vous pénétraient jusqu'au fond de l' âme & sondaient en vous tous les invisibles mouvements du coeur.

De sa bouche ne sortaient que des paroles de douceur & de bonté. Parfois – rarement – quand il se trouvait affronter l'injustice & le vice humains, il était empli d'amertume, jusqu'au plus profond de lui, & sa Parole se faisait aigüe & prophétique.
Dans ces cas-là il ne faisait pas acception des personnes de haut rang, & ne songeait pas à ménager les grands noms, non plus que les dignités sociales. Aux puissants de la terre, qui mettaient à mal la loi de Dieu, il parlait avec sévérité.
A peine cependant voyait-il le plus petit signe de retour sur soi, de prise de conscience, & de repentir, qu'il se changeait en la figure du doux & bon Parthène. Lors, il était tout Amour, prêt à tout sacrifier de lui.

***

Ses forces diminuant toujours, il avait peine à se rendre à l'église. Il fallait trouver un aménagement. Surgit l'idée qu'on transformât en petite église la chambre contigüe à sa cellule.
Sa Béatitude le Métropolite donna sa bénédiction pour ce faire. Grâce au travail zélé que quelques uns de ses enfants spirituels dévoués fournirent de tout leur coeur, l'église fut prête en quelques jours. L'une de ses filles spirituelles, surtout, l'orna d'icônes peintes de sa main, l'enrichit de saints voiles & d'ornements sacerdotaux , qu'elle cousit seule, & la pourvut de tout ce dont il était besoin.
L'église fut consacrée & vouée à la Sainte Rencontre du Seigneur. Et cela, parce que le Starets se préparait à sa rencontre avec le Christ, de par la divine communion quotidienne, d'une part, & de par l'attente de la mort d'autre part. S'en allant de cette vie, comme un autre Juste Syméon, il allait rencontrer le Sauveur, qu'il avait tant désiré & dont il avait eu soif sa vie entière.
Dans cette église il célébrait chaque jour la divine Liturgie, & il la célébra même encore lorsque ses forces eurent décliné au point qu'il ne pouvait plus ni s'entretenir avec quiconque ni marcher. Fortifié cependant par la Puissance divine, il trouvait encore la force d'officier & de célébrer.

Sa célébration était empreinte d'une Grâce & marquée d'une puissance particulières. L'on ne pouvait y assister sans ressentir une profonde émotion. Les vibrations intenses émanées, en ces divins instants, de sa Prière, atteignaient jusqu'au coeur de ceux qui y assistaient, & qui toujours remplissaient sa petite chapelle. Ils trouvaient là une paix de l'âme sans pareille.
Dans sa voix, il y avait quelque chose de céleste comme une rosée qui étanchait les âmes. Quand il s'avançait dans le bel encadrement de la porte, avec ses ornements liturgiques de fête, tous de couleur blanche, & qu'il disait «  Paix à tous », l'on aurait dit un Ange de Paix, venu apaiser les passions des âmes, & là où se trouvait un fils de Paix, faire reposer la Paix sur lui. Et lorsqu'il posait la main sur la tête de ses enfants, disant de sa douce voix «  Que l' Esprit Saint descende sur toi, & que la Force du Très Haut te couvre », ils en sentaient un soulagement spirituel tout particulier.
Il considérait cette église, contigüe à sa cellule, comme la plus grande bénédiction qu'il lui eût été donné de recevoir en sa vie. Il ne cessait d'en savoir gré à l' Archevêque & de lui en témoigner sa reconnaissance:
«  Que rendrai-je à mon Archevêque pour la Grâce qu'il m'a faite? Que lui rendrai-je pour son amour? » disait-il souvent après la divine Liturgie, le visage baigné de larmes.
Le Starets nourrissait une vénération sans bornes pour le Hiérarque, mais le Hiérarque aimait en retour & vénérait beaucoup le Starets, qu'il avait de surcroît pour Père Spirituel. Ils faisaient en commun leurs ascétiques retraites au désert. L'âme de Sa Béatitude fatiguée par les nombreuses charges de son rang se reposait à l'écoute des pensées pneumatophores du Starets, pleines aussi de simplicité enfantine . Et celui-ci, avec beaucoup de confiance, s'appuyait sur la sagesse du Métropolite. Les forts liens spirituels qui les unissaient, seule la mort du Starets aurait le pouvoir de les rompre prématurément.

***

Un an avant sa fin, le Starets ne put plus célébrer; cependant, il se trouvait toujours dans le sanctuaire & communiait.
Avec combien d'endurance il supporta sa faiblesse! Jour après jour, il ressentait plus d'épuisement. Une forte toux l'accablait, ne lui laissant plus de trêve, & l'empêchant de mener l'hésychia. Ses os affaiblis lui faisaient mal . Mais jamais il n'abandonna pour autant son banc dur & étroit. Il savait avec Saint Paul que «  plus l'homme extérieur décline, plus l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour ».
C'est pourquoi la Starets Parthène remerciait le Ciel & rendait grâces à Dieu pour sa maladie; il le faisait, du reste, avec une disposition semblable à celle en laquelle les hommes remercient habituellement Dieu qu'Il leur fît don de la santé.
«  Que rendrai-je à mon Seigneur, qui en sus de tous ses autres bienfaits me visite aussi avec la maladie? «  disait-il souvent.
Durant cette année-là, il ne reçut plus que ses dévoués enfants spirituels. Il s'entretenait avec eux de la mort, du jugement à venir, de sa fin à brève échéance, & de la foi qu'il avait en la personne de la toujours Vierge. «  Elle me conduira jusqu'à Son Fils pour que je le vénère », avait-il accoutumé de redire, & ses paroles sortaient de sa bouche avec un tel accent d'assurance qu'il semblait qu'il ne pût y avoir à ce sujet l'ombre d'un doute.

Le printemps de 1855 approchait, & le Starets commença visiblement à fondre, comme fondent les neiges. Sa respiration devenait de plus en plus difficile. Sa toux empirait. La troisième semaine du jeûne, le 25 février, il reçut, ainsi qu'il en avait exprimé le désir, le mystère de l'extrême onction. Il attendait, jour après jour, & heure après heure, celle de son départ, qu'il pressentait imminent.
Et voici qu'arrivait le jour tant désiré. Et quel jour! Rare & comme choisi dans le cycle calendaire. Jour qui unissait deux des plus grands mystères de notre Salut : La joyeuse fête de l'Annonciation avec le Grand Jeudi Saint, jour de la semaine de la Passion!
Le Starets, depuis vingt ans, méditait & vénérait chaque jour, avec d'innombrables métanies, les souffrances du Christ. Chaque jour également il portait trois cents fois à ses lèvres la salutation archangélique.
Et voici que le Libérateur crucifié, pour lequel il avait crucifié lui aussi sa vie entière, & la Vierge Toute bénie, son Amour, sa Joie, son Espérance, appelaient en commun leur fidèle serviteur de cette vallée de larmes à la Joie sans fin!
Le Grand Mercredi Saint, Son Eminence le Métropolite le visita. Après un long entretien, les deux Anciens très émus échangèrent leur pardon mutuel. Il était manifeste qu'ils ne se reverraient plus l'un l'autre ici-bas.
Le Grand Jeudi Saint, au matin, eut lieu, dans sa chapelle, la divine liturgie. Le Starets, revêtu de sa mandia, en suivait le déroulement depuis sa sombre petite cellule. Quelques-uns de ses enfants spirituels qui lui étaient le plus dévoués, se trouvaient là, plongés dans une profonde affliction. Ils comprenaient que ce repas de la Cène, le dernier du Seigneur avec ses disciples allait être aussi le dernier pour le Starets Parthène.
Son aspect perdait ses caractéristiques terrestres. Peu à peu, il se séparait de la terre. Il répétait mystiquement cela que disait le Seigneur : «  Je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'au jour où je boirai de nouveau dans le royaume de Dieu. »
Il ne put pas, comme à l'accoutumée, marcher jusqu'au sanctuaire pour y communier. On lui apporta les Saints Mystères dans sa cellule. Il y prenait part pour la dernière fois.

Après la divine Liturgie, entouré de ses enfants spirituels les plus dévoués, il donna les derniers conseils spirituels, assortis de quelques instructions.
Toutes ses paroles respiraient l'imminence de son départ.
« Je m'en vais vite, bien vite partir, disait-il. Hier, je n'ai pas réussi à finir tout le Psautier. Je me suis arrêté au milieu. »
« Mais, jusqu'à hier, vous avez fait votre canon de prière habituel, Père? » interrogèrent ses enfants étonnés.
« Oui. Le Seigneur m' y a aidé, & je l'ai fait mentalement, parce qu' oralement je ne le pouvais pas. J'ai aussi du mal à respirer. Hier, cependant, je n'ai pas réussi à le dire fût-ce mentalement, parce que mon esprit s'enfuyait. Il n'y a que la prière du coeur & la salutation archangélique à la Mère de Dieu que je puisse tenir continûment. « 
Lorsqu'un peu plus tard la divine liturgie eût été achevée dans toutes les églises, il fit venir auprès de lui tous ses enfants spirituels. Nous nous rassemblâmes donc en grand nombre : Archimandrites, hiéromoines, desquels il avait été le Père spirituel dans leur vie monastique, moines & laïcs.
Il commença par s'adresser à tous. Ensuite il fit ses adieux à chacun séparément, lui disant quelques mots, & lui laissant comme un dernier dépôt & testament spirituel . A chacun, il donnait en bénédiction quelque chose, une icône, un Evangéliaire, ou quelque autre objet sacré. Il demanda à tous de prier pour lui après son départ de cette vie.
- »  Mon Père, » lui dit un de ses enfants spirituels, » promettez-moi que vous supplierez le Seigneur dans l'autre vie que je puisse me trouver auprès de vous. »
« Si j'obtiens l'assurance devant Dieu, je prierai pour toi. Toi cependant, plus que toute chose, cultive la simplicité & l'innocence. Plus que tout trésor, recherche la Prière du Coeur. Et quand elle s'ouvrira comme une plaie dans ton coeur, alors, dorénavant, elle ne te quittera plus. « 
Nous, mon Père, nous espérons que vous allez vivre encore & que nous vous dirons le « Christ est ressuscité ».
« Oh!non!La Pâque, c'est désormais là-haut que je la fêterai. Là-bas est la Pâque sans fin. J'espère, j'espère en ma protection, la Toute Sainte Mère de Dieu! Elle me fera passer sain & sauf par les péages de la route vers l'au-delà, & elle me couvrira & me protègera de la jalousie des démons ennemis. Vous, maintenant, donnez-moi votre pardon... ».
Le soir, il suivit de sa cellule l'office de la Passion du Seigneur. Après quoi, il confessa deux de ses fidèles enfants spirituels, qui, en partant, ne s'imaginaient peut-être pas qu'ils le voyaient pour la dernière fois...

***
Le matin à cinq heures, tandis que le prêtre mettait en état la petite église de la Sainte Rencontre & la préparait pour l'office, il comprit que le Starets marchait dans sa cellule. Que se passait-il donc? Il ouvrit peu après la porte qui menait de l'église à la cellule, pour le voir & prendre sa bénédiction.
Le Starets était à présent assis sur son escabeau de bois, son petit banc d' hésychaste, au bord de la petite table, près de la porte de l'église. Il avait la tête penchée, posée sur le coeur, comme un hésychaste plongé dans sa Prière.
« Bénis, Papouli « -ce qui signifie petit Père- lui dit-il, en guise de salutation respectueuse.
Mais il ne reçut pas de réponse.
« Bénis, Papouli, « répéta-t-il.
Le Papouli cependant ne parlait pas.
Il s'approcha, & vit que le Starets ne vivait plus...
Comme l'éclair alors se répandit l'affligeante nouvelle dans toute la Lavra. Partout aux entours de sa cellule, une foule, déjà, se pressait.
Tous le vénéraient. La hiérarchie des supérieurs ecclésiastiques, & les foules de pèlerins de la Lavra, mais aussi tous les frères le regardaient comme un ange terrestre. Jamais n'avait assombri leur âme la moindre trace de jalousie. Il était bien-aimé de tous, parce qu'il était sans pareil & l'emportait sur tous par sa simplicité & par son innocence, pareille à celle d'un enfant. Il était , en vérité, la vivante icône des Pères du siècle d'or du monachisme.

Dans l'église la vision qu'offrait le défunt Starets était bouleversante , causant à tous une vive impression. Tout près de l'Epitaphion du Seigneur,où était peint le Christ étendu après la descente de Croix, se trouvait le cercueil de son fidèle serviteur. Ainsi, même ici-bas, sur la terre, s'appliquait au Starets Parthène la Parole du Seigneur : «  Là où je suis, là aussi sera mon serviteur  ».
Le Grand Samedi sa relique fut translatée de la petite église de la Sainte Rencontre à l'église de l'Exaltation de la Sainte Croix , qui se trouvait près des grottes des ascètes. C'était là une église spacieuse, en sorte que beaucoup puissent assister à l'office des funérailles. Tous les frères suivirent le convoi funèbre. En tête venait le Métropolite; après eux, venaient les archimandrites, de leurs mains soulevant le cercueil.
Le lendemain, fête de la resplendissante Résurrection du Christ, à laquelle participait une foule nombreuse, fut psalmodié l'office de l'ensevelissement.
Mais, combien il était insolite que les hymnes funèbre de deuil de l'office des défunts se trouvassent remplacés par les tropaires panégyriques & pleins de joie de la Résurrection ! -comme le fixe le Typikon, qui énonce l'ordre des offices-. Ainsi le Starets , de même qu' il avait participé par sa vie & sa mort à la vie & à la mort du Christ, prenait part aussi, maintenant, à sa Résurrection.
Selon la commune loi de la nature, le troisième jour après la mort, l'aspect & le corps tout entier de l'homme se modifie. C'est pourquoi aussi nous célébrons, selon la tradition ecclésiastique, trois jours d'office de funérailles, pour ce que ce fut le troisième jour que le Christ ressuscita.
Cependant, le corps fatigué du Starets ne présentait nulle modification. Au contraire, il se montrait plus beau qu'il n'avait été durant les derniers jours de sa maladie. Sur son visage, l'on pouvait voir, voisinant avec une gravité inhabituelle, un sourire paisible & la sérénité de l' ataraxia.
Ce qui se déroulait dans l'église n'était plus seulement une prière pour le repos du défunt. Les fidèles s'adonnaient maintenant à une contemplation quasi extatique de l' aspect revêtu par le Saint.
Le cercueil de la personne que nous aimons le plus nous cause une lourde affliction. Mais le cercueil du Starets attirait tout le monde à lui, comme un aimant. Nul ne songeait à s'en éloigner. Durant toute la durée des funérailles, jusqu'à l'ensevelissement, l'on remarqua une très grande affluence. Un flot de monde était venu pour un dernier adieu au Starets.
Après l'office funèbre, le cercueil, que portaient ses enfants spirituels, se dirigea vers le désert de Goloséev.
L'Archevêque était parti en avant du cortège, attendant de se porter à leur rencontre. Un grand concours de peuple accompagnait le cercueil, indifférent à la forte pluie qui tomba à verse toute la durée du transfert du corps.

Au désert de Goloséev, où le Starets avait aimé mener l'ascèse des Solitaires, dix-sept ans durant, l'attendait, dans l'église de la Fontaine de Vie , sa châsse reliquaire, que lui avait apprêtée son très aimé Métropolite.
La Vierge Sainte qui avait été pour lui sa fontaine d' Eau Vive allait le recevoir dans son église. Et son regard depuis sa sainte icône allait baigner de lumière son saint séjour.
Ici allait reposer l'ami du silence, après une vie ascétique qui avait produit tant de fruit.
Rien n'interromprait plus le Silence du désert, qui l'embrasserait, que les seuls pas de tous ceux qui viendraient vénérer pieusement sa Sainte relique...

***

CONSEILS SPIRITUELS
& APOPHTEGMES DU STARETS PARTHENE.

DIVERSES VERTUS

Le discernement est au-dessus de toutes choses. La patience, plus nécessaire que toutes choses. Le silence, préférable à toutes choses. La loquacité pire que toutes choses.

Le discernement est au-dessus de toutes les vertus. Avec lui, l'âme résiste à toutes les passions, comme aux pensées qui se soulèvent contre elle.

L'amour de la pauvreté & le désintéressement procurent à l'âme de grands trésors.

La pauvreté & la Prière contribuent à notre Salut. La Prière engendre la non-possession & la non-possession engendre la Prière.

Vivre vertueusement, faire le bien & y songer, n'est pas un sacrifice pour Dieu, mais ton devoir d'homme.

Toute âme bénie est simple, juste, miséricordieuse, compatissante, noble, humble, innocente, candide, tempérante, & pieuse. L'innocence & la simplicité, plus que toutes les autres vertus attirent la Grâce & la miséricorde de Dieu.

La crainte de Dieu réduit la chair plus que le jeûne & les autres ascèses. Pour celui qui l'a acquise, il n'y a plus sur la terre ni choses affligeantes ni choses plaisantes .

Le Silence est une très grande vertu. Il ne peut s'agir pour l'homme bavard de progresser jamais.


COMBAT SPIRITUEL

«  Le Royaume de Dieu se force, & ce sont les violents qui s'en emparent ». Cette violence ne se limite pas à la tempérance dans la nourriture, comme à l'égard des diverses passions, mais concerne toute notre activité, tant intérieure qu' extérieure. Il sied de faire l'absolu contraire de ce que désire la chair. Tu veux t'étendre de façon plus confortable? Contrains-toi à faire l'inverse. Tu veux t'asseoir les coudes appuyés sur des accoudoirs ? Ne les accoude pas...En toutes choses comporte-toi ainsi.

Fais-toi violence, quand tu ne désires pas prier, & quand tu n'as pas envie de faire le bien.

Il ne suffit pas que nous gardions la pureté du corps. Il faut indispensablement que nous ayons des pensées innocentes & pures.


PASSIONS MAUVAISES

Le lien passionné, fût-il le plus infime, qui t'attache à quelque personne ou à quelque chose que ce soit attire la colère de Dieu , & mène à la catastrophe.

La nourriture excessive nuit davantage à l'âme qu'au corps, & le sommeil excessif nuit davantage que l'excès de nourriture.

L'homme impur & asservi à ses passions souille par ses péchés jusqu'à ses affaires. C'est pourquoi ne t'en approche pas, & n'y touche pas.

Garde-toi de condamner ton prochain. Pour ne pas tomber dans cette tribulation, cesse de t'occuper du comportement d'autrui.

Dieu se détourne du médisant. Celui qui cultive & nourrit en lui la méchanceté envers son voisin, en place des Anges aura pour compagnie celle des Démons; & sa prière respirera le péché.

Le bavardage chasse la Grâce de Dieu & refroidit la chaleur de l'âme.

LA TACTIQUE DU DIABLE

Le Diable ennemi nous combat sans cesse. D'abord à gauche, c'est-à-dire par les passions & le désir du péché. Quand il échoue à gauche, il attaque par la droite, c'est-à-dire qu'il allonge ses griffes parmi nos oeuvres bonnes.

Plus tu approches de Dieu, plus l'ennemi s'emploiera à te tourmenter. C'est pourquoi, dans la mesure où tu décides de servir le Seigneur, prépare-toi à affronter des épreuves.

L'ennemi , en ce qu'il y a de bien, sème la zizanie.

L'ennemi porte l'affliction en toute âme qui veut se sauver.

LA VIE MONASTIQUE

Il sied que le moine vive seul, avec pour seule compagnie le Seigneur.

L'ornement du moine est sa cellule – sa capacité à y demeurer en un séjour continuel. Nul n'est retourné dans sa cellule le même qu'il était quand il en est sorti .

Le moine négligent à l'égard de son Salut est blasphémateur à l'encontre de Dieu. Il eût été préférable qu'il meure dans les entrailles maternelles, plutôt que de vivre indifférent à sa vocation monastique.

Il faut que le moine se serve lui-même en toutes choses & qu'il se nourrisse du labeur de ses mains.

Pour le moine, la seule voie sûre de Salut est la solitude & la Prière incessante. Sans la Prière, il ne peut pas soutenir la solitude. Sans la solitude, il ne peut pas acquérir la Prière. Sans la Prière vraie, jamais il ne s'unira à Dieu. Et sans l'union à Dieu il est à douter qu'il obtienne son Salut.

Pour le véritable moine, il n'y a personne, ni nulle chose sur la terre. Sa joie & son bonheur sont la Prière incessante. Il aime assurément tous les hommes, mais il est à la gêne avec eux, parce qu'ils le privent de la communion avec Dieu.

Pour l'homme de l'obéissance, les attaques, les châtiments, les actes de mépris sont des dons de Dieu & une Grâce céleste. Les Saints se façonnent par & dans les afflictions.

Le véritable moine vit l'absolue pauvreté & il tâche de vivre avec le moins de moyens qu'il se peut.

VIGILANCE SPIRITUELLE

Pour ne pas être en proie aux émotions, & pour sauvegarder l'esprit de la Prière, tâche de fuir les visites & les conversations. Place plus haut que tout l'hésychia, & songe souvent à la mort.

La mort est très désirable pour tous ceux qui aiment Dieu, mais effrayante pour ceux qui ne s'y sont pas préparés.

S'agissant de la grande affaire de ton Salut, ne t' ingénie pas à trouver des techniques qui pourraient t'y aider . Ne cherche pas des voies excessivement recherchées. Ne te charge pas d'ascèses excessives, à moins que le Seigneur ne t'en donne la force. Contrains-toi continuellement & sans pitié à faire tout ce qui est bon.

En ce qui touche à ton Salut, il est très dangereux de suivre tes propres pensées & ton avis personnel. Notre cerveau – cet oeil limité de l'homme charnel – observe & ne découvre que l'externité des choses du monde matériel . Cependant pour ce qui est des plus hautes affaires spirituelles, remettons nous en à Dieu Lui-même, avec la médiation de notre Père spirituel, & suivons-les en toutes choses.

Nos intentions & nos dispositions changent continuellement, & s'éparpillent au vent comme poussière. C'est pourquoi, il faut une fois pour toutes que nous mortifiions notre volonté & que nous nous confiions à la volonté de notre Guide Spirituel.

Il n'est pas bon de raconter aux autres tes exploits ascétiques, si même cela n 'est pas dû à l'amour de la gloire. Les dons de Dieu, quand tu les dévoiles, te sont enlevés.

Le mal se transmet aussi facilement qu' une maladie contagieuse. Si tu partages souvent la compagnie d'hommes qui bavassent, disent des médisances, & aiment les choses mondaines, alors, toi aussi, à ton insu, tu tomberas dans les mêmes passions. A l'inverse, si tu fréquentes des gens spirituels & qui aiment la Prière, leurs vertus se transmettront égalementà toi.

Pour acquérir une absolue pureté, n'aie pas de liens passionnés, fussent-ils spirituels, avec des gens ou des choses quelles qu'elles soient. Aime chacun d'un amour infini, comme toi-même, mais n'attache ton coeur à rien. Ne désire pas voir de tes yeux & jouir de la présence d'une personne amie, & ne te complais pas à la rappeler continûment à ton esprit.

Ne suis jamais à la hâte ta pensée, même si elle te semble droite. Fais-lui subir l'épreuve du temps.

Tout honneur qui provient des hommes, il faut que le méprise l'âme qui recherche son Salut, & qui connaît ses faiblesses.

GRACE DIVINE


La privation de la Grâce de Dieu est la plus effrayante de toutes les privations. Il n'est pas d'état plus malheureux que celui dans lequel la Grâce divine s'est éloignée. C'est pourquoi beaucoup, qui l'avaient perdue, ont dû se donner bien du mal, & se livrer à maintes ascèses, pour la recouvrer.

L'homme, en dépit de tous ses efforts, sans le secours & l'assistance de Dieu ne peut rien organiser, ni sa vie extérieure, ni sa vie intérieure. «  Sans Dieu, pas même jusqu'au seuil ».

Notre volonté humaine se doit de consister en ce que nous désirions seulement notre bien, & que nous trouvions les moyens de son acquisition. L'accomplissement cependant & la réalisation du bien n'est imputable qu'à Dieu. Pour le mal, c'est nous qui en sommes cause, & qui devons en répondre.

Il nous faut une attention vigilante pour garder la Grâce divine. Celle-ci nous est donnée comme un don de la philantropie de Dieu. Il est cependant besoin de grandement combattre pour la garder.


PRESENCE & PROVIDENCE DE DIEU


Si Dieu ne se manifeste pas parmi nous tant que nous vivons ici sur terre, il ne saurait se faire que nous le voyions davantage au Ciel.

A la Providence de Dieu il n'y a pas de limite. C'est lui qui nous conduit invisiblement & rien ne se fait sans Sa volonté. En toutes choses, le jour & l'heure sont fixés. Remets-t'en à Dieu pour chacune de tes espérances, & Lui exercera Sa Providence en ta faveur. Si tu n'as confiance qu'en toi-même & qu'en tes seules forces propres, alors Dieu, certes, t'aidera quelque peu, mais Sa Providence, qui peut tout, s'éloignera de toi.

Quand se présente le secours humain, le divin s'éloigne. Un ermite, que servaient les Anges, lorsque les hommes l'approchèrent & commencèrent de l'assister, vit les Anges s'éloigner de lui.

L'absolue pauvreté pour l'Amour du Christ est un grand trésor. Ne l'acquiert
que celui qui espère inébranlablement dans la divine Providence. Aie une telle espérance indéfectible, & tu verras que le Seigneur ne permettra pas que tu meures de faim, ou que tu sois privé de quelque bien matériel. Quand cependant tu doutes, que tu cherches le secours humain, & que tu n'as confiance qu'en toi seul, alors la divine Providence se retire de toi. L' Apôtre Pierre marcha sur les vagues jusqu'à l'instant où il manqua de foi parce qu'il s'était mis à écouter sa pensée.

Pour acquérir la patience dans les afflictions & les épreuves, crois que toutes choses arrivent dans notre vie avec la volonté de Dieu.


PAIX

Sois paisible & sans passion à l'instant où le prochain se met en colère contre toi. Ne sois pas touché par ses paroles, ne t'inquiète pas de ses menaces; parce que celles-ci ne peuvent avoir la plus petite influence sur notre avenir. Il n'adviendra que ce qu'a prévu Dieu.

Si même tu utilises tous les moyens pour l'acquisition de la paix de ton âme, tu ne la gagneras pas, si ce n'est par la Prière dans la solitude.

La cause pourquoi nous n'avons pas de liens paisibles avec notre prochain est due à ce que nous ne voulons pas, selon l'expression du Christ, nous renoncer nous-mêmes.

L'homme empli par Dieu de Grâce ne peut pas ne pas être paisible, ni s' indisposer tant soit peu contre son frère.


PRESENCE DU SAINT ESPRIT

Dans le corps très rassasié n'habite pas le Saint Esprit, même si l'on est vertueux. Pour devenir temple de Dieu, il faut que l'âme & le corps soient purs.

Le Saint Esprit se repose dans les âmes simples. Que la simplicité du coeur déborde aussi à l'extérieur dans tes paroles & dans ton apparence. Ne contrefais pas le pieux, ne baisse pas les yeux, ne parle pas d'une voix basse& affectée. Car si tu le fais, même avec une bonne intention, la Grâce s'éloigne de toi.

Pour recevoir la visite du Saint Esprit l'anéantissement du corps est indispensable. «  Donne ton sang, tu recevras l'Esprit « disent les Saints Pères.

La colère, l'amour de la gloire, l'imagination, & la médisance
chassent la Grâce du Saint Esprit.

HESYCHIA & PRIERE

L'on retire de l'hésychia un profit spirituel inexprimable, mais quand elle a pour double inséparable la Prière.

Il faut que l'hésychia extérieure soit accompagnée par l'intérieure. Seul le parfait éloignement «  corps & âme «  des hommes peut octroyer la paix.

L'hésychia & la Prière sont plus hautes que tous les biens.

Celui qui cultive la Prière n'a pas le temps de songer à quelque chose de terrestre. Les conversations & la fréquentation de gens en nombre lui sont pénibles, parce qu'ils l'éloignent de Dieu.

Seule la Prière incessante peut faire monter dans notre coeur l'Amour pour Dieu.

La pureté du corps & la pureté des pensées, on ne peut la garder qu'avec la Prière incessante & la fixation de l'esprit sur Dieu. Alors l' Esprit Saint ombrage l'âme, & consume toutes les passions.

Pour réussir à mener véritablement à bien la Prière du Coeur, il faut se donner beaucoup de peine. C'est l'oeuvre la plus difficile qui soit. Il n'est pas rare que l'âme, dans son effort pour l'acquérir, arrive jusqu'aux portes de la mort. Celui cependant qui sera jugé digne d'en faire son bien, ouvre une plaie dans son coeur. Rien ne peut alors remplacer le plaisir spirituel qu'il en ressent désormais.

LECTURES D'ECRITURES

«  La lecture du Psautier dompte les passions, & la lecture de l'Evangile consume l'ivraie de nos péchés, parce que le Verbe de Dieu est un « feu dévorant » qui consume. Il m'est advenu de lire, quarante jours durant, l'Evangile, pour le Salut d'une âme qui m'avait octroyé ses bienfaits. Et que vois-je dans mon sommeil ? Dans un champ plein d'ivraie tombait une lumière du ciel qui la consumait toute, en sorte que le champ apparaissait entièrement nettoyé. Je ne pouvais cependant comprendre la valeur de cette vision, lorsque j'entendis une voix me dire : «  L'ivraie qui recouvrait le champ, ce sont les péchés de l'âme, pour lesquels tu as supplié Dieu, & le feu qui a brûlé toutes ces mauvaises herbes, c'est la Parole de Dieu pour l'amour de laquelle tu as tant médité ».

Le Starets ayant chaque jour pour canon de lire l'Evangile, & souvent tout le Nouveau Testament, il avait accoutumé de donner aussi à ses disciples le même canon. Il leur offrait en don un petit évangéliaire, y inscrivant divers conseils spirituels & dédicaces, telles que celles-ci :

«  Voici le Saint Evangile que je t'octroie. Lis dans le temps de la semaine les quatre Evangélistes, pour acquérir la Grâce & la véritable connaissance de Dieu, & pour avoir une bonne fin; ainsi que pour n'être pas privé du bonheur éternel & pour pouvoir fixer l'éclat des trois Hypostases dans la Divinité consubstantielle . »

«  Voici, mes enfants, l'Evangile de la Passion que je vous offre. Lisez-le, & en particulier lorsque vous serez dans les afflictions. Alors, le Seigneur vous consolera. «  A ceux qui aiment Dieu, tout contribue au bien...Il est bon d'être auprès de Dieu. Que l'on se trouve loin de lui, tout est ennuyeux & tous les maux vous visitent ».

«  Voici, mon enfant spirituel, l' Evangile dont je te fais cadeau. Prie pour moi & pour l'amour que j'ai pour toi. Prie surtout de par ta vie sainte & ta simplicité de coeur. Le plus indispensable est la patience. Garde la virginité. Entraîne-toi au Silence; parce que le Salut du moine bavard est incertain. Le Silence concentre, le bavardage dissipe. Prie intensément, sans t'affliger . »

«  Ce livre, le Saint Evangile, je le donne à mon enfant spirituel, à cause de son obéissance envers moi...
Reçois, de moi l'indigne, ce précepte : Lis les quatre Evangélistes en deux semaines. Ce livre ( avec les quatre Evangiles) est le père de tous les livres; la prière des prières. C'est un guide pour le royaume des cieux. Il mène l'homme ici sur terre à la véritable connaissance & nous rend dignes, tandis que nous sommes encore dans ce corps, de voir Dieu dans notre coeur. Et dans la vie à venir, il nous rend dignes de goûter à l'inexprimable plaisir de la vue face à face de la Sainte Trinité ».

«  Que descende sur toi, mon fils spirituel, la bénédiction de Dieu, la protection de la Mère de Dieu  , l'espérance sans honte...& le secours des Saints thaumaturges de la Petserskaïa ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire