mercredi 29 janvier 2020

Saint Grégoire Palamas, Quelques mots sur sa vie, La Lumière du Thabor n° 1 (1984).

SAINT GRÉGOIRE PALAMAS
Quelques mots sur sa vie
Saint Grégoire Palamas naquit en Asie-Mineure, de parents nobles et distingués, non seulement dans les apparences extérieures, mais aussi et surtout, selon l’homme intérieur, dit le Synaxaire du Triode [la Vie des Saints lors du temps du Grand Carême]. Son père, Constantin, était dignitaire de la Cour, conseiller et ami intime de l’Empereur Andronic II Paléologue ; il revêtit même l’habit monastique avant de mourir et reçut le nom de Constance. L’union de l’Église [entre deux théologies différentes, l’orthodoxe, orientale, et la papiste, occidentale], tentée au Concile de Lyon en 1274, signée par l’Empereur Michel, avait échoué. Le clergé de Constantinople l’avait jugée inacceptable et l’avait rejetée, et, à l’époque de saint Grégoire Palamas, les troubles n’étaient pas encore apaisés. À l’intérieur, l’Église de Constantinople, Nouvelle Rome, était agitée par la lutte entre les Zélotes, qui défendaient l’Église contre les empiétements de l’État, et les Politiques qui, voulant avec l’Empereur sauver l’Empire, étaient favorables, par « économie », à un compromis entre l’Église et le Trône. Le territoire de l’Empire Romain Chrétien se trouvait réduit à de modestes limites. La géographie ecclésiastique, par contre, demeurait très étendue et rappelait ce qu’avait été l’Empire au temps de sa gloire. Sous Andronic II, le Mont-Athos, jusqu’ici sous la dépendance de l’Empereur qui nommait le Protos, ou Président du Conseil des Abbés des Monastères, passa définitivement sous l’obédience du Patriarche de Constantinople. Jeune encore, saint Grégoire perdit son père. Sa mère l’éleva, avec ses frères et ses sœurs, dans l’amour et l’étude des Saintes Écritures. Elle confia à des maîtres éprouvés l’instruction profane de ses fils. Vers sa vingtième année, Grégoire délaissa le Monde et ses illusions trompeuses, et décida de se tourner vers Celui qui est la source de toute sagesse, par la pratique de la vie parfaite et la prière à laquelle l’avaient déjà initié, à Constantinople, des moines comme Théolepte évêque de Philadelphie, dont Grégoire parle à plusieurs reprises dans ses œuvres. Il fit part de son projet à sa mère et lui parla de son désir de Dieu, de son amour brûlant pour Lui. Sa mère l’approuva et déclara vouloir partager ses desseins. Elle en fit part à son tour à tous ses enfants, que Grégoire convainquit ensuite, par ses discours persuasifs. Tous, mère, fils, filles, domestiques, embrassèrent la vie monastique. Mettant en pratique les préceptes de l’Évangile, Grégoire partagea ses biens entre les pauvres, refusa les honneurs et la brillante carrière que lui proposait l’Empereur, et, libéré ainsi des soucis de ce Monde, il prit place dans les rangs de ceux qui suivent le Christ. Sa mère, ses sœurs et les domestiques furent placés dans des monastères de la capitale, tandis que lui-même et ses deux frères, partirent à pieds pour le Mont de la sainteté [l’Athos], où ils vécurent près du Monastère de Vatopédi, plusieurs années, sous la direction d’un homme admirable, qui pratiquait la prière dans la solitude et dont le nom était Nicodème. Ils acquirent auprès du saint homme, et sous la conduite de la Mère de Dieu, la pratique de toute vertu et l’humilité de l’âme. Après la mort de l’un de ses frères et du moine Nicodème, Grégoire, sur un ordre divin, accompagné de son autre frère, alla vivre dans la Grande Laure de saint Athanase. Attiré par la solitude, il se retira dans un ermitage pour goûter, dans le désert, aux fruits de la prière pure. Il se livra aux labeurs les plus durs, dans son désir toujours grandissant de s’unir à Dieu, travaillant à rassembler ses sens et à les purifier par l’oraison, à élever son intellect vers Dieu dans la prière perpétuelle et la méditation des choses divines. Après avoir rythmé admirable­ment sa vie, il vainquit avec l’aide de Dieu les attaques des démons et lava son âme dans les larmes et les longues veilles. Grégoire devenu vase d’élection où l’Esprit Divin déversa tous les dons de sa grâce, fut gratifié de fréquentes visions. Puis Dieu l’appela à un autre service et il reçut à Thessalonique, l’ordination sacerdotale, vers l’âge de trente ans. Il accomplit, dit le Synaxaire, les fonctions de son sacerdoce, comme un être immatériel. Il créa, près de Berrhée, un skite ou petit ermitage, où il continua sa vie austère ; mais il rejoignait ses frères les Samedis et Dimanches, pour la prière en commun et la Liturgie. Les hommes de Dieu qui l’approchaient, disaient de lui qu’il était porteur de l’Esprit Divin. Les autres admiraient son pouvoir de chasser avec puissance les démons et de délivrer tous ceux qui étaient victimes de leurs illusions et de leurs machinations. Il changeait l’arbre stérile en arbre fructueux et voyait à l’avance l’avenir. En 1331, il retourna à la Sainte Montagne de l’Athos, dans un ermitage, près du monastère de la Laure, puis au monastère de saint Sabbas, après un bref higouménat au monastère d’Esphigmenou. Si, de son propre vouloir, l’homme peut et doit chercher et pratiquer la vertu, il ne doit pas cependant se créer des épreuves ; en effet, les épreuves qui doivent servir à nous faire avancer dans les vertus, --et sans lesquelles il n’est pas possible de marcher vers la perfec­tion ni de manifester la foi--, sont permises par Dieu qui sait ce qui nous est utile et ne demande jamais rien qui soit au-dessus de nos forces. Ces épreuves n’allaient pas tarder à s’abattre sur saint Grégoire et lui permettre de manifester et de confesser sa foi. Un moine calabrais, Barlaam, très versé dans la philosophie et la sagesse de ce monde, débarqua à Constantinople. Il connaissait admira­blement le grec et le latin et, dit-on, fut l’un des premiers à enseigner le grec en Italie. Accueilli avec honneurs, il reçut des charges officielles et la mission de travailler à l’union des Églises [occidentale et orientale], union indispensable aux yeux des Empereurs, qui espéraient ainsi recevoir des secours de l’Occident pour lutter contre l’envahis­seur Turc. Battu dans une controverse par le célèbre historien de l’époque, Grégoras, Barlaam quitta Constantinople, passa par Thessalonique et de là, arriva au Mont Athos. C’est là qu’il prit contact avec l’enseignement hésychaste [prière perpétuelle dans la quiétude intérieure] qu’il ne comprit pas ; il le dénatura, le ridiculisa et se moqua des moines qui disaient voir de leurs yeux corporels la Lumière Incréée et Divine. Il déclara que cette Lumière, Grâce commune du Père et du Fils et du Saint-Esprit, cette Lumière du siècle à venir, dans laquelle les Justes brilleront comme le soleil, que le Christ révéla à Ses Apôtres sur le Mont Thabor lors de la Transfiguration, Barlaam, disions-nous, la déclara chose créée et étrangère à l’Essence de Dieu. Barlaam disait que la Lumière Thaborique, manifestation de la Gloire Incréée de Dieu, perçue par les yeux corporels des Apôtres, était un phénomène créé, qui était apparu pour disparaître ensuite. En sortant du silence pour défendre les moines attaqués par Barlaam, saint Grégoire Palamas défendit en même temps, et le dogme et la tradition théologique et mystique de l’Église ; et toute une époque, toute une société qui pratiquait dans la vie quotidienne, la Prière. La remarquable figure d’Isidore, encore laïc, parcourant sa ville, allant chez les particuliers pour leur apprendre à prier et prier avec eux, en est une illustration. On raconte que le propre père de saint Grégoire Palamas, interrogé au cours d’un conseil par l’Empereur, ne lui répondit pas, car il était plongé dans la Prière ; le pieux Empereur ne réitéra pas sa question et respecta le silence de son conseiller. Beaucoup d’hommes se levèrent alors pour prendre la défense des moines ; parmi eux il faut citer le célèbre Nicolas Cabasilas. Palamas fut traité de dithéïste, c’est à dire accusé de croire en deux dieux, par la distinction qu’il faisait entre la Nature divine, l’Oussie, [dans cette acception, Nature veut dire Essence] et l’énergie ou opération divine ; accusé d’introduire dans la notion traditionnelle de Dieu des éléments nouveaux. La querelle, placée sur le terrain dogmatique, s’étendit et fut portée à Constantinople, où un Concile local fut réuni. L’assemblée se tint en l’église de la Sagesse de Dieu, ou Sainte Sophie, et saint Grégoire, rempli de la puissance invincible de l’Esprit Saint, eut raison de son adversaire, qui reconnut ses égarements. Mais la querelle continua entre partisans et adversaires de la théologie de saint Grégoire Palamas, que l’Église venait de reconnaître pour être celle de sa tradition. Après Barlaam, d’autres ennemis se levèrent, comme Akyndine et Nicéphore Grégoras. Les troubles politiques suscités par la lutte entre [les empereurs] Jean Paléologue et Jean Cantacuzène, vinrent s’ajouter aux querelles théologiques, qui ne laissaient pas indifférents les chrétiens de cette époque. Palamas fut impliqué dans ces troubles politiques et jeté en prison sur l’ordre du Patriarche Callécas, pour « hérésie », malgré le Concile de Sainte Sophie. Callécas, mauvais théologien, avait essayé de placer le différend sur le plan canonique, pour pouvoir condamner les antagonistes sur des questions disciplinaires. En réalité, le Patriarche se vengeait de saint Grégoire Palamas qui n’avait pas voulu approuver le coup d’État qu’il avait dirigé contre Jean Cantacuzène. Mais Jean Cantacuzène revint à Constantinople, et [fut] reconnu empereur, il libéra Palamas de ses liens. Plusieurs Conciles se tinrent alors, et la Théologie que saint Grégoire Palamas défendait fut proclamée orthodoxe par toute l’Église. Une miniature d’un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris, montre Jean Cantacuzène, revêtu de ses ornements impériaux, siégeant au milieu des évêques réunis en Concile et s’appliquant à résoudre la question de la vraie nature de la Lumière apparue aux Apôtres sur le Mont Thabor, lors de la Transfiguration du Seigneur. Pressé par le Concile et par l’Empereur, saint Grégoire accepta la charge épiscopale du siège de Thessalonique et fut sacré évêque au mois de mai de l’année 1347. Dans sa ville, ensanglantée par la lutte des classes, le saint docteur déploya tout son zèle pour apporter la paix et la réconci­liation, toute sa science pour instruire son troupeau dans la vérité du Christ, et tout son pouvoir pour améliorer les conditions sociales de son peuple, se rendant ainsi l’égal des grands évêques et pasteurs qui ont illustré l’Église de Dieu. Vers la fin de sa vie, il fut appelé à Constantinople. En s’y rendant par mer, il fut fait prisonnier par des corsaires turcs [de l’islam] qui le retinrent pendant un an. Continuellement déplacé de ville en ville, il en profita pour éclairer, instruire, fortifier les chrétiens restés dans les contrées désormais soumises aux Turcs. Il discutait même avec les infidèles sur l’Économie de l’Incarnation du Fils de Dieu, sur la Vénérable Croix, sur la vénération des icônes. Des chré­tiens payèrent sa rançon, et saint Grégoire fut rendu à son peuple, après avoir complété dans sa chair, ce qui manquait aux souffrances du Christ, comme le dit saint Paul. Il était humble et doux --sauf quand il s’agissait de défendre la Vérité– rendait le bien pour le mal, n’admettait jamais de calomnie contre quiconque, secourait les détresses avec grandeur d’âme. Au-dessus de tout désir de jouissance et de vanité, il était pauvre et n’avait rien de superflu, même dans les nécessités de son corps affaibli. Il avait le calme, la paix, la sérénité dans la patience ; toujours attentif, il était plein de sollicitude et de réserve, et, devant le prochain, jamais ses yeux ne restaient sans larmes. Épuisé par une vie remplie d’épreuves, de luttes contre ses propres passions, contre les démons, contre les ennemis de la Foi et de l’Église, accablé par une longue maladie, il rendit son esprit à son Dieu et Créateur, le 27 novembre 1359. De nombreux miracles eurent lieu sur sa tombe. Son ami et disciple Philothée, devenu Patriarche de Constantinople, le canonisa en 1368. Depuis, chaque année, l’Église Orthodoxe célèbre sa mémoire le second Dimanche du Grand Carême. En défendant les moines, saint Grégoire a défendu l’Église contre le rationalisme qui la menaçait. Dieu suscite de grands pilotes quand l’embarcation de Son Église est menacée par la tempête déchaînée de l’hérésie, et Il fait gonfler Ses voiles par le souffle puissant de l’Esprit. C’est en toute justice que nous chantons : « Salut ! Fierté des Pères, Bouche des théologiens, Tente de l’hésychie, Maison de la Sagesse, Sommet des docteurs, Océan du Verbe, Point culminant de la contemplation, Guérisseur des malades. Salut ! Temple de l’Esprit. Salut ! Père qui après ta mort est toujours vivant ! »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire