samedi 11 janvier 2020
Saint Nectaire d'Egine, Connais-toi toi-même (suite).
La loi morale est naturelle et innée et elle apparaît clairement comme étant constitutive de l'état d'homme, et elle rend celui-ci enclin au bon, au vrai, au juste. La conscience témoigne de cette disposition naturelle et de cette inclination au bon, au vrai, au juste. Parce qu'elle est en paix lorsqu'elle observe et garde la loi morale, mais qu'elle s'éveille et proteste lors de la transgression de cette loi. L'âme est dans la joie lors de la garde de la loi morale; mais lorsque cette loi morale est transgressée, l'âme s'afflige. Ceux qui gardent la loi morale deviennent heureux et bienheureux, mais ceux qui la transgressent deviennent misérables, malheureux et démoniaques.
La loi morale mène à la perfection et à la sainteté et rend l'homme splendide, en lui donnant la semblance divine. La loi morale libère de l'asservissement aux passions; elle rend moralement libres ceux qui l'observent. La loi morale est la voie qui conduit à la vraie vie, à la vie éternelle. Ceux qui gardent la loi morale ont l'esprit illuminé et le coeur pur. Celui qui garde la loi morale devient un ami de Dieu et il est couvert par la grâce divine. Il se délivre de ses craintes. Oui, tout gardien de la loi est sans peur.
La loi morale est un très grand bien donné par Dieu, afin qu'il vive sur terre heureux et bienheureux, qu'il se montre fort, qu'il soit élevé à une gloire visible, et qu'il devienne parfait. La loi morale est la puissance mystique qui conduit l'homme et le mène à la perfection. La loi morale est la puissance thaumaturgique qui élève l'homme et le mène jusqu'au ciel. La loi morale est le phare brillant et resplendissant de loin, éclairant l'homme sur la mer de sa vie. La loi morale est le port tranquille, en lequel règne toujours le calme du coeur, la citadelle imprenable qui ne peut être dévastée par les ennemis qui montent en courant à l'assaut, mais qui sauvegarde en sécurité ceux qui ont eu confiance et se sont mis à son abri. La loi morale est la voie sûre qui monte vers Dieu.
Bienheureux ceux qui gardent la loi morale. Car ceux-ci ont accueilli dans leur sein la joie éternelle que nul ne peut leur ôter. Ils seront jugés dignes de la joie éternelle dans le royaume des Cieux.
§ 2. - De la vie morale de l'homme
et que l'homme est par nature un être moral.
I. La vie morale est la vie qui convient à l'homme 1) parce qu'en elle sont réalisés les saints désirs de son coeur; 2) parce que cette vie est en accord avec la loi morale écrite dans son coeur; 3) parce que la vie bonne charme son coeur et le satisfait; 4) parce que la vie immorale lui déplaît et lui fait horreur; 5) parce qu'il a conscience qu'il ne lui faut que la vie morale et que seule celle-ci lui convient.
II. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, parce que c'est une vie raisonnable, et que la vie raisonnable convient à l'être raisonnable. Celui qui vit moralement vit avec raison, parce que c'est la raison qui dirige la vie morale, raison qui retient les élans et contient les désirs, qui met un mors aux passions, qui interdit les choses illicites, et enseigne ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, ce qui est licite et ce qui est proscrit.
III. La vie morale est la vie qui convient à l'homme 1) parce qu'elle l'embellit, le fait progresser, et le mène à la perfection; 2) parce que c'est une vie spirituelle et que l'homme est un être doué d'un intellect et moralement libre, et que la vie morale le rend libre et à la ressemblance de Dieu; 3) parce que l'homme étant un être intellectif aime par nature le beau, le bon, le vrai, le juste, le licite, et que tout cela ne peut être conféré et procuré que par la vie morale; 4) parce que, tandis qu'elle lutte et souffre pour vivre une vie morale l'âme ressent du contentement, et elle se détourne d'une vie relâchée et dissolue.
IV. La vie morale est la vie qui convient à l'homme; parce que l'homme par nature discerne ce que sont ses actions; il discerne entre les bonnes et les mauvaises actions; et il approuve les bonnes et réprouve les mauvaises. Le discernement entre les actions révèle une disposition innée encline à la vie morale. Il témoigne que la loi morale est par nature et de façon innée inscrite dans le coeur de l'homme.
V. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, parce qu'elle suscite dans le coeur des sentiments enclins à travailler au bien, et à fuir les oeuvres du mal. La joie et l'affliction témoignent d'une conscience innée de la loi morale, et d'une disposition toujours encline au bien.
VI. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, parce que l'intellect et le coeur ont toujours été enclins à cette vie. Toute l'humanité a toujours eu des lois morales et des principes moraux, qu'elle a toujours suivis.
VII. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, parce que seule la vie morale fait de l'homme un être social, que seule la vie morale assure les fondements de la vie sociale, et que seule la vie morale, par la vie sociale, conduit l'homme, permet son développement, et le parfait. Sans la vie morale, la vie sociale serait impossible. L'homme reconnaît qu'il est un être social; et si donc il est social, il est aussi moral, parce qu'une société sans morale ne saurait se maintenir ni perdurer.
VIII. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, parce que l'homme est doté d'un élan spontané et inné qui le fait s'élancer vers la jouissance du bien suprême, vers la perfection morale et vers la ressemblance au divin, dont les divines particularités charment et réjouissent son coeur. L'homme découvre, épanchée dans la création, la bonté divine; il a hâte, au travers d'une vie spirituelle, de se laisser conduire vers le bien suprême; il part à la recherche de ses merveilles et il se hâte vers sa perfection morale. Parce que ce penchant de l'âme est pérenne, et qu'il devient plus fort en se développant, il s'ensuit que l'âme cherche à atteindre la connaissance la plus haute, la vérité absolue, le bien suprême. La recherche du bien suprême, de la vérité absolue, de la connaissance la plus haute, sont une expression d'une inclination innée de l'homme vers la vie morale et une manifestation de sa liberté morale.
IX. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, parce que l'homme a des désirs infinis, et que seul le bien moral peut combler le vide de son coeur. Ne se contentant pas du monde sensible, qu'il considère comme insuffisant à remplir le vide de son coeur, il recherche un monde plus spirituel et au-delà du sensible, conscient que ce n'est que dans un monde suprasensible qu'il trouvera de quoi combler le vide de son coeur. C'est dans ce but qu'il oeuvre à se montrer indépendant des énergies de sa nature sensible, et à manifester, autant qu'il est possible, une nature et une énergie spirituelle plus pure, de façon à être conduit à un degré plus spirituel de vie morale, mettant en pratique dans sa vie les idées morales et spirituelles. Cette inclination provient de la conscience de son caractère moral.
X. La vie morale est la vie qui convient à l'homme, car l'âme de l'homme a conscience qu'elle a été façonnée pour devenir participante de la bonté et de la béatitude divines. Elle sent cependant qu'il lui est impossible d'obtenir ce qu'elle demande, si elle demeure tournée vers le sensible et clouée à ce monde limité. Parce que la bonté et la béatitude se trouvent dans le bien absolu. Il est impossible que la vérité achevée et le bien accompli se trouvent dans ce monde sensible, parce que la vérité que l'on trouve dans l'esprit, étant relative, comme telle n'est nullement une vérité. De même aussi, le bien que l'on trouve dans ce monde sensible est imparfait. Parce que l'âme désire le bien parfait et tend vers lui, il est impossible que ce qui est imparfait la satisfasse. C'est pourquoi l'âme se hâte, autant qu'il est en elle, de s'arracher au monde sensible, afin qu'elle soit au-dessus du sensible, qu'elle soit conduite au monde supra-sensible, au monde spirituel, et qu'elle obtienne la bonté suprême, la vérité parfaite, le bien absolu, et la béatitude étrenelle. Oui, en vérité, l'homme est un être moral.
§ 3. - De l'homme : Qu'il est par nature moral, et qu'il est par nature religieux.
L'homme a été façonné par le divin démiurge comme un être religieux. Il a été également façonné comme un être moral. Ces deux particularités sont les caractéristiques essentielles de l'homme, disposées en lui comme des connaissances et des vertus innées. La vie sociale témoigne de ces vertus. La société se révèle absolument nécessaire à la garde, au développement et au progrès de l'homme. Mais ce qui se révèle nécessaire à fonder la société, c'est la vie de l'homme moral fondée sur la loi morale. Et la vie morale convient à l'homme et elle est innée en lui. Mais, de même que la moralité est une vertu innée de l'homme, et qu'elle se révèle absolument nécessaire à sa sauvegarde, à son développement et à son progrès, ainsi aussi la religiosité est une vertu innée, et elle se montre absolument nécessaire à la fondation de la loi morale. Il s'ensuit que la loi religieuse suit la loi morale, et que la religiosité suit la moralité en l'homme. De même que sans morale l'homme ne pourra pas former une société, se développer ni progresser, de même sans religion, il serait impossible que l'homme soit moral et qu'il fonde les sociétés sur des principes moraux. Le développement et le progrès de l'homme, le conduisant à une visible noblesse morale, ne sont dus qu'à ces admirables vertus, la moralité et la religiosité de l'homme. Qu'est-ce qui en vérité peut davantage que la morale amener à la conservation, au développement et au progrès de la société des hommes? Rien, absolument rien. Qu'est-ce qui peut se montrer plus nécessaire que la religion pour fonder et assurer les lois morales et les principes de la société. Rien, absolument rien. La morale est le lien qui maintient et cohère la société, et qui garde ses biens. Et la religion est la sauvegarde de la loi morale. Ce pouvoir et cette puissance de la religion témoignent de son absolue nécessité. Car parce que l'homme est par nature social, et que la société, sans principes moraux, se délite et se défait, il s'ensuit nécessairement que l'homme, ayant été façonné social, fut aussi façonné moral, et que s'il est moral, il est aussi religieux. Parce que sans religion, il est impossible qu'il y ait une morale. Parce que sans religion, c'est-à-dire sans Dieu, il est impossible qu'il y ait une loi morale, parce que la loi morale exige le divin nomothète et donneur de loi, qui imprime pour loi morale sa volonté divine. D'où, par nécessité morale, la religion accompagne la loi morale et passe sa vie avec elle, afin que la société puisse se constituer et que l'homme puisse jouir de ses biens. De sorte que l'homme est un être moral et religieux.
La religion dirige dans la bonne voie les volontés et les réflexions de l'homme et le conduit dans leur réalisation. Sans religion l'homme est un mystère incompréhensible. Sans religion et sans loi morale son intellect et son libre-arbitre ne lui donnent aucunement une place éminente dans la communauté des animaux, ni ne lui donne une place visible parmi eux, ni ne lui fournit de privilèges en sorte qu'il en soit vénéré et puisse grandement se vanter auprès des autres animaux. Parce que la raison sans la morale, sans la loi morale, et sans les principes moraux, devient un instrument et un moyen de perdition et conduit l'homme à la perdition et à se transformer en bête, jusqu'à devenir le plus sauvage des animaux. Sans religion l'homme se rend destructeur de son caractère divin et il détruit la beauté de son icône faite à l'image et à la ressemblance de l'icône divine. Sans religion l'homme rejette les nobles idées du beau, du bien, du juste et du vrai, et il est gouverné par des instincts et des élans animaux, qui ne laissent plus place en lui à aucun souci de noblesse d'âme. Sans religion l'homme devient l'adversaire du bien; il devient une force puissante qui s'oppose à la volonté de Dieu et qui combat les lois divines, lequelles mènent l'homme à une fin sensée et raisonnable.
La religion est un sentiment élevé qui meut les replis les plus profonds du coeur, qui donne des ailes à l'intellect, qui élève l'esprit au-dessus du ciel sensible, qui dirige les pensées selon la volonté immuable de Dieu, et qui harmonise les actes et la vie pour les rendre conformes à la nature et à la plus haute destination de l'homme.
La religion accompagne l'homme dans le stade de sa vie toujours errante et elle le mène sans l'égarer dans le port sûr du calme de l'âme. Elle hâte son développement, son progrès, et son bonheur. Elle le conduit dans la prairie toujours verte où il cueille les fleurs odorantes et embaumantes qui réjouissent son coeur et son âme. Dès les temps les plus anciens l'humanaité a connu, honoré et vénéré la religion, ce qui a fait la force de la religion, et qui a instillé son influence salutaire sur les communautés humaines et dans les coeurs et les âmes des hommes. Les chefs religieux et les représentants de la religion devinrent les plus hautes figures de la société. Les archontes, les rois, les nomothètes des peuples s'auréolaient de la dignité de prêtre de la religion. L'honneur qui s'épanchait de la dignité de liturge religieux faisait resplendir de son éclat et étinceler les diadèmes royaux. Si grande est la piété respectueuse envers la religion que l'honneur de la dignité hiératique de prêtre est plus grand que celui du pouvoir royal, et que la puissance de la religion est plus grande que le pouvoir des lois humaines et que le pouvoir du chef.
La puissance de la religion est aussi celle d'un grand mors moral, qui bride les passions, les élans et les désirs, et qui dirige sûrement l'humanité vers sa plus haute destination, hauteurs en vue, auxquelles elle a été déterminée par la divine Providence à s'élever. Oui, en vérité, l'homme est un être religieux.
§ 4. - De la vie morale en Christ.
La vie morale est une vie en Christ. La vie morale en Christ est la véritable vie morale. Celui qui vit en Christ vit véritablement. La vie en Christ rend parfait et embellit l'âme. Elle l'apprête pour qu'elle devienne l'icône de Dieu. Cette vie sanctifie l'homme et le rend semblable à Dieu. Elle attache à Dieu et rend les hommes fils de Dieu. Elle rend participant des divins mystères. Elle se hâte d'accorder la paix au coeur et d'attirer la divine miséricorde. Elle garde les pensées pures et donne des ailes pour s'élever dans les airs. Elle fait avancer l'âme, l'exalte, et la conduit des choses terrestres aux choses célestes. Elle humilie l'esprit. Elle retient les élans. Elle dompte les passions. Elle endort les désirs.
La vie morale en Christ rend les hommes bons. Elle conduit à la véritable connaissance. Elle mène au bonheur. Elle porte à la gloire. Elle confère l'honneur. Elle tresse des couronnes. Elle prépare une vieillesse honorable. Elle octroie la santé. Elle donne la stabilité. Elle fournit le courage. Elle forge le caractère. Elle procure la noblesse d'âme. Elle est l'école de l'âme. Elle apprend la sagesse. Elle garde la pureté. Elle sauvegarde la pureté du corps et de l'âme.
La vie morale en Christ rend aimable à tous celui qui y participe. Elle lui procure des amis. Elle le rend admirable à tous dans la communauté. Elle fait de lui un citoyen honorable. Elle apprête de nobles soldats, de dignes gardiens de l'honneur de la patrie. Elle fait évoluer en homme parfait celui qui a été éduqué en elle. Elle fait de lui un membre utile de la société. Elle fabrique de bons chefs et de dignes gouverneurs, et les rend aptes à tout travail de confiance.
Celui qui mène la vie en Christ est un bon père, un bon fils, un bon époux, un bon parent, un bon ami, un bon allié, un bon étranger, un bon citoyen, un bon courtisan, un bon camarade, un bon accompagnateur de traversée, un bon compagnon de route, et pour tout dire, c'est un homme bel et bon, et il est le meilleur en toutes choses.
C'est ainsi que rend les hommes la vie morale en Christ.
§ 5. - De l'homme. Qu'il a été façonné en puissance moralement libre, et qu'il doit devenir en acte moralement libre.
L'homme ayant été façonné pour représenter iconographiquement en microcosme, sur la terre, la divine icône de son divin créateur, il faudrait que, par une ascension libératrice correspondante, il se confère à lui-même les particularités divines de son divin créateur. En tant qu'image de Dieu, il faut que l'homme soit sensé, absolument libre, entièrement conscient de lui-même, et moralement libre, parce que étant insensé, dépendant, inconscient et moralement aliéné de sa liberté, il est indigne de l'appel d'en haut auquel il est manifeste qu'il a été appelé, indigne de la grande destination à laquelle il a été destiné, et indigne d'être élevé à la vue de tous comme l'a voulu dans son grand conseil le divin démiurge. L'homme est devenu digne de cet appel et d'être élevé à la vue de tous parce qu'il a témoigné qu'il était sensé, absolument libre et conscient de lui-même. Ces puissances morales qui lui appartiennent en propre montrent que l'homme est en puissance moralement libre et capable de devenir en acte moralement libre par son vouloir et par le droit usage de son absolue liberté. La liberté morale suit l'appel de l'homme par Dieu; elle est une conséquence de sa mission de salut de l'âme, et de ses vertus morales existant en puissance. Car en vérité, comme est vaine l'abondance de ces vertus morales si elles ne restent qu'en puissance, sans la liberté morale! La liberté morale est le fruit de l'arbre pour laquelle il a été planté. Sans liberté morale, l'homme serait réduit au sort des animaux sans raison, parce que limité à sa raison seule, il se montrerait plus sauvage, plus animal et plus passionné que les animaux, loin de s'élever bien haut au-dessus d'eux à la vue de tous. Seule la liberté morale ennoblit l'homme et l'élève sur des cîmes hautes où nul regard d'animal ne peut atteindre. Si l'homme n'avait pas été façonné en puissance moralement libre, alors il n'aurait pas même été façonné comme un être moral, parce que la notion d'être moral suit la notion de liberté morale, tout comme la notion de liberté morale suit la notion d'être moral. Celui qui refuse à l'homme la liberté morale lui refuse la moralité. Parce que sans liberté morale, la loi morale ne peut pas s'établir, parce que seule la liberté morale peut conserver la loi morale, et que là où cette liberté morale vient à manquer, là manque aussi la loi morale, là ne règnent que les lois de la nature. Et là où celles-ci règnent, là nul des biens spirituels ne peut s'établir; là règnent les lois de la matière et leur pouvoir dirige tous les êtres. Sans liberté morale, l'homme serait devenu moralement un esclave, et son travail spirituel aurait disparu au profit de son asservissement moral. Le travail aurait soumis ses énergies, et aurait enfermé ses pensées dans un cercle très étroit. Les idées du beau, du bien, du vrai, du juste lui demeureraient inconnues. Il ignorerait ce qu'est le honteux, le mauvais, le mensonger, l'injuste etc..., parce que seul la loi morale et la liberté morale enseignent ces notions. Le mot moral serait rayé de son vocabulaire, parce que toute action résultant d'un instinct inné, réalisée en acte par nécessité, ne manifesterait aucun caractère moral. Les actions dites morales privées de leur caractère moral n'éveilleraient nul sentiment et ne causeraient nulle impression dans l'esprit et dans le coeur. L'inconscience et l'hébétude dissimuleraient et recouvriraient l'admirable image du divin démiurge, laquelle fut façonnée de façon si brillante et si admirable par la grâce divine, et en laquelle resplendit la bonté, la sagesse, et la toute-puissance. Et elles l'empêcheraient de voir clairement et de reconnaître au travers de son image son créateur et démiurge de toutes choses. Il ignorerait Dieu et ses particularités divines, et jamais il ne concevrait la notion du divin. La création insensée et inconsciente ne recevrait jamais la connaissance du divin, ni en conscience il n'adresserait ses hymnes à Dieu, ne le vénèrerait, ni ne le glorifierait, en lui rendant grâce de l'abondance de ses dons d'en haut prodigués.
L'homme sans liberté morale voudrait être esclave de ses propres passions. La liberté morale le manifeste comme un être moral, moralement libre, et devenu image de Dieu. Sa nature intellective sans liberté morale ferait de lui un oiseau sans ailes et un monstre de la nature. Sa présence dévoilerait une imperfection de la création, son apparition serait dénuée de sens, et toutes ses oeuvres seraient complètement inadéquates à la sagesse et à la bonté divines.
La nature sensée de l'homme réclame comme sa suite nécessaire la liberté absolue, et elle lui impose l'obligation de se montrer un être se voulant moralement libre. Car l'homme devenu sensé acquiert aussi la liberté absolue, en sorte qu'il devienne par libre choix moralement libre.
Celui qui est dépendant de ses passions et qui n'est pas libre, qui est soumis à ses élans instinctifs et qui agit selon ses pulsions ne peut pas faire le choix du bien, parce qu'il est asservi à ses élans instinctifs. Quand les pulsions imposent à l'homme son choix, alors à quoi sert le pouvoir de l'intellect pour discerner entre les actions, à quoi sert l'intellect? La soumission servile aux pulsions instinctives et la raison sont deux notions opposées l'une à l'autre. Toutes deux expriment l'idée d'une force agissant sur l'autre. Si donc l'homme est soumis à ses pulsions, alors à quoi lui sert la raison? Et si la raison domine, comment l'homme cèderait-il aux pulsions? Que l'homme soit raisonnable, cela n'est remis en question par personne. Et puisque la notion de raisonnable s'accompagne de la notion de liberté absolue, comment l'homme raisonnable serait-il encore soumis à ses pulsions naturelles? Parce que l'esprit est par nature libre, qu'il est lié à la notion de liberté absolue, et qu'il n'est soumis à rien.
L'être soumis à ses pulsions instinctives ne peut pas avoir une âme raisonnable, parce que l'âme raisonnable exige une liberté en acte. La nature raisonnable est spontanée, à cause de quoi elle est libre. Et parce que la spontanéité correspond à une libre volonté, il s'ensuit qu'elle agit par libre choix et non par nécessité. Donc l'âme raisonnable, qui est sensée, spontanée et libre est moralement libre. Elle a conscience d'elle-même et elle possède le discernement de ses actions. Or tous témoignent et reconnaissent que l'homme, lorsqu'il est un être sensé et possédant la liberté absolue possède une âme raisonnable, une libre volonté, a conscience de lui-même, possède le discernement de ses actions, et qu'en conséquence il est un être moralement libre.
§ 6. - Du discernement des actes de l'homme moralement libre.
L'homme qui est un être conscient possède le discernement de ses actes. Parce qu'il peut connaître la valeur morale de chaque action, vouloir l'accomplir ou refuser de l'exécuter. Ce qui est moralement en puissance chez lui le rend responsable de ses propres actes qu'il commet volontairement, pouvant librement choisir de faire le bien ou de faire le mal. Du fait de cette liberté morale, Dieu réclame à l'homme des comptes de ses actes. L'homme est jugé par Dieu et selon le choix de ses actes, il est soit récompensé soit châtié.
Saint Grégoire de Nysse dit ce qui suit de la responsabilité de l'homme : " L'âme de l'homme est élevée et royale. Sans parler de son humilité particulière, du fait qu'elle est sans maître lorsqu'elle a la liberté absolue, elle se dirige par ses volontés propres comme une impératrice. De qui est-ce le fait, sinon d'un roi? Aimons donc la bénédiction et fuyons la malédiction. En effet il dépend de nous de choisir l'une ou l'autre, vers quoi nous pencherons volontiers."
Oui, en vérité, il dépend de nous de choisir ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. L'être moral qui a la maîtrise de soi peut demeurer dans la garde de la loi divine écrite en son coeur, mais il peut aussi la renier et soumettre sa libre volonté à ses passions et à ses désirs, quoique cette libre volonté ait été créée pour vouloir toujours le bien. L'homme peut se montrer moralement libre ou bien asservi aux passions.
Certains moralistes amalgament le sens des notions liberté absolue et liberté morale et définissent la liberté morale comme la faculté de choisir le bien ou le mal, tandis que cette faculté est la caractéristique de la liberté absolue.
§ 7. - De la liberté absolue et de la liberté morale.
La liberté absolue est une puissance morale qui se manifeste comme la faculté de choisir de faire le bien ou le mal. La liberté morale est le fait de vouloir toujours faire le bien. Car le bien est un contenu inné de la volonté et un but de la vie de l'homme. Parce que celui qui agit librement veut toujours le bien et fait le bien, tandis que celui qui n'agit pas librement, à cause de la prépondérance en lui du monde matériel, ou à cause de pensées fautives et de prises en considération erronées, celui-là choisit le mal et fait le mal. Celui qui fait le mal n'est pas libre, parce qu'il agit contre sa volonté, mais celui qui fait le bien est libre, parce qu'il fait ce qu'il veut. De là que le fait de choisir le bien ou le mal est une caractéristique de la liberté absolue. Le fait de vouloir et de faire le bien est une caractéristique de la liberté morale. La liberté absolue est la caractéristique morale de tout homme, mais la liberté morale n'est la caractéristique que des vertueux. La liberté absolue rend l'homme moral en puissance, mais la liberté morale le manifeste moral en acte. La liberté absolue, lorsqu'elle est égarée et entravée par les élans des désirs instinctifs ou par des pensées mauvaises, rabaisse l'homme au rang des animaux insensés. Mais la liberté morale élève jusqu'au rang des esprits célestes immatériels. La liberté absolue précipite l'homme dans le feu et vers la mort, mais la liberté morale; choisissant toujours le bien, le mène à l'eau vivifiante et à la vie éternelle. L'homme est absolument libre de choisir la bénédiction ou la malédiction, mais celui qui a choisi la bénédiction, celui-ci s'est montré moralement libre; tandis que celui qui a choisi la malédiction, celui-ci est moralement devenu un esclave.
Saint Basile le Grand dit de la liberté absolue : " J'ai mis devant ton visage la vie et la mort, le bien et le mal, deux natures contraires. Contrebalance-les à l'épreuve de ton critérium, de ta règle pour distinguer.entre les deux. Soupèse précisément ce qui t'est le plus avantageux : choisir le plaisir éphémère, et à cause de lui recevoir la mort éternelle, ou choisissant les souffrances de l'ascèse qui mènent à la vertu, recevoir en échange les délices étrenelles qu'elle te procure? Les paroles de Saint Basile le Grand montrent que dans la liberté absolue de l'homme gît la double possibilité de de devenir moralement libre ou moralement esclave.
§ 8. - De la vraie liberté morale et de la fausse liberté morale.
"Car je ne fais pas le bien que je veux,
et je fais le mal que je ne veux pas"
(Rom. 7, 19).
En l'homme, parce qu'il est esprit et chair ensemble, apparaissent deux volontés au fond de lui, comme deux hypostases d'une même personne, la volonté de l'esprit et la volonté de la chair, c'est-à-dire la volonté de sa nature spirituelle et la volonté de sa nature sensible. Ces deux volontés, comme volontés d'une seule et même personne, apparaissent comme une libre expression de la personne qui veut, et présentent entre elles une certaine ressemblance, mais cette apparente ressemblance cesse de se manifester dès que nous distinguons la caractéristique de ce que chacune d'elles réclame. La différence entre ces deux volontés gît dans la nature même de chacune de ces deux hypostases, desquelles elles prennent leur principe. Parce que l'esprit désire les choses de l'esprit, et la chair les choses de la chair. A cause de quoi l'une exprime la pensée de l'esprit, l'autre la pensée de la chair. L'antithèse des deux pensées adverses génère en retour entre elles une résistance et une vive lutte, en laquelle chacune cherche à l'emporter sur l'autre et à lui imposer sa propre force et son propre pouvoir. Dans cette lutte, l'homme spirituel désire la victoire de l'esprit, parce que par nature il sympathise avec la pensée de l'esprit et parce que la pensée de l'esprit est paix et vie. Mais l'homme matérialiste désire la victoire de la pensée de la chair, qui est corps de la mort. En effet l'Apôtre Paul dit : " Et l'affection de la chair, c'est la mort. Tandis que l'affection de l'esprit, c'est la vie et la paix." (Rom. 8, 6). De là que la chair et l'esprit se combattent l'un l'autre. C'est pourquoi saint Paul dit encore : " Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'Esprit, et l'Esprit en a de contraires à ceux de la chair". (Gal. 5, 17). Et : " L'esprit de la chair est ennemi de Dieu; il ne se soumet pas à la loi de Dieu; et en effet il ne le peut." " Et celui qui sonde les coeurs connaît quelle est la pensée de l'Esprit, parce que c'est selon Dieu qu'il intercède en faveur des saints." (Rom. 8, 27).
A cause de la coexistence de ces deux pensées et de la sympathie naturelle de l'homme pour la pensée de l'esprit, voici ce que dit l'Apôtre Paul : " Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l' homme intérieur; mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres." (Rom. 7, 22-23). Par nature l'homme reçoit la loi de Dieu, car il se réjouit de cette loi selon son homme intérieur, comme de sa loi propre, comme de la loi de son esprit. Et la volonté qui exprime la pensée de l'esprit, est la vraie volonté de l'homme, comme étant accordée à la loi de son esprit, comme étant de même forme et similaire à la loi de Dieu, en laquelle se réjouit l'homme intérieur. C'est pourquoi saint Jean Damascène dit : " Par nature le bien est désirable et aimable, dont par nature il provient toujours. Mais mauvais est le désir contre nature, lorsque nous considérons comme désirable ce qui est contraire à la nature."
Mais bien que la vraie volonté soit la volonté de l'esprit, c'est-à-dire le désir du bien, désirable par nature, il est cependant souvent dans l'impossibilité de dominer la volonté de la chair qui s'y oppose, comme le rapporte la parole de l'Apôtre Paul : " une autre loi (la loi de la chair),... et qui me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres". (Rom. 7, 23). A cause de cette influence de la loi de la chair, l'Apôtre dit : " J'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas." (Rom. 7, 18-19). Parce que l'homme intérieur veut et désire le bien comme un bien désirable, et conforme à sa nature, comme étant sa loi propre, mais la loi de la chair, la loi du péché, combat les énergies de notre vraie liberté, empêche la manifestation du bien, et nous interdit d'oeuvrer au bien. C'est pourquoi l'Apôtre dit encore : " Et si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, c'est le péché qui habite en moi." (Rom. 7-20). De sorte qu'en vérité le bien est une loi connaturelle à l'homme et correspond à une vraie volonté de l'homme, et le mal est une loi étrangère à l'homme; il est une entité qui n'a pas été créée, et qui va à l'encontre de la vraie volonté de l'homme. De là que lorsque l'homme travaille au bien, il oeuvre librement et accordé à la volonté de l'homme intérieur, et il est véritablement libre. Mais quand il travaille au mal, il oeuvre sans liberté, parce qu'il est soumis à la loi du péché, qu'il n'est pas libre et qu'il est esclave du péché. Selon quoi, est libre celui qui fait le bien, mais est esclave celui qui fait le mal. Et la vraie liberté est l'autorité et la prédominance de la pensée de l'esprit qui oeuvre au bien, tandis que la fausse liberté est la domination et la prépondérance de la pensée de la chair, qui oeuvre aux choses du mal.
Le discernement entre les caractéristiques de la vraie et de la fausse liberté est aussi nécessaire qu'est importante la différence entre elles. Parce que la différence liée à la caractéristique de chacune d'elles appelle aussi la différence de condition morale et la différence de moeurs, d'existence, d'actes et d'énergies; et, par manière générale, toutes choses sont configurées par la caractéristique de chacune. Caractéristiques de la vraie liberté sont les actions de l'homme véritablement libre, les actions libres, absolument libres, et bonnes. Caractéristiques de la fausse liberté sont les actions aliénées, entravées et mauvaises. Puisque les bonnes actions sont en accord avec la loi divine et avec la volonté de Dieu, et que les mauvaises actions les combattent, il s'ensuit que ceux qui sont véritablement libres, qui oeuvrent au bien, s'approchent de Dieu, du bien suprême désirable, de la béatitude et du bonheur. Ceux qui sont faussement libres, ceux qui font et commettent le mal, s'éloignent de Dieu, du bien suprême, du vrai, bien qu'il soit désirable, de la béatitude et du bonheur. Et ils tombent dans le malheur, pitoyables et démoniaques. Puisque Dieu est lumière, vie et vérité, il s'ensuit que ceux qui sont loin de Dieu se trouvent dans la ténèbre, dans la mort et dans le mensonge, qui est au pouvoir du diable, le père de la ténèbre, de la mort et du mensonge. DE là que ceux qui sont vraiment libres se trouvent dans le royaume de Dieu, et que ceux qui sont faussement libres se retrouvent dans le royaume du diable. Les actions libres mènent donc à la déification, tandis que les actions aliénées conduisent à la bestialisation. Et c'est ce que cherchent les démons, eux qui ne supportent pas la gloire de l'homme. La déification élève à la plus haute gloire, au sommum de l'honneur et met l'homme à la vue de tous, tandis que la bestialisation fait descendre au dernier degré de l'opprobre et du déshonneur. L'une mène à la vie éternelle, et l'autre mène à la mort éternelle. La première dirige vers la lumière perpétuelle de la vérité, la seconde vers la ténèbre éternelle du mensonge et de la fausseté. Il est donc nécessaire de discerner et de différencier les deux. Parce que le mélange et la confusion de deux entités si dissemblables est par trop dangereux. D'autant plus que la fausse libre volonté peut tromper et égarer nombre de chercheurs superficiels et les conduire à leur perte, les persuadant d'agréer le plus souvent à leurs désirs, émanés des divers passions de l'âme et du corps, comme si c'étaient des suggestions de leur volonté véritablement libre et des expressions de l'homme intérieur et de sa nature spirituelle. De tels égarements humains dus à l'amour de la matière et à la faiblesse des forces de l'âme, à cause du péché, sont trop fréquents. Parce que l'amour de la matière fait que les hommes se laissent plus facilement persuader et attrapper par les désirs déviants issus de leur prétendue volonté, et la faiblesse des puissances de leur âme les rend incapables de connaître exactement le vrai caractère des choses et leur importance véritable, de façon à aimer en conscience le bien, à tout sacrifier pour y oeuvrer et à suivre la voix de la vraie volonté, à lutter contre tout ce qui n'est pas prescrit par elle, et à vivre véritablement libres, d'absolue liberté.
La caractéristique de la vraie liberté morale, c'est-à-dire de notre volonté véritablement libre, est l'amour du bon, du beau, du vrai et la persistance dans l'amour de ces choses. L'amour du bon est l'expression de l'homme intérieur, de l'homme spirituel, et l'extériorisation du sentiment qui le remplit. Cet amour est engendré par l'adéquation des suggestions du coeur et de la loi divine, inscrite dans le coeur. Cela, la Sainte Ecriture le fait aussi entendre énigmatiquement, lorsqu'elle dit que la loi divine a été donnée écrite dans le coeur de l'homme parce que Dieu a façonné son coeur comme étant le siège de l'amour du bien. C'est pourquoi, par nature, il aime, désire et recherche le bien. Et comment était -il possible qu'il en fût autrement, puisque la première impression qu'il rçut fut celle causée par la vue du bien, du bien suprême? Oui, il était impossible qu'il en soit autrement, parce que c'est le bien qui a laissé dans son coeur les premières impressions, et qui y a gravé très profondément ses traces, à cause de quoi celles-ci seront éternelles. A cause de l'amour, du désir, et de la quête de la loi divine, l'Apôtre Paul appelle la loi écrite dans le coeur la loi de l'Esprit, et il l'assimile à la loi de Dieu.
Cette connaissance de la caractéristique de notre volonté véritable nous rend capables de garder et de respecter notre liberté morale et de vivre véritablement libres. Parce que celui qui est moralement libre est véritablement libre. Et il est moralement libre celui qui agit selon les conseils de sa volonté véritablement libre.
D'après quoi la liberté morale est de toujours faire et de toujours rechercher le bien, parce que tel ets le bien suprême désirable, qu'affectionne et recherche l'homme intérieur.
§ 9. - Les caractères de celui qui est moralement libre et de celui qui est moralement esclave.
I. Caractère de celui qui est moralement libre.
Le caractère de l'homme moralement libre est constitué d'indépendance morale, de bonté, de pureté, de dignité et de distinction, de courage moral, de force de la volonté, d'invincibilité, de fermeté qui n'abandonne pas, d'abnégation de soi, de maîtrise de soi et de liberté absolue.
L'homme moralement libre est une véritable image de Dieu, parce qu'il est devenu moralement à sa semblance. Sa volonté est en adéquation avec la volonté divine inscrite dans son coeur comme une loi morale, et comme le désir du souverain bien. Et il veut toujours le bien, ce qui est agréable à Dieu et ce qui est parfait. Ses désirs sont saints, ses désirs sont purs. Son coeur aime Dieu et son âme le désire et le recherche. Son esprit illuminé par la lumière divine est pur comme un ciel resplendissant de la lumière du soleil. La sagesse, l'intelligence et la connaissance brillent en lui. Sa bouche chante des hymnes à Dieu; la louange incessante, l'action de grâces, et la doxologie coulent de ses lèvres comme une eau douce et pure jaillissant de son coeur. Sa conscience se repose en Dieu comme des eaux tranquilles sises au milieu du Paradis. Le calme règne en elle. Nulle passion ne s'agite en son coeur, car la liberté morale s'est tout soumis en elle. Elle marche tranquillement sur la route de la vérité et elle oeuvre à la sauvegarde du bien, elle cherche à réaliser le royaume de Dieu sur terre, et elle aspire à faire le salut de son âme. Elle fait tout pour sa sauvegarde. Son amour pour le prochain dirige et guide ses actes, et lui prescrit ses actions. Son coeur se réjouit sans cesse d'une joie ineffable, et la paix y règne. Elle jouit de la beauté de la création et elle se réjouit en y découvrant la sagesse et la toute-puissance divines. Sa vie s'écoule dans la prière et se passe à oeuvrer au bien. Son souci n'est que de savoir comment plaire à Dieu.
Celui qui est moralement libre est orné et paré de toutes les vertus. La piété, la justice, la vérité et l'intelligence ceignent sa tête de couronnes tressées de fleurs incorruptibles. En vivant sur la terre, il figure l'image du divin démiurge, dont il porte sur lui la beauté. Ses voies sont droites, et sa vie se passe déjà dans le ciel. Soulevé dans les airs, il devient aérien, et il marche dans le ciel, et il est uni au choeur des anges, des saints et des justes, et il chante sans cesse avec eux des hymnes à son Dieu créateur, son divin plasmateur.
Bienheureux l'homme qui est véritablement et moralement libre, parce qu'à n'en pas douter il arrivera au but et touchera à la fin escomptée, à quoi il avait projeté d'arriver.
II. Caractère de celui qui est moralement esclave.
Le caractère de celui qui est moralement esclave se définit par l'amour de la loi du péché, la dépendance morale vis-à-vis des passions, l'emprisonnement moral, le mal; la souillure, l'orgueil, la vanité et la sottise, l'esprit fanfaron, l'impudence, la lâcheté, la témérité, le manque de courage, l'esprit de défaite, la bassesse, l'impiété, l'injustice, le mensonge, l'inintelligence, et tout le reste des vices qui combattent l'homme et font peu de cas de lui.
Celui qui n'est pas moralement libre souille l'image qu'il a reçue de Dieu, et, ayant été façonné homme d'honneur, il se met à ressembler aux bêtes insensées; il est déshonoré, il est rabaissé, et il est perdu.
Celui qui n'est pas moralement libre est en vérité privé de liberté en tant qu'il est esclave de ses passions et de ses désirs. Parce que si la dépendance morale vis-àvis de ses passions est un escalvage moral, et que l'esclavage moral est une absence de liberté, il s'ensuit que celui qui n'est pas moralement libre est de fait privé de liberté et esclave de la loi du péché, incapable de faire en vue du bien ce que conseille la volonté de l'homme intérieur. De cet esclavage l'Apôtre Paul dit : " Ne savez-vous pas qu'en vous livrant à quelqu'un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de l'obéissance qui conduit à la justice?" (Rom. 6, 16). Et saint Jean Chrysostome dit : " Le fait de tomber et de céder aux passions est le dernier esclavage, de même que la liberté n'est que le fait de les maîtriser".
Celui qui n'est pas moralement libre est un exemple pitoyable de chute morale. Son caractère dévoile sa vraie nature. Sa vue inspire le dégoût. Les passions de son âme sont peintes en couleur vives sur sa figure. Tout ce qu'il montre témoigne de sa piètre qualité morale. Il n'a aucune spiritualité en lui. Son esprit se plaît à se vautrer dans des choses dégoûtantes et basses. Sa vanité est son idéal. Son coeur recherche tout ce qui le fait jouir. Sa liberté, qu'il croit absolue, l'incline au mal et choisit le mal. Son esprit enténébré par la ténèbre du péché s'égare dans ce qu'il examine et génère des pensées tordues, vicieuses et perverses. Ses discours sont pleins de folie, ses actes sont insensés. Esclave de ses passions, il s'imagine être libre, et il raille ceux qui sont véritablement moralement libres. Impudent et sans retenue, il s'élance vers toute iniquité. Il rejette la force de la loi morale et renie son législateur. Celui qui n'est pas moralement libre a des sentiments bas, et des désirs vils et impies. Son coeur médite des choses honteuses. L'imagination et l'orgueil le gouvernent. L'égoïsme règne en lui. Tout ce qu'il fait n'est qu'en vue de son plaisir et de sa jouissance. Celui qui n'est pas moralement libre, n'a pas su recourir à son absolue liberté, pour devenir moralement libre, régner et gouverner sur toutes choses, mais il s'est soumis à la tyrannie des passions et est devenu l'esclave de toutes choses. De celui qui n'est pas libre, le psalmiste a dit : " Alors qu'il était homme d'honneur, il est devenu sans intelligence. Il s'est abaissé au rang des bêtes insensées et il s'est mis à leur ressembler." Malheureux homme! Quelle justification fournira-t-il lorsqu'il paraîtra devant son divin démiurge, en portant une si piètre image morale? Quelle figure fera-t-il en attendant la condamnation de son divin démiurge?
Oh! Quelle différence entre les deux états! Quelle beauté que celle de la liberté véritablement morales! Quelle laideur que celle de l'absence de liberté véritablement morale! Sur quelles hauteurs porte l'une! A quel degré de profonde bassesse descend l'autre! Quelle est la gloire de l'une! Quel est le déshonneur de l'autre! Combien l'une fait ressembler au divin! Combien l'autre détruit l'archétype de beauté de l'image à la semblance divine! Combien l'une approche de Dieu! Combien l'autre éloigne de Dieu!
C'est pourquoi donc tout être qui veut se garder libre, qu'il examine bien les actes que lui conseille la volonté, qu'il recherche d'où partent ces actions, qu'il regarde ce qui les meut, qu'il regarde leurs caractéristiques, qu'il interroge l'homme intérieur. Et si l'homme intérieur y consent, la volonté est libre. S'il n'y consent pas, la volonté est esclave des passions. En nous gisent et la liberté et l'esclavage, le feu et l'eau, la vie et la mort. De notre volonté absolue et de notre dépendance vis-à-vis de la liberté et de l'esclavage, le divin Grégoire le Théologien dit : " Sachant que et le fait de vouloir et le fait de courir sont en nous, et par le fait de vouloir et par le fait de courir nous attirons Dieu à nous pour qu'il vienne à notre secours. Et l'ayant attiré à nous nous arriverons au résultat des courses. Relevons-nous donc, frères, et montrons-nous mettant tous nos soins à faire le salut de nos âmes, afin qu'ayant peiné un peu d etemps ici-bas, nous jouissions des biens immortels dans les siècles éternels, inflétrissables et sans fin."
§ 10. - De la puissance morale et pouvant se modeler de la liberté morale.
La liberté morale rend l'homme capable de toujours faire le bien et de fuir le mal. La Sainte Ecriture dit que Dieu a façonné la loi écrite dans le coeur de l'homme. Par ces paroles la Sainte Ecriture nous enseigne la puissance de la liberté morale des hommes, qui veut par choix faire le bien, comme étant sa chose propre. C'est pourquoi la loi divine est bonne, étant la volonté divine même.
L'homme véritablement moralement libre peut connaître le bien écrit dans son coeur, peut connaître Dieu comme parlant à son coeur, et se manifestant à sa connaissance et dans la création comme en une image, et il devient semblable à lui. Ce qui est connu de Dieu devient évident aux hommes. En effet, Dieu leur est apparu. Saint Paul écrit : "La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive, car ce qu'on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu et ne lui ont point rendu grâces" (Rom. 1. 18-21).
La volonté de Dieu gravée dans le coeur humain est devenue aussi la volonté de l'homme, afin que celui-ci voulant faire le bien, se montre moralement libre et devienne l'image de Dieu. La liberté morale révèle en l'homme une véritable image de Dieu. Elle le rend amoureux et épris de la loi divine, elle lui révèle Dieu dans ses particularités. La liberté morale élève à la vue de tous au faîte de la gloire et de l'honneur, elle enveloppe l'homme comme d'un vêtement de la pourpre royale d'un être régnant sur les créatures. La liberté morale est la puissance qui cohère et relie la terre et le Ciel. La liberté morale comble le désir brûlant du coeur et rend l'homme bienheureux. La liberté morale mène sur la voie droite tracée par Dieu à l'homme et dirige vers la fin et le but escomptés, que Dieu a appelé l'homme à atteindre. La liberté morale montre l'homme véritablement libre et indépendant vis-à-vis des passions, parce qu'il se soumet alors les passions, les désirs, le monde, et le diable lui-même. La liberté morale est une liberté absolument morale, parce qu'elle suit la volonté divine, c'est-à-dire le bien absolu. La liberté morale est le plus grand des biens moraux dispensés et octroyés à l'homme par Dieu. Elle est un don de Dieu.
§ 11. - De la liberté morale : qu'elle se développe dans l'adéquation de la volonté propre à la volonté divine.
L'homme se parfait dans la liberté morale, par l'adéquation permanente de sa volonté propre à la volonté divine. Celui qui déchoit de cette règle devient privé de liberté morale. La liberté que l'on exerce montre une liberté absolue selon sa forme. La liberté de l'homme soumise à la loi de Dieu est sans limites, parce que comme le divin elle est infinie, et que l'infini non seulement ne limite pas la liberté qui lui est soumise, mais même l'étire et l'accroît à l'infini, tandis qu'elle suit le divin.
La liberté de l'homme est d'autant plus limitée que règne la volonté de l'ego et que celui-ci fait un mauvais usage de sa liberté qu'il croit absolue, et qu'il ne juge pas bon de mettre en adéquation la volonté de son propre ego avec la volonté divine, mais qu'au contraire il lutte contre celle-ci, et ne fait pas ce que Dieu veut, mais ce que veut son propre ego. Parce qu'étant en révolte contre la loi divine et s'étant détachée de l'infinie volonté divine, sa liberté ne se meut plus que dans un cercle étroit, celui de la volonté de la chair, de la nature sensible et du matérialisme, et elle est asservie aux passions, si bien qu'elle perd en vérité totalement tout caractère même de liberté. Son esprit s'est asservi à la matière.
Que la véritable liberté se trouve dans l'adéquation de notre volonté avec la volonté divine, en témoigne le caractère même de liberté morale, ainsi que la voix venue du tréfonds du coeur, qui cherche la victoire de la volonté divine, la victoire du bien, et qui témoigne et proteste contre le rejet, l'annulation ou la transgression de la loi divine. Le caractère de la liberté morale est absolu et parfait. Parce qu'il est égal au caractère du bien moral, de la loi divine parfaite et absolue. De là que la liberté morale absolue ne se trouve que dans l'adéquation de sa volonté propre avec la volonté divine, bonne, agréable à Dieu et parfaite, laquelle est aussi la loi divine écrite dans le coeur; et seul celui qui garde la loi divine est moralement libre.
Le prophète-roi David assimile les transgresseurs de la loi divine et ceux qui sont asservis aux passions et aux volontés de leur chair à des animaux sans raison, disant : " L'homme qui était en honneur est devenu sans intelligence. Il est tombé au rang déchu des animaux sans raison et il s'et mis à leur ressembler." Le divin saint Jean Chrysostome dit : "Le fait de tomber et de céder aux passions est le dernier des esclavages, de même que le fait d'y résister est la seule liberté." Tous les Pères de l'Eglise ont exprimé ce même avis. Saint Jean Damascène caractérisant le mal dit : " Le mal n'est rien d'autre que le péché, l'échec, et la désobéissance à l'égard de la loi du Maître. De sorte que la liberté absolue est le premier bien, convenant à la nature raisonnable, et le fait d'user de la liberté absolue et d'exercer son pouvoir en retenant les passions insensées, la colère et le désir est de la vertu. Mais le fait de s'en remettre à la liberté en étant vaincu par les passions insensées et de vivre comme des bêtes sans raison, cela est mal, cela est péché. Ne soyons donc pas indécents en commettant des actions déraisonnables et insensées, mais abstenons-nous des élans de la nature en nous les soumettant raisonnablement. Car il ne convient pas, raisonnablement, de nous soumettre aux passions insensées, ainsi que le Seigneur nous l'a ordonné."
Au sujet de ce même devoir, saint Justin, philosophe et martyr, donne les conseils suivants : "Dieu a fait l'homme absolument libre, afin que ce qu'il a fait pour lui-même par la négligence et par la désobéissance, Dieu le lui donne par amour pour l'homme et par compassion, si l'homme lui obéissait. De même qu'en désobéissant l'homme s'est attiré la mort, ainsi en obéissant à Dieu, il peut acquérir la vie éternelle. Dieu en effet nous a donné de saints commandements. Toute créature qui les accomplit peut être sauvée, obtenir la résurrection et hériter de l'incorruptibilité."
De là que l'homme doit avec piété garder la loi de Dieu, faire sa volonté, bonne, agréable à Dieu et parfaite, et égaler sa volonté propre à la volonté de Dieu, afin de vivre véritablement moralement libre, et remplir le but de sa mission sur la terre, afin de devenir parfait et héritier du Royaume céleste. Amin.
§ 12. - Du caractère inviolable de la liberté absolue.
"Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive." ( Matt. 16, 24).
On ne peut pas attenter à la liberté absolue de l'homme. Ce qui a été dit plus haut a montré la profondeur de la liberté morale de l'homme. Notre Sauveur appelle l'homme à venir derrière lui et il le laisse libre de décider de la plus importante des questions, savoir s'il va le suivre ou s'il va lui tourner le dos et passer son chemin. Le Seigneur est venu pour le salut de l'homme et cependant il ne fait pas violence à sa liberté absolue. Il l'invite à prendre une part énergique à son salut et cependant il ne contraint pas sa liberté ni ne cherche à l'influencer. Si l'homme n'était pas libre, absolument libre, jamais il n'aurait été jugé digne d'un tel respect, et jamais Dieu ne lui aurait rendu un tel honneur, , en sorte qu'il travaille avec le Seigneur à son propre salut; ni il ne l'aurait laissé dans sa condition propre, mais il l'aurait attiré de force au salut comme on traîne un corps débile et plein de passions; et il aurait fait appel à l'action de la divine grâce, pour qu'elle mène à bien son rachat et sa rédemption. Combien honorable en vérité et inviolable la liberté morale de l'homme! Combien souveraine et absolue est sa liberté!
Si nous étudions l'histoire de la rédemption, nous voyons le Fils de Dieu devenu homme pour le salut de l'homme, marchant vers sa passion volontaire, pour ôter le péché du monde, endurant nos meurtrissures, accomplissant le grand mystère de son Economie du salut, réconciliant l'homme avec Dieu, et en tout cela ne portant jamais atteinte à la liberté absolue de l'homme. Voici que la porte fermée du Paradis se rouvre, que l'épée de feu qui en gardait l'entrée s'efface, et que la voix du maître invite l'homme qui en avait été exclu à rentrer au lieu de son repos. Et en tout cela l'homme est laissé libre d'entrer ou non. Cette liberté d'agir selon son choix et de suivre ses propres principes, et qui n'est pas soumise à l'influence de Dieu lui-même, montre le caractère absolu de la liberté morale de l'homme, qui découle de son caractère moral; elle montre sa grande dignité et que Dieu a mis l'homme au faîte de la création, offert à la vue de tous. En vérité quel grand honneur advient à l'homme du fait de son inviolable liberté morale! Mais en même temps comme nos devoirs nous sont clairement enseignés! Combien clairement nous apprenons que nous devons nous aussi être dignes de cet honneur et nous montrer de fervents zélotes de Dieu, ne nous abstenant nullement de servir notre liberté morale absolue, en ne l'asservissant pas à de folles passions et à des désirs bas.
Notre liberté morale nous oblige à veiller à notre salut, parce qu'autrement nous sommes perdus. La glorieuse reconnaissance par notre Sauveur de notre liberté morale absolue nous enseigne que notre salut n'est pas uniquement réalisé par l'énergie absolue de la grâce de Dieu, mais également par l'assentiment de l'homme et par l'énergie concomitante de celui-ci. Sur cette nécessité que disent les sages Pères de l'Eglise? Le divin saint Jean Chrysostome dit : "La grâce, si même elle est grâce, sauve ceux qui le veulent". ( Commentaire sur l'Epître aux Romains). Et saint Grégoire le Théologien dit : " Pour être sauvé, il faut conjuguer et ce qui dépend de nous et ce qui dépend de Dieu". Saint Clément d'Alexandrie dit : " Dieu vient sur les âmes qui le veulent, mais si le désir manque, Dieu retire son Esprit qu'il avait d'abord donné." Le bienheureux Augustin d'Hippone dit : " Dieu ayant façonné l'homme, Dieu ne peut pas sauver l'homme sans la volonté de celui-ci". Nous apprenons donc clairement que deux facteurs sont nécessaires au salut : 1) la libre volonté de l'homme, et 2) la grâce de Dieu.
Et véritablement la grâce de Dieu est première dans l'oeuvre du salut, parce que le Sauveur est venu comme une lumière sur les enténébrés, et il a épanché la lumière de la grâce sur ceux qui étaient dans la ténèbre et assis à l'ombre de la mort. Il est allé rechercher la brebis perdue et il a rappelé l'homme qui était égaré. Il a secrètement parlé aux coeurs et il a montré la voie du salut. La divine grâce rend parfait et sauve. Mais, sur le chapitre du salut, il n'en faut pas moins considérer comme essentielle la volonté de l'homme, parce qu'elle est un levier fondamental, et c'est elle qui soulève et meut la pensée devenue débile à cause du péché. C'est elle qui meut les pas à la suite du Sauveur, c'est elle qui affermit le coeur et le pousse à la renonciation de soi, c'est elle qui porte la croix sur l'épaule. Parce que la grâce invite à l'action, ellsur la lumière e dissout la ténèbre, elle éclaire ce qui était dans l'ombre, mais la volonté absolue, par négligence et par stupidité, par paresse et par acédie, à cause du souci de la chair, peut désobéir, fermer les yeux, demeurer dans la ténèbre, et marcher dans le sens opposé, sur la voie qui mène à la perdition, et elle peut vouloir et faire le contraire de ce que lui montre la grâce. De là qu'il est nécessaire que nous voulions notre salut, en sorte que nous le recherchions. Il est nécessaire que nous entendions, afin que nous suivions la voix de celui qui appelle. Il est nécessaire que nous voulions voir, afin que nous ouvrions les yeux sur la lumière infiniment resplendissante. Il est nécessaire que nous voulions nous mouvoir, pour suivre le Sauveur. Il ets nécessaire que nous voulions renier le vieil homme avec ses passions et ses désirs, afin que nous prenions notre croix sur nos épaules. Il est nécessaire que nous voulions marcher sur la voie étroite et semée d'afflictions, pour entrer par la porte étroite dans le Paradis.
Il faut que notre volonté précède, comme le réclame la mesure à laquelle le Seigneur appelle ceux qui veulent le suivre. Sans la volonté, il serait impossible de combler la mesure proposée, et le salut lui-même serait impossible. La grâce se tient à la disposition de l'homme, mais sa volonté et son assentiment sont également requis pour que la grâce soit reçue. Il y a besoin surtout d'abnégation, de sacrifice de soi, de fermeté d'esprit, pour n'incliner vers rien d'autre que vers l'écoute de la voix du Sauveur qui appelle, de la voix de la grâce et de la vérité. Si la grâce de Dieu avait été manifeste, et qu'elle avait sauvé d'elle-même les hommes, l'appel de l'homme par Dieu aurait été superflu, et superflues les Ecritures. Mais la grâce de Dieu, bien qu'elle soit infinie, ne sauve pas seule, sans l'homme, parce qu'elle ne veut pas faire violence à la liberté absolue de l'homme. Si la disposition de l'homme à faire son salut n'avait pas été une question d ela plus haute importance, Dieu assurément, dans son infini amour, aurait sauvé tous les hommes, et il n'en aurait fait comparaître aucun en justice. Mais il les convoque tous à son divin tribunal parce que l'homme est asservi au péché. Il a proposé le salut et il a demandé qu'on le suive, parce que c'est là une grande question et de la plus haute importance, la question de la régénération et de la recréation de l'homme en Jésus-Christ. Parce le vieil homme, corrompu par le péché, ne pouvait pas entrer dans le royaume de Dieu. De là qu'il fallait dévêtir le vieil homme avec ses passions et ses désirs, et revêtir le nouveau, régénéré dans sa connaissance, à l'image de celui qui l'avait créé. Cependant pour dévêtir le vieil homme, il fallait d'abord le vouloir. La synergie de l'homme avec Dieu est très nécessaire pour atteindre à cette perfection. Le Sauveur nous a fait connaître qu'il y a beaucoup de demeures dans la maison de son Père. Les êtres y sont disposés conformément à la vie qu'ils ont menée sur la terre. De sorte que notre vie sur terre détermine notre place au Paradis. C'est pourquoi aussi saint Grégoire de Nazianze dit : " Comme il y a différents choix de vie, ainsi il y a également beaucoup de demeures auprès de Dieu, attribuées en fonction de la dignité de chacun. L'un a mené à bien une vertu, l'autre a été capable de les mener toutes. Il a suivi le bien sur la voie étroite et il goûte désormais beaucoup de béatitude."
De là qu'il faut que l'homme se soucie de son salut et qu'il y travaille. Parce qu'autrement il encourt le pire danger, celui d ela perdition. Parce qu'il n'y a rien de commun entre la lumière et la ténèbre, entre le bien et le mal. Le péché, qui a causé la perte de l'homme, est ténèbre; et c'est un très grand mal, qui combat la volonté de Dieu. La liberté morale absolue lui fait adjuger toute déviance comme un péché, et le péché éloigne l'homme de Dieu. Plus la liberté morale est un grand bien, plus elle impose de rendre des comptes. Celui qui est moralement libre doit l'être afin de devenir saint. C'est pourquoi Dieu, dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament nous enjoint : " Devenez saints, comme je suis saint". (Lévitique 11, 14, Pierre 1, 16). Car comment celui qui est moralement esclave, celui qui est asservi au péché, celui qui est souillé peut-il communier au divin? Et le Sauveur, de même, nous enjoint : " Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait." ( Matt, 5, 48). Parce que tel qu'est le Père, que nous invoquons, semblables il est nécessaire que soient les enfants. Dieu nous veut donc saints et parfaits, parce que seuls les saints et les parfaits en tant que fils du Père céleste peuvent avec une audace filiale recevoir ses grâces, et eux seuls sont héritiers du royaume des Cieux.
C'est pourquoi aussi le saint Apôtre Paul écrivit aux Corinthiens : " Ne savez-vous pas que les iniques n'hériteront pas le royaume des Cieux? Ne vous y trompez pas. Ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs n'hériteront le royaume de Dieu." (I Cor. 6, 9-11). C'est pourquoi le Sauveur nous appelle à nous renoncer nous-mêmes, à soulever notre croix sur nos épaules et à le suivre. " Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive". Dieu reconnaît notre liberté morale absolue, et il laisse notre salut à notre libre choix. De sorte que celui qui veut le salut doit travailler à l'obtenir; autrement il en sera privé et sera privé de la vie éternelle; et par la négligence et par l'acédie, il se préparera la perdition, et il héritera de l'enfer éternel, dont je prie Dieu qu'il nous délivre tous. Amin.
§ 13. De la manière dont nous pouvons demeurer moralement libres.
"Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres". ( Jean, 8, 36).
La manière selon laquelle nous pouvons nous conserver moralement libres, notre Sauveur nous l'a enseignée, disant : " Celui qui voudra sauver sa vie, la perdra. Mais celui qui la perdra à cause de moi, la sauvera." (Luc, 9, 24). Cela est dire qu'il nous a enseigné que ce n'est que par le seul renoncement à soi-même que l'on peut être sauvé. Et en vérité, pour que nous devenions moralement libres il est nécessaire que nous nous renoncions nous-mêmes, que nous prenions notre croix sur notre épaule, et que nous suivions le fils de Dieu, qui appelle à notre libération. "Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres". ( Jean, 8, 36). C'est ce que dit le Sauveur lui-même, notre libérateur. Et encore : " Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes réellement mes disciples, et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libèrera". ( Jean). Devenons donc libres, unis à la prédication du Sauveur Jésus Christ, prenant notre croix sur nos épaules, et le suivant. Renonçons-nous nous-mêmes, affranchissons-nous de la loi de la chair avec ses passions et ses désirs, soulevons notre croix, suuportant toute souffrance sous la loi de Dieu. Faire cesser la volonté de la chair, obtempérer à l'énergie de la volonté de l'esprit et soumettre l'inférieur au meilleur, c'est là la manière pour nous de demeurer libres. Il est nécessaire et inéluctable alors que nous suivions le Seigneur. Parce que si le Fils de Dieu nous libère, nous serons libres. Et en vérité, seul le Fils de Dieu peut nous libérer. Parce qu'il est liberté. " Le Seigneur c' est l'esprit de liberté. Et là où est l'esprit du Seigneur, là est la liberté", dit l'Apôtre Paul. ( 2. Corinth. 3, 17). Ce n'est qu'en suivant le Seigneur que nous pouvons demeurer libres et nous délivrer de la servitude du péché. " Celui qui est asservi au péché est esclave du péché." (Jean). Si donc nous voulons être libres, nous devons suivre le Christ Sauveur.
§ 14. - Comment suivons-nous le Christ Sauveur.
Nous suivons le Christ Sauveur si nous l'aimons et si nous gardons ses commandements. Parce que le Seigneur sait cela pour nous, disant : " Si vous m'aimez, gardez mes commandements." (Jean, 14, 15). Et encore : " Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole... Celui qui ne m'aime pas ne garde point mes paroles". (Jean 14, 23-24). L'Evangéliste dit dans ses lettres : " Et à cela nous saurons que nous le connaissons, si nous gardons ses commandements. Celui qui dit : Je le connais, et qui ne garde pas ses commandements est un menteur et il n'y a pas de vérité en lui. Celui qui garde sa parole, en vérité, l'amour de Dieu en lui est parfait. A cela nous savons que nous sommes en lui. Celui qui dit qu'il demeure en lui, celui-ci doit aussi marcher là où il a marché." (Jean).
De là que nous suivons le Christ en mettant en adéquation notre volonté à la sienne, de sorte que, lorsque nous agissons, ce ne soit pas notre volonté qui agisse en nous, mais la volonté de Dieu, et que ce ne soit pas nous qui vivions, mais le Christ qui vive en nous, comme le dit l'Apôtre Paul : " Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". ( Gal, 2, 20). Et encore : " En effet, nul de nous ne vit pour lui-même, et nul ne meurt pour lui-même. Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur; et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit donc que nous mourions, nous sommes au Seigneur". (Rom. 14, 7-8). Suivre le Seigneur de cette façon est la vraie manière de le suivre. Et cette manière seule de faire nous sauve et nous rend véritablement libres. Et c'est elle qui convient à des êtres raisonnables et véritablement libres. Il est donc nécessaire que notre esprit suive l'Esprit du Seigneur, que notre coeur se colle à lui et le suive, et que notre volonté soit en adéquation avec la volonté du Seigneur. En faisant ainsi nous le suivons véritablement, nous devenons ses vrais sectateurs, nous marchons droit sur la voie de la vérité, et nous demeurons moralement libres. Ce n'est qu'en faisant cela que nous nous renonçons nous-mêmes. Parce qu'il n'y a pas de plus grande abnégation de soi que de soumettre la volonté de la chair à la volonté de l'esprit. Car c'est là en vérité la véritable crucifixion du corps, qui ne concède plus le moindre mouvement de sa volonté. En cela la chair assume toute affliction. C'est cette façon de le suivre que nous demande le Seigneur, et en cela nous demeurons libres. Toute autre façon de le suivre est un égarement. Ils s'égarent ceux qui pensent qu'ils sont chrétiens, c'est-à-dire sectateurs du Christ, uniquement parce qu'ils en portent le nom, croyant qu'ils s'acquittent de ses commandements, parce qu'ils les connaissent, alors qu'ils sont loin de se conformer à la volonté divine, qu'ils sont soumis au péché, et qui croient qu'ils sont soumis à la volonté divine, alors qu'ils ne songent pas à se parer des vertus divines, alors qu'ils sont soumis aux désirs et aux passions, et esclaves de la loi du péché, alors qu'ils ont souillé leur vie de la souillure du péché, alors qu'il n'y a rien de chrétien dans leur vie, dans leur manière d'être, dans leurs actes et dans leurs occupations, sur leurs lèvres et dans leur coeur ni dans leurs volontés. Saint Jean Chrysostome enseigne le chrétien, en disant : " Les dogmes droits ne servent de rien, si l'on est négligent dans sa vie quant à son genre d'existence." Et l'Apôtre Paul : " Ce ne sont pas, en effet, ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront justifiés." (Rom. 2, 13). De même aussi Jacques le frère du Seigneur conseille de la sorte, disant : " Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l'écouter, en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements Car, si quelqu'un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel, et qui, après s'être regardé, s'en va, et oublie aussitôt quel il était. Mais celui qui aura plongé ses regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui aura persévéré, n'étant pas un auditeur oublieux, mais se mettent à l'oeuvre, celui-là sera heureux dans son activité. Si quelqu'un croit être religieux, sans tenir sa langue en bride, mais en trompant son coeur, la religion de cet homme est vaine. la religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde." (Jacques 1, 22-27).
De là que la connaissance avec les actes, c'est-à-dire la connaissance de la loi et sa sauvegarde, c'est là suivre le Christ, c'est là le Christianisme, c'est là la loi d ela liberté. Mais la connaissance sans une vie vertueuse et chrétienne ne sert de rien. Parce qu'il n'y a rien de commun entre le Christ et Bélial. Comme le dit saint Paul : " je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons. Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur, et la coupe des démons; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur, et à la table des démons. Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur? Sommes-nous plus forts que lui? " (1 Cor. 10, 21).
Et notre Seigneur Jésus-Christ nous enseigne, disant : "Nul ne peut servir deux maîtres. Car, où il haïra l'un et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon." (Matt. 6, 24). Là-dessus le divin saint Jean Chrysostome enseigne également, disant : " Si même quelqu'un croit orthodoxement au Père, au Fils et au Saint Esprit, mais qu'il n'a pas une vie droite, il ne tire aucun gain de sa foi pour son salut. Et quand il dit : " Telle est la vie éternelle. L'on doit croire que tu es le seul vrai Dieu", ne croyons pas qu'il suffit de paroles pour faire son salut. Il faut en effet mener une vie et une existence très orthodoxe. Et il a été dit : " Celui qui croit au Fils a la vie éternelle."...Celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie. Mais la colère de Dieu demeure sur lui." Mais nous disons que la foi ne suffit pas pour le salut, et les Evangiles nous montrent en maints endroits ce qu'il faut faire de notre vie. C'est pourquoi on ne dit pas seulement que telle est la vie éternelle et que celui qui croit au Fils aura la vie éternelle, mais dans chacun de ces deux cas, on nous montre que la vie a son importance. Si donc les actes vertueux de la vie ne suivent pas, c'est l'enfer qui suivra. Et ne crois pas que la mort est éphémère, mais crois que l'enfer est éternel." (Saint Jean Chrysostome).
De ceux qui se disent chrétiens et qui oeuvrent au mal et aux actes sataniques, il dit : " Il ne sert à rien de les appeler chrétiens. Comme la jeune fille vierge, aussi longtemps qu'elle garde sa virginité, est appelée à juste titre vierge, et l'est en vérité, mais si elle est abusée par quelqu'un et perd sa virginité, n'est plus vierge, ainsi celui qui se nomme chrétien, s'il transgresse les commandements et viole les préceptes, et foule aux pieds les Ecritures, et commet les actes des impies, il ne sert de rien de l'appeler chrétien. (Chrysostome, DEs faux-prophètes). " Celui qui veut être un vrai chrétien, dit saint Basile le Grand, mais qui n'a pas la connaissance des divines Ecritures, qu'il n'aime pas l'argent, qu'il vive dans l'hésychia, qu'il soit ami de Dieu, ami des pauvres, sans colère, sans ressentiment, qu'il donne l'hospitalité, fasse l'aumône à ceux qui l'approchent, soit dépourvu de vanité, exempt de colère, qu'il soit inaccessible à la flatterie, sobre, cela ne sert de rien, s'il ne préfère pas Dieu à tout." ( Basile, De la vertu).
Et saint Cyrille de Jérusalem dit dans ses Catéchèses : " Il ne sert à rien de s'appeler chrétiens de nom, et que les oeuvres ne suivent pas. Il est écrit en effet : " Si vous étiez les enfants d'Abraham, vous feriez les actions d'Abraham." Il ne sert donc à rien de s'appeler chrétiens de nom, ni de connaître les Ecritures, si les actes vertueux ne suivent pas.
§ 15. Caractère et promesses du Christianisme.
Le Christianisme n'est pas seulement un système philosophique, ni il n'est fondé sur la seule connaissance de l'homme, mais plutôt sur son vouloir et sur sa sensibilité. Parce que le Christinaisme n'a pas seulement pour principe la formation de l'esprit simplement, mais aussi l'éducation du coeur. C'est pourquoi il réclame de ses sectateurs non seulement des connaissances théoriques, mais aussi leur mise en pratique. Il réclame aussi la contribution du vouloir, afin qu'il reçoive les principes théoriques comme étant divins et salutaires, et qu'il les applique dans la vie. Puisque le contenu de la religion chrétienne consiste en la révélation de Dieu dans le monde, elle réclame que ses sectateurs soient saints et parfaits, qui tous ensemble constituent un seul corps, l'Eglise, qui a pour tête notre Seigneur Jésus Christ, qui révèle Dieu.
Le Christianisme réclame l'homme tout entier, parce qu'il propose de le régénérer et de le refaçonner en un homme nouveau et de lui insuffler une nouvelle vie, morale et religieuse.
Le Christianisme est une fondation philosophique en même temps que morale et religieuse, promettant d'enseigner les plus hautes vérités philosophiques, de mettre l'homme sur la voie du salut, et de le sanctifier dans sa vie.
Le Christianisme promet de rendre l'homme ami de Dieu, de lui montrer sa véritable image et sa ressemblance, de le faire monter au ciel, et de lui octroyer l'éternité et l'immortalité. Le Christianisme cherche à établir le royaume de Dieu sur terre, à dispenser au monde la paix, à rendre les peuples amis entre eux, et à accorder le bonheur. Tels sont les principes du Christianisme et tel est le Christianisme. Du fait de ce divin caractère d'une nature si élevée, à cause de la grande mission qu'il veut accomplir, il requiert sévèrement de ses disciples et sectateurs la sainteté et la perfection. Car ses véritables sectateurs ne sont pas ceux qui reçoivent les principes du Christianisme cependant qu'ils rejettent les actes vertueux, mais ceux qui les épousent en paroles et en actes, et qui rythment leur vie, et leurs manières d'être selon les divins préceptes du Christianisme et y conforment leurs moeurs. Cette vérité, les paroles du Sauveur la confirment, qui disent : " Ceux qui me disent : Seigneur! Seigneur! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux". (Matt. 7, 21). Et l'Apôtre Paul dit également : " Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par leurs oeuvres, étant abominables, rebelles, et incapables d'aucune bonne oeuvre." (Tite 1, 16).
Le Christianisme n'est donc pas seulement une connaissance, mais plutôt une sensibilité, et il cherche d'abord à enseigner à l'homme la connaissance du vrai Dieu et ensuite à faire de son coeur le saint séjour et l'inhabitation de Dieu. Parce qu'il nous promet qu'il y habitera et qu'il fera sa demeure en nous. " Jésus lui répondit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui". ( Jean 14, 23). Pour atteindre ce but élevé, il demande que nous le suivions avec abnégation, par quoi seul l'homme peut devenir moralement libre, se rendre parfait et se préparer à mener à bien le but élevé d'oeuvrer à la mission du Christianisme dans le monde.
Ainsi, chrétiens bien-aimés, par la liberté morale, nous remplissons un double devoir. Tout d'abord en demeurant moralement libres, nous devenons parfaits et nous nous sanctifions, et secondement nous contribuons à accomplir la grande oeuvre de notre Sauveur Jésus Christ. Travaillons donc, frères, à notre liberté morale, et Dieu nous fortifiera dans cette oeuvre. En effet Dieu aime à seconder celui qui se donne du mal pour lui. Pour couronner ce discours par des enseignements apostoliques, rendons la parole à l'Apôtre Paul, qu'il nous sied à tous d'écouter : <" Cela importe d'autant plus que vous savez en quel temps nous sommes : c'est l'heure de vous réveiller enfin du sommeil, car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru. La nuit est avancée, le jour approche. Dépouillons-nous donc des oeuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière. Marchons honnêtement, comme en plein jour, loin des excès et de l'ivrognerie, de la luxure et de l'impudicité, des querelles et des jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n'ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises". (Rom. 13, 11-14).
§ 16. Du péché.
Le péché et la mort sont les suites terribles de l'asservissement de la volonté originellement libre de l'homme, de la désobéissance et d ela transgression de la divine loi morale. Le premier homme étant tombé dans l'égarement, il renonça donc à écouter la suggestion de la voix sise au tréfonds de son coeur, qui désirait garder la loi de Dieu, et il asservit tout d'abord sa liberté morale aux suggestions du diable, considérant qu'elles avaient plus de valeur que ses propres inclinations. Puis, dans son entière liberté, il se soumit au diable, jugeant qu'il conseillait ce qu'il y avait de mieux, de plus élevé et de plus sage, et lui obéissant du fait qu'il était désormais son esclave, il transgressa le divin commandement, dont il avait la garde. Si Adam, en tant qu'absolument libre, n'avait pas soumis son absolue liberté au diable, il n'aurait jamais transgressé le commandement divin. Mais le péché et la mort furent la suite de l'asservissement moral de l'homme.
L'asservissement moral est donc un très grand mal, qui apporte le péché et la mort, c'est-à-dire la défiguration de l'image de Dieu et la destruction de l'âme et du corps.
Le péché est un grand mal, parce qu'il empoisonne l'âme, sème en elle des germes de destruction, il la corrompt et la pourrit et, pour finir, lui prépare la mort. De même que les maladies corrompent les corps et leur apprête la mort, ainsi font les péchés pour l'âme. L'âme malade, alourdie par ses passions, penche vers la terre, et devient incapable d'élever à toujours ses regards vers le Ciel, et de contempler la lumière de la vérité. Au sujet de l'état maladif de l'âme, en lequel elle est tombée à cause du péché, voici ce que dit le divin Chrysostome : " De même que les malades qui ont la vue abîmée éloignent leurs yeux du soleil, et que les nauséeux se détournent des meilleurs mets, ainsi ceux qui ont l'âme malade et qui se sont vendus au péché n'ont pas la force de tendre le regard de l'esprit vers la lumière de la vérité. De même que les porcs regardent vers le sol, penchés sur leur estomac, et qu'ils se vautrent dans la fange, ces hommes pécheurs ne voient pas qu'ils se souillent d'une fange bien plus infecte encore ". (Saint Jean Chrysostome). Et saint Clément d'Alexandrie dit : Redoutons la maladie, non seulement extérieure, mais aussi les péchés qui sont bien une maladie." L'hymnographe aussi dit avec raison : " Mon corps est malade de mes nombreux péchés, et mon âme aussi est malade." Saint Basile le Grand caractérise également le péché comme une maladie de l'âme, disant : " L'agriculture modifie la qualité des plantes, le soin apporté à l'âme par la vertu peut la garder de toutes sortes de maladies." Et le Seigneur considère aussi les pécheurs comme des malades; c'est pourquoi il dit : " Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades." (Matth. 9, 12).
La maladie de l'âme est beaucoup plus grave et beaucoup plus dangereuse que celle du corps. En effet l'une apporte la mort du corps mortel, l'autre cause la mort de l'âme immortelle. "Le salaire du péché, c'est la mort", dit l'Apôtre Paul. Et cette maladie de l'âme cause pire que la mort, parce qu'elle apporte la séparation d'avec Dieu. En effet la mort de l'âme est la séparation d'avec Dieu. L'âme se sépare de Dieu, parce que, selon ce que dit l'évangéliste Jean : " Celui qui commet le péché est du diable." (Jean). Et que : " Qu'y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres?" (2 Cor. 6, 14). Saint Jean Chrysostome dit que le péché survient en l'absence de la crainte de Dieu et qu'il mène au fin fonds de l'enfer. Il nous conseille de nous éloigner du péché, disant : " Abstenez-vous du péché. Le fait de pécher est peut-être humain, mais le fait de rester soumis aux mêmes péchés n'est pas humain mais satanique." Ephémère est la jouissance du péché mais une grande affliction la suit. De cela il dit : " Tel est le péché qu'avant d'être consommé, il enivre celui qui est pris au piège, mais qu'une fois qu'il est accompli, il éteint les motifs de ce plaisir qui se retire alors, et que le pécheur reste nu avec sa conscience qui l'accuse." Et ailleurs : " Rien n'est plus lourd et plus difficile à supporter que la nature du péché. Rien n'est pour nous aussi épuisant que la nature du péché et que nos manquements. C'est pourquoi le Christ a dit à ceux qui vivent dans le péché : " Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos...Car mon joug est doux et mon fardeau léger." (Matt. 11, 28). De ceal un autre Père de l'Eglise dit : " Qu'y a -t-il de plus lourd et de plus nuisible que le péché, tout comme au contraire, qu'y-a-t-il de plus léger et de plus utile que la vertu? En effet le péché, comme il est dit dans les Proverbes, en ayant dévoré beaucoup, les renverse sous son poids, et chacun est lié par ses péchés comme par des cordes. Mais la vertu, au contraire, vivifie ceux qui la cultivent, et les élèvent sur les hauteurs.
Le péché dénature la divine beauté de l'image de l'âme et du corps, la déforme et la rend inutile. Parce que comme le dit saint Basile le Grand : " Ce que sont les ombres sur les corps, les péchés le sont sur l'âme, tandis que les vertus la rendent lumineuse."
Le péché éloigne l'ange gardien de l'âme et du corps, et soumet le corps et l'âme au pouvoir du diable. Car comme le dit également saint Basile le Grand : " De même que la fumée éloigne les abeilles et que la mauvaise odeur fait fuir les colombes, ainsi aussi le péché nauséabond et qui fait verser beaucoup de larmes fait fuir l'Ange qui garde notre vie."
Le péché rend ceux qui pèchent honteux d'avoir tué leur esprit. D cette honte du péché le divin Jean Chrysostome écrit : " Le péché enfante dans la douleur, il génère la honte, parce qu'une fois qu'il est accompli il laisse dans une très grande honte ceux qui l'ont commis."
"Le péché", dit un Père de l'Eglise, " est cause de l'éloignement de Dieu, tandis que l'humilité est le moyen d'assurer le retour vers Dieu. Et celle-ci élève, tandis que l'autre abaisse. L'une mène aux cieux, et l'autre conduit au fond de l'Hadès.". Et encore : " Si le péché était un bien, tu porrais le poursuivre sans fin. Mais s'il est nuisible à ceux qui le commettes, pourquoi insistes-tu pour causer ta perte? Il n'est personne qui, s'il vomit de la bile du fait d'une mauvaise diète toxique, prenne plaisir à revenir souvent à ce même régime." Et saint Marc l'ascète dit : " Le péché est un feu qui brûle, et plus tu le commettras, plus tu seras brûlé. " Et encore : " Il semble que le péché soit un empêcheur de vivre, car il empêche la bienveillance de Dieu de descendre sur nous." " Le feu terrible et douloureux de la géhenne attend ceux qui sont déjà fatigués par le péché. C'est pourquoi fuis le péché, comme tu fuirais la face d'un serpent. Ses dents sont des dents de lions, qui déchirent et déchiquettent les âmes des hommes."
Le divin Chrysostome appelle le péché impureté de l'âme. : " Il vaut mieux", dit-il, "être souillé par une fange impure que par les péchés". Et comme le ver est généré par le bois et le ronge, et comme la mite ronge la laine, ainsi le chagrin et la mort sont générés par le péché qu'ils dévorent." Et encore : " Le péché est une épée à double tranchant".
§ 17 . De la raison pour laquelle nous péchons.
Saint Jean Damascène dit : " Le bien est le commencement et la fin des maux. En effet à cause du bien surgit tout ce qui est bien et tout le contraire du bien. En effet en agissant nous désirons le bien. Enfin personne n'agit en regardant le mal. Car le mal n'a pas d'hypostase, et on le commet non pour lui-même mais en pensant obtenir un bien. Tout ce qui advient advient donc soit à cause du bien soit à cause de ce qui est pris pour un bien".
Dans sa recherche du bien l'homme parfois, ayant l'esprit enténébré, s'égare, et fait un mauvais choix des données qui lui sont proposées; et il choisit, au lieu d'un véritable bien, ce qu'il croit un bien, à cause de quoi il agit non selon la nature, mais contre la nature, à cause d'un jugement erronné. Parce que le bien est par nature aimable et désirable, l'homme choisit ce qui n'est pas bon par nature, mais ce qui lui semble bon et désirable, en conséquence de quoi il péche.
La raison donc pour laquelle l'homme péche, est son égarement quant à la recherche du bien, parce qu'il foule aux pieds la loi morale écrite en son coeur. Saint Jean Chrysostome appelle le péché ténèbre, et il est dû à l'enténèbrement de l'esprit et à l'égarement loin de la loi morale, laquelle est vraie lumière. En effet le péché est ténèbre, et ténèbre profonde. Et il est évident que c'est sans en avoir conscience et à son insu que l'on pèche. Car tous ceux qui font des choses mauvaises haïssent la lumière et ne viennent pas à la lumière. " Ce qui est fait en cachette, il est honteux de le dire. Mais de même que dans la ténèbre, on ne reconnaît pas un ami d'un ennemi, et que l'on ignore la nature de toute chose, de même ainsi dans le péché". (Vème homélie sur Jean).
§ 18. - Que l'homme, façonné à l'image de Dieu, a été façonné bon et que par nature il désire le bien.
L'homme a été façonné bon et il est bon par nature, parce qu'il a été façonné à l'image de Dieu, qui est le souverain bien et la souveraine bonté. En tant que bon par nature, l'homme désire et recherche le bien, le beau, le vrai. Au sujet de ce désir inné en lui la Sainte Ecriture dit que Dieu a gravé sa loi dans le coeur de l'homme. Parce que la loi de Dieu consiste en ce qui est bon, ce qui est beau, ce qui ets vrai. Cette loi a été donnée et écrite dans le coeur de l'homme, afin qu'il le fasse participer à la bonté de Dieu et à sa béatitude. La garde de cette loi ne devrait présenter aucune difficulté pour celui qui l'observe à cause de l'adéquation de ce qu'elle suggère aux suggestions sises dans les replis de son coeur. A cause de cette adéquation des sentiments et des volontés de celui qui reçoit les ordres divins et les commandements, la béatitude de l'homme a été assurée et l'homme a été placé dans le Paradis, au lieu de cette même béatitude. Cependant, ce désir inné et cette inclination, étant intellectifs et tout entiers moralement libres, devaient être volontaires, et l'homme devait oeuvrer au bien en connaissance de cause, pour que la vertu soit celle d'un être entièrement libre et pour que l'homme, demeurant volontairement dans le bien, devienne parfait. La mise à l'épreuve de l'homme, destinée à manifester sa force, sa grande et absolue liberté morale, qui lui est propre, et la puissance de sa perfection, était absolument nécessaire, parce que sans épreuve il n'y a pas de vertu, et que sans vertu la perfection est impossible, laquelle perfection est le but ultime de l'homme. Pour susciter cette épreuve, de par une permission divine, le diable vint éprouver l'homme.
L'homme a péché, parce qu'alors qu'il pouvait résister au diable, il ne lui résista pas. Parce que la suggestion diabolique se manifesta non pas sur un objet inconnu, mais sur un objet connu et par nature désirable, sa loi morale, et il aurait pu, en écoutant la voix des replis de son coeur plutôt que d'écouter la voix du daible, il aurait pu, donc, demeurer volontairement dans le bien moral, qui était sien par nature, repousser la suggestion et ne pas pécher.
La raison du relâchement de l'homme et de la soumission de sa volonté propre fut un désir de posséder le bien pour de mauvaises raisons. Il s'entendit dire par le diable qu'il serait égal au Très-Haut, et qu'assurément parfait en tant qu'image de Dieu, il serait pareil au Souverain divin. Notre Seigneur Jésus Christ aurait dit : " Dieu est devenu homme, afin qu'Adam devienne Dieu." Et en vérité Adam désira posséder le bien, mai sil le fit pour de mauvaises raisons. Egaré par le diable, il crut que sans lutte ascétique il pourrait devenir parfait et il viola le commandement de Dieu, qui lui avait été donné précisément dans ce but. La garde du commandement lui aurait donné ce que le diable en mentant prétendait lui donner. De sorte que l'homme cherchant le bien pour de mauvaises raisons, il se trouva faisant le mal, et il transgressa le divin commandement de Dieu.
Le péché d'Adam fut châtié, parce que l'homme étant absolument libre moralement, aimant par nature la loi de Dieu et par nature cherchant à accomplir les commandements de Dieu, n'agit pas selon sa volonté, mais contre sa volonté, après avoir soumis au diable sa volonté qui aimait la loi divine. Adam a donc été châtié, parce qu'ayant obscurci son esprit, il fut persuadé que la jouissance du souverain bien se trouvait non pas dans la garde de la loi divine, mais dans la manducation du fruit défendu, et, en connaissance de cause il transgressa le commandement de Dieu. Il pécha donc par égarement quant à ce qui concernait la recherche du bien, ayant transgressé en lui-même le bien qu'était la divine loi morale, et telle est la cause de tous les péchés.
§ 19. Que l'égarement vient de la négligence.
Mais pourquoi le premier homme s'est-il égaré? Pourquoi a-t-il été vaincu dès la première épreuve qui s'en prenait à son absolue liberté morale? Est-ce qu'il n'était pas assez fort pour résister au diable, pour supporter l'épreuve? Non pas. Parce que le Seigneur ne permet jamais que l'homme soit éprouvé au-dessus de ses forces. Sa justice ne permet pas une épreuve excessive. L'épreuve était analogue à sa force de résistance. Mais alors pourquoi a -t-il été vaincu? La raison de sa défaite se trouve dans l'homme lui-même, parce que bien qu'il ait eu en lui la force de la résistance, il n'en fit pas usage. Mais quel est la cause de ce manquement? La négligence. La négligence envers son devoir. L'homme avait pour devoir de s'élever vers Dieu et de ne porter son esprit que vers le divin, et non pas de rechercher la satisfaction de son désir de jouissance des créatures. Son attachement aux choses terrestres entraîna sa négligence pour remplir son devoir envers Dieu et sa négligence pour remplir son devoir envers lui-même. A cause de cette négligence il s'éloigna désormais de Dieu, il perdit une grande part de la puissance divine qui le fortifiait, et de ce fait, vaincu, il tomba dans le péché. Si Adam ne s'était pas d'abord éloigné de Dieu, il n'aurait pas été vaincu, parce que la puissance divine l'aurait fortifié. Le fait qu'il ait jeté ses regards vers le bois de l'arbre défendu montre son attachement à la matière. L'on regarde vers la matière lorsqu'on a détaché ses regards de Dieu. Qu'il ait regardé à la beauté des fruits de l'arbre défendu, était le signe de ses soucis terrestres. Ce qui suivit les regards vers l'arbre défendu, ce fut l'évènement de la chute d'Adam. Le diable poussa l'homme qui était déjà assis à l'ombre de l'arbre défendu à désirer vivement ses fruits. Si l'homme n'avait pas fixé l'arbre de ses regards, il n'aurait pas été vaincu par le diable. Les regards apportèrent la chute, de sorte que ce n'est pas son impuissance morale ni quelque imperfection qui ont apporté la chute et l'égarement, mais la négligence envers son plus haut devoir, le devoir d'adorer Dieu et de ne regarder que vers lui. C'est pour cette raison que le Seigneur recommande souvent à ses disciples de se hâter de prier, afin qu'ils n'entrent pas en tentation. Car cependant qu'ils se hâtent de prier, leur esprit regarde vers Dieu, et les traits lancés par le malin sont impuissants à attaquer leurs pensées. Mais ces traits leur infligent de cruelles blessures dès que le malin les trouve l'esprit et la pensée distraits par la création. Et en vérité nous entrons en tentation quand nous ressentons l'attaque du malin. Nous la ressentons quand notre attention se tourne vers elle, quand il y a assentiment à la tentation. C'est pourquoi le Seigneur a dit : " pour que vous n'entriez pas en tentation", c'est-à-dire pour que nous ne recevions pas les attaques. Parce qu'aussi longtemps que nous nous en détournons, nous n'entrons pas en tentation. Adam est donc entré en tentation, parce qu'il a reçu les attaques du malin. Nous péchons donc lorsque nous sommes enclins et disposés au péché, du fait du fait de notre négligence envers l'adoration qu'il convient de porter à Dieu.
Au sujet des péchés de négligence, voici ce qu'écrit le divin Chrysostome :
" Et en effet, il est étrange que la maison ne soit jamais le soir sans lampe à huile, en sorte que l'on puisse avoir de la lumière, tandis que l'âme est privée de voir un enseignement. De là viennent en nous la plupart de nos péchés, de ce que nous ne nous hâtons pas d'allumer une lampe dans l'âme. De là aussi que chaque jour nous chutons. De là que nous avons beaucoup de choses à l'esprit, et que lorsque nous entendons les divines paroles , avant même de refranchir les portes de l'église, nous tombons à terre, et notre lumière dès lors éteinte, nous marchons dans une grande obscurité. Mais même si cela s'est déjà produit, que cela n'advienne plus! Mais ayons continûment une lumière brillant dans l'esprit et avant la maison embellissons notre âme. Car celle-ci y demeure, tandis que prenant notre lumière de la maison, nous l'emportons ailleurs. C'est pourquoi il vaut la peine de faire montre de plus d'attention. Car il y a des gens qui sont si mal disposés qu'ils ornent leur maison de plafonds d'or, de pierres précieuses, de colonnes, de fleurs peintes et de toutes sortes de décorations, mais qui laissent leur esprit avili plus vide qu'un désert, plein de fange, de fumée et d'une folle puanteur. La cause de tout cela est que la lumière de l'enseignement sacré ne brille pas continûment en vous. C'est pourquoi le nécessaire est négligé, alors que ce qui n'a aucune valeur jouit de beaucoup de soins de votre part. Et je dis cela non seulement pour les riches, mais aussi pour les pauvres."
De là donc la transgression de la loi morale, de là les divers péchés, de là l'éloignement de Dieu, de là le mur de haine s'élevant entre l'homme et Dieu, de là tous les maux terribles qui nous affligent et notre excès de satanisme et de malheur.
§ 20. - De la pénitence.
Le divin saint Jean Chrysostome sur la pénitence dit ce qui suit : "La pénitence est le fait de ne plus faire les mêmes choses. En effet celui qui commet toujours les mêmes péchés ressemble au chien qui retourne à son vomi. Il faut donc s'éloigner en acte et en pensée de ce que l'on avait osé faire, et s'en étant éloigné, apposer sur les blessures des remèdes contraires à ces péchés. Ainsi, par exemple : Tu as volé? Et tu as été cupide? Abstiens-toi du vol et appose l'aumône sur ta blessure. Tu as forniqué? Abstiens-toi de la fornication et appose la pureté sur ton ulcère. Et faisons ainsi de chaque chose pour nos péchés. (Homélie sur Jean). Et encore : " Tu es vieux et tu approches de l'extrêmité de tes jours? Ne crois pas que tu es exempté de faire pénitence et ne désespère pas de ton salut. Tu es jeune? Ne fais pas confiance à ta jeunesse, et ne t'imagines pas que tu as une durée suffisante de vie. En effet le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. C'est pourquoi Sirach conseille : " Ne remets pas de tourner vers le Seigneur, ne laisse pas passer les jours." Que le vieillard écoute ce conseil. Que les jeunes gens reçoivent cet avertissement. Mais tu te tiens en sécurité, tu es riche, tu amasses de l'argent, et il ne t'arrive aucun mal? Alors écoute bien ce que dit Paul : " Quand ils diront paix et sécurité, c'est alors que soudain la ruine s'abattra sur eux." Les choses sont sujettes à mille changements. Sommes-nous maîtres de notre fin? Devenons du moins maîtres de notre vertu." Le même saint Jean Chrysostome dit encore que nombreux sont les modes et les voix de la pénitence. Ainsi, par exemple, la connaissance du péché, le fait de ne pas avoir de ressentiment pour les ennemis, le fait de réprimer sa colère, le fait de pardonner les péchés de ses compagnons de servitude, la prière vivante et exacte, l'aumône, l'humilité. Et Joseph Briennios dit : " Il est quatre choses dont s'il manque une seule à l'homme, il ne peut pas se repentir, et Dieu n'agrée pas sa prière : 1) s'il s'enorgueillit 2) s'il n'a pas d'amour 3) s'il juge un pécheur 4) s'il a du ressentiment contre quelqu'un. Une graine semée sur une pierre, voilà ce qu'est la prière d'un être plein de ressentiment. (Homélie sur la Trinité).
§ 21. - De la soumission aux lois.
La vertu constitue la plus grande soumission aux lois. La soumission aux lois témoigne d'une bonne éducation et d'une pleine vigueur de l'âme, d'une pensée saine, d'une grande piété envers les choses divines et d'une grande considération envers les choses humaines, d'une grande bonté de coeur, et de moeurs fort aimables. La soumission aux lois enseigne à l'âme à se plaire au bien et à repousser le mal, à vouloir faire le bien qui est bon, agréable à Dieu et parfait, et à rejetter le mal, ce qui est hors la loi et ce qui n'est pas licite. La soumission aux lois accompagne avec sûreté et aide à marcher sur la voie droite qui mène au vrai bonheur et à la béatitude. La soumission aux lois conduit à la gloire et à l'honneur et procure une vieillesse vénérable et glorieuse. La soumission aux lois rend courageux, parce qu'elle enseigne à se sacrifier aux lois et à mourir pour la patrie. La soumission aux lois rend moralement et politiquement libre, parce que la piété envers ce qu'ordonne la loi fortifie les moeurs et l'âme, rend moral, noble et courageux.
La loi de Dieu, pour ceux qui la respectent, est un pédagogue de piété; elle enseigne la connaissance de Dieu, et elle conduit au Souverain Christ lui-même, pour apprendre de lui des leçons de perfection et pour apprendre la justice grâce à la foi. La loi enseigne à ceux qui lui sont soumis une vertu correspondante. Celui qui se soumet à la loi garde les commandements de Dieu, parce que la soumission aux lois est un précepte divin. L'Apôtre Paul enseigne par ces mots : " Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures. En effet il n'est d'autorité que donnée par Dieu."
Ceux qui transgressent et violent la loi sont des hommes pleins de toutes sortes de maux, ils sont impies envers Dieu et envers la justice, ils oeuvrent à l'injustice, ils ont l'âme malade, ils marchent sur des voies tortueuses, ils sont privés de morale, ils sont hardis en temps de paix et lâches en temps de guerre. Ils sont dénués de force morale, ils sont incapables d'affronter les dangers et ils deviennent des fuyards. Ceux qui ne sont pas soumis à la loi ébranlent dans ses fondements la société et sapent l'autorité du pouvoir. Ceux qui ne sont pas soumis aux lois deviennent les destructeurs de leur patrie.
§ 22. - De la soumission.
La soumission est le fait de se soumettre aux chefs et d'obéir aux lois. Celui qui se soumet se soumet à Dieu, rend à Casar ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Celui qui se soumet préside à la prospérité de sa patrie.
Théopompe disait que Sparte avait la chance d'avoir pour chef des rois. Et plus encore d'avoir des citoyens soumis. Il vaut mieux, selon lui, se soumettre aux lois et aux chefs que de tuer des ennemis.
Xénophon dit qu'il semble que, pour ce qui est de faire de bonnes choses, c'est un très grand bien de se soumettre.
Sophocle dit :
L'anarchie est le plus grand des maux.
Elle détruit les villes. Elle dévaste les maisons.
La désobéissance avec la lutte guerrière
Fait surgir la déroute. La soumission sauve
ceux en nombre qui se tiennent droits.
§ 23. De la désobéissance.
La désobéissance est l'insoumission au commandement donné.
La désobéissance est une impiété envers celui qui donne le commandement. La désobéissance est la négation de l'autorité du commandement. La désobéissance est une énergie qui permet d'obtenir la prépondérance de sa volonté propre, une force qui donne l'indépendance, un état qui dispose à agir par soi-même.
Le désobéissant a déjà déclaré la guerre à celui qui lui donne des ordres et il est devenu son ennemi. Le désobéissant méprise celui qui donne des lois et il s'oppose à sa volonté. Il se plaît à l'anarchie et se complaît à l'insubordination. Il aime l'injustice et il prend plaisir au péché. Il ne supporte pas l'autorité et il ne sait pas se soumettre. Les désobéissants sont insensés, parce que le fait de ne pas se soumettre aux lois est une grande folie. Les désobéissants amoncellent des maux sur leurs têtes, ils sont malheureux et pitoyables, et ils mènent une mauvaise vie.
Celui qui méprise la loi, dit l'Ecriture, sera méprisé, mais celui qui respecte le commandement, celui-ci vit en bonne santé, disent les Proverbes.
Celui qui n'écoute pas la voix du Seigneur et qui ne garde pas tous ses commandements, celui-ci rejette la loi de Dieu, et la colère du Seigneur sera sur lui.
§ 24. - De la conscience.
La conscience est la connaissance du bien et du mal, la connaissance de la loi morale, dont dispose l'âme lorsqu'elle discerne les actions entre bonnes et mauvaises, jugeant avec intégrité ce qu'il en est, condamnant les mauvaises et approuvant les bonnes. La conscience de l'âme est innée. Ce qui est dire que l'âme possède la faculté innée de savoir ce qui est juste et ce qui est injuste; ce qui est bon, ce qui est mal; ce qui est vrai, ce qui est mensonger. C'est de Dieu qu'elle a reçu cette faculté innée, pour connaître la volonté de Dieu et pour mettre en adéquation sa volonté avec la volonté divine. Le but d ece don divin est de montrer que la loi morale est inviolable et éternelle et qu'elle réclame une parfaite soumission. Dans cette parfaite soumission à la loi morale de l'homme se trouve la liberté morale de l'homme, son progrès et sa perfection. Dieu a conféré sa conscience à l'homme dans le but de l'élever à la gloire et à l'honneur, de l'offrir à la vue de tous, et d ele rendre à l'image et à la ressemblance de Dieu. La sainte Ecriture enseigne que Dieu a inscrit la loi morale dans le coeur de l'homme, pour qu'il connaisse la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable à Dieu, et parfait, et qu'il le fasse.
La conscience, parce qu'elle connaît la loi éternelle de Dieu, annonce à l'homme, telle un ange et un messager de Dieu, la divine volonté, et elle est digne d'être écoutée comme étant porteuse de commandements obligatoires. La conscience, de par son caractère, peut être considérée comme une règle morale et comme un canon ou une équerre à laquelle nous devons rapporter et mesurer le bien et le mal de nos actes.
Saint Maxime le Confesseur dit de la conscience qu'elle est la parole de Dieu, et qu'elle est un juge infaillible. Et il incite à ne pas déhonorer la conscience qui conseille les meilleures choses, car c'est l'avis divin qu'elle suggère à l'esprit.
§ 25. - De la conscience de l'âme.
L'âme qui sait qu'elle n'a commis aucune injustice et qui n'a pas transgressé la loi morale se réjouit et demeure en paix, et sa vie est une fête de réjouissance. Cette fête de l'âme qui s'éprouve de par la garde de la loi morale témoigne du désir inné du bien. Elle se réjouit de la justice et de la vérité, et elle s'afflige de l'injustice et du mensonge. L'âme qui se sait elle-même pure de toute iniquité, si même elle souffre mille maux terribles, si elle reçoit des traits de partout, et si elle encourt des dangers, reçoit de sa bonne conscience une consolation suffisante. La bonne conscience console l'âme qui souffre, en lui apportant la vertu, le bien, le juste, la vérité et le salut de beaucoup autour d'elle.
" La bonne conscience", écrit saint Jean Chrysostome, "emplit de beaucoup de bonheur, et met une telle joie dans l'âme que nul discours n'est capable de le dire. En effet qu'est-ce qui te semble agréable en cette vie présente? Une table somptueuse, un corps en bonne santé, la gloire et la richesse? Mais tous ces plaisirs agréables, si tu les compares à ce plaisir de la bonne conscience, seront tous très amers, comparés à elle. Rien en effet n'est plus agréable qu'une bonne conscience."
La bonne conscience donne l'assurance devant Dieu. L'évangéliste Jean dit : " Si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons l'assurance devant Dieu, et ce que nous demandons, nous le recevons".
Et l'Apôtre Paul dit : " Notre vantardise est le martyre de notre conscience."
Saint Grégoire de Nysse dit : " Rien n'a coutume de nous réjouir autant qu'une conscience honnête assortie de bonnes espérances".
Saint Jean Chrysostome dit : " La conscience réjouie embellit le visage lui-même, et la pleine vigueur de l'âme ranime les joues. Et en effet n'a-t-il pas été dit du sage : Un coeur qui se réjouit rend le visage florissant ?
Saint Grégoire le Théologien dit : " Ceux qui sont brillants de par leur conscience sont des fils de lumière et se réjouissent en leurs jours."
Sirach dit : " Bienheureux l'homme que son âme n'a pas condamné et qui n'a pas chu loin de son espérance."
§ 26. - De la conscience de l'homme qui transgresse la loi morale.
La conscience de l'homme qui transgresse la loi morale est effroyablement tyrannique. Rien ne fait plus souffrir que la conscience d'une âme pécheresse qui se dresse pour l'accuser. Car rien ne trouble et ne frappe autant l'âme que l'accusation de la conscience. Le tribunal de la conscience est intègre, incorruptible, et des plus sévères qui soient.
Pythagore dit que " l'inique tourmenté par sa conscience souffre des maux pires que celui dont le corps est fouetté et recouvert de plaies."
Saint Jean Chrysostome dit : " Si même quelqu'un était le plus méchant du monde, le tribunal de sa conscience ne se corrompt pas. En effet il est naturel et inné et a été mis en nous par Dieu au commencement. Et si nous nous querellons mille fois, celui-ci crie, châtie et condamne. Il n'est pas possible que ceux qui vivent dans la méchanceté n'aient pas à supporter une myriade de déplaisirs et de maux, à vouloir le mal et à mettre en actes leur vouloir mauvais. Mais la décision de faire le bien, si même nous tombons au fond du malheur, demeure intègre et n'incline pas au mal. Celui qui pèche porte en lui et partout avec lui le juge de sa conscience qui l'accuse. De mêm qu'il est impossible qu'il échappe à lui même et se fuie à son insu, ainsi il ne peut pas ni n'a la force de fuir l'accusation du juge de sa conscience, mais il doit supporter cette sévère accusation et une amère condamnation. Parce que chacun possède à l'intérieur de soi sa conscience qui le juge, qu'il le veuille ou non.
L'homme condamné par sa conscience est le plus malheureux du monde.
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