mercredi 5 février 2020
Homélie de Saint Grégoire Palamas sur la Transfiguration (Thabor 1984, n°1).
HOMÉLIE XXIV DE SAINT GRÉGOIRE PALAMAS
SUR LA TRANSFIGURATION
DE NOTRE SEIGNEUR DIEU ET SAUVEUR JÉSUS CHRIST
Où l’on montre que la Lumière de la Transfiguration est incréée.
Quand nous contemplons toute la Création visible, nous sommes dans l‘émerveillement devant le grand chef d’œuvre de Dieu et nous en célébrons la louange. Quand ils la scrutent, les sages de la Grèce, ils partagent notre émerveillement et notre louange. Mais alors que nous les rapportons à la gloire du Créateur, eux les tournent contre cette gloire qui Lui revient : car « ils ont adoré » misérablement la créature au lieu du Créateur. Ainsi de même, pour les voix des Prophètes, des Apôtres et des Pères : nous les expliquons nous-mêmes en vue de l’édification de ceux qui nous écoutent et à la louange de l’Esprit qui a parlé par les Prophètes, les Apôtres et les Pères. Les auteurs excessifs des noires hérésies, entreprennent eux aussi, de les interpréter, mais au préjudice de ceux qui les croient et pour l’éviction de la vérité selon la piété, prenant les paroles mêmes de l’Esprit pour lutter contre l’Esprit. Et comme le langage de l’Évangile de la grâce est lui-même élevé, et adapté à l’oreille et à l’intelligence d’Anciens accomplis, nos Pères Théophores, en l’expliquant de leur bouche à eux, l’accommodent à notre propre imperfection. On dirait des mères attentionnées qui mâchent les aliments trop durs pour les rendre meilleurs et plus faciles à avaler à leurs tout-petits ; car de même que la bouchée, mêlée à la salive de la mère selon la chair, devient un aliment pour le bébé, de même les pensées spirituelles qui habitent les cœurs de nos Pères Théophores, deviennent une nourriture assimilable pour les âmes qui les écoutent et les acceptent avec confiance. Mais la bouche des méchants et des cacodoxes est gonflée de venin mortifère ; mélangé aux paroles de vie, il les rend, elles aussi, mortelles pour ceux qui les écoutent sans vigilance. Fuyons donc ceux qui, loin de recevoir les interprétations des Pères, essayent d’introduire de leur propre chef les opinions contraires ; ces hypocrites respectent bien la lettre des textes, mais rejettent la pensée pieuse qu’ils renferment ; fuyons-les, et plus que des serpents. Car la morsure d’un serpent tue le corps, pour un temps, en le dissociant de l’âme immortelle ; au lieu que ceux-là, saisissant l’âme à pleines dents, la dissocient d’avec Dieu, et c’est la mort éternelle de l’âme immortelle. Fuyons donc cette engeance de toutes nos forces, et réfugions-nous auprès des maîtres qui dispensent les enseignements de la piété et du Salut, ceux qui consonnent avec les traditions des Pères. Ceci dit, à votre charité, en guise d’introduction, en ce jour où nous fêtons la sainte Transfiguration du Christ sur la Montagne. Notre discours sera consacré à la Lumière qui y brilla, car ses adversaires sont nombreux, et grand le combat qu’ils mènent contre elle. Revenons aux voix évangéliques entendues aujourd’hui, pour mieux approfondir le Mystère et présenter la Vérité. « Six jours après, dit saint Matthieu, Jésus prit avec Lui, Pierre, Jacques et Jean son frère, et Il les mena sur une haute montagne, à l’écart. Il fut transfiguré en leur présence… » Il est nécessaire, tout d’abord, de savoir quel est le jour à partir duquel l’apôtre et évangéliste du Christ, Matthieu, compte les six jours qui précédèrent la Transfiguration du Seigneur. Après quel jour ? Eh bien, après celui où il dit à ses disciples : « Le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres ». Et il ajoute : « En vérité, je vous le déclare, quelques-uns de ceux qui sont ici présents ne mourront pas, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. » En disant cela, il parle de Sa propre Transfiguration et appelle cette Lumière, Gloire et Règne du Père. L’évangéliste Luc a noté aussi l’événement et il l’expose très clairement : « Environ huit jours après qu’il se fut exprimé ainsi, Jésus prit avec Lui, Pierre, Jacques et Jean, et Il monta sur la montagne pour y prier. Pendant qu’il priait, son visage parut tout autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. » Mais comment les accorder ensemble, car l’un dit très clairement que huit jours s’écoulèrent entre l’annonce et le jour du resplendissement, tandis que l’autre affirme six jours ? Écoutez bien et comprenez. Ils étaient huit sur la montagne, bien que six apparemment. Ceux qui avec Jésus montèrent, étaient au nombre de trois : Pierre, Jacques et Jean. Au sommet, ils virent, en compagnie de Jésus et conversant avec Lui, Moyse et Élie, ce qui fait six personnes en tout. Mais avec le Seigneur, sont toujours, invisiblement présents le Père et l’Esprit Saint : l’un rend témoignage par sa propre voix, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », l’autre, éclatant par la nuée lumineuse, montre que cette Lumière simple est co-éternelle au Fils et au Père. Car cette co-naturalité fait leur richesse, et Un est l’élan de leur splendeur. Voilà pourquoi les six sont huit. Il n’y a donc aucune divergence entre les nombres six et huit, et les évangélistes ne se contredisent pas quand l’un dit « six jours après », et l’autre, Luc, « environ huit jours après qu’il se fut exprimé ainsi ». Chacun nous donne une certaine vision de ce qui s’était passé sur la montagne, dans le mystère, mais visiblement aussi. Celui qui veut s’en tenir à la lettre, en examinant bien, peut dire que ces prédicateurs se confirment l’un l’autre. Quand Luc dit « huit jours », il ne contredit pas celui qui a dit « après six jours », car il inclut dans ce total le jour du discours et celui de la Transfiguration du Seigneur. Matthieu, quant à lui, laisse aux regards pénétrants le soin de percevoir ces deux jours. Voilà pourquoi il emploie la préposition « après » qui marque le lendemain, au lieu que Luc ne la met pas. En effet, ce dernier ne dit pas « après huit jours », comme Matthieu a dit « après six jours », mais bien : « il passa environ huit jours ». oint d’incohérence, donc, dans le récit des Évangiles, pris dans le sens historique. Mais il y a autre chose de grandiose et de caché, qu’ils nous font entrevoir par cette apparente contradiction. Il vous faudra prêter attention à ce qui va être dit, vous tous qui avez l’esprit pénétrant, pour apprendre pourquoi l’un dit « après six jours », et l’autre, dépassant même le septième, mentionne le huitième jour. C’est que la grande vision de la Lumière de la Transfiguration du Seigneur nous introduit dans ce huitième jour qui est le mystère du siècle à venir, après le repos qui suivit la Création du Monde en six jours et que nous atteignons par le dépassement de nos facultés sensorielles qui opèrent par les six sens, car en effet, à nos cinq sens vient s’ajouter celui qui produit la parole au dehors, le Logos Prophorikos, qui parfait ainsi par le « 6 » l’opération de notre sensation. Le Royaume que Dieu a promis à ceux qui en seront dignes est, lui, au-dessus de toute sensation, et même de toute parole. Ce n’est donc qu’après avoir mené à bon terme cette excellente inactivité-repos de nos six sens, dont la valeur est enrichie par le septième jour, qu’apparaît alors dans le huitième, et dans toute la puissance de son énergie, le Royaume de Dieu. Cette puissance de l’Esprit divin, dans laquelle le Royaume de Dieu est vu par ceux qui en sont dignes, c’est à elle, selon saint Luc, que le Seigneur fait allusion lorsqu’il dit à ses disciples : « Quelques uns de ceux qui sont ici présents ne mourront pas avant d’avoir vu le Royaume de Dieu ». Cette puissance donne aux voyants de contempler ce qui ne peut être vu par une âme mortelle, misérable, souillée, qui ne se serait pas auparavant purifiée, et dont le péché est d’avoir goûté en son esprit au principe du mal. Ceux qui, par contre, se seront purifiés, ne goûteront pas à la mort de l’âme, car, grâce à la puissance de la splendeur future, ils auront conservé, comme je le pense, leur esprit sans souillure. « Quelques-uns de ceux qui sont ici présents ne mourront pas qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. » Le Roi de l’Univers est partout présent. Partout aussi est son Royaume, et quand son règne vient, cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’un lieu donné, mais plutôt qu’il apparaît par la puissance de l’Esprit divin. C’est pourquoi le Seigneur a dit : « Il viendra avec puissance ». Cette puissance ne se porte pas vers n’importe qui, mais seulement vers ceux qui se tiennent aux côtés du Seigneur, c’est à dire ceux qui sont enracinés dans sa foi : les Pierre, les Jacques, les Jean, ceux que, d’abord, le Verbe transporte sur une montagne élevée, qui est le dépassement de notre bassesse naturelle. Aussi, le narrateur dit-il que Dieu se montre sur la montagne. C’est là qu’Il descend, comme du haut de son observatoire, pour pénétrer dans la nature née de la terre, comme dans une place forte, Lui que rien ne peut contenir. Ceci n’est pas une vision de l’esprit humain ; c’est une vision qui lui est de beaucoup supérieure, qui le transcende, parce qu’accomplie par la puissance de l’Esprit Divin. Voilà pourquoi elle n’apparaît pas pour disparaître ensuite, pas plus qu’elle ne peut être limitée. La Lumière de la Transfiguration du Seigneur ne peut dépendre d’une force sensible, bien qu’elle fût perçue par des yeux corporels, pour peu de temps, sur le sommet de la montagne. Ceux qui ne peuvent pas voir la Lumière, blasphèment aujourd’hui, et appellent sensible et créée la puissance de cette Lumière, que les disciples préférés virent au moment de la Transfiguration du Seigneur. Ils rabaissent au rang de créature non seulement cette Lumière qui est la Gloire et le Règne de Dieu, mais aussi la puissance du Saint-Esprit, par laquelle les choses de Dieu sont révélées à ceux qui en sont dignes. Ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas cru Paul qui a dit que « ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a pas entendues et qui ne sont pas montées au cœur de l’homme, mais que Dieu a préparées pour ceux qui L’aiment. » Dieu nous les a révélées par l’Esprit, car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Le huitième jour étant donc arrivé, comme il a été dit, le Seigneur prit avec Lui, Pierre, Jacques et Jean, et monta sur la montagne pour y prier. Bien qu’étant toujours avec tous, Il se sépare, même des apôtres, pour prier Seul, comme Il le fit quand Il nourrit les cinq mille hommes avec femmes et enfants, avec cinq pains et deux poissons. Il obligea alors ses disciples à monter dans la barque, et Lui-même alla sur la montagne pour y prier. Il ne prit que quelques disciples pour leur annoncer sa Passion salvatrice, disant aux autres : demeurez là tant que je prierai. Il prit avec Lui Pierre, Jacques et Jean, se rendit avec eux sur une haute montagne et se transfigura sous leurs regards. Que veut dire ‘’ Il se transfigura’’ demande Chrysostome le Théologien ? C’est, dit-il, qu’Il lui a plu d’entrouvrir quelque peu le voile de la Divinité, pour montrer aux initiés le Dieu qui y habite. Pendant qu’il priait dit saint Luc, son aspect changea. Il brilla comme le soleil écrit Matthieu. Il dit comme le Soleil, pour que nul ne pût penser à la Lumière sensible et – que Dieu vous préserve de l’aveuglement de l’intelligence – prît pour des forces supérieures les phénomènes sensibles. C’est pour nous amener à comprendre que, comme ceux qui vivent avec leurs sens, voient par eux le soleil, ceux qui vivent dans et par l’Esprit, par Lui, voient le Christ qui est Dieu. Ceux qui dans leur vision voient Dieu, n’ont pas besoin d’une autre lumière que Lui. Pourquoi faudrait-il une lumière seconde à ceux qui possèdent la Lumière Essentielle ? Pendant sa prière, le Seigneur resplendit et révéla ineffablement aux disciples préférés cette Lumière indicible, en présence des plus grands prophètes [Moyse et Élie], afin de nous indiquer par là, que la prière nous procure cette vision bienheureuse ; pour nous apprendre aussi que par le voisinage vertueux avec Dieu, par notre union avec Lui dans l’Esprit, se produit et resplendit cette Lumière, visiblement et totalement donnée à ceux qui, par des œuvres justes et la prière sincère, sont continuellement tendus vers Dieu. La beauté véritable et plus qu’aimable, qui entoure la nature bienheureuse et divine, seul l’esprit purifié peut la contempler. Celui qui y est parvenu, participe au rayonnement et aux grâces, et en lui se produit quelque chose comme l’éclat du soleil, comme un certain épanouissement, comme une certaine coloration de son aspect ordinaire. Moyse aussi, pendant qu’il conversait avec Dieu, eut le visage couvert de gloire. Moyse aussi fut transfiguré quand il monta sur la montagne et qu’il y vit la gloire de Dieu. Mais lui subit la transfiguration, il ne l’opéra pas. Ceci me conduit dans la juste clarté de la vérité : voir et éprouver l’éclat de la splendeur de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ, Lui, possédait en propre cette Lumière. Aussi n’avait-Il nul besoin de prier pour que la Lumière Divine illuminât son corps, alors que pour les saints, la splendeur de Dieu vient en eux et se montre dans la mesure où ils peuvent la porter [ou la supporter]. Ainsi brilleront les saints, comme le soleil, dans le Royaume de leur Père, tous venus de cette Lumière Divine, fruits de la Lumière Divine. Ils verront le Christ resplendissant divinement et indiciblement au-delà de toute lumière, et la gloire qui émane naturellement de sa divinité est la même que celle qui brilla de son Corps sur le Mont Thabor, celle de son Hypostase Éternelle. Sa Face brilla de cette Lumière comme le soleil. Certains des nôtres, qui ont embrassé la pensée grecque et la sagesse de ce Monde, refusent la doctrine que l’Esprit a révélée à des hommes spirituels. Ils se rebellent quand ils entendent parler de la Lumière de la Transfiguration du Seigneur sur la Montagne, Lumière que virent les yeux des Apôtres. Ils la rabaissent aussitôt au degré de lumière créée et sensible, dégradent cette Lumière immatérielle, sans déclin, éternelle, qui n’est pas seulement au-dessus de toute sensation, mais aussi au-dessus de l’intellect même. Ceux qui rampent en-bas, ne peuvent rien saisir de ce qui est au-dessus de la terre. Celui qui brilla dans cette Lumière, l’a montrée incréée, puisqu’il l’appela Règne de Dieu. Le Règne de Dieu n’est ni créature, ni serviteur. Rien ne domine sur lui ; il est invincible, hors du temps et des siècles. Aucune loi ne peut le régir, rien ne peut l’atteindre, que ce soit siècles ou temps. Tel est, selon notre croyance, l’héritage de ceux qui sont sauvés. Après s’être transfiguré, après avoir brillé et montré sa gloire, sa splendeur, sa Lumière, le Seigneur resta seul avec ses Apôtres sur la Montagne. Aurait-il donc reçu une certaine lumière qu’il garderait désormais pour les siècles, et qu’il n’aurait pas possédée auparavant ? Loin de nous ce blasphème, car celui qui dira cela, pensera que le Christ possède trois natures : la divine, l’humaine et celle de la lumière. Non, ce n’est pas une autre splendeur qu’il a révélée. C’est celle qu’il possédait et qu’il gardait cachée. Il cachait sous sa chair la splendeur de sa nature divine. Cette Lumière était celle de la divinité, et elle est incréée. Quand le Christ se transfigura, il n’assuma pas, selon les théologiens, ce qu’il n’avait pas, il ne se transforma pas en ce qu’il n’était pas, mais révéla à ses disciples ce qu’il était, leur ouvrit les yeux, changea des aveugles en voyants. Vois-tu comment devant cette Lumière, demeurent aveugles les yeux qui ne voient que selon la chair ? Cette Lumière n’étant pas sensible, les voyants ne voyaient pas avec les yeux ordinaires, mais avec des yeux changés par la puissance de l’Esprit Divin. C’est par ce changement, qui n’était pas subit, mais contenu dans l’assomption même de notre nature déifiée par l’union avec le Verbe de Dieu, qu’ils virent. De plus, celle qui conçut étant vierge, qui enfanta d’une manière étrange, ne savait-elle pas que celui qui était né d’elle était porteur de la chair ? Et Syméon qui le reçut nourrisson dans ses bras ? Et la vieille Anne qui courut à sa rencontre ? La puissance divine qui apparaissait comme à travers une enveloppe de verre, éclairait ceux dont les yeux du cœur étaient purifiés. Autre chose. Pourquoi le Seigneur prend-il ses disciples et les emmène-t-il seuls à l’écart ? N’est-ce pas pour leur révéler quelque chose d’absolument grand et caché ? Qu’est-ce donc qui est grand et caché ? Est-ce la vision de la lumière créée dont jouissaient déjà ceux qui étaient montés sur la Montagne comme ceux qui étaient restés en-bas ? Pourquoi alors l’intervention de la puissance du Saint-Esprit, son assistance, pourquoi l’inversion des yeux si la Lumière qu’ils devaient contempler était sensible et créée ? Comment la lumière perçue par les sens peut-elle être la gloire et le règne du Père et de l’Esprit ? Dans quelle espèce de règne et de gloire viendra le Christ dans le siècle futur, quand l’air, la lumière, les lieux, ou toutes autres choses de ce genre ne seront plus nécessaires, quand, selon l’Apôtre, le Royaume sera Dieu en tout et en tous, donc à la place de tout et de la lumière elle-même ? Une fois de plus, nous voyons que la Lumière du Thabor est bien celle de la divinité. Parmi les Évangélistes, Jean, le Théologien par excellence, nous montre, dans son Apocalypse la future ville éternelle, qui n’a besoin ni de soleil, ni de lumière pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’éclaire et l’Agneau est son flambeau. N’est-ce pas cela que Jésus nous a clairement montré quand il se transfigura divinement sur le Thabor ? La lampe, n’était-ce pas son corps, et la Lumière, la gloire de la Divinité qu’il montra aux disciples sur la Montagne ? À propos de ceux qui habitent cette ville, le même Jean dit : « Ils n’auront besoin ni de la lumière d’une lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. La nuit ne sera plus. » Et dites-moi, quelle est cette Lumière en qui il n’y a ni variation, ni ombre de changement ? Quelle est cette Lumière sans déclin et qui ne varie pas ? N’est-ce pas la divinité ? Comment Moyse et Élie – surtout Moyse, présent en âme et non corporellement – furent-ils vus dans la gloire ? Est-ce à travers la lumière sensible ? Ils furent vus cependant dans la gloire, s’entretenant de la mort que Jésus devait subir à Jérusalem. Comment les Apôtres auraient-ils vu et connu ces choses autrefois, si ce n’est par la puissance révélatrice de cette Lumière ? Mais, afin de ne pas tendre à l’excès votre esprit, laissons en réserve le reste des paroles évangéliques à cause du temps de la liturgie divine et sacrée – qui approche –, fidèles à ce qui nous a été enseigné par ceux que le Christ a illuminés comme étant les seuls à avoir vu juste. Dieu ne dit-il pas par son prophète : « Mes mystères sont pour moi et pour les miens ». Il est bon de croire ce qui nous a été enseigné, pour pénétrer dans l’intelligence de la Transfiguration du Seigneur et marcher ensuite vers l’éclat de la Lumière, épris de la beauté de la Gloire immuable, l’œil de notre esprit purifié des souillures terrestres. Méprisons tout ce qui est plaisant et séduisant, sans stabilité, qui procure la douleur éternelle, qui, tout en étant profitable au corps, revêt l’âme de la tunique déformée du péché. Celui qui n’aura pas revêtu l’habit incorruptible des noces, sera jeté, pieds et mains liés, dans le feu et les ténèbres extérieures. Nous, nous serons délivrés par la splendeur et la connaissance de la Lumière immatérielle et éternelle de la Transfiguration du Seigneur, pour sa gloire, celle de son Père Éternel et de l’Esprit qui donne la vie, dont la splendeur est une et unique, de même que la divinité, la gloire, le règne et la puissance, aux siècles des siècles. Amen !
SUR LA TRANSFIGURATION
DE NOTRE SEIGNEUR DIEU ET SAUVEUR JÉSUS CHRIST
Où l’on montre que la Lumière de la Transfiguration est incréée.
Quand nous contemplons toute la Création visible, nous sommes dans l‘émerveillement devant le grand chef d’œuvre de Dieu et nous en célébrons la louange. Quand ils la scrutent, les sages de la Grèce, ils partagent notre émerveillement et notre louange. Mais alors que nous les rapportons à la gloire du Créateur, eux les tournent contre cette gloire qui Lui revient : car « ils ont adoré » misérablement la créature au lieu du Créateur. Ainsi de même, pour les voix des Prophètes, des Apôtres et des Pères : nous les expliquons nous-mêmes en vue de l’édification de ceux qui nous écoutent et à la louange de l’Esprit qui a parlé par les Prophètes, les Apôtres et les Pères. Les auteurs excessifs des noires hérésies, entreprennent eux aussi, de les interpréter, mais au préjudice de ceux qui les croient et pour l’éviction de la vérité selon la piété, prenant les paroles mêmes de l’Esprit pour lutter contre l’Esprit. Et comme le langage de l’Évangile de la grâce est lui-même élevé, et adapté à l’oreille et à l’intelligence d’Anciens accomplis, nos Pères Théophores, en l’expliquant de leur bouche à eux, l’accommodent à notre propre imperfection. On dirait des mères attentionnées qui mâchent les aliments trop durs pour les rendre meilleurs et plus faciles à avaler à leurs tout-petits ; car de même que la bouchée, mêlée à la salive de la mère selon la chair, devient un aliment pour le bébé, de même les pensées spirituelles qui habitent les cœurs de nos Pères Théophores, deviennent une nourriture assimilable pour les âmes qui les écoutent et les acceptent avec confiance. Mais la bouche des méchants et des cacodoxes est gonflée de venin mortifère ; mélangé aux paroles de vie, il les rend, elles aussi, mortelles pour ceux qui les écoutent sans vigilance. Fuyons donc ceux qui, loin de recevoir les interprétations des Pères, essayent d’introduire de leur propre chef les opinions contraires ; ces hypocrites respectent bien la lettre des textes, mais rejettent la pensée pieuse qu’ils renferment ; fuyons-les, et plus que des serpents. Car la morsure d’un serpent tue le corps, pour un temps, en le dissociant de l’âme immortelle ; au lieu que ceux-là, saisissant l’âme à pleines dents, la dissocient d’avec Dieu, et c’est la mort éternelle de l’âme immortelle. Fuyons donc cette engeance de toutes nos forces, et réfugions-nous auprès des maîtres qui dispensent les enseignements de la piété et du Salut, ceux qui consonnent avec les traditions des Pères. Ceci dit, à votre charité, en guise d’introduction, en ce jour où nous fêtons la sainte Transfiguration du Christ sur la Montagne. Notre discours sera consacré à la Lumière qui y brilla, car ses adversaires sont nombreux, et grand le combat qu’ils mènent contre elle. Revenons aux voix évangéliques entendues aujourd’hui, pour mieux approfondir le Mystère et présenter la Vérité. « Six jours après, dit saint Matthieu, Jésus prit avec Lui, Pierre, Jacques et Jean son frère, et Il les mena sur une haute montagne, à l’écart. Il fut transfiguré en leur présence… » Il est nécessaire, tout d’abord, de savoir quel est le jour à partir duquel l’apôtre et évangéliste du Christ, Matthieu, compte les six jours qui précédèrent la Transfiguration du Seigneur. Après quel jour ? Eh bien, après celui où il dit à ses disciples : « Le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres ». Et il ajoute : « En vérité, je vous le déclare, quelques-uns de ceux qui sont ici présents ne mourront pas, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. » En disant cela, il parle de Sa propre Transfiguration et appelle cette Lumière, Gloire et Règne du Père. L’évangéliste Luc a noté aussi l’événement et il l’expose très clairement : « Environ huit jours après qu’il se fut exprimé ainsi, Jésus prit avec Lui, Pierre, Jacques et Jean, et Il monta sur la montagne pour y prier. Pendant qu’il priait, son visage parut tout autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. » Mais comment les accorder ensemble, car l’un dit très clairement que huit jours s’écoulèrent entre l’annonce et le jour du resplendissement, tandis que l’autre affirme six jours ? Écoutez bien et comprenez. Ils étaient huit sur la montagne, bien que six apparemment. Ceux qui avec Jésus montèrent, étaient au nombre de trois : Pierre, Jacques et Jean. Au sommet, ils virent, en compagnie de Jésus et conversant avec Lui, Moyse et Élie, ce qui fait six personnes en tout. Mais avec le Seigneur, sont toujours, invisiblement présents le Père et l’Esprit Saint : l’un rend témoignage par sa propre voix, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », l’autre, éclatant par la nuée lumineuse, montre que cette Lumière simple est co-éternelle au Fils et au Père. Car cette co-naturalité fait leur richesse, et Un est l’élan de leur splendeur. Voilà pourquoi les six sont huit. Il n’y a donc aucune divergence entre les nombres six et huit, et les évangélistes ne se contredisent pas quand l’un dit « six jours après », et l’autre, Luc, « environ huit jours après qu’il se fut exprimé ainsi ». Chacun nous donne une certaine vision de ce qui s’était passé sur la montagne, dans le mystère, mais visiblement aussi. Celui qui veut s’en tenir à la lettre, en examinant bien, peut dire que ces prédicateurs se confirment l’un l’autre. Quand Luc dit « huit jours », il ne contredit pas celui qui a dit « après six jours », car il inclut dans ce total le jour du discours et celui de la Transfiguration du Seigneur. Matthieu, quant à lui, laisse aux regards pénétrants le soin de percevoir ces deux jours. Voilà pourquoi il emploie la préposition « après » qui marque le lendemain, au lieu que Luc ne la met pas. En effet, ce dernier ne dit pas « après huit jours », comme Matthieu a dit « après six jours », mais bien : « il passa environ huit jours ». oint d’incohérence, donc, dans le récit des Évangiles, pris dans le sens historique. Mais il y a autre chose de grandiose et de caché, qu’ils nous font entrevoir par cette apparente contradiction. Il vous faudra prêter attention à ce qui va être dit, vous tous qui avez l’esprit pénétrant, pour apprendre pourquoi l’un dit « après six jours », et l’autre, dépassant même le septième, mentionne le huitième jour. C’est que la grande vision de la Lumière de la Transfiguration du Seigneur nous introduit dans ce huitième jour qui est le mystère du siècle à venir, après le repos qui suivit la Création du Monde en six jours et que nous atteignons par le dépassement de nos facultés sensorielles qui opèrent par les six sens, car en effet, à nos cinq sens vient s’ajouter celui qui produit la parole au dehors, le Logos Prophorikos, qui parfait ainsi par le « 6 » l’opération de notre sensation. Le Royaume que Dieu a promis à ceux qui en seront dignes est, lui, au-dessus de toute sensation, et même de toute parole. Ce n’est donc qu’après avoir mené à bon terme cette excellente inactivité-repos de nos six sens, dont la valeur est enrichie par le septième jour, qu’apparaît alors dans le huitième, et dans toute la puissance de son énergie, le Royaume de Dieu. Cette puissance de l’Esprit divin, dans laquelle le Royaume de Dieu est vu par ceux qui en sont dignes, c’est à elle, selon saint Luc, que le Seigneur fait allusion lorsqu’il dit à ses disciples : « Quelques uns de ceux qui sont ici présents ne mourront pas avant d’avoir vu le Royaume de Dieu ». Cette puissance donne aux voyants de contempler ce qui ne peut être vu par une âme mortelle, misérable, souillée, qui ne se serait pas auparavant purifiée, et dont le péché est d’avoir goûté en son esprit au principe du mal. Ceux qui, par contre, se seront purifiés, ne goûteront pas à la mort de l’âme, car, grâce à la puissance de la splendeur future, ils auront conservé, comme je le pense, leur esprit sans souillure. « Quelques-uns de ceux qui sont ici présents ne mourront pas qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. » Le Roi de l’Univers est partout présent. Partout aussi est son Royaume, et quand son règne vient, cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’un lieu donné, mais plutôt qu’il apparaît par la puissance de l’Esprit divin. C’est pourquoi le Seigneur a dit : « Il viendra avec puissance ». Cette puissance ne se porte pas vers n’importe qui, mais seulement vers ceux qui se tiennent aux côtés du Seigneur, c’est à dire ceux qui sont enracinés dans sa foi : les Pierre, les Jacques, les Jean, ceux que, d’abord, le Verbe transporte sur une montagne élevée, qui est le dépassement de notre bassesse naturelle. Aussi, le narrateur dit-il que Dieu se montre sur la montagne. C’est là qu’Il descend, comme du haut de son observatoire, pour pénétrer dans la nature née de la terre, comme dans une place forte, Lui que rien ne peut contenir. Ceci n’est pas une vision de l’esprit humain ; c’est une vision qui lui est de beaucoup supérieure, qui le transcende, parce qu’accomplie par la puissance de l’Esprit Divin. Voilà pourquoi elle n’apparaît pas pour disparaître ensuite, pas plus qu’elle ne peut être limitée. La Lumière de la Transfiguration du Seigneur ne peut dépendre d’une force sensible, bien qu’elle fût perçue par des yeux corporels, pour peu de temps, sur le sommet de la montagne. Ceux qui ne peuvent pas voir la Lumière, blasphèment aujourd’hui, et appellent sensible et créée la puissance de cette Lumière, que les disciples préférés virent au moment de la Transfiguration du Seigneur. Ils rabaissent au rang de créature non seulement cette Lumière qui est la Gloire et le Règne de Dieu, mais aussi la puissance du Saint-Esprit, par laquelle les choses de Dieu sont révélées à ceux qui en sont dignes. Ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas cru Paul qui a dit que « ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a pas entendues et qui ne sont pas montées au cœur de l’homme, mais que Dieu a préparées pour ceux qui L’aiment. » Dieu nous les a révélées par l’Esprit, car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Le huitième jour étant donc arrivé, comme il a été dit, le Seigneur prit avec Lui, Pierre, Jacques et Jean, et monta sur la montagne pour y prier. Bien qu’étant toujours avec tous, Il se sépare, même des apôtres, pour prier Seul, comme Il le fit quand Il nourrit les cinq mille hommes avec femmes et enfants, avec cinq pains et deux poissons. Il obligea alors ses disciples à monter dans la barque, et Lui-même alla sur la montagne pour y prier. Il ne prit que quelques disciples pour leur annoncer sa Passion salvatrice, disant aux autres : demeurez là tant que je prierai. Il prit avec Lui Pierre, Jacques et Jean, se rendit avec eux sur une haute montagne et se transfigura sous leurs regards. Que veut dire ‘’ Il se transfigura’’ demande Chrysostome le Théologien ? C’est, dit-il, qu’Il lui a plu d’entrouvrir quelque peu le voile de la Divinité, pour montrer aux initiés le Dieu qui y habite. Pendant qu’il priait dit saint Luc, son aspect changea. Il brilla comme le soleil écrit Matthieu. Il dit comme le Soleil, pour que nul ne pût penser à la Lumière sensible et – que Dieu vous préserve de l’aveuglement de l’intelligence – prît pour des forces supérieures les phénomènes sensibles. C’est pour nous amener à comprendre que, comme ceux qui vivent avec leurs sens, voient par eux le soleil, ceux qui vivent dans et par l’Esprit, par Lui, voient le Christ qui est Dieu. Ceux qui dans leur vision voient Dieu, n’ont pas besoin d’une autre lumière que Lui. Pourquoi faudrait-il une lumière seconde à ceux qui possèdent la Lumière Essentielle ? Pendant sa prière, le Seigneur resplendit et révéla ineffablement aux disciples préférés cette Lumière indicible, en présence des plus grands prophètes [Moyse et Élie], afin de nous indiquer par là, que la prière nous procure cette vision bienheureuse ; pour nous apprendre aussi que par le voisinage vertueux avec Dieu, par notre union avec Lui dans l’Esprit, se produit et resplendit cette Lumière, visiblement et totalement donnée à ceux qui, par des œuvres justes et la prière sincère, sont continuellement tendus vers Dieu. La beauté véritable et plus qu’aimable, qui entoure la nature bienheureuse et divine, seul l’esprit purifié peut la contempler. Celui qui y est parvenu, participe au rayonnement et aux grâces, et en lui se produit quelque chose comme l’éclat du soleil, comme un certain épanouissement, comme une certaine coloration de son aspect ordinaire. Moyse aussi, pendant qu’il conversait avec Dieu, eut le visage couvert de gloire. Moyse aussi fut transfiguré quand il monta sur la montagne et qu’il y vit la gloire de Dieu. Mais lui subit la transfiguration, il ne l’opéra pas. Ceci me conduit dans la juste clarté de la vérité : voir et éprouver l’éclat de la splendeur de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ, Lui, possédait en propre cette Lumière. Aussi n’avait-Il nul besoin de prier pour que la Lumière Divine illuminât son corps, alors que pour les saints, la splendeur de Dieu vient en eux et se montre dans la mesure où ils peuvent la porter [ou la supporter]. Ainsi brilleront les saints, comme le soleil, dans le Royaume de leur Père, tous venus de cette Lumière Divine, fruits de la Lumière Divine. Ils verront le Christ resplendissant divinement et indiciblement au-delà de toute lumière, et la gloire qui émane naturellement de sa divinité est la même que celle qui brilla de son Corps sur le Mont Thabor, celle de son Hypostase Éternelle. Sa Face brilla de cette Lumière comme le soleil. Certains des nôtres, qui ont embrassé la pensée grecque et la sagesse de ce Monde, refusent la doctrine que l’Esprit a révélée à des hommes spirituels. Ils se rebellent quand ils entendent parler de la Lumière de la Transfiguration du Seigneur sur la Montagne, Lumière que virent les yeux des Apôtres. Ils la rabaissent aussitôt au degré de lumière créée et sensible, dégradent cette Lumière immatérielle, sans déclin, éternelle, qui n’est pas seulement au-dessus de toute sensation, mais aussi au-dessus de l’intellect même. Ceux qui rampent en-bas, ne peuvent rien saisir de ce qui est au-dessus de la terre. Celui qui brilla dans cette Lumière, l’a montrée incréée, puisqu’il l’appela Règne de Dieu. Le Règne de Dieu n’est ni créature, ni serviteur. Rien ne domine sur lui ; il est invincible, hors du temps et des siècles. Aucune loi ne peut le régir, rien ne peut l’atteindre, que ce soit siècles ou temps. Tel est, selon notre croyance, l’héritage de ceux qui sont sauvés. Après s’être transfiguré, après avoir brillé et montré sa gloire, sa splendeur, sa Lumière, le Seigneur resta seul avec ses Apôtres sur la Montagne. Aurait-il donc reçu une certaine lumière qu’il garderait désormais pour les siècles, et qu’il n’aurait pas possédée auparavant ? Loin de nous ce blasphème, car celui qui dira cela, pensera que le Christ possède trois natures : la divine, l’humaine et celle de la lumière. Non, ce n’est pas une autre splendeur qu’il a révélée. C’est celle qu’il possédait et qu’il gardait cachée. Il cachait sous sa chair la splendeur de sa nature divine. Cette Lumière était celle de la divinité, et elle est incréée. Quand le Christ se transfigura, il n’assuma pas, selon les théologiens, ce qu’il n’avait pas, il ne se transforma pas en ce qu’il n’était pas, mais révéla à ses disciples ce qu’il était, leur ouvrit les yeux, changea des aveugles en voyants. Vois-tu comment devant cette Lumière, demeurent aveugles les yeux qui ne voient que selon la chair ? Cette Lumière n’étant pas sensible, les voyants ne voyaient pas avec les yeux ordinaires, mais avec des yeux changés par la puissance de l’Esprit Divin. C’est par ce changement, qui n’était pas subit, mais contenu dans l’assomption même de notre nature déifiée par l’union avec le Verbe de Dieu, qu’ils virent. De plus, celle qui conçut étant vierge, qui enfanta d’une manière étrange, ne savait-elle pas que celui qui était né d’elle était porteur de la chair ? Et Syméon qui le reçut nourrisson dans ses bras ? Et la vieille Anne qui courut à sa rencontre ? La puissance divine qui apparaissait comme à travers une enveloppe de verre, éclairait ceux dont les yeux du cœur étaient purifiés. Autre chose. Pourquoi le Seigneur prend-il ses disciples et les emmène-t-il seuls à l’écart ? N’est-ce pas pour leur révéler quelque chose d’absolument grand et caché ? Qu’est-ce donc qui est grand et caché ? Est-ce la vision de la lumière créée dont jouissaient déjà ceux qui étaient montés sur la Montagne comme ceux qui étaient restés en-bas ? Pourquoi alors l’intervention de la puissance du Saint-Esprit, son assistance, pourquoi l’inversion des yeux si la Lumière qu’ils devaient contempler était sensible et créée ? Comment la lumière perçue par les sens peut-elle être la gloire et le règne du Père et de l’Esprit ? Dans quelle espèce de règne et de gloire viendra le Christ dans le siècle futur, quand l’air, la lumière, les lieux, ou toutes autres choses de ce genre ne seront plus nécessaires, quand, selon l’Apôtre, le Royaume sera Dieu en tout et en tous, donc à la place de tout et de la lumière elle-même ? Une fois de plus, nous voyons que la Lumière du Thabor est bien celle de la divinité. Parmi les Évangélistes, Jean, le Théologien par excellence, nous montre, dans son Apocalypse la future ville éternelle, qui n’a besoin ni de soleil, ni de lumière pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’éclaire et l’Agneau est son flambeau. N’est-ce pas cela que Jésus nous a clairement montré quand il se transfigura divinement sur le Thabor ? La lampe, n’était-ce pas son corps, et la Lumière, la gloire de la Divinité qu’il montra aux disciples sur la Montagne ? À propos de ceux qui habitent cette ville, le même Jean dit : « Ils n’auront besoin ni de la lumière d’une lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. La nuit ne sera plus. » Et dites-moi, quelle est cette Lumière en qui il n’y a ni variation, ni ombre de changement ? Quelle est cette Lumière sans déclin et qui ne varie pas ? N’est-ce pas la divinité ? Comment Moyse et Élie – surtout Moyse, présent en âme et non corporellement – furent-ils vus dans la gloire ? Est-ce à travers la lumière sensible ? Ils furent vus cependant dans la gloire, s’entretenant de la mort que Jésus devait subir à Jérusalem. Comment les Apôtres auraient-ils vu et connu ces choses autrefois, si ce n’est par la puissance révélatrice de cette Lumière ? Mais, afin de ne pas tendre à l’excès votre esprit, laissons en réserve le reste des paroles évangéliques à cause du temps de la liturgie divine et sacrée – qui approche –, fidèles à ce qui nous a été enseigné par ceux que le Christ a illuminés comme étant les seuls à avoir vu juste. Dieu ne dit-il pas par son prophète : « Mes mystères sont pour moi et pour les miens ». Il est bon de croire ce qui nous a été enseigné, pour pénétrer dans l’intelligence de la Transfiguration du Seigneur et marcher ensuite vers l’éclat de la Lumière, épris de la beauté de la Gloire immuable, l’œil de notre esprit purifié des souillures terrestres. Méprisons tout ce qui est plaisant et séduisant, sans stabilité, qui procure la douleur éternelle, qui, tout en étant profitable au corps, revêt l’âme de la tunique déformée du péché. Celui qui n’aura pas revêtu l’habit incorruptible des noces, sera jeté, pieds et mains liés, dans le feu et les ténèbres extérieures. Nous, nous serons délivrés par la splendeur et la connaissance de la Lumière immatérielle et éternelle de la Transfiguration du Seigneur, pour sa gloire, celle de son Père Éternel et de l’Esprit qui donne la vie, dont la splendeur est une et unique, de même que la divinité, la gloire, le règne et la puissance, aux siècles des siècles. Amen !
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