mercredi 23 janvier 2019

Agapios Lindos de Crète, Le Salut des Pécheurs (extraits).

COMMENT FAIRE NOTRE SALUT ? Extraits du livre LE SALUT DES PECHEURS du moine ermite Athonite AGAPIOS LANDOS DE CRETE (1580 ?-1656) PREMIERE PARTIE «  Ecarte-toi du mal » ( Ps 34, 15) CHAPITRE I « Une seule chose est nécessaire » Celui qui de tout son cœur a pris ses péchés en haine et qui, illuminé par la Grâce du Très Saint Esprit, veut servir notre Seigneur et notre roi, doit premièrement bien réfléchir et comprendre que cette nouvelle condition à laquelle il veut se consacrer et s’occuper représente le travail le plus digne qui soit, la sagesse la plus admirable et constitue le plus grand bien de tous ceux qui se trouvent au monde. Et même, pour mieux dire, il n’y a aucun autre bien qui soit aussi profitable et utile que celui-ci et que le Seigneur a mentionné lorsqu’il a dit : «  Une seule chose est nécessaire » ( Luc 10, 42). Ce qui est dire que nous n’avons besoin que d’une seule chose, à savoir aimer le Seigneur et le servir. C’est ce que nous dit aussi le sage Ecclésiaste : «  Crains Dieu et garde Ses commandements, parce qu’en cela se trouve la dignité et le but de tout homme » ( 12-13) et c’est pour cette raison qu’il a été créé par le divin Plasmateur. Pour que tu saisisses cependant cette vertu dans tout cœur et que tu la désires de toute ton âme, il est besoin que tu réfléchisses d’une part aux innombrables dons et bienfaits que tu as reçus de Dieu très bon et d’autre part à tes nombreux, voire innombrables péchés. Après quoi, médite sur la fin de ta vie, ce qui est dire songe à ta mort, au redoutable jugement du Seigneur, à la gloire du Paradis et à l’enfer éternel. Et après que tu auras réfléchi à tout cela, prépare-toi avec soin, révérant la dignité et la grandeur de l’œuvre que Dieu t’a confiée. Comme tu le sais, bien entendu, il n’est aucune tâche importante et il n’est rien de précieux qui ne présente de difficulté pour ce qui est de son accomplissement et de son acquisition. Arme-toi donc d’une grande force d’âme pour pouvoir affronter les afflictions et toutes les difficultés que tu rencontreras, supportant tout avec endurance, tout en rendant maintes actions de grâces au Seigneur. Sache que ce trésor, pour lequel tu luttes et te fatigues est si précieux et si inestimable qu’il mérite que tu te donnes pour lui une telle peine et que tu lui consacres tant d’étude. C’est pourquoi d’ailleurs tous les Saints et les Martyrs ont eu souci de le posséder, eux qui connaissaient sa valeur, et qu’ils ont acquis au prix de tant de luttes, de tant d’afflictions et même au prix de leur sang. Pour n’être pas lâche et de ne pas manquer de force d’âme, rappelle-toi toujours que là où se trouvent les chagrins et les amertumes du monde, là aussi précisément se trouvent les supplications célestes et les consolations du Saint Esprit. Là où se rencontrent les combats et les adversités de la nature, là aussi se rencontre le secours de la Grâce, qui est plus puissante que la nature. La loi du Seigneur est donc un joug mais ce joug est doux ; c’est un fardeau, mais ce fardeau est léger ( Matt. 11-30). Parce que ce que la nature rend lourd, la Grâce l’allège d’une façon extraordinaire. La loi de Dieu est affliction et joug, mais la puissance mystique que détient le baume de la Grâce divine, fait finalement disparaître le poids du joug. Ainsi, si d’abord tu es en proie à la lâcheté et que tu es gouverné par la paresse et la négligence, qu’ensuite la Grâce t’inspire la bonne volonté et le zèle. CHAPITRE DEUX. LES PECHES MORTELS. Le premier fondement de cette sainte œuvre, la première pierre de cette construction mentale, est la ferme disposition et l’inébranlable décision de ton cœur, de mourir plutôt mille fois, si cela étéait possible, plutôt que de commettre un seul péché mortel. De même qu’une femme honorable et vertueuse préfère mourir plutôt que de trahir son mari, ainsi aussi le Chrétien doit être si fidèle envers Dieu qu’il préfère subir n’importe quel dommage en cette vie, plutôt que de pécher fût-ce un peu devant Lui. Parce que le plus petit mal qu’il subit dans son âme à cause du péché est plus grand que le pire dommage corporel. Et parce qu’à cause du péché il ne se trouve pas seulement un mal, mais beaucoup de maux différents, nous les décrivons aussi pour que tu les apprennes, et qu’ainsi tu fuies loin du péché comme d’un serpent venimeux. Par le péché tu te prives tout d’abord de la Grâce du Saint Esprit, qui est le plus grand don qu’ait fait aux hommes le Dieu de Bonté. La Grâce, d’une manière surnaturelle, te rend pour ainsi dire parent de Dieu et participant de la nature divine. Secondement, par le péché tu te prives de l’amitié et de la familiarité divines, qui accompagne toujours la Grâce. Et si c’est un grand dommage de perdre l’amitié d’un chef de la terre, commbien le dommage est plus grand, en vérité, lorsque tu perds l’amitié du Roi céleste ! Troisièmement, tu te prives des dons et des puissances de l’Esprit, dont tu étais orné et armé contre le Diable. Quatrièmement, tu te prives de l’héritage du royaume des cieux et de la gloire qu’octroie la Grâce. Cinquièmement, tu te prives de l’adoption filiale, qui nous rend enfants de Dieu. Sixièmement, tu te prives de la paix de la conscience, des intercessions de l’Esprit, du fruit et du salaire de toutes les bonnes œuvres que tu as accomplies jusqu’ici. Septièmement, tu te prives du soin paternel que le Christ avait de toi et de ta participation à Son Corps mystique, parce que tu n’es plus uni avec Lui, comme un membre vivant , par l’amour et la Grâce. Tu subis tous ces dommages à cause d’un péché mortel. Et qu’est-ce que tu y gagnes ? Tu demeures condamné à l’enfer éternel ; tu es effacé du livre de la vie ; au lieu d’être enfant de Dieu, tu deviens esclave du Malin ; au lieu de temple et d’habitation de la Toute Sainte Trinité, tu deviens une caverne de voleurs et un repaire de dragons. Et ainsi tu te trouves comme Sédech qui fut asservi à Nabuchodonosor ( 2 Parl. 36 : 11-21) ou comme Samson qui, après qu’il eut avec ses cheveux perdu sa force, demeura sans forces aux mains de ses ennemis qui lui arrachèrent les yeux et l’attachèrent comme un animal à tirer une meule ( Juges 16 : 19-21). C’est à la même situation qu’est ravalé le malheureux qui, à cause du péché, perd la force et l’ornement de la divine Grâce. Il est dorénavant sans forces pour les œuvres bonnes, aveugle et enténébré, sans pouvoir connaître les œuvres divines, prisonnier des malins démons, qui l’enchaînent comme un animal, le forçant à faire leurs volontés indignes. Cet état est-il celui de l’homme raisonnable ? Ont-ils donc la connaissance et l’intelligence des choses divines, ceux qui osent sans honte commettre autant de péchés ? Et est-ce un mal infime qu’ils souffrent à cause de ces péchés ? En vérité, le péché est une chose si affreuse qu’il faudrait que chacun de nous le redoute plus que la foudre. C’est pourquoi, chaque fois que le démon te désobéit et t’incite à pécher, réfléchis aux dommages qu’il t’en coûtera et que nous venons d’énumérer. Imagine en pensée le plateau d’une balance : d’un côté, mets ces dommages que nous avons vus, et de l’autre le plaisir et la délectation que te donne le péché. Pèse le pour et le contre, et réfléchis comme un homme sensé, s’il est juste et raisonnable, pour un gain aussi honteux et aussi vil, de perdre de si grands trésors, tellement inestimables. Tu ne voudrais tout de même pas ressembler à Esaü ( Gen. 25 :27-34) qui vendit son droit d’aînesse, l’insensé, contre un plat de lentilles ? CHAPITRE TROIS. LES PLUS GRANDS PECHES. Nos péchés sont nombreux et divers, mais tous cependant sont compris dans ces huit principaux : l’orgueil, la vanité, l’amour de l’argent, la luxure, la colère, la gourmandise, la jalousie et l’acédie. Ces péchés sont dits mortels, parce qu’ils sont les principaux, les racines et les fondements de tous les autres péchés, et parce qu’ils mettent notre âme à mort. Par ces huit péchés mortels nous combattent nos trois ennemis mortels, la chair, le monde et le diable. La chair nous jette dans la luxure, la gourmandise et l’acédie. Le monde nous attire vers l’amour de l’argent et vers l’insatiable désir de toutes les choses matérielles en général. Le diable insuffle en nous l’orgueil, la vanité, la colère et la jalousie. Le diable, bien entendu, nous pousse à toutes les iniquités, mais il lutte encore davantage pour nous jeter dans l’orgueil, afin que nous devenions ses imitateurs et ses sectateurs. Au-delà des huit péchés mortels, que nous étudierons et analyserons infra, il y en a six autres également graves, qui sont générés par les premiers et que nous allons décrire dans le présent chapitre. Le premier et le plus grave de tous est l’abominable et maudit blasphème, que nul autre n’a fait apparaître en ce monde avant son inventeur, le Diable, sachant que ce péché est pire que la luxure, que les meurtres, que toute débauche et que tout ce qui est ordurier, et que ce seul péché suffit à envoyer l’homme en Enfer pour l’éternité. L’homme blasphémateur est ennemi de Dieu et il est appelé tel. Car s’il pouvait, à l’heure où il se met en colère, avoir entre les mains le Seigneur ou le Saint qu’il blasphème, tu peux être sûr qu’il le tuerait, l’insensé, aiguillonné qu’il est et mû par l’excitation que le Malin met en son cœur. C’est pourquoi aussi le bienheureux Augustin dit que pèchent davantage ceux qui insultent le Christ maintenant, cependant qu’il règne dans les cieux, que n’ont péché ceux qui l’ont crucifié, lorsqu’il se trouvait sur la terre dans son corps humain. Ce sont davantage les hommes qui tombent dans le péché du blasphème, tandis que les femmes commettent habituellement un autre péché qui ressemble néanmoins au blasphème. C’est-à-dire que lorsque quelque malheur vient les surprendre, elles se retournent avec indignation contre la Providence et la justice de Dieu, s’écriant, les insensées, que parfois le Seigneur ne juge pas justement. Si, par exemple, un de leurs proches très chers meurt ou tombe gravement malade, ou subit quelque grave dommage, alors, non seulement elles cessent de glorifier le Tout-Puissant, mais elles anathématisent le jour où elles sont nées, furieuses elles demandent la mort, elles se lamentent et elles se plaignent de Dieu, pour qu’il les débarrasse des afflictions et des tourments. Parfois même, elles se remettent totalement entre les mains du Diable et elles commencent à proférer d’horribles, d’inaudibles et de démoniaques malédictions. Tout cela n’est que paroles blasphématoires, paroles qui ne conviennent qu’aux malheureux damnés. Il semble que c’est avec eux que veuillent séjourner tous ceux qui parlent ainsi. Toi donc, qui ne désires pas l’enfer mais le délectable Paradis, humilie-toi et, sans gémir, incline la tête devant tous les malheurs que tu pourras éprouver par la permission du Seigneur. Reçois-les de sa main divine comme une médecine curative, comme un baume trouvé pour ton salut par un médecin très sage. Crois sans hésiter que c’est avec justice et grande sagesse que le Dieu de bonté t’envoie des afflictions pour le salut de ton âme. Parce que lorsque tu prétends que Dieu agit injustement, c’est comme si tu disais qu’il n’était pas Dieu. Et si tu me dis que ton malheur est si grand que son intensité est cause que tu profères des paroles blasphématoires, réfléchis intelligemment et en connaissance de cause que par ton opposition et ton impatience, non seulement tu n’allèges pas ta souffrance, mais que tu l’aggraves. Si tu veux que te paraissent légères tes afflictions, compare-les avec ces quatre points : premièrement avec les bienfaits et les charismes que tu as reçus de Dieu ; secondement avec les nombreux péchés que tu as commis devant Lui ; troisièmement avec les châtiments de l’Enfer que tu mérites par tes actions iniques ; quatrièmement, avec la gloire du Paradis, que te promet le Seigneur en dépit de ton indignité. Après une telle comparaison, quelles que soient les afflictions que tu éprouves, elles te sembleront petites et insignifiantes. Un second grand péché est de jurer, c’est-à-dire de jurer des mensonges sur le Saint Evangile, ou sur la vénérable Croix, ou au nom de Dieu, de la Mère de Dieu ou d’un autre Saint ; Parce que cela aussi, comme le blasphème, est un péché qui s’en prend aussitôt à Dieu, ce qui est pire que n’importe quel péché qui s’en prend au prochain. Chaque faux-serment et chaque juron sont des péchés mortels, parce qu’ils constituent une injure à la grandeur divine. Un troisième péché est le vol, c’est-à-dire le fait que tu prennes et que tu gardes en ta possession quelque chose qui ne t’appartient pas, à l’insu de son propriétaire et sans son accord. Aussi longtemps que tu le gardes ainsi, tu te trouves en état de péché mortel. Et il ne suffit pas que tu aies la bonne volonté de le rendre un jour. Car il ne suffit pas que tu rendes cette chose que tu as volée, parce que son propriétaire a été lésé pendant tout le temps où tu l’as détenu illégalement. Un quatrième péché est la transgression de quelque commandement ecclésiastique et de quelque canon des Saints Apôtres et des Pères que ce soit, et que tu dois observer infailliblement : Aller à l’église tous les dimanches et les jours de fêtes, te confesser, communier, jeûner comme le prescrit notre Eglise etc… Un cinquième grand péché est la médisance et la condamnation, par quoi tu dénigres ton frère et lui fais honte, lui causant un grand dommage et l’exposant à divers dangers, parce que tu entaches son honneur et sa réputation, chose plus précieuse que la fortune et que tout trésor matériel. En vérité, comment quelques impudents osent-ils diffamer leur prochain, surtout lorsqu’ils n’ont pas eux-mêmes une exacte connaissance de l’affaire dont ils l’accusent, Et si même ils l’avaient, n’ont-ils jamais entendu ce qu’a dit le Seigneur : «  Ne jugez pas vos frères, pour que Dieu ne vous juge pas. Ne les condamnez pas, pour que Dieu ne vous condamne pas. » ( Luc 6, 37). Pour ton salut, tu dois observer ce commandement, et si tu vois quelqu’un péchée manifestement, tu dois le couvrir autant que tu le peux. Ainsi Dieu couvrira aussi tes propres manquements. Le sixième et dernier péché est le mensonge. S’il est petit et insignifiant, sans porter à conséquences, il constitue bien sûr un péché, mais celui-ci n’est pas trop grave. Cependant, si c’est un mensonge qui a trait à une grave question et qui cause au prochain un dommage matériel et moral, c’est alors un péché redoutable. Dans ce cas, toi qui est une cause médiate ou immédiate de ce dommage porté à ton frère, le réparer et redresser la situation de toutes les façons possibles. C’est seulement ainsi que le Seigneur te pardonnera le mal que tu auras fait en disant des mensonges. Tels sont les principaux péchés générés par les huit péchés mortels. Et de tous ces péchés il faut que nous fuyons au loin avec la plus grande vigilance possible parce qu’ils mettent notre âme à mort et la mènent à sa perte éternelle. CHAPITRE IV. LES PETITS PECHES. Bien que les péchés que nous avons déjà mentionnés soient les plus graves et qu’il faut que tu les haïsses de toute ton âme, ne crois cependant pas que tu puisses tomber dans des péchés plus légers sans crainte ni reproche de ta conscience. Souviens-toi que tu devras rendre compte au Juge redoutable et incorruptible fût-ce de toute parole vaine qui sera sortie de ta bouche. ( Matt 12 : 36). Celui qui fait fi d’une petite fosse tombera rapidement dans un grand précipice. Pour un seul clou qui manque, le fer à cheval tombe ; et à cause de ce fer à cheval manquant, le cheval s’écroule ; et à cause du cheval, l’homme perd la vie ! S’il s’était soucié dès le début de mettre un clou au fer à cheval et de réparer ce dommage insignifiant, le chevalet l’homme ne seraient pas morts prématurément par sa négligence. Les demeures magnificentes et les vastes palais comment s’écroulent-ils ? D’abord se descelle et tombe une petite pierre, puis le toit se perce quelque peu à un endroit, et par après tout commence petit à petit à s’écrouler, jusqu’à n’être plus que ruines. Et les grains de sable ne sont-ils pas microscopiques et très légers ? Si cependant tu charges de sable à l’excès un bateau, il coule et disparaît au fond. Ou bien les gouttes d’eau ne sont-elles pas petites ? Cependant, lorsque les gouttes sont unies ensemble, elles forment un fleuve impétueux et catastrophiquement dangereux, qui déracine les arbres et fait disparaître les maisons. Saint Grégoire dit que parfois il est plus dangereux et plus nocif de tomber dans de petits péchés que dans des grands. Parce que d’une grande chute l’on a aisément conscience, que l’on s’en repent et que l’on se redresse. Tandis que dans une petite, l’on tombe et retombe facilement, jusqu’à s’y habituer, sans que votre conscience ne vous condamne plus. Les petites chutes font donc un grand mal à l’âme, parce qu’elles relâchent la conscience, qu’elles éteignent le zèle de l’amour, qu’elles diminuent le zèle pour la vertu, qu’elles amoindrissent le désir divin, qu’elles diminuent la piété et que, par manière générale, elles ne laissent pas agir sur nous la Grâce du Saint Esprit. C’est pourquoi il faut que nous les évitions avec grand soin, et même les moqueries, les plaisanteries douteuses, les rires déplacés, l’ironie, la ruse et la méchanceté, la vantardise, les propos obscènes, l’excès de sommeil, les chansons et les danses indécentes, et tout ce qui y ressemble, pour ne pas tomber dans des péchés pires, de crainte de devenir ennemis de notre Dieu et Créateur, et de perdre les ineffables biens célestes. CHAPITRE V. LES REMEDES A TOUS LES PECHES. Que gagnera ou en quoi sera-t-il à un homme qui souffre de maintes maladies, si le médecin se limite au diagnostic de ses pathologies et lui en dévoile les dénominations sans cependant lui donner aucun remède ni lui prescrire de cure thérapeutique ? Assurément, cela ne servira de rien du tout au malade. C’est donc pourquoi, puisqu’ilne nous suffit pas à nous non plus de ne connaître que les sortes et les noms de nos péchés, nous donnons ici quelques remèdes qui sont propres à tous. Ces médecines que nous allons énumérer infra, il faut que chacun de nous les garde comme des armes spirituelles contre les ennemisinvisibles. «  Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d’ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes. «  ( Ephes. 6 :12). C’est pourquoi il faut que nous gardions toujours l’attention et la vigilance neptique, en sorte de n’être pas vaincus et de ne pas perdre les biens célestes. Le premier remède exige que tu réfléchisses bien à tous les dommages que nous cause le péché, comme nous les avons mentionnés supra. Et dès lors, si tu es un homme raisonnable, je ne pense pas que tu aies un cœur si dur et une âme si insensible que tu ne haïsses pas de toutes tes forces le péché qui est cause de tant de maux et surtout du châtiment éternel. Le second remède veut que tu comprennes la noblesse et la grandeur de ton âme, qui a été façonnée par Dieu « à son image » et « à sa ressemblance » ( Gen. 1 : 26). Plus ton âme est séparée du péché, non seulement les saints anges l’admirent davantage, mais le Créateur Lui-même jubile et s’en réjouit, et Il y fait sa demeure, parce qu’avec les charismes spirituels elle devient pure, belle, brillante et toute ornée de vertus. Mais dès que tu tombes dans le péché, le Seigneur se détourne de ton âme et fuit loin d’elle, et le diable entre en elle, et la souille, et la défigure tellement que si tu pouvais la voir tu en serais effaré et tremblerais d’effroi. Le troisième remède demande que tu évites les causes et les lieux de péché, c’est-à-dire les jeux de hasard, les mauvaises compagnies, la fortune excessive, les réunions mondaines. Que, par manière générale, tu n’ailles nulle part où sont assemblés nombre de gens impies, parce que leur esprit est prisonnier des paroles pécheresses et des mauvais spectacles qui envahissent les sens de l’ouïe et de la vue. Eloigne-toi des lieux dangereux et nocifs à l’âme, et ainsi tu n’en verras ni n’en entendras rien, et tu ne seras pas non plus entraîné à dire des choses indécentes. Ne mange pas ni ne bois non plus davantage que ton corps n’en a besoin pour se conserver. Celui qui ne se garde pas de tout cela ne sait pas comme il est déjà une ruine spirituelle et qu’il devrait pleurer sur lui-même comme sur un mort spirituel. D’ailleurs, comment ne tomberait pas dans le gouffre du péché un homme faible, quand l’y pousse un autre, alors qu’il y est déjà souvent tombé seul, sans l’aide d’un autre ? Du reste, le proverbe dit que « l’occasion fait le larron ». Le quatrième remède est la fréquente participation aux mystères de la Confession et de la divine Communion. Ces mystères constituent les plus grands bienfaits de Dieu envers l’homme, parce qu’ils nous guérissent des péchés que nous commettons et ils nous arment d’une cuirasse spirituelle, en sorte que nous ne commettions plus les mêmes péchés à l’avenir. En plus de ta régulière participation aux divins mystères, si se présente dans ta vie par extraordinaire quelque problème, quelque difficulté, quelque chute, quelque scandale, cours chez ton père spirituel, parce qu’alors tu as plus besoin de Grâce et de force pour pouvoir combattre avec courage. Cette Grâce et cette force, tu les trouveras dans ces mystères. Et de plus, en ouvrant ta pensée à ton père spirituel, tu reçois le conseil approprié à ton problème. Le cinquième remède est de combattre la négligence, la mollesse et la paresse, mère de tous les maux. L’homme paresseux est comme un champ en friche, plein d’épines et de chardons. Toi, donc,arrose et CHAPITRE V. LES REMEDES A TOUS LES PECHES. Que gagnera un homme qui souffre de maintes maladies ou en quoi lui sera-t-il utile que le médecin se limite au diagnostic de ses pathologies et lui en dévoile les appellations sans cependant lui donner aucun remède ni lui prescrire de cure thérapeutique ? Assurément, cela ne servira de rien du tout au malade. C’est donc pourquoi, puisqu’il ne nous suffit pas nous non plus de connaître seulement les formes et les noms de nos péchés, nous donnons ici quelques remèdes qui sont propres à tous. Ces médecines que nous allons énumérer infra, il faut que chacun de nous les garde comme des armes spirituelles contre les ennemis invisibles. « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d’ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes ». ( Ephes. 6 :12). C’est pourquoi il faut que nous gardions toujours l’attention et la vigilance neptique, en sorte de n’être pas vaincus et de ne pas perdre les biens célestes. Le premier remède exige que tu réfléchisses bien à tous les dommages que nous cause le péché, comme nous les avons mentionnés supra. Et dès lors, si tu es un homme raisonnable, je ne pense pas que tu aies un cœur si dur et une âme si insensible que tu ne haïsses de toutes tes forces le péché qui est cause de tant de maux et surtout du châtiment éternel. Le second remède veut que tu comprenne la noblesse et la grandeur de ton âme, qui a été façonnée par Dieu « à son image » et « à sa ressemblance » ( Gen. 1 :26). Plus ton âme est séparée du péché, plus non seulement les saints anges l’admirent, mais plus le Créateur lui-même s’en réjouit et jubile, et y fait Sa demeure, parce qu’avec les charismes spirituels elle devient pure, belle, brillante, et toute ornée de vertus. Mais, dès que tu tombes dans le péché, le Seigneur s’en détourne et fuit loin d’elle, et le diable entre en elle et la souille et la défigure tellement que si tu pouvais la voir tu en serais effaré et tremblerais d’effroi. Le troisième remède demande que tu évites les causes et les lieux de péché, c’est-à-dire les jeux de hasard, les mauvaises compagnies, la fortune excessive, les réunions mondaines. Que, par manière générale, tu n’ailles nulle part où sont assemblés nombre de gens impies, parce que leur esprit est prisonnier des paroles pécheresses et des mauvais spectacles qui envahissent les sens de l’ouïe et de la vue. Eloigne-toi des lieux dangereux et nocifs à l’âme, et ainsi tu n’en verras ni n’en entendras rien et tu ne seras pas non plus entraîné à dire des choses indécentes. Ne mange pas ni ne bois non plus davantage que ton corps n’en a besoin pour se conserver. Celui qui ne se garde pas de tout cela ne sait pas comme il est déjà une ruine spirituelle et qu’il devrait pleurer sur lui-même comme sur un mort spirituel. D’ailleurs, comment ne tomberait pas dans le gouffre du péché un homme faible, quand l’y pousse un autre, alors qu’il y est déjà souvent tombé seul, sans l’aide d’un autre ? Du reste, le proverbe dit que « l’occasion fait le larron ». Le quatrième remède est la fréquente participation aux mystères de la Confession et de la divine Communion. Ces mystères constituent les plus grands bienfaits de Dieu envers l’homme, parce qu’ils nous guérissent des péchés que nous commettons et ils nous arment d’une cuirasse spirituelle, en sorte que nous ne commettions plus les mêmes péchés à l’avenir. En plus de ta régulière participation aux divins mystères, si se présente dans ta vie par extraordinaire quelque problème, quelque difficulté, quelque chute, quelque scandale, cours chez ton père spirituel, parce qu’alors tu as plus besoin de Grâce et de force, pour pouvoir combattre avec courage. Cette Grâce et cette force, tu les trouveras dans ces mystères. Et de plus, en ouvrant ta pensée à ton père spirituel, tu reçois le conseil approprié à ton problème. Le cinquième remède est de combattre la négligence, la mollesse et la paresse, mère de tous les maux. L’homme paresseux est comme un champ en friche, plein d’épines et de chardons. Toi, donc, arrose et cultive la terre spirituelle de ton âme avec de bonnes pensées et de bonnes œuvres, pour en récolter un bon blé et que n’y pousse pas la nocive zizanie. Occupe-toi toujours avec un travail, soit physique soit spirituel, pour que le démon ne te trouve pas désoeuvré et qu’il ne te tourmente pas. Parce que notre esprit est toujours en mouvement et tourne sans cesse comme la roue d’un moulin. Et si nous n’y mettons pas du bon fruit à moudre, alors l’ennemi y met des cailloux et détruit l’appareil psychique, car il l’excite et l’enflamme avec des pensées honteuses, et surtout avec la flamme inextinguible de la luxure. Combats donc la paresse de toutes tes forces. Chaque matin, dès que tu te réveilles, lève-toi immédiatement de ton lit. Que ton premier travail soit la prière pure, la prière du cœur, qui est la très douce consolation de l’esprit. Elle te permet de faire facilement fi des choses éphémères, d’acquérir une profonde piété, de prendre courage et force à l’encontre du péché. Après la prière, lis la Sainte Ecriture ou quelque autre livre spirituel, parce qu’avec cette lecture salutaire, ton esprit s’illumine et comprend la vérité. Ainsi, il acquiert en connaissance de cause la piété, en sorte que l’on devient un ennemi implacable du péché et un ami zélé de la vertu. Le sixième remède est pour toi d’examiner chaque soir, avant de t’endormir, comment s’est passée ta journée. Si tu es tombé dans un petit péché, pleure et repens-toi devant Dieu, lui demandant pardon avec une ferme et sincère décision de te redresser. Et lorsque tu auras lavé ton corps de larmes de pénitence, comme le prophète David, alors tu dormiras en goûtant un meilleur repos, et tu jouiras d’un calme de l’âme et d’allégresse spirituelle, comme beaucoup d’hommes vertueux ont confessé s’être sentis après ce mode de pénitence. Le septième et dernier remède est de haïr complètement le monde et sa vanité et de ne rien mettre dans ton esprit des paroles pécheresses et mondaines des hommes. C’est là le premier précepte que doit observer celui qui veut être ami de Dieu : devenir ennemi du monde. Parce qu’il est impossible de servir deux maîtres. «  Nul ne peut servir deux maîtres. » ( Matt 6 :24). Dieu est le comble de tous les biens, tandis que « le monde entier se trouve sous l’emprise du diable. » ( I Jean 5 :19). Si donc tu ne hais pas complètement le monde, c’est-à-dire le souci du monde, tu ne peux pas progresser dans la vertu, et tu ne peux pas non plus aimer le monde et aimer Dieu ensemble ni aimer l’argent et aimer le Christ. Après avoir évoqué par manière générale la façon de guérir les péchés de chaque sorte, nous allons par la suite examiner un à un séparément des huit péchés mortels. CHAPITRE VI. L’ORGUEIL. L’orgueil est la racine et la source de tout péché. Saint Grégoire le Dialogue l’appelle le roi de tous les péchés. Celui-ci, après avoir vaincu l’homme et emprisonné son cœur, le livre au pouvoir des démons pour qu’ils mettent à mort son âme. Saint Isidore, dit aussi qu’il fait disparaître toutes les vertus, parce qu’il les combat et les efface toutes. Mais parce que sa principale caractéristique est le mépris de la soumission, il est généralement dit l’ennemi et l’adversaire de l’humilité. Les degrés de l’orgueil sont au nombre de cinq. Le premier degré est atteint lorsque quelqu’un a des charismes et qu’il ne les rapporte pas à Dieu qui confère les dons, mais qu’il se les attribue à lui-même. Le deuxième degré se rencontre, lorsqu’on admet avoir reçu ces charismes de Dieu, non par miséricorde, mais parce qu’ils vous conviennent et que vous en êtes dignes. Au troisième degré, tu imagines avoir des charismes qu’en réalité tu n’as pas. Au quatrième degré, tu méprises les autres, et tu as la prétention qu’ils t’honorent comme si tu te trouvais au-dessus d’eux. Et au cinquième degré, tu méprises les saintes lois de l’Eglise et des Pères et tu ne t’y soumets pas. A ce dernier degré, l’orgueilleux pèche gravement parce qu’il est d’emblée impie envers le Seigneur, auquel convient tout honneur et toute gloire. Les branches et les filles de l’orgueil sont la fanfaronnade, la vanité, la vantardise, la curiosité, l’idiorythmie, l’insolence, le désespoir, la confession insincère, les vains prétextes, l’apostasie, le relâchement des mœurs, et, pour finir, l’habitude du péché, c’est-à-dire le continuel mépris des commandements de Dieu. Ces douze filles de l’orgueil alimentent et font beaucoup grandir leur mère ; c’est pourquoi il faut les haïr et les fuir. L’humilité est le signe des élus de Dieu, de ceux qui jouissent du royaume céleste, tandis que l’orgueil est ce qui fait reconnaître les damnés, ceux qui seront humiliés dans l’Hadès. Car «  celui qui s’élève sera humilié et celui qui s’humiliera sera exalté. » (Luc 14 :11). Plus tu t’enorgueillis, plus tu chasses la gloire, la louange et l’honneur, plus tu es un rien devant le Seigneur qui « s’oppose aux orgueilleux, tandis qu’il donne aux humbles sa Grâce ». ( Prov. 3 :34). L’humilité est la Grâce de toutes les grâces. L’orgueil est l’obstacle à tous les biens et la cause de toutes les chutes. Si donc tu veux vaincre dans la guerre contre le péché et les passions, érase d’abord l’orgueil, et alors ton salut deviendra beaucoup plus facile en ce qui concerne tout le reste. Pour guérir ton orgueil, Dieu permet que tu tombes dans beaucoup d’autres grands péchés, chose que n’aurait pas permise le Médecin des âmes, qui est toute sagesse, si ce péché n’avait pas été le pire de tous. Ainsi, quand le roi David s’exalta – comme le montrent ses paroles, «  Plongé dans les richesses matérielles, «  je disais dans ma tranquillité : Je ne chancellerai jamais ! » ( Ps 29 :7), le Seigneur, pour le guérir, le laissa tomber dans l’adultère et dans le meurtre. Et Saint Pierre s’enorgueillit, lorsque le Christ dit aux Apôtres que tous trahiraient sa confiance et se disperseraient, cependant qu’il affirmait avec confiance en lui : «  Quand tous trouveraient une occasion de chute, moi pas ! » ( Marc 14 :29). Pour cette vantardise, le Seigneur permit qu’il le reniât trois fois, en sorte qu’il s’humilie, qu’il pleure et qu’il se repente ( Marc 14 :66-72). Un si grand nombre d’ascètes du désert qui chassaient les démons des hommes, qui faisaient des signes et des prodiges, tombèrent également, par la permission divine, dans de lourds péchés, et même dans la luxure et dans le meurtre, comme nous le lisons dans les Gérondika, dans le livre Lausiaque, dans les Synaxaires et dans d’autres livres patristiques. Et il se peut aussi qu’adviennent souvent à l’homme des calomnies, des malheurs et des tourments, et même des maladies corporelles , pour le délivrer de l’arrogance. Ce témoignage de l’Apôtre Paul est clair : « Et pour que je ne sois pas enflé d’orgueil, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter, pour que je ne sois pas enflé d’orgueil. ( 2 Cor. 12 :7). Le fait, donc, que Dieu permette que de tels malheurs adviennent à l’homme pour briser la dureté opiniâtre de son orgueil, montre qu’il s’agit là de la plus grande, de la pire des passions. Et ce n’est pas seulement la pire, mais c’est aussi la plus solidement enracinée en nous. C’est pourquoi, quand au prix d’une dure lutte et, la Grâce de Dieu aidant, les vertus deviennent victorieuses des vices et chassent de l’âme tous les défauts, seul l’orgueil demeure insoumettable et insiste pour combattre l’homme jusqu’à sa mort. Si donc tu as mis à mort les autres passions, ne demeure pas tranquille ! L’orgueil, lui, n’a pas été tué. Prépare-toi à combattre durement contre lui. Combats-le et vainc-le. Parce que si tu es vaincu, tu n’auras rien mené à bien. Toutes les peines s’en seront allées en vain. C’est ce qu’a subi le Pharisien de la parabole, qui a réussi à obtenir de nombreuses vertus, mais qui, ayant une confiance orgueilleuse en sa piété, a été, le malheureux, condamné. (Luc 18 :9-14). Il est naturel que le doux et humble Seigneur justifie l’humilité et condamne l’orgueil, qu’il élève les humbles et humilie les orgueilleux. C’est ainsi qu’il humilia Adam, l’exilant du Paradis des délices ( Gen. 3 : 23-24). Il humilia le fanfaron Pharaon, le noyant avec toute son armée dans la mer Rouge ( Exode 14 : 26-28). Il humilia l’effrayant Goliath, le faisant mettre à mort par la main du faible petit David ( I Rois 17 :1-51). Il humilia les rois au cœur dur Saul et Roboam, les privant de leur royaume ( I Rois 28 : 16-19, 31 :1-13. 3 Rois 12 : 1-20). Il humilia l’arrogant général Olopherne, le faisant décapiter par la main d’une femme ( Judith 13 :1-10). Il humilia le roi Assyrien Sénnachérim, faisant mettre à mort cent quatre vingt cinq mille de ses hommes ( 2 Mac. 8 :19. 15 :22). Mais pourquoi ne parlerais-je que des hommes ? Les anges aussi, qui s’étaient enorgueillis, il les chassa du ciel et les condamna à l’enfer éternel. Mais si l’orgueil a fait des anges des démons, l’humilité rend l’homme divin. Garde-toi de toute pensée orgueilleuse qui t’attaque, car tu n’as aucune raison de l’accueillir. Depuis le jour où tu es né, tu portes en toi un penchant au péché. Toute ta vie s’écoule entre les problèmes et les tourments. Et ta mort encore est amère. Réfléchis que tu es terre et cendre ( Gen. 18-27). Songe à ta tombe peu avenante où vont finir ta gloire et ton orgueil. Songe au ver qui ronge et ne dort pas ( Marc 9 :48), à la ténèbre extérieure ( Matt 8-12), à la géhenne du feu ( Matt 5 :22), qui t’attendent après la mort, à cause de ton maudit orgueil. Mais pourquoi, en vérité, t’enorgueillis-tu, te vantes-tu et déprécie-tu les autres hommes, que tu t’imagines inférieurs à toi ? Est-ce pour ta sagesse, pour ta vertu ? Pour tes richesses ? Pour ta beauté ? Pour ta force ? Mais tout cela et tout ce que tu as d’autre ne sont que des bienfaits et des dons de Dieu, pour lesquels tu rendras compte au jour du Jugement. Plus tu as de charismes, et plus sévèrement tu seras jugé. Ainsi, si en cette vie tu es jugé digne d’avoir plus de biens que les autres hommes, biens matériels et spirituels, tu dois t’humilier davantage et avoir de la reconnaissance pour Dieu qui te les as accordés en tant que bienfaits. Seuls t’appartiennent tes péchés et tes chutes. Si tu veux t’en vanter, fais-le, et montre de cette façon que tu es insensé et ignorant. Mais, si tu es un homme raisonnable, tu verras ton indignité et comprendras ta misère, et tu seras humblement contrit. N’oublie pas non plus que l’orgueilleux n’est pas châtié seulement dans l’autre vie, mais que dès cette vie présente, il est haï par les hommes. Parce qu’il n’y a pas plus antipathique que lui. Mais lui-même n’est jamais tranquille. Il se met en peine pour attirer et concentrer sur lui l’attention et l’intérêt de tout le monde. Si on ne l’honore pas, il se trouble et s’afflige. Il se trouve souvent en proie à des rivalités et à des luttes avec ses semblables, qui se jalousent les uns les autres. Il cherche toujours plus de gloire. Il s’essouffle et sue, à monter difficultueusement les degrés qui montent au sommet de l’orgueil. Mais, plus il monte haut, plus pitoyable sera sa chute spirituelle – chute elle-même mortelle. L’humble, au contraire, tout le monde l’aime, si même il a d’autres défauts. Il vainc le mal par la patience, la colère par la douceur, l’orgueil par l’humilité. Dieu élève ceux qui s’humilient, non ceux qui désirent les grandeurs. Il éleva Jacob au-dessus d’Esaü (Gen. 27-28) ; Joseph au-dessus de ses frères ( Gen. 37-41) ; Anne, dont naquit le grand prophète Samuel, au-dessus de Phennana ( 1 Rois 1 :1-20) ; le publicain au-dessus du Pharisien ( Luc 18 :14) ; le pauvre Lazare au-dessus du riche ( Luc 16 : 19-31). Et par-dessus-tout, Dieu le Père éleva son Fils unique et Verbe, notre Seigneur Jésus Christ, qui s’humilia volontairement davantage que tout homme. Le Dieu immortel et tout-puissant accepta avec une extrême humilité de devenir homme, de naître dans une grotte, d’être emmaillotté dans une crèche d’animaux sans raison, de vivre dans la pauvreté et dans l’invisibilité, d’être méprisé, de laver les pieds de ses disciples, d’être outragé, d’être fouetté, et, pour finir, de supporter, quoique étant entièrement innocent, la mort martyrique sur la croix – et tout cela pour nous, pécheurs, qui sommes coupables, et pour notre salut et notre délivrance. Imite donc ton Seigneur ! Prends l’orgueil en haine ! Désire l’humilité ! Recherche la compagnie d’hommes obscurs et humbles et ne fais pas l’important. Recherche en toute chose la dernière place. Accomplis volontiers les travaux les plus vils. Ne dis jamais une parole ni ne fais jamais une action qui montrerait que tu vaux mieux que les autres. Dans ton vêtement, dans ta nourriture, dans toutes les nécessités du corps, fuis les excès et ce qui est recherché. N’aie que les choses indispensables. Et, par manière générale, autant que tu le peux, imite toujours le Seigneur, la Mère de Dieu et les Saints, qui vécurent avec une profonde humilité. Parce que, comme les arbres fruitiers, plus ils sont chargés de fruits, plus bas vers la terre inclinent leurs branches, ainsi aussi les fidèles serviteurs de Dieu, plus ils acquièrent de bienfaits et de dons de dieu, plus ils s’humilient, sachant que c’est là leur devoir, puisque le Seigneur a dit : «  Vous…quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. » ( Luc 17 :1à) ; Si la grandeur divine s’est inclinée autant, et « jusqu’à la mort » ( Philip. 2 :8), comment la faiblesse humaine ose-t-elle avoir des pensées orgueilleuses ? Abel nous a enseigné l’innocence ; Enoch, la pureté ; Noé, la grandeur d’âme et l’espérance ; Abraham, l’obéissance et l’hospitalité ; Jacob, la longanimité ; Joseph, la pureté ; Moïse, la douceur ; Job, la patience ; David, l’amour envers les ennemis ; Elie, le zèle divin ; et le Fils de Dieu, l’humilité : « Recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez du repos pour vos âmes. » ( Matt. 11 :29). Le Seigneur nous enseigne toutes les vertus, mais à celle-ci il nous incite davantage, car elle est le réceptacle qui permet de thésauriser toutes les autres. CHAPITRE VII. LA VANITE. La vanité est la première fille de l’orgueil, mais aussi la mère elle-même de beaucoup d’autres défauts. La vanité est le désir de la montre, ce qui est dire de montrer ou de se montrer, de faire paraître médiatement ou immédiatement ses vertus, qu’elles soient réelles ou imaginaires, de montrer sa valeur ou ses bonnes œuvres, dans le dessein d’acquérir la renommée, l’honneur, la gloire, les louanges et l’admiration. Si tu montres une de tes bonnes œuvres pour que le nom de Dieu soit glorifié, alors tu ne pèches pas. Parce que le Seigneur a dit : «  Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient votre Père qui est dans les cieux » ( Matt 5 :16). Et même dans un tel cas, il faut que tu fasses très attention, parce que derrière ton intention de faire en sorte que Dieu soit glorifié, se cache souvent la vanité, et de façon tellement insidieuse que tu ne le perçois pas. Ne tombent pas seuls dans le péché de la vanité ceux qui révèlent leurs bonnes actions, recherchant la louange et l’admiration. Y tombent aussi ceux qui se vantent. Les malheureux ! De quoi se vantent-ils ? De leurs péchés ! L’un parce qu’il a volé des animaux ou d’autres choses appartenant à son prochain, sans que celui-ci en eût eu conscience. Un autre parce qu’il a forniqué dans l’impureté. Et un troisième encore parce qu’il a tué un homme dont il avait la haine. Tout cela, ils le considèrent, les malheureux, comme autant de signes de virilité, de vaillance et de courage ! Dans la vanité tombent aussi ceux qui, par complaisance, transgressent la loi humaine ou divine. Tels sont les juges sans conscience qui, pour ne pas perdre la bienveillance de leurs chefs, rendent des sentences iniques. Les filles de la vanité sont au nombre de sept. La première est la vantardise, qui désigne cette façon fanfaronne de parler de soi, de ses richesses, de sa beauté, de sa science, de sa noble extraction, etc… La seconde est la vaine gloire prise à ses découvertes, qu’il s’agisse d’avoir trouvé et de présenter des nouvelles, des prototypes de méthodes et d’objets ( depuis les plus simples et les plus quotidiens comme les nourritures, les vêtements, les connaissances savantes), non pas seulement pour le bien des hommes, mais pour la gloire et la réputation. La troisième et l’hypocrisie, c’est-à-dire le fait de faire semblant d’être pieux et vertueux ou d’avoir d’autres charismes. C’est encore davantage un péché lorsqu’on fait cela par esprit de remontrance envers autrui. La quatrième est l’indocilité, c’est-à-dire l’entêtement et l’obstination. La cinquième est la mésentente, c’est-à-dire le désaccord. La sixième est la dispute. La septième, enfin, est la désobéissance. Note, également, que le diable tout maléfique a coutume, à chaque bonne action que tu fais, d’ouvrir trois fosses à tes côtés, s’escrimant à te jeter dans l’une d’elles. Tout d’abord, il te présente la tâche comme infaisable, en sorte que tu prennes peur et que tu ne commences pas même à t’y atteler. Si, cependant, tu t’y mets, il lutte contre toi en t’inspirant diverses pensées pour empoisonner ta bonne volonté, en sorte que tu ne fasses pas cette œuvre pour l’amour de Dieu ou de ton prochain, mais dans un autre but particulier, par exemple pour l’argent, pour ton intérêt ou pour la gloire. Et enfin, s’il ne parvient pas à te gruger avec les deux techniques précédentes, il essaie de te jeter dans une troisième fosse, c’est-à-dire dans l’éloge et dans la louange, pour que tu tombes dans la vanité, et qu’ainsi la vanité dissémine le fruit de ta bonne action. Avant que nous ne refermions ce chapitre, réfléchissons à une vérité amère, très amère. Des hommes réputés et célèbres sont passés par ce monde, dont le nom est demeuré dans l’histoire. Ils sont morts pourtant, comme tout un chacun ; et maintenant, ils se trouvent exposés au jugement de Dieu. Peut-être même – et c’est le plus probable- seront-ils condamnés à l’enfer éternel ; Et nous, nous les admirons, nous les louons, et les disons bienheureux, jalousant leur gloire. A quoi donc leur a servi la gloire terrestre ? Et en quoi leur âme a-t-elle été aidée ou secourue par la louange des hommes ? En rien. Il t’est donc utile, frère, de détourner ton regard de la gloire terrestre, pour le tourner vers la gloire céleste, de te détourner des choses éphémères pour te tourner vers ce qui est éternel ; de te détourner des hommes pour te tourner vers Dieu. Celui-ci t’a accordé cette brève vie dans un seul but : que tu puisses t’assurer la vie sans fin, qui est dans les cieux. Comment ? Par le combat spirituel, par l’éducation et la culture de ton âme, par la guerre contre le péché et les passions, par l’acquisition des vertus. Méprise donc la vaine gloire de ce monde égaré, et accomplis ces trois préceptes qui t’aideront à vaincre la vanité : 1) Quelque vertu que tu possèdes, et quelque bonne œuvre que tu accomplisses, cache -les, afin que les hommes n’en aient pas connaissance. 2) Quand quelqu’un te loue, toi, réfléchis à tes péchés, que lui ne connaît pas, afflige-t-en et sois-en profondément contrit. 3) Pour tout ce que tu as, songe toujours que tu le dois à Dieu ton bienfaiteur. Parce que « tout don excellent et tout cadeau parfait viennent d’en-haut, du Père des Lumières. » ( Jacques 1 :17). A lui seul, le dispensateur de tout bien, conviennent la louange, la gloire et l’action de grâces. Pour toi, quelque bien que tu fasses, il ne convient pas que tu sois gouverné par la vanité, ni que tu te vantes, car tout seul, sans son secours et sa Grâce, tu ne peux rien mener à bien. «  Si ce n’est le Seigneur qui bâtit la maison, en vain ont œuvré les bâtisseurs. » ( Ps 127-1). CHAPITRE HUIT. L’AVARICE. L’or, l’argent, les pierres précieuses et tout autre bien de valeur génèrent dans le cœur la curiosité et le désir de les voir. A leur vue s’insinue en nous le désir de les posséder. Ainsi, lorsque nous les prenons entre nos mains, nous tombons dans le filet de l’avarice qui cause la haine d’autrui, qui est un amour insensé de l’argent, de la matière, et un désir insatiable qui jette l’homme dans l’incitation à acquérir toujours plus d’argent. Celui qui aime l’argent devient avide et cupide, et il ne se satisfait jamais de ce qu’il a. Il est comme la mer en qui se déversent tant de fleuves et qui semble n’avoir jamais son compte d’eau. Il est comme le feu qui, quel que soit le bois que tu lui donnes, le dévore aussitôt. C’est très justement que le grand Paul dit que l’avarice est « la racine de tous les maux. » ( 1 Tim 6 :10) et que l’insatiabilité cupide est de l’idolâtrie. De fait, de tous les péchés, il n’en est pas de plus inhumain. Celui qui aime l’argent n’a pas d’amour pour autrui, il ne connaît pas sa famille ni n’a d’amitié pour personne ; il ne comprend pas ce que veulent dire la générosité, la compassion et la miséricorde. L’argent est son seul ami et son seul compagnon ; osons même dire qu’il est son Dieu. C’est pourquoi il n’a pas sa place dans le royaume céleste du vrai Dieu. N’espère jamais voir de bien venir de la part de l’avare. Sa tirelire en terre reçoit autant d’argent que tu y en jettes et, tant qu’elle est intacte, n’en redonne jamais à personne. Quand cependant tu la casses, alors elle te laisse tout, qu’il le veuille ou non. Ainsi est également l’avare. Tant qu’il vit, il ne fait qu’amasser et cacher son argent. Quand cependant il meurt, il laisse tout derrière lui et d’autres prennent l’argent que celui-ci, l’insensé, a amassé avec peine et sueur. Il n’y a pas d’homme plus pitoyable que l’avare. Les autres pécheurs peuvent être inutiles et nuisibles à eux-mêmes, mais souvent ils font du bien à leur prochain. L’avare se nuit à lui-même et il est mauvais envers les autres. De tous les pauvres, c’est lui le plus pauvre, car, quoi qu’il amasse, cela ne lui suffit pas. Mais, ce qu’il a, il ne s’en sert pas, car il est le serviteur et l’esclave de ses biens. Les pauvres sont plus ou moins privés de certains biens, mais l’avare ne se rassasierait pas même avec le monde entier. Eveillé, il est occupé à ses histoires d’argent. Endormi, il rêve de gains supplémentaires. Tous les pécheurs, même s’ils sont damnés dans l’autre vie, dans cette vie au moins profitent de quelque chose. L’avare, ni dans cette vie ni dans l’autre ne profite de rien. Il est indigne de la terre et du ciel, comme Judas, qui trahit et livra le Seigneur pour trente pièces d’argent et qui ensuite « alla se pendre » ( Matt 27 :5), « et il tomba le visage contre terre, son ventre se déchira et toutes ses entrailles se répandirent. » ( Actes 1 :18). Mon frère, lorsque tu ne désires pas des choses terrestres, ton cœur possède un calme et une paix inestimables. Quand cependant tu désires ces choses et qu’elles t’intéressent, tu es gouverné par l’intranquillité et la peur – l’intranquillité avant d’acquérir, de peur que ces biens ne t’échappent et peur lorsque tu as acquis, de crainte de les perdre. Ô toi l’avare, la courte durée de la vie accuse tes désirs désordonnés. C’est en vain que tu amasses des richesses, qui ne peuvent t’offrir aucune satisfaction véritable, aucun repos de l’âme et aucune consolation. Tu brûles en ce monde même dans les flammes de ton désir d’argent, tu brûleras éternellement dans l’autre monde aussi, dans les flammes de l’Enfer. Que gagnes-tu, malheureux, à amasser des trésors ? Tu t’en vas mourir et quitter ce monde demain – que dis-je demain ? C’est peut-être aujourd’hui que tu vas partir – et tu laisses toutes tes affaires ici à l’abandon. Rappelle-toi ce riche de l’Evangile qui se réjouissait de son confort et qui monologuait ainsi : «  Mon âme, tu as beaucoup de biens, qui te suffisent pour beaucoup d’années ; repose-toi, mange, bois, distrais-toi. » ( Luc 12 :19). Alors Dieu lui dit : «  Insensé, cette nuit même, ton âme te sera redemandée. Ces biens, donc, que tu as amassés, à qui iront-ils ? » ( Luc 12 :20). Il faudrait que les riches se rappellent toujours cette parabole, parce que la mémoire de la mort est un puissant remède contre l’avarice. Lorsque tu te rappelles le terme redoutable de la vie terrestre, tu méprises facilement les choses éphémères que tu as acquises au prix de tant d’injustices et d’iniquités. Puisqu’en mourant tu n’emporteras rien de tout cela avec toi, envoie-les dès maintenant aux pauvres qui passeront dans l’autre monde, pour les y trouver, et que ces biens te secourent lorsque tu y iras toi. Saint Basile le Grand, dans l’une de ses homélies contre les avares, écrit : «  La nourriture que tu manges, ô riche sans compassion, est celle de l’affamé. Le vêtement que tu portes est celui de l’indigent qui va nu. L’or que tu as est celui du pauvre. C’est pourquoi tu pèches gravement, lorsque tu gardes plus que tu n’as besoin, et que tu n’en donnes pas le surplus à ceux qui en ont besoin. » Et le bienheureux Augustin qualifie le riche de « poison de l’amour », parce qu’il empoisonne et met à mort l’amour pour Dieu et pour le prochain. L’avarice, dit Saint Grégoire le Dialogue, engendre sept autres maux. Le premier est l’absence de compassion, c’est-à-dire la dureté du cœur, qui te rend indifférent au malheur de ton prochain. Le deuxième est le trouble de l’esprit, qui se traduit par la crainte qu’a l’avare de perdre sa richesse et par son désir d’accroître sa fortune. Le troisième est la violence, c’est-à-dire le fait que l’avare ne recule pas même devant l’utilisation de moyens violents pour arracher ses biens à autrui. Le quatrième est le mensonge. Le cinquième est le parjure et le sixième la ruse, auxquels l’avare est souvent contraint de recourir, voulant satisfaire sa soif insensée d’argent. La septième, enfin, est la trahison, c’est-à-dire le fait de nuire à son bienfaiteur ou même de le mettre à mort – ce que fit précisément Judas à notre Seigneur. L’avarice, frère, est donc un grand mal, et un mal pourvoyeur de maux. C’est pourquoi, si tu es riche, fais de bonnes actions et n’amasse pas de richesses superflues. Parce que le Seigneur nous a enjoint : «  Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, où les vers et la rouille détruisent et où les voleurs percent et dérobent, mais amassez des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne détruisent, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. ( Matt.6 : 19-20). Mais si tu es pauvre et que tu désires t’enrichir – et cela est déjà de l’avarice- remercie plutôt Dieu de ta pauvreté. Parce qu’il est beaucoup plus facile au pauvre qu’au riche de progresser dans la vertu et de gagner le Paradis. CHAPITRE IX. LA LUXURE. L’Apôtre Paul dit : «  Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. » ( 1 Cor.3 :16-17). Tous les péchés souillent l’âme. Mais seule la luxure souille l’homme tout entier, corps et âme. Lorsque l’acte de procréation a pour but l’augmentation de la race humaine, en accord avec l’ordre divin et la bénédiction divine ( Gen 1 : 28), et lorsqu’il repose sur des fondements ecclésiaux, c’est-à-dire qu’il a lieu selon que le fixent l’Evangile, les saints canons et les préceptes des Saints Pères, il ne constitue pas une chute. Autrement, c’est un péché mortel, et l’une des passions les plus sauvages et les plus difficiles à combattre. La luxure, qui depuis ta jeunesse jusqu’à ta vieillesse ne cessera pas de te combattre, se vainc plus aisément lorsque tu fuis complètement l’acte et les lieux du péché. Ne plaisante pas en disant : «  je vais essayer une fois, et ensuite je vivrai dans la continence », parce que, surtout s’agissant de cette passion ci, la première chute n’est presque jamais la dernière, mais le commencement de la pente descendante. Il est avéré au contraire que celui qui n’a jamais goûté ce péché combat beaucoup plus facilement et vient mieux à bout de cette passion. Le désir charnel, frère, est comme un cheval sans mors, qui tombe dans les précipices et se blesse. La tempérance et l’abstinence sont le mors qui le retient. Celui qui ne veut pas sombrer, qu’il tienne solidement le mors et la bride sous son cou. Car celui qui tombera dans le gouffre de la luxure pourra malaisément en sortir, se tournera difficilement vers la pénitence et aura peine à lever les yeux vers le ciel. Son regard est toujours incliné vers la terre, comme celui des animaux sans raison, et il commet devant Dieu de telles indécences, qu’il n’oserait pas en parler haut. De ceux qui tombent sans repentance dans les péchés charnels, l’Apôtre Paul écrit qu’ils n’hériteront pas le royaume des cieux. «  Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les dépravés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les insulteurs, ni les accapareurs n’hériteront le royaume de Dieu. » (1 Cor.6 :9-10).Leur place est dans le feu éternel de l’Enfer, qu’ils choisissent déjà dès cette vie. Parce que la luxure est elle aussi un feu semblable à celui de la géhenne. Ses matières combustibles sont la gourmandise, l’amour de soi et l’inattention ; ses flammes sont l’indécence et le dévergondage ; sa cendre est l’impureté ; sa fumée est la honte ; et ses conséquences sont la perdition du corps, la transgression de la loi divine, la souillure de l’âme, la séparation d’avec Dieu. C’est pourquoi il est nécessaire que tu te trouves continuellement sur tes gardes et que tu observes la vigilance neptique, en sorte que la luxure ne te vainque pas. Et de même que tu fuis loin du feu pour qu’il ne te brûle pas, ainsi fuis la chair. Ne t’approche pas de lieux dangereux, sachant combien tu es faible. Il ne sied pas que tu aies confiance en toi, ,i que tu présumes trop de tes propres forces, ni que tu comptes sur la tempérance qui a été la tienne jusqu’ici, car beaucoup, et même de plus vertueux et de plus lutteurs que toi, qui avaient souvent réussi à vaincre et à être couronnés dans leurs combats, ont plus tard été vaincus lamentablement. Parce que, comme le feu amollit même le fer, ainsi la flamme de la luxure amollit même les hommes de fer. Il est impossible que tu ailles au moulin sans y moudre. Impossible que tu tiennes de la poix et qu’elle ne te colle pas aux mains. De même, il est impossible que tu fréquentes des hommes du monde, pécheurs et portés sur la chair, et que tu n’en sois pas souillé. C’est pourquoi ils sont peu nombreux, et bienheureux, ceux qui n’ont jamais payé fût-ce une obole au démon de la luxure, non seulement de corps et en acte, mais pas même en esprit ni de cœur. Parce que, comme l’a dit le Seigneur, «  quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. » ( Matt 5 :28). Ainsi, n’aie pas la curiosité de regarder de beaux visages ou de beaux corps, et n’approche pas une chair étrangère, pour ne pas exciter la passion qui vit en toi, ni toi non plus ne t’arrange pas et ne t’embellis pas, pour ne pas scandaliser d’autres âmes. Habille-toi toujours décemment et comporte-toi de même. Sois toujours occupé à un travail, pour que les pensées te fuient, surtout quand tu as à livrer un combat contre la chair. Garde aussi à l’esprit tout ce que tu vas lire ci-dessous et dispose de ces préceptes comme d’armes et de viatiques contre la passion de la luxure, dans le combat contre la chair, qui est la guerre la plus violente de toutes les guerres que nous livre l’ennemi. Tout d’abord, pour arme et remède fondamental, les sages Saints Pères nous ont transmis la garde scrupuleuse de tous les sens, et surtout du sens de la vue, parce que les yeux sont les conducteurs par où le poison mortel des plaisirs entre dans notre âme ; ce sont les portes, par où toutes les vanités de ce monde entrent en nous, souillent notre esprit et paralysent notre volonté. Et lorsque notre volonté est paralysée, notre cœur consent au mal, et nous décidons de le commettre. Du fait de voir vient le fait d’aimer, et de là l’acquiescement au péché, et de l’acquiescement, l’acte. Si tu n’avais pas regardé le visage ou l’objet aimé qui a suscité ton désir, rien du reste ne s’en serait ensuivi. Si nos ancêtres n‘avaient pas regardé le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ( Gen 2 : 17), ils n’auraient pas péché et n’auraient pas été exilés du Paradis. Si David n’avait pas regardé Bethsabée, il ne serait pas tombé dans l’adultère et dans le meurtre ( 2 Rois. 11 : 1-27). Et si Salomon n’avait pas regardé les belles idolâtres, il ne serait pas tombé dans une telle impiété. ‘ 3 Rois 11 : 1-8). Voilà où peut mener le regard impudent de celui qui ne sait pas garder ses yeux. C’est pourquoi le Seigneur en est venu à énoncer cette célèbre hyperbole didactique : «  Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le ; mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la géhenne. » (Marc 9 :47). Après la vue, il est besoin d’exercer la garde de l’ouïe, en sorte que tes oreilles n’entendent pas de musique ni de chansons qui allument la flamme charnelle, ni de paroles obscènes ni d’histoires excitant à la luxure. Le troisième sens, l’odorat, n’est pas aussi dangereux, mais il faut cependant aussi que tu en exerces la garde, parce qu’il est des parfums qui éveillent le désir. Le quatrième sens, le toucher, est encore plus dangereux que la vue. Il n’est pas possible que tu touches à la chair et que tu ne commettes pas tout entier l’acte charnel si un lieu propice s’adjoint à l’occasion. Quant au cinquième et dernier sens, le goût, pour qu’il n’alimente pas la guerre charnelle, il faut que tu le prives de beaucoup de nourriture et de beaucoup de boisson, et d’abord des condiments, des douceurs et des graisses. Autant le jeûne et la tempérance calment la chair enflammée, autant la gourmandise et l’ivresse l’aggravent. Ne sois donc pas aux petits soins avec ta chair, ne donne pas à ton palais et à ton ventre ce qu’ils te demandent, afin d’avoir la maîtrise sur eux au lieu d’être leur esclave. Saint Jean Climaque dit que celui qui veut vaincre l’esprit de luxure et qui en même temps se fait l’esclave de son ventre ressemble à un homme qui veut éteindre un incendie en jetant de l’huile sur le feu. Une autre façon de faire face à la guerre de la chair est d’éloigner immédiatement de l’esprit les pensées et les désirs mauvais. Une pensée t’a attaqué. Chasse-la sans retard. A peine t’en avises-tu, ne la laisse aucunement subsister dans ton esprit. Au même instant remplace-la par une autre pensée, bonne et spirituelle, qui t’inspire de la contrition. Parce que l’esprit ne peut jamais demeurer vide de pensées. Il songera toujours, soit à quelque chose de bon soit à quelque chose de mauvais. Quand donc tu te trouves dans la circonspection, en sorte qu’à chaque attaque de mauvaises pensées, tu les repousses immédiatement à l’aide de bonnes pensées, tu ne laisseras pas en toi de marge aux mauvaises pensées pour qu’elles agissent sur toi et soulèvent ta chair. Si en revanche tu les accueilles et que tu les gardes quelque temps, alors elles commencent à prendre racine et à s’étendre dans ton âme, en sorte qu’il devient difficile de les en chasser. C’est dire qu’il arrive ce qui advient avec le feu, que tu éteins très facilement s’il vient de se déclarer, mais que tu ne peux plus maîtriser lorsqu’il s’aggrave et prend à la forêt tout entière. Il arrive ce qui advient avec l’arbre, que tu déracines sans difficulté lorsqu’il est petit, et nouvellement planté, et que tu ne peux plus déraciner lorsqu’il a grandi. Il arrive la même chose encore que ce qui advient avec l’ennemi, auquel tu peux facilement t’opposer et que tu repousses lorsqu’il est à la porte, où l’espace est étroit, mais que tu peux difficilement battre lorsqu’il est entré chez toi, où il a toute sa liberté de mouvement. La pensée de la luxure est d’abord faible comme une mauvaise herbe que nous pouvons facilement arracher, lorsque le démon vient l’infiltrer dans notre cœur. Mais si nous l’accueillons volontiers, avec un sentiment de plaisir, et si nous la gardons en nous fût-ce un peu de temps, alors elle devient dure comme le fer, et il nous faut user de beaucoup de peine pour la vaincre. Si, par ta négligence et ton inattention, il advient que forcisse en notre esprit la mauvaise pensée, ne désespère pas cependant et ne jette pas les armes. Réfugie-toi immédiatement dans la prière, crie avec peine vers le Seigneur, cherche son secours avec larmes, et, comme les marins qui tombent dans une violente tempête et se trouvent lors en danger de mort, supplie Dieu de toute ton âme de ne pas permettre que tu sois noyé dans cette tempête. Dis des psaumes et des prières de l’Ecriture comme : « Ô Dieu viens me délivrer ! Seigneur hâte-toi de me secourir ! ( Ps 70 : 2-3), «  Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice ! Dans la détresse, tu me délivres. Fais-moi Grâce, écoute ma prière ! » ( Ps 4), « Prête l’oreille à mes paroles, Seigneur ! Entends mon gémissement ! Sois attentif à mon cri d’appel. » (Ps.5 :2-3), « Seigneur, écoute ma prière », (Ps 142), «  Notre Père qui es aux Cieux,..ne nous soumets pas à l’épreuve » ( Matt.6 :9-13), et autres versets semblables. Etudie et médite la passion immaculée de notre Seigneur Dieu et sa terrifiante mort sur la croix – Vois combien il a supporté pour mettre à mort le péché dans lequel te jette maintenant le diable tueur de l’homme. Supplie la Souveraine Mère de Dieu et tous les Saints de se hâter à ton secours. Et si se trouve non loin de toi ton père spirituel ou quelque autre homme vertueux, cours prendre ses conseils et recevoir de lui consolation. Lorsque te combat vivement la chair, fais attention que cette pensée ne t’égare pas, qui en a égaré beaucoup : «  Je ne supporte plus ce tourment. Je vais tomber, je vais commettre ce péché, et je serai en paix. » Non, mon frère ! Tout d’abord, tu ne serais pas tourmenté si, comme nous l’avons déjà dit, tu n’avais pas laissé la mauvaise pensée s’installer en toi. Si tu l’avais chassée dès le premier instant, tu aurais échappé à tout ce malheur. C’est donc ta faute, si tu es tourmenté. Mais maintenant la solution et la délivrance ne se trouvent pas dans le péché. Non, que cela n’advienne pas ! Si tu t’enfonces dans le péché, alors ce second mal sera bien pire que le premier. Parce qu’il faut que tu saches que ce péché, plus que tous les autres, est insatiable. Si tu le combats fermement et que tu ne tombes pas même une fois, petit à petit, la passion s’affaiblira. Si cependant, tu t’en moques, et que tu tombes, croyant qu’ainsi la pression intérieure se relâchera et que tu seras en paix, tu seras en fait encore plus mal. Parce qu’après la première fois, le démon t’enflammera de nouveau pour te faire tomber une deuxième fois. Une troisième, une quatrième, une cinquième fois suivront la deuxième fois. Chaque fois, tu diras que c’est la dernière, mais hélas, ce ne sera pas le cas. Parce qu’ainsi, peu à peu, tu t’habitues au péché, et avec le temps l’habitude devient une nécessité et une passion. Et alors, tu deviens pieds et poings liés esclave de la luxure. Lutte donc contre la luxure dès le commencement avec beaucoup de courage et de bonne volonté, mais aussi avec la force que te confèrera le Seigneur. Ainsi, tu affaibliras rapidement et aisément cette passion, en sorte que tu auras honte du diable et que tu glorifieras Dieu, que tu seras en paix, et que les Saints Anges, pleins de joie, viendront te servir, comme ils servirent le Seigneur quand il vainquit le démon. (Matt.4 :11). Si, au contraire, tu es vaincu et que tu tombes, le plaisir du péché passera et se perdra aussi vite que l’éclair, mais l’amertume qu’il laisse dans l’âme et le remords de la conscience te tourmenteront de façon pire que ne faisait précédemment le combat de la chair. Un autre puissant remède, qui est également une arme contre la luxure est, comme nous l’avons déjà dit, la mémoire de la mort. Si tu réfléchis que dans peu de temps peut-être tu ne seras plus en vie, comme sera peut-être également morte la personne qui provoque en toi le désir charnel, si tu considères mentalement et ton corps et l’autre corps mort, puant, à demi dévoré par les vers, comment ne seras-tu pas dégoûté d’une telle chair ? Comment ta pensée ne se détournera-t-elle pas de ce qui est présent et éphémère pour se tourner vers l’avenir et l’éternel ? Mais si le combat qui enflamme ta chair est si grand qu’aucun des remèdes ni des armes que nous avons mentionnés n’est capable de t’arrêter dans ta chute, alors, n’hésite pas à éprouver aussi ce remède, le plus cuisant et le plus brûlant de tous, au moyen duquel bien des saints ont dompté et humilié la flamme de leur esprit de luxure sauvage qui ne voulait pas céder. Lequel ? La douleur corporelle. Comme nous le lisons dans les synaxaires et dans les vies des hommes vertueux, quand ils ne pouvaient pas contenir leur excitation d’autre sorte, ils avaient recours à ce dernier moyen. L’un se donnait des coups de bâton sur le corps, jusqu’à en être meurtri de bleus ; Un autre s’asseyait demi-nu au bord d’un marais, jusqu’à ce qu’il devienne tout rouge, dévoré et enflé de douloureuses piqûres d’insectes. Un autre, en plein hiver, ôtait ses vêtements et s’allongeait dans la neige. Un autre plongeait dans l’eau glacée. Saint Benoît ( 14 mars), comme le rapporte son biographe, se roula nu dans les épines, dont il sortit déchiré, ensanglanté et méconnaissable. Mais ainsi du moins il vainquit la chair. Saint Martin ( 13 février), quand il fut contraint une nuit d’héberger dans son ermitage une femme impudique et qu’il fut combattu par le démon de la luxure, alluma un grand feu et sauta dedans, disant avec larmes : «  Si tu peux, malheureux, supporter cette flamme un peu de temps, alors tu la supporteras aussi pour l’éternité. » La femme, à cette vue, se prit à trembler et entreprit de le supplier en ces termes : «  Saint de Dieu, ne te mets pas à mort injustement à cause de moi ! » Alors le Saint se leva et s’en fut au loin, tandis que la femme demeurait seule dans sa cellule. Et il fut sauvé. Dans l’Evergétinos, nous lisons aussi qu’une femme pitoyable, qui n’avait pas la crainte de Dieu, se rendit à la cellule d’un ascète, dans le dessein de l’entraîner dans le péché. L’ascète la fit entrer à l’intérieur, parce qu’il faisait nuit et qu’il craignait qu’elle ne fût dévorée par les bêtes sauvages. Mais, se trouvant dominé par le désir charnel, il manqua de peu de tomber dans la luxure. Que fit-il alors ? Il mit un de ses doigts sur la flamme de la lampe et l’y tint jusqu’à ce qu’il fût brûlé. Le feu charnel cependant ne le quittait pas, en dépit de ses horribles souffrances, ce qui fit que le noble homme de Dieu mit encore un deuxième doigt sur la flamme de la lampe. Il se brûla ainsi un à un tous les doigts. La femme qui dans un coin l’observait à la dérobée, le voyant se brûler tous les doigts l’un après l’autre, fut prise d’une telle peur qu’elle rendit l’âme. Le matin, ce Saint ascète la trouva morte, et, par sa prière, il la ressuscita. Fais, toi aussi, de même, si le cœur t’en dit ! Mets seulement un de tes doigts dans la flamme, et si tu peux le supporter, tombe dans le péché. Mais si tu ne supportes pas la brûlure du cierge, fût-ce sur le bout de ton doigt, comment supporteras-tu la flamme dévorante de l’Enfer sans fin ? Lutte, donc. Combats la chair. Chasse les mauvaises pensées. Applique tout ce que tu viens de lire ici. Deviens un imitateur de l’Apôtre Paul, qui, par de dures ascèses, maltraita et asservit son corps ( I Cor.9 :27). Ainsi, par la Grâce de Dieu, qui toujours court aux côtés des lutteurs de bonne volonté, tu vaincras. CHAPITRE X. LA COLERE ET L’ORGUEIL. La colère peut-être bonne ou mauvaise. La colère est bonne uniquement lorsqu’elle se déclare extérieurement, sans passion intérieure, et pour des raisons pédagogiques. Il s’agit d’une colère que l’on observe souvent chez les parents, les enseignants, les chefs, les pères spirituels et autres personnalités responsables, dont le dessein est de mettre un terme aux sottises, de redresser les erreurs, de vaincre les passions. Saint Jean Chrysostome dit dans une homélie que celui qui ne se met pas en colère quand il le faut pèche. Car le laxisme déraisonnable et l’excès de longanimité provoque des torts, produit des maux, nourrit la négligence et entraîne au mal les vertueux eux-mêmes. Une colère mauvaise est intempestive, infondée, passionnée et excessive. Il ne faut pas semettre en colère sans cause, et, pis encore, se mettre gravement en colère, ni en éprouver de trouble intérieur, ni se fâcher davantage que ne l’imposent les circonstances. Pareille colère est un péché, parce qu’elle dépasse les bornes qu’impose le but moral recherché. La colère génère aussi d’autres péchés, comme la fureur, la dispute, la vengeance, le blasphème, les injures, les malédictions, etc… Celui qui est coléreux et veut être délivré de cette passion peut lire tout ce que nous avons écrit plus haut sur l’orgueil, parce que l’orgueil est la mère de la colère. Les hommes orgueilleux sont habituellement aussi coléreux. Ils se courroucent au moindre prétexte. Si donc ils deviennent humbles, automatiquement ils vainquent aussi la colère. L’on peut lire de plus les conseils spirituels qui suivent. Tout d’abord, il faut que tu saches que celui qui t’a injurié ou qui t’a nui s’est plus lésé lui-même qu’il ne t’a fait de tort. Et si toi, à ton tour, tu te mets en colère contre lui, c’est toi-même que tu lèses et non lui. Parce que, comme le dit le grand Chrysostome, nul ne peut te nuire si tu ne te nuis pas à toi-même. N’impute pas la faute à ceux qui t’affligent et ne veuille pas leur mal, parce que tous – bons et mauvais, vertueux et pécheurs- nous sommes frères et membres de notre Seigneur Jésus Christ ( I Cor 6 :15. Ephes. 5 :30). Trouves-tu raisonnable, si ta main frappe ta jambe- chose qui arrive souvent par inattention- de prendre toi aussi une pierre et de te frapper la main ? Une telle chose ne serait-elle pas insensée ? De même, il est sot et inintelligent celui qui agit ainsi avec son frère. Lorsque tu comprends que la colère commence à t’envahir, combats fermement contre elle, et ne la laisse pas te vaincre. Ne prononce alors aucune parole, et fuis loin de celui qui t’a fait du tort et occupe-toi à quelque chose d’autre, jusqu’à ce que s’éteigne la flamme de ta colère et que tu te calmes. Et ce que la colère te pousse à faire au moment où tu t’enflammes, ne le fais pas. Laisse le temps s’écouler, attends jusqu’à ce que tu t’apaises, et dès lors examine avec sang-froid la question, et cherche comment tu peux faire pour ne nuire ni à ton âme ni à ton corps. Beaucoup, dans leur colère, ont commis des actes qu’ils ont ensuite regrettés amèrement. Si tu fais ainsi dans toutes les circonstances, peu à peu tu seras délivré de cette passion redoutable. Parce que, comme disait l’Abba Zosime, l’on commence à contenir sa colère lorsqu’on ne dit rien même si on est troublé. Et cela suffit, pour qu’avec la Grâce de Dieu, l’on en vienne à n’être plus troublé du tout. Tout ce que nous avons dit jusqu’ici concerne la colère qui t’atteint par ta faute. Mais que feras-tu quand un autre est en colère contre toi et t’injurie ? Dans ce cas-là, ou bien fuis loin de lui jusqu’à ce que ta colère s’évapore, ou, si la situation ne te permet pas de t’en aller, calme-le par des paroles humbles et douces. L’humilité et les paroles douces éteignent la colère, tandis que la sauvagerie et la violence l’alimentent. Mais si tu ne peux choisir aucune de ces deux solutions, du moins, lorsque tu vois l’autre en colère, tais-toi et prie le Seigneur pour lui. Parce que c’est davantage de l’héroïsme, et bien plus admirable est le fait de céder en silence devant la colère, plutôt que de te mettre toi aussi à attaquer l’autre avec le même élan. Bien des fois ta colère n’est pas due à autrui, mais à des malheurs et à des afflictions que tu rencontres dans cette vie. Il faut cependant que tu te souviennes toujours que le très sage et très bon Seigneur permet les afflictions, contre lesquelles tu te fâches aussi irrationnellement, pour que ton âme en reçoives du secours, pour que tu en hérites une culture spirituelle, pour que tu mènes l’ascèse de la patience et de l’humilité, pour effacer tes passions et tes péchés. C’est pourquoi tu n’as pas d’autre ressource que de montrer de l’endurance, remerciant et glorifiant Dieu car tout ce qu’il fait est dans ton intérêt. C’est ainsi que beaucoup de justes ont affronté les épreuves, eux qui ont été plus tourmentés et plus mortifiés que toi. Rappelle-toi Job, qui fut si éprouvé, qui subit tant de malheurs, et de la bouche duquel ne sortit aucun gémissement, tout comme son cœur n’en recélait aucun. Il disait seulement : «  Comme il a paru agréable au Seigneur, ainsi il est advenu ; que s oit glorifié à toujours le nom du Seigneur ( Job 1 :21). Rappelle-toi le prophète Moïse – combien il eut à subir du peuple ingrat des Hébreux, et quelle grande longanimité il montra. Rappelle-toi le roi David – quelles persécutions et quelles infamies il supporta sans se mettre en colère et sans chercher à se venger. Rappelle-toi aussi les Saints Apôtres – avec quelle patience ils supportèrent les coups de verges que leur imposa l’inique sanhédrin. Et même, comme l’écrit l’Evangéliste Luc, «  ils se retirèrent de devant le sanhédrin, joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le nom du Seigneur. » ( Actes 5 :41). Rappelle-toi enfin aussi les Saints Martyrs qui ont versé leur sang avec la même joie et la même allégresse et ont offert leur vie en sacrifice pour l’amour du Christ. Imite-les tous, supportant avec endurance toi aussi les afflictions, en sorte que leur exemple devienne une occasion de salut. Ne hais pas l’homme mais hais la colère, parce qu’elle te fait oublier Dieu et aller contre les lois de ta conscience. La colère enténèbre l’esprit, trouble le cœur, perturbe la raison, empêche le travail du jugement, et enlève à l’homme le bien le plus précieux de ce monde, lequel consiste en la paix avec soi et avec ses comparses. Ainsi, plus quelqu’un se met souvent en colère, plus il rend sa vie malheureuse et plein d’afflictions. Toutes ses œuvres et tous ses plans – familiaux, professionnels, sociaux- sont empoisonnés par la colère. Comme un pilleur de butin, dès qu’il entre dans une maison de riches, court pour arracher ce qu’il peut prendre au passage, ainsi le démon essaie d’allumer la colère dans ton cœur, pour entrer en toi et te voler ce qu’il y trouve de bien. La colère est comme de la poussière avec laquelle le malin nous aveugle et nous jette dans différents péchés. Et la douceur est l’épée qui coupe cette corde d’autant plus facilement que tu l’as aiguisée sur la pierre, c’est-à-dire sur le Christ très doux et très humble. La douceur rend l’homme pacificateur et intelligent, en sorte, comme un véritable Chrétien, qu’il ne regarde pas le mal qu’on lui fait ni ceux qui lui nuisent, mais qu’il regarde ce qu’il fera lui-même, en tant que disciple, sectateur et imitateur de notre Seigneur, Dieu d’amour et de paix. Chaque matin, donc, dès que tu te lèves, prends la décision de recevoir avec joie et de supporter avec calme quelque affliction ou épreuve que tu pourras rencontrer durant la journée, sachant que c’est le Seigneur ami de l’homme qui te l’envoie, pour préparer ta béatitude éternelle. CHAPITRE XI. LA GOURMANDISE. La gourmandise est un défaut, une passion, qui nous incite à manger et à boire plus que notre corps n’en a besoin pour se conserver. Les Saints Pères, et surtout Saint Jean Chrysostome, disent qu’il s’agit d’un grave péché, comme cela est manifesté par l’histoire de la race humaine : C’est elle qui a fait exiler Adam du Paradis, c’est elle qui a provoqué le grand cataclysme, c’est elle qui a rendu les Israélites idolâtres, c’est elle qui a jeté les hommes dans des milliers d’autres maux. La gourmandise est la porte par laquelle entrent maintes passions et péchés, dont premièrement la luxure, comme nous l’avons écrit dans le chapitre qui en traitait. Celui donc, qui vainc la gourmandise, vaincra très facilement par la suite les autres passions que celle-ci nourrit. Nous tombons ordinairement dans la gourmandise de cinq façons, c’est-à-dire, premièrement, en fonction du temps quand nous mangeons plus souvent que ce qu’il faut ou plus tôt qu’à l’heure prescrite, secondement, selon la quantité, lorsque nous mangeons et buvons plus que nous n’en avons besoin, troisièmement en qualité, lorsque nous voulons des mets chers et recherchés, quatrièmement par la manière, lorsque nous mangeons avec boulimie ; et par le soin que nous en prenons, lorsque nous gâchons une grande partie du temps précieux de notre vie à des soucis et des occupations gastronomiques. La gourmandise est toujours un péché, mais pas un péché mortel, lorsque tu préfères aux nourritures simples les plus délicieuses et les mets les plus recherchés ou que tu n’observes pas avec une précision absolue le canon des repas fixés ou que tu manges occasionnellement un peu plus que tu n’en as besoin. Cela devient cependant un péché mortel quand premièrement cela cause du dommage à autrui et provoque un scandale à ses yeux, secondement lorsque tu sais que tu vas en subir quelque dommage ( par exemple une grave maladie) et que tu ne te maîtrises pas, troisièmement lorsque tu dépenses beaucoup d’argent pour manger des mets luxueux, au moment même où ton prochain est privé du nécessaire, et que tu ne lui fais pas l’aumône, quatrièmement lorsque sans être empêché par quelque maladie, tu n’observes pas les jeûnes fixés par notre Eglise. Tous ces péchés- là sont des péchés mortels. Mais si même cela n’en était pas, il faudrait que nous combattions la gourmandise, car elle nous nuit aussi corporellement. Il est connu que ceux qui sont esclaves de leur ventre et les ivrognes ruinent leur santé, détruisent leur organisme et ont une fin pitoyable. Au contraire, les jeûneurs ont jusque dans leur vieillesse une bonne santé, et sont pleins de vie et vigoureux. D’une plus grande valeur, certes, que la santé du corps est la santé de l’âme, à laquelle la gourmandise nuit également, puisque, comme nous l’avons dit, d’elles naissent beaucoup d’autres passions. Pour être délivré de ce défaut, sois donc attentif à tout ce que tu vas lire infra. Tout d’abord, n’oublie pas quel surplus de poids représentent et combien de trouble provoquent dans l’estomac les nourritures en excédent, surtout lorsqu’elles sont en sauce, et combien courte au contraire est leur jouissance, qui ne dure qu’autant de temps que tu les as dans la bouche. A peine ont-elles passé la gorge qu’il ne reste plus de trace du fait qu’elles étaient délicieuses et qu’elles t’ont causé du plaisir. Dis-moi : De tant de festins et de tables de fête auxquelles tu t’es trouvé, de toutes les friandises dont tu as goûtées, de tous les vins doux que tu as essayés, que t’est-il resté ? Assurément rien. Que tu les aies mangées, ces nourritures, ou que tu ne les aies pas mangées, c’est à cette heure la même chose. C’est pourquoi, quand la pensée et le désir te poussent à la gourmandise, moque- t –en en recourant à la pensée que tu as déjà mangé et déjà bu, et que tu en as déjà eu la jouissance. Et, de fait, si ce soir tu jouis de diverses boissons et mets délicieux, et qu’un pauvre ou un ascète passe devant toi, n’ayant que du pain et de l’eau, dis-moi, demain matin sentirez-vous la moindre différence pour ce qui est de la sensation du goût ? Non, me répondras-tu. Et c’est juste. Vous éprouverez cependant une différence pour ce qui est de l’état de votre âme, parce que toi tu auras non seulement l’estomac lourd à cause des plats épicés et des boissons que tu auras ingérées, mais tu auras aussi l’âme lourde à cause de ton état d’ivresse, tandis que lui aura l’estomac léger et que son âme se trouvera aidée de ce qu’elle aura reçu le salaire de la pauvreté et de l’ascèse. Ensuite, rappelle-toi toujours les torts que te cause cette passion, le gâchis, la peine, la perte de temps, les maladies, la paresse dans les œuvres spirituelles, et par-dessus tout la faim et la soif éternelle qui t’attend après ta mort corporelle dans l’autre vie. Parce que le Seigneur l’a dit clairement : «  Malheur à vous qui maintenant êtes rassasiés, parce que vous aurez faim. » ( Luc 6 :25). Rappelle-toi encore le grand festin dont a parlé le Christ ( Luc 14 :16-24) et auquel nous sommes tous appelés. Si tu désires jouir de ce repas céleste délectable et trois fois béni, qui durera éternellement, entraîne-toi maintenant à la tempérance, qui t’assurera les conditions requises pour y participer. Car, de fait, « il est bienheureux celui qui prendra part à la table du royaume de Dieu. » ( Luc 14 :15). Souviens-toi, enfin, du modèle de notre Sauveur, qui jeûna dans le désert quarante jours et qui ensuite couvrit le diable de honte. ( Matt 4 : 1-11), comme aussi de tant de Saints et d’ascètes, qui, comme nous le lisons dans les synaxaires, ont fait des miracles stupéfiants et ont chassé de gens leurs démons, grâce à leur prière et à leur jeûne. Cela, du reste, le Seigneur nous en a donné l’assurance, disant que l’engeance des démons «  ne peut être chassée que par la prière et le jeûne » ( Matt. 17 :21). Il faut, cependant, que tu saches aussi cela, que celui qui jeûne et se prive de nourriture et de boisson en murmurant et en se plaignant, perd son salaire. Celui qui œuvre vraiment à la tempérance est joyeux, empressé, et tout allégresse, parce qu’il sait combien le jeûne lui est profitable. Mais celui qui jeûne pour plaire aux hommes, ne remplit pas le but de la tempérance, qui est d’œuvrer pour la gloire de Dieu. Plus que l’excès de nourriture, redoute l’excès de boisson, parce que le vin, l’alcool fort de raki et toutes les boissons semblables troublent l’esprit et éveillent les passions charnelles. Quand quelqu’un même en arrive à boire au point de s’enivrer, il perd le contrôle de ses actes, il devient un jouet entre les mains des hommes et des démons, et il peut arriver involontairement jusqu’au crime. C’est pourquoi il faut que se gardent de la boisson tous ceux qui désirent le salut de l’âme, et surtout les jeunes, les prêtres et les moines. La chair, frère, est un ennemi rusé et malin. Plus tu la nourris et prends soin d’elle, plus elle te combat et te pousse dans le péché. Plus tu la laisses à jeun et plus tu la malmènes, et plus elle s’affaiblit et elle cède. Si donc tu veux te la soumettre en esprit, combats-la avec la tempérance, mère des vertus et de la sainteté. CHAPITRE XII LA JALOUSIE. La jalousie est un chagrin et une amertume pour l’avantage, le progrès ou les biens du prochain. Mais, dans le sens contraire, la jalousie est également une joie pour le malheur du prochain. L’ancien philosophe Aristote dit que deux types d’hommes sont asservis à la passion de la jalousie, premièrement les ambitieux, parce qu’ils ne supportent pas que d’autres les surpassent en réputation, en gloire, en richesse etc…et secondement les pusillanimes et les incapables, ârce que, quelques biens qu’ils aient, ceux des autres leur paraissent toujours meilleurs et plus enviables. La jalousie est, naturellement, un grave péché, parce qu’elle combat l’amour, dont l’indice est qu’il participe à la joie de ceux qui se réjouissent et au chagrin de ceux qui sont dans l’affliction. ( Rom 12 :15). Bien souvent, il arrive que nous ressentions de l’amertume, non parce que le voisin a des biens, mais parce que nous n’en avons pas autant que lui. Ce qui est dire que le bonheur du prochain nous emplit d’amertume, quand nous le comparons avec notre propre malheur, sans toutefois que nous lui voulions dumal. C’est ce qu’on appelle éprouver de l’envie envers son prochain ; Ce n’est pas à proprement parler de la jalousie, mais c’est une expression moins grave de la même passion et un péché plus léger. L’envie pour les choses spirituelles n’est pas un péché. C’est-à-dire que quand nous voyons notre voisin être compatissant, doux, humble, plein de compassion et,par manière générale vertueux, il est bon que nous soyons jaloux de ses vertus et que nous l’imitions. «  Désirez avec zèle les charismes du Saint Esprit », dit l’Apôtre Paul ( I Cor 14 :1). Et ailleurs, il écrit : «  Je suis jaloux à votre sujet d’une jalousie de Dieu. »(2 Cor 11 :2). Une telle jalousie est louable et profitable. Quand cependant tu t’attristes et tu es dans l’amertume pour les biens terrestres et éphémères que possèdent et détiennent d’autres hommes, que tu jalouses pour cette raison, alors tu pèches. Parce que ce que fait et que permet le Seigneur, il faut que nous le considérions comme juste et bon. Car Il a tout fait avec sagesse ( Ps 104 :24), et ni notre pauvre esprit ni notre entendement limité ne peuvent suffire à comprendre tout ce que son infinie sagesse a disposé dans son économie. «  Parce que tes jugements divins sont insondables comme les profondeurs des océans. » 5 Ps 36 :7). Dans le Gérondiko, l’on rapporte qu’un jour le Grand Antoine voulut connaître les profondeurs des jugements de Dieu et qu’il priait, disant : « Seigneur, comment se fait-il que les uns meurent jeunes et que les autres arrivent jusqu’à une vieillesse avancée ? Et pourquoi les uns vivent-ils dans la pauvreté, tandis que d’autres ont d’immenses richesses ? Et comment se fait-il que les iniques s’enrichissent, tandis que les justes sont privés parfois du nécessaire ? » Alors le Saint entendit une voix lui dire : «  Antoine, occupe-toi de toi-même et de rien d’autre. Parce que ce sur quoi tu m’interroges sont les jugements de Dieu, et il n’est pas utile que tu les saches. » Ainsi donc, nous non plus, ne nous scandalisons pas des biens du prochain et ne le jalousons pas pour cela, mais soumettons-nous humblement aux volontés et aux jugements de Dieu, qui ont toujours pour but notre intérêt et notre salut. Cette jalousie génère cinq autres péchés. Le premier est la haine, qui peut conduire l’homme jaloux jusqu’au meurtre. Le second est la médisance et le troisième la condamnation, parce que le jaloux cherche toujours à condamner, à calomnier, et à diminuer celui qu’il jalouse et ses actes. Le quatrième est la joie mauvaise, c’est-à-dire le fait de se réjouir des malheurs de l’autre ; et le cinquième est la dépression qui domine le jaloux et le dévore comme la rouille ronge le fer. Chasse donc, mon frère, la jalousie loin de toi, elle qui depuis le commencement du monde a provoqué la mort. C’est du fait de leur jalousie que le diable a entraîné les ancêtres dans la désobéissance et dans la chute, introduisant ainsi la mort dans le genre humain. ( Gen 3 : 1-7). C’est par jalousie que ses frères voulurent tuer Joseph ( Gen 37 : 5-24). Pour ne pas allonger ce discours, souvenons-nous seulement de cela : la jalousie des Juifs ingrats a crucifié Jésus-Christ même, le Seigneur des anges, notre Créateur, Sauveur et Bienfaiteur. La jalousie est comme une bête sauvage, qui ne nuit pas seulement aux autres, mais aussi au jaloux lui-même. Celui-ci tout d’abord est tourmenté. Il se consume et il souffre dans son corps et dans son âme. «  O jalousie, racine de la mort ! » s’écrie Saint Chrysostome. « O jalousie, maladie complexe ! Feu qui ne s’éteint pas ! Clou pointu enfoncé dans le cœur ! Quel clou, en vérité, blesse-t-il et fait-il aussi mal que la jalousie blesse le cœur du jaloux ? » De fait, la jalousie ôte à l’homme sa paix intérieure, le bouleverse, le trouble, le remplit d’affliction et de chagrin, le rend autre. Quand, pire, la jalousie est très grande et gouverne l’homme, alors elle le change aussi extérieurement. Il pâlit, il maigrit, il se flétrit, il se consume. Comme les mites mangent les habits et les ravage, ainsi la jalousie dévore le jaloux. Si tu veux, donc, être délivré de tout cela, si tu veux ne pas être privé de la Grâce de Dieu, qui abandonne les jaloux, combats et vainc la jalousie par l’amour. Lorsque tu as de l’amour, non seulement tu ne t’affliges pas de la joie de ton prochain, mais tu ressens, toi aussi, la même joie, et, dans le même temps, tu fais du bien à ton âme, parce que le Seigneur te rendra le salaire de ton amour. Saint Chrysostome dit encore que la vertu de l’amour est grande et admirable à cause de cela précisément que sans priver personne de rien, il vole tout à tous et fait tout sien, puisqu’il ressent la même joie et la même jouissance que ceux qui ont ces choses. N’oublie pas que nous sommes tous frères, autant naturellement – puisque nous avons pour ancêtres communs Adam et Eve – que spirituellement, car nous avons été délivrés par le sang vénérable de notre Démiurge et Sauveur. Tous, nous croyons en le même Dieu Trinitaire, tous nous avons reçu le même baptême, tous nous espérons dans le même royaume céleste, où la béatitude de l’un est commune à tous. Il ne faut donc pas que la jalousie ait aucune place parmi nous, mais au contraire il faut que la joie de l’un soit la joie de tous et que l’affliction de l’un soit l’affliction de tous. S’il te paraît étrange ou difficile d’aimer quelqu’un qui ne t’a fait aucun bien, réfléchis que toi non plus tu n’as rien fait de bien pour notre Seigneur Jésus, et qu’au contraire même tu l’as affligé jusqu’à maintenant avec tes péchés sans nombre, bien que Celui-ci, le longanime, soit venu sur terre et se soit sacrifié pour l’amour de toi, et jusqu’à aujourd’hui te comble de bienfaits de mille manières. Et de toi, il ne demande rien en échange, si ce n’est que tu aimes ton prochain. Enfin, aie toujours à l’esprit ce canon d’or : Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. ( Matt 7 :12). Ce que tu ne veux pas que les autres te fassent, ne le leur fait pas toi non plus. Puis donc que tu ne veux pas que ton prochain te fasse du mal, ne lui en fais pas toi non plus. Puis donc que tu ne veux pas que ton prochain s’afflige de ton bonheur ou de ton progrès spirituel, ne t’afflige pas non plus du sien. Il n’est rien de plus logique que cela. Si tu ne te représentes pas les choses ainsi, tu n’es pas seulement un transgresseur de la loi divine, mais tu es en outre sans intelligence ni sens commun. Oui, un jaloux a véritablement perdu la raison parce qu’aveuglé par sa passion, il en arrive à se nuire à lui-même, comme cela apparaît dans l’histoire caractéristique qui va suivre, que racontaient les Anciens : Il y avait, dit-on, un roi qui voulait éprouver un cupide et un jaloux. Il les fit donc venir devant lui et leur dit : «  Je veux vous faire un cadeau. Que l’un de vous me demande ce qu’il désire, en sachant cependant que je donnerai le double à l’autre. » Comme tous deux se trouvaient dans l’embarras et qu’aucun n’osait demander le premier, le roi demande au jaloux : «  Dis-moi ce que tu veux. » Le jaloux réfléchit un moment ; après quoi, il répondit : «  Je veux que tu m’enlèves un œil. » Vois-tu le mal qu’il se fit et combien il était insensé ? Il ne demanda nullement un cadeau, pour que l’autre n’en reçoive pas un qui fût deux fois mieux. Le malheureux préféra perdre un œil, pour que l’autre soit privé des deux ! Toi, frère, qui veux assurément ton intérêt, cherche à ne jamais faire de mal à quelqu’un contre lequel le démon t’inspire de la haine. Au contraire, pour combattre cette passion qui tue l’âme, prie Dieu sans cesse pour celui que tu hais, honore-le, loue-le devant les autres, sers-le et fais lui du bien, fût-ce en te forçant et à contre cœur ! Te forçant ainsi toi-même, tu seras digne peu à peu d’effacer la haine de ton cœur, avec la Grâce et le secours du Seigneur, qui te tiendra en honneur et te récompensera pour ta bonne volonté. CHAPITRE XIII L’ACEDIE L’acédie est le manque de zèle et le manque d’envie de faire quoi que ce soit qui gouverne l’homme qui y tombe, faisant qu’il n’ait pas de cœur à l’ouvrage, qu’il soit négligent, et indifférent à tout travail spirituel que ce soit. C’est encore là l’un des péchés mortels, cause de maux effrayants. L’acédie provoque une sorte de paralysie de l’esprit et de l’âme, les faisant hésiter à accomplir les préceptes divins, et insufflant tout d’abord le dégoût de la prière et de la psalmodie. De cette mère de la transgression naissent deux enfants tout-à-fait impies. Le premier est la pusillanimité, qui fait trouver difficile le combat spirituel et impraticables les vertus, en sorte que l’on tombe dans la négligence. Et le deuxième est le désespoir, lorsqu’en raison de sa négligence, l’on perd tout espoir de salut. Le désespoir est la pire de toutes les iniquités. Tu ne peux d’aucune sorte autant attrister le Dieu très compatissant qu’en lui disant que tu ne seras jamais digne qu’il t’ôte tes péchés ni de pouvoir trouver le salut de l’âme. Parce que, ce faisant, tu renies le Seigneur lui-même, Sa Providence, Son amour pour l’homme, Son sacrifice libérateur sur la croix accompli pour toi, et qui t’a ouvert la porte du royaume céleste. Combats donc l’acédie, pour ne pas tomber dans ce désespoir qui renie Dieu. Ne te soucie pas des choses éphémères plus qu’il n’en est besoin. Concentre tes soins et ton zèle aux choses spirituelles et à la culture des vertus. De toute ton âme, désire Dieu et la Jérusalem céleste. Et quand, à l’heure de la prière ou d’une autre œuvre bonne, tu ressens de l’acédie, sache que c’est le Malin, qui vient te tourmenter et t’empêcher de te consacrer au bien. Toi alors, non seulement ne t’interromps pas, mais continue à combattre plus violemment encore, jusqu’à ce que tu chasses les démons. Dans ton combat contre l’acédie t’aideront aussi les points suivants : N’oublie pas la redoutable justification que tu devras donner au jour du Jugement du temps de ta vie, ce temps que Dieu t’a donné pour que tu l’emploies à des œuvres bonnes et salutaires. Si, comme l’a affirmé le Seigneur, nous devons rendre compte fût-ce de chaque parole inutile que nous aurons dite ( Matt 12 :36), combien plus devrons-nous rendre compte pour le temps que nous gaspillé à n’en plus finir sans fruits ? Songe également à combien de peines, de dangers, de tracas se soumettent les hommes d’affaires pour acquérir des richesses périssables. Et sois dans la honte de voir qu’ils courent après des choses vaines, et qu’ils y montrent pourtant plus de soin et d’attention que toi, qui a pour but les vérités éternelles. Mais même les employés et les travailleurs font leur possible pour leur travail et font ce qu’ils peuvent pour satisfaire leurs directeurs et leurs chefs. Que fais-tu, toi, pour plaire à ton Créateur, l’immortel roi de toutes choses, lors même que ceux-ci font tant pour plaire à des hommes mortels ? Ils disent de l’Abba Pambô, qui vit un jour à Alexandrie une actrice extrêmement bien arrangée, qu’il en pleura. « Pourquoi pleures-tu, Abba », lui demanda-t-on. Pour deux raisons répondit l’Ancien. « L’une est que je pleure pour sa perte, et l’autre que je ne fais pas autant d’efforts pour plaire au Saint Dieu qu’elle n’en fait pour plaire à des hommes vils. » Pour te motiver, en sorte que tu te fatigues aux bonnes actions spirituelles, aie chaque fois présente à l’esprit la pensée des glorieux fruits immortels que tu moissonneras et dont tu jouiras dans les cieux grâce au peu de peine et d’efforts passagers que tu auras fournis ici en cette vie. Si le laboureur creuse et cultive la terre avec autant d’intempéries, et même par temps de verglas et de neige, supportant avec endurance toute cette vie rude dans l’espoir de faire sa récolte, en dépit du fait que souvent il perd et sa semence et toutes ses peines, n’est-il pas plus profitable que tu te donnes de la peine, toi, durant cette vie brève, en espérant dans les biens du ciel, « Ce que l’œil n’a pas vu, Ce que l’oreille n’a pas entendu, Et ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, Tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » ( 1 Cor 2, 9). Si le soldat ne fait aucun cas des dangers et de la vie rude des expéditions militaires, s’il laisse femme, enfants, parents et amis pour une gloire éphémère, un salaire matériel et un butin corruptible, n’est-il pas béni que tu luttes pour la gloire éternelle, pour un salaire céleste, et une couronne inflétrissable ? Si le travailleur ou l’artisan ne tient pas compte de sa peine et de la sueur du jour à cause du piètre salaire journalier qu’il recevra le soir venu, n’est-il pas plus grand de travailler avec joie et enthousiasme pour recevoir une récompense inestimable ? Aie de telles pensées et d’autres semblables, que tu trouveras tout seul pour combattre l’acédie lorsqu’elle viendra te submerger. Et outre celles-ci, qui te rappelleront les biens du Paradis, aie des pensées contraires qui te mèneront mentalement en Enfer et te représenteront le terrible chagrin de ceux qui ont négligé de garder les préceptes du Seigneur. Parce que lorsqu’un frère demanda à l’Abba Achille : «  Quelle est la raison, père, pour laquelle lorsque je m’assieds dans ma cellule, je suis gouverné par l’acédie et la négligence ? », le Géronda lui expliqua : « Parce que tu ne réfléchis pas à l’éternelle béatitude, en laquelle nous espérons, et à l’enfer sans fin qui attend les mous et les paresseux. Si ton esprit méditait à ces deux propos, l’acédie ne te vaincrait jamais, si même ta cellule était pleine de serpents et de scorpions. Réfléchis également combien grande sont la responsabilité et l’obligation que tu as envers notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qui se fit homme et supporta les calomnies, les persécutions, les afflictions, les humiliations et la mort sur la croix pour te délivrer des liens de la mort et de l’Hadès. Si Celui-ci, innocent et sans péché, a tant supporté par amour pour toi, coupable et pécheur, est-ce que tu ne seras pas ingrat si tu ne te fais pas toi-même violence dans le combat pour la vertu que tu mènes pour l’amour de lui, mais aussi dans ton propre intérêt, pour ton salut ? La dernière âme et le remède le plus efficace contre l’acédie est celui-ci : Crois que le jour d’aujourd’hui est ton dernier jour sur la terre, qu’aujourd’hui seulement tu es encore en vie et que demain de toute façon tu mourras ; éventualité qui peut sans doute survenir. Du reste, c’est arrivé à tant et tant de gens avant toi, qui un jour se réjouissaient et s’amusaient, et le lendemain ne se sont pas réveillés. Crois donc que ton salut ou ta condamnation à l’Enfer ne dépend que de ta peine et de ton combat d’aujourd’hui, et force-toi à mieux accomplir chaque bonne action agréable à Dieu, en sorte que, quand tu mourras, tu sois digne de la vie éternelle. CHAPITRE XIV. LES AFFLICTIONS DANS NOTRE VIE. Presque tous les hommes souffrent de diverses afflictions – la pauvreté, l’inquiétude, les persécutions, les calomnies, les maladies-. Cela les accable et fait qu’ils se plaignent au Seigneur, ne sachant pas de quels bienfaits Il les couvre de par sa compassion et dans sa justice. Quelques-uns même, frappés par de lourds malheurs ou quelque maladie incurable, en arrivent, esprits sans intelligence, à blasphémer Dieu, leur destinée, et l’heure où ils sont nés ! Et ils ne comprennent pas que c’est là précisément leur plus grand malheur, parce qu’avec leur impatience, leur insatisfaction, leur colère et leurs blasphèmes, ils nuisent mortellement à leur âme et sont privés du plus grand bien, le royaume céleste. Ils sont ainsi deux fois plus lésés, parce que dans cette vie ils souffrent, et que dans l’autre ils seront tourmentés éternellement. Quand un homme sort du ventre de sa mère pour entrer dans ce monde, la première manifestation naturelle de son existence sont les pleurs. Et quand il quitte ce monde en mourant, le thrène de lamentation à nouveau l’accompagne. C’est avec des larmes que nous entrons dans cette vallée de larmes et avec des larmes que nous en sortons. Et tant que nous nous y trouvons, d’innombrables fois nous pleurons et nous gémissons avec peine, plongés dans les tourments, les afflictions, les malheurs, les deuils…C’est pourquoi le sage Sirach dit qu’ « il est imposé à l’homme un lourd joug, assujetti qu’il est aux ancêtres d’Adam, depuis le jour où chacun naît jusqu’au jour où il retournera à la terre. » ( Sirach 40 :1). Et ne dis pas que tu connais tel ou tel homme qui est heureux et auquel ne se pose aucun problème, parce quelle peine se cache en chaque âme, elle seule le sait.- Elle connaît ses conflits intérieurs, le poids qui pèse sur sa conscience, ses drames secrets… Sachant donc qu’il n’y a personne sans afflictions, console-toi et soulève ta croix non seulement sans gémir, mais avec joie. Parce qu’il n’y a pas d’autre méthode plus utile ni d’autre voie plus brève pour atteindre au salut de l’âme. «  Etroite est la porte et resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui le trouvent. » ( Matt.7 :14). Et « c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu ». (Actes 14 :22). Ce chemin, du reste, notre Seigneur Jésus-Christ l’a suivi sur terre, route de maintes et grandes afflictions, qui l’a conduit au Golgotha et sur la croix. Si nous voulons être de vrais disciples et le suivre, nous n’avons qu’à porter nous aussi notre croix, comme lui-même l’a dit : «  Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. » ( Marc. 8 :34). «  Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne d’être mon disciple. » ( Matt 10 :38). Ne crois donc pas que tu vas progresser sur la voie de Dieu, n’espère pas que tu hériteras le Paradis si tu ne passes pas d’abord par le feu des afflictions, et si tu ne portes pas la croix des épreuves et des tribulations, qu’ont portée tous les Saints. Tu diras peut-être que cette croix est lourde et difficile à porter sur le chemin. Oui, elle est lourde, mais pour ceux qui n’ont pas de foi ni d’espérance. Pour toi, elle ne l’est pas, parce que la présence et la participation du Seigneur te la rendent légère. «  Je puis tout par celui qui me fortifie » disait l’Apôtre Paul ( Philip. 4 :13). Cela, nous tous Chrétiens pouvons le dire et le vivre. Tu le peux toi aussi. Ainsi, et tu supporteras les afflictions plus facilement, et tu jouiras de la gloire éternelle, comme le dit l’Apôtre. «  Car un moment de légère affliction produit pour nous au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire. ( 2 Cor. 4 :17). Et « il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous. » Telle est la compassion de Dieu que, avec ces petits tourments éphémères, Il nous introduit dans Son royaume, où nous goûterons les ineffables biens éternels. Il faudra, en vérité, que nous soyons reconnaissants envers ceux qui nous nuisent et qui nous calomnient, et ce, davantage qu’avec ceux qui sont bienveillants envers nous et nous louent, parce qu’ils deviennent des instruments de purification de nos cœurs, nous aidant à cultiver nos âmes, à nous faire remettre nos péchés et à nous faire obtenir notre salut. Mais il faudra aussi que nous soyons reconnaissants envers notre Dieu compatissant, parce que les afflictions dont il permet qu’elles viennent nous éprouver, sont des signes et des indices de son amour paternel, et des signes plus grands que ne seraient des bienfaits passagers. «  Car le Seigneur corrige celui qu’il aime Et frappe de verges tout fils qu’il agrée… Car quel est le fils que le père ne corrige pas ? » ( Hébr. 12 :6,7). Les hommes charnels aux âmes pusillanimes croient que s’ils trouvaient une manière de fuir les afflictions, ils seraient délivrés. Quel égarement ! Les afflictions sont plus lourdes pour ceux qui ne veulent pas les supporter que pour ceux qui les reçoivent avec patience et endurance. Tous ceux qui s’indignent, maudissent et blasphèment, ceux-ci n’y échappent pas durant ce temps éphémère et héritent de l’Enfer, comme le mauvais larron, qui fut crucifié près du Seigneur. Tous ceux cependant qui acceptent humblement chaque malheur, qui remercient Dieu, et confessent qu’ils ont mérité chaque sentiment, ceux-ci supportent plus facilement l’affliction et gagnent le Paradis comme le bon larron, qui blâma l’autre en disant : «  Et tu ne crains pas Dieu ? » tandis qu’il suppliait Jésus crucifié : «  Souviens-toi de moi Seigneur, lorsque tu seras dans ton royaume. » Et il reçut aussitôt cette assurance : «  Je te l’assure, aujourd’hui même tu seras avec moi dans le Paradis. » ( Luc 23 :39-43). Beaucoup d’injustices et de péchés arrivent aujourd’hui dans le monde. Et ceux qui les commettent, les injustes et les pécheurs, paraissent heureux et dans la joie, puisqu’ils sont habituellement inondés de richesses, de plaisirs et de gloire ; Au contraire, ceux qui sont pieux et vertueux sont tourmentés par la pauvreté, les tourments et les épreuves. Quel paradoxe ! Mais ne t’inquiète pas pour cela, frère, et surtout ne jalouse pas ce vain bonheur des pécheurs. « Ne t’irrite pas contre ceux qui font le mal, N’envie pas ceux qui commettent l’iniquité » ( Ps 37 :1). Ne t’inquiète pas, parce qu’un abîme sépare la toute sagesse de Dieu de la logique de l’homme, qui ne peut pas comprendre l’économie infaillible du Dieu très Bon. A quoi vise cette économie ? A une plus grande glorification des âmes pieuses. Les amis du Seigneur sont éduqués ici-bas, comme nous l’avons dit, par sa permission, pour être plus honorés dans le royaume céleste. Ainsi les pécheurs et les injustes, qui ont connu le bonheur sur terre, seront absolument dépourvus de justification au tribunal divin, et ils iront au châtiment éternel, qu’ils ont délibérément choisi. « Ne t’irrite pas contre ceux qui font le mal. N’envie pas ceux qui commettent l’iniquité. Car ils sont fanés aussi vite que l’herbe, Et ils se flétrissent comme le gazon vert. » ( Ps 37 :1-2). Les bœufs inutiles, qui sont programmés pour l’abattage, on les laisse paître où ils veulent et s’engraisser, tandis que ceux qui sont utiles, les bœufs de labour, que l’on utilise à du travail productif, on les entraîne durement et on les tourmente. Les beaux arbres, qui donnent du fruit, on les taille, on les coupe et on les ébranche, leur faisant ainsi produire encore plus de fruit, tandis que ceux qui ne produisent pas de fruit, on les laisse grandir tels quels ; puis, on les coupe à la racine, et on en fait des fagots pour le feu. Les pécheurs sont comme les animaux inutiles et les arbres sans fruits, qui sont tranquilles un peu de temps, mais souffriront éternellement. Les justes sont comme les animaux utiles et les arbres qui produisent du fruit, souffrant un bref temps mais destinés à être heureux pour l’éternité. Le Seigneur, lorsque l’Apôtre Pierre voulut inconsidérément empêcher Son arrestation, et qu’il trancha d’un coup d’épée l’oreille droite de Malchus, le serviteur du souverain sacrificateur, blâma son disciple en disant : » Remets ton épée au fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m’a donnée ? » Quel était ce « calice » donné par Son Père ? Les moqueries, la passion, la mort – tout ce qu’il a supporté par amour et pour notre salut. Pourquoi ne disons-nous pas nous aussi la même chose, que toutes les afflictions que nous rencontrons sont un « calice » envoyé par notre Père céleste, un calice plein de notre purification, qu’il nous faut boire pour être délivrés du péché et gagner le salut ? Oui, toutes les afflictions sont provoquées soit par des démons, soit par des hommes, et sont permises de par l’amour paternel de Dieu, pour guérir et éduquer notre âme. Et si le calice des afflictions est amer au goût, cependant cette amertume qu’ont du reste toutes les plantes et tous les médicaments, t’octroie la santé de l’âme. Lorsque Tobie oignit les yeux du père aveugle de Tobit avec un fiel amer, alors cerecouvra la vue ( Tob.11 :10-12). Avec la bile des afflictions, le pécheur aussi est délivré de l’aveuglement de son âme, parce que, comme le dit le grand Grégoire, les yeux qui ont été aveuglés par le péché ne recouvrent la vue qu’avec un châtiment éducatif. Lorsque les frères du bon Joseph le jetèrent dans une citerne, ils ne ressentirent pas le poids de leur iniquité, jusqu’à ce que Dieu leur envoie une grande affliction. Alors, ils revinrent à eux et dirent : «  Nous avons péché contre notre frère…C’est pour cela que cette détresse nous arrive » ( Gen. 42 :21). Parce que l’affliction donne aux inintelligents l’intelligence et aux insensibles le sentiment de leurs péchés. Tant que le fils prodigue de la parabole de l’Evangile avait de quoi dilapider la fortune paternelle, il mangeait, buvait, faisait la fête, péchait, et pas une pensée de repentir ne passait par son esprit. Mais dès que le Médecin des âmes, tout empli de sagesse, l’eut cautérisé avec les afflictions, la pauvreté et la faim, alors seulement il revint à lui, et courut repentant à la maison paternelle. ( Luc. 15 :11-32). Si donc les afflictions nous sont si utiles, pourquoi les détestons-nous et nous en détournons-nous comme des gens sans intelligence ? Pourquoi ne remercions-nous pas le Père céleste qui guérit par leur moyen les âmes immortelles, comme nous remercions sur terre un médecin, qui guérit nos corps mortels et se fait même cher payer pour ce faire ? Tous ceux qui n’ont pas complètement perdu l’esprit, et qui conservent encore un peu de crainte de Dieu, croient que ce qui leur arrivn’est pas le fruit d’un hasard, mais est permis par le Seigneur, comme l’a dit Jésus à Pilate : «  Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’ilne t’avait pas été donné d’en-hautment pour les ennemis visibles, mais aussi pour les invisibles. Quelque enragés que soient les démons par le mal qu’ils veulent commettre, quoiqu’ils subissent pour tourmenter les justes et faire leur malheur, ils s’escriment en vain, parce que si le Seigneur ne leur donne pas le pouvoir, ils ne peuvent rien faire. Cela, les fidèles le savent, et ils ne s’indignent pas, ne se plaignent pas et ne croient pas au hasard, au sort, ni à la destinée.Ils reçoivent tout comme venant de la main de Dieu, qui permet chaque détail de leur existence et qui dispose tout «  pour notre bien, afin de nous faire participer à sa sainteté. » ( Hébr. 12 :10). Lorsque le bienheureux Job subit tant de malheurs, il ne dit pas : « Tous ces biens, mes parents me les ont octroyés, et ces enfants, c’est ma femme qui me les a donnés », ni non plus : «  tout ce que j’avais, ce sont des hommes mauvais qui me les ont pris, ou les démons, ou les vents, ou le feu ». Mais que dit-il ? Le Seigneur a donné. Le Seigneur a repris. Comme il a semblé être le meilleur pour le Seigneur, ainsi il est advenu. Que soit béni le nom du Seigneur en tout temps. » (Job 1 :21). De même, quand il fut affecté d’une maladie terrible, et que tout son corps ne fut plus que plaies, il dit : »Nous recevrions de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! » ( Job 2 :10) Souviens-toi toi aussi de Job, comme d’un être de bonne composition et comme d’un homme sage, et au temps des afflictions, glorifie Dieu, demande Son secours et dis-toi : «  Tu mérites bien cela, pécheur. Et même pis que cela ! Mes persécuteurs et mes juges ont raison. Bénis soient-ils ! » Avec un tel blâme de toi-même et une prière si humble à l’adresse de tes ennemis, tu défais le Diable, tu imites le Seigneur longanime, et tu vaincs le redoutable adversaire de ton progrès spirituel, l’orgueil. CHAPITRE XV PAROLES DE CONSOLATION AUX AFFLIGES. Tout ce que tu as lu jusqu’ici devrait être suffisant pour te consoler et te faire comprendre combien les afflictions te sont salutaires, si tu n’étais pas toi aussi, comme nous tous, un homme faible. A cause de cette faiblesse, donc, et de la mollesse de la nature, comme pour te fortifier l’âme, lis aussi ce qui est écrit infra. 1) La meilleure consolation pour les affligés est la connaissance de leurs péchés. Que ton premier remède, qui puisse faire cesser ta souffrance au temps des afflictions, soit cette bonne pensée, que nous avons déjà mentionnée plus haut, que pour tes nombreux péchés tu as mérité des maux pires encore que ceux que tu éprouves. Et n’ose pas dire, comme certains insensés, que tu n’as commis aucun mal. Tous, nous avons péché, d’une manière ou d’une autre. Quand les Trois Saints Enfants dans la fournaise glorifièrent Dieu en disant : «  Béni sois-tu, Seigneur ; parce que c’est avec justice que tu as provoqué tout cela contre nous, à cause de nos péchés. » ( Daniel 2, 4), que devrions-nous dire quant à nous ? Quand le grand Paul confessait qu’il était le premier des pécheurs ( 1 Tim. 1 :15), ne serions-nous pas insensibles et trop hardis si nous refusions notre propre état de péché ? Quand donc un malheur te frappe, réfléchis au nombre de fois où tu as transgressé les divins commandements, au nombre de fois où tu t’es enorgueilli, où tu t’es mis en colère, où tu as commis l’iniquité, où tu as outragé autrui, où tu as été hypocrite, médisant, où tu as chuté d’une quelconque façon devant le Seigneur, duquel tu as reçu tant de bienfaits, et combien tu as chuté devant tes frères, que tu dois aimer comme toi-même : Et alors tu accepteras de confesser avec honte, qu’il fallait que la justice de Dieu t’envoie cette lourde correction qui, de même qu’il ne laisse pas de vertu sans récompense, ainsi il ne laisse pas de péché non corrigé. Et si Lucifer, pour une seule pensée d’orgueil a été châtié si sévèrement, lui qui en tant qu’ange était la créature de prédilection du Créateur, combien il faut que tu sois châtié, toi, qui tant de fois et de tant de façons t’es enorgueilli devant Dieu et devant les hommes. Et si pour une seule transgression Adam a été exilé du Paradis, que faut-il que tu subisses toi, qui commets chaque jour tant d’iniquités et tant de transgressions ? Avec de telles pensées et d’autres semblables, tu seras consolé, et tu comprendras que les afflictions que tu éprouves sont insignifiantes à côté de celles que tu mérites, surtout qu’elles te purifient et que tu acquières ainsi un espoir de salut. Parce que c’est comme si tu devais à quelqu’un mille pièces d’or, et que de cette somme tu n’en rembourses que dix pièces à ton créancier, qui t’acquitte en grand seigneur du reste de ta dette. 2) La consolation de la prière. Il n’est pas dans le monde de travail plus élevé que la prière, parce que celle-ci unit l’homme à Dieu. De sa grandeur et de son importance, de la manière de la pratiquer et de ses résultats, les Saintes Ecritures et les Saints Pères nous parlent longuement. Ici nous n’insisterons que sur le fait qu’elle secourt grandement dans les afflictions. En effet, il n’y a pas de plus grande supplication que de se réfugier en Dieu par la prière. «  C’est au Seigneur que dans ma détresse j’ai crié, et il m’a répondu », dit le prophète David ( Ps 119 :1). C’est ce qu’ont fait tous les Saints dans leurs afflictions, et le secours divin ne tardait pas, lui qui ne tarde jamais à répondre à la prière du juste. La promesse du Seigneur est d’ailleurs écrite : «  Invoque-moi au jour de la détresse ; Je te délivrerai, et tu me glorifieras. » ( Ps 50 :15). Ainsi donc, dès que l’affliction s’abat sur toi, ne sois pas pusillanime, ne te trouble pas. Tourne d’un air suppliant tes yeux vers le ciel, et implore humblement le secours divin. Si cela est utile à ton âme, et si contribue à ton salut le fait que tu sois délivré de l’épreuve, ne doute pas que Dieu entendra ta prière et te délivrera. Si cependant cela n’est pas utile à ton âme – chose que seul Il sait, lui qui est toute sagesse- il ne faudra pas que tu veuilles quant à toi en être délivré ; Il vaut mieux que tu sois affligé maintenant de façon temporaire, plutôt que tu sois privé de la vie éternelle. Quoi qu’il en soit, ne cesse pas de prier. Parce que bien souvent le Seigneur permet que viennent nous éprouver les afflictions pour que nous courions auprès de Lui. Quand tout va bien, en effet, nous oublions le Seigneur. Et lorsque commencent les problèmes, alors nous nous souvenons de Lui. Nous sommes nous aussi comme des enfants sans tête qui, lorsqu’ils sont rassasiés et n’ont aucune difficulté, jettent leur Seigneur comme un jouet et oublient leurs parents, et qui lorsque cependant ils ont faim ou tombent et se font mal quelque part, courent en pleurant vers leurs parents et demandent leur secours. Avec la prière, tous les biens s’acquièrent. Et tous nos chagrins, avec la prière, nous les surmontons. C’est pourquoi Jésus a dit : «  Demeurez éveillés et priez sans cesse. » ( Luc 21 :36). Avec la prière, tu vaincras, toi aussi, les afflictions, avec la prière tu acquerras les vertus, avec la prière tu t’uniras au Seigneur, avec la prière tu deviendras participant de Sa béatitude. 3) Sept pensées utiles et consolantes. Au temps des afflictions, il te sera d’un grand secours de porter souvent à ton esprit les pensées suivantes, les méditant et les analysant dans leur largeur, leur longueur et leur profondeur à ta manière par la réflexion. a) Qu’étais-tu avant de naître, avant d’être conçu dans le ventre de ta mère ? Tu n’avais ni corps ni âme ni aucun de tes sens. Tu n’étais rien ! Et le rien est plus infime qu’un fétu de paille, qu’une herbette, qu’un grain de poussière. Car ces éléments de la nature ont une existence, tandis que toi avant ta conception tu n’en avais pas. b) Songe à la miséricorde de Dieu très Bon, qui à partir de rien t’a créé à Son image, te donnant non seulement un corps humain plus qu’admirable, ce miracle des miracles, avec la diversité de tes organes et de tes sens, mais aussi avec ton âme déiforme, avec ton esprit logique, ta volonté, ta mémoire et tes autres puissances. c) Réfléchis après cela combien grande il faut que soit ta reconnaissance envers Lui, ton très haut et très bon bienfaiteur, duquel tu as reçu gratuitement tant de charismes, combien tu lui dois d’amour, de remerciements, de doxologie, combien tu dois le servir et combien tu dois faire attention à ne pas être en faute envers lui et à ne pas l’emplir d’amertume. d) Réfléchis maintenant à ton ingratitude envers ton Créateur, depuis que tu as fait précisément le contraire de ce qu’il fallait. Au lieu de l’aimer, de le remercier, de le chanter, et de chercher à lui plaire, tu l’as méprisé, tu l’as délaissé et tu l’as chagriné, préférant les choses éphémères et les plaisirs fautifs. e) Réfléchis pour savoir combien de châtiments tu mériterais pour cette ingratitude et combien le Seigneur aurait raison s’il te privait de tout ce qu’Il t’a donné, et même de la vie, Son plus grand don. Cette pensée, plus que toutes les autres, devrait t’inspirer une crainte divine et t’aider à supporter toutes les afflictions, une fois que tu aurais admis sans conteste que tu souffres moins que ce qui convient. f) Admire l’infinie bonté inexplicable de notre Dieu qui, alors qu’Il peut en ce moment même te châtier lourdement, te faire mourir et t’envoyer en Enfer pour l’éternité, attend, le tout miséricordieux, ton repentir. Et même s’Il te châtie maintenant avec de petites afflictions passagères, Il le fait pour ton bien, en Père de tendresse, pour que tu quittes la voie torse du péché, et que tu empruntes la voie droite de la vertu, pour qu’à la fin, baigné et purifié dans le bain des chagrins, tu sois jugé digne de la jouissance du Paradis. g) Décide, dorénavant du moins, de passer tout le reste de ta vie, une vie qui lui appartient à Lui et non à toi, dans le service de Dieu et de travailler à Sa gloire. Honore-le et remercie-le sans cesse pour ses bienfaits, et accepte courageusement et sans te plaindre les épreuves dont Il permet qu’elles t’atteignent comme des remèdes et des médicaments pour te guérir du mal que tu as commis. Sacrifie enfin volontiers l’honneur, la fortune et même la vie, plutôt que de renier Dieu et de transgresser ses commandements. Songe à ces choses et médite-les, et tu verras combien de fruit et combien de profit tu en retireras au temps des afflictions. 4) La divine Communion. «  Tu dresses devant moi une table spirituelle En face de mes adversaires. » ( Ps 23 :5). La Table du Seigneur, les divins purs Mystères, le Corps et le Sang du Christ, sont le plus grand trésor que nous ait octroyé le Fils de Dieu incarné. Aucune langue humaine, ni la langue des anges ne peut exprimer la Grâce, ne peut décrire la puissance, ne peut déterminer la valeur de ce trésor. La divine Communion a permis aux martyrs et aux Saints de supporter avec joie toutes leurs afflictions. La divine Communion peut aussi maintenant affermir nos cœurs dans les circonstances difficiles que nous rencontrons. Approche-toi souvent donc, toi aussi, qui es affligé, du divin Calice, « avec crainte de Dieu, foi et amour ». Avec la préparation spirituelle qui convient, prend part à la Table Spirituelle qu’a préparée le Dieu ami de l’homme avec pour mets Sa Chair et Son Sang. Parce que la divine Communion n’est pas seulement offerte pour « la rémission des péchés et pour la vie éternelle » ; elle est aussi la guérison des malades et la consolation des affligés. C’est le plus grand affermissement de tous les hommes éprouvés, comme le reconnaissent par expérience bien des Chrétiens. 5) Paroles de consolation prodiguées aux pauvres. L’une des plus grandes afflictions en ce monde est la pauvreté. Quand l’on n’a pas les choses matérielles nécessaires, l’on souffre et l’on s’angoisse, et plus particulièrement encore lorsque l’on voit les autres posséder en abondance ce dont on est privé. Les autres, qui peuvent être plus jeunes que soi ont de l’argent, des maisons, des biens. L’on n’a pas soi-même une cabane à sa disposition. Les autres sont bien habillés, tandis que l’on est presque nu. Les autres se rassasient des mets qu’ils désirent. Soi-même, on s’assure avec difficulté son pain quotidien. Faisant ces constatations, le pauvre s’afflige tant que par moments il hait la vie et recherche la mort, et que d’autres fois il s’angoisse, maudit et blasphème Dieu et les hommes. Cela cependant n’est dû qu’à notre ignorance. Nous ne savons pas ce qui nous est réellement profitable ni ce qui nous nuit vraiment. Parce que, si nous le savions, nous nous réjouirions dans l’affliction et nous nous affligerions dans la prospérité. La plupart des gens s’imaginent que la richesse est le plus grand bien de la vie et la pauvreté le plus grand mal. Toi cependant, frère, il faut que tu saches la vérité, c’est-à-dire ce qu’est la richesse que tu désires et ce qu’est la privation qui t’afflige. Le Seigneur, dans la parabole du semeur ( Matt 13 : 1-23), compare la richesse avec les épines, qui étouffent Sa parole et l’empêchent de fructifier dans l’âme de l’homme. Que font d’autres, en vérité, les riches et les chasseurs de richesse, que d’étouffer sans cesse la parole de Dieu dans les soucis qui les envahissent à rassembler des biens terrestres, laissant ainsi leur âme non cultivée au point d’être indifférents à leur salut ? Une telle conduite a cependant aussi d’autres conséquences funestes. Car celui qui pratique la chasse à l’argent commet aussi des iniquités, des abus, des vols, se rend auteur de ruses et fait bien d’autres péchés encore. Comme le dit l’Apôtre Paul, «  ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège et dans une foule de désirs insensés et pernicieux, qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est la racine de tous les maux. » ( 1 Tim. 6 : 9). C’est pourquoi aussi le Prophète David conseille : « Ne mettez pas votre espoir dans la rapine. Quand les richesses s’accroissent, N’y attachez pas votre cœur » Et ne soyez pas éblouis par leur éclat éphémère. ( Ps 62 :11). Le psalmiste médit de ceux qui aiment la vanité et cherchent les biens mensongers ( Ps 5 :3), parce qu’en tant que créatures raisonnables du Dieu très haut, il faudrait qu’ils soient gouvernés par leur esprit raisonnable et non par leur désir comme les animaux déraisonnables. Toi donc, frère, prends la richesse en haine et chéris la pauvreté. Prends en haine les biens matériels et aime les choses spirituelles. Hais les choses éphémères et aime les choses éternelles. Hais le souci , qui éparpille l’esprit et l’éloigne du Seigneur, et aime l’absence de souci, qui te conduit près du Seigneur. Hais le péché, qui accompagne le riche, et aime la vertu, qui accompagne la pauvreté. Et qu’est-ce que cela fait si même tu es privé ici des choses de la terre ? Tu jouiras là-haut, dans le ciel. «  Bienheureux les pauvres, parce que le royaume des cieux est à eux », affirmait Jésus ( Luc 6 :20). Qu’est-ce que cela fait si tu ne ressembles pas à Crésus, à Midas, ou à Mécène ? Tu ressembles au Christ, à ton Sauveur, qui vécut sur la terre dans une pauvreté extrême ; Il est né dans une humble grotte ; il a été placé dans une mangeoire d’animaux ; il a grandi dans les privations dans la maison du pauvre charpentier Joseph ; jusqu’à Son sacrifice, il n’eut pas «  où poser sa tête » ( Matt. 8 :20) ; et pour finir, il mourut nu sur la croix, abandonné, n’ayant pas même un verre d’eau à boire avant sa mort, dans la soif intense que lui causait son agonie. Tu es pauvre ? Tu es bienheureux ! Parce que tu ressembles à Jésus – quel plus grand honneur que celui-ci ?- et tu deviendras participant de son royaume, détournant ton intérêt des choses matérielles pour les tourner vers les spirituelles, et te soucier de ton salut. Si tu agis ainsi, il se peut que tu sois pauvre, mais Dieu cependant ne te laissera manquer de rien de nécessaire, comme Il l’a promis. «  Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. » (Matt.6 :33). N’oublie pas, enfin, qu’un jour le riche mourra aussi. Et tandis que toi, comme nous l’avons dit, si tu as supporté ta pauvreté avec patience, action de grâces et doxologie rendue à Dieu, tu iras dans le sein d’Abraham, comme le pauvre Lazare, cependant que le riche s’enfoncera dans l’Hadès et entendra de la bouche du patriarche : «  Mon enfant, tu as goûté le bonheur durant ta vie ; maintenant donc vient le temps de souffrir. » ( Luc 16 :25). 6) Paroles de consolation prodiguées aux malades et aux infirmes. Il n’y a pas de doute qu’un bien terrestre plus désirable pour le riche que sa richesse soit la santé du corps et le fait d’être bien conformé ; C’est pourquoi tout le monde prodigue volontiers sans compter son argent pour s’assurer la santé, cependant qu’au contraire nul ne sacrifie sa santé pour de l »argent. Autant donc la santé est considérée comme le plus grand bien, autant la maladie, d’un autre côté, est considérée comme le plus grand mal. Si cependant les malades savaient quel profit ils retirent de leur maladie, et si les infirmes savaient ce qu’ils gagnent à leur infirmité, ils seraient très consolés et porteraient la croix de leurs peines et de leurs souffrances avec une grande patience. Parce que la maladie corporelle peut donner beaucoup de fruits spirituels, quand l’homme les affronte en connaissance de cause et avec intelligence ; Si nous nous souvenons encore de Job qui a été glorifié et qui a été récompensé par Dieu davantage pour son admirable patience, au temps de sa terrible maladie, que pour ses bonnes actions précédentes et sa vertu. Certes, Job était un juste, tandis que vous et moi sommes pécheurs. Mais c’est pourquoi précisément il faut que nous supportions avec endurance et action de grâces la maladie, puisque grâce à elle nous avons beaucoup à gagner. En premier lieu, la maladie du corps devient cause que nous guérissons de la maladie de l’âme, le péché. De même qu’avec des plantes et des médecines amères la chair se guérit, ainsi à cause de peines amères, le malade en vient souvent à prendre conscience de soi et s’émeut de contrition, il reconnaît ses péchés, il fait pénitence, il se confesse, il change de vie, il fait son salut. Secondement, la maladie affaiblit le corps et cause la perte de toutes les forces du corps ; Avec ces forces, diminue aussi la force physique d’incliner au péché, et diminuent surtout les mouvements charnels. Il en advient ainsi un grand profit aux mous, aux négligents et à ceux qui n’ont pas une forte volonté, parce qu’ils sont aidés à vivre dans la continence, sans que cela vienne d’eux-mêmes. Beaucoup de gens, quand ils sont en bonne santé, dépensent sans compter leurs forces à commettre des péchés. Mais quand ils tombent malades et même gravement malades, alors ils ne veulent ou ils ne peuvent plus pécher, et souvent font pénitence et reviennent à résipiscence. Troisièmement, les douleurs et les malheurs auxquels est soumis quelqu’un quand il tombe malade, contrebalancent, pourrions-nous dire, les précédents manques et péchés. C’est ainsi qu’il faut songer et ne pas se plaindre. Par exemple, tes membres te font mal. Ils te font mal maintenant parce qu’auparavant tu en as fait des instruments de plaisir et de dissipation. Le médecin t’a imposé un dur régime de longue durée. Tu es maintenant par contrainte privé de ce dont tu ne t’es pas privé plus tôt, quand tu méprisais les jeûnes de l’Eglise. Tu souffres d’insomnies ? Voilà que maintenant tu veilles involontairement, et d’une façon qui te tourmente, tandis qu’auparavant tu ne t’es même pas rendu une fois volontairement à une agrypnie de l’Eglise. Avec de telles pensées, tu t’humilieras, tu te repentiras et tu prieras dans les larmes le Seigneur de te pardonner, en sorte que tu tireras un plus grand profit de la maladie que de la santé. Quatrièmement, les douleurs et les souffrances font de toi un imitateur de la passion du Christ. Plus tu souffres, et plus tu Lui ressembles, et tu te crucifies avec lui. Mais ainsi, tu seras également glorifié avec Lui dans le Paradis. Dis-moi : y a-t-il un plus grand gain que celui-ci ? Pour recueillir tous ces fruits, supporte patiemment ta faiblesse et ne t’afflige pas. Souviens-toi de vivre les belles et consolantes paroles de l’Apôtre Paul : «  C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et même lorsque notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car un moment de légère affliction produit pour nous au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire. Aussi, nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont momentanées, et les invisibles sont éternelles. » ( 2 Cor 4 : 16-18). Tout cela, bien entendu, te concerne toi aussi qui es éprouvé par quelque infirmité. Tu es aveugle et tu t’affliges, parce que tu ne peux pas voir la lumière du soleil et les beautés de la terre ? Bien plutôt, réjouis-toi, parce que tu n’as dès lors pas de raison de supplier Dieu avec le psalmiste David : «  Détourne ailleurs mes yeux, pour qu’ils ne voient pas les vanités du monde. » ( Ps 119 :37). N »aurait-il pas été meilleur pour David qu’il ait perdu la vue, plutôt qu’il voie Bethsabé, évènement qui le conduisit à commettre de si grands crimes ? ( 2 Rois. 11 :1-27). Et combien d’autres hommes ont-ils dû à leurs yeux d’être suspendus dans le gouffre du péché et ont-ils été perdus pitoyablement ? Du reste, les animaux sans raison ont eux aussi des yeux corporels, tandis que tu as les yeux plus précieux de ton âme raisonnable, avec lesquels tu peux fixer mentalement le divin visage de ton Père céleste, que fixent aussi les Anges Saints. De même, si tu es sourd ou muet, ne sois pas empli d’amertume. Parce qu’ainsi, étant coupé des bruits extérieurs, tu es dans le silence de l’hésychia, et tu peux entendre, prêter attention, et mieux te familiariser avec les paroles divines que le Seigneur murmure secrètement à ton âme. De plus, tu évites d’entendre des paroles qui nuisent à l’âme, des paroles honteuses, des blasphèmes, des chansons obscènes et autres choses semblables. Avec des pensées semblables console-toi si tu es paralysé ou incurablement malade, ou si, enfin, tune goûtes ni joie ni repos dans ce monde, mais qu’au contraire tu n’éprouves que peines et problèmes divers de santé. Songe, comme nous l’avons dit, quel profit procurent ces choses à ton âme, et glorifie Dieu qui te purifie ici-bas avec la maladie et se prépare à t’accorder la réjouissance éternelle dans son royaume. 7) Paroles de consolation à ceux qui mènent le deuil du fait de la mort des personnes qu’ils aiment. Quand quelqu’un revient de l’étranger dans sa patrie, il est tout bonheur et toute allégresse parce qu’il revient voir ses parents et les êtres qu’il aime. Lorsque quelqu’un se trouve enfermé dans une sombre prison et qu’on le laisse libre, il saute de joie, parce que sorti de ce lieu ténébreux de condamnation, il est sorti à la lumière et a trouvé sa liberté. Et quand le pauvre marin, usé par la mer, arrive au port, délivré des flots et des périls, il ressent un grand soulagement, parce qu’il est arrivé à destination et ne craint plus rien. Un exil amer, une prison ténébreuse, et une mer déchaînée, voilà ce qu’est la vie, mon frère. Tandis que nous nous trouvons sur terre, nous avons des afflictions, des tourments et des angoisses. Ce n’est que lorsqu’avec la volonté de Dieu nous mourons , qu’alors finit notre vie d’exil sur une terre étrangère, c’est alors que sort de la prison du corps notre âme immortelle, c’est alors que nous entrons dans le port désiré du repos, «  là où il n’y a ni peine, ni gémissement, ni soupir, mais la vie éternelle. » Celui donc qui est dans l’amertume et qui s’afflige de la mort biologique d’un ami ou d’un parent est inintelligent. Non seulement il ne faut pas qu’il s’afflige, mais il faut même qu’il se réjouisse, parce que l’être qu’il aime a laissé son corps terrestre et est parti pour les cieux, où il revêtira un autre corps éternel et incorruptible. C’est ce que désirait l’Apôtre Paul, quand il disait : «  nous savons en effet que si notre demeure terrestre, qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons dans les cieux un édifice qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été faite par la main des hommes. Aussi nous gémissons dans cette tente, désireux de revêtir notre domicile céleste par-dessus l’autre. » ( 2 Cor.5 ; 1-2). Ailleurs encore, il proclamait que pour lui « le vivre » signifiait «  la vie avec le Christ » et que « la mort était un gain », et qu’il brûlait du désir de « quitter ce monde et d’être avec le Christ ». ( Philip. 1 :21, 23). C’est ainsi que les véritables Chrétiens regardent la mort : Comme la fin d’une illusion et le commencement d’une vie authentique, comme la fin du combat et le début de la paix, comme la fin du deuil et le début des rétributions. Pourquoi donc pleures-tu la mort de ton parent ou de ton fils, de ton compagnon ou de ton ami ? Peut-être diras-tu que cela est une manifestation naturelle de l’âme humaine, qui s’afflige de la séparation, et que, depuis le commencement du monde, les hommes ont mené le deuil de leurs morts – non seulement les infidèles et les idolâtres, mais aussi ceux qui crurent dans le vrai Dieu. De fait, comme nous le lisons dans les Ecritures, Abraham a pleuré la mort de Sarah ( Gen 23 :2), Joseph a pleuré la mort de son père Jacob et a mené son deuil avec toute l’Egypte durant soixante-dix jours ( Gen 5 :1-3). Les Hébreux aussi ont pleuré pour la mort de Moïse ( Deut. 34 :8). Mais Jésus le Dieu-Homme Lui-même pleura la mort de son ami Lazare. Que signifient tous ces évènements ? Ecoute, frère. Ce n’est pas un péché que tu pleures et que tu mènes le deuil pour un homme cher que tu as perdu. Mais pleure de façon mesurée, en te maîtrisant, en te retenant, et avec décence ; Cela est naturel et humain. Parce que la mort est une séparation provisoire. Est-ce que quand l’un de nos proches s’en va pour un voyage lointain, nous ne pleurons pas de ce que nous allons être séparés ? Inconvenants cependant et injustifiés sont les pleurs intarissables, le deuil excessif, les lamentations désespérées et les autres manifestations qu’expriment bien des gens, des femmes surtout, qui se frappent, se flagellent, font des jérémiades, et s’arrachent les cheveux…Qu’est-ce que tout cela ? Sommes-nous Chrétiens ou infidèles ? Avec ton désespoir, que tu manifestes si excessivement, que gagnes-tu ? Peut-être crois-tu édifier ceux qui te regardent ? Ou peut-être – ce qu’il y a de plus important- te crois-tu utile au mort ? Non pas. Et toi, tu apparais comme quelqu’un de creux, attaché à la chair, comme un homme de peu de foi, infatué de vanité. Et aux autres, tu inspires les mêmes sentiments, tandis que tu pourrais les instruire par une conduite et des discours appropriés. Et au mort, dont on suppose que tu l’aimes tant, tu n’apportes rien à cette heure critique. Si cet être que tu aimes, avant de s’endormir s’est confessé avec pleine conscience et a communié avec contrition, non seulement il ne faut pas que tu mènes le deuil, mais au contraire il faut que tu sois en fête, parce qu’il est sauvé et qu’il ressuscitera tout éclatant quand reviendra le Seigneur, pour qu’il se réjouisse éternellement auprès de Lui. Tu n’as plus qu’à lutter toi aussi, avant que ne te visite la mort de façon intempestive, pour que tu te réjouisses au Paradis avec cet être cher. Mais s’il a été négligent et qu’il est parti sans être prêt spirituellement, tes larmes tardives ne lui seront d’aucun secours. Elles ne peuvent ni le ressusciter, pour qu’il se repente, ni faire son salut. Mais même alors tu peux le consoler et secourir son âme. Parce que nul ne peut connaître le jugement du Dieu très miséricordieux et infiniment bon. Laisse donc tes larmes et fais quelque chose de réellement utile au mort. Premièrement, prie sans cesse pour que Dieu lui remette ses péchés. Et ensuite, fais des aumônes et de bonnes actions pour le repos de son âme, fais des dons aux églises et aux monastères pour que les prêtres et les moines mentionnent leurs noms aux divines liturgies et dans leurs prières, et fais venir des prêtres pour qu’ils célèbrent en son nom des offices et des « trois fois saint » ; Et ainsi tu ne viens pas en aide au mort seulement, mais à toi aussi. Parce que comme l’écrit dans le Triode Saint Nicéphore Xanthopoulos, en illustrant son propos de maintes citations patristiques : «  Les offices commémoratifs, les liturgies et les aumônes qui se font pour les morts, leur sont d’un grand profit et leur confèrent le repos. Mais « celui aussi qui fait ces offrandes aux morts reçoit une rétribution de Dieu, pour l’amour qu’il montre à ses semblables, exactement comme celui qui oint de parfum son prochain embaume tout d’abord lui-même. Voici donc ce qu’il faut que tu fasses, au lieu de mener le deuil inutilement. Et, par-delà cela, que la mort de l’autre te devienne une occasion de méditer sérieusement la vanité de ce monde, de songer aussi que peut-être aujourd’hui même tu devras le quitter pour toujours, soudainement et sans t’y être attendu, et qu’ainsi tu te repentes et que tu corriges ton mode de pensée et ta vie. Et si tu as également un ami ou l’une de tes connaissances pour qui la mort approche, n’hésite pas à lui donner des conseils sur la conduite à suivre. Incite-le à se confesser purement et avec contrition, à communier aux purs et divins Mystères, à se préparer comme il convient pour la grande rencontre avec le Seigneur. De cette façon, tu contribueras au salut d’un homme, dont la sortie de la vie ne sera pas une mort mais une vie, une vie nouvelle et éternelle. CHAPITRE XVI. LA VANITE DU MONDE. Toutes les choses du monde et toutes les activités de la terre, mis à part le service du Seigneur, sont mensongères et vaines. «  Vanité des vanités, tout est vanité », dit le sage auteur de l’Ecclésiaste ( 1 :2). Vaine et changeante est la gloire mondaine ; Egarés et de peu d’esprit sont ceux qui sont en quête de richesses matérielles, de confort, de vie molle et des jouissances de cette brève vie, parce qu’ils ne savent pas que les suit l’affliction éternelle. Le jour terrible et redoutable de la seconde parousie du Christ mettra clairement en lumière quel aura été le gain du pauvre, le dommage subi par le riche, la dignité de celui qui vécut obscurément et la vanité de celui qui connut la gloire. A cette heure, les richesses et les biens ne serviront de rien non plus que les connaissances savantes ni les diplômes, la reconnaissance ni la réputation, le talent ni la ruse, la rhétorique argumentative ni le don de la parole, mais ne seront utiles que le fait d’avoir la conscience pure, d’avoir mené une vie vertueuse et accompli de bonnes actions. Réfléchis combien de temps de ta vie jusqu’à maintenant – de cette vie que Dieu t’a accordée pour que tu Le serves, ou plutôt pour que tu luttes spirituellement et que tu fasses ton salut, parce que Dieu n’a pas besoin de tes services- réfléchis, dis-je, combien de temps tu as gâché en actions vaines, inutiles et pécheresses. Pour aucune des minutes qui sont passées, tu ne peux revenir en arrière. Les jours, les mois et les années défilent à vive allure. Ta mort, si même tu ne veux pas y penser, approche ; elle est tout près de toi ! Quand t’atteindra-t-elle ? C’est là chose inconnue. Mais lorsque cela arrivera, quelle valeur auront les peines que tu auras prises pour les vanités terrestres ? Qui alors te secourera ? Tes aptitudes, ton talent, tes connaissances, ton argent, ta réputation ? Non ! Tes parents, qui peut-être attendent ta mort avec une impatience secrète d’hériter ? Non ! Tes amis, qui si souvent se sont révélés intéressés et ingrats ? Non ! Mais alors qui ? Seul le Dieu tout compatissant et ami de l’homme, Celui que tu as ignoré ou que tu as méprisé, bien que tout ce que tu possèdes, tu l’aies reçu de ses mains. Fût-ce maintenant, donc, viens près de lui. Quoique tu fasses sous sa protection et sous la loi du Christ, cela est bon et utile. Loin de Lui, toutes choses sont vaines et perdues. C’est pourquoi le bienheureux Paul disait : «  Ce qui était pour moi un gain, je l’ai considéré comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance de Christ-Jésus, mon Seigneur. A cause de Lui, j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner Christ et d’être trouvé en Lui. » ( Philip 3 :7-9) . Combien il est insensé que nous n’imitions pas l’Apôtre, mais que nous nous laissions leurrer par le monde, dont la figure d’aujourd’hui ne durera guère, ce monde que Saint Jean le Théologien nous conseille explicitement de ne pas aimer. «  N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie, ne vient pas du Père, mais vient du monde. Et le monde passe, et sa convoitise aussi ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. » ( 1 Jean 2 :15-17). Imite donc, toi aussi, l’Apôtre. Prends en haine la richesse éphémère, et tu deviendras éternellement riche de la Grâce de Dieu. Méprise les honneurs, et tu seras ineffablement honoré par le Seigneur. Renonce au plaisir charnel, et tu goûteras les jouissances célestes. Combats la mollesse et la paresse, et tu te reposeras pour l’éternité. Supporte la pauvreté et la nudité, et tu seras revêtu des ornements divins. Familiarise-toi avec le deuil, et tu te réjouiras à toujours. Subis avec fermeté la dérision et la persécution pour le Christ, et tu seras glorifié par les anges. Parle peu, renonce à aimer le monde, et tu recueilleras en ton sein l’amour divin. Ecoute, frère, ce que nous dit le Seigneur : «  Entrez par la porte étroite, car large est la porte et spacieux le chemin qui mènent à la perdition…Mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mènent à la vie… » ( Matt.7 : 13-14). Et la porte étroite n’est pas celle de la richesse et de la mollesse, mais celle de la pauvreté et de la privation volontaire. La voie pleine d’afflictions n’est pas celle de la gloire et des honneurs, mais de l’humilité et des souffrances. C’est par cette porte qu’est passé et sur cette voie qu’a marché le Dieu ami de l’homme sur la terre. Imite Jésus. Deviens pauvre comme lui, et humilie-toi comme lui. Laisse aujourd’hui volontairement toutes les choses dont demain tu seras involontairement privé. Renonce aux choses corruptibles pour jouir des incorruptibles. N’aime pas le monde, car «  l’amour du monde est inimitié contre Dieu. Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. » ( Jacques 4,4). Ne t’identifie pas aux hommes du monde et ne sois pas influencé par leur esprit, parce que « le monde entier se trouve sous l’emprise du Diable. » ( 1 Jean 5 :19). Identifie-toi au Seigneur et fais Sa volonté, et tu gagneras toutes choses. CHAPITRE XVII. CONNAISSANCE DE SOI-MEME. Le prophète Jérémie, se lamentant sur les malheurs des hommes et la faiblesse de la nature humaine, disait : «  Pourquoi suis-je né ? Est-ce pour voir des peines et des tourments, Pourquoi le Seigneur ne m’a-t-il pas fait mourir dans le ventre de ma mère ? » ( Jér. 20 :18,17). Le prophète avait compris ce qu’est l’homme et sa vie terrestre. Toi donc, as-tu cette connaissance ? Soucie-toi, frère, de te connaître toi-même, de comprendre ce que et qui tu es, parce que cela constitue la connaissance des connaissances et la plus grande sagesse. Plus utile et plus profitable est la connaissance de soi-même que ne sont les sciences de l’astronomie, de la physique, des mathématiques, de la médecine. Parce que celles-ci s’achèvent avec la vie présente, tandis que la connaissance de soi se prolonge encore dans la vie à venir. Pour réaliser ce dessein élevé, il est besoin d’un dur combat, d’une observation aigüe, de beaucoup de prière et de recevoir une force divine. Il te faut entrer avec l’esprit dans le cœur et examiner attentivement ton être. Mieux tu connais ton âme, ton homme ou ton être intérieur, mieux tu connaîtras aussi le Seigneur. Parce qu’en distinguant la grandeur et la partie supérieure de l’âme, tu acquiers une connaissance plus pure de l’infinie et incompréhensible grandeur de Dieu. Songe toujours au terme prompt et incertain de cette brève vie présente, en ayant conscience de son caractère éphémère et de ton insignifiance, parce que telle est la voie qui te mène auprès du Seigneur. Plus tu te connais toi-même, plus tu t’humilies ; et plus tu t’humilies, plus tu acquires la crainte de Dieu, ce qui est le commencement de la sagesse, selon Salomon ( Prov 1 :7). Si tu veux apprendre qui tu es, prends d’abord un miroir et regarde-toi dedans. Regarde et réfléchis : Celui que tu vois, ton « autre » homme, celui du miroir, de quoi est-il constitué ? De terre et d’eau. Quelque célèbre ou riche que tu sois, chef ou sage, tu ne vaux pas plus qu’un vase d’argile. Tu n’es qu’un cadavre en vérité, une image revêtue d’un peu de couleur et mue par mouvement, à qui a été conférée la vie pour quelques années. Et ensuite ? Tu redeviens cadavre et cendre ! Voilà ce que tu es relativement au corps. Mais, concernant l’esprit, si tu rejettes Dieu et Sa Grâce, tu n’es qu’un ami de la vanité, un ennemi de la justice, méprisant la vérité et héritier de l’Enfer. C’est-à-dire qu’à tout point de vue, tu es une créature malheureuse et pitoyable – aveugle dans tes conseils, impur dans tes désirs, vain dans tes paroles et tes actes, un rien, un néant, et ce, même si tu crois être quelqu’un d’important. Le plus grand héroïsme et la plus admirable générosité d’âme se trouvent dans le fait de reconnaître humblement que nous ne sommes rien. Ceci est du reste le commencement de la délivrance de nombreuses passions et bien des défauts. Bien souvent le Seigneur demandait aux malades qu’il guérissait, ce qu’ils voulaient et s’ils désiraient guérir. Non qu’il ne connût pas leur vouloir ni leur désir, mais c’était pour qu’ils prissent mieux conscience de leur état et qu’ils le confessassent purement. Souviens-toi de ce que disait aussi le prophète David, quand il demandait à Dieu de le pardonner : » Je confesse mon iniquité », disait-il dans le psaume 50. ( Ps 50 :5) ; Le plus grand danger que court le malade est de ne pas connaître sa maladie. Ceux qui ont perdu leur raison souffrent de la pire maladie. Mais ils ne le comprennent pas et ne s’en affligent pas ; au contraire, tu les vois rire et se réjouir d’une façon qui te fait pleurer. Mais est-ce que ne leur ressemblent pas tous les hommes prétendument raisonnables quine se connaissent pas eux-mêmes, ni leur nature, ni leur destination finale ? Le mal, mon frère, ne nous est pas extérieur. Il est en nous. C’est pourquoi nous guérissons si difficilement, parce que nous ne voyons pas notre maladie. Les plaies qui ne sont pas manifestes et les péchés qui ne se reconnaissent pas ne se guérissent pas aisément. A ce combat, il faut que tu mettes tout ton désir et que tu déploies toutes tes forces. Qui es-tu ? D’où viens-tu, Où te trouves-tu et où vas-tu ? Avant ta conception, tu n’existais pas ; Tu n’étais rien. Dieu a disposé dans son économie que tu viennes dans le monde, et c’est lui qui t’a donné ce que tu as, autant tes qualités naturelles – ta force, ta beauté, tes talents, tes organes des sens etc…- que tes biens terrestres, qui sont directement liés à tes charismes – ton argent, ta fortune, tes dignités. Par suite, «  Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » ( 1 Cor 4 :7). Si tu n’as pas été complètement aveuglé par l’orgueil et par l’amour du plaisir, si tu n’as pas été toujours plus enténébré par le Diable, esprit de ténèbre, si tu es une créature raisonnable de Dieu «  à son image et à sa ressemblance », tu ne peux que confesser ses bienfaits ineffables, et tout ce qu’il t’a octroyé, lui qui t’a fait roi de la création, et qui par Son Sang te délivra de la mort éternelle. Et alors tu t’humilieras profondément, et cette humilité sera le commencement de ton repentir et de ton salut. Cette humilité te fera désirer invinciblement ton Bienfaiteur et ton Sauveur. L’on raconte qu’un jour le pieux roi d’éternelle mémoire Théodose le Grand ( 379-395) ordonna que l’on mît son trône sur le rivage, devant la mer. On l’y installa comme au palais, devant les archontes et les dignitaires, et il s’exclama assez fort pour que tous puissent l’entendre : O mer ! avec le pouvoir et la puissance qui m’appartiennent, je t’ordonne de ne pas t’avancer au-delà de tes limites et de ne pas mouiller mon trône ! Les archontes étaient embarrassés de ce qu’ils voyaient et entendaient, parce qu’ils ne comprenaient pas quel était le dessein du roi. Il ne se passa cependant guère de temps qu’une vague puissante arriva soudain qui non seulement mouilla le trône, mais qui même trempa le roi de la tête aux pieds ; Alors, le sage Théodose sermonna ses auditeurs, disant : - Que tous apprennent que le pouvoir des rois du monde est vain et éphémère. Le véritable roi, roi éternel de toute la création est le Roi des rois, et Lui seul, Lui qui a créé de rien le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment de choses visibles et invisibles. Et sous les yeux des archontes stupéfaits, il descendit de son trône et marcha vers l’église, où il enleva sa couronne et la déposa pieusement sur la vénérable tête du Crucifié. De ce jour-là jusqu’à sa mort, il ne porta plus la couronne, signe distinctif du pouvoir royal. Songeons donc, nous aussi, au néant et à la vanité du pouvoir que nous pouvons posséder. Songeons à la brièveté de notre vie et demeurons attachés à cette pensée. Ne poursuivons pas les choses mensongères, pour gagner les véritables, que nous promet notre Seigneur Jésus-Christ. SECONDE PARTIE. « FAIS LE BIEN » ( Ps 33 :15) C’est avec beaucoup de sagesse et en connaissance de cause que le prophète David fixe la double définition de la vie vertueuse, lorsqu’il conseille : «  Fuis loin du mal et fais le bien. » ( Ps 33 :15). Pour ce qui est de fuir le mal, nous en avons suffisamment écrit dans la première partie de cet ouvrage. Dans la seconde, nous allons parler de l’accomplissement du bien, de l’ascèse des vertus, ainsi que du Jugement dernier, du Paradis et de l’Enfer. Nous commencerons par établir une hiérarchie élémentaire des vertus, pour que tu saches lesquelles sont les plus hautes et les plus importantes. Toutes les vertus se divisent en deux catégories : les spirituelles et invisibles, c’est-à-dire celles qui sont cultivées et vivent dans l’homme intérieur, et en les extérieures et visibles, qui se manifestent et apparaissent au grand jour. A la première classe appartiennent les trois vertus théologiques – la foi, l’espérance et l’amour, avec celle-ci à leur sommet, l’amour étant la reine des vertus – et d’autres semblables à celle-ci, comme l’humilité, la patience, le discernement, le mépris du monde, le renoncement à sa propre volonté etc… A la deuxième classe appartiennent le jeûne, la veille, l’aumône, la prière, l’anachorèse monastique etc… Et ces vertus ascétiques, il faut que nous les exercions avec beaucoup de bonne volonté et un état d’âme qui plaise à Dieu, mais leur exécution se fait à l’aide d’actes et de manifestations extérieures, et c’est pourquoi elles sont beaucoup plus faciles à percevoir que les premières. Toutes les vertus sont utiles à l’âme et nécessaires à notre salut, mais les spirituelles le sont davantage encore, parce que comme l’a dit le Seigneur à la Samaritaine : «  Dieu est esprit ; et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. » ( Jean 4 :24). L’Apôtre Paul écrit également à Saint Timothée : «  Exerce-toi à la piété ; car l’exercice corporel est utile à peu de choses, tandis que la piété est utile à tout ». ( 1 Tim 4 :7-8). Si cependant nous donnons les vertus intérieures pour supérieures, nous ne méprisons pas du tout les extérieures, parce que par elles nous sommes conduits aux premières, et grâce à elles nous acquérons les secondes et les conservons. Par exemple, l’anachorèse délivre de la tentation de voir et d’entendre des choses inconvenantes et de rencontrer des personnes mondaines. Le jeûne affaiblit le corps, il détourne de l’incitation au péché, il élève l’esprit et il porte secours dans la prière et dans l’exercice corporel. Et toutes ces vertus, à leur tour, aident à acquérir la patience, l’humilité, la piété etc…C’est-à-dire que nous pourrions dire que les vertus intérieures constituent les fins désirées, tandis que les vertus extérieures constituent les moyens pour leur réalisation. Les secondes réalisent la guérison de l’âme, tandis que les premières assurent son salut. Ainsi nous usons de toutes les vertus pour arriver à notre fin dernière, laquelle est l’union avec Dieu. Au vu de cette analyse synoptique, deviennent manifestes tant l’égarement des Pharisiens que celui, plus récent des Luthérocalvinistes. Les Pharisiens, homes vains et charnels, n’accordaient aucune importance aux vertus intérieures, faisant seulement de bonnes actions extérieures, et même de façon ostentatoire, pour paraître vertueux devant les hommes. C’est pourquoi le Seigneur les a démasqués, les a condamnés, et les a tancés durement : «  Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth, et du cumin, et que vous laissez ce qu’il y a de plus important dans la loi : le droit, la miséricorde et la fidélité ; c’est là ce qu’il fallait pratiquer sans laisser de côté le reste. Conducteurs aveugles ! qui filtrez le moucheron et qui avalez le chameau…Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis qui paraissent beaux au-dehors, et qui au-dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impureté. Vous de même, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais au-dedans vous êtes remplis d’hypocrisie et d’iniquité. » ( Matt. 23 :23 , 27-28). Dieu condamne aussi dans l’Ancien Testament la justice pharisaïque, quand Il dit par la bouche du prophète Isaïe : «  ce peuple me glorifie de sa bouche et m’honore des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi » ( Is 29 :13). Et ailleurs : «  Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices…Cessez d’apporter de vaines offrandes : L’encens me fait horreur ; quant aux nouvelles lunes, aux sabbats et aux assemblées, je ne puis voir le crime avec les solennités. Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux. » ( Is. 1 : 11,13,15).

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