mercredi 23 janvier 2019

Père Justin Popovitch, Les Voies de la Connaissance de Dieu.

PERE JUSTIN POPOVIC LES VOIES DE LA CONNAISSANCE DE DIEU MACAIRE D' EGYPTE ISAAC LE SYRIEN SYMEON LE NOUVEAU THEOLOGIEN Collection LA LUMIERE DU THABOR Editions L'AGE D'HOMME TRADUIT DU SERBE ET DU GREC PAR JEAN-LOUIS PALIERNE PREFACE « Nous avons goûté la saveur de Dieu et nous en avons eu l'expérience » (Ps. 31, 9). Saint Macaire le Grand En guise de préface au présent ouvrage du Père Justin Popovic d'éternelle mémoire, ouvrage qu'il avait consacré aux VOIES DE LA CONNAISSANCE DE DIEU, il convient avant tout de donner à ses lecteurs quelques indications préliminaires indispensables. Nous avons choisi le titre de ce livre dans l'espoir de rappeler cette vérité chrétienne que rappelait si souvent le bienheureux Père Justin : si la véritable foi chrétienne, comme la véritable vie chrétienne, portent tout entières le nom de « voie »1, c'est parce que le Christ est bien « la Voie, la Vérité, et la Vie », comme nous le dit l'Evangile2. Par tout son Evangile, le Christ notre Sauveur est en réalité pour 3nous les hommes la seule véritable « voie de la Vie », la voie vivante et salutaire qui nous conduit vers la Vérité ; il représente le seul itinéraire qui puisse nous guider jusqu'à la Résurrection et à la Transfiguration dans la vérité et dans la vie, celui qui nous conduira à Dieu notre Père éternel, vers la toute-sainte Trinité, le Principe de vie qui est notre seul « Espace des vivants », l'espace des hommes véritables et immortels. Le Père Justin dit quelque part que pour nous les hommes, l'Evangile du Christ trace notre itinéraire personnel dans l'Eglise du Christ, un itinéraire ascétique et liturgique tracé pour une vie dans la vérité de Dieu, et qu'il représente la voie dans laquelle nous pouvons faire la vérité de Dieu4, une voie qui nous conduira vers notre résurrection et vers notre Salut ; il s'agit donc bien de la voie de la connaissance de Dieu, c'est-à-dire qu'il s'agit de la voie qui nous ouvre la véritable vie, d'une voie qui nous mène à la connaissance de Dieu par le Christ et en Christ. ( 1 Jean 4, 9 ; Gal.2, 20). Cet Evangile nous présente en d'autres termes la nouvelle loi de l'Esprit de vie et de la connaissance en Christ Jésus, la loi qui nous libérera de celle de l'errance et de la corruption et de la « connaissance » du péché et de la mort ( Rom. 8, 2 ; 1 Tim. 6, 3-5 ; 20-21), nous rendant ainsi capables de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, c'est-à-dire capables de nous emplir de toute la plénitude de la Vérité et de la Vie du Dieu vivant et vrai. ( Eph. 3, 19). C'est pour cette raison, dit encore le Père Justin, que chaque Saint de Dieu, chaque véritable homme en Christ, représente un Evangile vivant, un Evangile de Dieu concrètement réalisé. Très caractéristiques sont les lignes que voici, qu'il écrivit dans un texte consacré à Saint Antoine le Grand : Dans sa vie, Saint Antoine a réalisé tout ce qu'un hssanceomme peut réaliser de l'Evangile du Christ notre Sauveur. Or la réalisation effective en un homme de l'Evangile du Christ implique que la vie de Dieu, la vie divino-humaine, la vérité et la sagesse divino-humaines, deviennent effectives en lui L'Evangile est justement la vérité, la vie et la sagesse du Dieu-homme, le Christ, vécues comme notre vie, comme notre sagesse et notre connaissance, comme notre vie quotidienne et comme une expérience de la Grâce de Dieu dans notre âme et dans notre corps. L'Evangile est une vie, une sagesse et une connaissance vécues dans la pratique ; c'est pourquoi on ne saurait l'apprendre que par la vie, qu'en pratiquant l'ascèse, en acquérant l'expérience et en goûtant à la vie qui nous est accordée par la Grâce de l'Evangile, à sa vérité et à la véritable connaissance de Dieu. C'est pour cette raison aussi que la véritable connaissance de Dieu ne peut être rencontrée que dans l'Evangile du Dieu-homme, le Christ, par un vécu par la pratique, un vécu ecclésial, un vécu de la Grâce et de l'ascèse, de l'Evangile, dans un vécu tel que celui que connaissaient Saint Antoine et les autres Saints de l'Eglise de Dieu. Ces paroles du Père Justin ne valent pas seulement pour Saint Antoine, elles concernent également tous les autres Saints comme tous les véritables hommes de Dieu qui désirent et recherchent la véritable connaissance de Dieu, la connaissance expérimentale du Dieu qui est la vie, la vérité et l'immortalité. C'est bien pour cette raison que nous avons donné pour titre au présent volume : « Les Voies de la Connaissance », car le Père Justin y a exposé la vie et la gnoséologie qui sont capables, selon les Pères de l'Orthodoxie, de conduire à une authentique communion avec Dieu. Ajoutons qu'en plus des Saints Apôtres et des plus grands des Pères de notre Eglise, qu'il a fréquentés toute sa vie durant, le Père Justin aimait et a étudié tout particulièrement trois des plus grands des Pères ascétiques et neptiques de notre Orient orthodoxe. Il s'agit de Saint Macaire d'Egypte, d'Abba Isaac le Syrien et de Saint Syméon le nouveau Théologien. Aussi ce livre présente-t-il trois publications distinctes, dont les deux premières sont respectivement consacrées aux deux premiers des Saints dont nous avons parlé, cependant que la troisième tente d'imiter en quelque sorte la théologie mystique de Saint Syméon le nouveau Théologien, auquel cependant le père Justin n'a pas entrepris de consacrer l'étude particulière que nous aurions souhaitée. La synthèse des trois éléments que nous présentons dans le présent ouvrage procède donc d'une initiative, que nous prenons dans l'espoir d'offrir au lecteur une unique étude ascétique et théologique du Père Justin sur trois Pères parmi les plus grands, trois des maîtres ascétiques et théologiques de la véritable vie et de la connaissance de Dieu selon le Christ. 1. La première partie du livre est constituée par le texte de la thèse de doctorat déjà connue de certains de nos lecteurs, que le Père Justin avait consacrée aux œuvres ascétiques qui portent le nom du grand Maître de la vie spirituelle dans notre Orient chrétien, Saint Macaire d'Egypte. Cette thèse avait été écrite pour la Faculté de Théologie de l'Université d'Athènes qui l'accepta en 1925/1926 sous le titre de « Le Problème de la Personne et de la Connaissance selon Saint Macaire d'Egypte ». - Lorsque le professeur et académicien Jean Karmiris fut proclamé docteur honoris causa de la Faculté de Théologie de l'Université de Belgrade, l'éminent professeur, s'adressant au doyen et aux professeurs, fit entre autres la déclaration très caractéristique que voici, concernant la période où le Père Justin rédigeait sa thèse : «  Qu'il me soit permis de rappeler ici les jours anciens pour rappeler brièvement le lien personnel étroit et indissoluble que j'établis avec le professeur d'éternelle mémoire de votre école, le Père Justin Popovic. C'était en mai 1925, et mon regretté professeur de Dogmatique, Constantin Dyovouniotis, me convoqua dans son cabinet de la Faculté de Théologie, alors que j'étais étudiant de dernière année, pour que je fasse la connaissance de ce pieux et vénérable théologien serbe, le Père Justin, et également pour me confier la mise au point linguistique et l'amélioration stylistique de la traduction de la thèse de doctorat qu'il devait soumettre à la Faculté de Théologie. C'est alors que je fis sa connaissance et que nous établîmes un lien d'amitié fraternelle qui s'est conservé sans discontinuer jusqu'à sa disparition. » (Notons aussi que les derniers chapitres de cette thèse du Père Justin (« Gnoséologie de la personne ressuscitée ») ont été publiés dans le volume «  Théologie – Vérité et VIe », aux éditions Zoï, Athènes, 1962) -. Le Père Justin dut rédiger cette thèse de doctorat dans les circonstances difficiles de l'époque qui suivit le Ier conflit mondial, tant en Grèce qu'en Serbie. C'est pour cette raison qu'il ne lui a annexé qu'une bibliographie limitée, celle-là seulement qui lui était alors accessible et qui était nécessaire à l'exposé de son sujet. Comme il apparaît clairement à la lecture de son travail, c'est à dessein qu'il n'est pas entré, avec l'accord du professeur Dyovouniotis, dans l'examen de la question de l'authenticité des écrits qui sont traditionnellement attribués à Saint Macaire d'Egypte. Bien plus tard, le Père Justin devait nous dire qu'il avait alors estimé et qu'il continuait à estimer que les œuvres de Saint Macaire d'Egypte contiennent et exposent le plus authentique esprit patristique orthodoxe de la vie évangélique et de l'expérience spirituelle de la connaissance de Dieu et de l'homme telles que la Grâce nous les accorde – et c'est bien là ce qui nous importe au premier chef. Certes l'opinion qui prévaut aujourd'hui chez tous les chercheurs et les patrologues concernant l'identité de l'auteur des écrits attribués à Macaire est que leur auteur (On en a récemment édités pour la première fois d'autres encore, dont le Père Justin n'avait pu alors prendre connaissance) n'est pas Saint Macaire l'Egyptien, mais plutôt un autre ascète inconnu (peut-être un disciple de Saint Macaire) issu de la région d'Asie Mineure ou bien de Syrie, et qui s'exerçait là vers la fin du Ivème ou le début du Vème siècle. L'environnement monastique de cet auteur devait être le même que celui que fréquentaient Saint Basile le Grand et son frère Saint Grégoire de Nysse, chose que confirment les étroits rapports et même la dépendance que l'on peut observer entre certains des écrits qui sont attribués à Saint Macaire et certains ouvrages des Pères cappadociens, et principalement ceux de Saint Grégoire de Nysse. Ce n'est pas ici le lieu d'approfondir cette question de l'auteur des écrits attribués à Saint Macaire, question qui ne présente aucune importance décisive – pas plus qu'en ce qui concerne les écrits aréopagitiques, - pour l'authenticité, le caractère ecclésial et l'orthodoxie de la foi et de l'expérience spirituelle qui est contenue dans ces œuvres. Qu'il nous suffise de dire que nous considérons comme assez vaine la tentative de certains des auteurs occidentaux qui ont étudié les œuvres de Saint Macaire – particulièrement Villecourt et Dörries-, tentative cherchant à attribuer la rédaction de ces écrits à l'hérétique Syméon de Mésopotamie, pour y déceler la présence des positions hérétiques messaliennes dans les œuvres de Saint Macaire. Pour l'exposé de l'ensemble de cette question, ainsi que de la réponse théologique correcte établissant non seulement le caractère non messalianisant, mais bien au contraire la portée anti-messalienne des écrits de Saint Macaire, nous nous contenterons de renvoyer le lecteur aux deux études de patrologie récemment publiées par le Père Jean Meyendorff : « Messalianisme ou anti-messalianisme ? Un regard neuf porté sur le problème 'macairien' – dans le mémorial dédié à Joseph Quasten, t.2, Münster, Westf. 1970, 583-590)- et « Saint Basile, le messalianisme et la chrétienté byzantine ». - Dans le « St Vladimir's Theological Quarterly », New York, vol. 38 (1979), 4, 125-132. Citons encore ici deux études très connues de théologie patristique et de spiritualité, l'une du Père Georges Florovsky, Les Pères byzantins, Vème-VIIIème siècles ( en russe) Paris 1933, 146-161, et l'autre de Louis Bouyer, La Spiritualité du Nouveau Testament et les Pères, Paris 1960, 440-460.-. Dans la première de ces études, le Père Meyendorff étudie les positions messaliennes telles qu'elles sont rapportées par le prêtre Timothée de Constantinople (Vième siècle), et par Saint Jean Damascène (VIIIème siècle), parallèlement à certains passages tirés des œuvres de Saint Macaire présentant une certaine ressemblance avec les positions des messaliens. Poursuivant cette étude comparative, il expose l'enseignement théologique et l'expérience spirituelle totalement différents qui opposèrent Saint Macaire aux messaliens, surtout en ce qui concerne la signification du Baptême, de l'Eucharistie et des autres saints Mystères de l'Eglise. - Le Père Justin fait lui aussi ressortir dans son étude la signification des Mystères de l'Eglise dans les œuvres de Saint Macaire, comme le lecteur pourra le constater dans ce livre.- Dans la deuxième partie de cette étude ainsi que dans l'autre publication en son entier, le Père Jean Meyendorff envisage l'environnement ecclésiastique et monastique au sens large de l'Asie mineure et de la Syrie dans la deuxième moitié du Ivème siècle, où les problèmes du monachisme et de la vie spirituelle en général expliquent d'une part la parenté que l'on peut constater entre les œuvres ascétiques de Basile le Grand, de Grégoire le Grand et de Macaire ainsi que la position commune qu'ils ont prise face aux vieilles tendances des « Eustachiens » fanatiques et des messaliens. Le lien indubitable qui existe entre les œuvres attribuées à Macaire et les œuvres ascétiques des grands cappadociens, - Quelle que soit la nature de la dépendance qui existe entre l'oeuvre de Saint Grégoire de Nysse Le Dessein de Dieu ( De instituto christiano) et La grande Lettre de Macaire, à laquelle W. Jaeger s'est particulièrement intéressé, ainsi que certains chercheurs plus récents.- atteste le caractère ecclésial et orthodoxe des écrits qui nous ont été transmis sous le nom de Macaire d'Egypte et justifie tout-à-fait qu'ils aient été étudiés dans les centres monastiques orthodoxes et plus généralement le rôle qu'ils ont eu et qu'ils continuent d'avoir dans la tradition spirituelle de l'Orient chrétien. En ce qui concerne les œuvres attribuées à Macaire, il convient de souligner ici un autre élément qui caractérise la tradition patristique orthodoxe d'une manière générale, c'est que seul le consensus universel ( catholiki symphonia) des Pères de l'Eglise, tout autant des plus grands théologiens que des plus grands ascètes, peut mettre en lumière et confirmer cette plénitude universelle ( katholiki plirotita) de la foi et de l'expérience de l'Eglise orthodoxe du Christ. Il convient par conséquent de ne pas occulter la tradition orthodoxe considérée dans son ensemble pour ne l'expliquer que par les seules œuvres spirituelles qui sont placées sous le patronage de Saint Macaire ( un cas semblable se présente avec les écrits aréopagitiques), il convient de les classer, de les commenter et de les utiliser exactement ainsi que les utilise et que les commente toute la tradition théologique et ascétique de l'Orthodoxie telle qu'elle s'est poursuivie jusqu'à l'hésychasme et encore de nos jours. 2. .La deuxième partie du présent livre est constituée par l'étude que le Père Justin a consacrée à Abba Isaac : La Gnoséologie de Saint Isaac le Syrien. Il devait l'écrire peu après, en 1927, alors qu'il enseignait au séminaire de Sremci Karlovtsi. - Ce travail est resté inédit et a été publié pour la première fois en grec dans « Theologia », tome XXXVIII, 1967.- A notre avis, cette étude du Père Justin, consacrée à l'expérience ascétique d'Abba Isaac, prolonge les thèmes de la thèse qu'il avait consacrée à Saint Macaire – que d'ailleurs Saint Isaac tient en haute estime et qu'il cite ; elle représente cependant un pas en avant dans l'itinéraire ascétique et théologique du Père Justin – bien qu'elle ne comporte aucune espèce de bibliographie, - une avancée qui devait le conduire jusqu'à ses grands travaux théologiques et spirituels, ceux qui ont déjà été publiés comme ceux qui devaient l'être prochainement. 3. Le troisième et dernier des éléments qui constituent le présent ouvrage est constitué par les Cent Chapitres ascétiques et gnoséologiques, fragments que nous avons recueillis et rassemblés nous-mêmes en puissant dans les œuvres publiées ou inédites du Père Justin Popovic. L'auteur des lignes que voici assume la pleine responsabilité du choix de ces fragments ; il ne s'appuyait pour opérer ce choix que sur la bénédiction du Père Justin et plus généralement sur son projet de composition et d'édition d'un livre présentant un tel contenu. Nous espérons que ces Chapitres, glanés dans l'antique tradition byzantine, ( voir par exemple les œuvres de Saint Maxime et de Saint Syméon le nouveau Théologien), procureront à leurs lecteurs une perception complète de la tradition spirituelle et de la connaissance de la théologie ascétique du Père Justin Popovic, de sa théo-anthropologie, en concernant tant la personne humaine que sa vie dans la Grâce et sa connaissance de Dieu dans la plénitude christologique et ecclésiologique de l'Orthodoxie. - Pour la présente édition française, les première et deuxième parties ont été traduites sur l'édition grecque, la troisième sur l'édition serbe. (N. du T.)-. * Pour terminer cette courte préface, nous voudrions souligner à nos chers lecteurs un passage de Saint Syméon le nouveau Théologien, qui vaudra aussi bien pour Saint Macaire ou pour Saint Isaac le Syrien que pour Saint Syméon lui-même. Il vaudra aussi pour notre père et maître spirituel que fut le bienheureux Justin le Jeune : Ces Illuminateurs n'ont rien écrit qu'ils n'aient d'abord fait eux-mêmes et qu'ils n'aient corrigé après l'avoir fait. (Catéchèse I). Hiéromoine Athanase (Jevtitch) PREMIERE PARTIE La Personne et la Connaissance selon Saint Macaire d'Egypte Introduction Le problème de la connaissance occupe aujourd'hui une place toujours plus centrale, pour la philosophie comme pour la science. Cette question de la connaissance et de la conscience pose une énigme difficile par laquelle il semble bien que le nœud de la vie risque d'étrangler l'impuissance de l'esprit humain. Sous la tension des mystères et des énigmes qui tourmentent notre conscience, l'homme se tourne vers lui-même, cherchant à les résoudre par lui-même. Loin de pouvoir les résoudre, c'est pour reconnaître inéluctablement qu'il demeure pour lui-même un grand mystère, un mystère qui surpasse tous les autres. Pour tenter de résoudre cette redoutable énigme personnelle rivalisent toutes sortes de tentatives, non seulement celles des partisans de l'idéalisme, mais également celles des partisans du matérialisme ainsi que les efforts de ceux qui défendent le dogmatisme ou bien de ceux qui préfèrent le criticisme. Le mystère de la connaissance renvoie toujours plus au mystère de la vie et de l'organisation de la personne humaine : nous prenons de plus en plus conscience et nous percevons que dans l'essence mystérieuse de la personne viennent se concentrer comme dans la lentille d'un objectif les rayons qui émanent de tous les mystères physiques et métaphysiques. C'est ainsi que le mystère de la connaissance renvoie finalement au mystère infiniment complexe de la personne : origines, limites et critères de la connaissance se fondent dans le mystère infiniment complexe et multi-dimensionnel de l'existence personnelle ; c'est bien la personne qui représente le problème gnoséologique fondamental. Devant tout esprit humain qui tente de philosopher sur le problème de la personne et de la connaissance se dresse cependant la grande vérité de la merveilleuse Personne du Dieu-homme. Le mystère si attrayant de l'Hypostase théandrique de Jésus Christ attire vers Lui tous les hommes profonds, tous les martyrs de la pensée et de la vie ; vers Lui s'incline mystérieusement le mystère de la personne humaine ; vers Lui tend aussi mystérieusement ce même problème de la connaissance, qui forme une partie essentielle du mystère de la personne. Que signifie la mystérieuse Personne du Dieu-homme le Christ dans la sphère de l'existence et de la connaissance personnelles de l'homme ? C'est ce que nous allons nous efforcer de montrer en exposant l'enseignement de Saint Macaire le Grand, c'est-à-dire en exposant l'expérience ascétique et théologique qui a été la sienne. CHAPITRE PREMIER L'INTEGRITE DE LA PERSONNE AVANT LA CHUTE Homme authentique et véritable, Saint Macaire d'Egypte était littéralement torturé par le dramatique mystère de la personne humaine. Il descend dans les profondeurs de l'homme pour pénétrer jusqu'aux couches entrecroisées qui ont recouvert cet énigmatique noyau tout au long du déroulement de l'histoire. Poussant plus loin, il cherchait à retrouver la situation primitive qui avait celle de l'homme d'avant la chute, pour y découvrir son divin Prototype. Remontant au-delà du péché et bien avant, c'est bien en effet à cet état originel qu'il peut reconnaître en Dieu le Verbe l'Archétype de la personne humaine. C'est alors aussi qu'il peut affirmer que toute la puissance, toute la globalité et toute la réalité de la personne et de la connaissance humaines, avaient bien été accordées à cet Adam créé par Dieu, à l'image de Dieu et à l'image du Christ. Tout ce qui fait l'homme, tout trouve en Dieu le Verbe sa racine et sa source. Pour Saint Macaire, la Grâce de Dieu le Verbe se manifeste comme une énergie créatrice dans toute la personne d'Adam. Pour Adam, Dieu était tout, - Saint Macaire d'Egypte, Homélie XII, 7 (PG 34, 560 D).-  « connaissance, héritage, enseignement » - Op. Cit. (PG, 561 A)- : c'est dans le Verbe que résidait le principe dynamique et métaphysique de la connaissance. Pour la connaissance dont jouissait Adam avant la chute, « Le Verbe était tout » ; - Op. Cit. Cf Ibid. (PG, 561 B) : «  Le Verbe lui tenait lieu de tout. Aussi longtemps qu'il observait son commandement, il restait ami de Dieu. » Cf. ibid. (PG 560 D) : «  Aussi longtemps que le Verbe de Dieu a été avec lui ( c'est-à-dire avvec Adam) et qu'il a observé tous les commandements, il a tout possédé. Car le Verbe était alors son héritage, son vêtement, la gloire qui le couvrait, sa connaissance. »-. C'est en entretenant un tel lien avec Dieu le Verbe qu'Adam peut entrer dans le monde de la Divinité trinitaire : toute la vie de l'Adam avant la chute surgit, croît et se meut dans la sphère du Dieu trinitaire. C'est bien ce que montre clairement la sainte Ecriture dans la mesure où elle nous offre un enseignement au sujet de la création de l'homme à l'image de Dieu. Le foyer mystérieux de l'existence personnelle de l'homme se concentre en cette icône : c'est d'elle qu'Adam reçoit une infinie valeur divine ; c'est parce qu'il a été créé à l'image de Dieu qu'Adam peut surpasser toute la Création au point de devenir digne d'accéder à la demeure du repos de Dieu. «  Grande est en effet la dignité de l'homme : vois combien sont grands le ciel, la terre, le soleil et la lune – et cependant ce n'est pas en eux que le Seigneur a daigné se reposer, c'est seulement en l'homme ; » - Homélie XV, 22 ( PG 589 D).- En outre l'homme est supérieur en dignité non seulement «  aux créatures visibles, mais aux invisibles, c'est-à-dire aux esprits qui servent, car ce n'est pas au sujet des archanges Michel et Gabriel qu'il a été dit : faisons-les à notre image et à notre ressemblance, - Gen. 1, 26-, c'est en parlant de l'essence noétique de l'homme, au sujet de son âme immortelle. » - Op. Cit. Cf. Homélie XI, 5 ( PG 548 B) : «  Adam avait été établi en effet seigneur et roi de toutes les créatures. » XXVI, 1 (PG 676 A), XXX, 7 ( PG 725 C), XV, 43 ( PG 605 A).- Par l'immortalité de son âme, l'homme retourne à l'immortalité primitive, celle qui avait été prédéterminée pour lui. - Homélie XXVI, 1 (PG 676 A). Cf. XX, 8 ( PG 656 A).- La mystérieuse énigme de l'âme prend sa source dans le Seigneur : L'âme est le « trône de sa gloire » - Homélie I, 2 ( PG, 452 A). Cf. XV, 43 ( 605 A-B).- «  Il n'est d'autre convenance ni d'autre utilité que celle de l'âme pour Dieu et celle de Dieu envers elle. » - Homélie XLV, 5 ( PG, 789 B).- C'est dans l'âme que Saint Macaire décèle «  la parenté qui unit l'homme à Dieu et Dieu à l'homme. » - Op. Cit. (PG, 789 C).- La parenté qui unit Dieu à l'homme n'est pas une «  parenté naturelle » comme elle l'est chez Platon, elle concerne seulement l'image de Dieu, on le verra plus bas. L'âme est en effet « une créature noétique, magnifique, grande, merveilleuse et belle, la ressemblance et l'image de Dieu. » - Homélie I, 2 ( PG 457 B). Cf. XX, 8 ( PG, 656 A)-. Le noyau si mystérieux de la personne d'Adam a été créé à l'image du Christ, car Adam a été créé à son image ( c'est-à-dire à l'image du Christ). - Homélie XX, 8 ( PG 656 A). Cependant Saint Macaire souligne nettement qu'il n'identifie pas l'âme avec Dieu : «  l'âme n'est ni de la nature de la divinité, ni de la nature des ténèbres du péché. » - Homélie I, 7 ( PG 457 B). Cf. I, 10 ( PG 460 D), XLIX, 4 ( PG, 816 B) : «  Il n'y a rien de commun entre la nature de Celui-là ( c'est-à-dire la nature de Dieu) et la nature de celle-ci ( c'est-à-dire celle de l'âme). » - L'âme n'est pas Dieu, mais le but qui lui a été assigné est bien de « participer à la vie de Dieu. » - Homélie IV, 9 ( PG 480 A). - Le caractère que possède sa nature, le caractère d'avoir été créée à l'image de Dieu, apparaît à sa spiritualité : «  Lorsqu'il créa Adam, Dieu ne le pourvut point d'ailes corporelles, comme les oiseaux ; il lui avait préparé les ailes de l'Esprit Saint, c'est-à-dire celles qu'il lui donnera à la résurrection, afin qu'elles le soulèvent et l'emportent là où l'Esprit le veut ». - Homélie VI, 11 ( PG 516 C). Cf. XLVII, 2 ( PG, 797 A). - Le Saint Esprit agit en Adam comme il agit dans les Prophètes, il lui donne un enseignement comme aux Prophètes. - Homélie XII, 8 ( PG, 561 A). Cf. I, 10 ( PG, 460 D). - Le fait que la personne d'Adam ait été créée à l'image du Christ est achevé par la puissance créatrice de l'Esprit ; l'image de Dieu qui se trouve inscrite dans son essence implique bien qu'il a été fait aussi à l'image de l'Esprit, puisqu'Adam n'a pas été créé seulement à l'image du Christ, mais aussi « à l'image de l'Esprit ». - Homélie XLVI, 5 ( PG, 796 C). - Après nous avoir donné cette subtile analyse d'Adam, Macaire nous montre par conséquent que l'image de Dieu est bien le centre même de l'âme d'Adam, mais aussi le centre de sa liberté, de sa connaissance et de son corps. Créée par Dieu à son image, l'âme appartient à Dieu, elle ne s'appartient pas à elle-même. Elle tient sa vie véritable «  non pas de sa propre nature, mais c'est de la Divinité, de son Esprit, de sa Lumière qu'elle reçoit sa nourriture et sa boisson spirituelles et ses vêtements célestes, qui représente en réalité la vie de l'âme. » - Homélie I, 10 ( PG 460 D). Cf. IV, 7 ( PG 477 C). - La vie de l'âme est « la communion mystérieuse et indicible au Royaume céleste ». - Homélie IV, 15 ( PG, 484 B). - La valeur surnaturelle ( métaphysique) et éternelle de l'âme réside en ce que l'âme est à l'image de la Sainte Trinité. C'est-à-dire qu'il s'agit en réalité d'une image trinitaire de Dieu, grâce à laquelle l'âme peut s'élever jusqu'à des sommets supra-angéliques – Homélie XV, 43 ( PG, 605 B) : «  Prends donc conscience de ta dignité, vois combien tu es précieux. Car Dieu t'a placé au-dessus des Anges. » Cf. XXVI, 1 ( PG 676 B). De la liberté de l'esprit 32 ( PG 34, 965 AB). Homélie XVI, 13 ( PG, 624 A), XX, 8 ( PG, 656 A). - pour s'enraciner dans la vie divine, dans l'immortalité divine. - Homélie XV, 22 (PG, 592 A). Cf. XXVI, 1 ( PG, 676 A). - La valeur incorruptible que possède la connaissance de l'âme réside dans les profondeurs mystérieuses de l'image du Dieu trinitaire qui se trouve inscrite en elle. «  Celui qui a été capable de reconnaître la valeur de sa propre âme est capable de reconnaître la puissance et les mystères de la Divinité. » - Homélie XXVII, 1 ( PG 693 B). - « L'image de Dieu » apparaît dans la personne de l'homme d'avant la chute comme le foyer dans lequel viennent se concentrer toutes ses valeurs. L'âme « possède de nombreux membres, bien qu'elle soit unique ». - Homélie XV, 34 ( PG, 600 A). - Les membres de l'âme – que Saint Macaire appelle ses « facultés maîtresses », - sont la volonté, la liberté, la conscience, l'intellect, la puissance d'aimer. - Homélie I, 3 ( PG, 452 C) -. En plus d'elles, le Bienheureux mentionne aussi «  les pensées qui accusent et les pensées favorables », - Homélie VII, 8 ( 528 C)-, ainsi que la faculté de discernement. - Homélie IV, 3 ( PG, 473 C) -. Chacun de ces membres de l'âme se trouve dans un rapport de soumission à l'égard de l'âme prise globalement. Elle acquiert toute sa valeur, sa faculté créatrice et sa vie, du fait qu'elle a été créée à l'image de Dieu. L'excellence de cette faculté de discernement se manifeste en ce qu'elle « dirige à la fois l'âme et le corps. » - Ibidem -. Pour Saint Macaire, intellect et faculté de discernement sont quasiment synonymes. L'intellect est « l'oeil de l'âme », - Homélie VII, 8 ( PG, 528 B). Cf. XL, 5 ( PG, 765 B). - par lequel l'âme peut voir les mystères de la création tels que Dieu les a tissés. Plus encore : « L'intellect est le trône de la Divinité, et inversement la Divinité est le trône de l'intellect ». - Homélie VI, 5 ( PG, 521 B). Cf. XXVI, 23 ( PG, 689 D) -. C'est justement pourquoi la haute vocation de l'intellect est tant soulignée : l'image de Dieu dans l'intellect est une vérité sans laquelle la personne humaine ne pourrait se maintenir dans la sphère de la Divinité, en dehors de laquelle la vie de l'âme deviendrait impossible d'un point de vue tant métaphysique qu'ontologique. La volonté de la personne d'Adam est elle aussi concentrée dans la sphère de la Divinité. Adam est autonome parce que sa volonté est à l'image et à la ressemblance de Dieu. - Homélie XV, 23 ( PG, 592 A). Cf. op. Cit. 40 ( PG, 604 AB), XXV, 1 ( PG, 668 B) -. L'image de Dieu chez Adam se manifeste dans sa libre volonté, de même que dans son intellect. C'est seulement lorsqu'on la considère dans sa globalité que l'âme est pleinement et totalement une « image de Dieu ». Chaque partie de cette âme se présente comme une section de cette globalité, de cette « image ». L'âme n'est pas seulement « à l'intérieur », elle est aussi « à l'extérieur » de l'homme, elle le contient. - Homélie XII, 12 ( PG, 564 A) - : même la partie corporelle de l'homme n'est pas autre chose qu'un organe de l'âme. - Op. cit. 4 ( PG, 560 A). Cf. II, 1 ( PG, 464 AB), IV, 1 ( PG, 473 A).-. Comme un Ange, l'âme a une image et une forme. - Homélie VII, 7 ( PG, 528 A). Cf. IV, 9 ( PG, 480 A) : «  En effet, de par leur nature propre, l'ange, l'âme et le démon sont tous des corps ; ils sont certes subtils, mais par leur substance, par leurs propriétés et par leur forme, conformément à la subtilité de leur nature, ce sont des corps subtils, tandis que notre corps, par nature, est compact. Mais il faut comprendre cela en un sens relatif et non absolu. » Saint Jean Damascène dit : « L'Ange est donc une essence noétique, toujours en mouvement, autonome et incorporelle, au service de Dieu, assumant l'immortalité dans sa nature par la Grâce, et seul le créateur de cette essence peut en connaître la forme et les limites. On dit qu'il est incorporel et immatériel par rapport à nous, mais comparé à Dieu, le seul qui soit incomparable, tout est compact et matériel, car seule la Divinité est réellement immatérielle et incorporelle. » Exposé exact de la foi orthodoxe II, 3 ( PG 94, 865 B- 868 A) -. Considérée dans son unique totalité, la personne d'Adam se présente comme une intégralité idéale, créée et conservée par l'image du Dieu trinitaire qu'elle porte en elle. Le concept et la racine de la personne se trouvent dans le Dieu trinitaire. Là où est le Dieu trinitaire, là se trouve la personne. Sans la Sainte Trinité, la personne serait inexistante du point de vue tant de l'ontologie que de la psychologie et de la connaissance. L'image du Dieu trinitaire qui est inscrite dans la personne d'Adam le rend « pur de tout péché » – Homélie XXVI, 1 ( PG 676 B)- et « impassible ». - Homélie XLIX, 5 ( PG, 812 B) -. Ce sont cette pureté à l'égard du péché et cette impassibilité qui créent la connaissance « impassible », la connaissance intégrale et parfaite. Située au centre de la personne d'Adam, « l'image de Dieu » fournit donc aussi le centre de la connaissance d'Adam. Toute la connaissance de l'Adam d'avant la chute est par conséquent une connaissance qui a été créée et formée à l'image de Dieu. - Homélie XXVII, 1 ( PG 693 B) -. La substance de la conscience humaine agit à l'image de Dieu et toutes les manifestations de la personne, connaissance, prudence, foi, amour et les autres, agissent « selon l'image de l'Esprit ». - Homélie XLVII, 6 (PG, 795 C) : «  Maintenant encore on trouve en elle la connaissance, la prudence, la charité et la foi, et le Seigneur se manifeste à elle ; Il a disposé en elle l'intelligence des pensées, la volonté et l'intellect pour guide ; il a encore placé en elle une grande subtilité -. Siégeant sur son trône, c'est Dieu qui gouverne toute cette intelligence. - Homélie VI, 5 ( PG, 521 B). Dieu et la nature créée par Dieu apparaissent comme des « objets » de connaissance, dont le « sujet » - l'image de Dieu,- est la personne humaine par cet outil de la connaissance créée à l'image de Dieu. La connaissance du monde supérieur par Adam est une grâce qui ne nous est accessible que dans une union organique avec ce monde supérieur et avec l'aide de l'image céleste. La connaissance du monde matériel se réalise grâce à une union organique avec ce monde matériel et avec l'aide de sa propre image. - Homélie XII, 6 ( PG, 560 CD). Cf. Lettre 4 ( PG, 793 D) -. Alors que l'homme peut trouver place dans le monde de la Divinité par ses racines surnaturelles ( métaphysiques), par ses racines naturelles il plonge dans la base naturelle de l'univers. La pure nature d'Adam crée ainsi une connaissance pure. - Homélie XII, 1 ( PG, 557 A). Cf. XXVI, 1 ( PG, 676 AB) -. CHAPITRE II LA DECOMPOSITION DE LA PERSONNE 1. Du péché (amartiologie). Ce sont la grâce et la libre volonté de l'Adam d'avant la chute qui lui conservent l'intégrité de sa personne et gardent ses membres spirituels et physiques en harmonie, car chacun des actes de cette volonté signifie l'assimilation à Dieu de la personne adamique, sa croissance et sa conformation à l'image de Dieu. Une force consolide ce lien et cette composition pour sauvegarder l'équilibre entre Dieu et l'homme afin d'assurer une parfaite intégrité de la personne dans cette vie multidimensionnelle ; cette force est incluse dans l'image de Dieu qui a présidé à la création de l'âme, comme cela ressort du but idéal assigné à cette personne. Conformément à ce dessein, Dieu occupe toujours la première place, l'homme suit : c'est Dieu qui fournit le but, l'homme le réalise ; Dieu travaille, l'homme collabore. Toute la personne de l'homme grandit d'une croissance fondée sur Dieu ; toute sa personne vit selon l'ordre fixé par Dieu, c'est-à-dire à l'image de Dieu. Avec l'apparition du péché, l'ordre fixé par Dieu disparaît : l'homme s'éloigne de Dieu pour rester dans sa nature nue. La personne change de centre, le style de vie fixé par Dieu est rejeté et l'image du péché apparaît dans l'âme. C'est Satan qu'Adam érige sur le trône de son intellect, de son cœur et de son corps, avec toutes les puissances et tous les princes de l'ombre. - Homélie VI, 5 ( PG, 521 B). Cf. XV, 25 ( PG, 592 D). II, 1 ( PG, 464 B) -. La transgression du commandement «  a effacé toute image d'Adam ». - Homélie XI, 5 ( PG, 548 C) -. «  Pour avoir transgressé le commandement, Adam se perd de deux manières : d'une part il a perdu la pure propriété de sa propre nature, la beauté d'avoir été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu ; d'autre part il a perdu cette image même en qui était déposé, selon la promesse, tout son héritage céleste. » - Homélie XII, 1 ( PG, 557 A) -. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'Adam ait été anéanti dans la totalité de ses dons psycho-physiques : «  Ne disons pas qu'il a péri en entier, qu'il a disparu et qu'il est mort ; à l'égard de Dieu il est certes mort, mais il vit de sa nature propre. » - Ibidem 2 ( PG, 557 B). Cf. XLVI, 3 ( PG, 793 B) : «  Il n'est pas vrai, comme l'affirment certains, inspirés par de fausses doctrines, que l'homme soit mort une fois pour toutes et qu'il reste complètement incapable de rien faire de bien. » Cf.III, 6 (PG, 472 B) : «  Mais si tu prétends que la puissance ennemie est la plus forte et que la malice domine complètement l'homme, tu imputes une injustice à Dieu qui condamne l'homme parce que celui-ci a obéi à Satan, qui serait plus fort que lui, cédant à une force contraignante : tu l'as fait supérieur à l'âme et plus fort qu'elle. » Cf. Saint Athanase, Sur l'hominisation, 4 : «  La transgression du commandement les a réduits à ce qui est selon la nature. » -. Devenant ainsi à lui-même son propre centre, l'homme s'est condamné à l'isolement, « il vit de sa propre nature », selon la juste expression de Saint Macaire, qui définit avec beaucoup de précision la substance du péché : le péché consiste en un déplacement du centre de la personne, de Dieu vers la nudité de l'homme. Le péché est bien un désir de devenir comme des dieux, mais sans Dieu et contre Dieu. Avec le péché, c'est le caractère d'image de Dieu de la personne humaine qui se corrompt : «  En transgressant le commandement, l'âme a en effet perdu son image. » - Homélie XI, 4 ( PG, 548 A) -. Depuis la chute, le péché détient « toute l'hypostase » d'Adam. - Ibid., 5 ( PG, 548 B) -. Le péché devient l'ambiance dans laquelle se meut la personne d'Adam. De plus, le Malin «  a revêtu l'homme tout entier, corps et âme » - Homélie II, 2 ( PG, 464 C). Cf. I, 7 ( PG, 457 A) -, le souillant et le brisant. Le Diable possède Adam, parce que «  en transgressant le commandement de Dieu et en écoutant la suggestion du serpent mauvais, il s'est vendu et lui-même livré au Diable. » - Homélie I, 7 (PG, 457 A) -. Cette chute est immense, elle provoque la douleur non seulement de Dieu et des Anges, mais aussi de « toutes les créatures ». - Homélie XXX, 7 ( PG, 725 C) -. «  En ce jour où Adam tomba, Dieu vint se promener au Paradis. Il pleurait, pour ainsi dire, voyant Adam, et dit : ' Quels biens n'as- tu laissés pour choisir de tels maux ! Quelle gloire n'as-tu perdue pour revêtir une telle honte ! Que de ténèbres ! Que de laideur ! Que de puanteur ! Quel éclat perdu, recouvert d'autant d'obscurité !' » - Ibidem -. Avec toutes ses capacités psycho-physiques, la personne d'Adam se transforme – et avec elle toute la nature humaine en général et toute l'humanité. Adam possède en effet « en puissance » toute l'essence métaphysique de la nature humaine tout entière. Saint Macaire ressent profondément combien la personne d'Adam est imbriquée sous toutes les formes dans l'essence de l'humanité tout entière. - Homélie XI, 11 ( PG, 552 D). Cf. Saint Athanase, Lettre sur le Concile de Nicée, 8 ( PG 25 ; 437 C). Contre les Ariens II, 2, 48 ( PG 26, 259 C). Cf. J. Stiglmayr, Sachliches und Sprachliches bei Makarius von Aegypten, p.66 ( Innsbrück, 1912) -. Chacun des actes d'Adam est profondément universel. Par conséquent sa transgression aussi est un acte qui revêt une importance universelle et qui a des conséquences universelles ; Dans sa chute il entraîne toute la nature humaine ; - Homélie XLVIII, 5 ( PG, 812 B) - ; par sa transgression, c'est toute l'humanité qui transgresse les limites de la loi, qui entre dans l'illégalité – Homélie V, 1-3 ( PG, 496 A-D). Cf. VI, 5 ( PG, 521 B) – et laisse là la vie à l'image de Dieu pour choisir celle qui suit l'image de la méchanceté. - Homélie XI, 5 ( PG, 584 BC) -. «  Car Adam, par sa transgression, a reçu en lui le levain des pensées mauvaises, de même que, par participation, tous ceux qui sont nés de lui, et toute la race d'Adam a pris sa part de ce levain... L'humanité tout entière a été insinuée du levain de la malice. » - Homélie XXIV, 2 ( PG, 664 A-B). Cf. De la patience et du discernement 9 ( PG 34, 872 D) : «  Il y a en effet quelque tache cachée et un excès d'obscurité des passions, qui en plus de la pure nature humaine s'est introduit dans toute l'humanité par la transgression d'Adam pour troubler et souiller tant le corps que l'âme. » -. C'est ainsi que le péché entre en combinaison avec l'homme et peut vivre par sa vie. - Cf. homélie II, 3 ( PG, 464 D – 46( B), Vi, 3 ( PG, 520 C). Par tant de racines mystérieuses infiniment variées, l'universalité de la personne d'Adam va tresser ses lacets et prendre ses racines à la base de toutes les créatures en général. Adam apparaît comme un facteur d'équilibre entre les mondes spirituel et physique, mais avec sa chute, c'est aussi toute la création qui s'écroule. C'est ainsi que le principe de l'universalité peut s'introduire jusqu'à la racine du péché : le péché était celui du Premier-créé – Adam ; à partir d'Adam il s'élargit jusqu'à devenir universel : Adam souillé signifie donc bien la souillure de toute la création – HomélieXI, ( ( PG, 54_ BC) -. Comme l'Apôtre Paul, Saint Macaire ressent toute l'universalité du péché d'Adam, de même qu'il ressent aussi que toute la Création gémit ensemble dans les douleurs de l'enfantement. - Rom. 8, 19-22 - . La Création présente bien le caractère du péché, mais c'est un caractère à forme uniquement humaine. L'amartiologie de la Création est incluse dans l'amartiologie de l'humanité, et l'histoire de celle-ci est aussi l'histoire de celle-là, car le développement de la Création est déterminé par celui de l'humanité. Saint Macaire suit avec un intense intérêt la croissance de l'homme dans le péché ; il observe toutes les innombrables situations de péché par lesquelles passe l'homme, les subtiles combinaisons dans lesquelles le péché entre avec l'homme et toute cette activité si variée et si mystérieuse du péché, pour les analyser en détail dans ses écrits. Son analyse se concentre particulièrement autour de l'âme, de l'intellect et de la liberté ; c'est pourquoi nous nous efforcerons d'exposer nous aussi systématiquement son enseignement en ce qui concerne le lien qui unit le péché à l'âme, à l'intellect et à la liberté, car leurs racines sont fondamentalement communes et leur essence est la même. Le mystère de la personne humaine se manifeste tout particulièrement par l'unité de l'âme, de l'intellect et de la liberté dans l'image de Dieu. C'est pourquoi le mystère du péché se manifeste principalement dans le rapport qui l'oppose à cette unité. a) le péché et l'âme Selon Saint Macaire, la rencontre de l'âme avec le péché n'est pas autre chose que sa rencontre avec quelque chose d'étranger, qui vient vers l'âme pour y agir par toutes ses machinations, c'est-à-dire par les passions. - Lettre ( PG 34, 412 C). Mais cette rencontre de l'âme avec le péché est bien une rencontre volontaire ; elle ne lui est pas imposée et en même temps elle est universelle : « C'est en effet un élément étranger à notre nature que cette malice des passions, que nous avons reçue en nous par la transgression du premier homme. » - Homélie IV, 8 ( PG, 177 C) -. La malice est donc bien étrangère à la nature de notre âme – De l'exaltation de l'intellect 5 (PG 34, 893 A) - : le mal est entré en nous par la transgression et nous avons reçu en nous cette nouvelle « nature » qui reste pour nous comme un étranger et un intrus. - Ibid. Cf. 7 ( 896 A) -. Cet intrus qu'est le péché s'insinue graduellement en notre âme – Homélie III, 5 ( PG, 468 A) - : peu à peu il grandit en elle – Homélie XLI, 1 ( PG, 768 C). Cf. XV, 20-21 ( PG, 589 C) - , il y tresse ses rets en toutes ses parties – Ibid.- au point d'établir son règne jusque sur les bases mêmes de l'âme. Car «  l'âme possède beaucoup de membres et beaucoup de profondeur et lorsque le mal s'y introduit il prend donc possession de tous ses membres. » - Homélie L, 4 ( PG, 820 C). Cf. De la garde du cœur 11 ( 832 A)-. L'itinéraire par lequel le péché s'introduit en l'âme et s'y enracine ressemble à l'enracinement d'un grand arbre dans les profondeurs de la terre. «  De même que l'arbre avec ses racines pénètre dans les profondeurs de la terre, de même aussi le péché, avec ses racines, pénètre jusqu'aux demeures les plus secrètes de l'âme. » - Homélie XLI, 1 ( PG, 768 C) -. Le Prince du péché a revêtu de péché l'âme et toute son hypostase, il l'a tout entière souillée, il l'a réduite tout entière en captivité dans son Royaume, sans laisser en liberté aucun de ses membres : ni ses pensées, ni son intellect, ni son corps. » - Homélie II, 1 ( PG, 464 B) - . C'est ainsi que «  l'âme tout entière subit les passions de la malice et du péché. » - Ibid. Cf. XI, 4 ( PG, 548 A). Cf. Saint Méthode, Le Banquet 6, 1 ( PG 18, 113 CD), Grégoire de Nysse, De la Virginité ( PG 46 ; 384 B) -. La familiarité qui s'établit entre l'âme et le péché se présente comme une prostitution de cette âme avec Satan – Homélie XXVI, 13 ( 684 A). Cf. Lettre ( 416 C). Stoffels, Op. Cit., p.112 - : «  l'âme incorporelle communie à la malice incorporelle de l'esprit, c'est-à-dire qu'un esprit s'unit à un esprit pour commettre l'adultère. » - Homélie XV, 28 ( PG, 593 D). Cf. XXVI, 13 ( 684 A).-. L'âme «  se mêle à la malice et Satan ne fait plus qu'un avec elle – ce sont tous deux des esprits, - pour la fornication ou pour le meurtre. Voilà pourquoi celui qui s'unit à une prostituée ne fait plus avec elle qu'un seul corps. » - 1 Cor. 6, 16. Homélie XVI, 2 (PG, 613 C) -. Cette union de l'âme avec le péché nous fait comprendre que l'âme est le corps que revêt le péché. « Car une âme qui vit encore dans le monde et dans les ténèbres du péché, une âme qui n'a pas encore été mise à mort par lui mais qui porte déjà en elle cette âme mauvaise qu'est l'énergie ténébreuse des passions du péché et qui est menée par elle, - cette âme n'appartient plus au corps du Christ, elle n'appartient plus au corps de la lumière, elle fait partie du corps des ténèbres. » - Homélie I, 6 ( PG, 456 D). Cf. ibid., 7 ( PG, 457 A) : «  le Malin a revêtu l'âme, cette créature excellente, que Dieu avait faite à son image. » - A la suite de l'apôtre Paul, Saint Macaire qualifie l'âme de 'corps du péché', de 'corps de la mort'. - Ibid., 7 (PG, 457 AB). Rom. 7, 24.-. L'association de l'âme avec le péché en arrive à une union telle que l'homme en tant qu'homme devient absolument incapable de les distinguer. - Homélie II, 3 ( PG, 464 A). - . L'âme acquiert graduellement toutes les propriétés du péché, elle s'assimile au Diable et en arrive à devenir « compagne et sœur des démons. » - Homélie XXVI, 13 (PG, 684 A). -. L'âme qui de tout temps était tout entière lumière, tout entière œil, n'est plus maintenant que ténèbres et qu'aveuglement, car «  elle est aveuglée par les ténèbres du péché. » - Homélie XX, 7 ( PG, 653 C) -. L'aveuglement de l'âme est le premier symptôme qui annonce la présence du péché dans l'âme du pécheur. Aveuglée dans les profondeurs des ténèbres, l'âme n'a plus que le péché comme énergie créatrice. Par son « essence », le péché est ténèbres. - Homélie XXVIII, 4 ( PG, 713 A). Cf XLVIII, 1 (PG, 812 B). Sur la liberté de l'esprit 11 (PG, 944 A). - . C'est comme un épais rideau que le Diable vient placer entre Dieu et l'âme humaine créée à l'image de Dieu. - Homélie XVII, 3 (PG, 625 B). Cf. XXVI, 1 (PG, 676 B) ; XXVII, 8 (PG, 700 A) ; VIII, 3 ( PG, 529 C). -. Lorsqu'elle pèche, l'âme se revêt de ténèbres, épaisses et méchantes. - Homélie XXX, 7 ( PG, 725 C). Cf. XI, 11 (PG, 552 D). Ibid., 4 (PG, 548 A). -. « C'est donc à l'intérieur, dans l'âme, que rampe et progresse l'esprit de malice, qui suggère les pensées et qui est ce voile des ténèbres. » - Homélie XLII, 3 ( PG, 772 A). Cf.XXVIII, 4 (PG, 712 D). -. Vivant dans l'âme, l'esprit mauvais et impur la rend mauvaise et souillée. - Homélie XVI, 7 (PG, 617 D). - . L'âme est tout entière plongée dans la fange du péché. - Homélie XI, 4 (PG, 548 A). -. En tant que lèpre, le péché communique sa lèpre à l'âme. - Homélie XLIV, 4 (PG, 781 B). -. La « plaie inguérissable du péché »  se trouve en toute âme. - Homélie XX, 4 (PG, 652 C). -. Blessée par le péché, l'âme se souvient de cet homme que les brigands avaient couvert de plaies sur la route qui mène de Jérusalem à Jéricho. - Homélie XXX, 7 (PG, 725 D). -. Mais le péché, lorsqu'il mûrit, engendre la mort, et l'homme meurt «  de la mort effroyable de l'âme. » - Homélie XLVII, 6 (PG, 800 B). - . En son « essence », le mal est bien « l'aiguillon de la mort ». - Homélie XV, 49 ( PG, 609 B ). -. Où le mal installe son règne, règne aussi la mort. Depuis la chute, toutes les âmes se meuvent dans la sphère de la mort. La catégorie de la mort est la seule catégorie qui régisse les âmes. - Homélie XI, 11 (PG, 552 D). -. Alors qu'elle se meut dans cette sphère, l'âme « est corrompue par les esprits. » - Homélie XXVII, 2 (PG, 693 C). -. Précipitée comme « morte à l'égard de Dieu, au milieu de monstres redoutables. » - Homélie XI, 12 (PG, 553 C). Cf. XLI, 1 (PG, 768 C) : «  Quand l'homme, en effet, se fut détourné du commandement et se trouva sous le coup d'une sentence de colère, le péché le réduisit en son pouvoir et ce péché, qui est comme un abîme d'amertume, à la fois subtil et profond, pénétra en l'homme, prenant possession des espaces de l'âme, jusqu'en ses réduits les plus profonds. » -. Contaminée par le péché, l'âme se trouve comme un jouet entre les mains des esprits impurs. - Homélie XLV, 5 (789 D) -. L'âme qui se trouve sous la domination du péché est séparée de Dieu ; elle sent mauvais, elle est dévorée de vers. «  Toute âme qui n'est pas assaisonnée du sel de l'Esprit saint et n'a pas part au sel céleste, c'est-à-dire à la force de Dieu, tombe en pourriture et se remplit de la pestilence des mauvaises pensées, à tel point que la face de Dieu se détourne de l'horrible odeur que répandent les vaines pensées des ténèbres et des passions qui habitent une telle âme. Des vers méchants et redoutables – autrement dit les esprits malins et les puissances des ténèbres,- grouillent dans cette âme, y vivent et s'y cachent, s'y répandent, la dévorent et la corrompent. » - Homélie I, 5 ( PG, 456 A). Une telle âme devient bien « le corps de la mort ». - Homélie I, 7 (PG, 477 B) -. De l'analyse qui précède, concernant le péché et la manière dont il s'unit avec l'âme, on pourrait retirer l'idée que Saint Macaire enseigne que l'union du péché et de l'âme est une union « selon l'essence ». Afin d'éviter d'aboutir à une conclusion aussi désastreuse, il est nécessaire que nous exposions l'enseignement que délivre Saint Macaire au sujet de « l'essence » du péché comme en ce qui concerne l'essence de l'âme. Le Saint considère que l'essence de l'âme se trouve dans l'image de Dieu, comme on peut le déduire des nombreuses citations que nous avons rapportées dans l'analyse de l'intégrité de la personne d'avant la chute. - Homélie I, 7 (PG, 477 B) -. Il considère donc que « l'essence » du péché est un non être. - Homélie XVI , 1 ( PG, 477 B). - . Cela peut sembler paradoxal, mais pour Saint Macaire comme pour tous les Pères de l'Eglise en général, ce paradoxe revêt la plus haute importance, car il ruine totalement le dualisme ontologique du manichéisme. «  Ceux qui disent que le mal a une hypostase propre ne savent rien », dit le Saint. - Ibid. -. Pour que nous puissions définir quelque chose, il faut que nous le rapportions à Dieu. Cela vaut pour le péché, tout autant que pour le mal. «  En Dieu le mal ne saurait avoir aucune hypostase, en raison de sa nature divine et impassible. » - Ibid. Cf. ibid., 5 ( PG, 613 AB). -. Le mal « tire son être de ne pas être », dit Saint Grégoire de Nysse. - Grégoire de Nysse, De l'âme et de la Résurrection 57 ( PG 46, 93 B ) : «  Puisque la nature divine surpasse tout bien, et que le bien est en tout cas l'ami du bien, lorsqu'elle se regarde elle-même elle veut ce qu'elle a et elle a ce qu'elle veut, sans rien admettre d'extérieur en elle-même. Mais rien ne lui est extérieur, sauf le seul mal qui – si paradoxal que cela puisse paraître – tire son être de ne pas être ; Or le mal ne connaît pas d'autre origine qu'une carence de l'âtre ; Ce qui est réellemnt est la nature du bien ; Ce qui ne se trouve pas dans l'existence ressort en tout cas du non-être ». Saint Grégoire exprime la même opinion dans son Homélie VII ( Commentaire sur l'Ecclésiaste, PG 47, 725 A-B ) : «  Ce qui est hors de l'existence n'est pas dans l'être. Puis donc que la malice s'oppose à l'amour, et que Dieu est l'amour parfait, le mal se trouve hors de Dieu, puisque sa nature ne se comprend pas d'être lui-même, mais de ne pas être le bien. Nous avons en effet donné le nom de malice à ce qui est hors du concept du bien. C'est ainsi que la malice s'oppose au bien comme le néant se distingue de l'être. » Saint Athanase le Grand, cette colonne de l'Eglise, souligne également la même idée que ci-dessus concernant le mal : « Il existe des êtres bons, il n'en existe pas de vils. J'appelle bons les êtres dans la mesure où ils tirent du vrai Dieu leur modèle. Je ne dis pas que des êtres soient mauvais, dans la mesure où les inventions qu'imaginent les hommes ne sont pas des êtres. » (Discours contre les Grecs '). Le critère de l'Eglise est le seul avec lequel nous puissions définir « l'essence » du mal ; Saint Athanase le souligne tout particulièrement : « Puis donc qu'une imagination aussi avilie s'est manifestée, il est nécessaire que resplendisse la vérité de la connaissance ecclésiale, c'est-à-dire que le mal n'est pas apparu auprès de Dieu, ni en Dieu, ni au principe, et qu'il n'a même pas d'essence, mais que ce sont les hommes qui se sont mis à l'inventer en privant leur imagination du bien et à fabriquer ce qui n'existe pas et qu'ils voudraient. » (Ibid., 7). Cf. également Sur l'incarnation 7. Saint Jean le Sinaïte dit que : «  Il n'y a dans la nature des êtres aucun mal posé hors d'un choix et considéré dans une hypostase particulière. » ( L'Echelle Sainte, Discours XXVI, PG 88, 1048). Abba dorothée écrit ces lignes : « Dieu nous a donné naturellement les vertus, mais ce n'est pas par nature que nous avons des passions, car elles n'ont ni essence ni hypostase. » ( Instruction XII, 20 ; PG 94, 1196 C). Saint Jean Damascène écrit : «  La malice n'est pas une essence, ni même un élément d'essence, ce n'est qu'un accident, c'est une aberration passant du 'selon la nature' au 'contre nature', ce qui est un péché... » ( Exposé exact de la foi orthodoxe IV, 20 ( PG 94 ; 1196 C) . Cf. Saint Maxime le Confesseur : « La malice n'avait pas ni n'aura de substance par sa propre nature car elle n'a, selon quelque essence que ce soit, ni nature, ni hypostase, ni puissance, ni énergie parmi les êtres, ni qualité, ni quantité, ni forme, ni lieu, ni temps, ni position, ni composition, ni mouvement, ni propriété, ni passion, considérés naturellement en l'un des êtres... » -. Du point de vue ontologique aucune union essentielle n'est donc possible entre l'essence de l'âme et l'essence du péché. Le contact entre l'âme et le péché ne présente aucun caractère d'union essentielle, il n'a que le caractère d'une symbiose psycho-somatique ; L'âme et lle péché «  ne sont pas ainsi mélangés comme certains le diraient d'un mélange d'eau et de vin, mais chacun existe à part, comme l'ivraie et le blé dans un champ, ou le voleur et le maître dans une maison. » - Homélie XVI, 1 (PG, 613 B). -. Or malgré cette union du péché et de l'âme, l'un et l'autre conservent leurs natures propres : « Le soleil a son propre corps et sa propre nature, et de même le vent a sa propre nature et son propre corps, et cependant personne ne peut séparer le vent du soleil ; sauf Dieu seul, à qui il appartient de calmer le vent pour qu'il ne souffle plus ; de même le péché et l'âme sont mêlés, bien qu'ils aient chacun leur propre nature. » - Homélie II, 2 (464 D). Cf. IV, 8 ( PG, 477 C), I, 7 (PG, 457 B). -. La différence entre l'âme et le péché n'est pas abolie, mais le péché demeure en l'âme comme «  une autre âme » avec l'âme. - Homélie XI, 15 (PG, 556 C). Dans l'étude que nous avons citée ( pp. 114-116), Stoffels identifie l'expression utilisée par Saint Macaire «  krasis », en grec, avec le contenu de l'expression utilisée par les Stoïciens « krasis tôn olon ». Mais l'amartiologie de Saint Macaire prend ses racines dans l'amartiologie de Saint Paul, qui n'a aucun rapport avec l'enseignement des Stoïciens sur le péché. Stiglmayr réfute avec beaucoup de bonheur ( op. Cit., p.65) l'opinion de Stoffels en étudiant les expressions « krasis » et « mixis » de l'âme avec le péché dans l'enseignement de Grégoire de Nysse, d'Origène et de Méthode d'Olympe. Cf. Origène, Contre Celse IV, 13 ( PG 11, 1044 ; Kötschan 1, 283) : «  la malice mélangée par toute l'âme ». Grégoire de Nysse, Sur les Béatitudes 6 (PG 44, 127 A) : « Le mal est comme mélangé à la nature » et Discours catéchétiques 6 (PG 45, 29 C) : « ayant mélangé la malice (c'est-à-dire dans la nature) ». -. « L'âme du péché » agit sur l'âme de l'homme, leurs vies s'imbriquent, mais l'âme humaine ne fait pas qu'un avec « l'âme » du péché, elle reçoit seulement en elle « l'âme du péché, c'est-à-dire l'énergie de ténèbres des passions du péché ». - Homélie I, 6 (PG, 456 D). Cf.II,2 (PG, 464 B).-. « L'âme » du péché imite l'âme de l'homme, et « puisque le péché est un esprit, il a une image, qu'il reproduit en de nombreux exemplaires. » - Homélie XVI, 7 (PG, 617 D). -. Le foisonnement spirituel des branches du péché répond au foisonnement de l'âme. - Homélie II, 4 (PG, 465 D). Cf. Homélie III, 4 (PG, 617 D).-.La différenciation du mal ne présuppose pas l'existence de divers maux qui auraient pénétré dans le monde en plus de la malice. Le péché est la seule entrée, l'unique « racine de tous les maux. », - -Homélie XVI, 4 (PG, 616 C) – et les passions des désirs de l'âme et des mauvaises pensées viennent de là. - Op. Cit.- Aussi un théologien orthodoxe a-t-il pu dire à juste titre que «  la théorie qui fait du mal un péché est l'une des principales caractéristiques de la théologie chrétienne. » - S. Zarin, L'ascétisme selon l'enseignement du christianisme orthodoxe, en russe) S. Petersbourg 1907, p.27). -. L'analyse du lien qui s'établit entre le péché et l'âme, ne concerne pas seulement les rapports qui existent entre l'intellect et la liberté d'une part et le péché de l'autre ; elle commande l'analyse plus détaillée de ces liens, dont la complexité et la subtilité sont si immenses. b) Le péché et l'intellect Le complexe instrument psychique de la personnalité humaine devient, depuis la chute, un instrument du péché : les microbes du péché contaminent l'âme jusqu'en ses profondeurs, revêtant tous ses membres jusqu'à atteindre son œil même, l'intellect. - Homélie VII, 8 (PG, 528 B). -. L'intellect devient profondément pécheur – Homélie II, 1 ( PG, 464 B) – comme le dit Saint Macaire ; et dès qu'il devient pécheur, l'intellect retient le Diable. - Ibid.-. Satan enchaîne l'intellect. - Homélie XXVII, 19 ( PG, 708 A) -. C'est ainsi que l'intellect en arrive à un état de péché où il est devenu un « temple de Satan » - Ibid. -, où l'on rend un culte à Satan avec ses légions d'esprits impurs, qui empestent l'intellect de leur puanteur. - Ibid. (PG, 708 B) -. La partie royale de l'âme, c'est-à-dire l'intellect, avec laquelle elle peut contempler la Divinité, est la cible principale de l'activité de Satan. Depuis la transgression d'Adam, Satan a atteint son but, il a blessé et enténébré « l'intellect, le conducteur, celui qui voit Dieu ». - Homélie XX, 4 (PG, 652 C). Cf. XL, 5 (PG 765 B) : «  L'intellect est le cocher qui conduit le char de l'âme en tenant les rênes des pensées. » Cf. XXVI, 1 (PG, 676 B) : «  Satan a obscurci l'intellect. » Cf. XXVII, 8 (PG, 700 A) : «  Le péché plonge l'intellect dans l'obscurité. » -. Or il ne se contente pas d'enténébrer l'intellect, mais il l'aveugle. - Homélie V, 25 (PG, 492 C) ; VIII, 8 (PG, 528 B). -. Plongeant l'intellect dans les ténèbres, Satan enténèbre l'image vivante de Dieu dans la nature humaine, l'image et la ressemblance de Dieu. - Homélie XXVI, 1 (PG, 676 B). -. Par leur activité incessante, Satan et les « esprits du mal » dévastent « lintellect directeur » - Homélie XV, 33 (PG, 597 c). Ibid., 34 (PG, 600A) – pour y introniser satan qui vient lui-même gouverner la nature humaine. - Homélie VI, 5 (PG, 521 B). -. C'est lui qui ouvre les portes de l'intellect pour faire entrer ses propres forces, qui viennent s'y transformer en puissances créatrices de l'intellect. - Homélie XI, 11 (PG, 553 A). Cf. XV, 21 (PG, 589 C). Ibid. 49 (PG, 609 B). -.Jusque là roi de la nature humaine, l'intellect se transforme en un esclave du péché, en qui vient ramper et se nicher le serpent du péché – De la garde du cœur 1 (PG, 824 A) ; Cf. De la patience et du discernement 5 (PG, 869 A) – pour disséminer la malice dans l'âme. - Homélie XVIII, 13 (PG, 632 C). -. Dès qu'il est devenu pécheur, celui qui jusque là observait les indicibles mystères de Dieu se laisse lier aux chaînes de la malice, perdant de plus en plus sa capacité de « partir vers Dieu. ». - Homélie V, 6 (PG, 505 A). Cf. De la patience et du discernement 5 (PG, 869 A). - . Celui qui jadis était libre devient prisonnier du péché et de ces « murailles du péché » qui forment maintenant son enceinte. - Cf. Homélie III, 3 (PG, 817 C). - . Prisonnier du péché, l'intellect manifeste son activité dans la catégorie du péché. - Cf. Homélie V, 3 ( PG, 496-497) . XV, 49 (PG, 609 B).-. L'emprisonnement et l'asservissement de l'intellect dans la malice font qu'il lui est impossible d'être libéré dans cette sphère étroite du monde pécheur de la matière. «  Les pensées du monde attirent l'intellect vers les choses de la terre et celles de la corruptibilité, sans le laisser aimer Dieu ou se souvenir du Seigneur. » - Homélie XV, 15 (PG, 585 B). -. Pour avoir trébuché sur le péché, l'intellect aime les choses de ce monde et porte « le très lourd joug de la malice ». -Homélie V, 6 (PG, 504 C). -. Tyranniquement et inlassablement, le mal « enchaîne l'intellect au siècle présent » afin qu'il ne puisse plus s'envoler par la prière au-dessus des plus grands péchés. - Homélie XVI, 6 (PG, 617 A), XI, 7 (PG, 549 A). -. Depuis la transgression d'Adam jusqu'au Christ, l'intellect de l'homme est resté enfermé dans les étroites limites du siècle présent, où il étouffe et suffoque – Homélie XXIV, 1 (PG, 661 D), et c'est pourquoi « il n'a plus de séjour que sur la terre ». - Homélie IV, 6 (PG, 477 B). -. Enchaînés « par l'intellect aux liens de la terre », les hommes se conforment à l'image de ce monde jusqu'à en devenir « semblables au monde par l'intellect et par l'esprit » ; - Homélie V, 4 (PG, 497 C). Cf. De la patience et du discernement 5 (PG, 869A). -. L'intellect lui-même se brise et subit d'énormes blessures et supporte « des montagnes insoutenables » - Homélie XV, 25 (PG, 592 D – 593 A). -. Saint Macaire le dit bien : « Les passions sont des montagnes insupportables » - Homélie XV, 50 (PG, 609 C) -, produites et accrues par les démons qui demeurent à l'entour de l'intellect pécheur. - Ibid.-. L'impureté de l'intellect est la conséquence naturelle de son union avec le péché. Que quelqu'un devienne pécheur signifie bien qu'il est devenu mortel, car le péché, selon l'Apôtre, inclut la mort. - Jacques 1, 15). -. Il en est des parties comme de l'ensemble de l'âme pécheresse : l'intellect pécheur devient mortel. Du lien que l'âme et l'intellect entretiennent avec le péché et avec le mal, ne provient qu'un unique résultat – et c'est la mort. c) Le péché et la liberté Le péché ne saurait se réaliser sans liberté. Sinon l'existence ou la simple possibilité de réalisation du péché en l'absence de liberté engloutirait la conscience humaine dans la gueule d'un monstre métaphysique – un monstre qui signifierait la nécesssité et l'inéluctabilité du péché et du mal ; Que le péché puisse être inéluctable aurait comme conséquence logique que le bien aussi serait inéluctable, ce qui exclurait la personne du domaine de l'éthique (libre) pour l'abandonner à un dualisme ontologique et gnoséologique. Mais le caractère éthique de la personne exclut tout mal, tout péché, qui serait posé en dehors de la libre volonté. Ainsi Saint Isaac le Syrien peut-il dire « qu'il n'y a pas de mal qui existerait sans préméditation et qui serait considéré dans la nature des êtres selon son hypostase propre. ». - Isaac le Syrien, Discours 27 ( éd. Leipzig 1770). -. C'est la libre volonté qui permet au mal d'accéder jusqu'à l'homme et de lui être communiqué ; la liberté porte la responsabilité de tout péché. C'est ainsi que chaque péché suscite la sanction, parce qu'il présuppose une libre énergie de la liberté – De la garde du cœur 12 (PG, 833 D) - : «  La loi n'est pas établie pour la nature, mais pour l'autonomie du choix, pour orienter celui qui le veut vers le bien ou vers le mal ». - Sur la liberté de l'intellect 3 (PG, 937 C). - . L'homme possède une « volonté autonome » - Homélie XXIX, 1 (PG, 716 B). Cf. ibid. (PG, 716 D) – et « nous connaissons l'autonomie de la liberté qui nous a été accordée par Celui qui nous a créés afin qu'il soit en notre pouvoir d'aspirer au meilleur et d'éviter le pire ; » - Lettre (PG, 412 AB). -. Saint Macaire insiste tout particulièrement sur la participation effective de la libre volonté à la transgression d'Adam : « C'est par sa propre volonté qu'il a transgressé la volonté (de Dieu) et pris le parti du mal ». - Homélie XII, 8 (PG, 561 B). -. Ce n'est pas seulement le cas de l'homme ; « toutes les substances noétiques » sont douées d'une libre volonté : elles décident le mal « par leur autonomie », - Homélie XVI, 1 (PG, 613 A) -, faisant tout « par leur volonté propre ». - Ibid. Cf. XVII, 2 (PG, 693 ci) D). -. Toute la valeur de la libre volonté réside bien sûr dans le fait que la liberté a bien été créée à l'image de Dieu. - Homélie XV, 23 (PG, 592 A). -. La chute a cependant nécessairement inclus une participation de la libre volonté, qui a obscurci ainsi l'image de Dieu. - Homélie XV, 40 (PG, 604 A). -. L'importance, la rapidité et la profondeur de cette assimilation de l'homme au péché dépendent de sa libre volonté. Dès lors qu'elle prend part à l'assimilation de tous les éléments psycho-physiques de la personne humaine au péché, la libre volonté passe elle-même par tous les degrés du péché, pour finalement se laisser souiller par lui. - Cf. Homélie II, 4 (PG, 464 B). -. La souillure que le péché imprime à la volonté est si redoutable que la première chose qu'exigent le Christ et le christianisme de l'homme est de ne « jamais rechercher sa propre volonté ». - Lettre (PG, 421 D). Cf. Homélie II, 3 (PG, 465 D). De la perfection dans l'Esprit 8 (PG, 848 A. -. C'est également pour cette raison que la croissance dans la vertu ne peut être obtenue que « dans la mesure où nous rejetons la volonté du monde. » - Homélie XXI, 5 (PG, 657 C). -. La multiplication des péchés survient lorsque l'homme s'obstine dans sa volonté pécheresse. - Homélie V, 6 (PG, 504 C). -. «  Par sa volonté propre l'homme est séduit par le péché. » -Ibid.-. Le premier devoir de la puissance créatrice de l'âme est de « ne pas faire la volonté des pensées » - Homélie VI, 3 (PG, 520 C). Cf. Homélie IX, 1 (PG, 532 D) -, car la volonté se trouve prise dans les liens de la malice. - Homélie V, 6 (PG, 504 C). -. Chez certains, l'assimilation volontaire au péché en arrive à ce qu'ils se livrent volontairement au Diable : « Ceux qui abritent en eux le mal par un libre choix sont ceux qui livrent leur volonté au mal, qui y prennent plaisir et lui donnent leur amitié. Ceux-là sont en paix avec Satan et ne font pas la guerre au Diable dans leurs pensées. » - Homélie XXVII, 2 (PG, 693 CD). - . Plongeant par les racines de sa substance dans la substance créée à l'image de Dieu de l'âme, la libre volonté de l'homme subit toutes les conséquences qui sont provoquées par l'association de l'âme avec le péché et le mal : étant une partie essentielle de l'âme, elle en possède la capacité créatrice et destructrice. La libre volonté est prédestinée à la capacité créatrice dans l'édification de la personne, lorsqu'elle conforme toute son activité en harmonie avec l'image de Dieu. Elle a une prédestination à la capacité de destruction lorsque le péché l'utilise par chacune de ses actions pour affaiblir la personnalité des hommes. Dans l'un comme dans l'autre cas, la prédétermination positive ou négative de la volonté, non seulement montre, mais même démontre l'infinie valeur de la libre volonté dans la vie de tous les hommes. Depuis la chute, le mystère de l'image de Dieu à l'image de laquelle l'âme a été créée croise sa trame avec le mystère du péché, avec « le mystère d'iniquité ». - 2. Thess. 2, 7.-. L'analyse de ce double mystère est difficile à cause de son caractère spirituel, même si le péché et l'âme utilisent la partie somatique de la nature humaine pour le réaliser, car cette partie somatique sert comme réalité naturelle, comme copie naturelle de la réalité spirituelle. Pour analyser l'enseignement que donne Saint Macaire le Grand sur les rapports entre l'âme et la péché, il convient d'analyser également l'enseignement qu'il donne aussi au sujet des rapports entre le corps et le péché : Saint Macaire considère que le cœur – Homélie XV, 20 (PG, 589 B) – est l'instrument dans lequel s'opère la transformation du psychique vers le somatique et du somatique vers le physique, car c'est avec le cœur que l'âme « est conjointe et composée ». - Ibid., 35 (PG, 600B). -. L'association de l'âme avec le cœur donne à celui-ci une dimension de valeur absolue, si bien que « le cœur domine et règne sur tout l'organisme corporel. » - Ibid., 20 (PG, 589 B). -. En raison cependant de cette association, le cœur participe non seulement à la valeur qui s'attache à l'image de Dieu, mais aussi à son péché. C'est ainsi que le péché peut régner sur le cœur et passer dans tous les membres. Aussi est-ce du cœur que proviennent les mauvaises pensées qui se répandent sournoisement jusqu'à enténébrer l'homme. - Homélie XV, 21 (PG, 589 B).-. Le cœur réunit en lui l'âme, l'intellect et la libre volonté. C'est pourquoi le mot « coeur » peut être un synonyme des mots « âme », « intellect » et « libre volonté ». - Homélie XXVII, 21-22 (PG, 689). Cf. XLIII, 3 (PG, 773 A). Dans cette Homélie, Saint Macaire utilise le terme 'intellect' à la place du terme 'cœur' pour citer la phrase du Sauveur : 'Là où est ton intellect, là est aussi ton trésor' (Mat. 6, 21). Cf.XXXI, 1 (PG, 728 D). Sur la garde du cœur 1 (PG, 824 A). -. Lorsque le cœur se rend pécheur, ce sont l'âme, l'intellect et la libre volonté qui sont pécheurs : « Autour du cœur l'obscurité étend en effet son manteau, celui du feu de l'esprit cosmique, qui ne laise ni l'intellect trouver Dieu, ni l'âme prier comme elle le voudrait, ni croire ni aimer le Seigneur. » - De la patience et du discernement 5 (PG, 869 A).-. L'intellect est l'oeil du cœur – Homélie XLIII 7 (PG, 776 D) -, et c'est avec cet œil que le cœur regarde l'immensité du monde intérieur et de sa vie. Le Saint écrit à ce sujet que « le cœur lui-même est comme une petite cassette, et cependant c'est là que se trouvent des dragons, des lions, des serpents venimeux et tous les trésors de la malice. Il s'y trouve des chemins abrupts et raboteux et des précipices. Mais Dieu s'y trouve aussi, ainsi que les Anges, la Vie et le Royaume, la Lumière et les Apôtres ; c'est là que se trouvent tous les trésors de la Grâce ; c'est là que tout se trouve. » - Ibid ; Cf. XV, 32 (PG, 597 A) : « Le cœur recèle un abîme sans fond ; il contient des salles à manger, des chambres, des portes et des vestibules, de nombreuses salles de service et des sorties. On y trouve l'atelier de la justice et celui de l'injustice, la mort et la vie, le commerce honnête et son contraire. » Cf. De l'exaltation de l'intellect 13 (PG, 901 B), XVII, 15 (PG, 693 B). -. Le cœur a l'intellect commeconducteur – Homélie XV, 23 (PG ? 597 C) -, pour le faire échapper aux redoutables contradictions qui y ont trouvé place. -Homélie V, 6 (PG, 501 D)-. «  Le cœur est un gouffre incompréhensible » - De la garde du cœur 1 (PG, 824 A) – déclare Saint Macaire, fort de toute son expérience. Dans le cœur rampe le serpent du péché – Homélie XI, 9 (PG, 519 C). XVII, 15 (PG, 633 B) -, environné de la puissance d'une ombre discrète. - Homélie XXXII, 10 (PG, 740 C). -. «  Comme lorsqu'une maison est remplie de fumée, il en est ainsi du péché avec toutes ses pensées impures, installé et rampant sur les pensées du cœur et une immense foule de démons. » -Homélie XLII, 7 (PG, 777 A) -. Toutes les espèces de péchés et de démons se rencontrent dans le cœur, et toute leur activité incessante converge vers « une véritable mort à l'intérieur du cœur. » - Homélie XV, 39 (PG 601 D). Cf. ibid. 32 (PG, 597 B) -. Empuanti de pensées pécheresses, le cœur n'est plus qu'un « sépulcre et un tombeau. » - Ibid., (PG, 533 A). Cf. Sur l'exaltation de l'intellect 1 (PG, 936 C). C'est ainsi que la personne humaine passe du péché à sa désintégration, jusqu'à la mort. Le péché est cette force créatrice de corruption dont l'énergie conduit la personne humaine jusqu'à une regrettable désintégration. C'est une analyse détaillée de ce phénomène que nous présente dans ses écrits Macaire le Grand, avec sa grande sagesse. Il y suit toute la mystérieuse croissance du péché, depuis sa conception par la personne humaine, jusqu'à sa pleine maturité ; En l'élucidant, il met en évidence la profonde décomposition de l'âme humaine unie au péché, la profonde décomposition de l'intellect et de la libre volonté dès lors qu'elle s'est unie au péché. Selon cette analyse, avec le péché, toute l'humanité devient semblable à Caïn comme avec son image. - Homélie V, 3 (PG, 496 D) -. Il devient « le type et l'image de tous les pécheurs. » - De la patience et du discernement 20, 8 (PG, 881 AB) -. Toute l'humanité parcourt la funeste vie de Caïn : « gémissant et tremblant, errant sur la terre. » -Ibid.- La vie à l'image de Caïn pervertit toute l'humanité. L'humanité devient « le corps de la mort ». Comme Lazare, toute l'humanité se trouve dans un tombeau plein de puanteur : « Nous sommes tous les fils de cette race de l'obscurité (d'Adam et de Lazare) et nous avons tous part à une même puanteur. » - Homélie XXX, 8 (PG, 725 D- 728 A). Rom. 7, 24.-. 2 . L'amartiologie et la gnoséologie Parmi les éléments touchés, la décomposition de la personne atteint les organes de la connaissance, qui sont réunis à l'intérieur de la personne. La connaissance intégrale d'avant la chute, qui prenait sa source dans l'intégrité de l'image de Dieu à laquelle la personne humaine a été créée, se décompose à cause du péché, qui vient rendre pécheresse la nature de la personne ; La décomposition des facultés de l'âme dont le péché est responsable n'est rien d'autre qu'une décomposition des organes eux-mêmes de la connaissance. L'âme, comme d'ailleurs l'intellect et la libre volonté, apparaissent en effet comme des facteurs de connaissance, comme les outils grâce auxquels la personne humaine créée par Dieu produit la connaissance. Or depuis la chute la personne a perdu le centre qui lui avait été donné par Dieu, et l'homme a du même coup perdu aussi le centre de la connaissance. - Cf. Homélie XII, 8-9 (PG, 561 BC). -. Par la transgression, l'homme surpasse en effet les limites de la connaissance telles qu'elles avaient été fixées par Dieu pour acquérir la connaissance du bien et du mal, afin d'éviter la collaboration de Dieu en utilisant le mode de connaissance qui est celui de Satan. Le mode de connaissance qui est propre à Satan consiste en une exaltation de l'esprit, comme on peut le constater dès ces mots : 'vous serez comme des dieux'. - Gen. 3, 5. Homélie XXVII, 6 (PG, 697 A). C'est de cette manière que Satan réussit à faire entrer son principe et sa méthode de vie chez les hommes, puisque vivre comme des dieux sans Dieu signifie vivre par sa propre essence et mourir loin de Dieu – Homélie XII, 2 (PG, 557 B) -, car Dieu est le Seul qui sache vivre grâce à sa nature, les autres êtres ne font tous que participer à sa vie. Lorsqu'il choisit le mode de vie proposé par Satan, l'homme ne fait que mélanger ses pensées à la boue du péché, et c'est de telles pensées qu'il se fabrique des idoles pour son propre usage. - Homélie XI, 3 (PG, 545 D). -. Depuis la chute, le centre de sa personnalité, tel que Dieu le lui avait fixé, s'est déplacé : l'homme en est réduit à prendre chacune de ses pensées comme centre de sa personnalité. En vérité, ses pensées deviennent bien pour lui comme des dieux et il en arrive à avoir autant de centres qu'il a de pensées transformées en idoles. Quelle est en effet la définition du péché dans son essence ? Par nature le péché représente le résultat d'une « im-mixtion », d'une intrusion dans la nature ; c'est une action du Diable déformant la verbéité des êtres : «  une certaine puissance spirituelle de Satan et une réalité. » - Homélie XV, 49 (PG, 609 B). -. C'est donc bien « une certaine force spirituelle et noétique de Satan » - Homélie XXIV, 3 (PG, 664 D) – et c'est cette force noétique de Satan qui entre dans l'intellect de l'homme pour y « agir sur l'intellect » - Homélie XV, 49 (PG, 609 B).-. C'est ainsi qu'avec la présence du péché dans l'âme, « Satan ne fait plus qu'un avec l'âme. » -Homélie XVI, 2 (PG, 613 C). - . Ontologiquement, le péché ne représente certes pas une « substance », (ousia, en grec) puisqu'il n'est pas quelque chose qui puisse s'enhypostasier, ce n'est qu'une pseudo-substance (pseudo-ousia), c'esst une « parousia », une présence ( parousia) de l'énergie destructrice du Diable venu pour dominer l'âme, l'intellect, la libre volonté et le corps – Homélie II, 1 (PG, 464 B), XV, 28 et 34 (PG, 593 D et 600 A)- et pour régner sur l'intellect – Homélie VI, 5 (PG, 521 B) ; XI, 7 (PG, 561 A) -, prenant la personne humaine elle-même comme trône. C'est ainsi qu'il peut régner sur l'organe de la connaissance et sur la connaissance, et donc participer à l'élaboration des pensées – Homélie II, 3 (PG, 464 D) -, « et les pensées mauvaises se mêlent (à l'intellect) au point de lui paraître siennes (c'est-à-dire à l'homme), bien qu'en fait aucune ne lui appartienne puisqu'elles sont en la possession du mal. » - Homélie XV, 25 (PG, 593 A). Cf. XX, 5 (PG, 652 CD), XLIII, 3 (PG, 777 A). - . Livrée à elle-même, l'âme humaine n'est pas capable de discerner ses pensées et de les contenir. - Homélie XI, 4 (PG, 548 A).-. Selon notre Saint, le péché est « une force spirituelle » de Satan, c'est-à-dire une énergie paralogique du Diable, qui est bien, en tant qu'Ange, une existence spirituelle, mais une existence anti-Dieu et donc paralogique. Il en résulte que « la logique «  de Satan est une pseudo-logique, une paralogique, une anti-logique (une hostilité au Verbe) ; c'est donc bien « une force d'opposition et d'hostilité spirituelle ». Cette logique de péché fournit comme la « substance » de la nature du Diable, une substance totalement séparée de la logique et de la nature de Dieu ; une substance qui se concentre sur elle-même, qui vit d'elle-même, qui se justifie par elle-même. Dès lors qu'elle s'est associée avec la nature du Diable, la nature humaine se met à l'imiter. Elle vit d'elle-même, elle vit en elle-même comme en un tombeau, elle y vit commeen Enfer – De la liberté de l'âme 1 (PG, 936 C). Homélie XI, 11 (PG, 582 C) -, selon cette terrible parole de Saint Macaire. Vivant à l'intérieur d'elle-même, l'homme se nourrit de lui-même et, ce qui est le plus terrifiant, il devient à lui-même sa propre idole et son propre dieu, c'est-à-dire qu'il se pose lui-même à la place de Dieu, et c'est ainsi qu'il devient lui-même « comme un dieu ». C'est dans cette auto-conviction volontaire, dans cette auto-prédétermination que « moi = moi », que se trouve la racine du péché, le péché « en substance ». Le péché consiste à ne pas vouloir sortir de la conviction que « moi = moi », ou plus exactement à ne pas vouloir sortir du moi ; Le péché fondamental, la racine de tous les péchés, se trouve dans ce choix obstiné que fait l'homme de ne pas sortir de sa propre nature, dans la persistance dans sa propre nature, dans le refus de conserver aucune espèce de rapport avec quoi que ce soit d'autre, ni Dieu, ni rien de la Création...En d'autres termes : le péché est la puissance qui explique le moi par le moi et non par Dieu, en fondant le moi sur le moi et non sur Dieu. Le péché est cette tendance fondamentale du moi par laquelle le moi s'installe lui-même dans l'isolement, pour s'instituer lui-même comme unique centre de la réalité. - P. Florensky, La Colonne et le Fondement de la Vérité, (Moscou, 1914, en russe), p. 178. - . La puissance spirituelle de Satan – c'est ble péché,- s'introduit dans la partie spirituelle de la nature humaine, l'intellect, pour y collaborer et pour s'apparenter à lui. Aussi les hommes ppeuvent-ils ignorer « qu'ils agissent à l'instigation d'une puissance étrangère. Ils s'imaginent que tout cela leur est naturel et qu'ils agissent selon leurs propres réflexions. » - Homélie XV, 39 (PG, 609 B). XXVIII, 19 (PG, 708 A) ; Lettre (PG, 412 A). - . Le péché devient la puissance créatrice des pensées : « dès que le péché entre dans l'âme, il devient l'un de ses membres, s'unissant étroitement à l'homme corporel lui-même et un grand nombre de pensées impures germent dans le cœur. » - Homélie XV, 35 (PG, 600 B). -. « A tout instant de nombreuses pensées nouvelles sont engendrées dans l'âme ; de même la malicce en engendre elle aussi à l'intérieur. En effet, l'âme possède une grande réserve de pensées secrètes, qu'elle produit et met au jour à chaque instant. » - Homélie XL, 5 (PG, 765 B). -. La créativité de l'intellect pécheur n'est rien d'autre qu'un esclavage aveugle dans le péché, un asservissement au serpent, qui produit ces pensées dans l'intellect. - De la garde du cœur 1 (PG, 821 A), De l'exaltation de l'intellect 20 (PG, 908 A). Homélie XVIII, 15 (PG, 633 B). - . «  Le mal est comme l'oeil d'une source d'om l'eau sourd sans arrêt. » - Homélie XV, 48 (PG, 609 A). - . Le péché a régné dans l'intervalle de temps qui sépare Adam du Christ, - Lettre (PG, 413 C), il règne aussi sur la connaissance et exploite les possibilités psychologiques de l'homme comme un instrument mis à sa disposition. -Rom. 6, 19-20 ; 7, 14, 17 ; 8, 6 ; 6, 13.-. Les organes de la connaissance se trouvent entre les mains du péché et c'est ainsi que l'homme « voit et entend de façon perverse, et que ses pieds sont empressés à faire le mal, que ses mains commettent l'iniquité et que son cœur nourrit de mauvais desseins. » - Homélie II, 2 (PG, 461 C). Cf. De l'amour 3 (PG, 909 C). - . Pour Saint Macaire, l'homme et le monde de la Création se trouvent dans une analogie réciproque et permanente. Dans sa vie, le monde de la Création reproduit l'homme, il imite la vie de l'homme jusque dans les détails, et par conséquent jusque dans son asservissement à la corruption. - Cf. Rom. 8, 21). - . La partie naturelle du monde se meut parallèlement à sa partie métaphysique. Le mystère métaphysique de la personne humaine se réalise dans le monde de la Création. C'est pourquoi Saint Macaire explique continuellement le monde spirituel par des images prises au monde naturel : en bouleversant la nature de l'homme, le péché a bouleversé aussi l'ensemble du monde de la Création. «  Ce monde -ci s'oppose au monde d'en haut, et ce siècle est l'adversaire de celui d'en haut ». - Homélie XXIV, 1 (PG, 661 D). - . «  De tous côtés, dans le monde visible comme dans le monde invisible, nous rencontrons de l'opposition depuis la transgression du premier homme. » - Homélie XXI, 2 (PG, 656 D). Cf. ibid. 4 (PG, 657 A). - . La vie de la Création est limitée par la vie de l'homme. Que l'homme le veuille ou qu'il ne le veuille pas, le monde joue le rôle d'un infatigable photographe qui enregistrerait sans trêve jusqu'aux mouvements les plus subtils de notre âme et de notre corps : le monde de la Création est un biographe fidèle de l'homme, enregistrant tous nos péchés et toutes nos bonnes œuvres. Mais le destin de la Création est accablant et affligeant, car en même temps qu'elle vit sa vie propre en compagnie de l'homme, elle souffre de toutes se smaladies pour devenir pécheresse parallèlement à lui. Sitôt qu'ils deviennent pécheurs, l'homme et sa connaissance sont tourmentés par le vent sauvage du péché. - Homélie II, 4 ( PG, 465 B ). - . Le péché plonge l'homme dans l'obscurité et c'est pourquoi il devient « incapable de voir la pureté et la subtilité divines » - Homélie VII, 2 (PG, 524 D). Cf. XV, 14 (PG, 584 D) - , c'est-à-dire qu'il ne peut plus connaître Dieu. La pure connaissance de Dieu reste inaccessible à l'homme pécheur. Par la faute d'une conscience pécheresse, la connaissance pécheresse n'est plus purement logique, elle devient naturelle. - Homélie XV, 39 (PG, 609 B). - . Entre elle et Dieu, le péché a ouvert d'immenses précipices, élevé d'infranchissables montagnes – Homélie XV, 25 (PG, 592 D) -, il l'a si bien éloignée de Dieu qu'elle en est devenue incapable «  de bien reconnaître celui qui l'avait créée. » - De la patience et du discernement 18 (PG, 880 A). - . Parce qu'il a blessé et aveuglé l'oeil de l'âme, « l'intellect conducteur, celui qui voit Dieu », le péché peut diriger l'homme vers le mal et vers les passions. - Homélie XX, 4 (PG, 652 CD). XXV, 3 (PG, 668 D) ; VII, 8 (PG, 528 B). - . Devenu aveugle, l'intellect, qui était « le conducteur qui attelle le char de l'âme et tient les rênes des pensées » -Homélie XL, 5 (PG, 765 B) -, ne peut plus diriger correctement ce char et va le précipiter dans les abîmes de la personnalité même de l'homme et du monde de la Création. Aveuglé par le péché, l'intellect, cet œil du discernement du bien et du mal – De la liberté de l'esprit 3 (PG, 692 B)-, devient impuissant à assurer la faculté qu'a toujours eue l'homme dans sa nature propre de reconnaître le bien et le mal ; Lorsqu'il se trouve dans le péché,, l'intellect se trouve dans l'erreur – Lettre (PG, 436 A) -, il fornique avec les facultés impures, et la connaisance qui en procède n'est plus une connaissance pure. L'obscurcissement des puissances de l'âme a comme résultat nécessaire des pensées obscures, des perceptions obscures, et lorsque le péché et la mort font captives et prennent possession « des âmes d'Adam ( c'est-à-dire de l'humanité), les pensées de l'âme sont également capturées. - Homélie XI, 11 (PG, 552 D). - . Dans les profondeurs de l'âme sécheresse se trouve le « voile de l'obscurité » posé sur les yeux de la connaissance, et l'esprit de malice agit infatigablement sur elle comme « moteur des pensées ». - Homélie XLII, 3 (PG, 772 A). - . Le péché est là comme « une source qui fait jaillir les pensées impures ». - Homélie XX, 4 (PG, 652 C). Cf. XVI, 7 (PG, 617 D). - . » La matière des pensées de la puissance d'opposition environne l'âme. » - Homélie VI, 3 (PG, 520 C). - . Possédée par le péché, l'âme souffre « de la maladie de l'ignorance, de la malice (…) et des autres passions du péché ». - Homélie V, 26 (PG, 492 D). - . Sa connaissance est malade, produt « de l'aveuglement, de la surdité, de l'incrédulité et de l'irréflexion ». - Homélie XXIV, 4 (PG, 665 A), XXVII, 19 (PG, 708 B). Ibid., 4 (PG, 664 D – 665 A ). - . » De même qu'Adam, après la transgression, reçut en lui le ferment de la malice des passions, de même tous ceux qui furent engendrés par lui le reçurent aussi par participation, ainsi que toute la race ». - Ibid., 2 ( PG, 664 AB). «  Lazare, que le Seigneur ressuscita, lui qui avait empli son tombeau de tant de puanteur que personne ne pouvait en approcher, était le symbole d'Adam, celui qui avait chargé son âme de tant de puanteur, l'emplissant de noirceur et d'obscurité. » - Homélie XXX, 8 (PG, 725 D). -. Puisque Adam est bien le représentant de toute l'humanité, « nous sommes tous les fils de la race des ténèbres, tous nous participons de la même puanteur.» - Ibid. (PG, 728 A). - . décomposée par la lèpre du péché, l'âme « pourrit » tant, « emplie de la puanteur de nombreuses mauvaises pensées, qu'elle fait se détourner la face de Dieu devant l'horrible pestilence des vaines pensées de l'ombre et des passions qui séjournent dans une telle âme. Des vers méchants et redoutables – ce sont les esprits de la malice et les puissances de l'ombre - rampent dans cette âme, y vivent, s'y cachent, s'y répandent, la dévorent et la corrompent. » - Homélie I, 5 ( PG, 456 A). - . C'est pourquoi « les pensées impures sont emplies d'ossements de morts, et de toute pourriture et puanteur. » - Homélie XVI, 7 (PG, 617 D). - . C'est comme « une sorte d'obscurité spirituelle de malice et de mort » (Homélie V, 3 (PG, 497 A). Cf. XLIII, 7 (PG, 777A). De l'exaltation de l'intellect 13 (PG, 901 A) -, qui vit dans l'âme malodorante de l'humanité et règne sur sa connaissance, accroissant le mal chez les hommes jusqu'au point qu'ils en viennent à penser « qu'il n'y a pas de Dieu, pour adorer des statues de pierre dépourvues d'âme, devenus même incapables d'avoir l'idée de Dieu. » - Homélie XXIV, 2 (PG, 664 B). - . Le fait que la connaissance humaine participe bien au péché se révèle, selon Saint Macaire, jusque dans la philosophie et, de diverses manières, dans la posésie et dans la rhétorique, dans l'histoire et, pour la même raison, dans tous les arts et dans toutes les sciences que peuvent créer les hommes pécheurs. En effet « tous ces créateurs que je viens de dire, dominés par le serpent qui habitait chez eux et sans savoir que le péché s'était installé en eux, se sont laissé capturer comme esclaves par la Puissance du mal, sans tirer aucun profit de leur science ni de leur art ; » - Homélie XLV, 2 (PG, 785 A-785 B). - . C'est en employant la même exégèse mystique de l'intrusion du péché dans le domaine de la connaissance humaine, que Saint Macaire peut démontrer qu'avant le Christ il était impossible, et qu'en dehors même du Christ il reste impossible, d'accéder à une connaissance pure, à une connaissance infaillible, à une connaissance qui soit à l'image de la connaissance divine, c'est-à-dire à une connaissance pour laquelle le Christ tient lieu de tout. - Homélie XII, 7-8 (PG, 560 D- 561 B). - . Pour la connaissance d'avant la chute, « le Verbe tenait lieu de tout «  - Ibid. -, cependant que depuis la chute, tant la démarche que le contenu de la connaissance se sont modifiés. Ici se trouve la racine du scepticisme gnoséologique, et tout particulièrement la racine de l'agnosticisme. La connaissance que possédait l'homme avant la chute avait pour centre sa consubstantialité avec la Sainte Trinité ; la connaissance d'après la chute transfère ce centre sur le péché, qui n'est qu'une pseudo-substance. Le fait que la connaissance trouve son centre dans une pseudo-substance métaphysique nous amène à formuler l'hypothèse que c'est dans cette pseudo-substance qu'il faut rechercher la racine d'où a pu germer le relativisme gnoséologique – relativisme dont Kant a été le représentant le plus éminent, avec sa fameuse « chose-en-soi » et la distinction entre le monde des phénomènes et celui des noumènes. Il en est de même pour le sensualisme gnoséologique qui pousse sa racine jusque dans les profondeurs mystérieuses d'une conscience dominée par le péché, où l'homme semble se griser de matière, devenir étranger à lui-même, possédé par « l'ivresse de la matière » -Homélie XXIV, 5 (PG, 665 B). Cf. ibid., 2 (PG, 661 A), V, 3 (PG, 497 AD) -, selon la très profonde remarque de Saint Macaire. Tout ce rapport que la connaissance entretient avec le péché dépend du mystère de la personne humaine. - Homélie XL, 1 (PG, 764 A) ; De la garde du cœur 9 ( PG, 828 A). - . Le problème de la personne inclut celui de la connaissance. La connaissance est limitée par l'intermédiaire de l'existence humaine. Cependant que la personne du pécheur grandit dans la connaissance, il passe par tous les degrés du péché, mûrissant jusqu'à parvenir à l'Enfer. - Homélie XI, 11 (PG, 552 D – 553 A ) : «  Ton cœur est un sépulcre et un tombeau. De fait, quand le Prince du mal et ses anges s'y nichent, quand il y aménage des sentiers et des passages par lesquels les puissances de Satan peuvent circuler dans ton intellect et dans tes pensées, n'es-tu pas un enfer, un tombeau, un sépulcre ? N'es-tu pas alors un mort pour Dieu ? » Cf. De la liberté de l'esprit & (PG, 936 C). - . C'est dans cette maturation que s'achève la croissance de la connaissance du pécheur. Le péché, la mort et l'enfer, deviennent les termes de cette connaissance, ce sont des situations limites auxquelles l'homme profondément pécheur est incapable d'échapper. Tout le domaine de la connaissance est comme enclos dans la ceinture de feu de la mort. Toutes les âmes étouffent dans les entrailles du péché comme dans le ventre d'une baleine, car le péché est cette baleine qui « engloutit les âmes ». - Homélie XV, 50 (PG, 666 A). - . L'âme de chacun des êtres humains, comme l'âme de l'humanité entière, sont incurablement blessées. Ni la Loi ni les Prophètes ne peuvent guérir une telle blessure. - Homélie XXX, 8 (PG, 72 A). - . Ni les Lévites, ni les Maîtres – Homélie XLIV, 3 (PG, 780 C). Cf. XLVIII, 3 (PG, 809 D) – ne pourront faire de bien à cette « brebis perdue et galeuse, l'homme atteint par la lèpre et la gale du péché », c'est-à-dire personne d'autre que le Christ seul. De toute l'amartiologie de Saint Macaire découle cette conclusion que livré à lui-même l'homme est un être faible, lépreux, disloqué, qui ne pourra jamais se guérir lui-même ; seul reste le Christ, le Seul qui possède la puissance nécessaire, car c'est lui la Résurrection et la Vie. De même l'homme est incapable d'acquérir une connaissance pure et intégrale, une connaissance qui soit à l'image de la connaissance de Dieu, la seule qui puisse titalement lui convenir ; dans toute la sphère de la connaissance humaine, Satant joue donc bien un rôle créateur ; Jusqu'à un certain point, la proposition «  Je pense donc je suis » - en français dans le texte – signifie bien : « Je pense donc je suis, et le Diable existe » ; la pensée humaine de l'homme déchu est à bien des égards la preuve psychologique de l'existence du Diable. S'agissant de l'intellect humain tombé sous la domination du péché, la logique du péché est claire : le péché est la « logique » de Satan, et c'est ainsi qu'il peut devenir le produit de l'humanité pécheresse. - Homélie XV, 39 (PG, 686 B), XXVIII, 19 (PG, 708 AD). - . Péché et connaissance sont liés entre eux. Pour le sujet pécheur de la connaissance, tous les objets ne sont plus accessibles que sous la catégorie du péché, car depuis Adam jusqu'à la venue du Christ, Satan a régné jusque sur la connaissance. CHAPITRE TROIS LA RESTAURATION DE LA PERSONNE 1. Le Mystère du Dieu-homme, le Christ Le problème de la restauration de la personne de l'homme est résolu lorsque l'homme est libéré du péché. La solution de ce problème est obtenue lorsqu'il se détourne de la cause qui avait provoqué la décomposition de sa personne, lorsqu'il se détourne du péché. Or pour l'homme, se détourner du péché pour se tourner vers la substance métaphysique de la personne, c'est-à-dire revenir à l'image de Dieu, implique un retour à l'intégrité qui était celle de l'homme d'avant la chute pour restaurer sa nature trinitaire qui avait été créée à l'image de Dieu. En réalité, ce problème de la restauration de la personne ne saurait trouver de solution pleine et finale que dans la Sainte Trinité. C'est par l'image trinitaire à laquelle sa nature avait été créée que la personne humaine exige la Sainte Trinité. Le mystère de la personne est le mystère de la Sainte Trinité – voilà pourquoila restauration de la personne ne saurait être l'oeuvre que de la Sainte Trinité. La venue du Christ fournit la preuve la plus significative que la libération de la personne humaine ne pourrait ontologiquement être obtenue sans la participation personnelle de l'Une des Personnes de la Divinité tri-hypostatique. Pour approfondir le mystère de la personne humaine, Saint Macaire considère que c'est dans le mystère même de la Sainte Trinité que la personne humaine trouve mystiquement sa racine par l'image trinitaire à laquelle elle a été créée ; Le but de la venue du Christ est que l'homme retourne vers la Sainte Trinité, afin que soit restituée « à la nature humaine la dignité que possédait Adam, le Premier créé. »- De la liberté de l'esprit 34 (PG, 965 D). - .  C'est grâce au Christ que l'homme peut retourner tant vers Dieu, comme à son Prototype, que vers lui-même ; c'est grâce à Lui aussi qu'il peut se retrouver lui-même, car c'est par le Christ qu'a été procuré « à notre nature le moyen de retourner vers elle-même pour se restaurer ». - Ibid.-. Dans la Personne divino-humaine de Jésus-Christ, l'homme peut voir la substance à l'image du Christ de sa propre personne, telle qu'elle avait été créée à son image – Ibid. (PG, 968). Cf. Homélie XVI, 10 (PG, 620 A) -, « il peut contempler le Prototype impeccable de son âme ». Dans le Dieu-homme en tant qu'Homme, ou bien en tant que « Fils de l'Homme », c'est sa propre personne dans toute sa plénitude qui est révélée à chaque homme. - P. Florensky, op. Cit., p. 230. Cf. Zarin, op. Cit. ( 2, 11, p. 72). -. Le Christ est « l'empreinte de la Beauté archétype (…), l'image à l'identique » - Grégoire le Théologien, Discours XXXVIII 13 (PG 36, 325 B) – d'où chaque être humain tire son prototype et son image impeccable. C'est par le Christ qu'est procurée à chaque homme la possibilité d'être institué comme participant intégral de l'image de Dieu, la possibilité de se persuader inébranlablement et totalement de cette image de Dieu qui a été imprimée sur sa nature, et de cette vérité que Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, image de sa propre éternité. - Sagesse de Salomon 2, 23. - . La plénitude exceptionnelle, la beauté et la pureté de sa Personne divino-humaine, font du Christ l'idéal absolu de la personnalité humaine. La signification de sa venue et de son incarnation est rassemblée dans l'oeuvre qu'il a consacrée au Salut et à la purification de l'homme. - Cf. Homélie Xvii, 15 (PG, 633 B). -. «  Tous les hommes en effet, qu'ils soient Juifs ou Grecs, aiment la pureté, quand bien même ils ne peuvent l'atteindre ( en raison du péché). » - Ibid. Cf. XLV, 3 (PG, 788 C). -. C'est le Dieu-homme, le Christ, qui donne aux hommes l'infinie plénitude de leur personne, en tant que réalités psycho-physiques. - De la Charité 7 (PG, 913 CD – 916 A). Homélie XXXI, 4 (PG, 729 D-732 A). - . Avant que ne vînt le Christ, Dieu se manifestait à la partie psychique de la personnalité humaine. Avec le Christ, Il s'est uni hypostatiquement à l'homme tout entier, c'est-à-dire à sa partie psychique aussi bien qu'à sa partie somatique. - Homélie VI, 5 (PG, 527 B). -. Afin de diviniser aussi la partie somatique de la nature humaine, le Christ «  a placé sa propre image, l'image de la Lumière ineffable de la Divinité, dans le corps – Homélie XLVI, 4 (PG, 793) -, ce corps qu'il avait « reçu de la Vierge ». - Homélie VI, 5 (PG, 521 B). - . L'union hypostatique de Dieu et de l'homme dans la Personne de Jésus Christ est donc la seule nouveauté, la seule chose extraordinairement « nouvelle sous le soleil ». - Saint Jean Damascène écrit sur ce point : « Alors qu'il est Dieu parfait, (le Christ) devient un homme parfait, et accomplit le mystère le plus nouveau de tout ce qu'il y a de nouveau, la seule nouveauté sous le soleil ( cf. Ecclésiastique I, 9), celui par lequel se manifeste la puissance infinie de Dieu. Est-il en effet plus grande chose que celle-ci : Dieu devient homme ? Exposé de la foi orthodoxe III, 1 (PG 94, 981 B). - . La Personne du Christ présente un équilibre absolu entre Dieu et l'homme. Le Christ est en effet la seule Personne qui puisse faire co-exister sa consubstantialité avec Dieu le Père et Dieu le Saint Esprit avec la consubstantialité qui l'unit à sa nature humaine. Ce qui veut dire que le Christ est à la fois vrai Dieu et vrai homme, Dieu parfait et homme parfait, qu'il est le Dieu-homme. Dans la Personne du Dieu-homme sont manifestes la structure et l'ordre de l'existence humaine, selon laquelle toute la vie de la personne est offerte par Dieu à l'homme, cependant que la véritable personne humaine existe et vit, non pas « selon l'homme », mais « selon Dieu », c'est-à-dire « selon le Dieu-homme. » - Cf. Saint Basile le Grand : «  ce terme de christianisme, imitation du Christ (du Dieu-homme) à la mesure de son hominisation. » Cet incompréhensible mystère de la Personne divino-humaine du Christ, dans toute son infinie réalité, a toujours été une pierre d'achoppement, le roc du scandale – 1 Pierre 2 , 8 – sur lequel presque tous les hérétiques sont venus buter. En réalité toutes les hérésies constituent , directement ou indirectement, le catalogue de toutes les erreurs que les hommes peuvent commettre concernant la personne du Christ. Ces erreurs sont nées et naissent encore de l'incapacité ontologique dans lesquelles se trouve la conscience humaine lorsqu'elle cherche à définir le rapport substantiel que le Fils entretient avec Dieu le Père et avec Dieu le Saint Esprit, ainsi que d'autre part avec la nature humaine. Les hérésies veulent donner la mesure de la Personne sans mesure du Dieu-homme, non pas en utilisant une mesure théandrique, divino-humaine, mais une mesure humaine. Les diverses hérésies christologiques donnent en effet un poids déséquilibré, soit à la nature divine du Dieu-homme, soit à sa nature humaine. L'Eglise orthodoxe est le seul gardien et le seul conservateur de l'équilibre dans l'enseignement concernant l'unique Personne du Dieu-homme, « Un en deux natures », qui, dans sa conscience universelle et oecuménique conduite par l'Esprit Saint, apporte aussi l'unique critère d'une vision correcte de la Personne divino-humaine du Christ. La christologie de Saint Macaire tire sa source de la christologie de l'Eglise. - Cf. I.V. Popov, La justification mystique de l'ascétisme dans les œuvres de Macaire l'Egyptien, «  Le Messager théologique »), (1904), p. 553, et N. Barsov, Essais sur l'histoire de la prédication chrétienne, Foi et Raison (1890), p.744 -. Avec toute sa fraîcheur et sa vivacité, l'enseignement de notre Saint nous fournit un exemple très fort et très concret d'une expérience mystique dans la Grâce qui justifie pleinement la christologie de l'Eglise. Pour Saint Macaire, le Christ est « l'image de la Lumière ineffable » -Homélie XXIII, 1 (PG 660)-, il est le Dieu infini, inaccessible et incréé » - Homélie IV, 9 (PG, 480 A) -, il est Celui qui dans un inconcevable geste d'amour s'est fait chair, c'est-à-dire homme, se rendant Lui-même ainsi accessible, visible et incarné. - Ibid., 10, 11-13 (PG, 480B-481D). Ici, avant de commencer à parler de l'incompréhensible mystère de la Personne de Dieu qui a assumé notre chair, Saint Macaire commence par une introduction résumée et mesurée : «  Je voudrais exprimer quelque chose de subtil et de profond, pour autant que j'en serai capable. Ecoutez donc avec intelligence. ( PG 480 A). -. Approfondissant le mystère de la Personne du Christ, Saint Macaire subit avec joie le charme « de l'indicible beauté de la gloire de la lumière du Christ » - Homélie I, 2 (PG 452 B) – en pénétrant jusqu'au mystère théandrique de l'unique Hypostase en deux natures, comme au centre de sa Personne à la fois si mystérieuse et si unique, jusqu'à son absence de péché toute divino-humaine. Cette absence divino-humaine de tout péché, cette impeccabilité du Christ, une fois incarnée dans le domaine de nos réalités psycho-physiques d'hommes pécheurs, représente bien l'unique « nouveauté » dont l'attraction magnétique attire tous les hommes vers la forme du Christ. « Jusqu'à la venue du Seigneur, jamais un corps neuf et sans péché n'était apparu dans le monde ». - Homélie XI, 9 (PG, 549 D). Nicolas Cabasilas prolongera plus tard et développera la pensée de Saint Macaire sur cette question dans La vie en Christ. (PG 150, 596).-. L'apparition du Dieu-homme sans péché dans notre monde représente l'apparition de la première Personne intégrale, dans laquelle le surnaturel et le naturel s'unissent jusqu'à l'indissociable ; Le Dieu-homme a été le premier qui ait jeté un pont par-dessus l'abîme qu'avait ouvert le péché entre Dieu et l'homme, car selon sa nature divino-humaine, il reste consubstantiel à son Père, cependant que selon sa nature humaine il nous est bien consubstantiel. En sa Personne, la Création a reconnu son Créateur et s'est unie à Lui. La véritable absence de péché, dont l'expression ecclésiastique positive est la sainteté, imprègne tout le contenu de la Personne divino-humaine du Christ, révélant ainsi dans le Christ le seul idéal et le seul foyer d'une vie et d'une connaissance exemptes de péché. C'est dans cette Personne de Jésus-Christ que se comble le gouffre qui s'était ouvert entre ce monde-ci et l'au-delà, car c'est en Lui que se réalisent l'unicité de la vie et de la connaissance, l'harmonie absolue du psychique et du somatique, ainsi que l'équilibre idéal de la Personne humaine. C'est donc dans le corps exempt de péché du Dieu-homme qu'a pu être obtenue la justification du somatique, du créé et de l'humain, tout comme la réconciliation du matériel et du spirituel. La justification de la Création implique qu'elle soit restaurée sans péché, et cela, seul Celui qui est sans P.éché pouvait le réaliser. - Homélie II, 3 (PG, 461 D-475 B), Homélie III, 4 (PG, 479 D).-. Saint Macaire place une extrême insistance sur ce corps sans péché du Christ comme centre christologique du Salut ; il en déduit toute la sotériologie qui, selon lui, ne consiste en rien d'autre qu'à admettre cette absence de péché personnelle et vécue ( c'est-à-dire la sainteté) du Christ. Ce corps exempt de péché est l'arme invincible et salutaire du Christ ; c'est cette arme qui lui a permis de vaincre Satan – Homélie XI, 10 (PG, 552 AB) -, c'est de cette absence de péché que le Christ tient toute la puissance salutaire et tous les arguments qu'il utilise dans le débat qui l'oppose à Satan, c'est de l'absence de péché dans son corps crucifié et ressuscité qu'il les tire, car c'est bien là que se trouvent « la vie, la rédemption et la lumière ». - Ibid. (PG, 552 A). - . Le serpent mort que Moïse avait élevé dans le désert, celui qui « a vaincu les serpents vivants, est le type du corps du Seigneur. Ce corps en effet qu'il ( le Seigneur) a pris de Marie, il l'éleva sur la croix, et il le pendit et le cloua sur le bois, et ce corps mort vainquit et mit à mort le serpent qui vit et rampe dans le cœur. » - Ibid., 9 ( PG, 549 C). -. Véritablement tout le contenu de notre Salut réside bien dans le corps exempt de péché du Dieu-homme, ce corps par lequel il vainc la mort, rapportant ainsi tout le mystère du Salut à ce paradoxe antinomique : c'est un corps mort qui vainc le serpent vivant. - Ibid. (PG, 552 A). - . Dans cette antinomie réside tout « le grand mystère » - Ibid. (PG, 549 C) -, et c'est grâce à ce mystère que la chair humaine exempte de péché du Seigneur peut nous sauver, car elle fait indissolublement partie de la Personne du Sauveur, de la Personne du Dieu-homme. - Ibid. (PG, 549 D). - . « Or voici le prodige, dit le Saint, scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs » - Ibid., 10 (PG, 552 A). - : mesuré à la mesure des Juifs et des Hellènes, le Christ crucifié n'est plus qu'une antinomie absurde et scandaleuse que l'on ne peut accepter que par un acte de foi, car seule la foi est l'oeil capable d'évaluer le mystère de la Personne du Christ et d'y voir distinctement qu'il est bien en vérité la Sagesse de Dieu et la Puissance de Dieu. - Ibid. et 1 Cor. 1, 24. - . Parce qu'il est la Sagesse divino-humaine de Dieu et qu'il est exempt de péché, le Christ apparaît comme le seul critère de la sagesse et comme la lumière qui illumine jusqu'aux confins de la vie et de la mort. Mais parce qu'il est aussi la Puissance exempte de péché de Dieu, il est de ce fait même la vie et la libération, et c'est ainsi que lors de sa rencontre avec Satan, « il lui prescrit de faire sortir les âmes de la mort et de les lui rendre. » - Ibid. - . L'acte rédempteur du Christ présente un intérêt extraordinaire par son caractère dramatique ; il nous présente en effet la rencontre personnelle et le débat entre l'absence de péché personnifiée et le péché personnifié, entre Satan et le Christ ; Stupéfait de voir cette Personne exempte de péché qui est celle du Seigneur, Satan, - tout ébranlé, nous dit Saint Macaire, - « va trouver ses serviteurs pour rassembler ses forces ; alors le Prince du Mal produit la cédule de notre dette et dit : « Voici que ceux-là ont obéi à ma parole, voici comment les hommes nous ont adorés. » Mais Dieu, le Juge équitable, démontre ici son bon droit en disant : « Adam t'a écouté, et tu as pris possession de tous les cœurs. L'humanité t'a écouté. Mais pourquoi mon corps est-il ici ? Lui, il est sans péché ; Le corps du premier Adam t'appartient, et c'est à bon droit que tu détiens la cédule de sa dette. Mais moi, tous attestent que je n'ai pas péché. Je ne te dois absolument rien ; Et de ce que je suis le Fils de Dieu, tous me rendent témoignage... Je rachète donc le corps qui t'a été vendu par le premier Adam et je détruis sa cédule. J'ai payé la dette d'Adam par ma crucifixion et ma descente aux enfers. Et maintenant, Enfer, Ténèbres et Mort, je vous le commande : 'Rendez les âmes d'Adam qui sont vos prisonnières ! ' » C'est donc ainsi que les forces mauvaises, renversées, rendirent au Christ notre Sauveur Adam qu'elles détenaient en captivité. » - Ibid., 10 (PG, 552 B). Cf. Homélie XXX, 9 (PG, 728 B ). : « C'est pour cela qu'il a supporté tant de souffrances, livré son corps à la mort et qu'il nous a rachetés de la servitude. » Cf. XXVIII, 3 ( PG, 760 B). De la patience et du discernement 9 ( PG, 873 A). - . Trois témoignages attestent que la Personne du Dieu-homme, le Christ, est bien exempte de péché : un témoignage divin – Homélie XI, 10 (PG, 552 B) : « Du haut du Ciel, une voix descendue sur la terre a témoigné : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le (Mat. 17, 5, Luc 9, 35) -, un témoignage humain – Ibid. : « Jean atteste : Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde (Jean 1, 29). Et l'Ecriture dit encore : Celui-ci n'a pas commis de péché, il n'y a pas de fausseté en lui ( 1 Pierre 2, 2 2). Et ceci : Le Prince du monde vient, et il ne trouvera rien en moi (Jean 14, 30). - et le témoignage de Satan. - Ibid. (PG, 552 C) : Je sais qui tu es, le Fils de Dieu (Marc 1, 24). Et une autre fois : Qu'avons-nous à faire avec toi, Jésus de Nazareth ? Tu es venu avant le temps pour nous tourmenter ? (Marc 1, 24 ; Mat. 8, 29 ; 1 Jean 5, 7). -. Dans l'atmosphère de péché où baigne la vie de l'humanité, le Dieu-homme se garde exempt de péché grâce à la Divinité, car « il ignore toute passion et contient tout » - Homélie XVI, 5 (PG, 616 D)-, il est le Bien absolu, et « le Bien ne peut être ni souillé ni obscurci » -Ibid.- . Or Saint Macaire poursuit : « A cause du mystère de la Divinité et de sa subtilité, les ténèbres ne peuvent le saisiralors qu'elles le reçoivent, et le mal ne peut participer à la pureté, bien qu'elle se trouve en lui. Pour Dieu, aucun mal n'a de subsistance, puisqu'il ne peut en subir d'atteinte. - Ibid. (PG, 617 A). - . Le Christ est la première et l'unique Personne qui soit « étranger à toute passion » - Lettre (PG, 409 C). Ibid. (PG, 418 C) – selon la nature, car en Elle les passions ne s'interposent pas entre Dieu et l'homme, Dieu peut s'y unir directement à l'homme en une unité indissociable. En Lui l'idéal éternel de notre personnalité a pris une réalité corporelle, car en Lui demeure toute la plénitude de la Divinité. - Col. 2, 9. - . Par sa Personne divino-humaine il sauve la personnalité tout entière de l'homme. Selon les paroles du Saint en effet, « le Seigneur, qui est Un selon la substance, a pris de nombreux noms par modification en vue de l'économie du Salut des hommes ; ici il est appelé « pierre » ou « porte », ici « hache » ou « voie », ou bien encore « vigne » ou « pain », car il est pierre à cause de sa force inébranlable et inaccessible, porte parce qu'il ouvre vers la vie éternelle, hache parce qu'il conduit les justes vers la connaissance de la vérité, et vigne parce que le vin qui réjouit le cœur des hommes coule de lui, de même qu'il est pain parce qu'il fortifie le cœur de qui vit selon le Verbe. » - Lettre (PG, 417 AB). Cf. Homélie XVII, 15 (PG, 633 C). -. Le Christ est donc bien notre Salut, et c'est pourquoi l'homme « ne peut être sauvé sans Jésus » - Homélie XLV, 1 (PG, 785 C). Cf. De l'exaltation de l'intellect 11 ( PG, 8897 D). Ibid., 20 (PG, 903 B) -, car « en nul autre il ne se trouve de Salut ni de repos pour les hommes ». - Homélie IV, 19 (PG, 488 A ) et Actes 4, 12. - . Le Dieu-homme embrasse en Lui-même toute la nature exempte de péché de l'homme et c'est bien vers le Christ que mène toute la recherche de l'homme concernant le sens de notre justification. Par sa Personne divino-humaine, le Christ attire à Lui la substance humaine, qui avait été créée à l'image de Dieu ; Par son âme exempte de tout péché, il attire à Lui l'âme pécheresse de l'homme, qui avait été créée à l'image de Dieu. Par son intellect, il attire à Lui notre intellect pécheur, par sa libre volonté notre libre volonté, par son corps sans péché le corps pécheur de l'homme. C'est pour la plénitude de notre Salut – non pour le Salut de quelques-uns seulement de ses membres, mais pour le Salut de l'humanité psychosomatique tout entière – Saint Jean Damascène exprime brièvement cette même idée : « C'est ainsi que lorsque nous parlons de l'hominisation de l'Un de la Sainte Trinité, Dieu le Verbe, nous disons que c'est la nature de la Divinité, tout entière et parfaite, qui s'est unie en l'Une de ses Hypostases à la nature humaine tout entière, et non une partie à une partie. » Exposé de la foi orthodoxe III, 6 (PG 94, 104 B) -, - que l'incarnation de Dieu le Verbe était indispensable à l'économie de notre libération. Par l'incarnation de Dieu le Verbe, la Sainte Trinité proclame et révèle au monde le schéma et la méthode du Salut. «  Le Verbe fut envoyé afin de pouvoir, après avoir assumé la chair et caché sa Divinité, sauver le semblable par le semblable. » -Homélie XV, 44 (PG, 605 B). - . Le Christ est venu afin de sauver par Lui-même l'homme qui avait été créé à l'image de Dieu, car « seul l'homme a été fait à l'image et à la ressemblance de Dieu. » - Ibid., 43 (PG, 605 A). - . Le Verbe se fait chair afin de sauver « le semblable par le semblable », afin d'établir une séparation entre le péché et l'âme créée à l'image de Dieu – car « à Lui seul il était possible … de séparer l'âme du péché » - Homélie II , 3, 4 (PG, 465 AB) - , - et afin de restaurer cette âme sans péché. «  Voici ce qui est grand : que Dieu veuille l'âme sans péché. » - Apophtegmes 6 (PC 34, 245 A ). Cf Homélie XXXVIII, 5 (PG, 761 B). - . Qu'il rétablisse l'âme dans sa pureté implique « de déraciner le péché et le mal qui l'accompagne ; or seule la puissance divine peut y parvenir, car il est absolument impossible à l'homme de déraciner le péché par ses propres forces : lutter, t'opposer, donner et recevoir des coups, cela te revient – seul Dieu peut déraciner. » - Homélie III, 4 (PG, 469 C). Cf. 22 (PG, 709 B) : « L'âme peut certes s'opposer au péché, mais sans Dieu elle ne peut ni vaincre le mal ni le déraciner. » Cf. De l'amour 31 ( PG, 933 D). Homélie , 24 (PG, 692 B). - . C'est justement pour cette raison que le Christ est venu. Le but décisif de l'incarnation de Dieu le Verbe est de réunifier avec le Christ l'âme de l'homme qui avait été créée à l'image de Dieu. «  Le Dieu infini, inaccessible et incréé s'est fait chair Lui-même, dans un dessein infini et inconcevable, il s'est pour ainsi dire épuisé (c'est la « kénose ») de sa gloire inaccessible afin de pouvoir se réunir à ses créations visibles, je veux dire les âmes des Saints et des anges, afin qu'ils puissent prendre part à la vie de la Divinité. » - Homélie III, 4 (PG, 469 C). - . Le but de l'incarnation du Dieu-homme, le Christ, est la divinisation de l'homme par l'intermédiaire de la réunion de l'image humaine de Dieu avec son prototype, c'est-à-dire avec Dieu, par la réunion «  du semblable avec le semblable ». - Cf. Saint Irénée, Contre les hérésies V, 16 (PG, 1167 C – 1158 A ; éd. Dom Rousseau, Cerf 1985, p. 618) : «  Le Verbe était encore invisible, lui à l'image de qui l'homme avait été fait, et c'est d'ailleurs pour ce motif que la ressemblance s'était si facilement perdue. Mais lorsque le Verbe de Dieu se fit chair, il confirma et l'une et l'autre : il fit apparaître son image dans toute sa vérité, devenant Lui-même cela même qu'était son image, et rétablit sa ressemblance de façon stable, rendant l'homme pleinement semblable au Père invisible par le moyen du Verbe dorénavant visible. » Cf aussi Jean Damascène, Exposé de la foi orthodoxe IV, 1 (PC 94, 108 B) : Le Fils de Dieu « assume le pire – je veux dire notre nature, - afin de restaurer par Lui-même le « à l'image » et le « à la ressemblance », mais également pour nous enseigner à avoir une conduite vertueuse. » Et Grégoire le Théologien, Discours XLV, 9 (PG 36, 636 A) : Le Fils de Dieu « assume ma chair afin de sauver son image et de rendre immortelle la chair. » - . Selon Saint Macaire l'Egyptien, c'est le fait de l'union hypostatique de Dieu avec l'homme en la Personne du Dieu-homme, le Christ, qui donne toute sa portée générale au principe de l'incarnation divine ; il en fait une méthode générale de Salut. La signification sotériologique de cette conception de l'incarnation représente pour Saint Macaire le fait le plus profondément mystique et vécu : « Le Dieu infini et inconcevable s'est amoindri Lui-même par bonté, il a revêtu les membres de ce corps et s'est épuisé de sa gloire inaccessible, il s'est transformé par douceur et par amour de l'homme et s'est fait chair, il s'est mêlé aux âmes saintes, agréables à Dieu et fidèles, il les a embrassées et ne fait plus avec elles qu'un unique Esprit, selon les paroles de l'Apôtre Paul ; - 1 Cor. 6, 17 - ; il devient, pour ainsi dire, une âme pour leur âme et une hypostase pour leur hypostase, afin que leur âme puisse vivre dans la Divinité, qu'elle ait l'expérience de la vie immortelle et participe à la gloire de l'incorruptibilité, si du moins elle s'en montre digne et agréable à Dieu. » - Homélie IV, 10 (PG, 480 B). Cf. XLIV, 9 (PG, 785 A). De la liberté de l'esprit 6 (PG, 893 D). - . L'acte salutaire de l'incarnation du Christ reste incompréhensible, mais il est bien réel. Dieu « dans sa bienfaisance ineffable et dans son incompréhensible bonté, s'amoindrit et, se faisant chair, s'assimile selon leur possibilité aux âmes saintes, dignes et fidèles, afin que l'Invisible puisse être vu par elles et que l'Intouchable puisse être touché selon la nature de la subtilité de l'âme, afin qu'elles puissent percevoir sa douceur et jouir par cette expérience de la lumière bienfaisante de cette indicible délectation. » - Homélie IV, 11 (PG, 480 D). - . Et notre Saint d'ajouter : « Le Seigneur se fait Lui-même chair, comme nourriture et comme boisson, comme il est écrit dans l'Evangile. » - Jean 6, 58. Homélie IV, 12 (PG, 481). -. C'est ainsi que l'incarnation du Christ par la Vierge Marie apparaît comme un fait dont le résultat est l'incarnation et l'inhabitation du Fils de Dieu dans les âmes des Saints. - Op. Cit. Cf. I . V. Popov. (La justification mystique de l'ascétisme dans les œuvres de Saint Macaire l'Egyptien). Le professeur Popov souligne particulièrement ce passage que nous citions précédemment de l'enseignement de Saint Macaire. Cependant, J. Stoffels, dans son ouvrage cité ( p. 120), traite à peine de cet enseignement du Saint Père. - Cette question est plus particulièrement développée par Saint Syméon le Nouveau Théologien ( Discours éthique II). -. La route qui conduit à la restauration de la personne humaine peut être parcourue pas à pas grâce à l'union de l'homme avec le Christ. C'est ce qui se produit lorsque notre foi amène le Christ à s'incarner de nouveau en nous par sa Grâce, par le saint Baptême et par l'ascèse, par lesquels et dans lesquels l'homme grandit dans la vie spirituelle et dans la connaissance ; c'est alors la personne tout entière de l'homme qui grandit. Saint Macaire précise que « les passions du péché se sont ajoutées ultérieurement à l'âme et au corps à la suite de la transgression d'Adam, le Premier-créé ; Or npus nous sommes rendus parfaitement et totalement dignes en toute certitude du Baptême de l'adoption (après l'incarnation du Christ) pour la sanctification de l'âme et du corps (…) dont nous, qui avons cru, avons reçu le gage de la bienfaisance indicible au saint Baptême de la bienheureuse Trinité, pour la croissance et le progrès de l'héritage parfait et pour la multiplication du talent, nous qui avons cru à ce mystère si grand et si pur. » - Lettre (PG 34, 409-416). Cf. De la perfection dans l'Esprit 1 (PG 34, 841-842). - . La croissance de la personne commence donc lorsque l'homme renaît en Christ, lorsqu'il se libère de l'égoîsme et de la perversité que lui avaient apportés le péché pour aller vers sa réunion avec l'Unique sans-péché. Cette union se réalise dans la Grâce divine ; elle se parfait par une pleine acceptation, par l'adoption de la triade éthique des vertus – la foi, l'espérance et la charité, - ainsi que par la sainte Eucharistie, la réception de Dieu ; Lorsqu'elle a été conformée par la Grâce et par cette triade éthique, la personne humaine, finalement, est jugée digne de trouver la solution définitive de son problème, c'est-à-dire d'obtenir sa plénitude, en restant dans le monde de la sainte Trinité, dans sa vie et dans sa communion. 2. La réception (l'adoption) de la triade éthique des vertus. La véritable adoption de la Grâce et de la triade éthique des vertus, qui devient un nouveau composant et constituant de la personne humaine, dépend de la façon dont on perçoit l'épuisement de tous les éléments constitutifs de la personne. Toute l'activité d'un intellect obscurci par le péché et d'une volonté affaiblie concourt à rendre insupportable pour l'homme la conscience de sa faiblesse et du caractère redoutablement désespéré de son impuissance. La conscience qui se trouve sous la coupe du péché est dominée et asservie par une prise de conscience redoutable : elle reconnaît que l'homme est devenu à la fois ontologiquement et psychologiquement incapable de se sauver par lui-même, de se relever lui-même. Consumé par le feu de cette prise de conscience, l'homme est conduit à partir de la nature même de sa personne à suivre le désir d'une substance créée à l'image de Dieu qui habite son âme – désir qui le fait sortir de la sphère du péché pour le faire entrer dans la sphère de la réalité invisible de Dieu, dans la sphère de la foi – Cf. Héb., 11, 1 – et de la triade éthique. a) La foi et l'espérance Par l'intermédiaire de la foi, l'homme entre en contact avec le nouveau schéma de la vie en Christ, avec une nouvelle réalité. Si nous pouvons nous exprimer ainsi, l'élément négatif de la foi consiste dans la perception de l'extrême pauvreté de l'esprit ; son élément positif consiste en un immense amour pour le seul Riche, pour Dieu. Qu'est-ce en effet que la foi ? «  La substance de la foi, écrit le Saint, est la pauvreté de l'esprit et un immense amour pour Dieu. » - Lettre (PG, 421 C). - . La pauvreté de l'esprit – Mat.5, 3 – est la voie royale qui conduit vers le Royaume des Cieux. - Homélie XXVII, 23 (PG, 709 C). - . La substance de la foi se trouve dans toutes les manifestations, dans tout le développement de la pauvreté de l'esprit, qui forme la substance même de la pauvreté. La pauvreté de l'esprit unit en elle une perception affirmée et une reconnaissance expresse des blessures reçues sous les coups du péché. « Pauvre en esprit » - Mat.5,3 -, c'est bien ainsi que l'on peut qualifier l'âme qui « d'une part reconnaît les blessures qu'elle a reçues, mais reconnaît aussi l'obscurité des passions qui l'enveloppe et désire en être délivrée par le Seigneur de l'univers, ou bien qui supporte ses peines, ne prend aucune joie aux biens de la terre, mais seulement dans l'unique Médecin et place sa confiance dans sa médecine. » - De l'amour 16 (PG, 921 B). Cf. Homélie XXIX, 7 (PG, 720 C). - . La foi est l'oeil par lequel l'âme peut contempler sa pauvreté, voir qu'à cause de son péché elle reste « nue et dépourvue de la communion de l'Esprit » - Homélie XVIII, 3 (PG, 636 C) -, et que « se trouvant réduite à la terrible pauvreté du péché, elle se trouve incapable de produire elle-même le fruit de l'Esprit, de la justice, sans avoir auparavant communié à l'Esprit. » - Op. cit ; Cf. Rom. 7, 18 ; Homélie XX, 1 (PG, 649 C). - . Il est si indispensable à la nature humaine de percevoir en permanence la pauvreté de son esprit que Saint Macaire conseille « que chacun se contraigne à prier Dieu de le juger digne de recevoir et de trouver le trésor céleste de l'Esprit. » - Homélie XVIII, 3 (PG, 636 C). - . Cette démarche selon laquelle « il est nécessaire de se contraindre même si le cœur ne le veut pas » - Homélie XIX, 3 (PG, 644 D). Cf. De la garde du cœur, 13 ( PG, 827 C). Ibid. 14 (841 A). Homélie XIX 7 (PG, 648 C) – constitue, selon notre Saint, la démarche de la foi et de toutes les autres vertus. - Homélie XIX, 7 (PG, 648 C). - . Pour aller vers le Christ, l'homme doit donc « se contraindre ». Mais pour devenir la demeure du Christ et s'emplir du parfum de l'Esprit Saint, il faut que l'homme « commence par croire fermement au Seigneur et qu'il se soumette en tout aux paroles des commandements. Puis il doit renoncer au monde en toutes choses pour que son intellect ne soit plus occupé par rien de visible. - Homélie XXVII, 1 (PG, 641 D). Cf. De la garde du cœur 13 (PG, 836 C). - . Par la pratique de la foi, l'homme se livre lui-même sans restriction au Christ et s'abandonne à la confiance qu'il a placée dans le Seigneur sans plus placer sa confiance en lui-même – Homélie XVI, 9 (PG, 620 C) -, il se renie lui-même, il renie son âme. - Mat.16, 24 ; Marc 8, 35. - . Le reniement de soi-même est une pratique fondamentalement intérieure, une pratique personnelle subjective, mais qui se manifeste objectivement comme un acte de renoncement au monde. - De la patience et du discernement 22-23 (PG, 884 AB ). Homélie V, 6 (PG, 501 BC). Lettre (PG, 412 D) Homélie XXI, 4-5 (PG, 657 C). - . Ce double reniement à nous-mêmes et au monde constitue en réalité le principe de notre foi. Et puisque la libre volonté est la caractéristique personnelle la plus générale de l'âme, ce reniement de l'âme n'est rien d'autre que le principe de ne « jamais rechercher sa propre volonté ». - Lettre (PG, 421 D). Cf. De la perfection dans l'Esprit 8 ( PG, 848 A ). Cf. Saint Grégoire de Nysse, Le but selon Dieu (De instituto christiano) ( PG 46, 497) : «  Renier son âme, c'est ne rechercher en rien sa propre volonté, mais la volonté de Dieu ». Sur ce point comme sur d'autres, il y a un accord très caractéristique entre l'enseignement de Saint Macaire et l'enseignement de Saint Grégoire de Nysse et des autres Pères. - . Dans l'exercice de la foi, l'âme « se renie elle-même, sans suivre les volontés de son intellect... et se remet elle-même totalement au Seigneur. » - Homélie V, 6 (PG, 505 AB). - . La foi est la réponse personnelle de l'homme pécheur au Christ sans péché. Cette réponse comporte nécessairement le renoncement à nous-mêmes : si quelqu'un veut me suivre, qu'il se renie lui-même. - Mat. 16, 24. De la patience et du discernement 22 (PG, 884 A). -. Ce reniement est le fruit d'une prise de conscience aiguë des liens que le moi entretient avec le péché. Il va de soi que ce tout que nous venons de rapporter ici ne représente que la traduction en une langue philosophique de l'expérience mystique et de la connaissance de Saint Macaire. C'est pourquoi sa langue ne nous paraît en aucun cas étrangère. Selon lui le serpent – Satan – est devenu le péché, cette « autre âme à côté de l'âme » de l'homme. - Homélie XV, 35 (PG, 600A). - . Or cette « autre » âme a plongé dans l'obscurité l'âme de l'homme qui avait été créée à l'image de Dieu, elle l'a supplantée et presque remplacée, devenant comme un autre centre de la conscience, le centre de la personne pécheresse, le « moi » lui-même du vieil homme. C'est ainsi que, selon l'enseignement de Saint Macaire, seul l'homme qui « se renie lui-même » et qui « hait sa propre âme » a accompli le premier et le plus catégorique des commandements du Christ : Quiconque ne se renie pas lui-même et ne hait pas sa propre âme, n'est pas mon disciple. - Marc 8, 34 ; Luc 14, 26 et Ibid. Cf. Homélie V, 6 (PG, 501 B). De la patience et du discernement 23 (PG, 884 A). De la liberté de l'esprit 32 (PG, 965 C). - . Le péché s'est si bien tissé dans la trame de l'âme qu'il est devenu comme « l'un de ses membres » et qu'aimer une telle âme signifierait que l'on aime le péché, qui engendre la mort. C'est pourquoi le Seigneur a pu dire que Celui qui aime son âme la perdra. - Jean 12, 25. Homélie XV, 35 (PG, 600 A). - . C'est pourquoi, selon Saint Macaire, la seule voie qui permette d'être sauvé est que tu haïsses ton âme, que tu te haïsses toi-même. «  Voici quelle est l'arme la plus appropriée pour l'athlète et pour le combattant : c'est de rentrer dans son cœur, de lutter contre Satan, de se haïr soi-même, de renier sa propre âme, de s'irriter contre soi-même et de se faire des remontrances, de résister aux convoitises qui nous habitent, de combattre nos pensées et de lutter contre soi-même. » - Homélie XXVI, 12 (PG, 681 D). - . La foi est donc bien une haine à l'égard de nous-mêmes, c'est une haine dirigée contre notre âme pécheresse, cette « seconde âme », et un amour pour Dieu. Par l'exercice de la foi en Dieu, c'est notre « seconde âme » qui est anéantie, comme centre de notre personnalité égocentrique ; le centre de notre personnalité peut alors se transférer sur le Dieu invisible. - Cf ; Héb. 11, 1 : La foi est l'hypostase de ce que l'on espère, la preuve des réalités que l'on ne voit pas. - . En d'autres termes, pour Saint Macaire, croire signifie que l'on a renoncé à vivre « par sa nature propre », que l'on s'est transporté « dans le monde supérieur de la Divinité ». - Homélie XXIV, 1 (PG, 661 – 664 A). - . La foi est une victoire remportée sur l'égoïsme et sur l'égocentrisme, c'est une victoire qui permet à l'Esprit Saint de délivrer l'homme, car c'est bien par la divine grâce de la foi que peut être vaincue la loi de péché, cette loi qui régnait auparavant sur la personnalité : « moi, c'est moi », cette loi qui imposait de vivre « par sa propre nature ». «  Il faut en effet que l'âme qui croit véritablement au Christ change et passe de son état présent de malice à un autre état, bon celui-là, et de sa nature présente, qui est vide, à une autre nature, divine, la nature nouvelle qu'elle a pu s'obtenir par la puissance du Saint Esprit. » - Homélie XLIV, 5 (PG, 781 B). Homélie XLIX, 2 (PG, 813 B). - . « Nos âmes doivent donc changer et passer de leur état actuel à un autre état, à une nature divine. » - Homélie XLIV, 8 (PG, 784 C). - . Par la pratique de la foi selon la Grâce, l'homme reçoit la capacité de « se changer lui-même et de transformer sa manière d'être et son état antérieur » - Homélie XLIV, 1 (PG, 777D) -, ainsi que la capacité de devenir « une nouvelle création en Christ ». - Ibid. (PG, 780 A). - . Selon l'économie de la vie que Dieu nous a donnée, ni le corps à lui tout seul, ni l'âme seule ne peuvent vivre séparément de leur propre nature, car Dieu « a donné de tenir de l'extérieur toute l'économie de la vie. » - Homélie I, 10 (PG, 460 A). - . Le corps, « s'il se tient tout seul dans sa propre nature, sans rien recevoir de l'extérieur, se corrompt et périt. De même il a disposé par économie et établi dans sa bienveillance que l'âme, qui ne possède pas la lumière divine mais est créée à l'image de Dieu, ait la vie éternelle, non par sa propre nature mais en recevant de la Divinité, de son Esprit, de sa lumière, une nourriture et un breuvage spirituels et des vêtements célestes, qui représentent en réalité la vie de l'âme. » - Ibid. (PG, 460 D)-. C'est pour cette raison que le Saint peut nous dire : «  Malheur au corps qui prétendrait s'enfermer dans sa propre nature : il se corromprait et mourrait ; malheur aussi à l'âme qui veut s'enclore dans sa propre nature et ne faire confiance qu'à ses œuvres, sans participer à l'Esprit divin : elle meurt de ne pas avoir été jugée digne de participer à la vie éternelle de la Divinité. » - Homélie I, 11 ( PG, 416 B) -. La foi est comme un pont jeté entre l'éphémère et l'éternel. Ce pont recouvre le gouffre qui s'était ouvert entre l'homme et Dieu. C'est par lui que l'âme de l'homme peut entrer dans la sphère des mystères célestes, car par la foi l'âme se rend digne de recevoir « la connaissance des mystères divins. » - Homélie X, 1 (PG, 541 A).- . Plus encore, « par la foi elle communie à Dieu. » - De la patience et du discernement 8 ( PG, 872 B). - . Par la Grâce et par la pratique de la foi, la nature humaine s'enrichit, car « la nature humaine, si elle reste seule et nue, sans admettre ni mélange ni communion avec la nature céleste (de Dieu), n'est pas redressée, mais reste seule et réduite à sa nature, couverte de souillure. » - Homélie XXXII, 6 (PG, 737 B). Cf. XXVI, 19 (PG, 688 AD). - . «  Si en effet l'homme qui est sous l'influence des passions ne s'approche pas de Dieu, s'il ne renonce pas au monde, s'il n'attend pas dans l'espérance et dans la patience un bien étranger à sa propre nature – c'est-à-dire la force du Saint Esprit, - si le Seigneur n'instille pas d'en haut en cette âme la vie de la Divinité – cet homme ne percevra pas en lui la vie véritable, ne reviendra jamais de l'ivresse de la matière à la sobriété, ne verra jamais l'illumination de l'Esprit briller dans son âme enténébrée pour y faire resplendir la lumière du jour ; il ne sera jamais éveillé du pesant sommeil de l'ignorance et ne parviendra donc pas à la connaissance véritable de Dieu par la force de Dieu et l'énergie de la Grâce. » - Homélie XXIV, 5 (PG, 665 BC). - . Elles sont bien sages, pour Saint Macaire, ces cinq vierges de l'Evangile – Mat. 25, 2-4 -, qui recherchent et obtiennent « ce qui est étranger à leur nature (…) c'est-à-dire la Grâce venue d'en haut, la Grâce de l'Esprit » - Homélie IV, 6 (PG, 476 D) -, « la bénédiction de l'Esprit » - Ibid. (PG, 477A) – alors que les cinq autres sont bien folles, puisqu'elles demeurent « dans leur nature propre ». - Ibid. (PG, 476 D). Cf. Homélie XXVI, 19 (PG, 638 A). De l'exaltation de l'intellect 4 ( PG, 882 D- 883 A.). - . En pratiquant la foi dans l'Esprit Saint, l'homme peut « se transporter de la malice de l'ombre jusque dans la lumière du Christ » - Homélie I, 9 ( PG, 460 A) - « pour y recevoir et y revêtir l'âme de l'Esprit céleste » - Ibid. - Hors de la foi et en son absence, l'homme périt par le poison de son égoïsme théorique, de son solipsisme ; Par l'exercice de la foi il se confie lui-même à Dieu, et Dieu lui donne en retour « la foi céleste et il devient deux fois un homme ». - Homélie XV, 32 (PG, 589 C). Selon Saint Macaire, l'âme qui s'est enchaînée «  à l'errance dans les ténèbres, soumise à la malice des esprits », n'est pas capable par elle seule, sans la Grâce, « d'aimer Dieu ni de croire comme elle le voudrait ». Cf. Apophtegmes ( PG, 249 A).- . Par la foi, l'homme multiplie son être par deux, il l'associe à Dieu, le semblable s'unissant au semblable. Aussi le Saint peut-il dire que « chaque fois que tu lui offres donc une partie de toi-même, il mêle à ton âme une partie semblable de Lui-même, pour que toutes tes actions, ta charité et tes prières soient pures ». - Homélie XV, 22 ( PG, 289 C). - . «  Par la foi et par le zèle », chacun peut devenir participant de l'Esprit Saint. - Homélie V, 8 ( PG, 513 B). - . C'est par la foi de l'homme et avec la Grâce de l'Esprit Saint que l'on peut obtenir que la première âme, celle qui est à l'image de son prototype, à l'image de Dieu, soit délivrée de la « seconde âme » ( l'âme du péché) et que l'homme peut retrouver l'âme qui lui avait été donnée par Dieu ; Comment ? En la perdant ( c'est-à-dire en l'offrant en sacrifice) par la Grâce du Christ ; Car celui qui veut sauver son âme la perdra, mais celui qui perdra son âme à cause de moi la retrouvera. - Mat. 16, 25. Luc 9, 27. Cf. Homélie V, 6 ( PG, 500-512). - . Le signe d'une foi vivante est que l'on livre son âme « au véritable Grand Prêtre, le Christ » ; l'âme doit alors « être immolée par Lui, mourir à ses mauvaises pensées et à la mauvaise vie dont elle vivait, c'est-à-dire au péché – Rom. 6, 2 -, et la malice des passions, qui était comme sa vie, doit sortir d'elle. De même que le corps, lorsque l'âme l'a quitté, reste mort, inanimé, sourd et immobile, ainsi en va-t-il de notre vie, lorsque le Christ, notre Grand Prêtre céleste, l'a immolée par la Grâce de sa puissance et fait mourir au monde : elle meurt à cette vie perverse, n'entend plus, ne parle plus, elle ne vit plus dans les ténèbres du péché, car par la Grâce la malice des passions se détache d'elle comme si elle était son âme. » - Homélie I, 6 ( PG, 456 C). - . «  Une âme qui veut vivre auprès de Dieu dans le repos et la lumière éternels doit approcher du véritable Grand Prêtre, le Christ ; comme nous le disions, il faut qu'elle soit immolée et mise à mort à l'égard du monde et de sa vie antérieure de ténèbres et de malice, pour recevoir en retour une autre vie et un comportement divin. » - Homélie I, 8 ( PG, 457 C). - . Par principe, la foi est le baptême au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit – Mat. 28, 19 -, elle représente une co-crucifixion avec le Christ, le baptême dans sa mort selon l'Apôtre. - Rom. 6, 3-4. Gal. 3, 27. - . C'est cette foi comme crucifixion de soi-même au monde, qu'exprime l'expérience vécue de l'Apôtre Paul : Le monde est crucifié pour moi, et moi au monde. - Gal. 6, 14. Homélie I, 6 ( PG, 456 D). - . Mais c'est la même chose qu'exprime aussi Saint Macaire, lorsqu'il exige de chacun de nous la pratique de la foi : « Il nous faut clouer sur la Croix les passions du péché. » - Lettre (PG, 417 C). Cf. Homélie XLV, 1 ( PG, 785 C). De la liberté de l'esprit 32 (PG, 965 C) : «  Il faut toujours en toute chose et par tout moyen courir vers Dieu, s'attacher à lui et se crucifier par le corps et par l'âme en passant par tous ses commandements. » - . Et il ajoute : « Il n'appartient qu'à ceux qui se sont crucifiés avec le Christ de souffrir et d'être glorifiés avec lui, à ceux qui portent sur leur propre chair les cicatrices de ce monde et celles du Christ. » - Lettre ( PG, 420 C). - . C'est donc là, comme le dit le Saint, « le fruit très grand de la philosophie. » - Ibid. (PG, 420 D- 421 AC). - . La croix est « l'outil » du Christ, c'est l'outil qui lui permet de cultiver cette « âme en friche » et de la nettoyer de « toutes les orties et des chardons des esprits mauvais et de l'ivraie du péché ». - Homélie XXXVIII, 3 (712 C). - . On sort de la mort pour entrer dans la vie ; C'est bien là justement l'antinomie de la foi : «  si tu veux être sauvé, meurs ». - Apophtegmes 23 ( PG, 252 A). - . Ou bien, comme l'a dit le Seigneur : Amen, amen, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il restera stérile ; mais s'il meurt, il portera beaucoup de fruit. - Jean 12, 21. - . Par l'exercice de la foi, le grain de la personne, tombé dans le tombeau de la Divinité, meurt, se dissout. D'une manière mystérieuse, Dieu en ôte l'écorce du péché – Homélie II, 3 (461 D)., Homélie III, 4 (PG, 469 C) -, et peu à peu l'homme « grandit et devient un homme parfait, à la mesure de la taille » - Homélie XV, 41 (PG, 604 C) – du Christ. - Eph. 4, 13. - . La foi n'est pas un travail incombant exclusivement au cœur, ou bien à la libre volonté, ou encore à l'intelligence. C'est un travail qui appartient à l'ensemble de la personne, à l'homme global, celui qui vit et qui perçoit, qui veut et qui pense. La foi embrasse l'intellect dans son intégralité, ainsi que la libre volonté et tous les éléments psycho-physiques de la personnalité, alors que ni l'intellect ni aucun autre composant de la personne ne peut embrasser la foi en son entier. Parce qu'il est le principal sujet du péché, l'intellect est de ce fait même le principal sujet de la foi. Contrairement au péché, la foi consiste à se réveiller « du profond sommeil de l'ignorance » - Homélie XXIV, 5 (PG, 665 C) -, c'est un retour à la sobriété après « l'ivresse de la matière ». - Ibid. (PG, 665 B). - . C'est par la foi et par la Grâce que l'homme peut être libéré de la catégorie du péché, qu'il peut sortir de son égoïsme, de la vie « par sa propre nature » et entrer dans l'éternité. «  C'est pourquoi, selon les saintes Ecritures, le chrétien doit renier le monde, pour migrer et partir par l'intellect loin de ce siècle, où l'intellect est retenu et illusionné depuis la transgression d'Adam, pour résider par la pensée dans un autre siècle et dans le monde supérieur de la Divinité, comme il est écrit : « Notre cité est dans les Cieux. » - Phil. 3, 20 et Homélie XXIV, 4 (PG, 661 D – 664 A ). - . Par le repentir et par l'exercice de la foi, l'esprit s'élève pour s'envoler « dans l'atmosphère divine ». - Homélie XI, 12 (PG, 553 B). Cf. XLIX (PG, 813 A). - . «  Le repentir consiste à revenir, dit un autre Saint, de ce qui est contre la nature vers ce qui est selon la nature, et du Diable vers Dieu ». - Saint Jean Damascène, Exposé de la foi orthodoxe II, 30 (PG 94, 976 D). - . Par l'acte du repentir, l'intellect renie la méthode de pensée dont il usait avant la foi, il renie le critère anthropocentrique de la connaissance : « l'homme mesure de tout », pour se renier lui-même, pour se livrer au Dieu-homme, le Christ, et pour devenir « l'intellect du Christ » - 1 Cor. 2, 16 -. La première exigence de la foi est d'entreprendre la lutte contre l'intellect ancien, celui qui faisait partie de « l'autre âme ». « Le Seigneur exige en effet que tu t'irrites contre toi-même et que tu engages le combat avec ton intellect, rompant tout accord et toute complicité avec les pensées de la malice ». - Homélie III, 3 (PG, 649 C). - . Dans le combat que nous menons donc contre l'intellect ancien, l'arme principale est la haine que nous exerçons à l'égard de nous-mêmes – Homélie XXVI, 12 ( PG, 681 D) -, elle consiste à crucifier notre intellect – Homélie XV, 42 (PG, 604 D) : les chrétiens portent « le signe de la croix dans leur intellect et dans leur cœur » -, à renoncer à la connaissance et à la sagesse humaines pour les considérer comme « folie » et à ne plus voir en nous-mêmes que des « fous » et des « misérables ». - De la patience et du discernement 15 ( PG, 877 B). - . L'humilité de l'esprit est un préalable nécessaire à quiconque entreprend de croire et elle consiste à asservir volontairement au Christ toutes nos facultés noétiques. - Homélie IX, 11 (PG, 537 D- 540 A). - . L'itinéraire et la méthode de la foi se trouvent bien à l'opposé de l'itinéraire et de la méthode de la chute. Là régnait une fierté inflexible, ici c'est l'humilité ; là c'était l'anthropocentrisme, ici c'est le théocentrisme. En réalité c'est ainsi que s'accomplit la « subversion de toute valeur », le renversement de tous les anciens critères. C'est ainsi que la foi avec la Grâce peuvent faire renaître et transfigurer l'intellect. Tout ce qui ne procède pas de la foi est péché – Rom. 14, 23 _, dit l'Apôtre Paul, car la foi indique que l'on sort des limites de la nature pour se transporter dans une autre réalité, une réalité qui reste inaccessible au péché. Le péché est en effet péché en ceci qu'il reste toujours en lui-même, en ce qu'il ne reconnaît aucune réalité en dehors de lui, qu'il ne se fonde que sur lui-même, pour ne plus croire qu'en lui-même. La foi se trouve en rapport et entre en collaboration avec les autres facultés et vertus du Salut. Selon l'Apôtre Paul, la foi est la substance de l'espérance – Héb.11, 1. 1 Cor. 13, 13 -, et l'espérance procède sans cesse de la réalité de la foi. L'existence de le première dépend de l'existence de la seconde. Le premier membre de la triade éthique pleine de grâce des vertus, la foi, est donc consubstantiel avec son second membre, qui est l'espérance. Par conséquent la foi, grâce à sa nature qui est consubstantielle avec l'espérance, introduit aussi l'espérance dans son exercice. Sans l'espérance, le si difficile exercice de la foi aboutirait au scepticisme. Avec l'espérance, le si dur exercice du reniement de soi devient très doux. Sans espérance, l'homme «  ne peut supporter les épreuves, ni supporter le fardeau et s'engager dans la voie étroite. C'est en effet l'espérance qui est en lui et la joie qui le lui fait faire, et qui lui permet de supporter les épreuves et de prendre son fardeau et s'engager dans la voie étroite. » - Homélie XXVI, 11 (PG, 681 C). Cf. V, 6 (PG, 512 B). Lettre (PG, 437 A). - . Il est bon pour l'homme qui lutte « de garder chaque jour l'espoir et la joie et l'attente du royaume à venir et de la délivrance, pour se dire : si aujourd'hui je n'ai pas été libéré, je le serai demain. » - Ibid. (PG, 681 B). - La substance de la foi surpasse l'espérance – Cf. Rom. 8, 24 -, et c'est bien pour cela que Saint Macaire peut ajouter que « toutes les œuvres extérieures que l'on accomplit en ce monde le sont parce qu'on a l'espoir de tirer profit de ses peines... ; de même dans le Royaume des Cieux, c'est parce qu'il a l'espérance que les yeux de son cœur seront illuminés que l'homme renonce à lui-même, se retire des affaires de cette vie, vaque à la prière et à la supplication – Cf. 1 Tim. 5, 5 -, attendant que le Seigneur vienne, se manifeste à lui et le purifie du péché qui demeure en lui. » - Homélie XIV, 1 ( PG, 569 D – 572 A). - .l'organisme harmonieux L'espérance est l'optimisme de la foi, le guide de la foi. - Cf. Lettre (PG, 421 C) -. Dans la foi que l'espérance conduit au cours des épreuves, « sont cachées les promesses, la gloire et la restauration des biens célestes, comme le fruit est caché dans la graine semée en terre. » - Homélie V, 6 (PG, 512 B). - . Dans la substance de la foi nous ont été données en germe les substances de toutes les autres vertus, qui constituent l'organisme harmonieux de la vie de l'homme selon la Grâce, c'est-à-dire de la vie en Christ ; De la nature de la foi, selon une nécessité organique, proviennent la prière et l'humilité. b) La prière et l'humilité La prière apparaît comme notre guide dans la sphère de cette immense réalité que la foi en Christ révèle à l'homme. C'est pourquoi Saint Macaire nous conseille « d'instituer la pensée comme sage gouverneur de la prière afin de ne jamais prêter attention au trouble fomenté par l'esprit mauvais ; nous pourrons ainsi ne jamais nous laisser emporter par ses vagues, mais jeter aussitôt le regard sur le hâvre d'en haut pour restituer une âme intègre à celui qui a cru et qui prie Dieu. » - Lettre ( PG, 436 A). - . C'est par la prière que l'âme peut se concentrer sur Dieu, alors qu'elle s'était laissée disperser par le péché et qu'elle s'en est purifiée. C'est pourquoi il convient que « toute l'âme s'adonne avec le corps à la prière ». - Ibid. - . Par la prière, les passions sont vaincues et soumises – Apophtegmes 7 (PG, 236 A) -, les organes de la connaissance sont purifiés et la conscience redressée. - Lettre (PG, 433) - . La purification de l'âme se déroule au rythme de la prière : seul l'intellect qui prie peut devenir le temple du Christ. Par conséquent « le plus important de tout est la persévérance dans la prière. Une seule chose est requise : que chacun possède dans son âme un trésor, et dans son intellect la vie, c'est-à-dire le Seigneur. - Homélie III, 3 ( PG, 469 C). - . La prière apparaît comme le pédagogue de l'intellect ; elle édifie la nouvelle personnalité en se fondant sur Dieu. - Homélie IV, 3 (PG, 520 BC). Cf. De la prière 3 ( PG, 856 A) : Par la prière incessante, nous vainquons « l'instabilité de l'intellect ». - . Par la prière pure, l'intellect s'élève vers Dieu et se purifie. - Homélie XV, 13 ( PG, p. 584 C). - . Par la prière « naît chez ceux qui en sont dignes la communion à la sainteté de Dieu et à l'action de l'Esprit, ainsi que l'union de leurs dispositions intérieures avec le Seigneur dans une charité ineffable. » - Homélie XL, 2 ( PG, 764 B). De la prière 1 ( PG, 853 A). - . Par la Grâce et par l'exercice de la prière, l'intellect se rend éternel : « L'homme intérieur est ravi par la prière, jusque dans l'immense profondeur de l'au-delà, dans une grande douceur, au point que son intellect est complètement exilé d'ici-bas et qu'il y soit ravi. Dans ces moments, il oublie complètement les pensées relatives aux réalités terrestres, captivé et rempli qu'il est par des pensées qui l'emportent vers des réalités divines, célestes, infinies et insaisissables, vers des choses merveilleuses que les lèvres humaines ne peuvent exprimer – à tel point qu'en un tel moment il en vient à demander et à souhaiter que son âme puisse quitter ce monde en emportant cette prière. » - Homélie VIII, 1 ( PG, 528 CD). Cf. XII, 17 (PG, 568 C). - . «  Il arrive souvent que dès qu'un homme simple se met en prière et fléchit le genou, son âme entre dans le repos ; plus il creuse en profondeur et plus s'ouvre une brèche dans le monde du péché qui se dresse en face de lui ; et il parvient à un degré de vision et de sagesse auquel n'atteignent pas les puissants, les sages et les beaux parleurs, incapables de comprendre et de saisir combien son intellect est subtil, puisqu'il s'applique aux mystères divins. » - Homélie XV, 15 (PG, 585 B). - . Non seulement l'homme se purifie par la prière, mais il remporte la victoire sur les démons, car « si les démons sont forts comme de grandes montagnes, ils sont brûlés par la prière comme la cire par le feu. » - Homélie XLIII, 3 (PG, 773 C). Cf. De la garde du cœur 4 (PG, 824 BC). - . L'ensemble des vertus constitue un organisme indissociable et « elles se tiennent les unes aux autres dans l'égalité d'honneur ». - Lettre (PG, 432 B). - . Mais la prière est « en quelque sorte le coryphée du choeur des vertus, car c'est par elle que nous demandons à Dieu les autres vertus, si bien que celui qui persévère dans la prière communie et s'imprègne d'une sainteté mystérieuse et d'une espèce d'énergie et d'une disposition spirituelle. » - Ibid. (PG, 432 C). Cf. Homélie XL, 2 ( PG, 764 B). De la garde du cœur 8 ( PG, 828 A). De la prière 1 ( PG, 853 A). - . Aussi la prière peut-elle porter de nombreux fruits : « Les fruits de la prière sincère sont la simplicité, l'amour, l'humilité, la patience et d'autres semblables que le labeur de la prière fait mûrir ici-bas durant la vie avant les fruits éternels. » - Ibid. (PG, 436 B). - . C'est pour cette raison que le Saint peut dire que « la prière est un labeur plus grand que les autres. » - De la prière 2 (PG, 853 C). Cf. Ibid. 14 (PG, 861 D) : «  Le labeur de la prière et de la parole accompli convenablement compte plus que toute vertu et que tout commandement. » - . La prière constituait cette meilleure part que Marie avait choisie et qui ne lui sera pas retirée. - Luc 10, 42. De la prière 14 (PG, 865 A). - . Toutes les vertus entretiennent entre elles des liens organiques : « Toutes les vertus sont liées réciproquement «  et elles constituent « comme une chaîne spirituelle ». Les vertus s'accroissent l'une l'autre, et si l'une se coupe de la substance des autres, elle fane et se flétrit. - Homélie XL, 1-2 (PG, 764 D). Cf. De la garde du cœur 8 ( PG, 852 D) : «  Les vertus sont suspendues et attachées entre elles, accrochées les unes aux autres comme en une sorte de chaîne spirituelle : la prière à l'amour, l'amour à la joie, la joie à la douceur, la douceur à l'humilité, l'humilité au service, le service à l'espoir, l'espoir à la foi, la foi à l'obéissance, l'obéissance à la simplicité. » Cf. De la perfection dans l'Esprit 15 (852 B). - . La vie de chaque vertu est totalement universelle et dépend de son union aux autres vertus. L'acceptation personnelle de chaque vertu est un exercice profondément universel, une pratique universelle, car elle présuppose la réception des autres vertus. - De la prière 5 ( PG, 856 C). Homélie XIX, 4 ( PG, 645 AB). - . L'unanimité des vertus dans l'action crée la concentration de l'âme et produit par la Grâce du Saint Esprit une restauration mystique de la personne humaine qui avait été créée à l'image de Dieu mais brisée par le péché, elle recompose l'homme et l'institue, selon Saint Macaire, en église de Dieu. - Saint Macaire explique dans les termes suivants la phrase de l'Apôtre Paul : dans l'église, j'aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence ( 1 Cor. 14, 19) : «  Le mot 'église' a deux acceptions : il désigne le rassemblement des fidèles et l'ensemble des parties de l'âme. Lorsqu'on l'utilise donc spirituellement au sujet de l'homme, le terme 'église' s'entend de cet ensemble de parties. Cinq mots désignent en résumé les vertus, celles qui édifient l'homme, réparties dans leur variété. De même en effet que celui qui parle dans le Seigneur embrasse toute la sagesse en cinq mots, de même celui qui suit le Seigneur édifie toute la piété par cinq mots, car elles sont cinq qui incluent toutes les autres : tout d'abord la prière, puis la continence, puis l'aumône, la pauvreté et la longanimité. Accomplies avec désir et détermination, ce sont les paroles de l'âme prononcées par le Seigneur et entendues par le cœur. » Homélie XXXVII, 8 (756 AB). - . L'acquisition des vertus est cependant obtenue par la méthode ascétique de la « contrainte de soi-même ». - Cf. De la liberté de l'esprit 18 (PG, 949 CD). De la prière 5 ( PG, 856 D). - . En tout cela, dit Saint Macaire, visant les vertus et leur exercice, il est bon pour l'homme de « se contraindre soi-même ». - Homélie XIX, 6 (PG, 645 D). - . Se contraindre soi-même à la prière sans avoir la prière spirituelle – c'est ainsi que Dieu, voyant celui qui soutient une tell e lutte et se contraint par la violence alors que son cœur le refuse, lui donnera la véritable prière de l'Esprit. - Op. Cit. (PG, 645 A). Cf. ibid., 8 (PG, 648 D), ibid., 9 ( PG, 649 A) ; Lettre (PG, 435 C), Homélie XIX, 5 (PG, 645 C) : «  Chacun doit se contraindre à la prière et se faire violence, même si son cœur s'y refuse. » - . C'est Dieu qui « enseigne et donne la prière véritable » - Homélie XXXI, 4 (PG, 729 D) – et « la prière pure, spirituelle » - Homélie XXXIII, 2 (PG, 741 C). Cf. De la liberté de l'esprit 18 ( PG, 949 D) – à celui dont « l'intellect se tourne avec force vers Dieu ». - Homélie XXXIII 1 ( PG, 741 B). Cf. ibid. , 2 ( PG, 741 D). - . C'est ainsi que la parole de l'Apôtre «  il faut prier sans cesse » - 1 Thess. 5, 17 et ibid. (PG, 433 B). Cf. De la prière 2 ( 853 B) – représente la condition nécessaire de l'économie du Salut car, selon les paroles du Seigneur, tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous l'obtiendrez. - Mat. 21, 22 et De la patience et du discernement 8 ( PG, 872 A). - . Par la prière on obtient la vertu suivante, l'humilité. - Lettre (PG, 436 B). Lorsque l'intellect, qui est l'organe principal de la connaissance, grandit dans la prière, grâce à la triade éthique des vertus, il se concentre sur son humilité. L'intellect obtient sa transfiguration mystique dans la Grâce en se délivrant de l'exaltation de l'esprit et en acceptant l'humilité comme catégorie de pensée et comme méthode de connaissance. «  C'est par l'exaltation que le serpent a terrassé Adam...En prenant la forme d'esclave – Phil. 2, 7 -, ( le Christ) a vaincu le Diable par l'humilité. » - Homélie XXVII, 5 ( PG, 696 D). - . «  Par l'humilité, le Christ a été exalté ; il est allé s'asseoir à la droite du Père », alors que par l'enflure de l'esprit, le serpent, c'est-à-dire le Diable, avait précipité dans la honte la race d'Adam. - De la garde du cœur 12 ( PG, 832). De l'amour 3 (PG, 909 B). - . La victoire sur l'exaltation de l'esprit peut être obtenue par la pratique personnelle par l'homme de la divine humilité du Christ. La demande par la prière et la « contemplation » de la très douce icône du Christ ouvrent le chemin qui mène à l'humilité. «  jette les yeux sur Jésus, et considère de quelle gloire, Lui qui est le Fils de Dieu et Dieu, il a marché vers quelle passion et vers quelle crucifixion. » - De la garde du cœur 12 (PG, 832 C). Cf. Homélie XXVII, 25 (PG, 695 C), De l'amour 31 (PG, 936 AB;), ibid. 3 (PG, 909 C). Lettre ( PG, 425 C). - . Dans la Personne du Dieu-homme Jésus, la douceur et l'humilité sont les catégories où se reconnaît le Dieu éternel. - Cf. De la garde du cœur 13 ( PG, 836 D). - . Il est donc tout-à-fait nécessaire de reconnaître que l'humilité représente une catégorie de la vie chrétienne, comme « le fondement du christianisme » - Ibid., 10 (PG, 829 B). Cf. De l'amour 30 ( PG, 933 B) -, comme « le signe du christianisme ». - Homélie XV, 37 (PG, 601 B). Cf. aussi Saint Jean Chrysostome : «  L'humilité est en effet le fondement de notre philosophie (c'est-à-dire du christianisme). » - ( PG 51, 312). -. «  Même s'il fait des miracles et ressuscite les morts, s'il ne tient pas son âme pour misérable et anéantie, s'il ne se tient pas pour pauvre en esprit et répugnant, (l'homme) est captif de la malice et ne sait rien. » - Ibid. (PG, 601 A). Cf. XXVI, 11 (PG, 681 B). - . Les vrais chrétiens sont ceux qui « s'humilient de jour comme de nuit » - Homélie XXVI, 17 (PG, 685 B). - . Bien que ce soit « pour Dieu des élus d'une qualité éprouvée, eux-mêmes s'estiment les derniers de tous et les plus indignes ; Se tenir pour rien est devenu pour eux naturel et automatique. «  - Homélie XXVII, 4 (PG, 685 C). De la garde du cœur 12 ( PG, 832 D). - . «  De tels chrétiens ne tiennent pas leur propre âme pour honorable, ils s'estiment comme faisant partie de ceux qui ont été réduits à néant par Dieu, ils se considèrent comme des serviteurs de tous les hommes. » - De l'amour 3 (PG, 909 B). Cf. Apophtegmes 20 (PG, 249 A). Même si la Grâce de Dieu a abondé en eux, les chrétiens ont tout profit à tirer « de s'humilier et de confesser leur indigence » - Homélie XV, 27 (PG, 593 C). - . C'est par l'humilité que l'on conserve la Grâce de Dieu. Les hommes pneumatophores s'humilient tant devant tout homme dans l'humilité de l'Esprit qu'ils s'estiment eux-mêmes les derniers et les moindres de tous. - Homélie XVIII, 8 ( PG, 640 C). Cf. XXXVIII, 4 (PG, 761 A). Lettre ( PG, 425 B). - . L'humilité est une pratique entièrement personnelle. Lorsqu'on l'a réalisée, lorsqu'on se tourne vers le monde, vers les hommes ou vers la Création, l'humilité est une humiliation devant tous, elle donne à l'homme une faible idée de lui-même. La voie de lacroissance spirituelle de la personne par la triade éthique des vertus est parcourue tout aussi bien par la prière et par l'humilité. - Lettre ( PG, 424 C). Cf. Homélie X, 2 ( PG, 540 D- 541 A). - . C'est seulement ainsi que l'on peut vivre sur la terre « la vie angélique » - Lettre ( PG, 425 B) – et réussir « le grand exploit de la philosophie – Ibid ;, (PG, 424 BC). - . Mais c'est seulement par l'humiliation et par l'humilité en particulier que l'homme peut se garder de tomber. «  L'humble ne tombe en effet jamais, dit Saint Macaire ; comment pourrait-il tomber, lui qui est plus bas que tous ? » - Homélie XIX, 8 (PG, 648 D). - . L'humilité est la seule arme qui soit capable de vaincre le Diable. - Cf. Apophtegmes 11 ( PG, 245 C ; Trad. J.C. Guy, Seuil, Paris, 1976) : «  Abba Macaire se rendant un jour du marais à sa cellule, portant des feuilles de palmier, il rencontra en chemin le Diable avec une faux ; Ce dernier, comme il voulait en vain le frapper, lui dit : ' Quelle force sort de toi, Macaire, que je sois impuissant contre toi ! Tout ce que tu fais, je le fais aussi : tu jeûnes, moi je ne mange rien ; tu veilles, moi je ne dors pas du tout ; tu ne me bats que sur un point.' Abba Macaire demanda lequel ; Il dit : 'ton humilité. A cause d'elle, je ne puis rien contre toi'. Cf. Ibid. 35 (PG, 257 B). - . C'est pourquoi l'humilité est la condition nécessaire du Salut ; C'est pourquoi « il faut se contraindre même si le cœur ne le veut pas ». - Ibid., 8 (PG, 648 D). - . c) l'amour L'homme ne peut arriver à admettre dans la Grâce la triade éthique des vertus qu'en déployant une grande ascèse pour transporter son âme dans le monde et dans la vie de la Divinité ; Par la foi, le grain de l'âme est semé dans la terre de la vie éternelle ; Par l'humilité et par le repentir, c'est comme si l'intellect s'évanouissait « dans une atmosphère divine » ; en pratiquant ensuite la prière, la personne tout entière s'unit profondément avec toutes les vertus, jusqu'au point d'en parvenir à la substance même de toutes les vertus, c'est-à-dire à l'amour. « L'amour est plus grand que la prière », a dit un Saint. - Saint Jean Climaque, Discours XXVI (PG 88 ; 1028 B) - . L'amour est d'autant plus grand que toutes les autres vertus que Dieu est plus grand que les vertus, puisque Dieu est amour. - 1 Jean 4, 8, 16. Cf. Homélie VII, 1 (PG, 524 C). - . Dieu ne possède pas seulement l'amour, il est l'amour même, disent les Saints : « L'amour n'est pas un nom, c'est la substance divine. » - Saint Jean le Nouveau Théologien, L'amour des choses divines, 37 (PG 120, 592). Cf ; Discours 25 (PG 120, 432 C) : La charité est Dieu, et non une créature. » - . L'amour n'est pas seulement une « chose de Dieu », c'est « l'être » même de Dieu, dit un autre Saint. - Saint Jean Cassien, Conférence 16, de l'Amitié (P.49, 1027 A). - . L'amour est la nature de Dieu - De l'exaltation de l'intellect 5 (PG, 893 B) -, à l'image de laquelle la nature de l'homme tient son prototype. Parce qu'il participe à l'amour divin, la nature de l'homme se purifie de tout péché et se sanctifie. - Ibid. Cf. Homélie XLV, 7 ( PG, 792 B). - . Par la prière, l'amour s'embrase : « Celui qui se contraint chaque jour à s'obstiner à la prière est consumé, par la charité spirituelle, d'un amour passionné et d'un désir enflammé à l'égard de Dieu, et il reçoit la perfection sanctifiante du Saint Esprit. » - Homélie XL, 2 (PG, 764 B). - . «  La communion à l'énergie divine et la continuité de l'intellect lui-même dans sa disposition de sainteté envers le Seigneur par un indicible amour pour le Seigneur sont données dans la prière à ceux qui s'en sont rendus dignes. » - De la prière 1 (PG, 853 A). - . S'immergeant dans la prière, l'esprit humain « s'embrase pour l'amour du Seigneur et brûle de désir, sans se rassasier dans la prière, mais toujours enflammé pour l'amour du bien. » - Lettre (PG, 432 C). - . L'amour s'accroît et vit de la prière. - De la prière 2 ( PG, 853 B). Lettre ( PG, 432 C). Homélie XLII, 2 ( PG, 764 B). - . Par son ontogenèse, l'amour dépend de la prière ; il s'accroît quand elle augmente. - Lettre (436 B). Cf. Zarin, op. Cit., 11, p.444. Cf. Saint Isaac le Syrien, Discours XXX : «  L'amour vient de la prière. » - . L'amour est la vertu dont la substance unifie et unit toutes les autres vertus. De plus, l'amour devient la nouvelle substance et le lien de la personne. Sans lui, « l'ego » humain n'est rien, ou du moins n'est qu'un chaos de sensations. C'est pourquoi le Saint répète avec l'Apôtre : Si j'ai tous les charismes, si je livre mon âme pour être brûlée, si je parle les langues des anges mais que je n'aie pas l'amour, je ne suis rien. - 1. Cor. 13, 1-3 et Homélie XXVI, 16 ( PG, 689 A). - . «  Si j'ai (le don de «  prophétie et que je voie les mystères et (si j'ai) toute la foi au point de déplacer les montagnes, mais que je n'aie point l'amour, je ne suis rien. » - 1 Cor. 13, 2 et Homélie XXVI, 14 (PG, 704 BD). - . C'est par l'amour que la personne de l'homme peut se délivrer du « quoi ? » impersonnel et accéder au Dieu personnel, parce que Dieu est amour. La personne est ainsi sauvée du terrible « quoi ? » métaphysique et elle peut alors être restaurée. En tant que lien de la perfection – Col. 3, 14 -, l'amour rassemble la personne – Cf. Homélie XXVI, 16 (PG 685 AB) -, et cet amour jamais ne déchoit. - 1 Cor. 13, 8. De la perfection dans l'Esprit 6 (PG, 645 D). - . L'amour donne la véritable connaissance de Dieu. - Lettre (PG, 428 A). - . La « puissance amoureuse » de l'âme – De la garde du cœur 8 ( PG, 835 C) – est la puissance principale pour la connaissance de Dieu : Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour, dit l'Apôtre Jean. - 1 Jean 4, 8 -. La connaissance de la vérité procède immédiatement de la stabilité de l'homme dans l'amour ; C'est pourquoi la connaissance réelle et plénière de la vérité n'est accessible que par la divinisation de l'homme, c'est-à-dire que par l'acquisition de l'amour, qui est le principe et la vie de la Divinité. - Cf. P. Florensky, op. Cit., p. 74. - . Cela renvoie, en d'autres termes, à une parfaite acceptation et à une parfaite pratique du premier et grand commandement, le commandement de l'amour - Mat. 22, 38 ; Marc 12, 30 ; Luc 10, 25 - , celui qui permet à l'homme de devenir participant de la nature divine. - 2 Pierre 1, 4 . - . L'adoption par l'homme dans la Grâce et par la pratique de l'amour «  de tout son cœur, de toute son âme et de tout son intellect en font un participant de la nature divine et c'est ainsi qu'est mystiquement parcouru par la Grâce, c'est ainsi qu'est franchi tout l'itinéraire de la divinisation de l'homme : en tant que participant à la nature divine, l'homme devient digne de la véritable connaissance de Dieu et peut voir ce que l'oeil n'a pas vu et entendre ce que l'oreille n'a pas entendu, et son cœur peut percevoir ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme. - 1 Cor. 2, 9 et Homélie XXVII, 16 ( PG, 705 AB). - . Saint Macaire écrit : « Celui qui est parvenu à la charité est enchaîné et enivré ; il est immergé dans un autre monde dont il est captif, comme s'il n'avait pas le sentiment de sa propre nature. » - Ibid ; ( PG, 705 A) ; De l'amour 6 (PG, 912 D). - . Les chrétiens sont « emplis de la Divinité », parce qu'ils sont parvenus « au parfait amour du Christ et à la plénitude de la Divinité. » - Homélie XXVII, 16 (PG, 685 AB). Saint Macaire caractérise l'union mystique dans la Grâce et dans la vertu avec la Divinité comme une réunion de l'âme en Dieu avec l'énergie théocentrique de l'amour. - Cf. Ephes. 3, 19 et Homélie XXVI, 15 (PG, 684 D). Mais la majeure part de cette énergie est concentrée dans « le rassemblement de l'intellect vers Dieu » - Homélie XXXI, 2 (PG, 729 A). Homélie XXXIII, 4 (PG, 744 B) -, dans la réunion des pensées dispersées par le péché. A cette énergie théocentrique de l'amour, Dieu répond avec un immense amour : « Dieu vient vers nous et nous rassemble de la vérité vers nous » - Ibid., 3 (PG, 729 C) -, «  il transforme les pensées de l'âme et les rend divines, célestes et bonnes. » - Ibid., 2 (PG, I B). - . L'amour qui désire le Christ transporte les hommes dans la sphère de la vie du Christ et «  là leur intellect s'.en entretient sans cesse, vaincu par l'amour passionné et céleste et par le désir spirituel. » - Homélie IV, 15 (PG, 481 C). Cf. Homélie V (PG, 500 BC). - . Par la pratique de l'amour, l'intellect se purifie de tous les soucis terrestres, retranché «  de tous les obstacles terrestres et matériels. » - Homélie IX, 10 ( PG, 537 B). - . Il se tourne « vers la recherche de l'amour du Christ » - Ibid. -, afin « qu'il puisse être tout entier occupé de son unique but, menant tout cela à bien grâce à tous les commandements, en sorte que tous ses soucis et toutes ses préoccupations, toutes ses distractions et tout le tracas de son âme aient rapport à la recherche de l'essence immatérielle, au souci d'orner l'âme en pratiquant les commandements relatifs aux vertus, en recevant la céleste beauté de l'Esprit et en participant à la pureté et à la sanctification du Christ. - Ibid. (PG, 537 C). - . Pour que son intellect puisse devenir pur, l'homme doit obligatoirement « tenir son intellect cloué à l'amour du Christ. » - Homélie XLV, 1 ( PG, 785 C ). Cf. De l'amour 25 (PG, 928 C) : : «  Les âmes qui sont amies de la vérité et de Dieu ne tolèrent même pas un bref relâchement de leur amour envers le Seigneur ; tout entières fixées en tout à sa croix, elles connaissent la perception du progrès spirituel qui se produit en elles. » - . C'est par l'amour du Christ que l'homme peut remporter la victoire sur le Diable : « Voici en quoi consiste la mort du Malin, et pour ainsi dire son étouffement, c'est lorsque l'intellect se trouve sans distraction dans l'amour et le souvenir de Dieu. » - De la perfection dans l'Esprit 13 ( PG, 849 D). Cf. De la garde du cœur 13 (PG, 835 C). - . La transfiguration des organes de la connaissance dépend donc totalement de l'acceptation de l'amour de Dieu. - Lettre (PG, 429 B). «  Il n'est qu'une seule garde et qu'une seule médecine de l'âme, dit Saint Macaire, c'est de se souvenir de Dieu avec désir (= avec amour) et de s'en tenir à de bonnes pensées. » - Ibid. -. L'homme trouve dans l'amour sa substance et sa vie purifiées du péché et unifiées. «  Quand on jette dans le feu un morceau de fer ou de plomb, d'or ou d'argent, il perd sa dureté naturelle et se transforme en quelque chose de mou, et plus il demeure dans le feu, plus il se modifie et perd de sa dureté naturelle sous l'action de la chaleur du feu. Il en est de même pour l'âme : si elle renie le monde, si elle n'est tendue que vers le Seigneur et ne recherche ardemment que lui, si elle ne peine et ne souffre que pour lui et l'attend sans se lasser, dans la foi et l'espérance, ayant reçu ce feu céleste de la Divinité et de la charité de l'Esprit, alors en vérité elle est libérée de tout amour du monde, affranchie de la malice des passions, elle rejette tout : son inclination naturelle au péché et son insensibilité se transforment , elle considère toutes choses comme superflues à cause de l'unique Epoux céleste qu'elle a reçu, elle se repose dans son amour brûlant et ineffable. - Homélie IV, 14 (PG, 481 D – 484 A). Cf. De l'exaltation de l'intellect 9 (Pg, 896 C) : «  L'âme qui a été jugée digne d'admettre en elle-même la puissance venue d'en haut, et qui a mêlé à ses membres ce feu divin et cet amour céleste de l'Esprit de bonté, est tout naturellement délivrée de tout amour de ce monde et s'affranchit des liens de la malice. » - . Selon l'enseignement de Saint Macaire d'Egypte, en recevant par l'ascèse la triade pleine de grâce des vertus comme instrument de la restauration de sa personne, l'homme «  est délivré de tout lien de la malice ». - Homélie IV, 13 ( PG, 481 D). Cf. De l'amour 26 (PG, 928 D). - . Il est alors jugé digne de la manifestation divine et de la connaissance divine. - Homélie IV, 13 (PG, 481 C). - . Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai et je me manifesterai à lui. Le Père et moi nous viendrons et nous ferons notre demeure en lui. - Jean 14, 21-23 et De l'amour 5 (912 C). - Ce qui rend l'homme pur est d'admettre l'amour et la vie qui est inspirée par lui. - Homélie XV, 15 (PG, 585 A) : « Si tu as un tel amour, tu es pur. » - . Par son amour, le Christ édifie la personne humaine, il la transfigure mystiquement dans la Grâce, incluant toutes les vertus dans la nouvelle personnalité, pour en faire des parties de sa nature. - Cf. Col. 3, 10 -14 et Homélie XIX, 8-9 ( PG, 648-9). - . Par l'amour, l'homme acquiert la stabilité et ne s'éloigne plus de Dieu : «  Celui qui a l'amour est infaillible. » - Homélie XVII, 14 (PG, 704 B). Cf Homélie V, 6 (PG, 500D). - . Embrasé «  par le céleste désir, vénérable et sacré, de l'Esprit », et touché «  par l'amour, le feu divin et céleste », l'homme «  compte comme haïssables et comme méprisables toutes les gloires et tous les honneurs de ce siècle', pour le feu de l'amour du Christ, qui le presse, qui le brûle et le consume par une inclination vers Dieu et par les biens célestes de la charité », et c'est ainsi que rien ne peut plus le séparer de l'amour du Christ. - Rom. 8, 39 et Homélie IX, 9 (PG, 537 AB). - . L'amour pour le Christ plonge profondément l'âme « dans un désir insatiable du Christ et dans un amour sans limite et sans satiété pour lui. - Homélie XI, 4 ( PG 544 A ). Cf. ibid. 2 (PG, 541 B). - . La personne de l'homme qui a été transfiguré par le Christ jusqu'en son intimité la plus profonde, devient tout entière amour parfait, et les liens inextricables qu'elle entretient avec le monde sont régulés par l'esprit d'amour. Le premier et le grand commandement de l'amour, lorsque la vie apparaît dans la personne et qu'elle se tourne vers les hommes, se manifeste comme second commandement. C'est de la substance même du premier commandement que se cristallise le second. - Cf. Mat. 22, 37-40 et De la perfection dans l'Esprit 11 (PG, 848 D – 849 A). - . Celui-ci n'est que la manifestation visible du premier, la concrétisation de l'amour divin qui a été acquis dans la prière. «  L'amour sincère pour le frère » n'est possible que grâce au premier commandement, l'amour pour Dieu. - Ibid., 13 (PG, 849 D). - . En réalité, l'amour que l'on porte aux hommes découle de l'amour pour Dieu : La participation à l'amour de Dieu est le premier et le grand commandement, et le deuxième lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. - Mat. 22, 39 et ibid. 11-13 ( PG, 848-849). - . Apparemment, ce commandement : «  tu aimeras ton prochain comme toi-même «  paraît être à l'opposé du commandement de la foi qui exprime le devoir de «  se haïr soi-même », et il semble le contredire : Comment alors peut-on aimer « comme soi-même » ? Dans le domaine de la triade éthique, cette antinomie peut être résolue en recourant à une définition de ce qu'il faut entendre par « soi-même ». «  Se haïr soi-même » signifie qu'il faut haïr sa « seconde âme », le « moi » pécheur. Dans le commandement «  Aime … comme toi-même », l'expression « comme toi-même » désigne plutôt une âme transfigurée et divinisée jusque dans les profondeurs par la Grâce et par l'amour de Dieu. Le commandement « Aime...comme toi-même » signifie donc : Aime ton prochain comme tu aimes ce toi-même fait à l'image du Christ et divinisé qui est tien, l'image purifiée de Dieu et son Prototype. Sans amour pour Dieu, le véritable amour pour les hommes est donc impossible. Le premier commandement de l'amour vient toujours en premier et l'autre toujours en second. «  Celui qui n'aime pas Dieu de toute son âme et de tout son cœur, comment pourrait-il s'occuper correctement et sans fraude de l'amour des frères, sans remplir de cet amour les actes par lesquels il s'occupe d'eux ? » - Lettre ( PG, 428 A). - . Pour pouvoir aimer les hommes avec cet amour qui jamais ne déchoit, il faut être engendré de Dieu – 1 Jean 4, 7 - , et c'est bien ce qui se produit lorsque l'on accepte personnellement le premier commandement, celui de l'amour pour Dieu : quiconque aime est engendré de Dieu et connaît Dieu – ibid. ; la théognosie est le résultat de l'engendrement de l'homme par l'amour de Dieu. En tant qu'organe de la connaissance, l'amour est donc bien la meilleure voie dont nous disposions pour accéder à la connaissance de Dieu. Voilà donc pourquoi l'Apôtre peut dire : Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour. - 1 Jean 4, 8 -. La réception vécue du deuxième commandement est donc la condition nécessaire qui commande l'économie de notre Salut, tout autant que la réception réelle du premier commandement. «  Car on ne peut pas être sauvé autrement que par son prochain », dit Saint Macaire – Homélie XXXVII, 3 ( PG, 752 C). - . Le signe principal d'un amour donné par Dieu est la Grâce divine. La grâce du Saint Esprit «  rend l'intellect captif de l'amour de Dieu ». - HomélieVII, 3 ( PG, 525 C). Cf. Homélie XXVI, 18 (PG, 686 D). - . La principale activité de la Grâce de Dieu se concentre sur la restauration de l'amour personnel. L'amour chrétien est un amour spirituel, car il vient de l'Esprit saint. «  C'est l'Esprit saint qui accorde et qui enseigne l'amour véritable. » - Homélie XIX, 8 ( PG, 648 D). Cf. Homélie XXXI, 1 ( PG, 729 D), Homélie V, 5 (PG, 497 D). -. Ce véritable amour spirituel se révèle donc comme la vérification et le critère valable pour toutes les vertus, jusqu'à la moindre d'entre elles. - Cf. De la prière 5 ( PG, 856 D). De la perfection dans l'Esprit 13 ( PG, 849 D). - . C'est par l'intermédiaire de l'amour que la justice peut devenir la mère de toutes les vertus. - Homélie XVII, 3 ( PG, 752 C). -. Les personnes régénérées dans la Grâce se trouvent parfois, dit le Saint, « enivrées par l'amour de Dieu » - De l'amour 9 (PG, 916 C) -, elles deviennent « incorporelles comme des anges, avec un corps d'une telle légèreté et d'une telle subtilité qu'on ne pourrait imaginer qu'elles puissent jamais prendre un corps. » - Ibid., 6 (PG, 912 D). - . Quelquefois aussi, « enflammées du divin amour de l'Esprit pour tous les hommes, elles assument la douleur d'Adam tout entier ; parfois aussi enflammées d'un tel amour dans l'Esprit avec une joie que la parole ne saurait exprimer, comme s'il lui était possible de donner asile à tout homme dans ses entrailles, sans faire absolument aucune différence entre le bon et le mauvais. » - De l'amour 6 ( PG, 912 D- 913 A). Cf. Homélie XVIII, 8 ( PG, 640 C). - . Pour parvenir à un amour aussi parfait, l'homme dispose avant tout de la méthode ascétique dans la Grâce de la triade éthique des vertus, c'est-à-dire du principe selon lequel « il faut se contraindre soi-même. » Il faut « se contraindre à l'amour sans avoir l'amour ». - Homélie XIX, 3 (PG, 644D). Apophtegmes 2 (PG, 261 C). De la garde du cœur 12 ( PG, 837 C). - . «  Si quelqu'un aime Dieu, Celui-ci lui incorporera son amour. » - Homélie XV, 22 ( PG, 589 C). - . Mais à ce don de Dieu, l'homme répondra par une ascèse amoureuse, « car ce n'est pas tout simplement ou automatiquement qu'il convient à l'amour de Dieu de s'approcher de nous, c'est par de nombreux labeurs et par de grands soucis, et aussi avec la collaboration de l'amour du Christ. » - Lettre (PG, 425 D). - . Pour cela, chacun de nous doit « poser comme fondement ferme et solide en son âme la crainte et l'amour et l'arroser de bonnes œuvres, et elle se suffira de prières. » - Lettre (PG, 425 C). - . La régénération n'est pas possible en l'absence de l'amour divino-humain, ni le Salut, l'unification et l'accomplissement de la personne humaine. 3. La collaboration de la Grâce et de la libre volonté Depuis que l'homme a péché, dit Saint Macaire, il est incapable de se délivrer par lui-même « des liens, des lacets, des clôtures et des ténèbres des esprits de malice, qui représentent les énergies des passions cachées. » - Homélie XXI, 3 (PG, 657 A). - . Si la volonté humaine n'y parvient pas, c'est que « la faculté de s'opposer au Diable se trouve bien dans la capacité d'autonomie de l'homme, mais il n'est pas en son pouvoir de maîtriser totalement les passions. » - Homélie XXV, 1 (PG, 668 B). - . «  Il est au pouvoir de l'homme de désirer être pur, irréprochable et sans tache, et de ne pas avoir de malice en lui-même, mais il n'a pas le pouvoir d'être toujours avec Dieu. » - Homélie II, 3 (PG, 465 A). - . Le Salut par soi-même est une chose impossible : « Il n'est pas possible de se libérer soi-même par soi-même de la force hostile, de l'errance des pensées et des passions invisibles, ainsi que des ruses du Malin. » - Homélie XXI, 4 (PG, 657 A). Cf. II, 3 (PG, 465 B). - . L'homme ne peut être sauvé, il ne peut être régénéré, être délivré du mal et acquérir le bien que « par la Grâce et la puissance de Dieu », - ibid. Cf. Homélie II, 3 (PG, 464 D – 465 AB) – c'est-à-dire seulement par une collaboration entre sa propre volonté et la puissance divine. Or notre volonté et la puissance de Dieu sont tout autant nécessaires à l'oeuvre du Salut et pour une nouvelle vie de connaissance de la personne humaine. C'est la puissance divine de la Grâce qui rend la nature humaine capable de travailler et de s'exercer à sa purification par la triade éthique des vertus. - Cf. Lettre (437 AB). - . Ce serait se trouver dans une grande erreur que de penser que par sa nature on peut « obtenir, par sa seule propre force... une rectitude parfaite par elle-même sans la collaboration de l'Esprit. » - Homélie XXIV, 5 (PG, 665 B). - . La Grâce divine reste ainsi indispensable, c'est-à-dire « la puissance du Saint Esprit. » - Ibid. -. C'est pourquoi le Saint dit aussi que « si quelqu'un s'appuie seulement sur sa propre justice et sur sa propre libération, c'est en vain et pour rien qu'il travaille. » - Homélie XX, 3 (PG, 652 A ). Cf. I, 11 (PG, 461 B), De l'amour 19 (PG, 925 A). - . Le Salut de l'homme dépend directement et essentiellement de la collaboration ( de la synergie) de deux facteurs : la volonté humaine et la puissance divine : «  C'est par la Grâce divine et par le don du Saint Esprit que chacun de nous peut se procurer le Salut par la foi et l'amour, par la lutte d'une détermination autonome, à la mesure parfaite de la vertu, afin que tant par la Grâce que par la justice il hérite de la vie éternelle pour s'être rendu digne du progrès final. Iln'y suffira pas de la seule puissance divine ou la Grâce, sans qu'il ait à apporter la contribution de ses propres sueurs ; mais il ne parviendra pas non plus au degré suprême de la liberté et de la pureté seulement par sa propre force et par son propre travail, sans que la main divine n'y intervienne d'en haut. Si le Seigneur ne garde la maison et ne bâtit la ville, en vain veille celui qui la garde - Ps. 126, 1 -, et de même en vain travaille celui qui la bâtit. » - De la perfection de l'Esprit 1 (PG, 841 C). Cf. ibid., 3 (PG, 844 B) ; Lettre (PG, 412 -415). - . Ceux qui pourront parcourir cet « itinéraire du Salut » sont ceux qui «  se sont toujours nourris de la Grâce de l'Esprit et qui ont reçu la puissance du Christ. » - Lettre (PG, 432 A) - . La croissance libératrice obtenue au moyen de la triade des vertus progresse au rythme de l'énergie réciproque et de la synergie de la Grâce et de la libre volonté. Saint Macaire en propose une analyse extraordinairement subtile, qu'il tire de l'expérience qu'il a eue de cette collaboration instaurée entre Grâce et libre volonté. C'est en effet selon lui une collaboration divino-humaine entre Grâce et libre volonté qui permet de s'acquérir le Salut, une collaboration où s'unissent mystiquement la nature de la personne humaine et la triade pleine de Grâce. - Homélie XXIV, 6 (PG, 665 CD). - . L'esprit humain peut être sauvé de l'égoïsme « par l'énergie de l'Esprit ». - Homélie XXI, 5 ( PG, 660 A ). - . L'union de la volonté humaine avec la Grâce divine n'abolit pas la liberté de cette volonté. - Homélie XXVI, 5 (PG, 671 A). - . L'équilibre entre Grâce et libre volonté a trouvé son prototype, leur action commune a trouvé sa règle dans l'exemple du lien qui existe entre nature humaine et nature divine comme entre leurs deux volontés dans la personne du Dieu-homme, le Christ. - Cf. A. Katansky, L'enseignement sur la Grâce de Dieu, en russe, p. 7, 13-14. - . Toute la vie du Chrétien est mystiquement formée par cette collaboration entre Grâce et volo libre nté et par une véritable réception de la vie du Christ. - Cf. Zarin, op. Cit., 11, p. 75. - . Mais cette collaboration est totalement conditionnée par la libre décision que prend l'homme d'accepter que la Grâce lui apporte sa collaboration. Aussi Saint Macaire peut-il écrire que « la Grâce divine nous invite à retrouver le spontané et le naturel de la nature... » - De la garde du cœur 12 (PG, 833 D). - . «  Lorsque la Grâce vient vers lui ( c'est-à-dire vers l'homme), elle n'a pas la possibilité d'enchaîner sa volonté, ce qui le rendrait, volontairement ou pas, indifférent au bien, mais elle s'incline devant son libre-arbitre, même lorsque la puissance divine intervient, afin que la volonté de l'homme puisse indiquer si elle respecte son âme ou si elle ne la respecte pas, si elle est d'accord ou pas. » - Ibid. (PG, 836 A). -. Et le Saint poursuit ainsi : «  La Grâce d'invite montre bien qu'elle n'est pas contraignante, afin de sauvegarder véritablement ce qui en nous est libre et ce qui est spontané. » - De la liberté de l'intellect 3 (PG, 937 B). Cf. Homélie XV, 25 (PG, 592 D). - . «  La loi est inscrite, non pas dans la nature, mais dans la liberté de détermination, afin que celle-ci ait à se tourner volontairement vers le bien ou le mal. » - De la liberté de l'intellect 3 (PG, 937 B). - . «  L'energie spirituelle de la Grâce divine présente en l'âme travaille avec beaucoup de patience, de sagesse et avec une grande et mystérieuse économie envers l'intellect ; de plus elle exige que l'homme combatte pendant longtemps avec une grande obstination. C'est alors seulement que l'oeuvre de la Grâce peut paraître achevée en lui, lorsque l'emploi du libre arbitre, abondamment mis à l'épreuve, se sera montré agréable à l'Esprit, et que la durée en garantira l'authenticité et la persévérance. » - Homélie IX, 1 ( PG, 532 D). - . Accepter la Grâce divine ne consiste en rien d'autre que de chasser graduellement le péché de toutes les parties pécheresses de l'âme. - De la garde du cœur 11-12 (PG, 832 A- 833 D). Cf. Homélie XII, 4 (PG, 560 A). - . L'homme grandit progressivement dans la Grâce. - Homélie XVI, 12 (PG 621 C). - . La Grâce est une puissance qui purifie du péché tout le contenu de la personnalité, car « c'est de la Grâce que procède le châtiment des passions. » - Homélie I, 6 (PG 456 C). Cf. Lettre (PG, 437 AB). - . «  La Grâce dessèche la convoitise du Malin. » - Homélie XVI, 4 (PG, 616 C ). Cf. Homélie IX, 13 (PG, 540 D). - . La Grâce soulève seulement de l'âme tout le « couvercle » du péché qui la recouvrait, elle la purifie et l'âme peut recevoir « sa propre nature », retourner à elle-même et redevenir « une créature irréprochable et pure. » - Homélie XVII, 3 ( PG, 625 B). - . Seule une âme pleine de Grâce est l'âme naturelle, seule elle se trouve dans son état de nature. L'âme d'après la chute, dominée par le péché  « jusqu'au plus profond de son intimité », est progressivement purifiée de son péché « à la mesure de la foi de chacun. » - Homélie XLI, 2 ( PG, 768 D). - . «  Et la Grâce elle-même trouve son espace dans l'âme et plonge ses racines jusque dans ses parties et ses pensées les plus profondes, quand l'âme fait ses preuves en de nombreuses occasions et correspond à la Grâce, jusqu'à ce qu'elle soit tout entière investie par la Grâce divine, devenue finalement maîtresse du vase elle-même. » - Ibid. (PG, 769 A). - . C'est de cette manière que « la Grâce passe dans tous les membres du corps «  - Homélie XV, 20, (PG, 589 B) -, et c'est ainsi qu'elle peut purifier l'instrument physique de la personnalité humaine. L'élément indispensable du pénible labeur de la purification du péché, qui est réalisée par la Grâce au moyen de la triade éthique des vertus, consiste en un « assentiment à la Grâce. » - Homélie XXVII, 18 (PG, 705 C). Ibid., 9 (PG, 700 AB) ; Homélie XV, 36 (PG, 600 D). - . La collaboration symphonique entre la libre volonté humaine et la Grâce divine détermine aussi le rapport entre l'homme et le monde. - De l'amour 22 (PG, 925 C). - . Avec la Grâce, l'humilité s'accroît, car « la Grâce lui enseigne ( c'est-à-dire à l'homme) à être pauvre en esprit » et à dire de lui-même : « Je suis un ver et non un homme ». - Homélie XI, 3 (PG, 557 D). - . Ceux qui participent à la Grâce se trouvent toujours dans la pénible ascèse de l'humilité volontaire. - De la garde du cœur 9-10 (PG, 892 AC). - . Plus ils reçoivent la Grâce et plus leur soif de la Grâce les embrase et devient insatiable – Homélie X, 1 (PG, 541 AB) -, car il n'est personne qui ne soit soumis à la chute. C'est pourquoi Saint Macaire dit que « tous les justes sont demeurés sur la voie étroite et resserrée et ont été pour cela agréables à Dieu jusqu'à la fin » - Homélie XXVI, 25 (PG, 692 B). Cf. De l'exaltation de l'intellect 16 (PG, 904 C) -, et que « la chute de ceux qui sont tombés vient de ce qu'ils ne croyaient pas qu'avec la Grâce cohabitaient encore en eux le mal et le péché. » - Ibid. - . Puisque la liberté de la volonté est l'une des principales caractéristiques de la personne humaine, même aux parfaits, le Seigneur réclame la volonté de leur âme pour le service de l'Esprit. » - Ibid. - En d'autres termes, l'autonomie de l'homme reste toujours libre et n'est pas annulée par son progrès dans la Grâce divine. «  Même chez ceux qui sont parfaits subsiste la liberté de l'autonomie et non pas, comme certains le prétendent à tort, l'aisance et la solution des problèmes à partir de ce moment. » - Ibid., Cf. Homélie XVII, 8 (PG, 628 D). Ibid. ( PG, 629 D) : Puisque certains disent qu'avec la Grâce l'âme ne connaît plus de problèmes, Dieu réclame même à ceux qui sont parfaits la volonté de l'âme pour servir l'Esprit comme marque d'accord. » . Cf. Homélie XV (PG, 600D). - . La collaboration entre le Grâce et la volonté reste indispensable à tous les degrés de l'itinéraire de l'ascèse du Salut. C'est pourquoi le Saint insiste : « La volonté de l'homme est donc comme un auxiliaire lié à sa substance. Sans cette volonté, Dieu ne fait rien, bien qu'il le puisse, par respect de son autonomie. L'accomplissement de l'oeuvre de l'Esprit est donc entre les mains de l'homme...Il ne nous est demandé que la volonté. » En collaboration avec la volonté, c'est la Grâce qui « dispose de l'économie dans l'intérêt de l'homme. » - Homélie VIII, 5 (PG, 532 A) ; Cf. De l'amour 12 (PG, 920 A) ; Homélie XXVII, 12 (PG, 701 D) ; Homélie XVIII, 9 (PG, 640 D) ; De l'amour 9 (PG, 916 B) ; Homélie XXXII, 10 (PG, 740 D) ; Homélie VIII, 2 (PG, 529 A). - . «  La sagesse de Dieu est infinie et incompréhensible ; elle réalise de façons variées et d'une manière incompréhensible et insaisissable les économies de la Grâce envers le genre humain, afin de mettre à l'épreuve sa volonté autonome et de révéler ceux qui l'aiment de tout leur cœur et supportent pour Dieu tous les dangers et toutes les peines. » - Homélie XXIX, 1 (PG, 716 B). - . En l'absence de la Grâce, l'action de l'homme ne peut jamais à elle seule créer une personnalité pure, idéale. Aussi Saint Macaire s'adresse-t-il à chaque homme : « Ce que tu fais toi-même est bon et agréable à Dieu, mais ce n'est pas pur. » - Homélie XXVI, 21 (PG, 688 C). Cf. XVIII, 2-3 (PG, 636 BD). - . «  Si l'homme en reste à son seul travail sans rien recevoir qui soit étranger à sa nature, il ne peut porter des fruits dignes du Seigneur. » - Homélie XXVI, 19 (PG, 688A). - . Et d'ajouter qu'il faut « que l'homme cultive volontairement la terre de son cœur et qu'il y prenne de la peine. Car Dieu veut que l'homme offre sa peine, son travail et son labeur ; Mais sans l'apparition de la nuée céleste et des pluies de la Grâce, le labeur du cultivateur est sans profit. » - Ibid., 10 (PG, 681 A). - . La plongée dans « les profondeurs de l'amour » - Homélie XL, 6 (PG, 765 D) - permet de purifier de tout miasme la personne de l'homme tout entière – Homélie XVIII, 2-3 (PG, 636 BD) – pour lui donner suffisamment de force « pour servir Dieu, c'est-à-dire plaire à toutes les volontés de Dieu. » - Homélie XV, 5 (PG, 580 B). - . «  La Grâce l'illumine ( c'est-à-dire l'homme), le conduit, le pacifie, lui fait du bien en tout, car elle est céleste et divine. » - Homélie XXXVIII, 4 ( PG, 761 A) - . Cette collaboration entre l'âme et la Grâce, ainsi que leur union, prépare l'homme à la vie éternelle. « Si l'âme en effet n'a pas reçu en ce monde la bénédiction de l'Esprit Saint, grâce à une foi et à une prière intense, si elle ne s'est mélangée à cette Grâce qui la red capable d'observer tous les commandements sans reproche et avec pureté, elle reste inapte au Royaume des Cieux. » - Homélie XLIV, 9 (PG, 785 B). Tous les organes de la connaissance reçoivent la Grâce divine ; c'est ainsi qu'ils peuvent retourner à leur pureté originelle. - Homélie XLVII, 4 (PG, 796 AB). L'union de l'âme avec la Grâce va jusqu'à une indicible union : « incessamment la Grâce accompagne l'homme ; Elle a pris racine en lui, elle y a germé depuis sa jeunesse, elle s'y est faite comme une réalité naturelle et tangible, ne formant plus avec lui qu'une unique substance. » - Homélie VIII, 2 (PG, 528 D- 528). Cf. De l'amour 9 (PG, 916 B). - . Mais puisque la Grâce est « l'hypostase de la vérité » - Homélie VII, 3 (PG, 525 B) -, la connaissance substantielle de la vérité reste le fruit de l'union de l'homme avec la vérité elle-même. Lorsque la Grâce opère déjà jusqu'au tréfonds de l'âme, dans toutes les parties de l'âme de l'homme, dans tous les organes de la connaissance, lorsque « l'esprit s'est laissé captiver par l'amour de Dieu », alors la connaissance substantielle de la vérité devient un fait bien réel et indubitable. - Ibid. - . « La Grâce ravit l'intellect et l'enlève jusqu'au plus haut des Cieux, jusqu'au monde parfait, jusqu'au repos éternel. » - Homélie XVI, 12 (PG, 621 C). - . Dès lors qu'elle a été formée par la triade éthique des vertus, par l'action conjointe de la Grâce et de la libre volonté, la personnalité humaine devient capable de connaître les mystères célestes. Parfois, cette personne de l'homme qui vit dans la Grâce et dans l'ascèse «  est rendue sage par la Grâce, d'une sorte de conscience, d'une sagesse indicible et d'une connaissance inexprimable de l'Esprit que ni la langue ni la bouche ne sauraient dire. » - Homélie XVIII, 9 ( PG, 640 D) - . Non seulement la Grâce contribue à la connaissance véritable, celle qui ramène l'âme à sa nature véritable, mais elle est aussi l'instrument de la véritable connaissance de Dieu «  s'il acquiert une véritable connaissance de Dieu, par la puissance de Dieu et par la Grâce divine. » - Homélie XXIV, 5 (PG, 665 C). Cf. XV, 4 (PG, 577 C). - . La Grâce, avec la connaissance qui survient en elle, est par excellence la caractéristique du christianisme. Avant que ne vînt le Christ, la nature humaine obscurcie par le péché « ne pouvait voir notre véritable Père céleste, ni notre mère céleste bonne et pure, la Grâce de l'Esprit, et notre frère si doux et si aimant, le Seigneur, et les saints anges, nos amis véritables. » - Homélie XXVIII, 4 (PG, 712 D). - . Depuis le Christ, la Grâce divine aussi nous a été donnée, elle est devenue la condition nécessaire de notre Salut. Cependant dans le christianisme la Grâce et la vérité ne sont pas des concepts abstraits, ce sont des membres vivants de la personne du Dieu-homme, le Christ. - Cf. Jean 1, 14-16. Homélie VII, 3 (PG, 525 A). De la liberté de l'intellect 9 (PG, 941 C). - . Formant la personne de l'homme par la triade éthique des vertus, le travail conjoint de la Grâce et de la libre volonté de l'homme l'établit dans les liens les plus intimes avec le Christ, et l'indispensable connaissance de la vérité procède de ces liens personnels. La personne est en effet connue par la personne, et la personne qui est dominée par la Grâce participe à tout le trésor de la Vérité, qui n'est autre que le Christ : « Les fruits de la Grâce sont la joie, la paix, l'amour et la vérité. » - Homélie VIII, 3 (PG, 525 A). - . 4. La divinisation Pour l'Eglise antique, la divinisation de l'homme possède une signification sotériologique tout à fait centrale. Le concept de divinisation occupait alors une position centrale dans l'ensemble des idées qui régnaient dans l'Eglise. Le concept de divinisation « représente la cellule initiale de la vie religieuse de l'Orient chrétien ». - J.V. Popov, L'idée de la divinisation dans l'Eglise antique de l'Orient, Questions de philosophie et de psychologie, Moscou 1909 (en russe), p. 165. - . Les plus notoires des Pères de l'Eglise ont été de fervents défenseurs de l'idée de divinisation. - Cf. A. Harnack, Dogmengeschichte II B, 44 (3. Aufl.). - . Combattant l'enseignement des hérétiques Ebionites, Saint Irénée pose la question : «  Comment l'homme ira-t-il à Dieu si Dieu n'est pas venu à l'homme ? » - Contre les hérésies IV, 33, 4 (PG 7, 1074 B ; trad. Dom Rousseau, p. 517). Cf. ibid. III, 19, 1 (PG 7, 939 B ; p. 368) : «  Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s'est fait homme, et le Fils de Dieu fils de l'homme : c'est pour que l'homme, en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi la filiation adoptive, devienne fils de Dieu. Nous ne pouvions en effet avoir part à l'incorruptibilité et à l'immortalité que si nous étions unis à l'incorruptibilité et à l'immortalité. » Cf. Ibid. 18, 7 (PG 7, 938 CD ; pp. 366-367). - . Tous les idéaux religieux de Saint Athanase le Grand tournent autour de cette vérité de la divinisation de l'homme. - J.V. Popov, L'idéal religieux de Saint Athanase, ( Le Messager théologique) ( 1904, en russe), p. 94. - . Le Salut réside dans la divinisation, dit Saint Athanase. Le Verbe « est devenu homme afin de nous diviniser en Lui-même...et nous sommes devenus participants de la nature divine, comme l'écrit le bienheureux Pierre. » -Lettre à Adelphius 4 (PG 26, 1077A). - . Le Verbe de Dieu a pris chair «  afin que nous puissions être renouvelés et déifiés ». - Contre les Ariens II, 47 (PG 26, 248 B). - . Athanase utilise le fait de la divinisation de la nature humaine dans la personne du Dieu-homme, le Christ, comme fait sotériologique principal dans sa polémique contre les ariens, « car si les œuvres de la Divinité du Verbe n'avaient pas été posées par la chair, l'homme n'aurait pu être divinisé, et inversement, si celles de la chair n'avaient été celles du Verbe, l'homme n'aurait pas du tout pu en être délivré. » - Contre les Ariens III, 33 (PG 36, 393 A). Cf. Lettre à Epictète 6 (PG 26, 1060 D -1061 A). - . «  De même que le Seigneur, ayant assumé la chair, est devenu homme, de même nous les hommes nous sommes divinisés par le Verbe, ayant reçu sa chair nous avons reçu la vie éternelle en héritage. » - Contre les Ariens III, 34 (PG 26, 397 B). - . «  Car il s'est fait homme afin que nous soyons faits dieux. » - De l'hominisation 54 (PG 25, 183 B). Cf. De l'incarnation contre les Ariens 8 ( PG 28, 996 B) : « Voici la raison pour laquelle le Fils de Dieu est devenu homme : c'était afin que les fils de l'homme, c'est-à-dire d'Adam, devinssent les fils de Dieu...Lui est le Fils de Dieu selon la nature, nous par la Grâce. » Cf. Contre les Ariens II, 74 (PG 26, 304 B) : Il est ( c'est-à-dire le Christ) le cep, et nous Lui sommes unis comme les sarments, non pas selon la substance de la Divinité, car cela serait impossible, mais au contraire selon la substance humaine ; Car les sarments sont de la même substance que le cep. » Selon l'enseignement de Saint Grégoire le Théologien, l'incarnation de Dieu vise à la divinisation de l'homme. Dieu est devenu homme « afin que nous devenions tout autant dieu que Lui est devenu homme. » - Discours XXIX (PG 36, 100A). Cf. Saint Maxime le Confesseur, De la vertue et de la malice, Centurie I, 62 (PG 90, 1204 A) : « Une preuve assurée de l'espoir d'une déification pour la nature humaine est fournie par l'hominisation de Dieu, qui fera aussi bien pour l'homme qu'il s'est fait lui-même homme. » Cf. ibid. ( 285 BD ; 321 AD ; 322 B ; 1189 C). - . S'adressant aux Chrétiens au jour de la résurrection, Saint Grégoire leur dit : « Devenons comme le Christ, puisque le Christ est devenu comme nous ; devenons dieux pour lui puisqu'il est devenu pour nous un homme. » - Discours I, 5 (PG 35, 397 C). Cf. Discours II, 73 (PG 35, 481 C). Discours V, 134 (PG 35, 664 C). Discours XXI (PG 35, 1084 C ; SC 270, pp. 114-115) : «  Rencontrer Dieu et s'unir à la lumière sans mélange, dans la mesure où celle-ci est accessible à la nature humaine ! Cette grâce peut s'obtenir en menant une vie véritablement « philosophique » et en arrivant à dépasser l'antagonisme propre à la nature matérielle, grâce à l'unification que la Trinité permet de bien comprendre. » Discours XXV, 2 (PG 35, 1200B ; SC 284, pp. 160 -161) : «  En avant ! Place-toi à proximité des choses sacrées, de cette table mystique et à côté de moi, qui préside aux rites de la divinisation vers lesquels te conduisent ta parole, ton genre de vie et ta purification, produite par la souffrance ! »-. Evoquant le but de l'incarnation du Christ, Saint Clément d'Alexandrie s'exprime dans les termes suivants : « Etant donc devenu selon nous, c'est-à-dire un homme, afin que nous devenions selon Lui – je veux dire des dieux et des fils, - il assume ce qui nous appartient et il nous retourne ce qui est de Lui. » - Commentaire sur Jean XI (PG 74, 561 A ). Cf. Homélie festive ( PG 77, 624 C) : «  L'Esprit nous rend donc conformes au Christ, et par une vertu selon l'énergie, devenus en tout des dieux, nous en faisons resplendir le caractère. » - . Du fait historique de l'incarnation du Christ, les Saints Pères déduisent que c'est justement la divinisation de la nature humaine qui était le but de cette incarnation, c'est-à-dire que notre Salut vient de notre divinisation en Christ. Saint Jean Damascène écrit de même que « le Verbe est Dieu et l'homme est dieu afin de pouvoir s'unir selon l'hypostase. » - Exposé de la foi orthodoxe III, 11 (PG 94, 1024 B). Cf. ibid. (1025 C). - . « Le Verbe est en effet devenu chair Lui-même, enfanté de la Vierge, restant Dieu après ce complément, car celui-ci avait déjà été divinisé par Lui en même temps qu'il se transformait en y participant, afin de devenir les trois à la fois : le complément, l'existant et la divinisation de celui-là par le Verbe et que la Vierge sainte pût ainsi être considérée et proclamée Mère de Dieu, non seulement en raison de la nature du Verbe, mais aussi pour la divinisation de l'homme. » - Ibid., 12 (1032 B). - . Par conséquent la divinisation n'est pas autre chose qu'un autre aspect de l'incarnation ; Le mot « incarnation » désigne le fait que Dieu s'est fait homme. Mais si Dieu s'est fait homme, alors l'homme est bien devenu dieu. C'est ce que l'on exprime par le mot « divinisation ». - P. Leporsky, Le Dieu-homme, article, Pétrograd 1901 - . On comprend que la divinisation de la nature humaine, que les Saints Pères ont réalisée, signifie que l'homme devient dieu par la Grâce, non par la nature ; Voulant expliquer comment pour Pharaon, Dieu fit de Moïse un dieu, Saint Jean Damascène écrit ceci : « Je dis 'des dieux', et 'des rois', et 'des seigneurs', non par la nature, mais parce qu'ils ont su régner sur leurs passions et les maîtriser, conservant sans altération la ressemblance de l'image de Dieu à laquelle ils avaient été faits. L'image aussi du roi est appelée 'le Roi'. (Et je le dis aussi) en tant qu'ils se sont unis par choix à Dieu et qu'ils l'ont reçu comme hôte, devenus par la Grâce ce qu'il est par la nature. - Exposé de la foi orthodoxe IV, 15 (PG 94, 1164 B). - . Pour sa part, Saint Maxime s'exprime ainsi sur cette question : « Et pour parler simplement, nous sommes tous devenus capables de contenir Dieu et tous en tout des dieux par la Grâce, si bien qu'on peut nous concevoir comme d'autres lui-même en tout sauf l'identité selon la substance. C'est bien là la perfection, que nous ne portions plus sur nous-mêmes absolument aucune marque de ce siècle. » - Lettre (PG 91 ; 376 AB). Cf. ibid. (1193 D) «  Voici pourquoi Dieu nous a faits, afin que nous devenions participants de la nature divine et que nous ayons part à son éternité et que nous lui paraissions semblables selon la divinisation par la Grâce, dont tous les êtres tirent leur constitution et leur permanence, ainsi que leur formation et leur naissance du néant. » Pour approfondir le problème de notre divinisation et pour dénoncer l'enseignement aberrant des messaliens à ce sujet, Saint Grégoire Palamas cite les passages que voici de Saint Maxime – le passage précédemment cité : « tous dieux en tout, sauf l'identité selon la substance » - et de Saint Athanase : « Selon la Grâce déifiante, Dieu peut faire l'objet d'une p » Et aussi : «  Ce qu'est Dieu est autre chose que sa nature ; nous aussi nous devenons des dieux, mais être de la même nature, cela nous ne le pouvons pas. articipation et être vu par les Saints. Mais selon la substance, il est imparticipable. » Et enfin ce passage de Basile le Grand : « Ses énergies ( c'est-à-dire les énergies de Dieu) descendent vers nous, mais la substance demeure inaccessible. » - Saint Grégoire Palamas, Théophane (PG 150, 932 AB) - . Et Grégoire Palamas d'ajouter que « le Saint Esprit...n'est en rien participé et n'apparaît pas du tout selon sa substance, mais selon son énergie, et seulement à ceux qui se sont débarrassés de la souillure des passions mauvaises. » Selon les conceptions des Saints Pères, la divinisation possède donc bien le caractère d'une véritable union selon la Grâce de l'homme avec Dieu ; C'est également la conception de la divinisation de Saint Macaire l'Egyptien. Pour lui également, la divinisation de la nature humaine est le but de toutes les ascèses ; C'est vers ce but que le chrétien se hâte avec circonspection, par toutes ses pensées, par tous ses désirs comme par toutes ses actions et par toutes ses ascèses. Dans ses écrits Saint Macaire expose une exégèse à la fois mystique et vécue du déroulement de la divinisation ; c'est pourquoi sa terminologie est beaucoup plus personnelle, beaucoup plus directe, beaucoup plus inhabituelle que les autres. C'est cependant bien la terminologie qui était utilisée par tous les écrivains ecclésiastiques au IVème siècle. Pour exprimer plus fortement l'étroite union qui doit être instaurée entre l'homme et le Christ et l'Esprit Saint, Saint Macaire utilise les mots : « mélange », « combinaison », « fusion », « composition » ( krasis, synkrasis, anakrasis, mixis). Ces termes avaient certes déjà été utilisés par les stoïciens pour exposer l'union de l'homme avec le divin, mais derrière eux apparaît une différence substantielle de contenu entre les Saints chrétiens et les philosophes stoïciens. Pour le mysticisme panthéiste de Plotin, l'âme est dieu – Ennéades VI, 9, 10-11 -, le corps est le mal en soi (kathéauto). - Ennéades I, 2, 3. Cf. J.V. Popov, La justification mystique de l'ascétisme dans les œuvres de Saint Macaire d'Egypte), ( Le Messager théologique), 1904 ( en russe), pp. 548 et 551. - . Dans l'enseignement de Saint Macaire c'est cependant la vérité de la Révélation du Dieu vivant qui domine : tout vient du Père, par le Fils et dans le Saint Esprit. Le terme « mélange » était en usage chez les écrivains ecclésiastiques – déjà bien avant Saint Macaire. Les Pères ont utilisé ce terme pour décrire l'union des deux natures dans la personne du Christ ; Saint Grégoire le Théologien écrira ainsi au sujet de l'incarnation du Christ qu' « il porte une chair pour la chair et mêle mon âme à son âme noétique, purifiant le semblable par le semblable...l'un divinisant, l'autre divinisé. Ô de l'étrange mélange ! Ô fusion qui surpasse l'esprit ! » - Discours XXXVIII, 12 (PG 36, 525 B). Cf. Discours XLV, 9 (PG 36 ; 633D). Discours XLIX, 19 (PG 36 ; 100 a) : « L'homme est devenu le dieu d'en bas puisqu'il s'est mélangé à Dieu tout en restant un. » - . Saint Macaire utilise aussi ce terme de « mélange » pour parler de l'union de l'âme avec Dieu, avec la Grâce, avec le Saint Esprit, avec l'époux, le Christ. Après les autres écrivains de l'Eglise, Saint Grégoire le Théologien écrit : « Nous avons tous reçu un seul et le même Esprit – je veux dire le Saint Esprit, - nous nous sommes d'une certaine manière mélangés entre nous et à Dieu. » - Commentaire de l'Evangile selon Saint Jean XI (PG 74, 561 A). Cf. De la vénération en esprit ( PG 68, 297 D) : « Pour des indignes, le Christ s'est mélangé tant corporellement que spirituellement... » Cf. Commentaire de l'Evangile selon Saint Mathieu (PG 72, 425 D). Commentaire de l'Evangile selon Saint Luc (PG 72, 912 A). - . D'après tout ce que nous venons de dire, il est évident que les Pères de l'Eglise utilisent bien les termes « fusion » et « mélange », mais pas dans la même acception que les Stoïciens. Mais comme les hérétiques aussi utilisaient ces mêmes termes ( par exemple les monophysites), le IVème Concile oecuménique en interdit l'usage. Définissant donc le résultat terminologique des discussions christologiques, Saint Jean Damascène déclare ceci : « C'est pourquoi nous disons que l'union (du Christ) s'est faite de deux natures, la nature divine et la nature humaine, non point par pétrissage, mélange, fusion ou confusion, comme le disent les blasphémateurs Dioscore, Eutychès ou Sévère ( c'est-à-dire les hérétiques monophysites) (…) mais par synthèse, c'est-à-dire selon l'hypostase, sans changement, sans confusion, sans altération, sans séparation et sans distinction, et bien qu'elle soit parfaite dans ses deux natures, nous confessons une hypostase unique du Fils de Dieu. » - Exposé de la foi orthodoxe III, 3 (PG 94, 993 AB). Cf. J.V. Popov, L'idée de divinisation, (en russe), p. 183. - . Selon Saint Macaire, cette personne humaine que la Grâce divine transfigure par l'intermédiaire de la triade éthique des vertus, prend progressivement la forme du Christ. Elle la reçoit jusqu'à devenir enfin parfaitement divine, divinisée. On admettra cependant que le processus de divinisation soit infiniment mystérieux, et non analysable pour quelque esprit humain que ce soit. Dans ses écrits, Saint Macaire décrit ce processus du mystérieux passage de l'homme dans le monde de la divine Trinité par la triade éthique. Il considère la triade éthique des vertus comme un médiateur entre l'homme et la Sainte Trinité, comme une introduction ascético-éthique et métaphysique (dogmatique) au christianisme. C'est en son sein, selon notre Saint, c'est dans la synergie de Dieu et de l'homme que s'opère la divinisation de la nature humaine. La divinisation est le suprême degré possible auquel puisse parvenir la personne humaine sur la terre, après qu'elle ait été restaurée par la triade éthique dans la Grâce. C'est cette croissance mystique de l'homme, une croissance qui le conduit de l'embryon à l'être parfait, que décrit Saint Macaire en détail. Le processus de divinisation de la personne humaine s'accomplit toujours dans la sphère de la Grâce divine. Par l'intermédiaire de la triade éthique dans la Grâce, le Seigneur s'unit aux âmes saintes et vertueuses, « il se fait Lui-même chair, s'y mêle et reçoit ces âmes saintes, vertueuses et fidèles pour ne plus former avec elles qu'un même esprit, selon la parole du Seigneur » - 1 Cor. 6, 17- ; on pourrait dire « âme pour âme » et « hypostase pour hypostase » - Homélie V, 10 (480 B). Cf. De l'exaltation de l'intellect 6 (PG, 893 D) -, « afin qu'elles puissent participer à la vie de la Divinité » - Ibid. (480 A). Cf. De l'exaltation de l'intellect 6 ( PG, 893 A). Le Seigneur vient s'unir avec l'âme « afin qu'une telle âme vive par l'existence en sa Divinité, qu'elle parvienne à la vie éternelle pour s'y abandonner à un plaisir incorruptible et à une gloire indicible » -, « afin que l'âme puisse rester jeune et se ressentir une vie éternelle. » - Homélie XII, 16 (PG, 658 B). - . Lorsqu'il adressait dans son Evangile ses paroles divino-humaines à Marie, le Seigneur « lui donna une certaine force secrète qu'il tira de sa propre substance » - Ibid – et « ces paroles entraient dans son cœur, âme pour âme et esprit pour esprit, et une puissance divine venait emplir son coeur » - Homélie XV, 38 (PG, 601 C) . - . C'est une véritable réception du Christ qui fait des hommes saints, car les Saints participent de sa substance et de sa nature. » - Homélie II, 4 (PG, 465 D). - . La divinisation de la personne humaine embrasse tout son contenu psychique. L'homme revêt «  l'homme nouveau et céleste, Jésus Christ, semblablement œil pour œil, oreille pour oreille, tête pour tête, afin qu'il soit totalement pur, portant l'image céleste. »  - Lettre ( PG, 416 A). - . Comme ils reçoivent « un don céleste de la part de l'Hypostase de la Divinité » du Christ, les fidèles1 C). - . deviennent participants de la nature divine. - 2 Pierre 1, 4 et Homélie XXXIX, 1 ( PG, 76 Aussi le Saint peut-il affirmer que « voici quel est le but de la venue du Christ : c'est afin de changer nos âmes et de les reconstruire et de les rendre participants de la nature divine et de donner à chaque âme une âme céleste, c'est-à-dire l'Esprit de la Divinité qui nous dirige vers toute vertu, afin que nous puissions vivre de la vie éternelle. » - Cf. Jean 16, 13 et Homélie XLIV, 9 (PG, 785 A). - . Mais c'est dans la Grâce et par la triade éthique des vertus que l'âme peut devenir participante de la nature divine. - Ibid. ( PG, 785 B). - . Le Christ divinise l'âme de la personne humaine tout entière, «  en la mélangeant à son propre Esprit de la Divinité. » -Homélie XLIV, 1 (PG, 780 A). - . Les fidèles deviennent des christs «  de la même substance, pour ainsi dire, et du même corps », c'est-à-dire de l'Eglise, car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d'un seul. - Héb. 2, 11 et Homélie XLIII, 1 (PG 772 C). Dans ce passage également il est question de l'union selon la Grâce des fidèles avec le Christ. Cf. Th. Forster, Makarius von Aegypten ( 1873), p. 488. - . «  Les chrétiens parfaits, dit Saint Macaire, sont fils et seigneurs et dieux. » - Homélie XVII, 1 (PG, 624 B). Cf. Homélie XXVII, 3 (PG, 696 B) : Les âmes des Saints sont « rois et seigneurs et dieux ». Cf. Homélie XLIV, 5 (PG, 781 B). Ibid., 8 (PG, 784 C). XXXIV, 2 (PG, 745 B). - . Avec leur personnalité déifiée, ils peuvent clairement percevoir le noyau de la Création, tel qu'il a été donné par Dieu, et voir que « toute nature venant de Dieu est bonne » et que toute créature de Dieu est bonne. - 1 Tim. 4, 4 et Lettre (PG, 412 C). - . Le processus qui mène à la restauration de la personnalité humaine présente un caractère organique. De l'embryon à la pleine maturité, la personne humaine passe par toutes les phases de la croissance organique : « peu à peu l'homme grandit jusqu'à devenir un homme parfait, à la mesure de sa taille. » - Eph. 4, 13 et Homélie XV, 41 (PG, 604 BC). - . En substance la véritable vie spirituelle de l'homme vient de Dieu : «  la vie est un engendrement d'en haut par Dieu ; sans cet engendrement, il serait impossible à l'homme de vivre. » Homélie XXX, 3 (PG, 721 D). - . Le Christ conduit toute l'économie du Salut vers un engendrement « par sa Divinité ». - Ibid., 2 (PG 721 C). - . Parce qu'il aime la race des hommes comme sa propre icône, le Seigneur désire « qu'ils naissent de la propre semence de sa Divinité. » - Ibid. - . Quiconque a été engendré par le Dieu-homme, le Christ, devient à l'image du Christ, car il fait partie de « ces enfants qu'il a engendrés de sa propre semence, en qui le Seigneur a pris forme ». - Homélie XIV, 4 (PG, 572 CD). - . Apparenté génétiquement au Christ, l'homme peut trouver cette conformité à l'image de Dieu qui lui appartient en propre dans le Dieu-homme, et le Christ Lui-même apparaît comme Celui qui restaure la personne de l'homme, comme Celui qui l'édifie, et comme « le bon Peintre », Celui « qui dessine l'homme céleste à son image, par son Esprit : de l'Hypostase de sa propre lumière ineffable il dessine une icône céleste. » - Homélie XXX, 4 (PG, 724 B). - . La véritable vie de la personne dépend directement de sa capacité à placer le centre de son âme dans l'image du Christ. L'âme qui ne porte pas l'icône céleste de la lumière divine dans sa vie comme vie de l'âme, est une âme morte. - Ibid., 5 (PG, 724 D). Une âme n'a aucune valeur « si elle ne porte pas l'effigie de l'Esprit céleste dans une lumière ineffable, si elle ne porte pas le Christ frappé sur elle. » - Ibid., ( PG, 724 C). - . Par l'Esprit Saint, les Chrétiens savent qu'ils « portent l'effigie du Roi ». - Homélie XXVIII, 1 (PG, 757 D). Cf. XII, 13 (PG, 564 D). XXX, 5 (PG, 724 D). -. Si quelqu'un n'est pas engendré par l'Esprit Saint, « il ne peut pas porter cette perle précieuse céleste et de grande valeur, l'image de la lumière ineffable, qui est le Seigneur. » - Homélie XXIII, 1 (PG, 660 CB). - . Les chrétiens portent donc par l'Esprit Saint « l'icône de l'homme céleste, qui est le Christ ». - Homélie XXIII, 1 (PG, 660 CD). Cf. Lettre (PG, 416 A). C'est pourquoi le Saint ajoute : « Jésus Christ, l'icône céleste, illumine maintenant l'âme mystiquement et règne sur l'âme des Saints. » - Homélie II, 5 (PG, 468 A ) - . Par l'Esprit Saint, les chrétiens sont transfigurés en l'icône du Christ. - De la liberté de l'intellect 21 (PG, 956 C). Cf. Homélie V, 10 (PG, 516 B). - . C'est dans ce but que le Christ est venu. - Ibid. (PG, 516 D). - Le chrétien dépouille le vieil homme pour revêtir « l'homme nouveau et céleste, qui est le Christ. » - Eph. 4, 24, et Homélie XLII, 3 (PG, 772 A). - . Notre conformité au Christ, la réception de son icône, constituent notre prédétermination prééternelle et la signification éternelle de la personne humaine. «  Dieu a prédestiné les chrétiens « à être conformes à l'image de son Fils. » - Rom. 8, 29. Cf. Homélie XXV, 4 (PG, 669 B). De la perfection de l'intellect 11 (PG, 848 D). - . C'est ce qui amène Saint Macaire à dire aux chrétiens véritables que « lorsqu'ils s'attachent à l'Esprit de Dieu, c'est au Christ qu'ils s'assimilent. » - De l'amour, 7 (PG, 93 C). - . Nous les hommes, « nous n'avons pas encore reçu la ressemblance du Christ et nous ne sommes pas encore devenus une authentique pourpre royale, ni ne sommes devenus une image de Dieu non falsifiée. » - Homélie XXV, 5 (PG, 699D). - . Il est nécessaire que l'homme s'exerce avant tout à la triade éthique dans la Grâce « afin qu'il puisse s'assimiler et se mélanger à la nature bonne et divine. » - Homélie XXIV, 6 (PG, 737 C). - . C'est seulement « lorsque ton âme communiera à l'Esprit et que l'âme céleste aura pénétré en ton âme, que tu pourras être un homme parfait en Dieu, un héritier et un fils. » - Homélie XXXII, 6 (PG, 737 C). - . Les chrétiens pneumatophores « sont emplis de la Divinité au-dedans d'eux-mêmes » - Homélie XXVI, 15 (PG, 684 D) - , parce que « le Seigneur instille en leurs âmes la vie de la Divinité. » - Homélie XXIV, 5 (PG, 665 D) -. « Par la puissance du Saint Esprit et de la régénération spirituelle, (l'homme) atteint la taille du premier Adam et devient même plus grand que lui. Car l'homme est divinisé » - Homélie XXVI, 2 (PG, 673 BC) -, c'est-à-dire qu'il entre dans la divinisation selon la Grâce. Par cette divinisation, l'homme s'apparente au Christ et devient « son frère et son fils » - Homélie XIV, 3 (PG, 572 B). - . Voilà pourquoi les chrétiens peuvent être appelés «  les fils de l'Adam céleste, une nouvelle race, les enfants de l'Esprit Saint, les frères lumineux du Christ, semblables à leur Père, l'Adam lumineux et spirituel. » - Homélie XVI, 8 ( PG, 620 A ). - . Toute la vie des vrais chrétiens se déroule dans la sphère de la Grâce divine. « Ceux qui ont été jugés dignes en effet de devenir les enfants de Dieu et d'être engendrés d'en haut par l'Esprit Saint, ceux qui possèdent en eux-mêmes le Christ qui les illumine et leur assure le repos, sont conduits de manière variée et différente par l'Esprit et subissent invisiblement en leur cœur, établis dans un repos spirituel, l'action de la Grâce. » - Homélie XVIII, 7 (PG, 640 A). - . Plus loin, le Saint décrit ainsi cette nouveauté : « Dès que l'âme est parvenue à la perfection spirituelle, dès qu'elle a été parfaitement purifiée de toutes les passions, unie dans une communion ineffable et mêlée à l'Esprit Paraclet, jugée digne de devenir esprit, mélangée à l'Esprit, alors elle devient toute lumière, tout œil, tout esprit, toute joie, tout suavité, toute allégresse, toute charité, toute compassion, toute bonté et toute douceur. » - Homélie XVIII, 10 (PG, 641 A ). Cf. De l'exaltation de l'intellect 12 ( 900C). De l'amour 17 (PG, 913 CD). Homélie XXXIII, 2 (741 D) : «  L'âme qui porte le Seigneur, ou plutôt qui est portée par Lui, devient toute œil. » - . « Mélangés de toute manière à l'Esprit Saint, ( les hommes pneumatophores) se sont rendus semblables au Christ, car ils possèdent immuablement en eux les vertus de la puissance de l'Esprit, étant à l'intérieur sans souillure et sans tache et purs. » - Homélie XVIII, 10 (641 AB). Cf. De l'amour 7 (PG 913 D). - . Ils deviennent selon la Grâce ce que Dieu est par nature, et pour eux « toutes les pratiques de la vertu » deviennent « comme leur nature. » - Ibid. - . L'homme s'unit avec le Christ et le Christ « demeure en lui et lui en Christ, et c'est le Christ qui accomplit en lui les commandements sans peine, nous comblant de ses dons. » - Ibid. De la garde du cœur 13 (PG, 840 A) ; Homélie XII, 5 (PG, 560 C). Lettre (PG, 425 B). Homélie XV, 31 (PG, 597 A). Homélie XXVII, 1 (PG, 693 B). - . On comprend qu'il ne soit pas possible d'analyser logiquement l'union mystique et la vie de l'âme avec le Christ et le Saint Esprit. Le Christ procède mystiquement au développement de la personne par la triade pleine de Grâce des vertus, à sa formation à l'image du Christ par la Grâce de l'Esprit Saint, jusqu'à la déifier et à en faire la « demeure » et la résidence de la Sainte Trinité. - Cf. De l'amour 5 (PG, 912 BC). - . La divinisation recouvre tout le contenu de l'âme humaine. Le caractère d'image de Dieu de la personne prévaut, le péché s'éloigne et l'homme retourne à sa situation d'avant la chute. Cette divinisation s'étend à tous les organes de la connaissance. Pour plus de clarté, nous exposerons ici l'enseignement de Saint Macaire au sujet de la divinisation des principaux organes de la connaissance : l'âme, l'intellect et la libre volonté. a) La divinisation de l'âme Par la triade éthique des vertus dans la Grâce, les liens mystiques que la personne entretient avec le Christ se développent, dit Saint Macaire, comme le lien conjugal qui unit l'épouse à l'époux. Le Christ devient l'époux de l'âme, et l'âme « la fiancée du Christ ». - De la liberté de l'intellect 4 (PG, 937 D). - . Tout entière dominée par la triade éthique dans la charité, l'âme brûle « insatiablement d'un désir spirituel pour l'Epoux céleste. » - Homélie I, 1 (PG, 541 B) ; Avant d'être retournée vers le Christ par l'exercice de la triade éthique, l'âme s'était livrée à l'adultère avec Satan. Maintenant « elle n'a plus de communion qu'avec l'Epoux céleste » - Lettre (416 C) -, « blessée par son amour pour Lui, elle ne ressent plus que le désir et le besoin, si j'ose m'exprimer ainsi, d'une si heureuse union noétique et mystique selon l'union incorruptible de la communion dans l'amour. » - Ibid. (PG, 416 CD). - . C'est par cette union conjugale que l'âme peut accéder à la connaissance de sa nature et de son but, et l'Epoux céleste fait d'elle non seulement « le temple de Dieu, mais aussi une fille de roi et une reine, un temple de Dieu en tant qu'elle appartient au Saint Esprit... ». - Lettre (413 A). - . Dieu a « lavé » et « pansé les blessures «  de l'âme de l'humanité mise à mal par le péché et l'a « introduite dans la céleste chambre nuptiale. » - Homélie XV, 47 (PG, 608 C). Cf. Homélie XLVII, 14 (PG, 805 C). Homélie XXVII, 3 (PG, 696 A). - . Purifiée, l'âme devient l'église de Dieu et toutes ses facultés confluent en une totalité harmonieuse « car l'âme s'est conformée à son Epoux céleste en se mélangeant à ce qui est céleste. » - Homélie XII, 15 (PG, 565 D). - . Cette union mystique qui unit l'âme-épouse au Christ-Epoux est une union profonde ; au début, Dieu « lui donne la vie au lieu de sa nécrose », puis il la « purifie de toute souillure «  et « par sa propre puissance, il la prend avec Lui, la transformant peu à peu jusqu'à ce qu'il l'ait fait croître de sa propre croissance. Il l'étend en effet et la dilate à l'infini, il la fait grandir sans mesure jusqu'à ce qu'elle soit devenue une épouse sans tache et digne de Lui ; D'abord en effet il l'engendre en Lui-même puis il la fait croître Lui-même jusqu'à ce qu'elle ait atteint la parfaite mesure de son amour ; Etant Lui-même l'Epoux parfait, il la prend comme une épouse parfaite, en une union nuptiale sainte, secrète et immaculée ; Alors elle règne avec Lui, dans les siècles des siècles » - Homélie XLVII, 8 (PG, 808 BC) -, « elle se réjouit avec le Seigneur. » - De l'amour 8 (PG, 916 A). Homélie XXXVIII, 5 (PG, 761 B). - . Le grand mystère du mariage entre l'âme-épouse et le Christ-Epoux se développe en un mystère de l'Eglise et du Christ. - Eph. 5, 32 ; Ibid. : « Car ce mystère est grand, dit-il, je veux parler du Christ et de l'âme sans tache. » - . L'union de l'âme avec le Christ se réalise par la Grâce de l'Esprit Saint ; Depuis que l'âme s'est consacrée « tout entière en tout » au Seigneur, par la triade éthique des vertus, le Saint Esprit la couvre de son ombre et la rend digne « de ne plus faire avec Lui qu'un esprit et un mélange, comme le dit l'Apôtre : Celui qui s'unit au Seigneur n'est avec Lui qu'un seul esprit. - 1 Cor.6, 17 et Homélie IX, 12 (PG, 540 AB) ; Cf. XLVI, 3 (PG, 793 C) : «  Si l'âme s'attache étroitement au Seigneur, et si le Seigneur, mû par son amour et sa miséricorde, vient à elle et s'attache étroitement à elle, si l'intelligence demeure sans interruption dans la Grâce du Seigneur, alors l'âme et le Seigneur deviennent un seul Esprit, un seul mélange, une seule intelligence. » - . Lorsque l'âme s'unit au Seigneur, elle devient « en vérité comme l'âme du Seigneur » . - De la liberté de l'intellect 12 (PG, 944 D). - . Le Seigneur également « devient comme son âme » - Ibid. (PG, 944 C) -, « et Lui, assis sur le trône de majesté dans les hauteurs dans la cité céleste, se trouve tout entier auprès d'elle, dans son corps. Car il a placé son image à elle en haut, dans la cité céleste des Saints, Jérusalem, et il amis sa propre image, l'image de la lumière ineffable de sa Divinité, dans son corps à elle. » - Homélie XLVII, 4 (PG, 793 D). - . Saint Macaire le Grand montre donc que l'icône du Christ est l'unique signification, l'unique but et l'unique vie véritable de l'âme humaine créée à l'image de Dieu ; Devenu le centre de sa personnalité, le Seigneur «  en véritable artisan cuneisèle Lui aussi nos cœurs, et les renouvelle secrètement jusqu'à ce qu'ils émigrent du corps. Alors apparaît la beauté de l'âme. » - Homélie XVI, 7 (PG 617 C). - . « C'est pour leur bénédiction et leur absence de passion que le Seigneur demeure chez ceux qui en sont dignes, car comme il est Lui-même sans passion, il veut rendre sans passion ceux qui le reçoivent. » - Lettre (409 C). - . La signification, le sens et le but de cette « absence de passions » se trouvent dans « la purification de l'âme et l'inhabitation de l'Esprit par l'encouragement aux bonnes œuvres. » - Lettre (433 A). - . Seule une âme unie avec cette âme céleste peut devenir la « demeure » de la Sainte Trinité : « La Sainte Trinité vient en effet demeurer en l'âme qui se conduit avec pureté pour y apporter la divine bienfaisance ; mais elle ne demeure pas dans l'âme en Elle-même – elle reste en effet inaccessible à toute la Création, - mais seulement dans la mesure où l'homme s'en montre convenable et capable. » - De l'amour 28 (PG, 929 B- 932 A). - . Cet événement spirituel indique que l'homme a atteint « la mesure parfaite du christianisme », une mesure à laquelle seule peut parvenir une âme divinisée. b) La purification de l'intellect Selon Saint Macaire, l'intellect est purifié lorsque l'homme s'unit au Christ. Le but assigné à l'être humain est bien « de se mélanger avec l'intellect sans principe. » - De la patience et du discernement 18 (PG, 880 C) -, mais ce « mélange » exige que l'intellect humain passe par les difficiles ascèses de la triade éthique. C'est lorsqu'il est transformé et régénéré grâce à cette triade que l'intellect devient digne d'arriver à «  ne plus faire qu'un seul esprit avec le Seigneur ». Mais le Christ Lui-même « s'unit étroitement à l'intelligence », pour ne plus former avec l'homme « qu'un seul esprit, un seul mélange et une seule intelligence », si toutefois l'homme s'exerce avec résolution et laisse la Grâce de l'Esprit Saint agir en son intellect jusqu'au plus profond et venir résider « dans les profondeurs de son intellect. » - De la liberté de l'intellect 12 (PG, 944 C). - . Purifié par la Grâce divine, l'intellect devient « l'intellect nouveau » - Homélie XLIV 1 (PG, 780 A) -, c'est-à-dire « l'intellect du Christ. » - 1 Cor. 2, 16. - . Le Seigneur opère « le renouvellement de l'intellect et transforme en sainteté, en recouvrement de l'intelligence et en paix des pensées l'aveuglement et la surdité de l'incrédulité et de l'ignorance, pour la sagesse de la vertu et la pureté du cœur. » - Homélie IV, 25 (PG, 492 C). - . Le Seigneur relève l'intellect de l'enfer, du péché et de la mort pour le délivrer de son asservissement à Satan. - Homélie XI, 1-2 (PG, 533 AB). - . S'il se confie lui-même sans réserve au Christ, l'intellect ressuscité par le Christ s'unit si bien avec Lui que l'homme peut « voir comme en un miroir la forme du Christ dans son intellect directeur. » - Homélie XXV, 3 (PG, 668 D). - . Les Saints « participent par leur intellect de la substance et de la nature du Christ » - Homélie XV, 38 (PG, 601 C) -, c'est-à-dire de la Grâce divine. Le monde de l'Ancien Testament n'avait pas la possibilité d'acquérir un tel intellect purifié ; La pureté de l'intellect représente la réalité nouvelle qui appartient au Nouveau Testament, car « le baptême du feu et de l'esprit purifie et lave l'esprit souillé. » - Homélie XXXII, 4 (PG, 736 D). Cf. Homélie XLVII, 1 (PG, 797 A) : «  Un couteau céleste retranche de l'intellect le superflu, c'est-à-dire le prépuce impur du péché. » - . Le Christ est le seul médecin qui sache soigner « l'aveuglement de l'intellect. » - De l'exaltation de l'intellect 11 (PG, 900A). - . Les chrétiens parfaits sont « oints selon l'intellect », ils ont un intellect pur car ils sont « dieux » par Grâce. - Homélie XVII, 1 (PG, 624 BC). Cf. De l'exaltation de l'intellect 13 (PG, 900D). - . Que l'intellect soit parfaitement purifié de son péché est le signe de la perfection chrétienne. Selon Saint Macaire, « la perfection ne réside pas dans un renoncement aux choses mauvaises ; c'est la pureté de l'intellect qui constitue la perfection. » - De l'exaltation de l'intellect 20 (PG, 905 D). - . Il dit aussi en un autre endroit : « La perfection ne consiste pas à s'abstenir de ce qui est mal ; la perfection, c'est que tu entres dans ton esprit obscurci pour en chasser le serpent qui se trouve plus bas que l'intellect et plus profond que les pensées ». - Homélie XVI, 15 (PG, 633B). Cf. De l'exaltation de l'intellect 20 (PG, 908 A). - . C'est cette pureté qu'aiment les Juifs et les Grecs, mais ils ne peuvent avoir la pureté dans leur âme. Lorsque s'éloigne la malice qui se trouve dans l'intellect, alors commence « le travail de l'Esprit Saint, qui vient servir l'intellect en secret. » - Ibid, 13 (PG, 632 C). - . C'est le feu divin de la Grâce de l'Esprit Saint « rend pur l'intellect. » - Homélie XXV, 10 (PG, 673 C). - . L'esprit qui a été purifié avec l'aide de la Grâce ne retombe jamais hors de la sphère de la vie du Christ. « L'esprit qui a été parfaitement purifié voit continuellement la gloire de la lumière du Christ et reste avec le Seigneur de jour comme de nuit, à la manière dont le corps du Christ uni à sa Divinité reste toujours avec l'Esprit Saint. » - Homélie XVII, 4 (PG, 521 B). - . L'esprit purifié est « le trône de Dieu », mais également la Divinité « est le trône de l'intellect. » - Homélie VI, 5 (PG, 521 B). c) La sanctification de la libre volonté Parce qu'elle est une part de la substance, créée à l'image de Dieu, de l'âme humaine, la libre volonté est par sa nature propre prédéterminée à passer simultanément par toutes les étapes où passe le développement de l'âme ; la divinisation de l'âme se manifeste aussi pour la volonté : lorsqu'elle s'unit avec la Grâce, la libre volonté se sanctifie. La libre volonté n'est guérie du péché que lorsqu'elle est unie par la Grâce avec la volonté divine. - Lettre ( PG, 421 D – 424 A). - . Dans la volonté de Dieu, la volonté de l'homme trouve une direction infaillible ; la volonté régénérée et purifiée conforme toute son action à la volonté de Dieu. Le Saint Esprit conduit la personne de l'ami du Christ « dans toute la volonté de Dieu. - Homélie XVIII, 11 (PG, 647 A). C'est dans la mesure où la libre volonté humaine se trouve en accord avec la volonté divine qu'elle est capable de poser des œuvres éternelles, pour le service de l'Esprit Saint. - Homélie XVII, 8 (PG, 642 A). - . L'Esprit Saint conduit la personne humaine au milieu des mystérieuses complexités de la vie et conserve l'harmonie entre la libre volonté humaine et la volonté divine ; Seul en effet l'Esprit Saint connaît « la volonté du Seigneur » - Homélie XIX, 9 (PG, 649 A) -, « la volonté du Christ ». - De la garde du cœur 14 (PG, 841 A). -. C'est seulement pour l'Esprit en effet que la volonté de Dieu est évidente, car personne ne connaît les choses de Dieu si ce n'est l'Esprit de Dieu. - 1 Cor. 2, 11 et De l'amour 11 (PG, 917 B). - . Seul l'Esprit Saint peut nous enseigner la connaissance de la mystérieuse volonté de Dieu : «  Sans l'Esprit Saint, il n'est possible à personne de concorder avec la volonté de Dieu. » - Ibid., 14 (PG, 920 D). - . C'est ainsi que pour Saint Macaire la sanctification de la volonté représente la condition sine qua non de la véritable vie chrétienne et qu'elle se porte garant de la connaissance correcte de la vérité. * De tout ce que nous venons de dire jusqu'à présent, il ressort clairement que la divinisation de la personne humaine, selon l'enseignement de Saint Macaire d'Egypte, est centrée autour des organes de la connaissance. Lorsqu'il s'unit avec le Dieu-homme dans la Grâce divine, l'homme ne perd aucunement sa personnalité : non seulement l'homme parfait est « en Dieu », mais Dieu est « en lui ». - Lettre (PG, 409 C). - . Tout ce qui est parfait dépend de la Divinité : « ce qui naît selon l'Esprit est parfait ». - De la patience et du discernement 12 (PG, 873 D). - . Quiconque a été engendré par l'Esprit Saint « porte l'image de la perfection dans sa forme comme dans ses parties. » - Ibid. 11 (PG, 873 C). - . Les chrétiens parfaits sont dignes « de parvenir à la mesure de la perfection », c'est-à-dire « de devenir … des dieux selon la Grâce. » - Homélie VII, 1 (PG, 624 BC). Cf. ibid. 2 (PG, 634 D). - . Conduits par la Grâce, ils parviennent « à la perfection ». - Homélie VIII, 4 (PG, 529 C). Cf. ibid. : « Si quelqu'un est riche en amour, de jour comme de nuit il reste debout, jusqu'aux dernières limites, car il est libre et pur, toujours captif et toujours en suspens. » Il n'existe pour ainsi dire pas de terme au perfectionnement et au développement de la personne humaine, ou bien, s'il m'est permis d'user de ce paradoxe, le terme en est le Dieu infini. Vous serez donc parfaits, vous, dit le Seigneur, comme votre Père céleste est parfait. - Mat. 5, 48 et De la prière 11 (PG, 861 A). - . Ces paroles du Seigneur montrent bien qu'il est possible « de parvenir à la perfection ainsi qu'à se libérer une fois pour toutes des passions et d'obtenir de participer à la plénitude du bon Esprit. » - Ibid. Cf. Homélie X, 4 (PG, 14 B). De la patience et du discernement 9 (PG, 873 A). - . «  La participation à l'Esprit divin et parfait » nous vaut « d'être complètement purifiés des péchés et des passions qui font notre honte, de recouvrer la vertu suprême, ce qui est la purification et la sanctification du cœur. » Alors dans la pure substance à l'image de Dieu de sa personnalité, l'homme peut voir Dieu et c'est ainsi que s'accomplissent les paroles du Seigneur : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur,car ils verront Dieu. - Mat. 5, 8 et De la perfection dans l'Esprit 2 (PG, 844 A). Cf. De l'exaltation de l'intellect 20 (PG, 908 A) : «  Le cœur est un abîme insondable. » Acquérons donc « cette pureté du cœur qui n'est pas possible autrement » que « seulement par Jésus. » - . Le cœur purifié devient « le palais du Christ », et « le Christ Roi vient visiter et contempler son royaume. » - Homélie XV, 33 (PG, 597 C). - . Voilà pourquoi, depuis la venue du Christ, Dieu nous demande la pureté du cœur. - Homélie XIII, 1 (PG, 569 B). - . L'âme éprise du Christ obtient du Saint Esprit « une délivrance complète de ses passions et de son obscurité » - Homélie X, 4 (PG, 544 B), car seul l'Esprit Saint peut « déraciner complètement le péché » et sanctifier « tous ses membres. » - De l'amour 32 (PG, 933D). - Mais selon l'économie du Salut, la collaboration de l'esprit de l'homme avec l'Esprit Saint est une condition nécessaire à l'acquisition de la pureté parfaite. - Homélie XXIV, 5 (PG, 665 B). - . Le feu de l'Esprit Saint purifie et sanctifie le cœur de l'homme. - Homélie XIV, 7 (PG, 573 D). - . « C'est ce feu qui met en fuite les démons et qui détruit le péché. » - Homélie XXV, 10 (PG, 673 C). Cf. Homélie XXX, 6 (PG, 725 B) : «  L'âme qui se meut dans le feu de l'Esprit et dans la lumière divine, ne peut plus subir aucun dommage de la part des esprits malins. » De l'exaltation de l'intellect 7 (PG, 896 A). - . Notre Dieu est un feu dévorant. - Héb. 12, 29 et ibid. - . « Le feu divin … forme une image céleste sur l'humanité. » - Homélie XI, 2 (PG, 545 C). - . Lorsque l'homme grandit dans le Christ jusqu'à l'homme parfait, à la mesure de sa taille, c'est alors qu'il remporte une victoire « parfaite » sur la mort. - Eph. 4, 13 et Homélie III, 5 (PG, 472 A). Seuls les hommes du Christ sont les « vainqueurs du Diable » - Ibid - ; seuls ils remportent la victoire sur lui en tant que responsable du péché et de la mort. Lorsqu'elles se sont configurées au Christ, les personnes humaines se trouvent « privées de toute possibilité d'enfreindre les ordonnances de Dieu. » - De la garde du cœur 7 (PG, 825 B). Pour ces personnes renouvelées, le Christ est « tout en toutes choses », il est « le bois de la vie, la pierre précieuse, la couronne ; c'est Lui l'architecte et le cultivateur, c'est Lui qui subit la souffrance et qui ignore la passion ; il est homme, Dieu, l'eau de la vie, la brebis, l'époux, le combattant, l'arme. » - Homélie XXXI, 4 ( PG, 729 D – 732 A). - . Ces personnes sont « dans le Christ », et le Christ est « en elles ». Elles deviennent la bonne demeure de la Sainte Trinité. - Homélie XLIX, 4 (PG, 816 A). - . Dans leur âme créée à l'image de Dieu, Dieu vient demeurer comme dans « sa propre demeure » - Ibid. Cf. Homélie XXX, 4 (PG, 725 BC) -, car le Christ est venu afin de faire de l'homme « sa propre demeure et son temple. » - Homélie XXX, 7 (PG, 457 A). - . C'est pourquoi Saint Macaire peut déclarer également à chaque homme : « Reconnais toi toi-même comme temple de Dieu. - Lettre (PG, 416 A). - . 1. La gnoséologie de la personne régénérée. « Dieu uni à des dieux et connu par des dieux... » Saint Grégoire le Théologien, Discours XXXVIII, 7 (PG 36, 317 C). La divinisation de la personnalité de l'homme provient de ce que l'âme qui a été créée à l'image de Dieu est libérée du péché et du satanisme. C'est la Grâce divine qui restaure l'image de Dieu dans la personne humaine, par la participation de l'homme à la vie du Dieu-homme. Cette personnalité régénérée se ressent et se connaît comme une existence personnelle créée à l'image de Dieu, elle se reconnaît elle-même par le Christ. C'est ainsi qu'elle apprend à connaître le grand mystère de la gnoséologie humaine, mystère selon lequel la connaissance de Dieu réside par excellence dans une reconnaissance de nous-même à l'image de Dieu dans le Christ ; Dès lors qu'elle reconnaît l'image du Dieu trinitaire dans sa structure spirituelle, la personnalité divinisée accède à la connaissance des mystères de la Sainte Trinité. « Celui qui a pu reconnaître la valeur de sa propre âme, celui-là est en effet capable de reconnaître la puissance et les mystères de la Divinité. » - Homélie XXVII, 1 (PG, 693 B). Cf. XXXII, 11 (PG, 741 A) : 3 La Divinité est partout et on la trouve partout ; Si tu le cherches (Dieu) dans les Cieux, il se trouve là dans les pensées des anges. Si tu le cherches sur la terre, il se trouve là aussi, dans les pensées des hommes. » Cf. Saint Grégoire de Nysse, Sur ce que sont l'image et la ressemblance de Dieu (PG 44, 1341 A) : «  Dieu t'a fait à l'image et à la ressemblance de son existence trinitaire, comme un type de triade reconnue en monade consubstantielle ; si tu la scrutes bien, tu pourras bien y voir comme en un miroir et en type tout ce que l'on peut proclamer de Dieu avec piété. » - . C'est pour cette raison que le Saint peut affirmer que notre nature est « le mystère de la Trinité » - Ibid. (PG, 1337 C) -, pour continuer en demandant de reconnaître ainsi « la Trinité à partir de la Trinité qui est en soi ». La réalité idéale des natures de Dieu et de l'homme unies sans séparation – Ibid. (1340 BC). Cf. Saint Athanase, De l'hominisation (PG 26 ; 116 AB). Saint Maxime le Confesseur, Sur le 'connais-toi toi-même' ( PG 91, 968 B) : « La compréhension exacte qui se suffit à elle-même offre une conduite vers l'intelligence de Dieu – et sans confusion nous est donnée dans la personne du Dieu-homme, le Christ ; or chaque acte de sa Puissance créatrice est un acte divino-humain. L'unique critère dont dispose la connaissance est donc encore la Personne du Dieu-homme. Pour qui a voulu centrer toute sa conscience et toute sa connaissance sur le péché, Dieu reste un objet extérieur monstrueusement menaçant. C'est pourquoi la méthode divino-humaine de vie et de connaissance dans le Christ débute par une union spirituelle intérieure de l'homme avec Dieu : l'esprit s'unit à l'esprit au point que le Christ et l'homme ne forment plus « qu'un seul esprit ». - Cf. De la liberté de l'intellect 11 (PG, 944 A). - Une telle personnalité peut réellement percevoir la vérité divino-humaine selon laquelle le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. - Luc 17, 21. Cf. Homélie X, 32-33 (PG, 597 A). - . Dieu n'est pas quelque roi, quelque tyran extérieur qui imposerait par la force sa domination royale, il se trouve à l'intérieur de notre propre personnalité, de notre âme, de notre intellect et de notre libre volonté ; c'est ainsi qu'il peut régner sur notre âme naturelle tout entière, car elle a été créée à son image. Voilà comment la restauration de la personnalité et celle de la connaissance peuvent découler de l'union de l'homme et du Christ, et c'est pour cette raison que Saint Macaire peut rapporter le problème sotériologique à l'incarnation du Christ et à l'âme de la personne sauvée ; Toute la vie et toute la connaissance de cette personne consistent en une continuelle conformation d'elle-même à l'image de Dieu, - Cf. V. I. Nesmelov, La science de l'homme, Kazan 1907, (en russe), pp.292-294 -, en une sanctification de tous ses membres et de toutes ses facultés psychophysiques. Mais puisque la connaissance est limitée par l'organisme, par l'organisation et par la vie de la personnalité, nous aboutissons tout naturellement à la conclusion que la pure connaissance chrétienne découle organiquement de la personnalité régénérée. Jusqu'au Christ, la connaissance humaine aboutissait à un asservissement au péché ; Depuis le Christ, la connaissance pure peut devenir une acquisition personnelle et une réalité vécue pour tout un chacun qui s'unit au saint corps du Christ, à l'Eglise. Le mystère de la personnalité et de la connaissance se trouve donc dans le mystère de l'Eglise. On devient concorporel au corps du Christ – Eph. 3, 6 – par la triade éthique des vertus. Dans ce cas, la connaissance devient le résultat de la faculté créatrice universelle dans la Grâce des organes de la connaissance de la personnalité qui vit dans l'Eglise du Christ. Si l'on veut scruter la genèse de la connaissance chrétienne, il convient de la rechercher dans cette triade ascétique pleine de Grâce qui restaure la personnalité. - Cf. Saint Clément d'Alexandrie, Stromates IV, 7 (PG 8, 1265 B) : « La connaissance logique, dont le fondement est la sainte trinité : foi, espérance et amour. » - . Au plus profond de sa nature, la connaissance est un acte éthico-ontologique, c'est-à-dire un acte dans lequel s'opère mystiquement l'union de celui qui connaît et de celui qui est connu, du sujet et de l'objet. L'unique méthode qui puisse mener à cette véritable connaissance chrétienne consiste en une union du sujet et de l'objet par l'intermédiaire de la Grâce de l'Esprit Saint et de l'exercice de la triade éthique dans le climat de la vie en Christ et de sa Grâce. - Cf. 1 Cor. 13, 1-13 ; Eph. 3, 14-19 ; Philip. 3, 7-11 ; 2 Pierre 1, 2-9. - . C'est par la triade éthique des vertus que le sujet de la connaissance grandit jusqu'à la connaissance de la Sante Trinité. Le rapport entre le sujet et l'objet de cette connaissance est un rapport personnel, un rapport éthico-religieux obtenu par une ascèse pleine de Grâce : c'est seulement par la méthode de la gnoséologie chrétienne, c'est-à-dire que c'est seulement par la méthode éthico-religieuse de l'union selon la Grâce entre le sujet et l'objet, qu'il est possible d'éviter le tragique destin du simple pragmatisme gnoséologique, de l'empirisme transcendant – Les principaux représentants de cette théorie sont les philosophes Bacon, Locke, Berkeley, Hume -, du rationalisme transcendant – Cette théorie gnoséologique est représentée par Descartes, Spinoza, Leibniz -, ou du criticisme – Le principal représentant de cette téhorie en gnoséologie est Kant. - . Le développement de la personnalité renouvelée par le moyen de la triade éthique jusqu'à la Trinité divine présente trois degrés principaux : Le premier degré est constitué par un renoncement de l'intellect et de l'âme qui vivent dans le péché, un renoncement à tout le contenu pécheur de la personnalité ; -Au deuxième degré, la personnalité ressent que ses propres organes de connaissance, grâce au travail de la Grâce divine et de la triade éthique des vertus, deviennent capables d'une connaissance véritable ; Au troisième degré, toute la personnalité est purifiée de son péché et devient toute « oeil », c'est-à-dire un œil qui voit les ineffables mystères de la Divinité qu'elle adore. Dans certains cas, nous ne pouvons pas expliquer le degré ultime comme une connaissance raisonnée de l'objet de la foi, mais comme une union réelle dans la Grâce du sujet de la foi – l'homme,- avec le Dieu auquel il croit. Ou bien, en d'autres termes, le sujet perçoit l'objet de sa foi comme le centre de sa personnalité, il se reconnaît et se voit comme l'icône de Dieu. Mais selon Saint Macaire, seuls ceux qui sont illuminés peuvent s'élever jusqu'à ce degré, car « ceux qui ont été illuminés voient l'icône de l'âme ». - Homélie VII, 6 (PG, 528 A). -. Ce sont eux qui connaissent véritablement la nature humaine, car ils voient son âme créée à l'image de Dieu et en elle ils voient Dieu. Leur psychologie est véritablement une psychologie vécue et pleine de Grâce. C'est le Saint Esprit qui leur révèle le mystère de l'âme créée à l'image de Dieu. «  Ni les sages en raison de leur sagesse, ni les savants en raison de leur science, n'ont été capables de comprendre la subtilité de l'âme, ou bien de raconter à son sujet ce qu'elle est, si ce n'est ceux à qui le Saint Esprit en a révélé la connaissance et qui ont une science exacte de l'âme. » - Homélie XLIX, 4 (PG, 816 B). Cf. XV, 14-15 (PG, 585 C). Homélie XI, 4 (PG, 548 A). - . Le principal travail de l'homme doit par conséquent être de s'exercer à la pureté de son intellect afin que « son intellect prenne complètement sur lui le souci et la tribulation qui lui imposera la recherche de la substance spirituelle de l'âme et supporte sans défaillance d'attendre et de guetter la venue de l'Esprit. » - Homélie IX, 10 (PG, 537 BC). - . Tout le soin de l'âme aimant le Christ consiste à orner sa substance créée à l'image de Dieu « en pratiquant les commandements relatifs aux vertus, en recevant la céleste beauté de l'Esprit et en participant à la pureté et à la sanctification du Christ. » - Ibid. ( PG, 537 BC). - . En tant que partie de l'âme créée à l'image de Dieu, c'est en Dieu que l'intellect trouve sa valeur incorruptible. Aussi Saint Macaire peut-il déclarer que « l'intellect est le trône de la Divinité, et que la Divinité est le trône de l'intellect. » - Homélie VI, 5 (PG, 521 B). - . La divine signification de l'intellect consiste à contenir en lui la Divinité trônant en majesté et régnant sur toute l'activité de sa connaissance. Le Christ est venu pour chasser Satan qui y siégeait sur son trône et pour faire de l'intellect « un trône pour Lui-même » - Ibid. Ce sont les Saints Apôtres qui en fournissent l'exemple historique le plus caractéristique. Le Christ a envoyé « l'Esprit Saint Paraclet sur les douze Apôtres, avec la puissance divine, qui est venue faire sa demeure et siéger sur les trônes de leurs intellects. » Ibid., 6 (PG, 521 C) -, pour régner Lui-même sur ce royaume spirituel et le gouverner. Que le Christ ait retiré le péché du monde, cela revêt aussi une signification gnoséologique, dans la mesure où « il a retiré le péché du monde, c'est-à-dire qu'il a tari la source impure des pensées de notre âme ». - Homélie XX, 5 (PG, 652 D). Cf. Ibid., 5 ( PG, 653 B). - . L'âme tout entière porte cette « blessure incurable du péché, source des pensées impures et mauvaises » et conséquence de la transgression d'Adam – Ibid., 4 (PG, 652 C) -, mais dans l'âme de la personne régénérée par la Grâce et par la triade éthique des vertus, « cette source qui faisait jaillir les pensées impures s'est tarie par la seule puissance de Jésus. » - Ibid., Cf. Homélie XXVI, 23 (PG, 689 D). - . Car c'est seulement « par le Seigneur qu'il est possible (de guérir) l'intellect directeur, celui qui voit Dieu », blessé et obscurci par le péché. - Homélie XX, 4-5 (PG, 652 B). - . La connaissance pure apparaît comme le fruit naturel d'un intellect purifié par le Christ. Pour chaque acte de la connaissance de Dieu, l'homme du Christ a besoin de la collaboration et de la conduite du Saint Esprit, car « de même que sa grandeur ( c'est-à-dire la grandeur de Dieu est incompréhensible, de même sa subtilité » - Homélie XXXII, 7 (PG, 737 C) -, puisque personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu. - 1 Cor.2, 11 et De l'amour 11 (PG 917 B). - . Le Christ est la voie qui conduit vers « la connaissance de la vérité » - Lettre (PG, 417 B) - , « dans toute vérité ». - Jean 15, 26 ; 16, 13 et De l'amour 11 (PG 917 C). - . Au jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint a d'abord retiré de l'âme des Apôtres « le voile de la malice », il a supprimé leurs passions et ouvert « les yeux de leur coeur », et c'est alors qu' « emplis de sagesse et constitués Saints par l'Esprit, ils apprirent de Lui à faire la volonté de Dieu, comme ils furent conduits par Lui vers toute vérité, puisqu'il dirigeait leurs âmes et régnait sur elles. » - Ibid. (PG, 917 C ). - . Afin que l'homme devienne capable de recevoir les mystères de la sainte Vérité, il convient d'abord qu'il purifie tous les organes de la connaissance, qu'il dépouille le vieile homme (Adam) pour revêtir le nouvel homme, le Christ – Col. 3, 9-10 - , qu'il dispose par le Christ « d'yeux en plus de ses yeux, d'une tête en plus de sa tête, d'oreilles en plus de ses oreilles, de mains en plus de ses mains, de pieds en plus de ses pieds » - Homélie II, 2 (PG, 464 C) - , car « il y a d'autres oreilles et d'autres yeux, d'autres larmes, mais aussi un autre intellect et une autre âme et c'est l'Esprit qui est Dieu par Lui-même, l'Esprit céleste qui entend et qui pleure, qui prie et qui connaît, et qui fait la parole de Dieu en vérité. » - De l'amour 11 (PG, 917 B). - . La personne pneumatophore sait qu'elle possède « d'autres yeux à l'intérieur de ses yeux, et une autre ouïe à l'intérieur de son ouïe. » - Homélie XXVIII, 5 (PG, 713 A). - . Les Chrétiens pneumatophores possèdent donc « un autre intellect », car « l'Esprit de Dieu communie à leurs âmes ». - Homélie XV, 9 (PG, 581B). - . Notre Seigneur Jésus Christ est venu « pour transformer la nature (humaine), pour changer, renouveler et recréer cette âme qui avait été abattue par les passions depuis la transgression, en la mêlant à l'Esprit Lui-même de la Divinité. Il est venu pour procurer un nouvel intellect, une nouvelle âme et de nouveaux yeux, de nouvelles oreilles, une nouvelle langue spirituelle et faire tout simplement de ceux qui croient en lui des hommes nouveaux. » - Homélie XLIV, 1 (PGG, 928 A). - . Dans une personnalité qui a été ainsi renouvelée, on peut déceler dans le mystère l'oeuvre de la sagesse de Dieu. - Cf. De l'amour 23 (PG, 928 A). - . Saint Macaire le Grand observe le principe de la gnoséologie chrétienne selon lequel « le semblable connaît le semblable ». C'est pourquoi, d'après ses paroles, « celui qui possède l'Esprit céleste de la Divinité connaît ce qui Lui est semblable, comme le dit l'Apôtre Paul : traitant de choses spirituelles pour les spirituels. » - 1 Cor. 2, 13 et Homélie IX, 8 (PG, 536 D). - . Le mystère de la gnoséologie chrétienne réside en ce que l'on peut devenir un seul Esprit avec le Christ – 1 Cor. 2, 13 et Homélie IX, 8 (PG, 536 D) -, car c'est seulement ainsi que l'on peut connaître le merveilleux mystère de la Personne divino-humaine du Christ. - Cf. De l'amour 24 (PG, 928 B). - . Quiconque communie « en toute sa perception et en toute connaissance à l'Esprit Saint Paraclet » acquiert « la mesure parfaite de l'absence de passions » -De l'amour 26 (PG, 929 A) – et devient digne de « l'inhabitation de la Sainte Trinité » en son âme purifiée ; c'est ainsi qu'il peut s'acquérir d'une manière vécue la connaissance de la vérité éternelle – De l'amour 28 (PG, 929-932 B) – et la possibilité de comprendre et de connaître « la parfaite mesure du christianisme ». - Ibid. 28 (PG, 932 B). Cf. De la liberté de l'intellect 21 (PG, 956 A) : «  Le divin Apôtre Paul a révélé à toute âme croyante, de la façon la plus exacte et la plus pénétrante, la totalité du mystère du christianisme, d'aller sous l'énergie divine vers l'expérience, qui est l'illumination de la lumière céleste dans la révélation et la puissance de l'Esprit. » (1 Cor. 2, 4 ; Eph. 1, 17 ; 3, 3). - . C'est cette nouvelle personnalité qui fait son entrée dans le bonheur paradisiaque, d'où le péché l'avait fait sortir – Homélie XXXVII, 7 (PG, 753 D) - , car seuls peuvent posséder le bonheur céleste ceux qui « ayant acquis la connaissance par une fréquentation et par une perception ardente et vertueuse des mystères célestes de l'Esprit possèdent la citoyenneté céleste. » - Phil. 3, 20 et De l'amour 17 (PG, 921 D). - . Ce sont ceux-là qui peuvent voir ce que l'oeil n'a pas vu, ce sont eux qui peuvent entendre ce que l'oreille n'a pas entendu, ce sont eux qui connaissent ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme et ce sont eux qui sont « sages dans la vérité, puissants, nobles et sages. » - 1 Cor 2, 9 et ibid. 17 (PG, 921 D). - L'Esprit Saint irrigue de sa lumière l'âme entière des personnalités pneumatophores. Saint Macaire décrit ainsi cette illumination : «  L'illumination du Saint Esprit n'est pas seulement la révélation des significations et la lumière de la Grâce, c'est aussi une illumination forte et constante de la lumière hypostatique. » - De la liberté de l'intellect 22 (PG, 956 D). Cf. De l'amour 21-22 (PG, 925 B). - . C'est par la puissance de l'Esprit Saint que « toute connaissance est révélée, et que Dieu est connu en vérité. » - Ibid., 23 (PG, 957 B). Cf. ibid., 24 (PG, 957 B). De l'amour 26 (PG, 929 B). - . «  Tous ceux qui sont des fils de la lumière et des serviteurs du Nouveau Testament dans l'Esprit Saint n'ont rien à apprendre des hommes, car c'est de Dieu qu'ils sont enseignés. » - Homélie XV, 20 (PG, 589 A). - . Dans leurs cœurs la Grâce de Dieu vient « graver les lois de l'Esprit et les mystères célestes ». Ils sont possédés par la Grâce divine et la Grâce passe « jusqu'à tous les membres du corps » pour régner sur tous ses membres comme sur toutes ses pensées. - Ibid., (PG, 589 AB). - . A partir de ces sources, lorsqu'elles sont canalisées par la Grâce, découle une connaissance qui seule est capable de saisir les mystères de Dieu. Il est en effet impossible « sans Dieu et sans l'énergie qu'il procure, de communier aux divins Mystères et de connaître la sagesse de Dieu ou de s'enrichir selon l'Esprit. » - De la liberté de l'intellect 15 (PG, 904 B). - . C'est notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même qui vient oindre « de la lumière de la connaissance- Homélie XLIV, 1 (PG, 780A) – les personnalités pneumatophores et répandre sur elles « le vin de la vie, le nouvel enseignement de l'Esprit ». - Ibid., 2 (PG, 780 B). - Ces personnes spirituelles reçoivent en secret « l'enseignement de ce qu'elles ne connaissent pas. » - Homélie XII, 17 (PG, 568 C). - . La connaissance de la Vérité éternelle est déterminée directement par la Personne historique du Dieu-homme, le Christ. «  Car c'est Lui qui est vraiment la Vérité en-hypostasiée, et sans cette Vérité il est impossible de connaître la Vérité ou d'obtenir son Salut. » - De l'exaltation de l'intellect 20 (PG, 908 B). - .La Sans la présence de la Personne de notre Sauveur le Christ et sans sa participation à sa vie, la connaissance humaine est condamnée à un scepticisme sans issue. Seuls les hommes du Christ peuvent avoir accès à la connaissance de la Vérité, « car cette Vérité (le Christ) (…) ne se manifeste qu'à eux, et c'est pour leur enseigner : « Je suis la Vérité ». - Jean 14, 6 et Homélie XII, 17 (PG, 568 C). - .  La vérité n'est pas ce que peuvent atteindre le syllogisme ou le concept métaphysique, c'est une Personne éternelle. La Vérité s'identifie avec la Personne, qui ne peut se révéler qu'à des personnalités purifiées. «  Cette vérité se manifeste aux âmes fidèles » et avec elles « elle ne forme plus qu'une unique communion ». - Homélie XII, 18 (PG 569 A). - . Le Seigneur « se manifeste à leurs âmes et leur enseigne la demeure de l'Esprit Saint ». - Ibid. - . Le Christ, « la Vérité en-hypostatique », s'incarne dans les âmes des hommes amis du Christ, et c'est ainsi qu'ils possèdent « en eux-mêmes la lumière du Christ » - De l'amour 6 (PG, 912 C). Cf. Homélie XIV, 2 (PG, 572 A) - , c'est-à-dire qu'ils possèdent « le Seigneur qui vient resplendir en leurs cœurs, et avec Lui toute la sagesse de Dieu. » - Homélie XVIII, 1 (PG, 636 A). - . Dans la Sainte Trinité, c'est dans le Christ et par le Christ qu'ils trouvent tous les trésors de la connaissance et de la sagesse. - Ibid., 2-6 (636 B-637 D). - . Lorsque l'âme de l'homme s'est unie au Christ, et lorsqu'elle « s'est mélangée à la lumière de la Divinité » - Homélie I, 7 (457 B) -, c'est alors qu'elle peut recevoir « l'âme de la lumière, c'est-à-dire la puissance de l'Esprit Saint » - Ibid. 6 (PG, 456) -, et passer « de la malice de l'ombre à la lumière du Christ » - Actes 26, 18 ; Sag. 5, 8 et ibid., 9 (PG, 460 A) -, et le Christ, qui est « toute la lumière » - De la patience et du discernement 1 (PG, 865 C) -, se concentre dans sa substance créée à l'image de Dieu, et c'est ainsi qu'elle aussi peut « devenir lumière » - Homélie I, 2 (PG, 452 A). Cf. Ibid., 4 ( PG, 453 B) -, « tout entière œil ». - Ibid., 2 (452 A). - . Lorsque la lumière du Christ, « apparaissant dans le cœur (d'un homme), lui découvre la lumière la plus intérieure, la plus profonde, la plus cachée, cet homme, comme plongé tout entier dans cette douceur et cette contemplation, ne se possède plus lui-même, mais devient comme un fou et comme un barbare pour ce monde, en raison de cet amour et de cette douceur surabondante et de tous les mystères cachés, et c'est en de tels moments que cet homme accède à la liberté pour atteindre à la mesure extrême, car il est alors pur et libre de tout péché. » - Homélie VIII, 3 (PG, 520 BC). Cf. De l'amour 9 (PG, 916 C). - . Le rapt (ekstasis) durant la prière revêt la plus grande importance. Parfois « l'homme intérieur est ravi à ce moment ( c'est-à-dire durant la prière) et devient possédé par l'immense profondeur de l'au-delà. » - De l'amour 8 (PG, 916 A). - . Sans une vie en Christ, il ne peut nous être donné d'avoir connaissance des mystères divino-humains du Christ. Pour acquérir une telle connaissance, l'homme a besoin de la lumière du Christ, car le Christ est venu « pour l'illuminer de sa propre lumière et pour le revêtir des propres vêtements célestes de sa Divinité. » - Homélie XXXIV, 2 (PG, 745 A). - . Les Apôtres en présentent la preuve la plus éclatante : c'est par le Christ qu'ils sont devenus pour le monde entier ses yeux et sa lumière. - Mat. 5, 14 et Homélie I, 4 (PG, 453 C). - . «  Spirituellement illuminés d'une lumière divine, les yeux de l'âme digne et fidèle voient et reconnaissent le véritable et très-doux Ami, l'Epoux tant désiré, le Seigneur de l'âme, par l'Esprit digne d'adoration. » - Homélie XXVIII, 5 (PG, 713 B). Cf. ibid., 4 (PG, 713 A). - . Ces yeux voient « la beauté si désirée, l'unique beauté qu'on ne saurait dire. » - Homélie XXVIII, 5 (PG, 714 B). - . Selon l'enseignement de Saint Macaire, cette connaissance connaît trois degrés dans son développement : « Il y a la perception (aisthésis), puis il y a la vision (orasis), et enfin l'illumination (photismos). » - Homélie VII , 5 (PG, 525 D). - . L'illumination est le degré suprême où peut être élevé le sujet de la connaissance, lorsque son intellect est illuminé par la lumière du Christ et du Saint Esprit. - Ibid., Cf. Homélie XXV, 9 (673 B). - . Purifié et illuminé, cet intellect retourne à sa pureté primitive, obtient « sa propre nature » et crée la connaissance pure et sans souillure. - De l'exaltation de l'intellect 13 (PG, 901 AB). - . Cet intellect peut voir « le Maître et contempler sa gloire, celle qu'Adam pouvait voir avant sa transgression. » - Homélie XXXV, 1 (PG, 785 D). - . Les hommes dont l'intellect est purifié « sont ravis dans le siècle de l'au-delà, ils contemplent la beauté et les merveilles de là-bas. » - De l'exaltation de l'intellect 13 (PG, 901 AB). - . « Utilisant leur intellect illuminé et purifié, ils scrutent continuellement l'éclat impénétrable du Seigneur. » - Ibid. - . Avec la substance de leur personnalité créée à l'image de Dieu et purifiée de tout péché, les Saints peuvent voir l'indicible beauté du Christ dès la vie présente, car le Christ peut être « vu en vérité par les yeux de l'âme avant le jour de la résurrection. » - Homélie II, 5 (PG, 468 A). - . « Parfaitement purifié » quant à son intellect, l'homme qui est saint conserve par la prière la sainte pureté de son intellect, et « ravi » peut voir « la Jérusalem d'en haut et les demeures lumineuses de l'au-delà, et la lumière immense et ineffable. » - De l'exaltation de l'intellect 20 (PG, 905 C). - . Le feu divin et immatériel du Saint Esprit « purifie l'esprit, afin que percevant ce que l'on peut discerner selon la nature, il puisse voir constamment les merveilles de Dieu. » - Homélie XXV, 10 (PG, 673 C). -. C'est ainsi que l'on atteint les limites de la connaissance et que « de grandes choses et les mystères de Dieu sont révélés à l'âme. » - Homélie VI, 5 (PG, 525 D). - . C'est par une collaboration entre la triade éthique des vertus et la Sainte Trinité que l'infinité de l'âme créée à l'image de Dieu peut être sauvée de l'infernal égoïsme du péché. - Homélie XXV, 1-3 (PG, 668). - . «  Les murailles du péché, celles qui arrêtent l'âme », sont détruites « par la puissance de Dieu » - Homélie L, 3 (PG, 817 C) – et Satan cesse d'être le créateur de la connaissance. - Cf. ibid. - . La personnalité renouvelée reçoit la révélation de Dieu comme source suprême de la connaissance, et c'est pourquoi la connaissance ne connaît presque pas de limites. Dieu « étire et dilate l'âme dans une croissance infinie et incommensurable (…) jusqu'à ce qu'elle atteigne à sa propre taille – Homélie XLVII, 17 (PG, 808 B ) - et c'est dans ce but qu'il la rend capable « d'une croissance infinie et incommensurable » dans le domaine de la connaissance. Le commandement évangélique : Vous serez donc parfaits, vous, comme votre Père céleste est parfait – Mat. 5, 48 – vaut tout aussi bien pour la connaissance. L'âme christophore « s'est tant dilatée par la pensée qu'elle est en tout lieu et là où elle veut servir le Christ. » - Homélie XLVI, 4 (PG, 796 B). - . Mais cette dilatation de la connaissance a en réalité un caractère ecclésial, universel, car c'est seulement avec les Saints que l'homme peut connaître les mystères du Christ. - Eph. 3, 18-19 et ibid., 5 (PG, 796 B) - . Lorsqu'il advient que le Seigneur et l'âme ne forment plus « qu'un seul esprit, un seul mélange et une seule pensée » - Ibid., 3 (PG, 793 C) -, c'est alors que le Seigneur vient apporter à l'âme la connaissance divino-humaine. « Considère les ineffables mystères de l'âme à laquelle le Seigneur retire l'ombre qui l'enveloppait pour la dévoiler et pour lui révéler comment les pensées de son intellect peuvent s'étendre jusqu'à la largeur et la longueur et la hauteur et la profondeur de toute la création visible et invisible. » - Eph. 3, 18 et Ibid., 5 (796 B). Cf. Lettre (PG, 412 C). - . L'homme christophore contemple en chacun des autres hommes, sous les péchés qui la recouvrent, la substance de sa nature créée à l'image de Dieu, sa personne qui porte la forme du Christ. Il « les regarde tous d'un œil pur et désire les vénérer et les aimer tous, Juifs comme Grecs. » - Homélie VIII, 6 (PG, 332 C). - . Cet homme a pour but de reconnaître le Christ et l'image de Dieu, c'est-à-dire l'image du Christ à laquelle ils ont été créés, dans tous les hommes, et c'est pour cela que « son intellect ne s'occupe absolument en rien des apparences » - De la garde du cœur 3 (PG, 836) -, s'abstenant de scruter « ce qui n'est pas beau ». - Ibid., 3 (PG, 924 B). - . Il existe une grande différence dans la connaissance entre les vrais chrétiens et « toute la race des hommes ». - Homélie V, 4 (PG, 497 AB). Homélie VII, 1 (PG, 524 C). Homélie V, 27 (PG, 493 D). De l'exaltation de l'intellect 2 (PG, 892 B). De l'amour 23 (PG, 925 D). - . Il est bon que les chrétiens se transportent et passent en leur intellect vers l'autre monde depuis ce monde dans lequel il se trouve pris au piège depuis la transgression d'Adam et qu'ils se tiennent en pensée dans le monde d'en haut, celui de la Divinité. » - Homélie XXIV, 1 (PG, 661 D). Cf. De l'amour 17 (PG, 924 D). - . Mais pour pouvoir s'envoler « jusqu'au plus haut des Cieux », l'âme a besoin de devenir pneumatophore – Homélie XLIV, 2 (PG, 781 C) -, de recevoir « les ailes de colombe de l'Esprit Saint. » - Homélie II, 3 (PG, 465 A). - . C'est ce que l'on peut obtenir en se remettant soi-même sans réserve au Christ, le Seul qui puisse procurer « les ailes de l'Esprit Saint afin de pouvoir s'élancer sans entraves dans l'air de la Divinité. » - Homélie XLVII (PG, 797 B). Cf. Homélie V, 11 (516 BC). - . Lorsqu'elle est équipée des ailes de l'Esprit Saint et qu'elle s'est « envolée vers les hauteurs célestes », l'âme perçoit qu'elle se trouve « plus élevée que tout. » -Homélie XXX, 6 (PG, 725 B). - . Voici en quoi les chrétiens peuvent se montrer « plus grands et plus forts que le monde : c'est que leur intellect et le sentiment de leur âme se trouvent dans la paix du Christ et dans l'amour de l'Esprit Saint. » - Homélie V, 4 (PG, 497 B). - . C'est ainsi que les chrétiens peuvent devenir « participants du trésor spirituel et de l'intelligence qu'on ne dit qu'en secret et qui n'est pas de ce monde. - Homélie IX, 7 (PG, 536 C). Cf. Homélie XVIII, 2-6 (PG, 636 B- 637 A). - . Ils ont « un autre esprit » - Homélie V, 11 (PG, 516 D) – et c'est dans l'Esprit du Christ qu'ils trouvent le repos de leur intellect. Parce qu'ils sont fils de la lumière – 1 Thess. 5, 5 -, ils peuvent vivre « dans le jour de la lumière divine ». Ce n'est pas « l'esprit sauvage », l'esprit du péché, qui a inséminé leur intellect et leurs pensées, c'est le « divin souffle de l'Esprit Saint » qui vient inspirer leurs âmes et « imprégner l'hypostase de leur âme, leurs pensées, toute la substance et tous les membres de leur corps, pour les faire jouir d'un repos divin et ineffable. » - Homélie II, 4 (PG, 465 BC). Cf. Homélie IV, 11 (PG, 481 A). - . C'est dans la Grâce de l'Esprit Saint que leur intellect peut « trouver son genre de vie, vaincu par un amour céleste et divin et par le désir spirituel. » - Homélie IV, 16 (PG, 484 C). - . L'amour de Dieu sert de méthode à leur gnoséologie. La substance de leur vie est « le Seigneur dans l'intellect. » - Homélie III, 3 (PG, 496 B). - Ils ont dans leurs âmes « un trésor spirituel, qui fait sourdre toute la bonté de leurs paroles et de leurs œuvres, ainsi que des pensées divines et des mystères indicibles. » - Homélie XVIII, 5 (PG, 637 BC). - . « Rassembler son intellect et ses pensées » en Christ revient à lui fournir l'opportunité de créer une connaissance divino-humaine – Homélie XXIV, 2-3 (PG, 664 AB) -, car c'est Lui qui « transforme les pensées de l'âme, pour les rendre divines, célestes et bonnes. » - Homélie XXXI, 2 (PG, 729 AC). Cf. Homélie XXXII, 3 (PG, 736 B). - . Des pensées pures, une connaissance pure, c'est ce que crée la personnalité qui « retient dans son intellect (…) l'énergie du Saint Esprit. » - Homélie XXVII, 12 (PG, 701 C). - . «  Toutes ses pensées deviennent céestes, pures et saintes, circulant dans une atmosphère divine. » - Homélie XLIX, 3 (PG, 813 C). - . Les pensées pures sont les seules qui soient naturelles et les seules qui soient divines – Homélie XV, 26 (PG, 593 A) - , cependant que les pensées qui sont impures sont des pensées contre nature. C'est pourquoi « l'oeil de Dieu considère leur intellect (l'intellect des hommes impurs) et leurs pensées, et c'est comme s'il les voyait et se détournait pour ne pas entrer en communion avec eux », si ce sont des hommes impurs et pécheurs. - Homélie XII, 2 (PG, 557 B). - . L'Esprit du Seigneur tient les rênes de l'âme, « dirigeant sagement en tout temps le char de l'âme vers la pensée céleste et divine. » - Homélie I, 9 (PG, 460 B). Cf. également : «  Les âmes saintes sont conduites et dirigées par l'Esprit du Christ qui tient les rênes, là où il veut, quand il le veut, parmi les pensées célestes. » ( ibid.) - . Les hommes pneumatophores scrutent « les mystères célestes » - Homélie XV, 4 (PG, 604 D) – et ils se trouvent parfois « comme enivrés, car ils goûtent dans l'Esprit Saint de la divine ivresse des mystères spirituels » - Homélie XVIII, 2 (PG, 610 B) -, « enivrés de l'ivresse ineffable des mystères de l'Esprit » - De l'amour 6 (PG, 912 D). Cf. ibid., 15 (PG, 921 A) - , comme si la partie physique de leur personnalité ne ressentait plus rien. - De l'amour 6 (PG, 912 D). - . C'est de Dieu Lui-même qu'ils reçoivent, soit « le charisme des guérisons, soit celui de la connaissance, soit celui de la révélation » - Homélie XLV, 7 (PG, p. 792 B) - , et parfois, « par l'intelligence et par la sagesse divine et par la connaissance insondable de l'Esprit Saint, de tels charismes au nom de la Grâce du Christ, qu'il n'est possible à aucune langue de le répéter. » - De l'amour 6 (PG, 913 B). - . C'est ainsi que la connaissance humaine dépend dans sa totalité du Christ et du Saint Esprit ; Ces paroles de l'Evangile : sans moi vous ne pouvez rien faire – Jean 15, 5 – valent aussi pour la connaissance. Lorsque l'homme remet son intellect et ses pensées au Christ, « alors le Christ le rend digne de ces mystères pour tant de sainteté et de pureté, et lui procure la nourriture céleste et le breuvage spirituel. » - Homélie XIV, 3 (PG, 572 BC). - . Sans le Seigneur Jésus et sans l'énergie de la Grâce divine du Saint Esprit, nous ne pouvons rien connaître des mystères et de la sagesse de Dieu. - Homélie XVII, 10 (PG, 629 CD). - . Ce sont des personnes christophores et pneumatophores qui créent la véritables philosophie chrétienne. Seuls peuvent être « véritablement les sages et les philosophes de Dieu «  ceux pour qui « la sagesse divine est un guide et un pasteur selon l'homme intérieur » - Homélie XVII, 10 (PG, 629 CD) -, cependant que les philosophes des Grecs n'enseignent que des mots creux – Ibid. ( PG, 629 D) - : ils s'exercent à parler et se préparent avec ardeur aux tournois verbaux ; mais « les serviteurs de Dieu, même s'ils sont peu habiles en paroles, sont équipés de la connaissance divine et de la Grâce de Dieu. » - De l'exaltation de l'intellect 15 (PG, 904 B). - . Le vrai philosophe, celui qui est dans le Christ, celui qui est pneumatophore, est parfois « rendu sage par la Grâce d'une compréhension et d'une sagesse indicible, et de la connaissance de l'Esprit insondable pour exprimer ce qu'il est impossible d'exprimer par la langue et par la bouche. » - Homélie XVIII, 9 (PG, 640 D). - . Le Saint est le seul philosophe véritable, car «  celui qui se trouve dans une sainteté parfaite ne se préoccupe pas du mal, il ne pense pas à la vanité. » - Lettre (PG, 416 A). - . Parce qu'ils deviennent formés à l'image de Dieu – De la liberté de l'intellect 25 (PG, 958 C ). Selon Saint Grégoire Palamas lui aussi, les Saints deviennent « formés à l'image de Dieu par la participation au Saint Esprit ». Théophane (PG 151, 956 B). Cf. ibid. (PG, 957 C) -, les Saints possèdent la connaissance de la Vérité divine, car l'Esprit divin et céleste demeure en leur intellect, cependant que la philosophie « selon l'homme » ne pourrait pas leur procurer une connaissance absolument véritable. Saint Macaire écrit que « Aristote, ou bien Platon, ou bien Socrate, qui étaient doués d'une intelligence pénétrante, représentaient comme de grandes villes, mais s'ils étaient dépourvus d'ennemis ( c'est-à-dire les esprits de malice), c'est parce que l'Esprit de Dieu ne résidait pas en elles. » - Homélie XLII, 1 (PG, 769 C). Cf. Homélie XVII, 1 (PG, 624 C). - . La méthode de connaissance que nous offre le Nouveau Testament consiste en une union profondément passionnelle et vécue avec le Christ dans la Grâce du Saint Esprit. Cette méthode s'exprime tout particulièrement dans le mystère de la sainte Eucharistie. Ici c'est l'objet de la foi et de la connaissance qui s'unit avec le sujet. Aussi Saint Macaire peut-il dire que « le Seigneur se fait chair jusque dans la nourriture et dan sla boisson (…) car il dit : Je suis le pain de vie. - Jean 6, 35 et Homélie IV, 12 (PG, 481 B). - . « Celui qui mange de ce pain vivra à jamais, afin de reposer indiciblement son âme et de l'emplir de joie spirituelle. » - Jean 6, 58 et Ibid. - . Le Saint écrit d'ailleurs aussi que « le pain et le vin sont offerts dans l'Eglise comme antitype de sa chair (c'est-à-dire celle du Christ ) et de son sang, et ceux qui reçoivent de cette apparence de pain mangent spirituellement la chair du Seigneur. » - Homélie XXVII, 17 (PG, 705 B). Dans le dictionnaire de Théologie catholique de Vacant-Mangenot, à l'article « l'Eucharistie d'après les Pères », 1140, il est observé, au sujet de l'usage que fait Saint Macaire du terme 'antitype' : «  Macaire l'Egyptien nous apprend dans une seule phrase de l'une de ses homélies que le mot antitype doit s'entendre d'un symbole plein de réalité, que l'on participe à cette réalité cachée qui paraît être du pain, et que l'on mange spirituellement la chair du Seigneur. » - Saint Macaire lui-même nomme l'Eucharistie « le divin mystère du corps et du sang du Seigneur «  ( De l'amour 29, PG 134, 932). En raison de l'importance du passage que nous venons de citer, nous le rapporterons ici en son entier : « Dans l'Eglise visible, si l'on n'a pas procédé préalablement aux lectures, aux psalmodies et à ce qui est l'office du degré ecclésiastique, il n'est pas possible au prêtre d'accomplir le divin mystère du corps et du sang du Christ. Ensuite, même si toutes les règles ecclésiastiques sont observées, s'il n'y a pas eu l'eucharistie mystique de l'offrande du prêtre et la communion au corps du Christ, l'institution ecclésiastique n'a pas été célébrée, et le culte du mystère fait défaut. Voici comment je comprends les actes du Chrétien : si l'on a observé le jeûne et l'agrypnie et la psalmodie, ainsi que tout l'exercice des vertus, l'énergie mystique de l'Esprit n'est pas accomplie par la Grâce sur l'autel de son cœur selon toute perception et repos spirituel, tout un tel exercice de l'ascèse reste incomplet et presque inutile, car elle ne dispose pas de l'agrément de l'Esprit qui vient agir mystiquement dans le cœur. » Saint Macaire le Grand conseille également à la femme qu'il avait guérie : «  Ne t'éloigne jamais de l'Eglise, ne t'abstiens pas de la communion aux mystères du Christ, car si tout cela a pu t'arriver, c'est que tu ne t'étais pas approchée pendant cinq semaines des très purs mystères de notre Sauveur. » (Pallade, Histoire lausiaque, chap. XIX-XX, PG 34, 1049 A ; traduction française sous le titre Les moines du désert, Paris 1981 (Desclée de Brouwer, coll. « Les Pères dans la foi ») chap. 18, p. 64). Au sujet de l'emploi du terme 'antitype' par certains Pères, Saint Jean Damascène écrit ceci : « Si certains ont appelé le pain et le vin antitypes du corps et du sang du Seigneur, comme le disait le grand Basile, ils ne l'appelaient pas ainsi après qu'il ait été sanctifié, mais avant la sanctification de cette offrande. » (Exposé de la foi orthodoxe IV, 13, PG 94, 115 C). Cf. K. Dy obouniotis, Les mystères de l'Eglise orthodoxe d'Orient (Athènes, 1913), pp. 97-98. - . Par la sainte communion, c'est le Christ qui vient s'unir à quiconque la reçoit et acquiert ainsi réellement la vie et la connaissance du Christ. - Homélie IV, 11 (PG, 480 D) : Le Seigneur, « dans sa bienveillance indicible et dans sa bonté inconcevable, se transforme, se diminue et se rend assimilable en venant s'incorporer aux âmes fidèles saintes et dignes, afin que l'Invisible puisse être vu d'elles et que l'Intouchable puisse être touché selon la subtilité de l'âme, et qu'ils puissent percevoir la douceur et la bonté de la Lumière et qu'ils puissent jouir par cette expérience de la jouissance ineffable. » Saint Macaire écrit encore que « le Seigneur ne connaît ni limite ni explication. Personne ne peut saisir Dieu ni le mesurer, si ce n'est ceux qui en ont goûté, qui l'ont reçu et qui reconnaissent leur propre faiblesse. » - Homélie XXVI, 17 (PG, 685 BC). - . «  Le goût de Dieu «  est la voie qui conduit à la véritable connaissance de Dieu – De l'amour 2-3 (PG, 909 AB) -, à la connaissance du Christ. Sans communier à l'Eucharistie et sans recevoir le corps du Christ, il n'est pas possible de connaître le mystère de sa Personne divino-humaine. Mais c'est ainsi que Lui, le Crucifié et le Ressuscité, Lui qui est « la Sagesse et la puissance de Dieu », est aussi « folie pour les Grecs ». - 1 Cor. 1, 24 et ibid., 1-2 (908 C-909 A). - . Et cependant, le « mystère parfait du christianisme » ne peut être reconnu que par l'expérience – De la liberté de l'intellect 21 (PG, 956 A). Cf. De l'amour 21, 23 (PG, 925 CD). De l'exaltation de l'intellect 18 (PG, 901 D-905 D). Homélie XVII, 12 (PG, 632 AB). De l'amour 12 (PG, 920 A) -, dans la réalité du corps du Christ, dans la divine Eucharistie. « Car le christianisme est nourriture et boisson, et plus on s'en nourrit, plus l'intellect désire sa douceur, car il ne peut connaître de satiété, il ne peut se rassasier, il désire encore en manger sans pouvoir être assouvi. » - Homélie XVII, 13 (PG, 632 C). Cf. Homélie XIV, 3 (PG, 472 C). - . Uni au Christ dans la sainte Eucharistie, le fidèle le prend comme critère de la connaissance et de la vérité. Au lieu de l'homme nu, c'est le Dieu-homme qui devient le critère de la connaissance. Lorsque l'intellect, cet « œil de l'âme », ne fait plus qu'un seul esprit avec notre Seigneur Jésus Christ – 1 Cor. 6, 17 -, alors il devient capable de discerner entre le bien et le mal, de discerner la vérité du mensonge. - De la garde du cœur 6-7 (PG, 825 A). Cf. Homélie VI, 3 (PG, 520 D) : « Il faut mettre beaucoup de soin pour pouvoir distinguer les pensées étrangères venant de la puissance ennemie. » Cf. De l'exaltation de l'intellect 13 (PG, 901 B-D), De la perfection dans l'Esprit 13 (849 D-852 A). Homélie XIV (PG, 573 C). - . Seuls les parfaits sont capables d'y parvenir – Cf. Héb. 5, 14 et De la liberté de l'intellect 27 (PG, 960 C ) -: devenue «  tout entière œil » et « tout entière lumière », capable de voir les limites du bien et du mal, leur âme sait discerner le pur de l'impur – Homélie I, 24 (PG, 452 A-453 C). Cf. Homélie IV, 4 (PG, 476 A) - , le divin du diabolique. - De la patience et du discernement 13 (PG 876 BD). Cf. Homélie XXXIV, 1 (PG, 744 C). Apophtegmes (240 B). - . «  Ceux qui possèdent en leur propre intellect l'illumination » du Christ sont capables d'apercevoir toute la subtilité de l'action de Dieu et de Satan dans l'âme de l'homme – Homélie XV, 49 (PG, 609 B) – et d'y percevoir « la subtilité de la méchanceté » - De la patience et du discernement 18 (PG, 880 C) -, « toute la subtilité de la malice. » - Homélie L, 4 (PG, 820 B). - . Il convient donc que « ceux qui ont le souci d'obtenir le mieux possible la vie du Christ fassent porter préalablement toute leur attention en permanence sur la partie de leur âme qui est capable de comprendre, de discerner et de diriger, afin que s'étant exercés au discernement du bien et du mal – Héb. 5, 14 – et qu'ayant fait la différence entre la pure nature et les pensées contre nature qui s'y sont introduites, ils puissent vivre sans trébucher, usant comme de la vue de leur faculté de discernement, devenus capables de ne laisser aucune opportunité aux occasions de malice ». - De l'exaltation de l'intellect 3 (PG, 892 B). - . «  Une longue lutte est nécessaire, ainsi que de peiner en secret et invisiblement pour scruter nos pensées et mettre à nu les perceptions ressenties par nos âmes en vue du discernement du bien et du mal  - Héb. 5, 14 - ; il faut sans cesse rendre leur vigueur aux membres affaiblis de notre âme en les forçant à se tourner vers Dieu, et que notre intellect s'attache toujours au Seigneur afin de ne plus faire avec Lui qu'un seul esprit, selon les paroles de l'Apôtre Paul. » - 1 Cor. 6, 17 et De la garde du cœur 6 (PG, 825 A). De la perfection dans l'Esprit 13 (PG, 849 D). Lettre (PG, 429 B). De la patience et du discernement 13 ( PG, 876 B). De la liberté de l'intellect 27 (PG, 960 C). - . Saint Macaire a enfin écrit aussi les lignes suivantes : « Ceux qui veulent accomplir leur vie chrétienne avec exactitude doivent avant tout apporter tous leurs soins, avec la plus grande énergie, à la faculté d'intelligence et de discernement qui est dans leur âme. C'est en effet en acquérant un exact discernement du bien et du mal, en distinguant toujours de la nature en sa pureté les passions contraires à la nature, que nous pourrons mener une vie droite et sans détours. Utilisant ainsi la faculté de discernement à la manière d'un œil, nous pourrons rester sans aucun lien et sans aucun mélange avec les suggestions du mal ; c'est alors que nous serons jugés dignes de recevoir les dons de Dieu, et nous serons dignes du Seigneur. » - Homélie IV, 1 (PG, 472 D). - . Selon l'économie déterminée par le Christ pour la constitution de la personne humaine, le degré ultime de la déification appartient à la Révélation du christianisme. Ce qui vaut pour la personne de l'homme vaut aussi pour sa connaissance : la restauration de la personne humaine apparaît comme le degré ultime de la déification. Lors de cette restauration, l'âme qui est devenue conforme à l'image de Dieu durant cette vie terrestre, transfère cette image de Dieu jusque dans son corps ; C'est ainsi que le Saint peut prononcer ces paroles très caractéristiques : « Chez les Saints, l'icône de l'Esprit, créée à l'image de Dieu, est comme imprimée dès maintenant à l'intérieur de nous, et leur corps créé à l'image de Dieu sera achevé extérieurement comme corps céleste. » - De la liberté de l'intellect 25 (PG, 957 C). - . Et il ajoute même que « ce que l'âme a maintenant thésaurisé en elle-même sera alors révélé et paraîtra à l'extérieur du corps. » - Homélie V, 8 (PG, 513 B). De la patience et du discernement 29 (PG, 889 A) ; De l'exaltation de l'intellect 2 (PG, 892 A). Homélie II, 5 (PG, 468 B). - . «  Ce qu'elle possède maintenant passera alors à l'extérieur du corps. » - Homélie V, 9 (PG, 513 C). - . «  L'Esprit de la Divinité, qu'ils ont été jugés dignes de recevoir dès maintenant, deviendra leur beauté totale et éclatante et leur splendeur céleste. » - Ibid. (PG, 513 D). Cf. ibid. 10 (PG, 516 AB). - . Lors de la résurrection, la vie de Jésus-Christ se manifeste « en toute chair mortelle ». - Homélie V, 8 (PG, 513 A). - . Le Christ accorde au corps la divinité et l'éternité, pour rétablir l'équilibre idéal entre l'âme et le corps. «  Le feu céleste de la Divinité, ce feu que les chrétiens ont reçu au-dedans dès maintenant de leur cœur, en ce siècle, ce feu qui à présent exerce son office à l'intérieur du cœur, s'extériorise quand le corps se dissout, pour en recomposer les membres, produisant la résurrection de ces membres dissous. » - Homélie XI, 1 (PG, 544B). - . Ce feu divin est une « puissance de résurrection » - Homélie XXV, 10 (PG, 57 D) - , car c'est lui qui « ressuscite et renouvelle les corps désagrégés ». - Homélie XI, 1 (PG, 545 A). Cf. ibid. 2-3 (PG, 545 BD). - . «  Lors de la résurrection, tous les membres ressuscitent, pas un cheveu ne périra et tout deviendra lumineux. » - Luc 21, 18 et Homélie XV, 1 (PG, 581 C). - . * Non seulement la personnalité de l'homme n'est pas appelée à périr, mais elle doit ressusciter en une merveilleuse plénitude. C'est ce que dit Saint Macaire : « Pierre reste Pierre, Paul reste Paul et Philippe reste Philippe, chacun restant dans sa propre nature et dans sa propre hypostase, empli par l'Esprit. » - Ibid. - . Les corps des Saints passent par des transformations, celles par lesquelles est déjà passé le corps de notre Seigneur Jésus-Christ : «  De même que le corps du Seigneur, lorsqu'il alla sur la montagne, fut glorifié et transformé en gloire divine et en lumière infinie – Mat. 9, 1 sq - , de même les corps des Saints seront transformés et resplendiront. C'était alors la gloire intérieure du Christ qui avait transformé tout son corps et l'avait fait briller ; de même, au dernier jour, la vertu du Christ, que les Saints possèdent déjà au-dedans d'eux-mêmes, se répandra au-dehors sur leurs corps. Ils participent déjà maintenant dans leur intellect à son être et à sa nature. Il est écrit en effet:Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés ont la même origine – Héb. 2, 11-, et aussi : La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée. - Jean 17, 22 -. De même que d'un feu unique on peut allumer beaucoup de lampes, ainsi les corps des Saints, qui sont membres du Christ – 1 Cor. 6, 15 -, doivent devenir ce qu'est le Christ. - Homélie XV, 38 (PG, 601 BC). Cf. Homélie XXXII, 3 (PG, 736 B). - . Comme ils ont été divinisés par la Grâce du Christ, corps et âmes, tous les Saints « sont transformés en la nature divine (c'est-à-dire la Grâce divine), devenant Christ, et dieux, et enfants de Dieu. » - Homélie XXIV, 2 (PG, 745 B). - . C'est ainsi que la personnalité divino-humaine atteint à son but final, c'est ainsi que l'âme et le corps de l'homme deviennent dans leur intégralité conformes à l'image de Dieu et que la béatitude éternelle de la personne en arrive à sa plénitude en Christ par sa divine Grâce et à une vie et à une connaissance atteignant à l'image de Dieu. CONCLUSION Analysant les données psychologiques et gnoséologiques de la personnalité humaine, Saint Macaire l'Egyptien montre que l'homme, avec sa nature, sa structure et son activité psycho-physique, surpasse les limites du monde matériel, surpasse les limites du temps et de l'espace. Cette infinitude de la personnalité humaine inclut en elle-même deux potentialités : celle du progrès vers le bien, - mais aussi celle du progrès vers le mal – car le même homme peut s'y accroître sans mesure. Non seulement l'aide et la Grâce de Dieu sont indispensables à l'homme à tous les stades du développement de sa personnalité et de sa connaissance, mais c'est la présence même de Dieu qui est exigée, car il est devenu un homme et il a assumé notre chair, réalisant ainsi dans la réalité un exemple parfait de la personnalité parfaite, avec une connaissance qui est réellement d'une perfection infinie. L'analyse ascétique et psychologique qu'il fait de la personnalité humaine conduit Saint Macaire à démontrer que le Dieu-homme, le Christ, est pour l'homme la Personne indispensable. Tel que nous l'avons exposé, l'enseignement de notre Saint conduit à la conclusion qu'il n'est pas possible de parvenir à la solution de ce mystérieux problème que nous posent la personnalité et la connaissance de la personnalité humaine autrement que par une union selon la Grâce avec la Vérité tri-Hypostatique, c'est-à-dire avec le Dieu trinitaire. Depuis ce commencement énigmatique jusqu'à son aboutissement non moins mystérieux, la personnalité se dirige vers la Divinité trinitaire. Comme elle s'est décomposée à cause du péché et qu'elle s'est précipitée dans la terreur souterraine du mal, cette personnalité qui avait été créée à l'image de Dieu souffre et gémit. En merveilleux connaisseur de la nature humaine qu'il est, Saint Macaire découvre qu'à tous les stades du péché, la personnalité humaine est fondamentalement théocentrique et christocentrique, et qu'elle ne saurait trouver sa signification et sa plénitude que dans une union avec notre Sauveur, le Dieu-homme, le Christ. Pour autant, le contenu et le mode de cette union sont de caractère spirituel, et elle ne peut être obtenue que par la libre collaboration de l'homme avec la Grâce de l'Esprit Saint ; sans donc rien présenter de commun avec l'enseignement panthéiste des Stoïciens. Nous l'avons vu, l'union de l'âme humaine avec le Christ est le fruit, selon l'enseignement de Saint Macaire, de l'action du Saint Esprit, dont sont privés tant les Stoïciens, mais aussi tous ces coryphées parmi les philosophes « du dehors », que furent Platon, Socrate et Aristote. Pour une union dans la Grâce, la Personnalité historique du Dieu-homme, le Christ, est indispensable, comme la collaboration active du Saint Esprit et de Dieu le Père, mais aussi la libre participation de l'homme. L'enseignement que délivre Saint Macaire concernant la personne humaine et sa connaissance est par conséquent un enseignement tout entier chrétien et mystique, c'est-à-dire un enseignement plein de grâce. Son enseignement sur la personne humaine d'avant la chute n'est rien d'autre qu'un commentaire profondément mystique et une justification des anthropologies de Moïse et de l'Apôtre Paul. Son amartiologie se fonde sur l'amartiologie de Paul. Son enseignement sur le péché des ancêtres est identique à celui de Saint Athanase et de Saint Grégoire de Nysse. - Cf. J. Stiglmayr, op. Cit. p. 68. - . Son enseignement sur le renouvellement de l'homme en Christ et sur la synergie entre la Grâce et la libre volonté de l'homme présente un caractère purement ecclésiastique. En particulier, comme Barsov le souligne, cet enseignement présente une importance « classique », car il coïncide pleinement avec l'enseignement sur la Grâce de l'Eglise orthodoxe d'Orient. - Essai sur l'histoire de la prédication, « Foi et Raison »), p. 740 (en russe). Cf. P.S. Kazansky, Saint Macaire d'Egypte (en russe), pp. 125-146. S. Zarin, op. Cit., II, p. 392. - . Saint Macaire trace un tableau si vivant et si réaliste de la psychologie de l'homme, qui est dominé par le péché et que la Grâce fait renaître, il en propose une analyse si complète et si détaillée que Barsov a pu proclamer qu'il a été le premier psychologue chrétien. - Ibid., p. 678. - . L'enseignement qu'il donne sur la divinisation de la personnalité humaine est substantiellement le même que l'enseignement des autres Pères, même s'il est plus individuel parce que plus vécu et plus personnel. Le contenu de son enseignement sur la divinisation dépend de l'enseignement antérieur sur le même point des Apôtres Pierre et Paul. Il en crée d'ailleurs la terminologie en accord avec la conception du Nouveau Testament sur la restauration et le Salut de la personne. Il faut rechercher la justification de l'emploi d'une telle terminologie dans le fait qu'à cette époque l'Eglise n'avait pas encore déterminé dans ses conciles oecuméniques une terminologie corrigée. Son enseignement sur la connaissance dépend organiquement de son enseignement sur la personne. Ses écrits fournissent une justification mystique de l'affirmation principale de la gnoséologie chrétienne, c'est-à-dire que c'est bien l'union selon la Grâce avec la Vérité qui assure la connaissance de la vérité, car cette connaissance est le fruit d'une renaissance de la personnalité par la Grâce. La croissance et le progrès de la connaissance sont toujours proportionnels à la croissance et au progrès dans la sainteté ; Le Saint connaît parfaitement la Vérité, le Christ. Qui a moins de sainteté le connaît moins, et qui a très peu de sainteté le connaît très peu. On admettra qu'il ne faut pas rechercher dans l'enseignement de Saint Macaire un système dogmatique entier, car il se fonde sur son expérience personnelle, et ce n'était d'ailleurs pas le but de ses écrits. Bien qu'il soit très personnel, son enseignement reste cependant « entièrement ecclésiastique » - J. Popov, La justification mystique de l'ascétisme dans les œuvres de Saint Macaire l'Egyptien, (en russe), p.553 - , c'est l'enseignement d'un « enfant fidèle de l'Eglise ». - N. Barsov, op. Cit., p. 744. - . Ses opinions dogmatiques embrassent substantiellement les principes fondamentaux de l'Eglise orthodoxe d'Orient à cette époque, et sous ce rapport, il rappelle les hommes qui ont été inspirés par le même esprit, tels que Saint Jean Chrysostome. - Th. Förster, Makarius von Aegypten, p. 445. Cf. p. 489. Cf. A. Bronzov, Le bienheureux Macaire d'Egypte (en russe), (1899), t. 1. - . Les chrétiens orthodoxes et les moines ont été formés des siècles durant en accord avec cet enseignement, et cette tradition spirituelle est présente jusque de nos jours dans l'Orthodoxie entière. S'il fallait que nous donnions un bref résumé de l'enseignement de Saint Macaire, nous ne pourrions mieux faire que de le caractériser comme un empirisme mystique chrétien, comme un hésychasme plein de Grâce. Sa gnoséologie est bien celle du Nouveau Testament, elle est biblique, et c'est en cela que consiste la différence qui la distingue des gnoséologies extérieures au christianisme, qui sont fondamentalement humaines. * Par l'usage qu'en a fait notre mystique chrétien, l'empirisme plein de grâce comme méthode de connaissance permet à l'homme d'acquérir la justification mystique du dogme du Dieu trinitaire, tri-hypostatique, et de ce fait même, la justification mystique de la personne humaine. C'est une telle justification qu'avait acquise le « philosophe de l'Esprit Saint », le « dieu terrestre » - Cf. Apophtegmes 32 (PG, 253 B) : «  On dit d'Abba Macaire le Grand qu'il était devenu, comme il est écrit, un dieu sur la terre » - , comme on appelait Saint Macaire, lui qui montrait et démontrait par sa sainte personne la vérité centrale de son enseignement, selon lequel dans l'âme purifiée, « la Sainte Trinité vient résider ». II ème PARTIE LA GNOSEOLOGIE DE SAINT ISAAC LE SYRIEN Introduction Dans la philosophie européenne, l'homme apparaît comme plus ou moins morcelé. Nulle part on ne le rencontre dans sa totalité, dans sa plénitude et dans son intégrité ; il s'y trouve toujours divisé par parties ou par fragments. Il n'existe aucun système philosophique pour lequel l'homme soit indivisible. Aucun penseur n'a jamais pu en rendre compte dans sa totalité. D'une part le pur réalisme concentre et circonscrit l'homme dans ses sensations, et par l'intermédiaire des sensations, dans la matière, et c'est ainsi que l'homme ne s'appartient plus, mais se trouve dissipé dans les choses. Mais d'autre part le rationalisme sépare l'homme de son intellect, car il considère celui-ci comme la source première de la vérité, comme l'étalon suprême de toute mesure, et c'est à cet intellect qu'il attribue toutes les valeurs, c'est-à-dire qu'il l'absolutise pour en faire une idole, cependant qu'il sous-estime et méprise toutes les autres facultés psychologiques de l'homme. Le cri ticisme est par ailleurs en essence une apologie du rationalisme et du sensualisme qui aboutit finalement à circonscrire l'intellect – et avec lui l'homme en son intégralité, - dans ses sensations. Le panthéisme lui aussi, comme tous les systèmes monistes, considère l'homme et le monde comme une totalité composée des oppositions les plus contradictoires qui échouent à constituer une unité logique. Ces systèmes n'aboutissent tous qu'à une connaissance du monde et de l'homme limitée aux apparences, à la surface, aux phénomènes. Tel que le voit d'ailleurs la philosophie des phénomènes, qui est toujours une philosophie relativiste, l'homme reste privé d'axe, de centre. Sur quoi le monde est-il fondé ? Sur quoi se fondent l'homme, son intellect, sa connaissance ? L'homme s'efforce de s'expliquer lui-même par l'intermédiaire des choses, mais en s'expliquant lui-même par les choses, l'homme devient lui-même chose et manière. De quelque manière qu'il s'y prenne et quels que soient les efforts qu'il déploie, l'homme de la philosophie des phénomènes n'est pas en situation de porter témoignage en faveur de la réalité objective des êtres, moins encore de démontrer que les choses contiennent la vérité ; Dans tout l'effort qu'elle déploie pour expliquer l'homme par l'homme, la philosophie commet le contresens paradoxal de réfléchir le miroir dans le miroir : en dernière analyse la philosophie reste centrée sur la matière et sur l'homme dans toutes les dimensions. Finalement elle témoigne de l'impossibilité d'une connaissance véritable de l'homme et du monde. Un tel aboutissement incite cependant l'esprit philosophique de l'homme à se forger des conceptions qui aillent au-dessus de la matière et au-delà de l'homme. C'est ainsi que l'homme fait un bond dans « l'au-delà de la matière » par le moyen de l'idéalisme. Mais le résultat de ce bond est le scepticisme, car l'idéalisme philosophique considère l'homme comme une réalité qui dépasse 'expérience, une réalité qu'on ne saurait ni montrer ni démontrer. Dans son tragique destin, l'homme de la philosophie relativiste démontre la transcendance de la vérité pour la matière comme pour l'homme. Il subsiste un abîme infranchissable entre l'homme et la vérité : l'homme se trouve de ce côté-ci de l'abîme, sur cette rive, et tout embarrassé reste incapable de passer sur l'autre rive et de se révéler dans le merveilleux visage du Dieu-homme, le Christ. C'est dans le Christ que la Vérité transcendante devient immanente (ésotérique) pour l'homme. Le Dieu-homme démontre la Vérité en ce qu'il se révèle en Lui-même et par Lui-même.De cette manière, il la démontre par sa Personne vivante : non seulement il possède la vérité, mais il est la Vérité en Lui Etre et Vérité sont équivalents. Aussi peut-il déterminer par sa Personne tant la Vérité que la méthode qui vaut pour la connaissance de la vérité : quiconque demeure en Lui, connaîtra la Vérité, et la Vérité le libérera du péché, du mensonge et de la mort. - Jean 8, 32. - . Dans la Personne du Dieu-homme, Dieu et l'homme se trouvent indissolublement réunis : l'intellect de l'homme ne disparaît pas, il est régénéré, purifié, sanctifié, approfondi, divinisé et devient capable de connaître les vérités divino-humaines de la vie. C'est dans le Dieu-homme que la Vérité universelle et absolue nous est offerte, réellement et hypostatiquement, sans la moindre lacune. Voilà pourquoi Lui seul dans le genre humain peut posséder et offrir dans son intégralité la connaissance de la Vérité. Dans l'homme qui désire obtenir la connaissance de la Vérité, il suffit que le Dieu-homme s'incarne pour que cet homme Lui devienne consubstantiel, membre de son Corps divino-humain – qui est l'Eglise. - Eph. 5, 30 ; 3,6 -. Réussit-il cet exploit, c'est pour acquérir l'intellect du Christ, - 1 Cor.2, 16 -, alors il peut penser en Christ, vivre en Christ, percevoir en Christ, et c'est de cette manière qu'il peut parvenir à une connaissance globale de la Vérité. Pour l'homme qui se trouve dans le Christ, les antinomies de la logique ne représentent pas des contradictions insurmontables, ce sont seulement des failles provoquées par le séisme qu' a été le péché de nos ancêtres. Dès lors qu'il s'est uni au Christ, l'homme ressent que ces failles sont effacées, que son intellect a guéri, qu'il a retrouvé son intégrité, qu'il est redevenu sain, et c'est ainsi qu'il devient capable d'une connaissance intégrale. La Vérité nous a été offerte objectivement dans la Personne du Dieu-homme, le Christ. C'est chez les Saints Pères, ces philosophes évangéliques, saints et expérimentaux, que nous pouvons trouver, développé, le mode de son appropriation subjective, c'est-à-dire la méthodologie de la connaissance chrétienne. Parmi eux, le grand ascète et saint, Isaac le Syrien, occupe l'une des premières places. Dans ses écrits, Saint Isaac suit et décrit, avec une rare connaissance expérimentale, l'enseignement qui concerne le processus de guérison et de purification des organes humains de la connaissance, de même que le progrès de la personne humaine dans la connaissance et dans l'ascension organique vers l'acquisition empirique de la Vérité éternelle. Dans cette philosophie de l'expérience dans la Grâce de Saint Isaac le Syrien, les principes et la méthodologie de la connaissance chrétienne ont trouvé l'une de leurs plus parfaites expressions. Je tenterai de donner un aperçu schématique de cette gnoséologie. CHAPITRE PREMIER LA MALADIE DES ORGANES DE LA CONNAISSANCE La connaissance tire son caractère de l'organisation, de la nature et de la constitution des oragens gnostiques. A tous ses stades, la connaissance en dépend organiqueent. L'homme n'est pas le créateur de la Vérité, et c'est pourquoi la pratique de la connaissance est une pratique de l'appropriation d'une Vérité déjà objectivement offerte. Cette appropriation présente un caractère organique : elle est semblable à une greffe faite sur le cep de la vigne et à la vie du greffon sur son cep et par son cep – Cf. Jean 15, 16 – au point que la connaissance se présente comme le fruit de l'arbre de la personnalité. Quelle que soit l'espèce de l'arbre, le fruit est de la même espèce ; quelle que soit la qualité des organes de la connaissance, la connaissance possède la même qualité. Scrutant l'homme jusque dans ses sonnées empiriques, Saint Isaac le Syrien constate que ses organes de connaissance souffrent de maladie. «  La méchanceté est une faiblesse de l'âme » et simultanément de l'ensemble des organes de la connaissance. - Lettre 4, p. 380. Les œuvres ascétiques retrouvées de notre Père parmi les Saints, Isaac le Syrien, éd. Nicéphore du monastère de la Théotokos, Leipzig 1770, réimpression par les soins de Joachim Spetsiéris, Athènes 1895. Toutes les notes se rapportent à cette édition. - . La méchanceté possède ses propres perceptions – ce sont les passions -, « et les passions sont une maladie de l'âme. » - Ibid. Discours 83, p. 317. - . Le mal et les passions ne relèvent pas de sa nature, ce sont des adjonctions, des éléments surajoutés, survenus comme des intrus dans la nature – ibid. - ; pour l'âme ils représentent une addition contre nature. - Discours 82, p. 314, 315. - . Que sont les passions en elles-mêmes ? Elles sont « comme une substance dure ». - Discours 69, p. 271. - . Ce sont les choses de la vie qui sont la cause des passions. - Discours 6, p. 32. - . Les passions sont : « le désir de la richesse, l'avidité des choses, les plaisirs du corps, la soif des honneurs, l'amour du commandement, l'orgueil des apparences du pouvoir, la coquetterie et la vanité, l'opinion des hommes et la crainte du corps. » -Discours 30, p. 132. - . Toutes ces passions ont un nom qui les embrasse toutes : le monde. - Ibid., p. 131. - . «  Le monde est la conduite charnelle et l'orgueil de la chair. » - Discours 30, p. 132. - . Les passions sont des assauts que le monde lance contre l'homme par l'intermédiaire des choses de ce monde : la Grâce divine est la seule puissance qui soit capable d'en repousser ces assauts. - Discours 38, p. 164. - . Lorsque les passions font leur gîte en l'homme, elles déracinent son âme – Discours 26, p. 112 -, elles éprouvent l'intellect et y impriment – Discours 56, p. 227 – des images fantastiques, des idoles et des désirs, et c'est pourquoi les pensées aussi sont aussi troublées par les imaginations. «  Le monde est une prostituée » - Discours 85, p. 329 – qui, par les désirs corrompus de l'âme l'envoûte, corrompt sa sagesse, tenverse la pureté que lui avait donnée Dieu ; C'est ainsi que l'âme devenue impure, prostituée, engendre une connaissance impure. L'âme malade, l'intellect qui souffre, le cœur et la volonté atteints, en un seul mot les organes souffrants de la connaissance, ne peuvent engendrer, créer et produire que des pensées malades, des perceptions malades, des désirs pervertis et une connaissance malade. CHAPITRE II LE RETOUR A La SANTE DES ORGANES DE LA CONNAISSANCE Saint Isaac fixe avec clarté son diagnostic de la maladie de l'âme et des organes de la connaissance, et c'est avec la même clarté qu'il en préconise le remède, qu'il recommande avec fermeté et confiance. Puisque les passions sont la maladie de l'âme, c'est en se purifiant des passions et du mal que l'âme peut être guérie. - Discours 86, p. 354. - . De même que les passions sont sa maladie, les vertus sont la santé de l'âme. - Discours 83, p. 317. - . Les vertus sont les remèdes qui éloignent graduellement les maladies de l'âme et des organes de la connaissance ; ce processus s'affermit et s'élargit et demande beaucoup de combats et de patience. - Discours 38, p. 164. - . Enivrée par les passions, l'âme peut se débarrasser de cette ivresse grâce aux vertus et recouvrer sa santé. - Cf. ibid., p. 165. - . Les vertus contiennent « des tristesses liées avec elles «  et des épreuves. - Discours 37, p. 161. Saint Isaac dit que chaque vertu est une croix. - Discours 19, p. 73. - . Il dit aussi que la gêne et l'épreuve sont la cause des vertus. - Discours 27, p. 119. - . C'est pourquoi il conseille que l'homme aime avant tout la gêne et la tristesse, car c'est ainsi qu'il pourra se délivrer des choses de ce monde et que son intelligence pourra se délivrer de son tumulte. Il faut en effet que l'homme « se délivre » d'abord de la matière afin de pouvoir être engendré par Dieu ; c'est cela l'économie de la Grâce – Discours 1, p. 5 et 2 -, et il en est de même pour l'économie de la connaissance. Mais si l'homme entreprend de soigner et de guérir son âme, il lui faut avant toute chose bien examiner ce qu'est son être, il faut qu'il apprenne à y discerner le bien du mal, ce qui est de Dieu et ce qui est du Diable ; en effet « le discernement est plus grand que toute vertu. » - Discours 7, p. 33. Cf. Discours 26, p. 109 - ; en effet « le discernement est plus grand que toute vertu. » - Discours 7, p. 33. Cf. Discours 26, p. 109. - . L'acquisition des vertus est un processus progressif et organique : les vertus se succèdent l'une à l'autre, l'une procédant de l'autre – Discours 46, p. 190 -, l'une engendrée par l'autre. «  Chaque vertu en effet est la mère de la suivante. » - Discours 68, p. 27. - . Les vertus observent un ordre qui n'est pas seulement ontologique, mais aussi chronologique. Parmi elles toutes, c'est la foi qui vient en premier. a) la foi C'est par l'exercice de la foi que commence la guérison et le retour de l'âme des passions à la santé. Sitôt que la foi a commencé à prendre une hypostase en l'homme, les passions commencent à être déracinées de l'âme. Mais « tant que l'âme n'a pas acquis l'ivresse dans sa foi en Dieu, pour avoir reçu la puissance de sa perception », elle ne peut ni être guérie de ses passions ni « fouler aux pieds la matière ». -Discours 1, p. 2. - . Dans l'exercice de la foi, le côté négatif consiste à ce que l'âme soit délivrée de la matière qui apporte le péché, cependant que l'aspect positif consiste à ce qu'elle se trouve unie à Dieu. - Cf. Discours 23, p. 90. - . L'âme qui s'est laissée disperser par ses perceptions dans les choses de ce monde, se recentre par l'ascèse de la foi, elle pratique le jeûne des choses et demeure tout entière continuellement dans la perception de Dieu. C'est là le fondement de tous les biens. - Cf. Discours 26, p. 109. - . La caractéristique principale du progrès dans la vie spirituelle est que l'on se délivre de l'asservissement à la matière qu'apporte le péché. - Discours 34, p. 150. - . C'est la concentration des pensées en Dieu qui représente le principe de cette nouvelle voie de la vie, c'est « de toujours appliquer son intellect aux paroles de Dieu et de peiner dans la pauvreté. » - Discours 1, p. 2. - . Dispersée dans les passions, c'est par la foi que l'intelligence est recentrée, délivrée des choses sensibles pour recouvrer la paix et la sérénité des pensées. - Discours 5, p. 23. Cf. Discours 1, p. 3. - Lorsqu'elle vit par les sensations dans le monde du sensible, l'intelligence est malade. - Discours 25, p. 106. - . Par la foi elle s'évade de la prison de ce monde, où elle suffoquait sous l'effet du péché, pour pénétrer dans « le siècle nouveau », où elle va respirer de nouveau une nouvelle atmosphère merveilleuse. - Discours 15, p. 54. - . « Le sommeil de l'intelligence » est aussi dangereux que la mort, et c'est pourquoi l'intelligence doit par la foi s'éveiller au labeur spirituel -Discours 26, p. 115 -, par lequel l'homme pourra remporter la victoire sur lui-même, chassant de lui-même les passions. -Discours 26, p. 111. - . «  Chasse-toi toi-même et ton ennemi sera chassé loin de toi. » Dans l'exercice de la foi il est profitable à l'homme d'agir toujours en accord avec cette antinomie de la foi qui surpasse l'esprit : «  Deviens comme mort durant ta vie et tu vivras après la mort. » - Discours 44, p. 184. - . C'est par la foi que l'intelligence trouve sa guérison, qu'elle recouvre sa santé et sa sagesse : l'âme devient sage lorsqu'elle n'est plus « impudemment tournée vers les pensées inconvenantes. » - Discours 1. pp. 3-4. - «  L'amour du corps est le signe du manque de foi. » - Discours 26, p. 116. - . La foi délivre l'intellect des catégories du sensible pour le rendre sobre par le jeûne, l'étude de Dieu – Ibid., p. 109. Cf. Discours 38, p. 165 -, et la veille. - Discours 29, p. 125. - . C'est le manque de retenue, c'est l'alourdissement du ventre, qui troublent l'intelligence – Discours 34, p. 147 -, en la dispersant parmi des plaisirs imaginaires et passionnés. « La connaissance de Dieu ne demeure pas en un corps ami du plaisir. » -Discours 56, p. 223. - . De la semence jetée par le jeûne germe la tige de la sagesse exactement de la même manière que « l'intempérance naît de la satiété et l'impureté naît de la satisfaction. » - Discours 69, p. 272. - . Les pensées et les désirs charnels provoquent chez l'homme le feu de l'agitation ; le remède consiste à ce que son esprit soit entièrement baptisé dans l'océan des mystères des Ecritures. - Discours 1, p. 4 - . Sans dépouillement, l'âme ne peut pas être délivrée du trouble de ses pensées, et sans l'hésychia des perceptions, elle ne peut ressentir « la paix de l'intelligence. » -Discours 5, p. 23. - .Les passions obscurcissent les pensées et aveuglent l'intelligence. - Discours 26, p. 111. - . Le trouble des pensées est produit par la gastrimargie. - Discours 56, p. 221. - . La pudeur et la crainte de Dieu contiennent le trouble de l'intelligence ; la balance de l'intelligence est faussée en proportion de l'insuffisance de la pudeur et de la crainte de Dieu, lorsqu'elle devient inconstante et versatile. - Discours 1, p. 4-5. - . La bonne structure de l'intelligence est obtenue par l'observance ( par la « garde ») des commandements du Seigneur – Discours 36, p. 160 – ou bien en supportant la croix et les épreuves -Discours 30, p. 129 - , cependant que les choses de la vie obscurcissent l'intelligence. - Discours 2, p. 10. - . C'est en se concentrant lui-même sur lui-même, que l'homme éveille son esprit à Dieu – Discours 3, p. 14 – et que par l'hésychia il peut purifier son intelligence – Discours 23, p. 93 – et se rendre victorieux des passions. - Discours 41, p. 172. - . Par le silence il rend la santé à son âme, et c'est pourquoi il convient à l'homme de se contraindre au silence, car « une sorte de plaisir est enfanté dans l'âme par la pratique de ce travail. » - Discours 34, p. 149. - . Par le silence, l'homme entre dans la paix des pensées. - Discours 15, p. 55. - . La foi apporte la paix à l'esprit et c'est ainsi qu'elle peut déraciner les pensées qui sans cesse ressurgissent. C'est le péché qui est la cause du trouble et de la guerre que nous font nos pensées, de même que la cause de la guerre que l'homme mène contre le Ciel et contre ses contemporains. « Fais la paix avec toi-même, et tu réconcilieras avec toi le Ciel et la terre. » - Discours 30, p. 127. - Avant d'avoir la foi, l'intellect est dissipé dans les choses de ce monde : c'est par la foi que l'exaltation de l'intellect est vaincue. - Discours 5, p. 21. Cf. Discours 26, 110. - . L'exaltation des pensées provoque le démon de la débauche. - Discours 2, p. 9. Cf. Discours 43, p. 180. - . L'exaltation des yeux est l'oeuvre de l'esprit impur. - Discours 26, p. 112 - . Par la foi, l'intellect est affermi dans la mémoire de Dieu – Discours 5, p. 26 – et c'est pourquoi la voie du Salut est « de toujours se souvenir de Dieu. » - Discours 43, p. 177. - . Comme il en est du poisson hors de l'eau, il en est de même de l'intellect qui sort de la mémoire de Dieu. - Discours 43, p. 177. - . La liberté de l'homme véritable consiste en une libération à l'égard des passions, en une résurrection avec le Christ, et dans la joie de l'âme. - Discours 26, p. 110. - . Chacun peut vaincre les passions avec la seule aide des actes de vertu. - Discours 38, p. 166. Cf. Discours 44, p. 184, Discours 56, p. 230. - . Contre chaque passion, l'homme doit lutter jusqu'à la mort. - Discours 12, p. 49. - . Dans la lutte contre les passions la foi est la première et la plus importante des armes. La foi est la lumière de l'intelligence, c'est elle qui chasse l'obscurité des passions, elle est aussi la force de l'intellect, c'est elle qui éloigne la maladie de l'âme. - Discours 35, p. 155. - . La foi porte en elle-même, non seulement son principe et son être, mais aussi le principe et l'être de toutes les autres vertus divino-humaines, qui se développent organiquement l'une à partir de l'autre, comme les cernes de l'aubier dans un tronc d'arbre. Si la foi a un langage, c'est la prière. b) La prière Par l'exercice de la foi, l'homme remporte la victoire sur son égoïsme ; il sort des limites de son « ego » pour entrer dans une nouvelle réalité, hypersubjective et transcendante. Dans cette nouvelle réalité règnent d'autres lois : l'ancien est passé, tout est devenu nouveau. A mesure qu'il s'enfoce dans les abîmes inconnus de cette nouvelle réalité, l'ascète de la foi est conduit et dirigé par la prière et il peut lui-même voir par l'intermédiaire de la prière, ressentir par l'intermédiaire de la prière et vivre par l'intermédiaire de la prière. Observant l'intellect de l'homme qui chemine dans la voie de la prière, Saint Isaac observe que l'intellect est gardé par la prière et conduit par la prière : par la prière, chaque bonne pensée est transformée en une pensée en Dieu. - Discours 34, p. 151. - . Mais la prière est aussi un exploit difficile, car elle met en jeu toute la personne de l'homme, et l'homme « se crucifie lui-même dans la prière » - Discours 69, p. 272 -, il crucifie ses passions et ses pensées pécheresses, qui sont liées à son âme. « La prière est la mortification des pensées de la volonté de la vie de la chair. » - Ibid. - . « Par la patience de rester dans la prière », l'homme mène un combat très difficile ; c'est le combat qui consiste à « se renier soi-même » - Discours 21, p. 83 -, combat indispensable à l'oeuvre du Salut. La prière est « la source du Salut ». C'est par elle que l'on obtient toutes les autres vertus, « toute l'abondance des biens ». - Discours 49, p. 205. - . C'est pourquoi des tentations monstrueuses viennent faire la guerre à l'homme dans sa prière, des tentations qu'il peut repousser et dont il peut se sauver également par la prière. Le gardien le plus sûr de l'intellect est la prière. - Discours 14, p. 53. - . C'est elle qui dissipe les nuages des passions et qui « illumine » l'intellect. - Discours 35, p. 155. - . C'est elle qui conduit la sagesse jusqu'à l'intelligence. - Discours 85, p. 346. - . La perfection se trouve au point à partir duquel l'homme se rend digne de demeurer dans la prière. - Discours 32, p. 140. - . La prière spirituelle se transforme en un rapt, au cours duquel les mystères de la Sainte Trinité sont dévoilés et l'intellect pénètre dans la sphère de l'ignorance sacrée, qui se trouve « plus haute que la connaissance. » - Discours 35, p. 156 . - . Ouvert par la foi, le retour à la santé des organes de la connaissance se poursuit par la prière. Les limites de la prière sont toujours les mêmes : l'égocentrisme est peu à peu séparé du théocentrisme. c) l'amour « L'amour naît de la prière » - Discours 69, p. 272 - , de même que la prière naît de la foi. Les vertus sont consubstantielles, et c'est pourquoi elles s'engendrent l'une l'autre. L'amour que nous portons envers Dieu nous porte témoignage que les nouvelles réalités auxquelles la foi et la prière introduisent l'homme, sont bien plus élevées que tout ce qui a précédé. L'amour envers Dieu comme l'amour envers l'homme sont l'oeuvre de la foi et de la prière. Le véritable, l'authentique amour de l'homme est chose irréalisable sans la foi et sans la prière. C'est par la foi que l'homme change le monde : du monde fini il passe dans un monde infini, dans lequel il peut vivre non pas en accord avec les lois du sensible, mais selon les lois de la prière et de l'amour. Saint Isaac souligne d'une manière tout à fait particulière cette conviction qu'il a acquise au prix d'une expérience ascétique vécue dans la Grâce, c'est-à-dire que l'amour de Dieu procède de la prière. « L'amour est le fruit de la prière ». - Discours 38, p. 164. Cf. Discours 84, p. 326. - . Par la prière on peut obtenir de Dieu l'amour, et d'une certaine manière on ne saurait l'acquérir sans le labeur de la prière. Et puisque justement l'homme peut acquérir la connaissance de Dieu par la foi et par la prière, l'amour est « le fruit de la connaissance » - Discours 69, p. 272. - . Par la foi, l'homme renie la loi de l'égoïsme, il renie son âme pécheresse. Mais lorsqu'il aime son âme, il hait le péché qu'elle porte en elle. Par la prière il lutte pour remplacer la loi de l'égoïsme par la loi du théisme, les passions par les vertus, la vie selon l'homme par la vie selon Dieu, et c'est ainsi qu'il peut guérir et ramener à la santé son âme qui se trouvait dans le péché. C'est pour ces raisons que Saint Isaac peut enseigner que « l'amour de Dieu se trouve dans le reniement de l'âme. » -Lettre 4, p. 378. - . L'impureté et la maladie de l'âme sont pour elle des adjonctions contre nature, ce ne sont pas des parties constituantes de son être, car « la pureté et la santé sont le royaume de l'âme ». - Ibid. p. 367. - . C'est lorsqu'elle est atteinte par les passions que l'âme est le plus propre à cultiver la haine, cependant qu'il est possible «  de concilier l'amour avec la santé de l'âme. - Discours 81, p. 308. - . L'amour provient de Dieu parce que Dieu est amour ; - 1 Jean 4, 8 - . « Si quelqu'un acquiert l'amour, c'est Dieu qui l'en revêtira. » . - Discours 58, p. 236. - . Dieu ne connaît pas de limite, et c'est pourquoi l'amour est infini et n'admet pas de mesure. - Discours 43, p. 180. - . Quiconque aime par Dieu et en Dieu, aime «  tout le monde à égalité et sans faire de différence ». D'un tel homme, Saint Isaac le Syrien dit qu'il est « parvenu à la perfection. » - Discours 81, p. 308. Cf. Lettre 4, p. 374. - . Et comme exemple de l'amour parfait, il donne celui du Saint Abba Agathon : « Je voudrais trouver un lépreux et lui prendre son corps et lui donner le mien. » - Discours 72, p. 282. - . Au royaume de l'amour, les oppositions antinomiques de l'intelligence s'effacent : l'ascète de l'amour ressent à l'avance l'harmonie paradisiaque en lui-même et dans le monde de Dieu qui l'environne, car par l'exercice de la foi il a pu sortir de la passion de l'égocentrisme et de l'égoïsme pour entrer dans le paradis des valeurs et des perfections divines. Saint Isaac commente : « L'amour de Dieu est un paradis où les Béatitudes sont données en nourriture à tous. » - Discours 84, p. 326. - La géhenne consiste à ne pas posséder l'amour de Dieu, et « ceux qui sont tourmentés dans la géhenne, c'est par le fouet de l'amour qu'ils sont fouettés ». - Discours 85, p. 348. - . Lorsque quelqu'un a acquis l'amour parfait de Dieu, c'est la perfection qu'il l'a acquise. - Lettre 4, p. 387. - Aussi Saint Isaac conseille-t-il : «  Il faut donc tout d'abord acquérir l'amour, qui est la première vision spirituelle de la Sainte Trinité. » - Discours 21, p. 83. - . En se libérant des passions, l'homme se délivre graduellement de la passion de l'égocentrisme, l'homme se délivre graduellement de la passion de l'égocentrisme et de l'égoïsme de l'hominisme et de l'humanisme, de leur anthropocentrisme et de leur « philautie » personnelle, il sort de cette sphère mortelle anthropocentrique pour passer dans le domaine de la Divinité triadique. C'est alors qu'il peut recevoir en son âme la Paix divine, c'est là que les oppositions et les contradictions qui sont créées par les catégories du temps et de l'espace cessent d'être porteuses de mort et que l'homme peut ressentir dans toute sa pureté la victoire qu'il a remportée sur la mort et sur le péché. d) l'humilité La foi possède un mode propre de pensée, car elle a son propre mode de vie. Par la foi, le Chrétien ne fait pas que vivre – 2 Cor. 5, 7 -, il pense aussi par elle. La foi fournit la nouvelle catégorie de pensée par laquelle l'homme qui croit peut réaliser tout un nouveau travail gnoséologique. Cette nouvelle catégorie gnoséologique est l'humilité. Par l'humilité, celui qui pratique l'exercice de la foi méprise chacune de ses pensées. C'est ainsi qu'il peut s'assurer à lui-même la connaissance de la véritable Vérité. Puisant sa puissance dans la prière, l'humilité progresse de croissance en croissance, auxquelles il n'est pas de fin. Saint Isaac enseigne que la prière et l'humilité se trouvent toujours dans une symétrie de réciprocité : c'est par le progrès de la prière que l'humilité peut grandir, et réciproquement. - Discours 21, p. 83. - . L'humilité est cette puissance qui « rassemble le coeur » - Ibid. , p. 84 – sans le laisser s'éparpiller dans des pensées orgueilleuses et des désirs passionnés. C'est le Saint Esprit qui protège et qui soutient l'humilité, et c'est elle qui non seulement rapproche de Dieu le cœur de l'homme, mais aussi Dieu de l'homme. - Discours 56, p. 229. - . En outre l'humilité a été la cause de l'incarnation du Fils de Dieu, de cette si profonde union de Dieu avec l'homme : c'est l'humilité qui «  a fait de Dieu un homme sur la terre. » - Discours 20, p. 76. - .L'humilité est « la parure de la Divinité. Car en se faisant homme, le Verbe s'en est revêtu, et c'est par elle qu'il a vécu parmi nous dans notre corps. » - Discours 20, p. 79. - . L'humilité est cette mystérieuse puissance divine qui n'est donnée qu'aux Saints, à ceux qui sont parfaits dans la vertu, et qui est accordée par la Grâce.L'humilité « inclut en elle toutes les vertus. » - Discours 20, p. 80. Cf. Discours 23, p. 97. Discours 37, p. 160. - .Par la Grâce du Saint Esprit, « les mystères sont révélés aux humbles. » - Discours 20, p. 79. - . C'est pourquoi ils sont parfaits « dans la sagesse » - Discours 43, p. 176. - . «  L'humilité est la source des mystères du siècle nouveau. » - Discours 58, p. 236. - . L'humilité de l'esprit est la sagesse de l'esprit : « Ces deux vertus préparent dans l'âme le gage qui viendra de la Sainte Trinité. » - Discours 81, p. 312. - . La sagesse est le résultat de l'humilité : c'est par l'humilité que l'intellect est guéri et qu'il devient sage. «  La douceur suit en effet l'humilité pour venir la rejoindre, ce qui constitue la sagesse des perceptions. » - Discours 23, p. 93. - . L'humilité orne l'âme de sagesse. - Discours 81, p. 311. - . Lorsqu'il se tourne vers le monde, l'homme qui est humble exprime toute sa personnalité avec humilité. En cela il imite le Dieu incarné. «  De même que l'âme est inconnaissable, et invisible aux yeux de la chair, de même l'homme qui est humble ne peut être remarqué parmi les hommes. » - Ibid. - . Lui en effet « non seulement ne veut ni être vu ni être reconnu par les hommes », mais «  voici quelle est sa volonté : si possible se laver de lui-même par lui-même à l'intérieur de lui-même... être comme quelque chose qui n'existe pas dans la création et qui n'est pas parvenu à l'existence, et même absolument pas reconnu comme existant par sa propre âme. » - Discours 5, p. 28. - . L'homme qui est humble en esprit « s'amoindrit lui-même devant tous les hommes » - Ibid., p. 29 -, mais Dieu l'en glorifie, car «  là où l'humilité fleurit, la gloire de Dieu abonde » - Discours 19, p. 72 -, là l'oeil de la plante de l'âme s'épanouit en une fleur inflétrissable. e) Grâce et liberté La Personne du Dieu-homme, le Christ, représente par Elle-même le modèle idéal de la personne humaine et de sa connaissance. La Personne du Seigneur décrit par Elle-même et détermine toute la justification de la vie chrétienne dans toutes ses dimensions ; Dans le Christ a été réalisée de la façon la plus parfaite qui soit l'union mystique entre Dieu et l'homme et simultanément entre l'oeuvre de Dieu en l'homme et de l'homme en Dieu. La synergie divino-humaine représente la caractéristique essentielle de l'activité chrétienne dans le monde. Ici l'homme coopère avec Dieu et Dieu avec l'homme. - Cf. 1 Cor. 3, 9. - Agissant en lui et autour de lui, le Chrétien engage toute sa personnalité dans ses combats mais il ne le fait et il ne peut le faire avec succès qu'avec la collaboration constante de la puissance divine – c'est-à-dire de la Grâce de Dieu. Sans l'aide de la Grâce de Dieu il n'est aucune pensée que le chrétien puisse penser en accord avec l'Evangile, il n'est aucune perception que le Chrétien puisse percevoir en accord avec l'Evangile, il n'est aucune œuvre que le chrétien puisse réaliser en accord avec l'Evangile. L'homme lui-même offre sa volonté et Dieu apporte sa Grâce, et de leur synergie commune se crée ainsi la personne du chrétien. A tous les degrés de son perfectionnement, la Grâce est nécessaire au chrétien. Personne ne peut faire sienne la vertu évangélique si la Grâce de Dieu ne vient l'y aider, si elle ne lui apporte sa synergie. Tout dans le christianisme est résultat de la Grâce et de la liberté, car tout y est divino-humain. Saint Isaac souligne et met en relief la synergie divino-humaine de la volonté de l'homme et de la Grâce de Dieu dans la vie du chrétien tout entière. La Grâce ouvre les yeux de l'homme au discernement du bien et du mal, « elle confirme son jugement » en Dieu, elle lui révèle l'avenir , «  (elle place en lui la capacité de comprendre ce qui va survenir ») et fait « se lever » en lui la « lumière secrète. » - Ibid. -. Plus Dieu donne à l'homme la Grâce de la foi et plus il lui révèle les abîmes et les précipices du mal qui se trouvent dans le monde et dans les hommes. En même temps il lui envoie une quantité de tentations pour qu'il éprouve la puissance de la Grâce que Dieu lui offre et pour qu'il puisse ressentir et apprendre que c'est seulement par la Grâce qu'il peut remporter la victoire sur les tentations les plus redoutables et les plus fauteuses de scandale. A peine la Grâce aperçoit-elle que dans l'âme de l'homme a commencé à se former la confiance en soi, et sitôt qu'il a commencé à « former de grands desseins au sujet de soi-même », elle s'éloigne de lui afin que les tentations se précipitent sur lui «  jusqu'à ce qu'il ait reconnu sa faiblesse » et «  se réfugie humblement en Dieu. » - Discours 19, p. 73. Cf. Discours 46, pp. 192-193. - . C'est par la synergie de la Grâce de Dieu et de la volonté de l'homme que celui-ci peut grandir par la foi jusqu'à l'homme parfait. -Discours 57, p. 233. Cela se produit graduellement, car la Grâce pénètre « peu à peu » dans l'âme. - Discours 46, p. 193. - . La Grâce est donnée en particulier à ceux qui sont humbles. Plus grande est l'humilité, plus grande est la Grâce. Et dans la Grâce se trouve aussi la sagesse : « les hommes sont rendus sages par la Grâce. » - Discours 26, p. 111. - . Graduellement, la sagesse donnée dans la Grâce révèle à ceux qui sont humbles les mystères l'un après l'autre, et le mystère de la « passion ». C'est alors que les humbles comprennent pourquoi l'homme souffre des passions. La Grâce leur révèle la signification des épreuves. Plus l'homme a de Grâce, plus il subit de passions et de tentations. Mais si par sa négligence et son amour du péché il se prive lui-même de la Grâce, il se prive alors du seul moyen qui lui permettrait de rendre compte et de comprendre les passions et les tentations qu'il subit et de leur donner leur signification. f) La purification de l'intellect. Par la refonte de l'intellect qu'il réussit à obtenir par des ascèses dans la Grâce, l'homme chasse les péchés et les passions de tout son être et des organes de sa connaissance : c'est ainsi qu'il peut guérir ces organes de leurs maladies mortelles et leur restituer leur santé. En même temps que les organes de la connaissance se purifient de leurs péchés et de leurs passions, ils recouvrent leur santé. Surtout le principal organe de la connaissance – l'intellect, - reçoit une attention particulière, car son rôlr est d'une importance décisive dans le royaume de la personne de l'homme. La concentration et la vigilance de la prière ne sont jamais aussi nécessaires que dans le travail de purification de l'intellect ; Dans ce travail, l'ascète de la foi doit ranger en ordre de bataille toutes ses facultés afin d'obtenir un remodelage et une transformation de son intellect par les vertus évangéliques dans la Grâce. Sur ce point Saint Isaac nous transmet les trésors de son expérience. Selon Saint Isaac, l'impureté et la lourdeur de l'intellect proviennent de la gastrimargie. - Discours 8, p. 36. - . C'est pourquoi le jeûne est le premier moyen à utiliser pour la purification de l'intellect. Dans sa constitution naturelle, l'intellect est léger et subtil. - Discours 35, p. 154. - . Sa lourdeur est une situation contre nature que le péché a provoquée. Grâce à la prière, l'intellect «  devient léger et diaphane ». - Discours 9, p. 41. - Par ce travail sur lui-même, l'homme retire de lui-même la dure écorce du péché et c'est ainsi qu'il peut le rendre léger et diaphane. - Discours 9, p. 41 - . . Lorsqu'il s'est remodelé lui-même par les ascèses pratiquées dans la Grâce, l'homme peut acquérir la pureté de l'intellect et c'est par cette pureté de l'intellect qu'il peut « accéder à la vision des mystères de Dieu. » - Discours 19, p. 63. - . «  La purification du corps est une sainteté qui le fait sortir des souillures de la chair. La purification de l'âme revient à se délivrer des passions secrètes qui se tiennent dans l'intelligence. Quant à la purification de l'intellect, elle consiste en une révélation des mystères. » - Ibid. , p. 70. - . Seule une intelligence qui a été purifiée par la Grâce peut produire une connaissance pure, spirituelle. « Jusqu'à ce que l'intelligence se soit délivrée de la multiplicité des pensées pour pénétrer dans la simplicité de la pureté, elle ne pourra pas avoir la perception de la connaissance spirituelle. » - Discours 44, p. 183. - . Les hommes qui se trouvent en ce monde « ne peuvent purifier leur intelligence à cause de l'excès de leur connaissance du mal ». «  Rares sont ceux qui peuvent retourner à la pureté primitive de l'intelligence. » - Discours 23, p. 97-98. - . C'est en persévérant dans la prière que l'on purifie son intellect, qu'on l'illumine et qu'on l'emplit de la lumière de la vérité. - Ibid. - . Conduites par la miséricorde, les vertus accordent à l'intellect de se reposer dans la lumière. - Discours 83, p. 320. Cf. Discours 86, p. 353. - . La purification de l'intellect n'est pas une technique dialectique, conceptuelle, théorique ; c'est la pratique de l'expérience que l'on a dans la Grâce : elle est totalement éthique. C'est dans le jeûne et dans les veilles, dans l'hésychia, dans les prières et dans les autres ascèses que l'on purifie l'intellect. - Discours 83, p. 319. - . Qu'est-ce donc que la purification de l'intellect ? - La purification de l'intellect consiste en une illumination «  dans les réalités divines, après l'exercice des vertus. » - Discours 11, p. 46. - . Cela veut dire que la pureté de l'intellect est bien le fruit de la pratique des vertus. L'exercice des vertus multiplie la Grâce en l'homme, et la présence de la Grâce purifie l'intellect des pensées mauvaises. - Discours 81, p. 310. - . C'est par la pratique des vertus que se purifie l'intellect des Saints, qui peut devenir transparent et perçant. - Discours 86, p. 354. - . «  La pureté de l'âme est le premier charisme qu'ait reçu notre nature. Et en l'absence d'une purification des passions, l'âme ne peut être guérie des maladies du péché, ni recouvrer la gloire qu'elle avait perdue par sa transgression. Si quelqu'un s'est rendu digne de la purification, qui est la santé de l'âme, son intellect reçoit une joie sensible de l'esprit dans la pratique de ces affaires ; il devient en effet un fils de Dieu et un frère du Christ. » - Lettre 4, p. 377. - . Si l'homme peut remporter la victoire sur ses passions, il acquiert la pureté de son âme. - Discours 30, p. 129. - . «  L'obscurcissement de l'intellect » procède du manque de miséricorde et de la négligence . -Discours 56, p. 228. - . Les vertus sont « les ailes de l'intellect », des ailes qui lui permettent de s'envoler vers les Cieux. - Lettre 4, p. 390. - . Le Christ a envoyé l'Esprit Saint à ses Apôtres ; et il « s'est établi ( en eux) et a perfectionné leur intellect, y mettant activement à mort en eux le vieil homme des passions, et y revivifiant effectivement le nouvel homme selon l'esprit. » - Discours 14, p. 53. Cf. D. 97- 99. - . Dispersé dans les pensées d'impureté et de péché, l'intellect se concentre par la prière, l'hésychia et les autres ascèses. - Discours 56, p. 228. Cf. Discours 23, p. 102. - . Lorsque l'intellect a été délivré du nœud que forment les passions, au commencement il est comme « un oiseau sans aile », luttant pour s'élever par la prière au-dessus des affaires terrestres, mais sans le pouvoir car « il fait traîner son bec sur la surface de la terre. » Il ne peut y parvenir que par une grande ascèse dans les vertus, car c'est par les vertus que l'intellect peut se rassembler et acquérir des ailes. - Discours 24, p. 104. - . La puissance qui concentre l'âme est l'amour de Dieu. - Discours 68, p. 269. - . L'étude des tropaires et des cathismes, la mémoire de la mort et l'espoir de la vie future, «  c'est cela qui rassemble l'intellect sans le laisser errer. » - Discours 32, p. 137. - . La prédétermination de l'intellect est de régner sur les passions – Discours 8, p. 37 -, d'établir son autorité sur ses perceptions – Discours 31, p. 134 -, et de devenir le pilote des perceptions. - Discours 32, p. 134. - . Leut de toutes les lois et ordonnances de Dieu est la pureté du cœur. - Lettre 4, p. 367. - . Le Seigneur s'est incarné pour purifier et le cœur et l'âme de leur méchanceté et pour les ramener à leur sitSuation primitive. - Discours 83, pp. 319 – 320. - . Mais il existe une certaine différence entre la pureté du cœur et celle de l'intellect. Saint Isaac écrit sur ce point : « En quoi la pureté du cœur différe-t-elle de celle de l'intellect ? Autre est celle du cœur et autre celle de l'intellect. L'intellect est en effet l'un des sens de l'âme ; Le cœur est ce qui retient et maintient en lui-même les sens. C'est lui qui est la racine. Si la racine est sainte, les rameaux aussi sont saints. Si donc le cœur s'est purifié, il est évident que tous les sens sont purifiés. » - Ibid., p. 320. - . C'est au prix de nombreuses épreuves et de nombreuses privations et de nombreuses larmes que le cœur peut acquérir la pureté, et par la mise à mort de « toutes les pensées du monde. » - Discours 85, p. 342. - . Le deuil et les larmes purifient le cœur de son impureté. - Ibid., p. 341. - . A la question ! « A quel signe et à quel moment l'homme peut-il reconnaître que son cœur est parvenu à la pureté ? » Saint Isaac fait cette réponse : «  Lorsqu'il voit tous les hommes comme bons, et qu'aucun ne lui paraît ni impur ni profane. » -Discours 16, p. 56. - . C'est par l'ascèse que l'on peut acquérir la pureté du cœur et la pureté de l'intellect : « l'ascèse est la mère de la sanctification. » - Discours 17, p. 59. - « Dans l'hésychia la vertu du corps purifie le cœur de la matière qui est en lui. » - Discours 56, p. 122. - . Cependant les peines que le corps subit sans pureté de l'intellect sont comme une mère stérile et un sein desséché. Elles ne peuvent en effet l'approcher de la connaissance de Dieu. Elles épuisent le corps sans se soucier d'éradiquer les passions de l'intellect. Voilà pourquoi elles ne récoltent rien. - Discours 58, p. 239. - . Voici quel est le signe de la pureté : c'est lorsque l'on se réjouit avec ceux qui se réjouissent et que l'on pleure avec ceux qui pleurent, lorsque l'on est faible avec ceux qui sont faibles et que l'on prend le deuil avec les pécheurs, que l'on se réjouit de ceux qui se convertissent et que l'on communie aux souffrances de ceux qui souffrent, sans blâmer personne, et que l'on considère tous les hommes dans la pureté de l'intelligence comme saints et bons. - Discours 16, pp. 57- 58. - . L'intellect ne peut ni être purifié, ni glorifié conjointement avec le Christ si le cœur ne souffre pas avec le Christ. La gloire du corps consiste à « se soumettre par sagesse à Dieu », cependant que la gloire de l'intellect consiste en « une véritable vision spirituelle de ce qui conserne Dieu. » - Ibid. - . L'homme peut acquérir la beauté de la sagesse par les jeûnes, par la prière, par les larmes. - Discours 34, p. 150. - . La pureté du cœur et de l'intellect, la guérison de l'intellect et des autres organes de la connaissance sont le fruit d'un long exercice des ascèses divino-humaines dans la Grâce. Dans l'intellect purifié de l'ascète de la foi rayonne la source de la lumière qui inonde de joie le mystère du monde et de la vie. - Discours 18, pp. 64-65. - . CHAPITRE III CONNAISSANCE ET VISION SPIRITUELLEMENT 1. Le mystère de la connaissance La guérison, la purification des organes de la connaissance humaine, peut être réalisée par une méthode divino-humaine, c'est-à-dire par la synergie de la Grâce de Dieu et d ela volonté de l'homme. Sur la longue route qui mène à la guérison et à la purification de soi-même, la connaissance elle-même devient toujours plus pure et plus saine. A tous les stades de son développement, la connaissance dépend de la structure ontologique et de l'attitude éthique des organes de la connaissance. Après leur purification et leur guérison par l'exercice que fait l'homme des vertus évangéliques, les organes de la connaissance possèdent la sainteté et la pureté. Un cœur pur et un intellect pur produisent une connaissance pure. Après leur guérison et leur purification, les organes de la connaissance, se tournant vers Dieu, procurent une connaissance de Dieu pure et saine ; lorsqu'ils se tournent vers la création, ils procurent une connaissance pure et saine de tout ce qui concerne la création. Selon l'enseignement de Saint Isaac le Syrien, il existe deux espèces de connaissance: la connaissance « qui préexistait à la foi «  est la connaissance naturelle et la connaissance « qui est engendrée par la foi «  est la connaissance spirituelle. La connaissance naturelle consiste dans le discernement du bien et du mal, la connaissance spirituelle réside dans la perception des mystères, la perception des choses cachées, la vision de l'invisible. - Discours 18, p. 65. - . La foi est au début la foi par l'écoute, et elle est complétée, confirmée et démontrée par la deuxième foi, « la foi de la vision spirituelle », la foi qui vient du regard. - Discours 19, p. 69. - .Pour acquérir la connaissance spirituelle, il est nécessaire de se libérer préalablement de la connaissance naturelle. - Ibid. - . C'est ce que fait la foi, car dans l'exercice de la foi « une force inconnue vient s'établir » - Ibid., p. 71- pour le rendre capable de la connaissance spirituelle ; Si l'homme se laisse prendre « dans les lacets de la connaissance psychique », c'est-à-dire de la connaissance naturelle, il lui devient plus difficile de s'en délivrer autrement qu'en « brisant des chaînes d'acier » : la vie de l'homme est alors une vie qui se déroule « sur le fil de l'épée ». -Discours 62, p. 250. - . Lorsque l'homme commence à progresser sur la route de la foi, il est nécessaire qu'il laisse là ses vieilles méthodes de connaissance, car « la connaissance naturelle s'oppose à la foi. La foi dissout les lois de la conaissance en tout ce qui la concerne, mais non pas celles de la connaissance spirituelle », celles de la connaissance naturelle. - Discours 62, pp. 250-252. - . La principale caractéristique de la connaissance naturelle est qu'elle se fonde sur l'observation et sur la recherche et sur leurs méthodes. C'est là le signe «  d'une hésitation devant la Vérité. » La foi à l'opposé recherche la conviction pure et simple, qui est loin de toute ruse et des procédés et des méthodes de la recherche. Ces deux connaissances sont à l'opposé l'une de l'autre. «  Le lieu de la foi » est « une intelligence d'enfant et un cœur simple. ». Il est dit en effet : Glorifiez le Seigneur dans la simplicité du cœur – Col. 3, 22 – et: Si vous ne vous retournez pas et ne devenrz comme des enfants, vous n'entrerez pas au Royaume des Cieux. - Mat. 18, 3. - . La connaissance naturelle est à l'opposé de la simplicité du cœur et de la simplicité de la pensée, elle n'agit et ne se meut que dans les limites de la nature. «  La foi fait son chemin au-dessus de la nature. » Plus l'homme se fie aux méthodes et aux démarches de la connaissance naturelle, plus la crainte le domine et il ne peut plus s'en délivrer ; si cependant il suit la foi, il devient aussitôt «  libre et indépendant, usant en toute chose d'une puissante liberté en tant que fils de Dieu ». «  L'homme qui désire cette foi use comme Dieu de toutes les natures de la création. Par la foi il a en effet puissance de renouveler la création à la ressemblance de Dieu. » «  Tu as voulu, dit-il, et tout a comparu devant toi. » - Job 13, 23. - . «  Et bien souvent la foi peut tout créer du néant. Mais la connaissance ne peut rien faire sans la matière. » La connaissance n'a aucun pouvoir sur la nature, alors que la foi en a, «  car par la foi beaucoup sont entrés dans la flamme, et ils ont apaisé la puissance du feu, marchant sans gêne au milieu d'elle. Cependant tout cela est bien « au-dessus de la nature » et « contraire aux démarches de la connaissance » de la physique, et démontre bien que « cette connaissance est vaine dans toutes ses démarches. » La foi «  passe au-dessus de la nature ». Ce sont ces démarches de la connaissance physique qui gouvernent le monde depuis « cinq mille ans ou plus », et cependant l'homme « n'a jamais su lever sa tête au-dessus de la terre et percevoir la puissance de son Créateur, jusqu'à ce que se lève notre foi et qu'elle nous délivre de l'esclavage de la terre » et des illusions de l'intelligence. Celui qui possède la foi « n'est inférieur à rien ». Et même s'il ne possède rien, « par la foi il possède tout » - Mat. 21, 22 – selon qu'il est écrit : Tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous l'obtiendrez. Et encore : Le Seigneur est proche, n'ayez aucun souci. -Phil. 4, 6. Discours 62, p. 254. - . Pour la foi, il n'y a pas de lois physiques. Saint Isaac le souligne expressément. « Tout est possible à celui qui croit, -Mat. 9, 23 - , car rien n'est impossible à Dieu. » C'est la connaissance naturelle qui empêchait les disciples d'approcher de ce qui surpasse la nature. «  La connaissance interdit à ses disciples d'approcher tout ce qui est étranger à la nature. » - Discours 62, p. 254. - . La connaissance dont parle Saint Isaac est celle dont la philosophie parle sous le nom de gnoséologie sensualiste, de criticisme et de monisme. Ces trois termes définissent la capacité, la réalité, la puissance, le critère et le domaine d'une connaissance limitée à la nature visible, puisque ces limites coïncident avec celles des sensations humaines comme organes de la connaissance. Qu'un homme puisse dépasser les limites de la connaissance et pénétrer dans son environnement surnaturel est considérée comme une chose contre nature, illogique et impossible et par-dessus tout c'est chose interdite aux adeptes de ces orientations gnoséologiques. Directement l'homme est limité à ses perceptions et n'ose absolument pas en sortir. Selon l'enseignement de Saint Isaac le Syrien, cette connaissance n'est pas pour autant blâmable, il ne faut pas la rejeter. Mais la foi est une connaissance « plus élevée qu'elle ». La connaissance n'est à critiquer que dans la mesure où par l'utilisation de diverses méthodes, elle se retourne contre la foi. Lorsque cette connaissance se joint à la foi, « ne fait plus qu'une avec elle et en revêt le feu de ses pensées », lorsqu'elle a acquis « les ailes de l'absence de passions », elle peut, en utilisant diverses méthodes, s'élever au-dessus des affaires terrestres, dans « l'espace de son Créateur », c'est-à-dire dans l'espace qui environne la nature ; Cette connaissance « se parfait dans la foi » et acquiert la capacité de « s'élever pour percevoir ce qui est plus élevé que toute perception et voir cette lumière qui est insaisissable pour l'intellect et la connaissance des créatures. » La connaissance naturelle est le degré à partir duquel l'homme peut s'élever « jusqu'à la hauteur de la foi » - et lorsqu'il y parvient il n'a plus besoin de la connaissance. C'est pourquoi il est dit : Notre connaissance est partielle. Lorsque viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel sera aboli. - 1 Cor. 13, 9-10. - . La foi nous montre donc actuellement comme à nos yeux la vérité de la perfection ; et c'est dans cette foi que nous pouvons comprendre ce qui est incompréhensible, non par la recherche et par la puissance de la connaissance. - Discours 62, pp. 254-255. - . «  Les œuvres de justice » que sont le jeûne, la miséricorde, la veille, la pureté du corps, l'amour du prochain, l'humilité du cœur, le pardon des erreurs, « le souvenir » des biens célestes, « la recherche des mystères qui se trouvent cachés dans la Sainte Ecriture », la familiarité qu'acquiert l'intelligence en fréquentant les bonnes œuvres et les autres vertus, toutes ne sont que les degrés que l'âme doit gravir pour « s'élever jusqu'à la hauteur de la foi. » - Ibid., pp. 255-256. - . Il existe trois modes de pensée, entre lesquels « la connaissance va et vient » et parmi lesquels elle passe et se transforme. Ce sont « le corps, l'âme et l'esprit ». Et bien que chacune soit la connaissance « selon sa nature », c'est de leurs rapports mutuels qu'elle « s'affine » et qu'elle échange « les modes et les tâches de ses concepts ». « La connaissance est un don fait par Dieu à la nature des êtres logiques, qui leur a été donnée dès l'origine de leur création et qui est simple, sans aucun partage de sa nature, pas plus que la lumière du soleil, et c'est dans son travail ( avec le corps, avec l'âme ou avec l'esprit ) qu'elle subit des changements et des partages. » - Discours 63, p. 256-258. - . A son premier degré, «  la connaissance suit les désirs de la chair », elle se soucie de la richesse, de la vanité, du vêtement, du repos du corps, de l'étude de la sagesse logique, qui invente les arts et es sciences et « tout ce qui peut couronner ce corps en ce monde-ci ». C'est par tout cela que la connaissance devient « contraire à la foi » et qu'elle peut être appelée « connaissance pure parce qu'elle est dépourvue de tout souci des choses divines et qu'elle introduit l'impuissance animale dans l'intelligence, car elle est détenue par le corps et place tout son souci dans le monde. » « Et voici en quoi consiste l'enflure et l'orgueil de la connaissance : elle place en elle-même toute bonne chose sans l'offrir à Dieu ; Et lorsque l'Apôtre dit que la connaissance « enfle » - 1 Cor. 8, 1 -, c'est de cette connaissance-là qu'il parle, celle qui n'a aucun point commun avec la foi et l'espérance en Dieu, et non de la connaissance de la vérité. » «  La connaissance de la vérité perfectionne dans l'humilité l'âme de ceux qui l'ont acquise, comme c'était le cas de Moïse et de David, d'Isaïe, de Pierre et de Paul, et de tous les autres Saints qui ont été jugés dignes de la connaissance de la vérité à la mesure de la nature humaine. Et leur connaissance est toujours absorbée par diverses visions spirituelles, par la révélation des réalités divines, par la vision des plus hautes valeurs spirituelles et des mystères ineffables et d'autres choses semblables, et leur âme se compte elle-même à leurs propres yeux comme cendre et poussière. » Cependant que la connaissance charnelle est « blâmée » par les chrétiens et considérée comme « opposée non seulement à la foi, mais même à toute œuvre vertueuse. » - Discours 64, p. 258. - . Il est aisé de comprendre que dans le premier ordre de la connaissance dont parle Saint Isaac, se trouve presque toute la philosophie européenne, depuis le simple réalisme jusqu'au panlogisme éclectique, de même que toute la science depuis l'atomisme de Démocrite jusqu'au relativisme d'Einstein. Du premier ordre de la connaissance, l'homme passe au second : lorsqu'il commence à s'exercer aux vertus, avec le corps et avec l'âme, le jeûne, la « prière », la miséricorde, la lecture des Saintes Ecritures, « les modes de la vertu », la lutte contre les passions et le reste. Et toutes ces bonnes œuvres, toutes ces dispositions merveilleuses, « celles que l'on peut voir dans l'âme », « c'est l'Esprit Saint qui les accomplit dans le deuxième ordre de la connaissance par l'activité de celle-ci ». Et c'est elle qui conduit le chemin du cœur en nous menant vers la foi. Mais cette connaissance aussi est encore une connaissance « corporelle et composée ». Le troisième ordre de la connaissance est celui de la perfection. « Lorsque la connaissance s'est élevée au-dessus des réalités terrestres et des soucis qu'elles engendrent, lorsqu'elle commence à mettre à l'épreuve ses propres raisonnements sur des réalités cachées au-dedans à ses yeux, et d'une certaine manière à mépriser les choses dont vient notre dépouillement par les passions, à se tendre vers le haut, et à user de la foi dans le souci du siècle à venir... et dans la recherche des mystères cachés – alors cette foi absorbe la connaissance elle-même, la renverse et la régénère depuis le commencement, au point qu'elle devient tout entière l'esprit tout entier...Alors elle peut (cette connaissance) s'envoler avec ses ailes vers les régions des incorporels et atteindre jusqu'au fond de la mer insondable, comprenant les orientations divines et merveilleuses, celle qui se trouvent dans les natures intelligibles et sensibles, et scruter les mystères spirituels, ceux que l'on peut comprendre avec une intelligence subtile et simple. C'est alors que les perceptions intérieures s'éveillent au travail de l'esprit, selon l'ordre qui est apparu dans la conduite de l'immortalité et de l'incorruptibilité . (Cette connaissance) en effet a reçu l'immortalité intelligible, comme en mystère des choses d'ici-bas, afin de fournir un témoignage véritable du renouvellement de toutes choses. » - Discours 65, p. 260. - . Ce sont donc là, selon Saint Isaac, les trois modes de la connaissance, auxquels toute la vie de l'homme est subordonnée « dans son corps, dans son âme et dans son esprit ». A partir du moment où quelqu'un commence à discerner entre le bien et le mal, et jusqu'à l'instant où il sort de ce monde « son âme connaît par ces trois modes. » - Discours 65, pp. 260 - 262. - . Le premier mode de connaissance « rafraîchit l'âme de ses labeurs sur la route de Dieu ». Le second « réchauffe ceux qui sont sur la route rapide qui mène aux degrés de la connaissance ». Et le troisième représente « le repos du labeur », où l'âme se trouve « se réjouissant des mystères de l'avenir. Mais parce qu'elle n'a pas encore élevé parfaitement sa nature au-dessus de l'ordre de la mortalité et du poids de la chair et qu'elle n'a pas encore acquis la perfection dans cet (ordre) spirituel ( de la connaissance) supérieur à celui qu'elle abandonne, elle ne peut encore servir cette perfection qui n'a pas de défaut et être dans le monde de la mortalité et laisser là complètement la nature de la chair. » Mais tout ce qui se trouve « dans le corps » « est en transformation », passant de l'un à l'autre des ordres de la connaissance . Dans cet intervalle, la Grâce vient l'aider, car « il n'y a pas de liberté en ce siècle imparfait ». «  Tout le travail de la connaissance réside en un labeur et une épreuve constante, mais le travail de la foi n'agit pas dans les œuvres, il s'accomplit dans un pur travail de l'âme dans les concepts spirituels, et il se trouve au-dessus des perceptions. Car la foi est plus subtile que la connaissance, comme la connaissance des réalités sensibles. » Tous les Saints « qui ont été dignes de trouver cette conduite », « passent par la puissance de la foi dans la douceur de cette conduite au-dessus de la nature Cette foi qui grandit dans l'âme sous l'effet de la lumière de la Grâce, maintient le cœur sans distraction dans le témoignage de l'intelligence dans la plénitude de l'espérance en s'abstenant de toute présomption. » Cette foi possède « des yeux spirituels », capables de voir « les mystères spirituels cachés en l'âme et le trésor divin caché aux yeux de la chair », celui qui a été révélé dans le Saint Esprit aux disciples du Christ. - Jean, 14, 15, 17 - . Le Saint Esprit est « la sainte puissance » qui demeure en l'homme du Christ pour protéger l'âme et le corps et repousser loin d'eux toute menace. C'est cette puissance que « l'intellect lumineux et intelligent perçoit invisiblement par les yeux de la foi ». Cette puissance est pleinement reconnue par l'expérience des Saints. - Discours 66, pp. 262-263. - . Pour éclairer encore plus le mystère de la connaissance, Saint Isaac indique aussi les caractéristiques de la foi et de la connaissance : « On appelle naturelle la conscience qui se tourne vers les choses visibles ou les choses sensibles ; celle qui se tourne vers la puissance des réalités intelligibles et à l'intérieur d'elle-même vers les natures des incorporels est appelée (connaissance) spirituelle, parce qu'elle reçoit la connaissance en esprit et non par les perceptions...Et la (connaissance) qui vient de la divine (puissance) est appelée (connaissance) au-dessus de la nature et inconnaissable ou plutôt plus haute que la connaissance. » «  Ce n'est pas de la matière extérieure que l'âme reçoit, dit Saint Isaac, cette connaissance », comme c'était le cas pour les deux premières espèces de connaissance, « mais elle se manifeste de matière immatérielle à l'intérieur, car selon la parole du Christ, le Royaume des Cieux est au-dedans de vous – Luc 17, 21- et il n'est pas espéré en image et ne vient pas de façon observable. » La première connaissance « procède d'une étude prolongée et du désir d'apprendre ; la seconde d'une conduite bonne et de la foi de l'intelligence ; la troisième n'est l'héritage que de la foi, car en elle la connaissance est abolie, les œuvres reçoivent leur dépassement et les perceptions grandissent au-delà du besoin. » - Lettre 4, p. 385 et Discours 72, p. 291. - . Pour les mystères de l'esprit « qui surpassent la connaissance, ceux que les sens du corps ne sauraient percevoir, ni la puissance logique de l'intellect, Dieu nous a donné la foi, par laquelle nous savons simplement qu'ils existent. » A la présence de l'esprit, le Sauveur donne le nom de « charismes de la révélation des mystères de l'Esprit. » - Cf. Jean 14, 15. - . C'est pourquoi la perfection de la connaissance spirituelle réside « dans la venue de l'Esprit, que les Apôtres ont reçu ». «  La foi est la porte des mystères ; Car ce que sont les yeux du corps pour les réalités sensibles, la foi l'est pour les yeux cachés. » Lorsque l'homme franchit la porte de la foi, Dieu l'initie aux « mystères spirituels et ouvre dans son intelligence l'océan de la foi. » - Discours 44, p. 193. - . Toutes les vertus participent à la connaissance spirituelle. La foi est le fruit du labeur des vertus. - Discours 18, p. 65. - . La foi « engendre la carinte de Dieu », et la crainte de Dieu incite au repentir et au labeur des vertus. Et c'est de cet exercice des vertus que naît la connaissance spirituelle. - Discours 48, p. 198. - . «  Gagnée par les travaux de l'épreuve et par l'ascèse, cette connaissance est douce » et elle procure à l'homme une grande force. - Discours 38, p. 164. - . La condition première et la plus importante de la connaissance spirituelle est une âme saine, comme organe sain de la connaissance. «  La connaissance est le fruit de la santé de l'âme », et la santé de l'âme ne peut être acquise que par un exercice prolongé des vertus évangéliques. - Discours 44, p. 195. - . Ce sont les parfaits qui sont « sains dans leur âme » et c'est à eux qu'est donnée la connaissance. - Discours 38, p. 164. Il est très difficile et bien souvent impossible d'exprimer en des mots le mystère et la nature de la connaissance. Dans le monde des concepts humains, il n'existe pas de terme qui puisse l'épuiser. Voilà pourquoi Saint Isaac donne à la connaissance des noms nombreux et variés. Cela veut dire que le problème de la connaissance le tourmente. Dans un questionnement ardent, ce problème brûle constamment sous les yeux du saint ascète. Et le Saint puise ses réponses dans le trésor d'une expérience obtenue dans la Grâce, acquise au prix d'une longue et douloureuse ascèse. Mais la réponse la plus profonde, selon son opinion, et la plus exhaustive, que l'homme puisse donner à cette question, est celle-ci que Saint Isaac formule sous la forme d'un dialogue : «  Question : Et qu'est-ce que la connaissance ? Réponse : C'est la perception de la vie immortelle. Question : Et qu'est-ce que la vie immortelle ? Réponse: C'est de percevoir Dieu, car c'est de la conscience que procède l'amour. La connaissance selon Dieu est la souveraine de tous les désirs, et pour le cœur qui la reçoit elle surpasse toutes les douceurs de la terre, car rien ne ressemble à la douceur de la connaissance de Dieu. » - Discours 69, p. 272. - . Selon ces mots, la connaissance est une victoire remportée sur la mortalité, une alliance entre la vie d'ici-bas et la vie immortelle, une union entre Dieu et l'homme. Dans l'acte même de la connaissance, il y a quelque chose d'immortel, car c'est par elle que l'on peut dépasser les limitations du sujet pour passer dans le domaine du trans -subjectif. Lorsque cet objet trans-subjectif est Dieu, le mystère de la connaissance devient le mystère des mystères et l'énigme des énigmes. La connaissance représente le métier mystique sur lequel l'homme peut tisser la parure de son âme, dès lors qu'il s'unit à Dieu. Pour la connaissance humaine, la vérité représente le plus immédiat et le plus important des problèmes. Il y a là quelque chose qui entraîne irrésistiblement l'âme vers des infinités mystiques, sans qu'elle puisse jamais assouvir sa soif instinctive de vérité si la Vérité Elle-même, absolue et éternelle, ne vient former la substance de la connaissance et si celle-ci n'acquiert la perception de Dieu dans sa perception de soi-même. Seul le Dieu-homme, le Christ, peut donner à l'homme cette perception, car il est l'unique incarnation et l'unique personnalisation de la Vérité éternelle dans le monde des réalités humaines. Lorsque l'homme a reçu le Dieu-homme, et qu'il se l'est assimilé comme l'âme de son âme et la vie de sa vie, alors il peut s'emplir de la vérité éternelle à jamais. Qu'est-ce que la Vérité ? A cette question, Saint Isaac apporte la réponse suivante : « La Vérité est de percevoir selon Dieu ». - Discours 58, p. 240. - . En d'autres termes : la perception de Dieu constitue la Vérité. Si cette perception se trouve en l'homme, alors il possède la Vérité et il connaît la Vérité. Mais s'il n'a pas une telle perception, alors il n'y a pas pour lui de Vérité. Cet homme pourra bien toujours rechercher la vérité, il n'est pas en mesure de la trouver s'il n'acquiert pas la perception de Dieu, dans laquelle il trouvera aussi la perception et la connaissance de la Vérité. L'homme peut parvenir à cette perception et à cette connaissance de la Vérité dès lors que le travail des vertus divino-humaines remodèle et transforme ses organes de connaissance. Pour cet homme, la foi et la connaissance, avec tout leur contenu, constituent une unité organique indissociable et se complètent, s'appuient et se renforcent l'une l'autre. « La lumière de l'intelligence engendre la foi », dit Saint Isaac, « et la foi engendre la consolation de l'espérance, et l'espérance affermit le cœur. La foi est la révélation de la conscience, et lorsque l'intelligence s'obscurcit, la foi est cachée et la crainte nous domine et abolit notre espérance. » La foi, « qui veille et qui se lève dans la conscience (...) libère l'homme de l'orgueil et du doute (…) et on l'appelle reconnaissance et manifestation de la vérité. » - Discours 61, p. 249. - . C'est par une vie sainte que l'on peut acquérir une connaissance sainte : l'orgueil « obscurcit «  la pureté de cette sainte connaissance. - Cf. Discours 84, p. 323. - . La lumière de la vérité peut être multipliée ou amoindrie par le mode de vie. - Cf. Discours 57, p. 233. Cf. Discours 1, p. 3. - . De redoutables tentations font la guerre à ceux qui désirent vivre de la vie spirituelle. Aussi l'athlète de la foi doit-il passer par de nombreuses épreuves avant de parvenir à la connaissance de la vérité. - Cf. Discours 78, p. 299. Cf. Discours 34, p. 147. - . L'agitation de l'intelligence et le tumulte des pensées proviennent d'une vie dissipée, et c'est ce qui « obscurcit » l'âme. - Discours 19, p. 62. Cf. Lettre 4, p. 382. - . Lorsque les passions se sont éloignées de l'âme sous l'action des vertus et que « le voile des passions s'est retiré de devant les yeux de l'intelligence », alors l'intellect peut voir la gloire de ce monde. - Discours 83, p. 318. Cf. Discours 85, pp. 335-336. - . Par ses vertus, l'âme grandit, l'intelligence s'affermit dans la vérité pour devenir inébranlable et « prête à riposter et à écarter toutes les passions obstinées. » - Discours 30, p. 130. - . La délivrance des passions est obtenue par la crucifixion de l'intellect et de la chair. C'est cela qui rend l'homme capable de la vision spirituelle de Dieu. L'intellect est crucifié lorsque les pensées impures sont chassées loin de lui, la chair, lorsque les passions sont extirpées d'elle. - Discours 56. p. 223. - . «  La connaissance de Dieu ne demeure pas en une chair amie du plaisir. » - Discours 37, pp. 161- 162. - . Ce sont les vertus qui font parvenir l'homme à la connaissance véritable, celle qui est « la révélation des mystères » - Discours 5, p. 19 -, celle qui est « la révélation des mystères » - Discours 5, p. 19 – et « la reconnaissance du Salut ». - Discours 5, p. 19. - . La principale caractéristique de cette connaissance est l'humilité. - Lettre 4, p. 383. - . Lorsque l'intellect se trouve «  dans le domaine de la reconnaissance de la vérité », alors cessent les questions – Discours 58, p. 234 -, un grand calme et une grande paix descendent s'établir en l'âme. La paix de l'intelligence a pour nom « la saine perfection » - Discours 56, p. 227. - . Lorsque la puissance du Saint Esprit recouvre l'âme de son ombre, alors elle « apprend de l'Esprit. - Discours 30, p. 131. - . Pour cette philosophie dans la Grâce qu'est la philosophie de Saint Isaac, le problème gnoséologique se ramène au problème ontologico-éthique et se résume finalement au problème de la personne humaine. L'être et le caractère de la connaissance dépendent ontologiquement, éthiquement et gnoséologiquement de la formation et de la situation des organes gnostiques de la personne. Dans la personne de l'ascète de la foi, la connaissance trouve tout naturellement son prolongement dans la vision spirituelle. (Théoria). 2. La vision spirituelle Dans la philosophie des Saints Pères, le mot « théoria » possède une signification à la fois ontologico-éthique et gnoséologique. La « vision spirituelle » désigne la concentration de l'âme dans la prière et par la Grâce sur les mystères qui dépassent l'intellect, et qui existent en abondance, non seulement dans la Divinité triadique, mais aussi dans la personne même de l'homme, de même que dans la substance de la création de Dieu. Dans la situation de vision spirituelle, la personne de l'ascète de la foi surpasse les perceptions et les catégories du temps et de l'espace pour percevoir le lien vivant qui l'unit au monde de l'au-delà et se nourrir de révélations parmi lesquelles se trouvent ce que l'oeil n'a pas vu et que l'oreille n'a pas entendu et qui n'est pas monté au cœur de l'homme. » - 1 Cor. 2, 9 . - . Saint Isaac tente d'exprimer par des mots la grande expérience de la situation de vision spirituelle qu'il avait acquise dans la Grâce – dans la mesure où les mots des hommes sont capables d'embrasser et d'exprimer ces vérités de l'expérience religieuse qui surpasse l'intellect – et d'expliquer partiellement ainsi ce que signifie la vision spirituelle. Pour lui, « la vision spirituelle est la perception des mystères divins qui sont cachés dans les choses et dans les causes. - Discours 30, pp. 129-130. - . » La vision spirituelle consiste «  en un travail subtil de l'intellect et en un bavardage divin ainsi qu'en une persistance dans la prière. » - Ibid., p. 130. - . C'est elle qui illumine : «  Elle purifie la partie intellectuelle de l'âme. » - Discours 31, p. 134. - . «  Parfois, selon Saint Isaac, la vision spirituelle est engendrée par la prière, elle interrompt la prière des lèvres et il devient (l'homme) par la vision spirituelle un corps sans souffle, pétrifié. C'est ce que nous appelons la vision spirituelle de la prière. » Et «  la mesure de la prière se trouve dans la vision spirituelle, ainsi que le discernement des charismes », car « l'intelligence ne peut pas pénétrer » là où il n'y a plus de prière, c'est-à-dire dans une situation plus haute que la prière. - Discours 40, pp. 169-170. - . C'est par une bonne conduite, par une conduite dans la Grâce, que l'ascète de la foi peut s'élever à la vision spirituelle. Voici en quoi réside son principe : « avant tout (l'homme) est confirmé au sujet du dessein prédéterminé de Dieu sur l'homme, et il est illuminé dans son amour pour son Créateur, et il s'émerveille à la fois de l'arrangement des significations et du grand soin qu'il y a mis. De là commence en lui la douceur de Dieu et l'ardeur de son amour pour Lui brûlant en son cœur et consumant les passions de l'âme et du corps. » Ensuite « l'homme commence à se mettre en marche vers l'amour divin et s'en enivre comme si c'était du vin (…) et son intelligence demeure stupéfaite ; et son cœur est comme un captif dans la suite de Dieu. » Alors « arrive le moment où il se souvient qu'il porte ce corps et il ne sait plus qu'il est en ce monde. C'est là le début de la connaissance spirituelle en l'homme et c'est là le début de toutes les révélations de l'intelligence. » Avec la vision spirituelle, l'intelligence « grandit » et s'élève vers les autres révélations « qui dépassent la nature humaine ». En bref, dans la vision spirituelle, « toutes les visions divines et les révélations de l'esprit se transportent vers l'homme, toutes celles que les Saints reçoivent en ce monde et tous les charismes et toutes les révélations que la nature peut connaître en cette vie. » - Discours 17, p. 59. - . La vertu d'intelligence « humilie l'âme et en décante toutes les pensées grossières ; afin qu'elle cesse de s'y attacher passionnément pour se porter plutôt vers sa vision spirituelle ». Cette vision spirituelle la fait retourner vers la nature primitive de l'intellect, et c'est ainsi qu'on peut l'appeler « la vision immatérielle ». Cette vision est « la vertu spirituelle », car c'est elle qui « exalte l'intelligence et la vision de l'inexprimable (…) et la retranche de ce monde et de ses perceptions ». - Ibid., p. 61. - . Le comportement spirituel est « une activité sans perception », et les Saints Pères l'ont décrite. Et lorsque « les intellects des Saints la reçoivent, la vision subalterne et l'épaisseur du corps sont retirées et dès lors la vision devient spirituelle. » - Discours 35, p. 154. - . Selon Saint Isaac, il existe divers « modes de la prière » ; mais ils n'ont tous qu'un but unique : la prière pure. Après la prière pure « ce sera l'effroi, et non plus la prière, car tout ce qui concerne la prière a cessé, et c'est une sorte de vision, et l'intellect ne prie plus la prière ». « La prière est une chose, la vision qui est en elle est une autre chose, et elles prennent leur source l'une de l'autre. Celle-là est la graine, celle-ci moissonne les gerbes. Alors le moissonneur exulte d'une vision indicible : comment de ces graines nues et infirmes qu'il a semées, comment des épis mûrs ont-ils pu tout-à-coup se lever devant lui ? » Dans cette situation de vision, l'intellect dépasse ses propres limites, accédant à la pureté, et c'est alors qu'il sait qu'il voit en Dieu à la manière divine et non à notre manière, c'est-à-dire qu'il peut voir « d'une manière digne de Dieu » et non plus « à la manière humaine. » - Discours 43, pp. 176-177. - . Celui qui garde son cœur des passions « voit le Seigneur à toute heure ». « Celui qui surveille sa propre âme à tout instant, son cœur se réjouit dans les révélations. Celui qui rassemble en lui-même la vision de son intellect, voit son Maître au-dedans de son cœur (…). Vois le Ciel au-dedans de toi si tu es pur, et tu contempleras en toi-même les Anges dans leur lumière, et leur Maître avec eux et au milieu d'eux (…). L'âme de l'homme qui est bon brille plus que le soleil, à tout moment elle se réjouit dans la vision des révélations. » - Discours 34, p. 153. - . Lorsque après de nombreuses ascèses évangéliques, l'homme retrouve au-dedans de soi le centre de son être, créé à l'image de Dieu, il trouve simultanément aussi le centre de son être, créé à l'image de Dieu, il trouve simultanément aussi le centre de la Divinité hypercosmique dans le monde visible, il dépasse le temps et il peut se voir lui-même au-dessus du temps et de l'espace, immortel et éternel. A la base, la véritable connaissance de soi-même par le Christ est aussi la véritable connaissance de Dieu. La route la plus courte qui conduit de soi-même à Dieu est celle qui transporte l'homme au-dedans de lui-même, dans l'image de Dieu qui se trouve dans la nature même de son âme. Et c'est là aussi que nous avons la distance la plus courte entre l'homme et Dieu. Toutes les routes qui conduisent l'homme vers Dieu peuvent se terminer en impasse. Ce n'est qu'en Christ que nous pouvons trouver la route qui mène à Dieu. Dans sa philosophie, Saint Isaac souligne particulièrement la grande importance de la connaissance de soi-même : «  Celui qui a été jugé dige de se voir lui-même, dit-il, est plus grand que celui qui a été digne de voir des Anges. » - Discours 34, p. 153. - . Pour que l'homme puisse parvenir à voir son âme en lui-même, il convient que son corps reçoive avant tout la Grâce de Dieu. - Discours 73, p. 291. - . «  Plus les âmes sont souillées et obscurcies, moins elles peuvent se voir, ni les unes les autres ni elles-mêmes. » Elles ne peuvent y parvenir que si « elles se purifient » et retournent « à la création primitive ». - Discours 67, p. 265. - . «  Celui qui veut voir le Seigneur au-dedans de lui-même, qu'il s'efforce de purifier son cœur dans la mémoire incessante de Dieu. C'est ainsi que dans la lumière des yeux de son intelligence il pourra voir le Seigneur à tout instant. Ce qu'il en est du poisson qui est sorti de l'eau, c'est aussi ce qui arrive à l'intellect qui est sorti de la mémoire de Dieu (…). L'espace spirituel de la pureté de l'âme se trouve au-dedans de lui-même, et le soleil qui brille en lui est la lumière de la Sainte Trinité, et l'air que respirent ceux qui y résident est le Paraclet, l'Esprit très Saint (…). Et leur vie, leur joie et leur bonheur est le Christ, lumière de la lumière du Père. Un tel homme qui sait se réjouir à toute heure dans la vision de son âme et s'émerveiller de sa propre beauté, projette son éclat cent fois plus loin que la lumière du soleil. C'est bien là la Jérusalem et le Royaume de Dieu, qui est caché au-dedans de nous, selon les paroles du Seigneur. - Luc 17, 21 -. C'est l'espace, c'est la nuée de la gloire de Dieu, dans laquelle seuls peuvent entrer ceux qui ont le cœur pur, pour y voir le visage du Maître Lui-même et pour que leurs intellects resplendissent du rayonnement de sa lumière (…) L'homme ne peut voir la beauté qui se trouve au-dedans de lui-même s'il ne méprise et ne maudit toute beauté située à l'extérieur de lui (…) Celui qui veille à être sage et humble et qui maudit la négligence (…), lorsqu'il se tient dans la prière il voit la lumière de l'Esprit Saint en son âme et bondit de joie dans le rayonnement de l'éclat de cette lumière, et se réjouit de sa gloire. » - Discours 43, pp. 177-178. Cf. ibid., p. 182. - . Dans la lumière de l'Esprit Saint l'homme peut apprendre à connaître la nature de son âme. Par nature, l'âme est sans passion. «  Lorsque tu entends parler dans l'Ecriture des passions de l'âme et du corps, sache qu'il y est question de leurs causes, car par nature l' âme est sans passion. Les partisans de la philosophie de l'extérieur ne l'admettent pas, de même que ceux qui les suivent », ou bien comme nous dirions aujourd'hui : les partisans de la philosophie matérialiste, sensualiste, phénoménologique. Mais Dieu l'a faite «  sans passion à son image, c'est-à-dire qu'il a créé sans passion l'image de Dieu en l'âme. » - Discours 82, p. 314 - . Il existe trois états de l'âme : l'état naturel, l'état contre nature et l'état au-dessus de la nature. «  L'état naturel de l'âme est la connaissance des créatures de Dieu, sensibles et intellectuelles. L'état au-dessus de la nature est le mouvement de la vision de la Divinité supersubstantielle. L'état contre nature réside dans le mouvement dans les réalités passionnelles », car les passions ne font pas partie de la nature de l'âme. - Discours 83, p. 316. - . C'est la passion qui est l'état contre nature de l'âme ; la vertu est son état naturel. - Ibid. p. 317. - . Lorsque l'intellect se nourrit des vertus, et particulièrement de celle de miséricorde, c'est alors que dans l'âme « se reflète l'image sainte », celle qui fait que l'homme ressemble à Dieu. - Discours I, p. 6. - . Dans le cœur pur se révèle «  la sainte beauté » de l'être humain, et plus l'homme développe en lui-même cette sainte beauté, plus il révèle la beauté des créatures de Dieu. - Lettre 3 p. 366. - . Ceci montre bien que la connaissance de soi est la meilleure méthode qui permette d'acquérir une connaissance réelle de la nature et plus généralement du monde matériel. «  Quiconque se soumet lui-même à Dieu, dit Daint Isaac, n'est pas loin de soumettre l'univers à lui-même. A celui qui se connaît lui-même, la connaissance de toute chose est accordée. Se connaître soi-même représente en effet la plénitude de la connaissance de toute chose. - Discours 16 p. 58 -.Si l'homme s'humilie lui-même devant Dieu, tout s'humiliera devant lui, toute la Création. «  La véritable humilité est un engendrement de la connaissance, et la connaissance véritable est un engendrement des épreuves. - Ibid. p. 59. Cf. Discours 44, p. 186. - . C'est-à-dire que l'homme l'acquiert dans la lutte avec les épreuves. La nature humaine devient capable de connaissance lorsqu'elle s'est purifiée des passions par le travail des vertus. C'est le Christ qui donne la véritable vision spirituelle des natures sensibles et intelligibles, et même de la Sainte Trinité. C'est Lui qui a « montré et enseigné » cette connaissance aux hommes, «  lorsqu'à l'origine il opéra dans sa propre Hypostase le renouvellement de la nature humaine et nous ouvrit en Lui-même la voie pour que nous passions par ses commandements vivifiants vers la vérité ; C'est alors que la nature (humaine) devint capable de la véritable vision spirituelle, lorsque l'homme, avant tout dans la résistance aux passions, dans l'observance ( des commandements) et dans l'épreuve, dépouille le vieil homme de ses passions. (…) Alors l'intellect devient capable d'engendrer spirituellement et de voir dans le monde de l'esprit et de recevoir la vision spirituelle de sa patrie. (…) Cette vision spirituelle du nouveau monde dans l'esprit de révélation dont l'intellect se réjouit spirituellement, est l'énergie de la Grâce (…) et cette vision spirituelle devient une nourriture pour l'esprit, jusqu'à ce qu'il soit rendu capable de recevoir une vision plus haute que la vision précédente. Car la vision spirituelle se transmet à la vision spirituelle, jusqu'à ce que l'intellect soit introduit dans le monde du parfait amour. Car l'amour est l'espace des spirituels, et il demeure dans la pureté de l'âme ; Et lorsque l'intellect se tient dans l'espace de l'amour, la Grâce agit et l'intellect reçoit la vision de l'esprit, il acquiert la vision spirituelle des secrets. » - Lettre 4, p. 389. - . La vision spirituelle, « mystique », « est révélée à l'intellect après la santé de l'âme. » - Lettre 4, p. 383. - . Ce sont ceux qui ont acquis la pureté par le travail des vertus qui se sont rendus dignes de la vision de l'esprit. - Ibid., p. 370. - . «  La pureté voit Dieu ». - Ibid., p. 383. - . Ce sont ceux qui se sont purifiés eux-mêmes du péché et qui se tiennent continuellement dans la mémoire de Dieu qui voient Dieu. - Cf. Discours 5, p. 26. Cf. Discours 43, p. 177. - . «  On donne au Royaume des Cieux le nom de vision spirituelle, dit Saint Isaac, parce qu'il l'est. Or ce n'est pas dans le travail des pensées qu'on la trouve, c'est par la Grâce qu'on en reçoit l'avant-goût. Et tant que l'homme ne s'est pas purifié, il ne peut même en entendre parler ; Car personne ne peut l'acquérir par l'étude », mais seulement par la pureté du cœur. - Discours 19, p. 70. Cf. Discours 35, p. 154. -. C'est à la pureté de la vie que Dieu accorde des pensées pures. - Discours 25, p. 105. - «  C'est des labeurs et de la garde (du cœur) que jaillit la pureté des pensées, et c'est de la pureté des pensées que provient la lumière de l'intelligence. Et c'est donc par la Grâce que l'intellect est conduit vers ce que les perceptions n'ont pouvoir ni d'enseigner ni d'être enseignées. » -Discours 30, p. 131. - . Par la vigilance de la prière, « l'intelligence s'envole comme sur des ailes » pour s'élever « vers la douceur de Dieu » et pour « se plonger dans la connaissance qui surpasse l'intelligence humaine ». «  L'âme qui a peiné pour observer cette vigilance et qui s'y est distinguée, obtient des yeux de chérubins pour embrasser l'univers du regard et contempler la vision céleste. » - Discours 29, pp.122-123. Cf. Ibid., p. 124. Lettre 3, p. 364. -. L'âme voit la vérité de Dieu par la force de sa conduite, c'est-à-dire par la vie de la foi. «  Si la vision spirituelle est véritable », la lumière s'y trouve «  et ce que l'on voit spirituellement est bien vu proche de la vérité. » - Discours 33, p. 1'& et lettre 4, p. 388. - . «  La vision de Dieu vient de ce qu'on le connaît ; car la vision spirituelle ne précède pas la connaissance de Dieu. » - Discours 16 ; p. 58. - . Le but du chrétien est d'atteindre à la vie dans la sainte Trinité et à la vision spirituelle de la sainte Trinité. Selon Saint Isaac, c'est l'amour qui représente «  la première vision spirituelle de la sainte Trinité ». « On dit de la pureté qu'elle est le premier des mystères, c'est elle qui forme l'énergie des commandements. Cette vision est la vision spirituelle de l'intellect » et elle consiste en ce que l'intellect « reste stupéfait et saisit conceptuellement tout ce qui existe et tout ce qui existera. La vision spirituelle est la vision de l'intellect. » Dans cet état, « le cœur se brise et se renouvelle (…) et il devient exempt de toute malice, il s'accoutume aux mystères de l'esprit et aux révélations de la connaissance, s'élevant de connaissance en connaissance, de vision spirituelle en vision spirituelle, de compréhension en compréhension, il est mystiquement ravi jusqu'à s'élever dans l'amour, à s'unifier dans l'espérance, il s'emplit d'une joie secrète et s'élève vers Dieu et reçoit la couronne de la gloire de la nature originelle dans laquelle il avait été créé. » C'est ainsi que l'intellect « est purifié, devient comme de l'huile et est jugé réellement digne de la vision spirituelle de la sainte Trinité. » - Lettre 4, p. 387, 384. - . Il existe en effet trois « visions des natures » dans lesquelles « l'esprit s'élève, agit et se dépouille » : deux visions « des natures créées, les natures logiques et les natures irrationnelles, spirituelles et corporelles, et l'autre (vision) est celle de la sainte Trinité. » - Ibid., p. 384. - . Enrichi de l'inestimable trésor de la vision spirituelle, l'ascète de la foi, lorsqu'il se tourne vers la création, révèle toute sa personne dans l'amour et dans la miséricorde. « Il aime les pécheurs, selon Saint Isaac, et hait leurs œuvres. » - Discours 5, p. 30. Cf. Discours 60, p. 244. - . Tout entier tissé d'humilité et de miséricorde, de repentir et d'amour, il garde son cœur miséricordieux pour toute créature. Et qu'est-ce qu'un cœur miséricordieux ? » - et Saint Isaac de répondre : « C'est un cœur qui se consume pour toute la Création, pour les hommes et pour les oiseaux, pour les animaux et pour les démons comme pour toute créature. En se souvenant d'eux et en les contemplant, ses yeux pleurent, il ne peut plus supporter d'entendre ou de voir le moindre mal ou le moindre malheur survenu dans la Création. Aussi offre-t-il à toute heure ses prières mêlées de larmes même pour les animaux et même pour les ennemis de la vérité et pour tous ceux qui les blessent, pour qu'ils soient gardés et pardonnés ; et même pour la race des serpents, mû par la grande miséricorde qui agit en son cœur, sans mesure à l'image de Dieu. » - Discours 81, p. 306. - . Lorsque l'homme transporte son être propre de l'éphémère dans l'éternité par la pratique de l'Evangile, lorsqu'il vit en Dieu, lorsqu'il pense en Dieu, lorsqu'il parle « comme en Dieu » - 2 Cor. 2, 17 - , lorsqu'il regarde le monde sub specie Christi, alors le monde lui est révélé dans toute sa beauté primitive, et du regard de son cœur purifié, il perce l'écorce du péché pour parvenir jusqu'au noyau créé à l'image de Dieu de toute créature. L'ascète de la foi révèle à ce monde de réalités éphémères et limitées sa vision spirituelle de la sainte Trinité, qui est obtenue sur un mode mystique et incompréhensible, en priant et en portant le deuil pour tous et pour tout, en participant à la joie de ceux qui se réjouissent et aux larmes de ceux qui pleurent, souffrant avec ceux qui souffrent et se repentant avec ceux qui se repentent. Sa vie en ce monde n'est plus que le reflet et le rayonnement de la vie dont il vit dans le monde des valeurs mystiques et invisibles. Ses pensées et ses actes en ce monde-ci prennent leur racine dans cet autre monde et c'est de cet autre monde qu'elles tirent la puissance et l'énergie qui leur donne la vie et leur fait faire des miracles. Si nous suivons chacune de ses pensées, chacune de ses perceptions, chacun de ses actes, chacune de ses ascèses, toujours nous remonterons jusqu'à trouver que sa source première est dans la sainte Trinité. Tout en lui vient du Père, par le Fils, dans l'Esprit saint. Nous n'en avons pas de meilleur exemple que dans la personne de ce grand mystique de la très sainte Trinité que fut Saint Isaac, qui réussit, à l'instar de Saint Syméon le Nouveau Théologien, à nous donner, par son expérience ascétique dans la Grâce, la justification la plus crédible de la vérité sur la sainte Trinité, comme de la vérité sur le caractère trinitaire de la personne humaine créée à l'image de Dieu. CONCLUSION Une conviction domine toute la gnoséologie de Saint Isaac : c'est que le problème de la connaissance est à la base un problème religieux et éthique. Depuis ses débuts jusqu'à l'infinie plénitude qu'elle acquiert dans la Grâce, la connaissance dépend du contenu religieux et éthique et du développement des organes de la connaissance humaine. Il ne fait aucun doute que la connaissance dépend à tous ses stades de la situation religieuse et éthique de l'homme. Plus l'homme est parfait du point de vue religieux et éthique (c'est-à-dire spirituel) et plus sa connaissance est parfaite. L'homme a été créé de telle manière que sa connaissance et son comportement se situent toujours en lui dans une exacte symétrie. La connaissance progresse sans aucun doute avec les vertus de l'homme, cependant que les passions la font reculer. La connaissance ressemble à un vêtement que tisseraient les vertus sur la trame de l'âme. Cela s'étend dans tous les modes visibles et invisibles. Les vertus ne sont pas seulement des puissances capables de créer la connaissance ; ce sont aussi les principes de la connaissance. Lorsqu'il fait des vertus les éléments constitutifs de son être grâce à l'ascèse, l'homme progresse de connaissance en connaissance. On pourrait dire que les vertus divino-humaines constituent les perceptions de la connaissance ; Lorsqu'il progresse d'une vertu à l'autre, l'homme passe de connaissance en connaissance. De la vertu initiale, qui est la foi, jusqu'à la vertu ultime, qui est l'amour total, s'étend une route continue ; c'est la route de l'ascétisme. Tout au long de cette longue route, l'homme se façonne, se remodèle et se transforme par les ascèses dans la Grâce. C'est ainsi qu'il peut guérir son être de la maladie du péché ou de l'ignorance, restaurer l'intégrité de sa personne, unifier et intégrer son esprit. Dès lors qu'il a pu guérir et intégrer ses facultés religieuses et éthiques – qui sont les vertus, - l'homme peut exprimer l'intégralité de sa personne avant tout par la connaissance intégrale. Selon la conception orthodoxe de l'Evangile, qui est celle de Saint Isaac, la connaissance est un acte de la personne humaine tout entière, non d'une simple partie de son être, que ce soit de son intellect, de sa volonté, de son corps ou de ses perceptions. C'est l'homme tout entier, avec tout son être, qui participe à chaque énergie de la connaissance, à chacune de ses pensées, à chacune de ses perceptions, à chacun de ses désirs. Aussitôt que les organes de la connaissance ont été guéris par les ascèses dans la Grâce, elles produisent la connaissance intégrale, la connaissance saine, la saine doctrine. - 1 Tim. 1, 10 ; 4, 3 ; Tite 1, 9. - . A tous les stades de son développement, la connaissance est une connaissance « pleine de Grâce » ( kécharitoméni ) car elle est le fruit d'une collaboration entre les ascèses volontaires de l'homme et la Grâce de Dieu. C'est-à-dire que l'homme tout entier et Dieu tout entier viennent y participer. Aussi Saint Isaac peut-il parler du rassemblement de l'âme, de l'intellect, des ascèses, qui est obtenu par le travail des vertus évangéliques divino-humaines. Mais ces vertus se différencient des vertus des autres religions, non seulement par leur contenu, mais aussi par leur méthode. Les vertus évangéliques ont un contenu divino-humain qui leur est propre, accompagné d'une méthode divino-humaine propre ; Or dans sa personne divino-humaine parfaite et sans confusion, comme dans sa vie divino-humaine parfaite et sans confusion, le Dieu-homme, le Christ, a montré et démontré que la méthode divino-humaine est la seule méthode naturelle et régulière de vie et de connaissance. Lorsqu'il fait sienne la foi divino-humaine comme méthode de vie, l'homme la fait sienne simultanément en tant que méthode de connaissance. Cela ne vaut pas seulement pour la foi, cela vaut aussi pour toutes les autres vertus divino-humaines : l'amour, l'espérance et la prière, le jeûne, la douceur et l'humilité. Chacune de ces vertus devient en effet pour l'homme qui vit dans le Christ une puissance créatrice vivante, pour la vie comme pour la connaissance. Dans cette méthode divino-humaine de vie et de connaissance, il n'est rien qui ne soit réel, rien qui soit abstrait ou conditionnel. Ici tout est réellement sur le mode substantiel, car tout se fonde sur l'expérience et sur l'épreuve, et cela parce que la Personne du Dieu-homme, le Christ a reçu de la manière la plus empirique qui soit une réalité divinement transcendante et simultanément sa définition. Avec l'incarnation du Christ, c'est la réalité la plus subtile, la plus transcendante, la plus parfaite, qui a été embrassée dans le corps de l'homme. Cette réalité ne connaît pas de limites, car la Personne du Christ ne saurait avoir de limites. C'est pourquoi la personnalité et la connaissance humaines ne connaissent pas de limites, et c'est pourquoi aussi le commandement divin nous dit : Soyez parfaits comme votre Père qui est dans les Cieux est parfait. - Mat., 5, 48. - . Cela veut dire que c'est l'infini, Dieu, qui forme la limite de la personne et de la connaissance humaines. La personne du Dieu-homme, le Christ, constitue et exprime la réalisation parfaite et idéale du monisme divino-humain : le passage de Dieu à l'homme est naturel : c'est un passage naturel qui mène de Dieu à l'homme, de ce qui se trouve au-dessus de la nature à ce qui est naturel, de la vie naturelle à la vie humaine. Ce passage est tout aussi naturel pour la connaissance, lorsqu'en passant par le pont de la foi, de l'espérance et de l'amour, elle progresse de l'homme vers Dieu, de ce qui est naturel à ce qui est au-dessus de la nature, de ce qui est mortel vers ce qui est immortel, de ce qui est éphémère vers ce qui est éternel, et c'est ainsi qu'elle découvre l'unité naturelle qui existe entre la vie en ce monde et l'autre vie, entre ce monde-ci et l'autre monde, entre la nature et tout ce qui se trouve au-dessus de la nature. La connaissance divino-humaine est une connaissance intégrale parce que grâce aux ailes que lui donnent les vertus divino-humaines, elle dépasse sans entrave les limites du temps et de l'espace pour passer dans l'éternité. C'est cette connaissance intégrale que vise Saint Isaac lorsque, pour définir la connaissance, il dit qu'elle est « la perception de la vie éternelle », ou bien lorsqu'il définit la vérité comme « la perception de Dieu ». Ce qui vaut pour la vertu vaut également pour la connaissance. De même que « chaque vertu est la mère d'une seconde vertu », et qu'elle est aussi mère de la connaissance, de même chaque connaissance est mère d'une autre connaissance. Une connaissance est mère d'une autre vertu et l'une mène à l'autre. Plus l'homme s'est adonné aux vertus ascèses divino-humaines, plus il connaît Dieu, et plus il connaît Dieu, toujours plus il s'adonne à l'ascèse. La méthode divino-humaine est une méthode empirique, pragmatique : Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il apprendra, de mon enseignement, s'il est de Dieu. -Jean 7, 17 - . Ce qui veut dire que c'est par le vécu de la Vérité du Christ que l'on reconnaît sa vérité et le caractère incontournable de cette vérité. La méthode ici est donc bien empirique, expérimentale, pragmatique. La connaissance de la vérité est accordée non pas aux investigations de l'intellect, mais à un intellect qui s'adonne aux ascèses divino-humaines. La connaissance est le fruit qui mûrit sur l'arbre des vertus divino-humaines, qui est aussi l'arbre de vie. La connaissance est le résultat de l'ascétisme. C'est pourquoi la véritable philosophie chrétienne est l'ascétisme divino-humain de l'intellect et de la personnalité tout entière de l'homme. Toujours vaut pour elle cette merveilleuse parole du Sauveur : Si quelqu'un a, il lui sera donné, et ce qu'il croit avoir lui sera retiré. - Luc 8, 18. - . Evalué à la lumière de la gnoséologie de Saint Isaac, le simple réalisme se révèle tragiquement et mortellement simple. Il ne peut fournir une véritable connaissance du monde, car il utilise des organes de connaissance malades et corrompus, qui demandent à être purifiés, guéris et régénérés et capables de voir jusqu'au noyau même des êtres et des créatures. Le rationalisme considère la raison comme l'organe infaillible de la connaissance. C'est pourquoi le rationalisme se présente toujours par rapport à la personne humaine prise dans son intégralité comme un contestataire anarchique, et même comme la branche rebelle et insurgée, qui ne peut connaître ni la plénitude de la vie, ni l'action efficace sans l'ensemble de la vigne. Le rationalisme ne peut donc atteindre à la connaissance de la vérité, car dans son isolement égocentrique, il est morcelé, dispersé, plein de fractures. Mais la vérité se livre à l'intellect purifié, sanctifié, transfiguré et divinisé par les ascèses et par les vertus divino-humaines. La philosophie critique ne se fixe comme préoccupation presque unique que l'étude des instruments de la connaissance, dans la situation psycho-physique qui est la leur et sous la catégorie de l'humain. Elle y joint l'étude des catégories qu'ils utilisent et des conditions de la connaissance. Elle ne fait cependant aucun cas du besoin de guérison, de retour à la santé et de purification de ces organes de la connaissance. Voilà pourquoi le criticisme ne peut accéder à la connaissance de la vérité, connaissance qui pourrait satisfaire la nature humaine dans tous ses élans vers la vérité. Dans ces conditions, le criticisme ne saurait représenter autre chose qu'un rationalisme ou qu'un sensualisme plus circonspect. L'idéalisme philosophique part de la réalité transcendante et d'un critère transcendant qu'il n'est pas à même de justifier. Fondé sur des critères transcendants, il ne peut ni parvenir à la connaissance de cette Vérité dont a tant besoin la nature humaine, ni à satisfaire, même partiellement sa soif primitive de vérité éternelle et de réalité éternelle. Tout ce que ces diverses orientations gnoséologiques ne peuvent apporter à l'homme, c'est cependant bien ce que la philosophie orthodoxe, avec sa gnoséologie ascétique pratiquée dans la Grâce, peut lui apporter. Devant la conscience humaine se tient la Vérité éternelle, dans toute la plénitude de ses perfections infinies, pour se livrer à l'homme sanctifié et empli de Grâce. Dans la personne de Dieu-homme, le Christ, c'est la divine Vérité transcendante qui est descendue jusqu'à l'homme pour lui devenir objectivement « immanente » et constituer ainsi sa réalité historique vivante immédiate et éternelle. Pour se l'assimiler, pour se la rendre objectivement immanente, l'homme doit par le travail des vertus divino-humaines, faire sien le Dieu-homme comme âme de son âme, comme cœur de son cœur, comme vie de sa vie. 1928, séminaire Saint Sabbas, Sremski Karlovci – Serbie III ème partie CENTURIE ASCETIQUE ET GNOSEOLOGIQUE 1. Dès lors qu'il est question de l'âme humaine, devant nous s'étend l'océan sans rivage des redoutables et divins mystères. La médiocrité de la conscience humaine feint la colère de ne pouvoir embrasser du regard son mystère et sa puissance. Par sa seule existence, l'âme humaine déborde constamment les frontières de notre monde visible terrestre pour plonger dans les infinités de l'au-delà. Mais il en va de même du péché. C'est comme si ni l'un ni l'autre n'étaient pas de ce monde mais de l'autre. Et vraiment, il en est bien ainsi : l'âme vient de Dieu, le péché vient du Diable. Lorsque l'âme se livre à Dieu pour vivre selon ses commandemenents, sa vie devient peu à peu un paradis. Qu'elle s'adonne au péché, sa vie se transformera progressivement en enfer. 2. Le péché est une réalité contre nature dans la nature de l'homme et du cosmos. Un étranger, un rôdeur, un intrus, un malfaiteur, un assassin, un meurtrier, voilà ce qu'est le péché en chacun d'entre nous. Mais dans sa diversité, le péché est plus terrible et plus redoutable que toute autre chose. Qu'est-ce donc ? En substance, le péché est le Diable. Selon l'insurpassable définition de cet insurpassable messager de la Bonne Nouvelle du Christ que fut Saint Jean Chrysostome, « le péché est le Diable ». Voici en quoi réside tout le mystère du péché, toute la puissance et toute l'horreur du péché, et tout son enfer. En tout péché le Diable se cache. Même s'il est petit, c'est le Diable – et le Diable ignore toute miséricorde à l'égard de l'homme. Lorsque le péché mûrit, il engendre la mort. - Cf. Jacques 1, 15. - . Voilà bien l'horreur finale du péché : c'est la mort. Toute l'expérience de la race humaine est là pour le confirmer : le péché et la mort sont les puissances personnelles du Diable. C'est par eux que le Diable retient les hommes amis du péché dans sa repoussante étreinte. Mais jusques à quand ? Jusqu'à ce qu'ils se repentent. Sitôt que l'homme se repent, Dieu le sauve. 3. En ce monde terrestre, énorme est le mystère d'iniquité – 2 Thess. 2, 7 - , le mystère du péché, le mystère du mal. Ancré dans la conscience de l'homme, le mystère du bien reste à l'opposé toujours relié par son nerf vital avec la source de tout bien – Dieu, - et ce Dieu est le Seigneur Jésus-Christ. C'est par Lui que l'homme se garde, pour se maintenir en vie et dans son immortalité. Et Lui, qui est le Dieu de tout bien, est descendu vers nous pour nous apporter le remède à tout péché, à tout mal, car il n'y a pas de mal en dehors du péché. Parce qu'il est l'unique Ami de l'homme, ce n'est pas seulement un remède qu'il nous a donné, c'est le tout-remède, c'est celui qui guérit infailliblement tout péché dans la nature humaine. Or ce tout-remède, c'est le repentir, et si l'homme rejettece tout-remède, cet unique tout-remède, c'est pour porter inévitablement la marque du démonisme, du satanisme dans le royaume immortel du mal, qui est l'enfer. 4. Sous l'influence du péché, l'homme se querelle avec Dieu, part en guerre contre Lui, devient son ennemi. Principale force du Diable, le mal n'apporte ni Dieu ni rien de divin. Dès qu'il est présent dans l'âme humaine, c'est pour y détruire tout bien, avant tout la foi, puis la prière, puis l'amour, puis le jeûne, puis la miséricorde. Par son amour du péché, l'homme commet un suicide progressif. Il n'est pas de meurtrier plus redoutable que le péché. En vérité c'est bien lui l'ennemi mortel universel de l'homme. Aussi le souci principal de tout homme éveillé est-il de tuer le péché en soi, et à travers lui, le Diable lui-même, lui qui nous tue par le péché. Mais comment peut-on tuer le péché, comment peut-on tuer le Diable ? Seul le Dieu-homme peut le faire, seul le Seigneur Christ le peut, car c'est pour cette raison qu'il est devenu un homme. Il le fait par notre foi en Lui, par l'amour que nous Lui portons, par le repentir que nous concevons devany Lui, par la prière que nous Lui adressons. 5. Pour l'homme, la voie de sa vie sur la terre mène de l'enfer jusqu'au Paradis, du Diable jusqu'à Dieu. En cela consistent son immortalité et son éternité. S'il n'a pas été un objet de repentir, dès ici-bas sur la terre, le péché se transforme pour l'homme en un insupportable tourment – en un enfer sans mesure. Le péché est un enfer ; l'orgueil en est un autre, l'envie en est un troisième, l'avidité, la débauche, la méchanceté, c'est encore un enfer, un enfer, un enfer. En chaque péché en effet, c'est le Diable qui se cache, et en lui l'enfer. Il en est toujours ainsi lorsque le péché règne sur l'âme de l'homme – peu importe quel péché. Il n'est qu'un Salut à ces tourments de l'enfer de l'âme, il n'en est qu'un seulement – c'est d'introduire en son âme, par la foi et par le repentir, le merveilleux et très-compatissant Seigneur Jésus, car c'est Lui qui vient épancher en nos âmes la paix éternellement paradisiaque et la joie immortelle. C'est seulement ainsi que l'homme pourra se retrouver juste, immortel et éternel. 6. Seul l'Evangile du Christ connaît dans sa plénitude le mystère du péché, la nature du péché, et tout ce qu'il recèle en lui-même. Le Fils prodigue de l'Evangile est l'exemple parfait du pécheur repenti. - Luc 15, 11- 32. - . C'est par l'intermédiaire de sa libre volonté que le Ciel et la terre, le Diable et Dieu, l'enfer et le Paradis interviennent dans sa vie. Le péché appauvrit progressivement l'homme et tout ce qui est de Dieu en lui ; il paralyse en lui tout ce qu'il peut y avoir de divin en lui comme tout ce qui est nostalgie de Dieu ; Mais le péché ne laisse pas l'homme définitivement abandonné à la répugnante étreinte du Diable. Alors il garde les pourceaux de son patron – le Diable, - et ces pourceaux sont les passions, toujours insatiables. La vie de l'homme n'est pas autre chose qu'une telle vie, c'est une vie où l'esprit s'égare et se brise, car dans cet émouvant récit, le Seigneur dit du Fils prodigue : et quand il revint à soi. - Luc 15, 17. - . Comment put-il revenir à soi ? Par le repentir. Oui, c'est le péché qui pousse l'homme à l'errance. Tout péché, fût-ce le moindre d'entre eux, représente toujours un égarement de l'âme, une aliénation de l'âme. Par le repentir l'homme reprend son esprit, revient à soi. Et sitôt rentré en soi il s'écrie vers Dieu, il hurle vers le Ciel : Père, j'ai péché envers le Ciel et contre Toi. - Luc 15, 21. - . Et son Père des Cieux ? Toujours mû par son immense amour de l'homme, il aperçoit son fils repentant qui se hâte vers Lui, il le plaint, il accourt, il l'embrasse et le baise, puis il ordonne à ses serviteurs célestes, les saints Anges : Sortez la plus belle robe et revêtez l'en, et mettez- lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. Amenez le veau gras et tuez-le ; mangeons et réjouissons-nous. Car mon fils que voici était mort et il revit ; il était perdu et il est retrouvé. Et ils se mirent à se réjouir. - Luc 15, 21-24. - . Il en va ainsi de chacun d'entre nous comme de chaque pécheur repenti : c'est une réjouissance au Ciel pour le Dieu tout-ami de l'homme et pour ses Anges. Tout péché qui a fait l'objet d'un repentir conduit l'homme vers l'étreinte de Dieu, vers l'éternel Royaume du repentir de notre Père des Cieux. Mais tout péché qui ne fait pas l'objet d'un repentir produit la mort dans l'âme de l'homme, pour ensuite le projeter dans l'enfer éternel du Diable. Seigneur, accorde-nous le repentir. 7. Seul un esprit purifié de la passion et de l 'obscurité du péché et sanctifié par la Grâce de l'Esprit Saint est en état de percevoir, de saisir et d'aimer ce qui est saint, de vivre par la sainteté et pour la sainteté. Seuls les purs pourront connaître le Seul qui soit Saint : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu -Mat. 5, 8 - , et avant tout ils le verront dans ses Saints, car Dieu réside en ses Saints. Et ils verront comme divin tout ce qui a été déposé dans toutes les créatures de Dieu. Tout Saint est un théophore – un porteur de Dieu -, dans la mesure la plus parfaite à laquelle un homme puisse atteindre ; c'est en effet par Dieu qu'il vit, c'est par Dieu qu'il pense, c'est par Dieu qu'il perçoit, c'est par Dieu qu'il veut, c'est par Dieu qu'il agit. Tout en lui vient de Dieu, est en Dieu, est pour Dieu. Les Saints représentent les plus évidentes des manifestations divines, les plus accomplies et les plus parfaites, et c'est pourquoi ce sont aussi les plus convaincantes. Le Dieu-homme, le Christ est la manifestation parfaite de Dieu sous l'aspect d'un homme : Il est l'image visble du Dieu invisible. - Col. 1, 15. - . Et aussi par Lui et avec son aide, dans une mesure plus ou moins grande, tous les christophores – les porteurs du Christ -, et en premier lieu les Saints. Plus le cœur de l'homme est pur et plus son intellect est pur, plus il peut le ressentir et le voir. Le pécheur obstiné ne peut le voir, il a perdu la vue parce que le péché a aveuglé les yeux de son âme, les yeux de son cœur, les yeux de sa conscience ; ils regardent et ne voient pas, ils écoutent mais n'entendent pas, ils réfléchissent mais ne comprennent pas. De là vient qu'il y ait tant d'errances au sujet de la sainteté en général. 8. Si Dieu ne vient l'accomplir, la pensée de l'homme reste mutilée, inachevée. Aussi se dessèche-t-elle peu à peu, se fane-t-elle jusqu'à se flétrir complètement. Ce qui vaut pour la pensée humaine vaut également pour sa perception : si elle ne rencontre pas Dieu, elle va se consumer, s'éteindre jusqu'à mourir finalement ? Cette loi vaut également pour l'homme dans sa totalité. S 'il ne laisse son être s'accomplir en Dieu, il restera mutilé, inaccompli ; tout ce qu'il peut y avoir de grand et d'élevé en lui se meurt, restant chétif et insignifiant. La religion est un processus de longue durée, auquel l'homme tout entier prend part, avec tout ce qui fait de lui un homme. Dans son vécu religieux, l'homme est un être psychologique. C'est justement parce que l'homme est un être psychologique que Dieu s'est fait homme et qu'il est apparu en tant que Dieu-homme. La réalité idéale de l'existence psycho-physique se trouve dand le divino-humain. Le Verbe s'est fait chair. - Jean 1, 14. - . 9. La connaissance et la foi. Entre elles deux bourdonne un essaim d'innombrables tourments – et ce sont des tourments pour l'âme de l'homme. Si quelque chose représente un tourment pour l'âme de l'homme, c'est bien la connaissance. - Cf. Ecclésiaste 1, 13-18. - . Ne serait-ce pas aussi la foi ? Oui elle aussi – il y a eu là déjà d'innombrables naufragés ? Il y a eu aussi des rescapés : la conscience et la foi sont aussi naturelles et verbéiques d'un même mouvement. En son essence, la connaissance se fonde tout entière sur la foi – sur la foi que notre conscience est chose saine, verbéique, normale, digne de confiance. Nous recevons le monde tel qu'il se présente aux organes de notre connaissance, parce que nous croyons en notre connaissance humaine qui par elle-même n'est ni visible ni tangible. En tant qu'organe de la connaissance, la foi appréhende ce qui est inaccessible à la raison et à la compréhension de la connaissance sensible de l'homme. Elle possède sa propre vue capable de voir ce qui est invisible. Mais le regard de la foi et la connaissance de la foi s'étendent jusqu'à des limites inconnues. De là vient que ce qui est au-dessus des concepts peut devenir concevable tout en étant reçu, accepté jusqu'au martyre par l'âme de celui qui croit. La connaissance religieuse est une connaissance naturelle, prolongée et élargie par la foi et par la Grâce jusqu'au monde qui est au-dessus de la nature, mais non pas jusqu'à ce qui est contre la nature. Cette connaissance surpasse tant la raison qu'on la considère souvent comme irrationnelle. Pour l'instinct et pour la perception religieuse, il existe une connaissance de Dieu, et surtout par la Grâce du Dieu-homme, le Christ. 10. La philosophie du Saint Esprit enseigne la sagesse de la vie, car cette sagesse et cette connaissance sont une sagesse et une connaissance pleine de Grâce sur la nature de l'être, et la prunelle de cette connaissance est la connaissance du divin et de l'humain, du visible et de l'invisible. Simultanément, la philosophie de l'Esprit Saint est une puissance morale créatrice qui multiplie en l'homme la sagesse divine en ce qui concerne Dieu en assimilant cet homme à Dieu par la voie du perfectionnement dans l'ascèse et dans la Grâce. C'est ce caractère éthique de la philosophie orthodoxe que souligne Saint Jean Damascène lorsqu'il déclare que « la philosophie est de se faire semblable à Dieu », et c'est pourquoi elle est « l'art au-dessus des arts et la science au-dessus des sciences ». Parce qu'elle est une puissance vivifiante, la philosophie de l'Esprit Saint est le seul art qui soit capable de sculpter à partir d'un être aussi bigarré et complexe que l'homme une personne créée à l'image de Dieu et à l'image du Christ ; elle est l'unique science qui soit capable d'enseigner à cette créature mortelle et égocentrique qui s'appelle l'homme comment maîtriser la mort et acquérir l'immortalité. C'est pourquoi la philosophie orthodoxe est bien un art qui est au-dessus des arts et une science au-dessus des sciences. Parce qu'elle est une puissance vivifiante, la philosophie de l'Esprit Saint est le seul art qui soit capable de sculpter à partir d'un être aussi bigarré et complexe que l'homme une personne créée à l'image de Dieu et à l'image du Christ ; elle est l'unique science qui soit capable d'enseigner à cette créature mortelle et égocentrique qui s'appelle l'homme comment maîtriser la mort et acquérir l'immortalité. C'est pourquoi la philosophie orthodoxe est bien un art qui est au-dessus des arts et une science au-dessus des sciences. 11. Le mystère de la Vérité ne se trouve pas dans des choses, dans des idées ou dans des symboles, mais dans une Personne, et c'est la Personne divino-humaine du Seigneur Christ : Je suis la Vérité – Jean 14, 6 -, la Vérité parfaite, celle qui ne saurai St jamais connaître ni changement ni diminution, celle qui reste toujours l'unique et la même dans sa plénitude parfaite, toujours l'unique et la même, hier, aujourd'hui et à jamais. - Héb. 13, 8. - . Toutes les autres vérités rayonnent de cette vérité-là comme des rayons émanant du soleil, et c'est pour cela qu'elles sont elles aussi éternelles et immortelles. Les dogmes constituent en vérité tous ensemble une seule et unique Vérité : le Dieu-homme, le Seigneur Christ. Tous mènent à Lui, car tous viennent de Lui ; tous émanent de Lui comme les rayons du soleil rayonnent à partir de lui. 12. Les saints dogmes sont des vérités divines éternelles et salutaires par la force vivifiante de la Divinité trinitaire. C'est d'elle qu'ils puisent toute la puissance de la vie nouvelle selon le Christ, toute la puissance de la morale évangélique pleine de Grâce. Et du fait même qu'elles sont les paroles du Christ, elles sont esprit et vie. - Jean 6, 63, 68. - . La vie nouvelle en Christ est tout entière tissée des vérités dogmatiques de la sainte Révélation de la Trinité sainte et vivifiante. 13. Les éternelles vérités dogmatiques sont objet de foi ; la foi est l'exploit qui embrasse toute la personne de l'homme, et donc aussi la raison de l'homme. La foi est foi en ce qu'elle transforme les éternelles vérités dogmatiques de l'Evangile en vie de l'homme. Toutes les bonnes œuvres évangéliques (les vertus), au premier rang desquelles se trouve la foi, sont le pain céleste de la vie éternelle. En en mangeant, l'homme devient éternel, il devient saint, immortel, il s'emplit de grâce, il s'accomplit jusqu'aux plus extrêmes limites de son être créé à l'image de Dieu. La vie pleine de grâce de l'homme dans l'Eglise devient inévitablement la source de la connaissance pleine de grâce des éternelles vérités dogmatiques. En les vivant comme substance de sa vie, l'homme accède à leur caractère véridique, incontournable et salutaire pour la personne humaine tout entière. On peut poser ici ce principe et cette règle, cet impératif catégorique de l'Evangile : « fais pour connaître ». C'est bien là en effet le sens de ces paroles du Sauveur : Si quelqu'un veut faire sa volonté (c'est-à-dire la volonté de Dieu), il saura si cet enseignement est de Dieu. - Jean 7, 17. - . 14. Tout ce qui vient du Dieu-homme est réel et incarné, car dans le Seigneur-Christ, il n'est rien d'abstrait ni d'irréel. Son unicité réside justement en ceci qu'il est le Dieu incarnée et que toutes les vérités divines sont incarnées en Lui en tant que tel. Et puisqu'il est le Dieu incarné, et qu'avec Lui toutes les vérités divines se sont incarnées, elles peuvent toutes se réaliser, s'incarner dans la sphère de la vie humaine, c'est-à-dire dans les limites du temps et de l'espace. Tout le Nouveau Testament nous en porte le témoignage, comme toute l'Histoire de l'Eglise du Christ et de ses Saints. 15. Les prétendues preuves logiques de l'existence de Dieu, la preuve cosmologique, la preuve téléologique, la preuve ontologico-psychologique, historique, morale et tant d'autres qui ont été formulées au cours des temps par le rationalisme philosophico-religieux, ne peuvent présenter de valeur dans la dogmatique de l'Eglise orthodoxe, car elles prennent fondement sur la raison et la perception sensible de l'homme, qui est une perception relativisée, limitée et pécheresse, et parce que pour l'Eglise et pour la Révélation, la vérité de l'existence de Dieu n'est pas une représentation logique qu'il faudrait prouver par le moyen de syllogismes logiques, c'est une vérité révélée par Dieu et c'est donc une vérité qui échappe au doute. En tant que réalité divine et que donné divin, cette vérité ne dépend pas des preuves et des arguments, elle ne dépend pas des fonctions logiques de notre raison. Les preuves logiques cachent Dieu tout autant qu'elles le révèlent. 16. 16. La conscience de l'homme est la conscience de quelqu'un qui est divin. Elle est si cachée et si mystérieuse en son donné immédiat que personne qui fût inférieur à Dieu n'aurait pu la donner à l'homme. En son noyau le plus intime, la conscience de l'homme est bien une conscience divine, car la conscience-de-soi est un cadeau que Dieu a fait à l'homme. L'homme n'aurait pas pu avoir conscience de soi-même si Dieu ne le lui avait donné. 17. 17. L'homme ne peut parvenir à une connaissance de Dieu et de soi-même réelle et véritable que par le moyen d'un amour traduit en acte. C'est en aimant Dieu et les hommes que l'homme peut reconnaître de manière réelle et expérimentale que son âme a bien été créée à l'image du Christ et qu'elle est immortelle. L'expérience d'un amour traduit en acte, comme méthode de la connaissance de Dieu et de soi-même, constitue cette merveilleuse Bonne Nouvelle par laquelle le Dieu-homme, le Christ, s'est adressé à la race humaine. C'est en utilisant cette méthode que l'homme peut le plus rapidement découvrir et Dieu et lui-même, cependant que sur les voies de la mort, l'homme perd rapidement et Dieu et lui-même, cependant que sur les voies de la mort, l'homme perd rapidement et Dieu et lui-même. Inventée et appliquée par le Dieu-homme, cette méthode de la connaissance de Dieu et de la connaissance de soi-même est et est toujours restée la méthode de la gnoséologie orthodoxe. 18. Dans le Dieu-homme, le Christ, il y a quelque chose d'incomparablement plus grand que le Vrai, que le Bien ou que le Beau. Tout cela, il l'est certes au sens absolu, mais il est encore quelque chose de plus. C'est bien en cela que consiste son charme extraordinaire : le Christ attire vers Lui tout ce qu'il y a de plus grand dans l'âme humaine par la force magnétique irrésistible de son amour. Il apporte à l'âme de l'homme quelque chose que ne peuvent lui apporter ni la Vérité absolue, ni la Bonté absolue, ni la Beauté absolue prises séparément dans leur substance métaphysique ou dans leur justification logique. 19. Il n'est qu'une voie conduisant à la connaissance de la Vérité éternelle – et cette voie c'est l'amour. Lorsqu'il embrasse l'amour, qui est la substance de Dieu, l'homme s'unit réellement avec Dieu, et c'est ainsi qu'il atteint à une connaissance réelle de la Vérité éternelle. L'amour emplit l'homme de Dieu. L'homme connaît Dieu à la mesure où il s'est empli d'amour. C'est en s'emplissant d'amour que l'homme s'illumine, se sanctifie, se divinise, et c'est de cette manière qu'il se rend capable d'une véritable connaissance de Dieu. C'est en faisant sien et en vivant le plus grand et le premier commandement de l'amour – Mat. 22, 37-39 – que l'homme peut devenir participant de la nature divine. - 2 Pierre 1, 4. - . La puissance divine de l'amour fait entrer l'homme tout entier dans un processus de divinisation, en divinisant son cœur, son âme, son intellect et sa volonté ; alors tout ce qui est humain vit par Dieu, perçoit par Dieu, pense par Dieu, veut par Dieu. C'est alors que l'Esprit Saint vient révéler aux hommes le mystère de la Divinité, car personne ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu. - 1 Cor. 2, 11. - . Or l'Esprit Saint est «  le Dieu d'amour » et «  le Dieu de sagesse et de raison », c'est-à-dire l'esprit de la véritable science, et de la connaissance divino-humaine. 20. Le Dieu-homme a fait de l'amour la substance et la méthode de la connaissance de Dieu et de la connaissance de l'homme. L'amour n'est pas seulement une perception, c'est la substance de l'âme, de l'esprit et de la volonté. C'est lui qui représente la principale force créatrice par laquelle la personne néo-testamentaire se construit elle-même. Tout le mystère de l'émouvante personne du Christ réside dans l'amour ; c'est dans l'amour que se trouve aussi tout le mystère de la gnoséologie néo-testamentaire. L'amour divino-humain ouvre la nouvelle voie de la connaissance. Son impératif catégorique s'énonce ainsi : aime pour connaître. Son impératif catégorique s'énonce ainsi : aime pour connaître. La véritable connaissance procède en tout de l'amour : elle se conçoit dans l'amour, grandit par l'amour et atteint à sa perfection par le moyen de l'amour. « J'aime » signifie : « je connais ». La connaissance est une émanation de l'amour. Toute la philosophie de la connaissance est contenue dans la philosophie de l'amour. Si l'homme aime d'un amour à l'image de celui du Christ, c'est un véritable philosophe, qui connaît le mystère de la vie et du monde. Dieu est Dieu par l'amour ; de même l'homme est homme par l'amour. 21. Lorsqu'une personnalité à l'image du Christ tourne son âme vers une chose, elle est toute ardente de nostalgie et de prière. Et elle aime toute chose, elle l'aime avec nostalgie et prière. La personne à l'image du Christ ne reçoit pas quelque chose directement, mais indirectement, par le Christ. Elle aborde les choses par le Christ ; elle voit avec ses yeux, elle perçoit avec son cœur, elle mesure à sa mesure. C'est ainsi que sous l'écorce du péché elle découvre la substance impeccable de cette chose. Conduite par le Christ à travers les mystères de tous les mondes, la personne à l'image du Christ voit le Verbe et la verbéité de l'univers et reçoit toute réalité des mains du Créateur. Considérée dans le miroir de son âme, la réalité souffrante lui apparaît dans toute l'impeccabilité et la beauté de sa verbéité. Le mystère ultime de la réalité se révèle à l'âme créée à l'image du Christ, car elle aime cette réalité. Et ce qui est aimé découvre toujours son mystère à celui qui l'aime. La personne créée à l'image du Christ contemple la nature non comme une merveille étrange qu'il faut impitoyablement dompter et maîtriser ( pour se l'approprier et se la soumettre), mais comme un malade dont il faut avoir pitié, qu'il faut plaindre et aimer. Pour elle, la nature représente non une matière sans âme, qu'il faut traiter durement et exploiter sans pitié, mais un somptueux mystère divin, qu'il faut aimer dans la prière et élever dans l'amour. «  Aimez toute créature de Dieu, la nature tout entière comme chaque miette. Aimez chaque feuille, chaque rai de lumière que Dieu a fait, aimez les animaux , aimez les plantes, aimez toute chose. Si tu aimes toute chose – tu comprendras le mystère de Dieu dans les choses. Et si tu comprends une fois, par après tu te mettras infatigablement à connaître toujours plus et plus loin, jour après jour. A la fin tu aimeras le monde entier d'un amour total, universel. » - Dostoïevsky, Les Frères Karamazov.- 22. Sous le regard clairvoyant de sa prière aimante, la personne à l'image du Christ voit l'immuable vérité de chaque réalité de Dieu et trouve sa vraie place dans l'harmonie verbéique du monde. En vérité, « toute créature de Dieu est bonne » et aucune n'est à rejeter lorsqu'on la reçoit avec amour et prière car la parole de Dieu et la prière la sanctifient. - 1 Tim. 4, 4-5. - . Pour les purs, tout est pur, mais pour ceux qui sont souillés et pour les infidèles rien n'est pur, car leur intellect et leur conscience sont souillés. - Tite 1, 15. - . Pour l'esprit incroyant d'Ivan Karamazov, tout est un chaos sauvage, maudit et diabolique ; pour l'intellect christifié par la prière du starets Zosime comme pour l'intellect des autres héros nostalgiques du Christ de y, tout n'est que le très- doux mystère de Dieu, seulement empoisonné par le péché ; le péché s'éloigne-t-il, aussitôt tout redevient magnifique et grandiose. C'est seulement dans le Dieu-homme, le Christ, que toute réalité, à quelque monde qu'elle appartienne, trouve sa valeur éternelle et absolue, car toute chose a été créée par Lui et pour Lui. - Col. 1, 16. - . En Dieu le Verbe incarné, chacune retrouve sa beauté primordiale, sa sainteté et son absence de péché. 23. Il n'est rien de plus redoutable que l'homme dans tous les mondes, car il n'est rien de plus infini. Le vertige saisit toutes les créatures qui sont capables de penser à l'homme. Même pour les intellects angéliques il est difficile de garder la sagesse au sujet de l'homme ; c'est une chose affligeante jusque pour les cœurs des chérubins. L'être humain ne connaît pas de limites – ou bien, s'il est pour lui une limite, c'est l'immortalité. Amères sont ces limites vénéneuses de l'homme. Qui n'a été saisi d'amertume dès qu'il en a pris conscience, dès qu'il en a pris connaissance par la perception ? Pour peu que tu aies exploré avec Job, le juste aux multiples souffrances, les infinités de l'homme, ton cœur a dû se fondre de douleur. Pour peu que tu les aies explorées avec Shakespeare, tu as dû être pris de délire, et appuyer ton âme tourmentée – sur quelle aile ? … Soyons sincères jusqu'au bout : si le merveilleux Seigneur Jésus Christ n'avait ressuscité, s'il n'avait projeté tout l'éclat de sa résurrection pour donner tout leur sens aux infinités de l'homme, comment tout homme ne serait-il pas contraint de considérer le Créateur d'un tel être comme un tyran ?... Mais l'unique très-Doux passe paisiblement de cœur en cœur pour adoucir de sa tendresse divine le mystère si amer de l'être humain et emplir de Lui-même toutes ses infinités. Voilà pourquoi toutes les infinités de l'homme sont si douces pour l'homme du Christ. Pour lui il n'est en elles aucun sujet de crainte, car elles sont emplies du Verbe divin, de la Pensée divine, de la toute-Pensée divine. Le centre de l'être humain se trouve bien en effet dans le Seigneur Christ, dans Celui qui est ressuscité et monté au Ciel, dans Celui qui siège à la droite de Dieu. - Cf. Col. 3, 1. - . Avec le Dieu-homme ressuscité, l'éternité et l'immortalité sont devenues la nouvelle catégorie de la vie humaine. Les chrétiens sont chrétiens en ceci qu'ils vivent par la puissance de la résurrection et selon les lois de la résurrection. - Cf. 1 Cor. 15, 29-34. - . Or cela signifie qu'ils vivent de l'éternité et pour l'éternité, car le corps et l'âme ont été établis pour l'éternité, pour la divino-humanité. 24. Dans tous les mondes, l'homme est le seul être qui s'étende depuis l'enfer jusqu'au Paradis. La gamme de toutes les pensées humaines, de toutes les perceptions humaines, de toutes les dispositions humaines, est plus étendue que même celle des anges et celle du Diable. Plus étendue que celle des anges, car l'homme peut descendre jusqu'au Diable. Plus étendue que celle du Diable, car l'homme peut s'élever jusqu'à Dieu. Qu'il le veuille ou non, l'homme est toujours un être éternel. A travers tout ce qui vient de lui jaillit une sorte de mystérieuse éternité. Par tout son être, l'homme est condamné à l'immortalité et à l'éternité. Mais cette éternité, cette immortalité, peuvent être de deux sortes : elles peuvent être celles du bien ou celles du mal, de Dieu ou du Diable. Reste à l'homme la liberté et le droit de choisir entre ces deux immortalités, entre ces deux éternités. Quand commence l'immortalité de l'homme ? Elle commence dès sa conception dans le sein maternel. Et quand débutent le paradis ou l'enfer de l'homme ? Ils prennent leur début à la libre détermination de l'homme en faveur du Bien divin ou du mal diabolique, pour Dieu ou pour le Diable. Tant le paradis que l'enfer de l'homme prennent leur commencement dès ici-bas sur terre, pour se prolonger éternellement après la mort dans l'autre vie et dans l'autre monde. Qu'est-ce que le Paradis ? Le Paradis est la perception de Dieu. Si l'homme perçoit Dieu en lui-même, il est déjà au Paradis. Là où est Dieu, là est le Royaume de Dieu, là est le Paradis. Sitôt que Dieu le Verbe est descendu sur la terre et qu'il est devenu homme, le Paradis est devenu la plus immédiate des réalités terrestres et humaines. Car là où est le Seigneur Christ, là est le Paradis. Voilà pourquoi Saint Jean de Cronstadt pouvait dire : « Lorsque Dieu est présent dans toutes les pensées de l'homme, dans tous ses désirs, dans tous ses projets, dans ses paroles et dans ses actes, cela signifie que le Royaume de Dieu est venu vers lui. Alors il voit Dieu en tout : dans le monde de la pensée, dans le monde de l'action et dans le monde de la matière. » - Ma Vie en Christ.-. 25. Faire participer sa pensée à la divine toute-Pensée, à la divine Verbéité, revient à la transfigurer en pensée divine. Il en va de même de la perception : si elle participe à la divine toute-Pensée, elle se transforme en perception de Dieu. Or la pensée de Dieu et la perception de Dieu sont comme des anges. Emplie par elles, l'âme s'emplit d'anges, et c'est ce qui fait d'elle un Paradis. Percevoir constamment et être constamment conscient de la verbéité divine et de la divine toute-valeur du monde cela constitue aussi le Paradis pour l'âme humaine. Ne pas avoir cette perception et cette connaissance – cela représente l'enfer pour l'âme. Ce sont la stabilité et l'immortalité dans la perception et dans la connaissance de la verbéité divine du monde qui caractérisent les Anges et les Saints. La totale carence d'une telle perception et d'une telle connaissance caractérisent le Diable et les hommes qui sont enracinés dans le mal. Hésiter dans cette perception et dans cette connaissance fait partie du manque de foi de l'homme. Le paradis consiste en une perception et en une connaissance stable et immortelle de la verbéité divine du monde, et l'enfer dans une complète absence de cette perception et de cette connaissance. Le Diable est diable en ceci qu'il rejette totalement et éternellement la verbéité et la logicité du monde. Pour lui, tout est dépourvu de sens, tout est stupide, et c'est pourquoi il faut tout anéantir. Or l'homme est placé à la croisée des chemins entre le Paradis et l'enfer, entre Dieu et le Diable. 26. Chaque pensée, chaque perception, conduit peu à peu l'âme, soit au Paradis, soit en enfer. Si elle est verbéique, la pensée attache l'homme à Dieu le Verbe, à Celui qui est la toute-Pensée, la toute-Valeur – c'est déjà le Paradis. Mais si elle n'est pas verbéique, si elle est anti-verbéique, elle lie inéluctablement l'homme au Contre- sens, à la Source des contresens, au Diable – et c'est alors déjà l'enfer. Ce qui vaut pour la pensée vaut également dans la même mesure pour la perception. Tout commence ici-bas, tout commence de la terre : le Paradis de l'homme comme l'enfer de l'homme. La vie de l'homme sur cette planète est un drame grandiose : l'éternel et l'éphémère s'y entrechoquent constamment, le mortel avec l'immortel, le bien et le mal, le Diable et Dieu. 27. Tout en tout : l'invisible est au cœur du visible, il est le noyau du visible. Parlons sincèrement : les trois mondes – le cosmos, la terre et l'homme, - présentent par eux-mêmes une sorte de puissance invisible, revêtue de matière. La nature visible est la projection matérielle des pensées ( les logoï) immatérielles, invisibles, de Dieu. De même l'homme est quelque chose qui se trouve très loin de tout cela : l'homme est la projection visible du visage invisible de Dieu. Toute chose en ce monde est le cadre dans lequel Dieu a placé l'une de ses pensées ; toutes les choses ensemble constituent la somptueuse mosaïque des pensées divines. Allant de chose en chose, nous passons d'une pensée de Dieu à l'autre, d'une fresque de Dieu à l'autre : en allant d'un homme à l'autre, nous passons d'une icône de Dieu à l'autre, car de même que Dieu a véritablement inséré ses pensées dans le cadre des choses, de même il a placé dans le cadre de l'homme son propre visage, son icône. Il est dit dans la Sainte Ecriture : Et Dieu fit l'homme à son image, à l'image de Dieu il le fit. - Gen. 1, 27. - . C'est pourquoi chaque homme est théophore dès le sein de sa mère. Mais par le péché l'homme a brisé l'image de Dieu qu'il portait en son âme, par ses passions il l'a obscurcie, par ses vices il l'a défigurée ; Et l'admirable visage du Christ a été recouvert de l'enduit opaque formé par la purulence repoussante de la volupté ; Mais c'est pour cette raison que le très-miséricordieux Seigneur Christ est devenu homme « afin de renouveler sa propre image souillée par les passions ». - Tropaire dogmatique du ton 4. - . Il est devenu homme pour que l'homme se souvînt de l'image de Dieu qu'il porte en lui-même, pour lui rappeler son extraction divine et purifier cette icône de Dieu qui est en lui de la fange puante du péché, du noir goudron des passions et de la répugnante purulence de la volupté. Lui qui est le Dieu et le Seigneur incorporel a assumé en Lui-même un corps humain pour y placer sa Divinité afin de montrer aux hommes que le corps peut être le cadre de l'icône de Dieu. Lui qui est le Dieu et Seigneur incirconscriptible, il s'est fait chair et par cette incarnation, il s'est laissé circonscrire, il a circonscrit son image. Lui le Dieu invisible, il s'est fait visible en s'incarnant ; en s'incarnant, le Seigneur invisible s'est circonscrit dans un corps. En unissant en Lui-même Dieu et l'homme, le Seigneur Christ a renouvelé l'image de Dieu en l'homme. 28. C'est dans la Personne du Dieu-homme que la personne de chaque homme en général a pu trouver sa valeur éternelle ; Selon l'enseignement et l'expérience de l'Eglise divino-humaine, de l'Eglise orthodoxe, le plus important est de retrouver l'image de Dieu en l'homme. Si tu l'as retrouvée en l'homme, tu as retrouvé en lui la valeur qui ne saurait passer, sa valeur absolue et immuable, éternelle et immortelle. Bien souvent l'image de Dieu en l'homme a été enfouie sous la fange des passions et les épines des passions, sous la fange des péchés et la mauvaise herbe du vice. Mais un chrétien orthodoxe l'est justement en ce qu'il a comme dessein de retirer tout cela de l'image de Dieu qui se trouve dans l'âme humaine afin que cette image puisse resplendir à nouveau de toute sa splendeur divine. Si tu fais cela, tu aimeras l'homme jusque dans son péché, tu n'identifieras jamais le pécheur et le péché, le méchant et sa méchanceté, tu sauras toujours distinguer le pécheur et le péché, condamnant le péché pour pardonner au pécheur, imitant ce que dans l'Evangile le Christ a fait pour le pécheur. - Jean 8, 3-11. - . Voici que le très-miséricordieux Seigneur condamne le péché mais ne condamne pas le pécheur. C'est comme s'il disait : Je ne condamne pas ton âme qui a été créée à l'image de Dieu, mais je condamne ton péché ; tu ne t'identifies pas à ton péché, en toi il y a des puissances divines qui peuvent te délivrer de ton péché ; va, et ne pèche plus. - Jean 3, 11. - . 29. Quelle que soit l'attirace qu'il éprouve pour l'orage et la tempête, l'homme désire pour si peu de temps que ce soit pouvoir jeter l'ancre dans un hâvre tranquille, là où le temps ne fasse pas la guerre à l'éternité. Là ses pensées en cortèges priants plongent avec nostalgie dans les profondeurs d'un bleu infini ; un désir inonde ton âme tout entière : c'est le désir de transformer à jamais tes pensées en prières éternelles. Car les pensées qui ne modulent pas en prières sont des semences de tempêtes, elles provoquent les orages, elles créent les ouragans. Il en va de même des perceptions qui ne se tournent pas en prière. Toute pensée qui ne désire pas se muer en prière, s'achever en prière, est une malédiction pour l'homme. C'est un cauchemar insupportable que d'avoir des pensées qui ne se transforment pas en émotion et en ravissement de prière devant le mystère du monde. Il n'est rien de plus émouvant que des pensées qui devant le spectacle des mondes de Dieu se muent insensiblement en prière. 30. Dans tout ce qui est terrestre il y a quelque élément céleste, en tout ce qui est naturel il y a quelque élément qui vient d'au-dessus de la nature. Dans le grain de blé il y a un éclat de ciel, car avant qu'il ne vînt à l'être il fallut qu'il absorbât beaucoup de lumière céleste, de chaleur et d'azur. En tout brin d'herbe il y a quelque chose des étoiles, comme en tout ce qui est animal, en tout ce qui est minéral, et surtout en tout ce qui est humain. Tout en ce monde terrestre est lié par son destin au monde céleste de l'au-delà ; Elle est incontestable, cette vérité selon laquelle la terre est maintenue par le Ciel et existe par le Ciel – la terre, avec tout ce qu'elle porte. Une même et unique puissance maintient dans l'existence le monde céleste et le monde terrestre, la nature et l'au-delà de la nature, la réalité visible et la réalité invisible. Le passage de la nature à ce qui est au-dessus de la nature et de ce qui est au-dessus de la nature à la nature reste en vérité bien mystérieux et caché et ne se laisse pas soumettre au contrôle des investigations de l'esprit humain. Au travers des réalités invisibles de l'infra-électronique et des photons s'accomplit comme un débordement du surnaturel dans le naturel, de l'invisible dans le visible. Par l'âme mystérieuse du photon s'accomplit l'épanchement des puissances verbéiques lumineuses de Dieu le Verbe dans l'être humain. C'est ainsi qu'en vérité il n'y a pas de frontière bien fixée entre le domaine de la nature et celui de l'au-delà de la nature, ou bien entre le monde visible et le monde invisible. En tout ce qui est terrestre il y a beaucoup d'éléments célestes. 31. La philosophie est un tourment bien spécifique. C'est là que la pensée vient se fracasser dans les abîmes des ténèbres et les sauvages précipices du non-être et du tout-être. C'est pourquoi les philosophes sont dans leur mouvement des gens misérables et emportés. Les philosophes sont, bien souvent, des gens tragiques, car leur pensée s'attaque longuement et obstinément aux mystères du cosmos, avant de retomber, telle un oiseau blessé, devant leurs derniers remparts. Les philosophes sont, parfois, gens désespérés, car leur pensée les emmène dans des labyrinthes tels qu'ils n'ont plus ni issues ni échappatoires. Les philosophes sont, de temps à autre, gens révoltés, car leur pensée s'emporte contre les terrifiants mystères de ce monde. Les philosophes sont, par moments, gens sarcastiques, car leur philosophie n'est pas en état de découvrir cette goutte de nectar qui se cache dans les corolles de tant d'êtres et de tant de choses. Eux se nourrissent des feuilles amères des mystères sauvages qui croissent habituellement avec tant de luxuriance dans les prairies de nos misérables réalités terrestres. 32. En compagnie des philosophes je voyage dans une caravane qui divague dans des déserts sans fin. Nous n'avons plus d'eau pour rafraîchir notre âme, notre pensée s'épuise de soif et de faim, nous nous nourrissons de sable et nous buvons du sable. Oh, ce sable des mystères trop salés, amers et redoutables...Quelle douleur d'être un philosophe, car tu te trouves dans une caravane impuissante à sortir du désert. Là la pensée humaine expire de faim et de soif dans d'horribles tourments. Et l'homme ? Misérable affligé devant le tombeau de sable gris de son maître et guide – la pensée. Pour la pensée humaine, tourmentée dans le désert de son monde, il existe cependant bien une issue. Oui, et il n'en est qu'une, et c'est Lui, le Dieu-homme, le Christ. C'est Lui qui accomplit la pensée humaine par Dieu, le Créateur de la pensée ; c'est Lui qui transforme la pensée humaine, cette annonce si amère, en une Bonne nouvelle ; c'est Lui qui accomplit l'homme, le plus tragique de tous les êtres, jusqu'à le parfaire par Dieu. Lui, le merveilleux Dieu-homme, le Dieu de la pensée humaine, le Verbe de la pensée humaine, la Verbéité de la pensée humaine, le Sens de la pensée humaine. 33. La pensée humaine n'est-elle pas le monstre le plus assoiffé de sang, si elle ne trouve son accomplissement et sa perfection dans le Verbe de la pensée, dans la Verbéité de la pensée ? Sans le Verbe de la pensée, sans la Pensée de la pensée, la pensée humaine n'est qu'un énorme non-sens. Pour peu que vous ayez sérieusement réfléchi à ce qu'est la pensée, vous l'avez sûrement ressenti. Vous le savez, c'est alors que l'on frémit d'horreur jusqu'à la moelle des os : la pensée tombe en délire et divague lorsqu'elle pense à la nature de la pensée. Voilà bien la vérité, et c'est une vérité humainement réelle : c'est seulement par le Dieu-homme et dans le Dieu-homme que la pensée humaine peut devenir un joug bénin et un fardeau léger. - Mat. 11, 30. - . Seul le Dieu homme a pu nous révéler quelle est la voie droite pour la pensée humaine, la voie qui conduit à la perfection immortelle et à la vie éternelle, et cette voie c'est que la pensée humaine se développe grâce aux moyens divino-humains en pensée divine, la perception humaine en perception divine et l'homme en dieu-homme par la Grâce. 34. L'intelligence qui vit et qui s'exprime par le péché, par le mal et par la mort, est un châtiment de Dieu : une grande intelligence, c'est un grand châtiment ; avec une intelligence sans bonté ni délicatesse, l'homme est presque un diable. Le Diable est une grande intelligence dépourvue de la moindre bonté et du moindre amour – et c'est aussi ce qu'est l'homme, s'il n'a ni bonté ni amour ; l'homme qui a de l'intelligence, mais ni amour ni bonté, est un enfer pour l'âme et pour le cœur, un enfer pour toute l'humanité, car il est destructeur, et d'abord destructeur de lui-même. Selon les mots du saint Evangile : Il a dispersé les orgueilleux dans les pensées de leur cœur. -Luc 1, 51. - . 35. De chaque exploit évangélique un œil pousse à chaque fois en l'âme, et de nombreux exploits produisent de nombreux yeux, par lesquels l'âme peut regarder et percevoir l'invisible pour évaluer par un jugement divino-humain tout ce qui se passe en elle et dans le monde autour d'elle. Lorsque l'homme accomplit l'exploit de la miséricorde évangélique, un œil lui pousse en son âme qui scrute fixement tout ce qui est du Christ, désirant de jour et de nuit tout ce qui est éternel et divino-humain. S'il accomplit l'exploit évangélique de l'amour, de la prière évangélique, du jeûne évangélique et des autres vertus évangéliques, dans son âme se multiplient les yeux qui scrutent l'invisible et voient Celui qui est l'Invisible. Dès qu'elle a acquis les vertus évangéliques, l'âme de l'homme scrute tout ce qui est de Dieu et tout ce qui est éternel en ce monde de l'existence éphémère. Mais s'il n'y a pas en elle de vertus évangéliques, l'âme reste aveugle à tout ce qui est immortel et éternel tant en ce monde qu'en l'autre. - Cf. 2 Pierre 1, 3-9. - . 36. C'est à nous qu'il revient de faire croître en nous-mêmes et de préserver tout ce qui y est éternel et divino-humain, de développer en nous la perception et la connaissance de la vie éternelle jusqu'à ses plus extrêmes limites. Voici pour quelle raison Dieu le Verbe est devenu homme : c'était afin de nous enseigner à nous, les hommes, comment acquérir la vie éternelle dans un monde qui passe . Notre foi n'est pas autre chose qu'une lutte constante pour la vie éternelle, un tourment éternel subi pour remporter la vie éternelle -1 Tim. 6, 12 - , et la terre est le champ de bataille, le terrain du martyre sur lequel nous souffrons et accomplissons des exploits pour la vie éternelle. C'est là notre vocation. -1 Tim. 6, 12. - . Quiconque pense autrement n'est pas du Christ. 37. Il ne faut pas perdre de vue que l'homme ne peut se rendre capable de se regarder et de se connaître lui-même et le monde qui l'entoure avec le regard du Christ, de s'évaluer lui-même à l'étalon du Christ, de se mesurer avec les critères divino-humains, que s'il se co-incarne au Dieu-homme, au Christ, au moyen des exploits pleins de Grâce de la foi évangélique, que s'il se rend con-corporel à Lui – Eph. 3, 6 -, comme partie constituante de son corps divino-humain qui est l'Eglise. En d'autres termes : si de tout son être, de tout son cœur et de toute son âme, de toute sa force il se fait ecclésial (conciliaire), s'il se fait église ( s'il se conciliarise, s'il se christifie), alors il pourra regarder le monde avec les saints yeux du Saint Esprit. Or tout cela ne peut être obtenu que par une pratique incessante et pleine de Grâce des exploits évangéliques de la foi, de l'amour et de l'espérance, de la prière, du jeûne et de la douceur, de l'humilité, de la patience et tous les autres. C'est alors que se produit, dans le mystère et dans la Grâce une croissance de l'âme de l'homme et de tout son être par le Seigneur Christ, semblable à la croissance des sarments sur le cep. - Cf. Jean 15, 1-6. - . Nous avons ainsi une véritable hominisation, une véritable ecclésialisation et une véritable christification de l'homme. 38. Il est dit : Je perdrai la sagesse des sages, et la raison des raisonnables, je la rejetterai. - 1 Cor. 1, 19. - . Qu'y a-t-il d'humain qui puisse tenir devant la force de la mort, du péché et du Diable ? Ne serait-ce point la raison, ou la volonté, ou le cœur ? Tout cela est encore plus impuissant que la cendre, plus fragile qu'une toile d'araignée. Peut-il y avoir une sagesse humaine qui ne rende l'âme devant la force terrifiante de la mort et du péché ? Peut-il y avoir une raison humaine qui ne tombe morte dans sa lutte contre le péché, la mort et le Diable ? Il n'est pas de sagesse humaine, fût-ce la sagesse des sages, que la mort ne puisse anéantir ; ou bien le péché, ou encore le Diable. Il n'est pas de raison humaine, fût-ce la raison des raisonnables, dont le péché, ou bien la mort, ou bien le Diable, ne puissent se jouer comme des enfants tirent les billes. Mais est-ce vraiment une sagesse, cette sagesse qui ne peut sauver l'homme de la mort et du péché ? Est-ce vraiment une raison, cette raison qui ne peut trouver pour l'homme un moyen de se sauver de la mort, du péché et du Diable ? Et tant la sagesse des sages que la raison des raisonnables laissent les hommes tomber et se perdre dans la mort et dans la mortalité, dans le péché et dans tout ce qui est pécheur, dans le Diable et dans tout ce qui est diabolique. Quiconque a tenté avec leur aide de résoudre le problème de la vie et de la mort ou de délivrer les hommes du péché et de la mort a pu ressentir cette impuissance de la sagesse humaine et de la raison humaine. Et pour peu qu'il soit conséquent et opiniâtre, il doit recourir à quelque chose qui soit plus puissant que la sagesse des hommes et que la raison des hommes. Or dans notre monde humain, seule la croix du Christ peut être ce quelque chose qui est plus puissant. C'est ce que nous fait remarquer l'Apôtre divinement sage lorsqu'il rappelle aux chrétiens les paroles de Dieu : Car il est dit : Je perdrai la sagesse des sages, et la raison des raisonnables, je la rejetterai. Et en vérité, dès lors qu'il eut sauvé par la Croix le monde du péché, de la mort et du Diable, notre Seigneur Jésus Christ a bien anéanti la sagesse des sages et rejeté la raison des raisonnables. Et il a bien institué sa Croix comme puissance de Salut,comme moyen de Salut et comme signe de Salut. 39. Où est le sage ? Où est le lettré ? Où est-il le raisonneur de ce monde ? - 1 Cor. 1, 20. - . Où sont-ils ceux qui contesteront et qui démontreront que ce n'est pas la croix du Christ, cette puissance par laquelle nous sommes sauvés du péché, de la mort et du Diable, mais que c'est la sagesse humaine et les lettres humaines et les arguties des hommes. Où est le sage ? Qu'il nous invente donc le remède qui nous guérira de la mort et le Salut qui nous sauvera du péché ; qu'il nous explique donc le mystère de l'homme et du monde. Où est le lettré ? Qu'il nous décrive donc et qu'il nous expose tout avec art, nous démontrant ainsi le caractère salutaire de la littérature humaine. Où est-il, le raisonneur de ce monde ? Celui qui nous argumentera et nous expliquera tout cela avec logique, nous révélant ainsi la mission salutaire de la philosophie humaine. Le sage comme le lettré ou le raisonneur de ce monde ne sont que des témoins diserts et intarissables de l'impuissance et de la faiblesse humaines devant les grandes questions logiques et naturelles que pose l'esprit humain. Souvent même ils aggravent encore les tourments que nous causent notre ignorance, notre impuissance, le péché, la mort et la faiblesse – en un mot : tous les tourments qui nous viennent de cet enfer que nous nommons la connaissance humaine, la raison humaine, le cœur humain. 40. Puisque en effet le monde, par la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c'est par la folie de la proclamation (de la Croix du Christ) que sont sauvés ceux qui croient. - 1 Cor. 1, 21.) - . En sa totalité comme dans le détail, le monde a été créé par Dieu le Verbe, par Dieu la Sagesse, qui, en tant que Sauveur du monde s'appelle aussi la Sagesse de Dieu. - 1 Cor. 1, 24-30. - . Ce qui veut dire le monde tout entier qui environne l'homme est considéré comme sagesse de Dieu, et chaque créature comme un héraut intarissable proclamant cette sagesse ; puisqu'il se trouve dans ce monde, l'homme se trouve bien dans la sagesse de Dieu, cerné par elle de tous côtés. La race humaine cependant, ce monde de sages créés à l'image de Dieu, n'a pas reconnu Dieu par la sagesse, alors qu'elle vivait dans la sagesse de Dieu, c'est-à-dire dans la Création de Dieu, qui tout entière proclame son Créateur d'une voix de tonnerre. Nous nous sommes caché à nous-mêmes cette sagesse de Dieu, nous l'avons rejetée dans l'obscurité projetée par nos péchés – alors qu'elle est répandue et révélée dans toutes les créatures. Mais toute la sagesse divine de Dieu le Verbe incarné rayonne de la Croix du Christ . Et c'est pourquoi par la foi en Lui, nous reconnaissons aussi notre véritable Dieu et Seigneur, c'est pourquoi nous sommes sauvés du péché, de la mort et du Diable. Aussi chaque homme raisonnable et sincère doit-il reconnaître que c'est par la folie de la proclamation de la Croix du Christ que Dieu sauve ceux qui croient. La Croix et la foi sont bien les moyens du Salut. On ne peut percevoir la puissance de la Croix que lorsqu'on place sa foi en elle, même si c'est en dépit de tous les « raisonnements logiques » que la raison humaine peut aligner contre cette foi. S'il croit en la Croix,l'homme vit progressivement sa puissance salutaire et la joie du Salut, et en lui s'épanche cette sagesse de Dieu qui l'emplit de la véritable connaissance de Dieu, de la force de Dieu et de la sagesse de Dieu et de ce merveilleux exploit divino-humain qu'est le Salut du monde par la Croix. C'est seulement lorsque nous sommes sauvés de la mort, du péché et du Diable, que nous pouvons accéder à la véritable connaissance de Dieu, de l'homme et de la Création, car c'est du péché, de la mort et du Diable qu'émanent ces ténèbres et cette obscurité qui nous occultaient Dieu et nous obscurcissaient la Création de Dieu au point que nous ne savions plus y voir la sagesse et la puissance de Dieu qui devaient nous conduire à la véritable connaissance de Dieu, de l'homme et de la Création. C'est seulement lorsque nous aurons purifié du péché qui les obscurcissait l'intellect, le cœur et l'âme de l'homme qu'ils peuvent devenir capables de véritablement connaître Dieu, l'homme et le monde. La croix dans le cœur, la croix dans l'âme, la croix dans l'intellect – ce sont les forces qui peuvent nous purifier de tout péché et nous rendre capables de connaître Dieu par la foi ainsi que la sagesse de Dieu. Sans foi en la Croix, il n'est pas de Salut, ni de connaissance de Dieu, ni de connaissance de l'homme. 41. Car les Hébreux demandent des signes, et les Grecs cherchent la sagesse, et nous nous proclamons le Christ crucifié, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. - 1 Cor. 1, 22-24. - . Les Hébreux tiennent pour les signes, les Grecs sont pour la philosophie – ils ne mettent pas leur ambition à être sauvés du mal, du péché et du Diable. Or c'est seulement d'être sauvés de ces trois-là qui peut nous procurer tout ce qui est nécessaire à l'homme : et la force et la sagesse, la connaissance et la puissance, l'immortalité et la joie. C'est ainsi qu'aucun signe ne peut procurer le Salut aux Juifs, car ils ne croient pas à Celui qui fait les miracles ; de même aucune sagesse ne peut apporter aux Grecs la véritable Sagesse, car ils ne croient pas à la sagesse de Dieu incarnée – c'est-à-dire le Dieu-homme, le Christ. La première condition pour pouvoir trouver la véritable Sagesse est que l'esprit de l'homme se délivre de l'illusion, du mensonge et du péché, c'est-à-dire de l'orgueil, de la suffisance, de l'égocentrisme, de la fermeture sur soi-même. - Cf. Jean 12, 24. - . La Sagesse de Dieu ne se livre qu'à ceux qui ont le cœur pur, qu'aux hommes qui ont une vie sainte. - Cf. Jacques 3, 13 ; Mat. 5, 8. - . Cette Sagesse est un don de Dieu : elle est d'abord pure, puis pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, sans partialité, sans feinte. - Jacques 3, 17. - . Seule la sagesse évangélique peut être une telle sagesse, et l'on y parvient par la foi dans le Christ crucifié et ressuscité et par une vie pure et sainte dans la foi. 42. Car je n'ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié – 1 Cor 2, 2. - parce qu'il est Lui l'unique être sous le Ciel par qui les hommes puissent être sauvés. - Actes 4, 11-12. - . Savoir cela représente l'unique sagesse, l'unique toute-valeur. Sans cette connaissance, toutes les connaissances humaines ne se résument-elles pas à une ignorance stérile et impuissante ? Et il est bien vrai qu'elles ne sauraient être d'aucun profit à l'homme pour ce qui est le plus important : pourvu de toutes ces connaissances l'homme reste encore un néant tapageur, bruyant et cauchemardesque. - 1 Cor. 13, 2. - . S'il veut bien se regarder, regarder sa connaissance, l'homme ne peut que s'effrayer de son insignifiance, de son néant, de son impuissance, et s'il s'éveille spirituellement, c'est pour ressentir tout ce que le Dieu-homme, le Christ, représente pour la race humaine. C'est Lui qui sauve tout ce qui est humain pour lui donner tout son sens : l'âme et le corps, la connaissance et la perception, la vie et la mort, l'éternité et l'immortalité ainsi que tout ce qui est visible et ce qui est invisible. Tant en ce qui concerne la foi qu'en ce qui concerne la divinisation philosophique de l'homme, le culte de l'homme, l'esprit grec est impuissant, il ne saurait être d'aucune aide lorsqu'il est question du Salut de l'homme et du monde. Qui plus est, ce culte est ce qui empeche les Grecs d'évaluer correctement le Dieu-homme, le Christ, et d'accepter qu'il soit bien l'unique véritable Dieu et Seigneur, notre Sauveur et notre Rédempteur. C'est pourquoi le saint Apôtre est venu parmi eux ( les Grecs de Corinthe) avec cette décision de ne rien savoir parmi eux, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. Oui, crucifié, et cela désigne bien le Sauveur, et non seulement le Maître : d'abord le Sauveur, et après le Maître. C'est en tant que Sauveur qu'il a accompli ce Salut du monde, qu'il l'a sauvé du péché, de la mort et du Diable, par sa mort sur la Croix, par sa Résurrection, par son Ascension, par toute sa vie divino-humaine. C'est tout cela qui a fait de Lui l'unique Maître de la race humaine, car il est le Seul qui ait pu enseigner aux hommes comment vaincre le péché, la mort et le Diable, il est le Seul qui leur ait donné les forces nécessaires pour le faire et pour ainsi s'acquérir et s'assurer l'immortalité et la vie éternelle Voilà pourquoi son nom est Jésus, ce qui signifie Sauveur. 43. C'est à nous que Dieu l'a révélé par son Esprit, car l'Esprit scrute tout, et jusqu'aux profondeurs de Dieu. - 1 Cor. 2, 10. - . En échange de notre foi en Christ et de notre amour du Christ, Dieu nous donne son Esprit Saint, l'Esprit de vérité, qui introduit l'âme aimant le Christ dans toute la vérité au sujet du Dieu-homme, le Christ, pour lui révéler toutes les profondeurs de Dieu qui sont en Lui. C'est l'Esprit Saint qui ouvre les yeux de l'homme - et il peut alors voir ce que l'oeil ne voit pas, - et ses oreilles – et elles peuvent alors entendre ce que l'oreille n'entend point, - et le cœur – et c'est alors qu'il peut savoir et percevoir ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme. - 1 Cor. 2, 10. - . Au jour de la sainte Pentecôte, le Saint Esprit a révélé aux Apôtres tout le mystère du Christ, et c'est alors qu'ils sont partis pour Lui vers toutes les morts, vers tous les dangers, vers tous les tourments ; Resté pour toujours dans l'Eglise, l'Esprit Saint révèle dorénavant ce mystère à toute âme éprise du Christ. - Cf. Jean 14, 16-17, 26 ; 16, 13 ; Eph. 1, 17 ; Actes 4, 31 ; 10, 47 ; 11, 15. - . C'est Lui le principal des Apôtres et le Témoin du Christ. - Jean 14, 16-26 ; 15, 26. - . C'est Lui qui procure aux âmes éprises de Dieu la plus parfaite des connaissances au sujet du Seigneur Christ, pour autant qu'un être humain en soit capable. De là vient que l'Apôtre pneumatophore puisse écrire aux chrétiens : Vous avez une onction qui vient du Saint et vous savez tout. - I Jean 2, 20 – vous savez tout ce que l'homme peut savoir sur Dieu, sur le monde, sur l'homme, sur la vie, sur l'éternité. Seuls les pneumatophores, ceux qui portent l'Esprit, connaissent Dieu. En premier lieu, ce sont les Saints. Il ne fait pas de doute que par les Saints Mystères, chaque chrétien reçoit l'Esprit et devient un porteur de l'Esprit. Seuls les Saints retiennent en eux-mêmes l'Esprit Saint par les saintes vertus évangéliques, par une sainte vie évangélique, cependant que nous, nous l'irritons par nos péchés, nous le chassons. C'est parce qu'ils ont en eux l'Esprit Saint qui leur révèle les profondeurs de Dieu que les Saints Pères demeurent dans le Seigneur Christ et qu'ils sont ses témoins authentiques et dignes de foi, des témoins d'une sagesse divine, de la Sainte Ecriture et d'une manière générale de la sainte Révélation. 45. Car qui parmi les hommes sait ce qui est en l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ? De même personne ne sait ce qui est de Dieu si ce n'est l'Esprit de Dieu. - 1 Cor. 2, 11. - . L'homme est un monde clos, un univers clos – tel l'ont fait sa perception – de -soi et sa conscience-de-soi. Personne ne peut y pénétrer sans son consentement, sauf le Seigneur omniscient et omniprésent – c'est là son identité exclusive et inaliénable, et en vérité, c'est bien la seule. Il se connaît lui-même et il le sait par le moyen de la perception-de-soi et de la conscience-de-soi. Mais ce que sont en substance cette perception-de-soi et cette conscience-de-soi, lui-même ne le sait pas. Leur mystère est caché en Dieu le Verbe, de même que le mystère tout entier de l'être humain. Seul Dieu le Verbe incarné, le Dieu-homme, le Christ, a révélé non seulement le mystère de Dieu, mais aussi le mystère de l'homme. Voilà pourquoi c'est par le Dieu-homme que l'homme se connaît lui-même le mieux et le plus parfaitement. Lorsque l'homme vit le Dieu-homme, sa connaissance de Dieu et de l'homme se parfait de toutes les perfections divino-humaines. L'esprit de l'homme est la source de toute conscience-de-soi humaine et de toute connaissance, comme de toute perception-de-soi et de toute perception. Lui seul sait ce qui est en l'homme, et de lui seul dépend que cela soit rendu public. Il en va de même en Dieu : personne ne sait ce qu'il est, hormis l'Esprit Saint. Lui seul sait ce qu'il en est du Dieu-homme, le Christ. C'est seulement par une divinisation personnelle, par une spiritualisation personnelle, que l'homme peut obtenir à la mesure de cette sanctification tant la connaissance de ce qui est en Dieu que la connaissance de ce qui est en l'homme. De là vient que seuls les Saints pneumatophores peuvent connaître Dieu et ce qui est en Dieu, connaître l'homme et ce qui est en l'homme. 46. Ce n'est pas l'Esprit du monde que nous avons reçu, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous sachions les dons qui nous viennent de Dieu. - 1 Cor. 2, 12. - . Voici le mystère de la connaissance chrétienne de Dieu, de la connaissance du Christ : l'Esprit Saint donne à notre esprit la force nécessaire pour savoir les dons qui nous viennent de Dieu. Ce qui est de Dieu est reconnu par ce qui est de Dieu. Dieu est reconnu par Dieu – c'est la règle posée par les Apôtres et les Saints Pères dans la théorie chrétienne de la connaissance, dans la gnoséologie. Plus l'homme a en lui l'Esprit de Dieu, plus il connaît Dieu et ce qui est de Dieu. Seuls les pneumatophores peuvent pleinement savoir ce qui nous vient de Dieu dans le Dieu-homme, le Christ, quels trésors, quelle perfection, quels actes sacrés ; Les Saints Apôtres l'ont appris de l'Esprit Saint d'une manière pleine et claire, et de même chaque chrétien. Cette loi vaut pour tous les êtres humains. C'est pourquoi ce sont les Pères théophores qui connaissent le mieux le Christ et qui sont des témoins de l'Evangile inspirés par l'Esprit, car l'explication leur en est donnée par l'Esprit Saint, qui leur révèle les profondeurs de Dieu. Mais qu'est-ce donc que cet esprit de ce monde ? C'est la conception que voici : ce monde-ci est tout et toute chose. C'est en lui que l'on vit, c'est en lui que l'on meurt ; c'est en lui que l'on vient à être, c'est en lui que l'on cesse d'être ; hors de ce monde, il n'en est pas d'autre ; hors de l'homme, il n'existe pas de Dieu ; ce qui est en ce monde est tout, et au-dessus de lui et à côté de lui, il n'y a rien, rien, rien ; par tout son être l'homme tire son origine et forme sa croissance de ce monde et il retournera à nouveau tout entier à ce monde, pour s'y décomposer et s'y dégrader. C'est pour cela que l'esprit de ce monde ne peut connaître le Christ Dieu, ni ce qui en Lui nous vient de Dieu. L'Esprit de ce monde est dans les puissants de ce monde qui ne connaissent pas et qui ne reconnaissent pas le Dieu-homme notre Sauveur et notre Seigneur Jésus-Christ. Il est dans le matérialisme, dans le rationalisme, dans l'humanisme, dans le papisme et dans tous ceux qui veulent réduire le Dieu-homme, le Christ, à l'homme et expliquer le christianisme comme une philosophie humaine, une science humaine, une manifestation humaine, une réalisation humaine. 47.Car je ne connais rien à moi-même. - 1 Cor. 4, 4. - . Même l'Apôtre Paul n'a pu qu'avec le Christ commencer à se connaître. De la connaissance du Christ à la connaissance de soi-même. Oui c'est bien là l'unique voie : c'est par le Dieu-homme que je me reconnais moi-même comme homme, que je peux pénétrer ce redoutable mystère de l'être qui s'appelle homme, ce qu'il est, d'où il vient, pourquoi il est et où il va. C'est seulement par le Dieu-homme que je commence à comprendre ma propre raison, mon propre cœur, ma propre âme, mon propre corps et le monde qui m'environne, et les nombreux mystères de Dieu, saints, très saints et très-hauts. En tant qu'homme, je ne peux moi-même rien connaître à moi-même. Ce que je sais, dit Paul, je le sais par le Christ qui est en moi, en mon âme et dans ma raison, dans mon corps et dans ma vie. - Cf. Gal. 2, 20. - . C'est par Lui que vit ma conscience-de-moi-même et qu'elle grandit dans les saints mystères des mondes de Dieu. C'est seulement maintenant que je vois que ma conscience-de-moi-même ne peut être exacte et véritable, immortelle et éternelle, que par Lui et en Lui. Car tout ce que je reconnais et que je sais comme indubitablement réel et véritable, c'est par Lui que je le sais et que je le reconnais, ce n'est pas par moi. 48. Remarquons ce que signifie cette lumineuse annonce évangélique : Car le Dieu qui a dit que des ténèbres brille la lumière est Celui qui a brillé en nos cœurs pour que les illumine la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur la face de Jésus-Christ. - 2 Cor. 4, 6. - . Celui qui ne voit pas Dieu sur le visage du Seigneur Jésus est bien un aveugle, car l'obscurité a véritablement obscurci les yeux de son âme. Et il ne pourra jamais en aucune chose ni en aucun visage rencontrer le Dieu véritable, car on ne peut pas le trouver en dehors du Christ. A sa place il proclamera divers êtres comme Dieu, diverses apparences, diverses choses. Mais sitôt que l'homme s'éveille par le repentir de ses passions, de son amour du péché, sitôt qu'il parvient à dessaouler son âme par une foi et un amour nostalgiques du Christ, aussitôt il pourra voir Dieu en lui-même, avec toute la gloire divine, autant que l'être humain peut le supporter. 49. Tu ne peux pas te connaître, te connaître exactement et véritablement, tant que tu ne t'es pas regardé toi-même avec l'oeil divino-humain de l'Eglise, tant que tu ne t'es pas évalué toi-même avec la mesure divino-humaine de l'Eglise, car même notre intellect ne représente pas un critère infaillible et un jugement infaillible, et il souffre de nombreuses faiblesses et de nombreuses imperfections, de nombreuses infirmités et de nombreuses obscurités : il est nécessaire qu'il s'offre lui-même en sacrifice au Seigneur Christ – le Verbe divin, l'Intellect divin, qu'il s'offre dans l'exploit de négation de soi-même de la foi, de l'amour, de la prière. C'est alors que le merveilleux Seigneur le transfigurera dans le corps divino-humain de son Eglise, c'est alors qu'il le renouvellera, qu'il le sanctifiera, qu'il le réunira à l'intellect conciliaire divino-humain de l'Eglise. Et là, dans cet intellect divino-humain de l'Eglise, ton esprit se retrouvera, retrouvera sa plénitude, sa perfection, sa sainteté, son infaillibilité. C'est seulement avec tous les Saints – Eph. 3, 18 -, dans l'Eglise, que son intellect, conciliarisé, ecclésialisé, divino-humanisé, peut recevoir la force et la puissance – toujours avec tous les Saints, par eux et avec leur aide – de voir clairement sa vie éternelle, sa signification éternelle, sa valeur éternelle, sa vie éternelle, sa joie éternelle. Privé de la vie conciliaire dans le corps de l'Eglise, mon intellect reste stérile, presque infiniment négligeable – Gal. 6, 3 -, et avec tout mon esprit, tout mon corps et toute ma conscience, je ne suis tout entier continuellement qu'un néant métaphysique et naturel, tant que je suis séparé de Celui qui est tout et toute chose pour tout être : du Seigneur-Christ, Dieu le Verbe, tout entier incarné dans son Eglise. Car hors du Dieu-homme, le Christ, je reste tout entier mort, je reste tout entier néant, puisque je reste naturellement étranger à mon propre être, et totalement soumis à la mortalité et à la mort visible. Tant que ma pensée humaine ne se verbéifie pas, ne se christifie pas, elle reste toujours une illusion fantastique, avant tout pour elle-même. Oui la pensée humaine reste privée de sens tant qu'elle ne prend pas tout son sens en se verbéifiant par Dieu le Verbe – le Seigneur Christ dans son Eglise, - tant qu'elle ne s'ecclésialise pas, qu'elle ne se conciliarise pas, ne se sanctifie pas, ne se remplit pas de Grâce pour se divino-humaniser. 50. Il n'est pas de plus grand tourment – Ecclésiaste 1, 18 – que la pensée elle-même. Et il n'est pas de plus grand enfer : la pensée elle-même en elle-même et elle-même avec elle-même, se détache complètement du Créateur et du Dieu de la pensée – le Seigneur-Christ, Dieu le Verbe. Sans le Christ, la pensée humaine ne peut même pas se reconnaître elle-même, ni connaître ni elle-même ni le monde qui l'environne. Et lorsque dans son illusion elle croit qu'elle connaît quelque chose – elle ne connaît pas encore comme il faut connaître. - 1 Cor. 8, 2. - . En vérité toute la capacité de la pensée ne réside pas en elle-même, mais dans le Seigneur Christ et vient du Seigneur Christ. - Cf. 2 Cor. 3, 5. - . Voilà en quoi consiste la rationalité de la pensée, et la logicité de la pensée, et la verbéité de la pensée ; Sans cela elle reste une illusion non-verbéique, un mirage non-verbéique, qui sans cesse erre à travers les déserts à la poursuite d'une existence et d'un être sans signification, qui à la fin des fins se révèle n'être qu'un non-être. 51. Par l'exploit divino-humain qu'il a accompli sur la terre, le Seigneur Christ a béni la race humaine de toute bénédiction spirituelle. - Eph. 1, 4. - . Par cette bénédiction, le Seigneur Christ a réalisé le plan de Dieu au sujet de la race humaine, tel qu'il avait été arrêté dans la Divinité tri-solaire dès avant la fondation du monde . Ce Salut que nous les chrétiens nous pouvons obtenir et acquérir par le Sauveur est la réalisation du dessein prééternel de Dieu à notre sujet car il nous avait élus en Lui avant la fondation du monde. Il avait élu la race humaine tout entière en tant que totalité, et nous tous les chrétiens, chacun en particulier, prévoyant que nous accueillerions le Sauveur et son Salut avec foi et amour. Cette élection ne signifie en aucun cas que Dieu nous ait prédestinés mais simplement que Dieu savait à l'avance comment chacun des hommes se comporterait en présence du Sauveur et du Salut dont il a besoin. Car le Seigneur ami des hommes propose à tous le Salut, mais seul un petit nombre d'hommes l'accepte. Ceux qui le reçoivent sont ceux qui acceptent volontairement de vivre une vie sainte et sans reproche en Christ et devant le Christ. Une telle vie ne peut être vécue que par le Christ et dans le Christ, par le moyen des saints Mystères et des saintes vertus qui découlent des saints Mystères. Personne ne peut être contraint par force à vivre d'une vie sainte et juste. Tout trouve toujours son fondement dans la libre volonté, dans un effort et dans un labeur volontaires. Les vertus, les saintes vertus, ne peuvent être imposées par la force, ou bien par quelque prédestination, car elles sont, du début jusqu'à la fin, l'oeuvre de la bonne volonté. 52. Dieu fait abonder pour nous la Grâce en toute sagesse et prudence. -Eph. 1, 8. - . Il s'agit d'une sagesse pleine de Grâce, d'une sagesse divine, verbéique, immortelle, éternelle, mais dans les limites de l'âme humaine. Déifié par cette sagesse pleine de Grâce, le chrétien vit sagement dans tous les mondes de Dieu en évitant le péché, qui conduit l'âme dans la folie et le délire, car le péché est une folie de l'âme, une déraison de l'âme. La Grâce dans la raison, cela veut dire : une puissance divine, une puissance qui sanctifie, transfigure et divinise, qui sanctifie la raison, qui la transfigure et qui la divinise. Alors la raison se révèle pure, renouvelée, transfigurée et divinisée, une raison qui fait pousser des pensées divines, un discernement divin, un raisonnement divin. Tant qu'elle se trouve sous la domination du péché, la raison engendre l'obscurité et les ténèbres, des pensées monstrueuses et vicieuses, un discernement fou et insensé, car le péché établit aussi son règne en l'homme par de nombreux errements et toutes sortes de démonismes. La raison pécheresse de l'homme reste sous la domination du péché, et par lui indirectement sous la domination du Diable. A l'opposé, la raison pleine de Grâce se trouve sous la puissance du bien divin, et par là même sous la domination du Dieu de tout bien – c'est le Seigneur-Christ. 53. C'est par le moyen des saints Mystères et des saintes vertus que la raison peut devenir pleine de Grâce. C'est ainsi que la prière peut accorder la Grâce à la raison par sa sainte puissance, et une raison qui prie peut développer chacun de ses discernements en le conduisant sur les voies de Dieu, sans jamais se briser les os dans de sombres impasses. De même l'amour peut donner la Grâce à la raison par sa sainte puissance, et c'est alors qu'avec le ravissement de la bonne nouvelle elle peut justifier un amour à l'image du Christ envers tous les hommes, toutes les créatures et toutes les choses. Il en va de mêuellme de l'humilité, de la douceur, du jeûne ou de toutes les autres vertus évangéliques : chacune apporte la Grâce à la raison par sa sainte puissance et peut ainsi la transfigurer, la sanctifier, la christifier, la diviniser, la divino-humaniser, l'immortaliser, l'éterniser, et de de cette manière la rendre capable de vivre dans la joie et dans le ravissement pour ce qui est éternel dans le temps et dans l'éternité, et pour s'approprier de tout son être la divine Sagesse qui se trouve dans la Révélation divine. 54. Quelle est la volonté de Dieu sur ce monde ? Quel est le dessein de Dieu en ce qui nous concerne ? Que Dieu veut-il faire de la race humaine ? Et de l'homme ? Pourquoi Dieu a-t-il créé un tel monde et un tel homme dans le monde ? Aucune sagesse humaine, aucune raison humaine ne le sait ni ne saurait le savoir. Seule peut le savoir et réellement seule le sait une raison toute bénie par la Grâce du Christ. Le Seigneur tri-solaire a déversé sur nous sa Divinité par Grâce en nous révélant le mystère de la volonté de Dieu. S'il ne nous l'avait révélé, nous les hommes nous n'aurions pas connu ce mystère, nous n'aurions pu le découvrir, et de ce fait même, nous n'aurions même pas connu le mystère de notre volonté humaine : dans quel but la volonté nous a été donnée, à quoi elle doit servir, et comment elle peut se justifier ; C'est dans sa bienveillance prééternelle que Dieu nous a révélé ce mystère qu'il gardait en Lui au sujet du monde et des mondes et de l'homme qui s'y trouve, et c'est cette bienveillance qui découle de tout son être de l'infinité de l'amour divin, cet amour par lequel Dieu a déterminé depuis l'éternité le rapport qu'il voulait entretenir avec la race humaine. 55. Comment est-il possible de connaître le Seigneur-Christ, le Dieu- homme et son ineffable économie divino-humaine du Salut ? On ne le peut qu'avec tous les Saints. - Eph. 3, 18. - .Voici comment est mesurée l'économie de notre Salut : sa largeur est divinement infinie et illimitée, de même que sa profondeur, sa longueur et sa hauteur. Or c'est là le Seigneur Christ Lui-même : par son incarnation, il est bien descendu dans les lieux inférieurs de la nature humaine ; par son ensevelissement aux lieux inférieurs de l'enfer ; par sa résurrection et son ascension il est monté avec sa nature humaine plus haut que tous les cieux, emmenant avec Lui tous les mondes, tous ses fidèles disciples et il les y emmène constamment par une sainte vie dans les saints Mystères et les saintes vertus. Les profondeurs de Dieu -1 Cor. 2, 10 – sont toutes présentes dans l'économie divino-humaine du Salut qu'a accomplie le Seigneur Christ : elles sont présentes dans sa largeur, dans sa longueur, dans sa profondeur et dans sa hauteur. C'est dans ces profondeurs de Dieu que nous conduisent les Saints pneumatophores, et c'est par elles qu'eux seuls peuvent passer – Cf. 1 Cor. 2, 10-16 - , eux dont l'esprit est tout empli de l'Esprit Saint, conduit et dirigé par Lui. Quant à nous, c'est seulement dans une union pleine de Grâce avec tous les Saints que nous pouvons le comprendre, et encore graduelleent et progressivement, à la mesure de notre foi et de nos exploits évangéliques. Mais où se trouvent ces Saints pneumatophores ? Ils se trouvent dans le corps divino-humain du Christ, qui est l'Eglise : ils sont dans ses infinies profondeurs divines, dans ses infinies largeurs, profondeurs et hauteurs ; Totalement unis avec le Dieu-homme en une union pleine de Grâce, ils vivent de tout ce qui est de Lui, ils possèdent tout ce qui est à Lui et ils connaissent par sa connaissance, car ils comprennent par la compréhension conciliaire de l'Eglise, ils perçoivent avec le cœur conciliaire de l'Eglise, ils veulent avec la volonté conciliaire de l'Eglise et ils vivent de la vie conciliaire de l'Eglise ; tout ce qui est à eux est avant tout en réalité à Lui, ils se possèdent eux-mêmes seulement par Lui et en Lui. 56. L'Apôtre Paul déclare que nous connaissons l'amour du Christ, qui surpasse toute connaissance. - Eph. 3, 19. - . De là vient que dans l'âme de l'ascète de la foi se déverse tant de merveilleuse tendresse, et de tout son être il perçoit cette vérité que l'amour du Christ surpasse toute connaissance. - Eph. 3, 19. - . car c'est lui qui donne à l'âme un bonheur, une joie, une béatitude telle qu'aucune science n'aurait jamais pu les pressentir et encore moins les inventer pour les procurer à l'être humain. Ce sont cette perception et la connaissance qui s'y trouve de la valeur totale de l'amour du Christ,qui représentent un don de Dieu, une révélation que Dieu accorde pour une vie conciliaire dans l'Eglise avec tous les Saints. Car la vie pleine de Grâce dans l'Eglise avec tous les Saints nous conduit à une connaissance qui surpasse tout intellect, qui est au-dessus de l'homme et de la nature ; Et que connaît-on alors ? On connaît le divin amour du Christ, qui exprime son économie divino-humaine du Salut par son Eglise. 57. En réalité, quel intellect humain, quelle raison humaine, quelle connaissance humaine, pourra connaître, reconnaître et pénétrer le très-saint mystère de l'Eglise du Sauveur, qui n'est rien d'autre que le Dieu-homme, le Christ, tout entier, dans toutes ses perfections et dans toutes ses réalités divines et humaines ? Ni l'intellect humain, en aucune de ses réalités et en aucun de ses donnés humains, quels qu'ils soient, ni la raison humaine, en aucune de ses réalités et en aucun de ses donnés humains, quels qu'ils soient, ne peuvent ni concevoir, ni encore moins embrasser les infinités illimitées de l'économie divino-humaine de notre Salut qui se trouve tout entière dans le mystérieux corps divino-humain de l'Eglise du Christ. Là tout va de mystère en mystère, et chacun de ces mystères surpasse immensément et incomparablement tout esprit et toute raison humaine. Or ces saints et divins mystères de l'économie divino-humaine de notre Salut et de son corps divino-humain qui est l'Eglise, tous ces saints mystères sont tissés du divin amour du Christ, un amour sans terme ni limite pour tous les éléments de son être. Cet amour divin, divino-humain, demeure toujours et en tout au-dessus de l'intellect, inconcevable et inépuisable. L'esprit humain en fond d'une tendresse sans mesure, pour s'épancher en d'innombrables « Hosannas ». En même temps cet amour est la source de la véritable connaissance et de la véritable science divine, divino-humaine. En découle un principe gnoséologique exclusivement néo-testamentaire : celui qui aime connaît Dieu – 1 Jean 4, 7-8 - ; il connaît Dieu d'une connaissance qui surpasse l'intellect, qui surpasse la raison, d'une connaissance à laquelle vient prendre part l'homme tout entier, l'homme intérieur, créé à l'image de Dieu et nostalgique de Dieu. C'est cet amour que l'homme obtient et qu'il développe en lui jusqu'à des dimensions inattendues, simplement en vivant dans l'Eglise avec tous les Saints par les saints mystères et les saintes vertus, car c'est d'une telle vie pleine de Grâce et divino-humaine qu'il va guérir son âme, son intellect et son cœur de leur amour du péché et de leurs passions en leur restituant leur santé divine, et c'est alors que, guéris par le Christ, ils pourront devenir capables de la véritable connaissance de Dieu, d'une connaissance véritable surpassant la nature et l'intellect. 58. On ne peut parvenir à l'unité de la foi et de la connaissance du Christ – Eph. 4, 13 – qu'en restant en union avec tous les Saints, qu'en gardant une vie conciliaire avec tous les Saints, sous la direction suprême des Saints Apôtres, des Prophètes, des Evangélistes, des Pasteurs et des Maîtres,et c'est l'Esprit Saint qui les conduit vers toujours plus de sainteté, depuis la sainte Pentecôte et tout au long des siècles jusqu'au Jugement dernier. Or l'Esprit Saint est aussi l'esprit unique de l'Eglise – Cf. Eph. 4, 4 - : c'est en Lui que se trouve et c'est de lui que vient l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ ; toute la vérité de la foi dans le Christ et de la connaissance du Christ se trouve dans l'Esprit de Vérité, car c'est Lui qui nous conduit dans toute cette vérité, une et unique. - Cf. Jean 16, 13 ; 15, 26 ; 14, 26. - . C'est Lui qui unit notre perception du Christ au cœur conciliaire de l'Eglise : le corps de l'Eglise est unique, et il a un seul cœur et une seule âme – Actes 4, 32 - ; nous entrons dans ce cœur unique – le cœur conciliaire de l'Eglise, - comme en cette âme unique, - l'âme conciliaire de l'Eglise, - et nous nous unissons avec l'intellect saint et conciliaire de l'Eglise, - et nous nous unissons avec eux par l'action pleine de Grâce de l'Esprit Saint, réconciliant notre intellect evec l'intellect saint et conciliaire de l'Eglise, notre esprit avec le Saint Esprit de l'Eglise. C'est ainsi que nous pouvons acquérir en nous une perception et une conscience permanente de n'avoir qu'une seule et unique foi en le Christ Jésus avec tous les Saints Apôtres, les Prophètes et les Justes. Une unique foi dans le Seigneur et une unique connaissance du Seigneur. 59. La vie chrétienne, la vie dans le Christ, dans son Eglise, est une vie nouvelle et une nouvelle manière de vivre : l'homme tout entier vit par Dieu et en Dieu. En réalité, c'est là la vie éternelle de l'homme, sa vie divine, sa vie parfaite, une vie qui connaît de très nombreux degrés : c'est là que l'homme connaît Dieu et la vérité divine, c'est là qu'il vit en elle et pour elle ; c'est là que l'homme se connaît lui-même et qu'il se vit lui-même comme être créé à l'image de Dieu, immortel et éternel. A l'opposé se trouve la vie du sans Dieu, la vie du non-chrétien ; elle s'écoule tout entière dans la vanité de l'esprit humain – Eph. 4, 17 - : les sans Dieu tirent de leur propre intellect toute leur vie et toutes leurs forces pour la vie et toutes leurs règles de vie. Mais qu'y a-t-il dans l'intellect des hommes, que contient-il en lui ? Il est bien évident que l'intellect des hommes ne contient en lui ni l'omniscience, ni la toute-puissance qui pourraient fournir à l'homme ces vérités et ces forces qui lui sont indispensables pour mener une vie juste dans la vérité, dans la justice et en tout bien. Encore bien moins s'il s'agit d'une vie immortelle et éternelle. L'intellect des hommes contient en lui-même des pensées, des concepts, des idées. Mais ne sont-ce point toutes qu'ombres et visions – tant du moins qu'il ne s'est pas empli de Dieu et de la Vérité divine ? 60. L'intellect de l'homme ne représente en réalité que désert et désolation, vacuité et déréliction ; l'homme ne peut s'y nourrir que de chimères et de mirages. Au lieu de l'être, l'homme n'embrasse que le néant, au lieu de la vie, la mort ; c'est sur elle qu'il fonde toute son activité. C'est justement là que commence l'égarement de l'intellect de l'homme, sa sottise, sa suffisance, et sa vanité – Eph. 4, 17. - . Deux vies se présentent : ce sont d'une part celle de l'athéisme, de l'antichristianisme, dans la vanité de l'intellect humain ; et d'autre part celle du christianisme, dans la plénitude de la Divinité, dans le Dieu-homme qui est la plénitude de la Divinité dans la forme d'un homme. - Cf. Col. 2, 9 ; 1, 19. - .Vivant par Lui et en Lui, nous vivons par l'intellect de Dieu, par le Verbe de Dieu, et c'est à bon droit que nous pouvons déclarer que nous avons l'intellect du Christ. - 1 Cor. 2, 16. - . 61. La vanité, la suffisance, la vacuité de l'intellect de l'homme peuvent s'accroître jusqu'à des dimensions sataniques – et il s'agit alors d'orgueil. C'est par l'orgueil en effet que l'intellect de l'homme devient fou. Saisie d'orgueil, sa pensée coupe l'intellect de sa racine, de sa source – qui est Dieu le Verbe, - et il va se perdre dans les mirages, dans les illusions, persuadé par lui-même que ces illusions sont la réalité et que ces mirages sont la sagesse ; Dès que l'homme s'engage sur la voie de l'orgueil, il s'égare dans ses pensées, et ces paroles de l'Evangile qui les concernent sont vraiment dignes de créance : se prétendant sages ils sont devenus fous – Rom. 1, 22 – et : Il a dispersé les orgueilleux dans les pensées de leur cœur. - Luc 1, 51. - . C'est l'orgueil de l'intellect qui rend pécheur l'intellect de l'homme, qui l'obscurcit, qui le corrompt, le satanise et il enfante alors de lui-même des pensées sottes, vaines et vides et des inventions mensongères au sujet de Dieu, du monde et de l'homme. Or cela provient de ce que par son artère principale l'orgueil tire de Satan ses forces, sa vie et la source de sa vie, car c'est lui qui a inventé l'orgueil pour en faire la loi suprême de tout être et de toute existence. Voilà pourquoi tout orgueil, fût-ce le plus petit, satanise l'homme peu à peu, et avant tout satanise son intellect. Car l'orgueil saisit avant tout les forces de l'intellect, devient en lui une puissance intellectuelle, une force créatrice de son intellect. En réalité, chaque orgueil humain tire son origine de Satan. L'orgueil de l'intellect est la caractéristique principale de Satan et des autres hommes. S'appuyant sur leur intellect, enfermés dans son cocon, les orgueilleux, ou bien ne veulent rien savoir d'un être qui leur soit supérieur – Dieu, - ou bien ne le reconnaissent pas, ou encore veulent le ramener à quelque force aveugle et de manière générale sont incapables d'avoir un discernement et une compréhension correcte au sujet de Dieu leur Créateur, comme au sujet du monde en tant que création de Dieu. Voilà pourquoi Dieu les a livrés à leur intellect corrompu, afin qu'ils fassent ce qui ne convient pas – Rom, 1, 28 -, et même qu'ils justifient leurs actions mauvaises par les inventions pécheresses de leur esprit corrompu. 62. Lorsqu'il vit sans Dieu, l'intellect de l'homme se perd et se corrompt, se fait pécheur, mortel et satanique. Il en arrive au point que réellement il ne connaît plus Dieu. Mais s'il ne connaît plus Dieu, l'intellect de l'homme ne se connaît plus non plus lui-même, ni l'homme, ni le monde. Un tel intellect, qui a rejeté Dieu et qui ne sait plus rien devient en même temps un intellect qui a rejeté l'homme, un intellect inhumain. C'est ainsi qu'à la fin des fins un homme sans Dieu devient aussi un homme sans intellect. L'insensé a dit en son cœur : il n'y a pas de Dieu. - Ps. 14, 1. - . Dès la simple absence de Dieu dans l'intellect de l'homme – et cela veut dire dès l'absence de la Vérité dans l'intellect, - l'homme se gâte, se perd, devient corrompu, et en lui se multiplient naturellement les pensées mauvaises, comme les vers dans une viande corrompue. - Cf. 1 Tim. 6, 5-4. - . On comprend dès lors que ces hommes à l'intellect corrompu, indignes quant à la foi – 2 Tim. 3, 8 – s'opposent à la vérité, à toute vérité, et surtout à la Vérité éternelle, le Christ Dieu. 63. Connaisseur divinement sage de la nature humaine, l'Apôtre Paul enseigne qu'il y a une vanité de l'intellect, qui consiste à s'occuper de choses vaines. - Eph. 4, 17-18. - . Or que peuvent bien être ces choses vaines si ce ne sont les affaires d'aujourd'hui, selon ce mot de l'Ecclésiaste : vanité des vanités, tout est vanité. - Ecclésiaste 4, 17-18. - . Mais, dira-t-on, si toutes choses ne sont que vanité, pourquoi existent-elles ? Ou bien si elles sont l'oeuvre de Dieu, alors pourquoi sont-elles vanité ? Et beaucoup d'autres questions de ce genre. Mais, répond Saint Jean Chrysostome, ce ne sont pas les œuvres de Dieu que l'Ecclésiaste appelle vanité, car ni le ciel ni la terre ne le sont, et le soleil ou la lune, ou bien les étoiles pas plus que le corps ne sont des vanités : tout cela est très bon – Gen. 1, 31. - . Mais alors que sont ces vanités ? L'Ecclésiaste lui-même le dit : Je plantai des vignes, je me procurai des chanteurs et des chanteuses, je me fis des pièces d'eau, j'avais des bœufs et des brebis plus que tous, j'amassai de l'argent et de l'or, et je vis que tout n'est que vanité. - Eccl. 4. 8. 6. 7. 11. - . Et le Psalmiste d'ajouter : L'homme accumule les richesses, il ne sait pour qui il les amasse. - Ps. 38, 7. - . C'est pourquoi les vanités des vanités, ce sont les magnifiques édifices, l'or abondant et surabondant, la multitude des serviteurs, l'orgueil et l'égoïsme, la présomption et l'enflure ; Tout cela n'est certes que vanité, car cela vient non pas de Dieu mais des œuvres des hommes. L'homme travaillerait en vain s'il versait de l'eau dans un tonneau percé ; il en est de même pour l'homme qui s'adonne à de semblables satisfactions : il verse de l'eau dans un tonneau percé. En général, on appelle vanité ce qui ne procurera aucun profit durable. C'est pourquoi l'Apôtre a pu dire de ces hommes qui ne reconnaissent pas Dieu qu' ils se conduisent selon la vanité de leur intellect.- Eph.4, 17. Saint Jean Chrysostome, Homélie 12 sur l'Epître aux Ephésiens. - . 64. Les athées sont des hommes dont la raison est obscurcie – Eph. 4, 18 - , dit l'Apôtre. C'est pourquoi ils ne possèdent pas Dieu en eux-mêmes : ils sont sans Dieu dans le monde – Eph. 2, 12 -, ceux qui sont dans une complète obscurité ; leur âme l'est avant tout, car Dieu dans la raison est aussi la lumière de la raison. C'est de Lui qu'émane la lumière, pour se déverser dans toute la pensée, dans tout le discernement, dans toute l'activité de la raison. Si Dieu n'est pas dans la raison, la raison en est complètement obscurcie, submergée d'obscurité, et elle ne sait ni où elle va ni où elle conduit l'homme. L'ignorance de Dieu entraîne avec elle aussi l'ignorance de l'homme et de sa signification, l'ignorance du monde et de son but. L'homme dont la raison est obscurcie ne sait rien comme il convient de le savoir. L'ombre ne le laisse voir ni Dieu ni l'homme, ni aucune chose dans son être réel. De même que dans la nuit, l'homme privé de lumière distingue à peine les choses, ou bien ne les voit pas du tout, de même, privée de Dieu la raison distingue à peine la vérité concernant le monde et les choses qui s'y trouvent, à moins qu'elle ne voie plus rien du tout. Cette ignorance du Dieu véritable retient les non-chrétiens loin de la vie en Dieu. - Cf. 1 Cor. 4, 5. - . C'est pour cette raison qu'ils sont devenus étrangers à la vie de Dieu. - Eph. 4, 18. - . 65. Hors de cette vie de Dieu – Eph. 4, 18 - , c'est la mort qui règne partout, la paralysie, la mortalité et l'obscurité ; de là vient la paralysie de la raison devant toute activité saine. Sans Dieu, la raison devient mortelle, dépérit et meurt. C'est ce qui explique l'endurcissement du cœur chez les athées. - Eph. 4, 18. - . Le cœur où Dieu n'est pas est semblable à la pierre : il ne perçoit plus rien comme il conviendrait de le percevoir. Toutes ses perceptions sont racornies, desséchées, asphyxiées, crispées, bornées, superficielles, pesantes, mutilées. Et dans une raison obscurcie par l'athéisme, toutes les pensées sont desséchées et mourantes, privées de vie et de puissance. Seul un vécu en Dieu peut faire revivre le cœur d'une vie véritable, et il devient alors un atelier divin où constamment s'élaborent des perceptions immortelles, saintes et pures : il ressent et perçoit la vérité de Dieu tant dans les gens que dans les choses. 66. Comment les chrétiens peuvent-ils rejeter le vieil homme ? En se renouvelant par l'esprit de leur intellect. - Eph. 4, 23. - . Ce qui signifie en modifiant l'esprit de l'intellect, la disposition de l'intellect, les habitudes de l'intellect, en modifiant leur manière de raisonner, leur manière de penser. En un mot : cela signifie transfigurer et transformer le principal athée qui se trouve en nous, en le retournant de ce qui n'est pas Dieu vers ce qui est Dieu, de ce qui n'est pas le Christ vers ce qui est le Christ. Or ce résultat peut être obtenu principalement par l'exploit de la foi, et à sa suite et avec lui, par les autres vertus évangéliques de l'amour, de la prière et du jeûne, de l'esprit d'humilité, de piété et de sainteté, par la douceur et la continence...Chacun de ces exploits renouvelle l'intellect par ses puissances de transfiguration. Alors il peut s'assainir progressivement de ses pensées malsaines, de ses raisonnements malsains, de ses conceptions malsaines ; alors il guérit peu à peu, jusqu'à obtenir sa guérison complète, la sainteté, par la puissance du Christ. 67. Guéri, revenu à la santé, renouvelé, l'intellect devient le créateur de pensées saines, lumineuses, saintes, divines et immortelles. Alors c'est par Dieu qu'il pense, par le Christ. Les pensées selon Dieu, les pensées selon le Christ, deviennent ses dispositions permanentes, son esprit, sa manière de penser et de raisonner. Aussi le Saint Apôtre peut-il affirmer, au nom de tous les chrétiens : Nous avons l'esprit du Christ. - 1 Cor. 2, 16. - . C'est pourquoi nous raisonnons en tout selon le Christ Dieu. Avec ce changement de l'esprit, tout change en l'homme, tout se renouvelle. C'est pourquoi le repentir reçoit dans l'Evangile le nom de métanoïa ( méta + nous), ce qui désigne le changement de l'intellect, le renouvellement de l'intellect. 68. La sagesse consiste à vivre d'une manière régulièrement évangélique, exactement évangélique. - Eph. 5, 15. - . La folie consiste à vivre avec prodigalité et irrégularité, en dissipant son âme dans le péché et le vice. Sage est celui qui édifie le monument de son âme sur l'accomplissement des saints commandements évangéliques. Le fou est celui qui n'édifie pas le monument de son âme sur l'Evangile du Sauveur, car tout ce qui est édifié par le Seigneur Christ résiste à toutes les tempêtes, à tous les orages et au déchaînement des tentations, du péché, de la mort et du Diable ; mais tout ce qui est bâti et édifié sans le Seigneur Christ, ou bien en dehors du Christ, ou contre le Christ, tout cela tombe et s'effondre sitôt que l'on rencontre la tempête des tentations, dès que se déchaîne la tempête des péchés et des passions, et surtout lorsque souffle le vent de la mort et du démonisme. - Cf. Mat. 7, 24- 27. - . Innombrables sont les exemples d'une vie sage, d'une vie évang éliquement sage, d'une vie régulièrement évangélique, et ce sont avant tout les Saints Apôtres, les Saints Martyrs et tous les saints disciples du Christ, et à leur tête le parfait exemple, le Seigneur Christ ; Mais comme exemple d'une vie insensée, nous avons le Fils prodigue, le serviteur indolent avec son unique talent, et tous ceux qui leur ressemblent. - Cf. Luc 13, 11-32 ; Mat. 25, 14-30. - . 69. Tout le dessein de Dieu sur la race humaine, comme sur chaque homme en particulier, nous a été dévoilé en Jésus-Christ et dans son Evangile. - Cf. Eph. 1, 9. - . Chacun d'entre nous peut apprendre de Lui combien il est important d'accomplir et de réussir tout ce qu'il nous a assigné en ce monde, c'est-à-dire que l'homme intelligent devant Dieu est celui qui connaît et qui accompli la volonté de Dieu, cependant que l'homme qui est fou devant Dieu est celui qui ignore la volonté de Dieu et qui ne l'accomplit pas, car il ne veut pas la connaître et il ne veut pas la faire. Celui qui est sage, celui qui est divinement sage, c'est l'homme qui écoute les commandements du Seigneur et qui les accomplit, celui qui édifie son âme comme sur un fondement indestructible, alors que celui qui est fou devant le Seigneur de toute sagesse et de toute Grâce, est celui qui n'agit pas ainsi, mais qui voudrait assurer son âme, sa vie et son immortalité sans le Seigneur Christ – et en réalité c'est sur le sable qu'il construit ainsi l'édifice de son être. 70. Avec la foi pour le Christ marche toujours aussi l'amour envers Lui. Dans cet exploit de la foi et de l'amour pour le Christ, l'homme n'est jamais seul, il se trouve en compagnie de tous les Saints – Eph. 3, 18 - , car tant la foi que l'amour conduisent au Dieu-homme, le Christ, et à ceux qui sont avec Lui et en Lui, dans son corps conciliaire qui est l'Eglise. Uni avec tous les Saints, empli de cette foi et de cet amour évangéliques, l'homme s'emplit en réalité dans le Christ, en commun avec eux, de toute plénitude de Dieu – Eph. 3, 19 - : tout ce qui est du Christ devient sien. Le Christ est le Dieu-homme, et en lui se trouve toute la plénitude de la Divinité. - Col. 2, 9 - ; cette plénitude aussi devient sienne, et il devient participant de la nature divine – 2 Pierre 1, 4 - : en lui c'est comme si s'incarnait tout le merveilleux Dieu-homme. En réalité, il s'incarne bien en lui par la sainte Communion, Lui qui est tout entier dans le corps divino-humain de l'Eglise, et l'homme de l'amour du Christ vit la plénitude de l'Eglise comme quelque chose qui lui appartient, car il est devenu, avec tous les Saints, une partie constituante de l'Eglise, con-corporel à elle. Or dans ce corps, chacune des cellules se perçoit elle-même comme tout le corps. Il en va de même pour l'ascète de l'amour : tout le corps de l'Eglise devient le sien, il est tout entier à elle ; toute sa plénitude lui appartient, comme lui appartient tout entier à l'Eglise. C'est ainsi qu'il peut vivre réellement et personnellement avec tous les Saints, la réalisation du plan éternel et du dessein de Dieu sur le monde : le Seigneur Christ comme Eglise, qui est son corps, la plénitude de Dieu qui emplit tout en tout. - Eph. 1, 23. - . Et c'est bien là le dessein, le but assigné par Dieu à tous les hommes, et d'abord aux chrétiens : qu'ils s'emplissent de toute la plénitude de Dieu. - Eph. 3, 19. - . Nous les chrétiens, lorsque nous vivons dans le corps divino-humain de l'Eglise, nous bénéficions de cette plénitude divine, et nous nous emplissons d'elle. - Cf. Jean 1, 16. - . En s'incarnant, le Seigneur-Christ a assumé en effet la nature humaine pour l' emplir complètement de toute plénitude de Dieu ; c'est en tant que tel qu'il a fondé l'Eglise, et c'est aussi en tant que tel qu'il est resté dans l'Eglise, qui est le corps divino-humain dont il est la Tête, permettant ainsi aux hommes de s'emplir de toute la plénitude de la Divinité. 71. La pensée représente en l'homme le plus grand des mystères, le secret le plus caché, l'inconnu le plus mystérieux . Elle prend place dans le corps, tout en étant incorporelle : demandes-tu qu'elle cesse, elle démontre son infinité, et quand tu veux qu'elle commence, elle montre qu'elle ne connaît pas de commencement. En réalité, son commencement est sans commencement, et sa fin est infinie ; Dès que tu la touches, elle s'enfuit hors d'elle-même – tel un essaim de combattants de l'éternité. L'homme mesure et évalue toute chose par la pensée, mais la pensée ne se laisse ni mesurer ni évaluer par rien : elle est dans le corps, mais au-dessus du corps ; elle est dans le monde, mais au-dessus du monde ; elle est dans la nature, mais au-dessus de la nature ; dans l'homme, mais au-dessus de l'homme. Il en est toujours ainsi jusqu'à ce que l'homme lie sa pensée au Christ, par la foi qu'il place en Lui, par l'amour qu'il éprouve pour Lui ; C'est alors que la pensée reconnaît sa source, sa vie, sa signification, son éternité et son immortalité dans le Dieu-homme, le Christ. 72. Porteur du Christ et de la sagesse du Christ, l'Apôtre Paul conseille à la pensée humaine de toujours penser ce qui est en Christ. - Phil. 2, 5. - Or ce qui est en Christ, c'est le Dieu véritable, la Vie éternelle, la Vérité éternelle, le Verbe éternel, l'Amour éternel, la Justice éternelle et toutes les perfections divines ; Ou bien : toutes les perfections divines, l'homme parfait et le Dieu parfait, sont le Dieu-homme, et toute l'économie par laquelle il sauve l'homme du péché, de la mort et du Diable. Lorsqu'elle pense ce qui est en Dieu, la pensée humaine se guérit de toutes ses maladies : de tout ce qui est mortel, de tout ce qui est pécheur comme de tout ce qui est diabolique, et c'est pour devenir immortelle, divine et éternellement jeune. Bref : elle devient pensée divine, pensée du Christ, et c'est en tant que telle qu'elle atteint son but suprême, sa perfection ultime ; son terme se trouve dans l'infinité divine, sa vie dans la divine vie éternelle, sa vérité, dans l'éternelle vérité divine ; Là se trouve en effet la nourriture éternelle pour l'âme de l'homme : tout y est divin et céleste ; là se trouve la vie éternelle pour l'âme de l'homme : tout y est divin et infini ; là se trouve la lumière éternelle pour l'âme de l'homme : tout y est divin et inembrassable ; là se trouve la joie éternelle, l'éternelle bonne nouvelle pour l'âme de l'homme : tout y vient de Dieu et tout y conduit vers Dieu. 73. Toute âme humaine reste inaccomplie et inachevée, tant qu'elle ne s'est pas accomplie et achevée par le Christ Dieu. De même la pensée humaine reste inachevée et inaccomplie tant qu'elle ne s'est pas transfigurée en pensée du Christ, en pensée de Dieu. C'est pourquoi l'âme éveillée du chrétien en est nostalgique et c'est pourquoi elle gémit nuit et jour dans la prière et les larmes : Très-doux Seigneur, transfigure chacune de mes pensées en pensée de Dieu ! Et dans le repentir elle s'écrie : Seigneur plein de Grâce, transfigure chacune de mes perceptions en perception de Dieu ! 74. En ce monde comme en tous les mondes, il n'existe pour les chrétiens qu'une valeur suprême : la toute-valeur suprême – et c'est le Dieu-homme, le Seigneur Christ. Ce n'est pas seulement pour les chrétiens qu'il est la valeur suprême, mais c'est aussi pour tout homme qui s'étant spirituellement éveillé considère toute la terrible gravité de l'être humain et de sa vie en ce monde. Evaluées avec gravité et sans crainte, toutes les valeurs terrestres ont en elles-mêmes une valeur réelle et permanente pour autant qu'elles ont en elles le Seigneur Jésus. Sans Lui, en réalité ce ne sont pas des valeurs. Seul le Seigneur Jésus peut se donner Lui-même à l'homme, en tant que Dieu-homme , Lui qui est l'unique Dieu véritable dans tous les mondes, et avec Lui et en Lui il peut aussi donner toutes les perfections divines, telles que l'oeil de Dieu ne peut les voir, ni les oreilles les entendre, ces perfections qui ne sont pas montées au cœur de l'homme. - Cf. 1 Cor. 2, 9. - . En outre le Seigneur Jésus donne à l'homme toutes les forces divines qui lui sont nécessaires pour qu'avec leur aide il puisse transformer tout cela en sa propre vie, en sa propre conscience, en sa propre immortalité, en sa propre éternité, s'il offre de son côté son labeur et son zèle dans les saintes vertus. Etre chrétien signifie en effet : vivre constamment le Seigneur-Christ par les saintes vertus et les saints Mystères. - Cf. Phil. 2, 9-15. - . 75. Nous sommes chrétiens lorsque nous tenons et que nous gardons notre cœur et nos pensées dans le Seigneur Jésus, lorsqu'elles sont constamment en Lui -Phil. 4, 7 - ; c'est ainsi qu'elles peuvent se tenir au-dessus de toute mort, car le Seigneur de la Grâce les emplit de sa Grâce toute-salutaire, toute-déifiante, toute-immortalisante. Nos cœurs dans le Seigneur Christ ! Cela signifie qu'ils doivent être entièrement emplis de son amour, de sa Vérité, de sa Justice, de son éternité. Ils doivent être entièrement tournés vers les hauteurs, vers le Ciel ! Ils doivent évoluer constamment dans le Ciel, surtout au cours de la sainte Liturgie. Lorsque la puissance de la Grâce de l'Eucharistie leur donne des ailes par la prière d'exhortation du prêtre : « Elevons nos cœurs ! ». Là-haut, dans le Christ, ils seront toujours pleins de Paradis, pleins d'amour, pleins de vérité, pleins de joie, pleins d'éternité, pleins de cette paix divine qui surpasse tout esprit. - Phil. 4, 7. - Nos pensées dans le Seigneur Christ ! Cela veut dire que chacune se nourrit du Christ, vit par Lui, devient immortelle et éternelle par Lui, s'emplit de Grâce par Lui, raisonne et raisonne divinement par Lui, pense et pense divinement par Lui. C'est pourquoi de telles pensées sont les plus inaccessibles ennemis du désespoir et du doute, pour toute mort et pour tout diable. 76. Que votre amour abonde de plus en plus en toute connaissance et en toute perception. - Phil. 1, 5-9. - . C'est cela l'amour évangélique, celui qui est à l'image du Christ, le nouvel amour qui va de bonne nouvelle en bonne nouvelle. - Jean 13, 34. - . C'est cela l'amour du Christ, l'amour divin, celui que Dieu accorde avant tout à la prière ; C'est le plus grand des dons de Dieu, c'est son exploit humain. Comme tout exploit évangélique, «  l'amour naît de la prière », comme le dit Saint Isaac le Syrien. Mais la prière, quant à elle, vient de l'amour. Toutes les vertus évangéliques sont en rapport réciproque entre elles, elles constituent un corps unique : chacune vit par toutes et toutes vivent par chacune ; chacune dépend de toutes les autres, et toutes dépendent de chacune. Et c'est l'amour qui est ce « lien de la perfection » qui les joint entre elles, qui les réunit en un organisme parfait. - Col. 3, 12-14. - . Celui en qui l'amour est parfait possède toutes les autres vertus.Aussi est-ce l'amour qui donne à toutes les vertus la perfection divine qui ne passe pas, à la foi et à la connaissance, à l'esprit de sacrifice et à la justice, à la patience et à la vérité comme à chacun des exploits évangéliques. -Cf. 1 Cor 13, 1-13. - . Que l'amour abonde en connaissance, car seule la connaissance qui procède de l'amour possède une valeur éternelle et une durée éternelle. Selon sa nature propre, l'amour est la faculté divine de la connaissance ; c'est par lui que nous connaissons et Dieu et l'homme et chaque chose que nous aimons, car c'est sa toute miséricorde qui nous a révélé et le mystère de Dieu et le mystère de l'homme, comme le mystère de toute chose. L'amour s'épanouit inéluctablement en connaissance. Plus il grandit et plus la connaissance s'accroît avec lui : l'amour parfait procure la connaissance parfaite, mais une connaissance privée d'amour, c'est-à-dire dépourvue de sa pupille, est comme une oreille qui n'entend pas, comme un corps sans âme. Une telle connaissance mène à l'enflure et à l'orgueil, et l'orgueil tue l'âme comme pas un. C'est lui le vice qui a pu transformer en Diable le plus grand des anges ; que ne ferait-il d'un homme. - Cf. 1 Cor. 8, 1. - . 77. Je tiens tout pour perte au prix de la suréminente connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur, déclare l'Apôtre Paul. - Phil. 3, 8. - . Connaître le Christ, savoir véritablement ce qu'il est et qui il est, et tout ce qu'il apporte à l'homme et à la race humaine, c'est cette connaissance que l'homme transforme avec joie en une toute-connaissance. L'expérience de tous les saints nous en apporte le témoignage : la véritable connaissance du Christ représente bien une toute-connaissance, car lorsque l'homme connaît le Christ comme il le faut, il sait tout ce qui lui est nécessaire dans ce monde et pour la vie en ce monde, ainsi que dans l'autre monde et pour la vie éternelle en cet autre monde. Or qui d'autre pourrait aussi donner aux hommes une telle connaissance, qui parmi les dieux, qui parmi les hommes, qui parmi les héros, qui parmi les génies ? Personne, personne, personne ; Seule la connaissance du Christ peut procurer aux hommes la véritable connaissance de Dieu, du monde, de l'homme, de la vie et de la mort, du mal, du Diable et du péché, de la vérité, de la justice et de l'amour, de ce qui est grand comme de ce qui est petit, de ce qui est important comme de ce qui est banal, de ce qui est éternel comme de ce qui passera. 78. En tant que véritable Dieu et Seigneur, le Dieu-homme, le Christ représente l'unique véritable signification de l'être humain et de son existence. C'est pour cela que le Saint Apôtre peut tout laisser pour Lui – littéralement tout : tout ce que son âme , sa conscience et son cœur avaient été jusque là, comme tout ce qui avait été pour lui la vérité et la justice ; sa famille et sa patrie, son peuple et sa foi, sa philosophie et sa science ; et plus encore : il laisse le ciel et la terre, et les cieux qui sont au-dessus des cieux, et tout ce qui est en eux et sur eux. Tout cela en effet est bien trop petit pour pouvoir fournir la signification et le but de l'être et de la vie de l'homme. Tout cela, l'Apôtre le laisse avec joie pour le Seigneur Christ, parce qu'il a trouvé en Lui quelque chose d'incomparablement plus grand et plus précieux que tout cela. Toutes les perfections et toute la Grâce du Dieu véritable, tout cela peut appartenir et appartient à l'homme, parce que c'est le Dieu véritable Lui-même qui est devenu homme en Christ. 79. Connaître le Christ, c'est en premier lieu reconnaître la puissance de sa résurrection et de sa mort. - Phil. 3, 10. - . Comment cela ? En les vivant comme siennes. C'est en effet en vivant le Christ que l'homme peut devenir chrétien. Il n'y a pas d'autre voie pour le devenir : lorsque l'on vit le Christ, tout ce qui lui appartient se fait nôtre – c'est ainsi que l'on peut devenir chrétien, c'est ainsi que l'on peut connaître le Christ. C'est seulement par un vécu du Christ que l'on peut acquérir une véritable connaissance du Christ. La connaissance du Christ procède toujours du vécu du Christ. Tu connaîtras l'amour du Christ si tu le vis ; tu connaîtras la vérité du Christ si tu la vis ; et de même la justice du Christ, l'humilité du Christ, la passion du Christ, la mort du Christ, la résurrection du Christ : tu ne les connaîtras que si tu les vis. Cette loi vaut pour tout ce qui est du Christ, de la plus petite chose jusqu'à la plus grande. Tu connaîtras la puissance de sa résurrection si tu te ressuscites toi-même de l'amour du péché, si tu marches dans une nouvelle vie, comme quelqu'un qui dès ce monde a déjà ressuscité avec le Christ et vit par le Ressuscité. - Cf. Col. 3, 1. - . C'est Lui, le Ressuscité, l'éternel Vivant et le tout-Puissant, c'est Lui qui donne aux hommes la force qui leur est nécessaire, et ils vivent déjà sur cette terre d'une vie nouvelle, d'une vie sainte et à l'image de Dieu. 80. La paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Christ Jésus. - Phil. 4, 7. - Tenir son cœur en Christ, le garder en Christ, un cœur ainsi étreint par le Christ vit totalement par Lui et en Lui : toutes ses perceptions germent, croissent et mûrissent dans le Seigneur, sans s'éloigner de Lui, sans errer loin de Lui. Et peu à peu toutes ces perceptions se développent en perceptions du Christ. C'est pourquoi la paix du Christ, la paix de Dieu, apparaît en elles. La paix de Dieu gardera vos cœurs et vos pensées (ta noïmata) en Christ Jésus.Le mot grec noïma signifie 'raison, intellect, pensée'. Vos pensées dans le Christ, ce sont des pensées saintes. Elles procèdent d'une pensée sanctifiée par le Christ ; Comment la raison peut-elle être sanctifiée ? Cela peut se faire lorsque l'homme vit dans les mystères évangéliques et dans les vertus évangéliques. C'est lorsque l'on vit ainsi que l'on peut guérir la raison de la plus grave de ses maladies – c'est l'enflure de l'intellect,- pour l'emplir d'une santé éternelle – il s'agit de l'humilité de l'intellect. C'est d'un intellect sanctifié que peuvent provenir de saintes pensées ; c'est d'une pensée dans le Christ que procèdent des pensées dans le Christ. Nous gardons nos pensées dans le Christ lorsque nous pensons ce qui est dans le Christ – Phil. 2, 5 -, lorsque nous avons des pensées du Christ. Le Seigneur Christ est devenu homme dans le dessein de montrer aux hommes ce qu'est un homme juste, ce qu'est une vie juste, ce qu'est une pensée juste, ce qu'est une raison juste ; L'homme juste est un homme divino-humain, la vie juste est la vie divino-humaine, la pensée juste est la pensée divino-humaine ; Seule la vie dans le Christ peut garder nos pensées dans le Christ, peut transfigurer chacune de nos pensées en pensée dans le Christ, en pensée en Dieu. Mais les pensées humaines, les pensées des hommes qui se trouvent hors du Christ, qu'en est-il d'elles ? Ce ne sont que des pensées aveugles, elles ne voient rien comme il convient de le voir, elles ne savent rien comme il convient de le savoir. C'est du refus du Christ, c'est de l'infidélité au Christ, que procèdent les pensées aveugles, la raison aveuglée des incrédules – 2 Cor. 4, 4 ; 3, 14 - , et dans cette obscurité ils se corrompent et se pervertissent, ils se dispersent et s'embrasent, le plus souvent, dans une vie immorale. - Cf. Rom. 1, 28-32 ; Tite 1, 15 ; 2 Tim. 3, 8. - . 81. Parce que la vie des chrétiens est une vie dans les mystères divins et dans les vertus divines, il est inévitable qu'ils s'emplissent de la connaissance de la volonté de Dieu, en toute sagesse et raison spirituelle. - Col. 1, 9. - . Pour une telle vie, une vie qui est à tout point de vue immortelle, infinie et éternelle, il est nécessaire de disposer de forces immortelles, infinies et éternelles, qui nous viennent de Dieu. Progresser dans cette vie dépend de Dieu, qui accorde ces forces, et de nous, qui employons ces forces ; Lui ne les impose jamais, il les accorde à chacun en fonction de son désir et de sa résolution : de la résolution qu'il met dans les exploits évangéliques, dans l'accomplissement de la volonté de Dieu et dans l'exécution des commandements de Dieu. Plus nous nous contraignons à la vie évangélique et plus Dieu nous accorde les forces qui nous sont nécessaires pour que nous puissions la réaliser et pour que ces exploits deviennent aisés et joyeux pour nous, selon le témoignage que nous fournissent les Saints et les ascètes. 82. Seule une sagesse évangélique élevée peut connaître la volonté de Dieu, car c'est à une vie en Dieu que la sagesse est accordée par Dieu. - Cf. Jacques 3, 13. 17. - . De même l'intellect spirituel, qui se trouve à l'opposé de l'intellect sensible, n'est accordé qu'à une vie dans l'Esprit Saint, et dans cet intellect spirituel, la compréhension spirituelle des mystères de Dieu. - Cf. 1 Cor. 2, 7. 10-15. - . Tant la sagesse humaine que l'intellect spirituel sont les fruits de la présence de l'Esprit Saint dans l'âme de l'homme – Cf. Actes 6, 3-10 ; 1 Cor. 12, 8 - , et c'est seulement dans une telle sagesse et dans un tel intellect que peut résider la connaissance de la volonté de Dieu. Le Christ est la sagesse de Dieu, la sagesse qui vient de Dieu. - 1 Cor. I, 24. 30. - . Le Saint Apôtre l'enseigne : Nous parlons de la sagesse qui est dans les parfaits, c'est-à-dire chez les porteurs de l'Esprit, et c'est par l'Esprit que nous connaissons les dons que Dieu nous a faits – 1 Cor. 2, 6. 10. 12 -, car c'est le Saint Esprit qui est l'Esprit de sagesse et de révélation – Eph. 1, 17 - , c'est Lui qui accorde la connaissance du Christ et de tout ce qui est du Christ, comme toute connaissance de la volonté de Dieu. - Cf. 1 Cor. 12, 3-11. - . 83. Tous les trésors de la sagesse divine et de l'intellect spirituel se trouvent dans l'intellect saint et conciliaire de l'Eglise, par lequel nous avons accès à la connaissance du mystère de Dieu, du Christ. - Col. 1, 26 ; 2, 2-3. - .Tous ces trésors y sont cachés – Col. 2, 3 – et ne sont révélés qu'à ceux qui vivent dans l'Eglise d'une vie sainte et conciliaire en commun avec tous les Saints. -Cf. Eph. 3, 18-19. - . 84. Conduisez-vous sagement envers ceux qui sont au-dehors – Col. 4, 5 - , c'est-à-dire envers les non-chrétiens. C'est ce que nous conseille l'Apôtre. Or les chrétiens vivent sagement s'ils vivent selon l'Evangile du Seigneur Christ, qui est la sagesse de Dieu. - 1 Col. 1, 24. 30. - . Hors de l'Eglise, il n'y a que l'ignorance des insensés – 1 Pierre 2, 15 – l'athéisme, c'est-à-dire l'ignorance de la vérité sur Dieu et sur l'homme. Tout ce qui ne vient pas du Christ, qui est l'unique sagesse véritable et éternelle, n'est en réalité que stupidité et folie, car en général les hommes deviennent fous et stupides sous l'effet de la passion et du péché. Par essence, le péché est avant tout une folie de l'âme humaine. L'amour du péché est toujours une folie de l'âme au regard de Dieu. Seul l'amour du Christ et l'amour de l'homme que l'on trouve en Christ peuvent combler l'âme humaine de sagesse. 85. C'est seulement s'ils vivent par la sagesse en Christ que les hommes peuvent sagement tirer un profit divin du temps de la vie qui leur a été accordé par Dieu ; par cette sagesse divine, ils mettent le temps à profit. - Col. 4, 5. - Nous dilapidons le temps qui nous a été donné par Dieu dans les passions et dans le péché, en le livrant à la mort et à la folie du péché. Or le temps de la vie nous est donné pour que nous y acquérions l'immortalité et l'éternité divine ; il doit être pour nous une introduction à l'éternité ; c'est cela le juste but qui lui a été assigné par Dieu. L'emplir d'éternité et d'immortalité, c'est en tirer profit, c'est le racheter à tout ce qui est mortel, éphémère, pécheur, stupide et fou ; c'est seulement si nous vivons avec sagesse, c'est-à-dire par le Christ, que nous pouvons tirer profit du temps. Si nous vivons de toute autre manière, nous ne pouvons qu'en abuser et le dissiper, car le temps lui aussi a été créé par Dieu le Verbe, et à cause de Dieu le Verbe. - Cf. Jean 1, 3 ; Col. 1, 16. - . Sa « verbéité », sa « logicité «  résident en ceci qu'il doit servir Dieu le Verbe – le Seigneur Christ, - en conduisant vers Lui pour le Lui présenter tout ce qu'il détient et qu'il porte en lui. Le temps nous est donné pour que nous le transformions en éternité en vivant avec sagesse, c'est-à-dire dans le Christ et par le Christ. Par tout son être verbéique, le temps est entré dans le corps divino-humain du Christ, l'Eglise, et c'est là qu'il a trouvé sa signification éternelle et sa réalisation divine ; C'est ce qui se produit tout particulièrement dans la divine Liturgie, par la sainte Eucharistie. Grâce aux saints Mystères et aux saintes vertus, le temps se transforme dans l'Eglise en éternité, car l'Eglise est ce laboratoire des miracles divins dans lequel tout ce qui se trouve soumis au temps se transforme en ce qui est dans l'éternité, tout ce qui est soumis à la mort se transforme en ce qui est immortel, et tout ce qui est transitoire se transforme en immuable. 86. La vie sur la terre tire son origine du Ciel ; la vie de l'homme tire son origine de Dieu ; Par sa racine ultime, la vie de chaque homme comme la vie de tous les hommes en général est cachée dans les insondables profondeurs du Ciel et dans les infinités trisolaires de la Divinité trois-fois-sainte. Le mystère de la vie, tant celle du moindre que du plus grandiose des êtres, la vie de l'être le plus simple comme celle de l'être le plus complexe qui soit sur la terre, est sainte par son essence, elle est céleste, elle est verbéique, elle est trinitaire. Du fait même de sa vie, tout être vivant entretient une relation permanente avec la source ultime de la vie, de toute vie, et c'est Dieu le Verbe. Chacun à sa manière propre, tout être vivant vit et développe sa propre verbéité du seul fait d'exister. L'homme est, n'en doutons pas, le plus complexe des êtres qui soient sur la terre, et c'est pourquoi il vit sa propre vie de la manière la plus complexe et la plus dramatique, et lorsque l'homme recherche avec cohérence le mystère de sa vie, ce mystère l'invite inéluctablement à s'élever vers les hauteurs des mondes célestes, vers Dieu et vers tout ce qui est divin. 87. Tout ce mystère, le saint mystère de notre vie humaine, ne réside pas en nous les hommes ; il se trouve dans notre Dieu et Seigneur qui est aux Cieux. C'est pourquoi le Dieu céleste est devenu un homme, c'est pourquoi il est apparu sur la terre en tant que Dieu-homme, Jésus-Christ, dans le dessein de nous expliquer le mystère de la vie, et de nous enseigner cette vérité essentielle, la vérité essentielle par excellence : de son début jusqu'à sa fin, toute la vie de l'homme vient de Dieu, elle est en Dieu, elle va vers Dieu, elle est à cause de Dieu. Le meilleur exemple, le plus parfait et le plus évident des exemples, en est la vie du Dieu-homme, le Christ, Lui-même. Sa vie sur terre est toute la vie, car c'est en elle que chaque homme peut trouver toute la plénitude, toute la perfection, toute l'immortalité, toute l'éternité de sa vie ; sans le Dieu-homme, le Christ, la vie de l'homme reste pour toujours et à jamais une vie de tourments, de maladie et de tristesse, et parfois c'est un mystère terrible, redoutable, insupportable, c'est un mystère mangeur d'hommes. C'est seulement par Lui, le Dieu-homme, que la vie de l'homme peut vaincre toute mort et tout ce qui est mortel, pour s'assurer ainsi une joie éternelle sur la terre et au Ciel. C'est alors, et c'est seulement alors, que son immortalité peut être appelée une joie éternelle et son éternité un bonheur éternel. 88. Les chrétiens savent comment il faut vivre en ce monde comme en tous les mondes dans lesquels vit l'être humain. C'est par le Dieu-homme qu'ils le savent, car il ne leur a pas seulement appris comment il faut vivre pour Dieu -1 Thess. 4, 1 -, mais il leur a donné toutes les forces qui leur sont nécessaires pour vivre effectivement ainsi, et il les leur a accordées par l'Esprit Saint, à travers les saints Mystères et les saintes vertus. Par le saint Baptême nous devenons des christs, car c'est par ce saint Mystère initial que nous revêtons pleinement le Christ – Gal. 3, 27 - , c'est-à-dire que nous nous emplissons de Lui et que nous vivons par Lui, qui est le Dieu parfait et tout-puissant. Et les autres saints Mystères et les autres saintes vertus nous affermissent toujours plus et nous font progresser dans cette vie divino-humaine où nous grandissons constamment de la croissance de Dieu – Col. 2, 19 – jusqu'à ce que nous ayons atteint à l'homme parfait, à la mesure de la taille de la croissance du Christ – Eph. 4, 13 - , jusqu'à ce que nous soyons complètement christifiés, jusqu'à ce que l'image du Christ se soit complètement formée en nous – Gal. 4, 19 - , c'est-à-dire jusqu'à ce que nous soyons devenus complètement divino-humains, devenus des dieux-hommes selon la Grâce. 89. Les vrais chrétiens ne se trouvent pas dans les ténèbres, car ils possèdent la lumière de la vie, une lumière qu'aucune ténèbre du mal ne saurait occulter ni obscurcir pour peu qu'ils la nourrissent par la foi, par l'amour, par la prière et par le jeûne. Pour nous les chrétiens, il ne saurait y avoir qu'un seul élément inattendu en ce monde – et c'est le péché, la seule chose qui puisse nous surprendre et nous menacer. Nous savons en effet que le péché est la seule chose qui ne soit pas naturelle et qui soit contre nature en ce monde de Dieu, et c'est pour cette raison qu'il peut surprendre cet être divin, créé à l'image de Dieu, qu'est l'homme ; nous savons également que le péché vient tout entier de Satan, et c'est pourquoi il est le seul véritable danger qui puisse menacer l'homme en ce monde, et sans aucun doute aussi dans les autres mondes. Par le Seigneur nous savons, par son saint Evangile nous avons appris ce que Dieu attend de nous, et ce que Satan tente contre nous – car nous n'ignorons pas ses pensées. - 2 Cor. 2, 11. - . Mais contre Satan nous arborons la panoplie de Dieu, celle dont le Seigneur-Christ nous a armés dans son Eglise : les saints Mystères et les saintes vertus. C'est grâce aux saints Mystères et aux saintes vertus que nous pouvons veiller et rester sur nos gardes, lutter et guerroyer et remporter vaillamment la victoire sur tous les esprits mauvais qui sont sous le ciel -Eph. 6, 11-18 - , uniquement par le Dieu-homme, le Christ, qui lutte en nous grâce aux saints Mystères et aux saintes vertus. 90. Non seulement les vrais chrétiens possèdent la vraie lumière, mais ils sont les fils de la Lumière - 1 Thes. 5, 5 -, car ils ont été engendrés par l'unique véritable Lumière, par l'unique véritable vrai Dieu et Seigneur Jésus-Christ. - Cf. Jean 1, 9-13. - .Oui, le vrai Dieu est en même temps la vraie Lumière. Et puisque le vrai Dieu est venu visiter notre monde terrestre, la vraie Lumière demeure en nous ; Voilà pourquoi il est dit dans le saint Evangile que la véritable Lumière brille déjà. - 1 Jean 2, 8. - . Le Seigneur Christ est bien la vraie Lumière, car ni l'ombre de la mort ni l'ombre de l'Hadès n'ont pu l'occulter alors qu'il gisait mort dans le tombeau, et l'ombre de l'enfer n'a pas pu l'éteindre lorsque le Seigneur est descendu avec son âme humaine jusque dans l'Hadès pour y annoncer son Evangile à ceux qui s'y t Irouvaient. Quant à toutes ces soi-disant lumières du monde humain, ce ne sont que des lumières trompeuses, car elles sont appelées à s'éteindre, quand ce ne serait que par la mort. Voilà pourquoi le Seigneur Christ est bien le seul représentant de la race humaine qui ait pu à bon droit dire de Lui-même : Je suis la Lumière du monde. Celui qui marche à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. - Jean 8, 12. - Tout ce qui n'est pas le Christ, et tout ce qui ne vient pas du Christ, ne représente que de l'ombre en réalité dans notre monde humain . C'est seulement en marchant derrière le Christ, qui est la Lumière du monde entier, que les hommes peuvent reconnaître les voies du monde, savoir vers où se dirige ce monde, vers quel terme et vers quel accomplissement. 91. Il n'est qu'une seule issue à cette obscurité du monde et de l'homme, c'est la foi en la véritable Lumière, c'est-à-dire dans le Dieu-homme, le Christ et en la vie selon cette foi ; De là vient que la foi dans le Christ représente l'unique véritable illumination et la sanctification. C'est en elle que se trouve la lumière véritable, la seule et l'unique, car c'est elle qui révèle toutes les voies qui conduisent à la Vérité immortelle, à la Justice immortelle, à l'Amour immortel, et qui nous emmènent sur ces voies jusqu'au Royaume céleste, au Royaume de Dieu ; Qui est celui qui est réellement illuminé ? C'est celui qui vit par la véritable foi au Christ, car il vit par la véritable lumière, celle qui ne s'éteint jamais, qui ne passera pas, celle qui transforme toute nuit en jour, toute obscurité en clarté. 92. Notre foi est toute entière universelle, conciliaire, elle représente tout notre rapport global avec Dieu et envers Lui comme envers tous les mondes qu'il a créés. Par ta foi, Dieu se nomme Lui-même à toi, mais il te nomme toi-même aussi à toi-même, car dès que tu te considères toi-même par Dieu et du point de vue de Dieu comme une créature de Dieu, tu te considères exactement et tu te connais exactement toi-même. De même lorsque tu te considères comme une créature de Dieu par Dieu et du point de vue de Dieu, c'est aussitôt pour savoir quel est son mystère, sa signification et sa valeur, car Dieu te révèle le mystère verbéique intime de toute chose, il le révèle à ta foi, cette foi qui t'a fait te confier toi-même au Seigneur comme au Créateur et au Maître du monde, comme à Celui qui conduit toute chose sur la voie de son existence et de la manifestation de son énergie vitale telles que Dieu les connaît. C'est par la foi que l'être humain grandit tout entier vers Dieu, que son âme, sa conscience, sa volonté grandissent, et qu'avec la Grâce de Dieu elles s'étendent à toute chose, si bien que par la foi l'homme perçoit toute chose comme une chose qui lui appartient, comme une partie de lui-même – et en réalité il en est bien ainsi, car toute chose est bien verbéique. Et cet homme peut alors grandir en toute immortalité divine tout en restant toujours selon sa nature propre. C'est pour cela qu'il n'y a pas de mesure au perfectionnement des chrétiens : il ne connaît qu'une mesure, c'est l'immensité, il ne connaît qu'une fin, c'est l'infinité. 93. Pour nous les hommes, pour nous qui sommes nés de la terre, la vie nous est donnée tout d'abord sur terre dans le temps, afin que le temps nous conduise vers l'éternité et nous fasse passer par la divino-humanité du Christ sur la rive de l'éternité divine. Baptisés par l'Eglise au nom du Père, du Fils et du saint Esprit, nous vivons dès ici-bas dans l'espace-temps terrestre, par l'éternité divine et nous percevons par cette divino-humanité accordée par la Grâce comment la vie éternelle peut vivre en nous. Les sens spirituels par lesquels nous pouvons le percevoir sans cesse sont les vertus divino-humaines, c'est-à-dire la foi, l'amour, l'espérance, la prière, le jeûne, l'humilité, la sage intégrité ( c'est-à-dire la santé de l'intellect) et toutes les autres. C'est la foi qui fait passer tout notre être sur la rive de l'éternité du Christ, par la divino-humanité pleine de Grâce du Christ ; c'est de même l'amour divino-humain qui fait passer tout notre être sur la rive de l'éternité ; il en est de même encore pour chacune des vertus divino-humaines, il en est de même encore pour chacun des saints Mystères divino-humains, en commençant par le saint Mystère du Baptême qui nous introduit à tous les autres saints Mystères et à toutes les saintes vertus ; Vivant dans le temps, chaque chrétien vit en réalité d'une vie éternelle, car il vit d'une vie divino-humaine, de la vie du Christ. 94. Nous les chrétiens nous connaissons par le Christ toutes les vérités les plus importantes sur le monde et sur la vie : nous les connaissons par sa sainte Révélation, nous les connaissons par son saint Evangile. Nous savons clairement d'où vient le monde et pourquoi, d'où vient l'homme et pourquoi, d'où vient la vie et pourquoi ; Tout cela vient de Dieu le Verbe – de la Sagesse divine, - et à cause de Dieu le Verbe, - et à cause de la Sagesse divine – Cf. Col. 1, 16 ; Héb. 2, 10 ; Jean 1, 3-4 -, et par son être tout entier, tout est en Lui d'une manière merveilleuse. - Cf. Col. 1, 17. - . C'est pourquoi tout est intérieurement lié et coordonné en une unique et sage totalité et brille de la lumière inextinguible de l'ineffable sagesse et du discernement divins . Il s'agit du dessein de Dieu sur le monde, tel qu'il a été élaboré par la Divinité trinitaire avant l'éternité et réalisé au nom du Père par le Fils et l'Esprit saint dans le temps et dans l'espace, avec comme but final de tout rassembler dans le Christ, ce qui est aux Cieux et ce qui est sur la terre. - Eph. 1, 4-10 - , de tout rassembler dans son corps divino-humain, l'Eglise, qui est la plénitude de celui qui emplit tout en tout. - Eph. 1, 23. - . Voilà pourquoi tout être humain, du premier jusqu'au dernier, dépend totalement en toute chose du Dieu-homme, le Christ ; tout ce qui est du Dieu-homme, en dernière analyse, appartient aussi à l'homme, pour lui assigner sa valeur, sa signification et son destin, en ce monde comme en l'autre. Si l'on recherche la véritable valeur de l'homme, de celle qui dure et qui ne passe point, c'est dans le Dieu-homme qu'elle se trouve. Si c'est la véritable valeur de la justice éternelle de l'homme que l'on recherche, si c'est celle de l'amour éternel de l'homme, celle de son bien éternel, de sa vie éternelle, de sa joie éternelle, de son bonheur éternel – c'est uniquement et seulement dans le Dieu-homme qu'elles se ctrouvent. 95. C'est dans le très saint Evangile que nous apprenons que notre monde et notre vie terrestre s'achèveront par le deuxième avènement du Seigneur Christ. -2 Thess. 2, 1. - . Car ce deuxième avènement sera la suite naturelle du premier : Le Seigneur viendra en tant que moissonneur pour rassembler la moisson terrestre – et c'est le même Seigneur, le Dieu-homme, Jésus-Christ. C'est pourquoi pour nous chrétiens qui sommes sur la terre, la vie n'est pas autre chose qu'un itinéraire qui mène vers le Seigneur Christ, vers son deuxième avènement, un itinéraire qui mène vers Lui en passant par son saint Evangile, c'est-à-dire par sa vérité, sa justice, son amour et sa vie. De tous les coins du monde, de tous les points du temps, nous cheminons vers le Seigneur-Christ pour nous rassembler devant Lui au jour de son second avènement et recevoir chacun selon ses œuvres. 96. Lorsqu'il s'agit de rejeter Dieu par sa volonté propre, la liberté de l'homme est énorme, immense. Lui, une créature de Dieu, il peut rejeter Dieu ! Là se trouvent à la fois la grandeur divine de l'homme et la plus redoutable des embûches de Satan : s'il tient pour Dieu, son Créateur, il est divinement grand et élevé ; s'il tient pour Satan, son meurtrier, il est diaboliquement misérable et ignoble. Cela vaut encore plus pour l'homme depuis la venue du Dieu-homme en ce monde. Dans le Dieu-homme en effet, c'est le seul véritable Dieu et Seigneur, c'est le seul véritable Sauveur de la race humaine qui est manifesté et démontré de la manière la plus évidente pour la perception humaine, de la manière la plus convaincante pour l'esprit et pour la conscience de l'homme et pour son cœur. Que l'homme puisse encore rejeter Dieu, après le Dieu-homme et malgré Lui, cela signifie que sa liberté est véritablement énorme, autonome et indépendante. L'homme tout entier dépend d'elle, toute sa vie et toute son éternité. En rejetant le Dieu-homme, le Christ, les hommes n'ont plus aucune réponse à ce péché fondamental, à ce tout-péché, car la race humaine ne saurait trouver ni un Dieu plus grand, ni plus parfait, car il n'en existe pas, ni un homme plus grand ni plus parfait, car il n'en existe pas. 97. Tout ce qui a été et qui reste un idéal ou une idée, une abstraction ou un au-delà pour la pensée humaine, qu'elle fût grecque ou romaine, ou indienne ou tout autre, est devenu la vie, notre vie terrestre par l'incarnation de Dieu le Verbe, le Dieu-homme, le Christ. Pour trouver le Verbe et la verbéité de la vie, il n'est plus nécessaire d'aller dans l'autre monde, car le Verbe et la verbéité de la vie sont ici, parmi nous. Nous avons le Verbe de la vie – 1 Jean 1, 1 - , et c'est pourquoi nous connaissons la verbéité de la vie, le but de la vie, le sens de la vie ; Si nous ne connaissions pas le principe de la vie, le voici, c'est Dieu le Verbe, car c'est lui qui était au principe – ap archès, en grec. La vie n'est pas chose dépourvue de sens ; dès son principe même c'est quelque chose de divinement verbéique et le péché est cette force qui constamment défait la verbéité, nous privant de la divine verbéité et logicité de la signification et de la justification divine. Seul le péché fait de la vie quelque chose d'injustifié. Avec le Dieu-homme, véritablement la vie s'est manifestée, dans notre monde de mort et de pseudo-vie ; Dès lors que nous avons vu en Lui la vie véritable, nous avons vu ce qu'est la vie, nous avons vu et nous voyons que seule la vie éternelle est la vie véritable. - 1 Jean 1, 2. - . C'est dans le Dieu-homme que l'évidence éclate. Le Dieu-homme tout entier, et tout ce qui est en Lui, respire et rayonne la vie éternelle : il n'est aucune de ses pensées qui ne découle de la vie éternelle pour retourner s'y fondre ; il en est de même de chacune de ses paroles, de chacun de ses actes, de chacune de ses perceptions ; et tout cela vient former notre être humain. 98. Il n'y a pas de Dieu hors de la Divinité trinitaire. Quiconque ne reconnaît pas le Christ comme Dieu n'est qu'un athée, qu'un sans-Dieu. Mais quiconque reconnaît le Christ comme Dieu connaît Dieu, connaît tout ; S'il le reconnaît, il reconnaît la Divinité trinitaire, car le Seigneur Christ, en tant que Fils de Dieu, conduit chacun de ses disciples vers son Père céleste. Si le Fils est renié, le Père est du même coup renié aussi, car le Père est Père en ceci qu'il a un Fils ; Par toute sa vie sur la terre le Seigneur Christ a démontré de la façon la plus évidente que tout est divin en Lui, que par toutes ses propriétés il vient tout entier de Dieu le Père et qu'il est tout entier tourné vers son Père. Le saint Théologien l'enseigne : Quiconque renie – o arnouménos, en grec – le Fils n'a pas non plus le Père, et quiconque confesse – o omologon, en grec – le Fils a aussi le Père. C'est le rapport entre l'homme et le Fils qui détermine son rapport au Père, car il n'y a pas de Dieu hors du Christ et de Dieu son Père et de l'Esprit saint, pas plus au Ciel que sur la terre ou sous la terre ; Dès son principe même, l'Evangile du Christ est l'Evangile de la sainte Trinité et sur la sainte Trinité. L'homme devient chrétien s'il reçoit cet Evangile, il reste chrétien s'il en vit et s'il se tient à lui. Et par l'intermédiaire de l'Evangile, c'est la sainte Trinité qui se tient en l'homme, qui y œuvre et qui y vit ; c'est Elle qui fournit à l'homme les forces nécessaires pour vivre évangéliquement. Or la vie des chrétiens est une communion personnelle permanente avec le Père et le Fils et le saint Esprit par le moyen des saintes vertus et des saints Mystères. L'incorporation et l'assimilation à la sainte Trinité est un exploit que les chrétiens remportent constamment par la Grâce. 99. Le Seigneur Christ notre Sauveur est l'image achevée et toute-parfaite de l'amour et de l'amour de l'homme. Le Salut consiste à répandre l'amour du Christ à travers tous les hommes qui croient en Lui. C'est par l'amour du Christ, par l'amourr que le Christ porte à l'homme, que nous sommes sauvés du péché, de la mort et du Diable. L'amour introduit Dieu dans l'âme et l'homme peut alors vivre par Lui ; c'est ainsi qu'il peut voir Dieu qui reste autrement invisible ; C'est par amour que Dieu est devenu homme, qu'il s'est incarné et qu'il s'est hominisé. Il en va de même pour l'homme : c'est par amour qu'il se divinise, qu'il se déifie, qu'il devient « un dieu par Grâce ». Le Dieu invisible est devenu incarné, visible par amour de l'homme, car l'amour de l'homme est une force d'incarnation : elle introduit celui qui aime dans celui qui est aimé, elle l'incarne en lui : leurs vies se fondent en une unique vie, leurs âmes en une âme unique, leurs cœurs en un cœur unique, ils se perçoivent comme ne formant plus qu'un, bien qu'ils restent deux personnalités particulières. Cela vaut pour tous les membres de l'Eglise : ils s'incarnent l'un en l'autre par leur amour réciproque, chacun en tous et tous en chacun ; ils vivent l'un en l'autre, chacun en tous et tous en chacun ; il en va de même pour leurs pensées, leurs perceptions et leurs actes : ils sont communs, conciliaires, « avec tous les Saints ». - Eph. 3, 18. - . C'est ce que disent les Actes des Apôtres : La multitude de ceux qui avaient cru n'avaient qu'un cœur et qu'une âme, et tout leur était commun. - Actes 4, 32. - . Par le vécu de l'amour du Christ, l'homme établit Dieu en son âme, il vit par Lui, il pense par Lui, il perçoit par Lui, il agit par Lui ; bref : Dieu habite en lui. C'est pourquoi Dieu est pour lui son vécu le plus immédiat, la réalité la plus immédiate, la plus empirique des expériences. Or lorsque Dieu réside en l'homme, il parfait l'amour de l'homme, car peu à peu cet amour divin se répand de Dieu en l'âme de l'homme, il y grandit en un amour toujours plus parfait par l'intermédiaire des autres saintes vertus jusqu'à faire amour son être tout entier ; Alors il ne connaît plus de limite à son amour, car Dieu est amour, et c'est pour cette raison que l'amour divin ne connaît plus de frontière. C'est par l'amour que Dieu réside en l'âme de l'homme ; Le mystère de l'Eglise divino-humaine se trouve tout entier dans l'amour divino-humain. 100.

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