dimanche 22 mars 2020

Saint Photios, Oeuvres Trinitaires (1).

SOMMAIRE
INTRODUCTION La réhabilitation de saint Photios en Occident
I Vie de Saint Photios Père Justin Popovic
II encyclique aux Patriarches Orientaux Note historique Texte
III Épitome Note Texte
IV Lettre au MÉtropolite d'AquilÉe Note historique Texte
V OFFICE de Saint Photios Note Texte
La Fraternité Orthodoxe Saint Grégoire Palamas
Le texte de la Vie de saint Photios écrite par le Père Justin Popovic a été traduit par Presbytéra Anna ; ceux de saint Photios ont été traduits par le Hiéromoine Philarète.

INTRODUCTION
La Réhabilitation de saint Photios en Occident
Nous commençons ici la publication des œuvres trinitaires de saint Photios : ses lettres aux Patriarches Orientaux, au Métropolite d'Aquilée, l'Épitomé et la Mystagogie du Saint Esprit, ce monument dogmatique de l'Église orthodoxe ; et nous rendons gloire à Dieu d'avoir pu accomplir ce travail dont nous souhaitons qu'il soit utile aux vrais amoureux de la vérité évangélique, patristique et orthodoxe1. Dans ses écrits, le saint Patriarche de Constantinople dénonce et réfute l'hérésie du Filioque – procession du Saint Esprit hors du Père et du Fils, en latin : Filioque – dont il fut le premier à mesurer à quel point elle allait défigurer théologiquement et spirituellement l'Occident, qui fut orthodoxe jusqu'à ce que la théologie franque et carolingienne ne s'impose définitivement à travers la scolastique2. À cause de ses écrits théologiques, le Patriarche Photios, dont la sainteté était pourtant reconnue de son vivant, et que l'Église orthodoxe a canonisé, a été véritablement haï par les historiens occidentaux jusqu'à la fin du XIXe siècle, et souvent même, malgré le progrès des études historiques, jusqu'à aujourd'hui. Baronius, Bossuet, Fleury, Maistre sont les noms les plus illustres de la passion, de la « furia » anti-photienne à laquelle les travaux de Jaeger et, surtout du Cardinal Hergenröther tentèrent maladroitement de donner un caractère quelque peu scientifique, ouvrant ainsi le chemin à d'autres recherches plus érudites3. Précédés par le Jésuite A. Lapôtre, certains érudits catholiques romains, notamment Grumel et Dvornik, ont réduit à néant les légendes antiphotiennes du Moyen-Âge4, mais ils ont été mus, dans leurs recherches, par une autre obsession, celle de montrer que le saint Patriarche de Constantinople n'avait pas mis en cause fondamentalement l'autorité du siège de Rome. Ainsi, ils ont donné un faux éclairage sur les relations entre saint Photios et le Pape orthodoxe Jean VIII, qui fut assassiné en 882 par le parti philofrank de Rome et que l'Église orthodoxe devra un jour considérer comme martyr. D'autre part, les travaux de Grumel et de Dvornik qui sont très estimés pour avoir « réhabilité » Photios, apparaîtront incomplets, inachevés, s'ils ne conduisent pas à une révision plus profonde de l'attitude occidentale à l'égard de saint Photios, si, pratiquement, la sainteté du grand patriarche n'est pas reconnue, si son nom n'est pas inscrit au calendrier des saints de l'Église catholique romaine, et si le caractère irréprochable de sa théologie n'est pas proclamé « urbi et orbi ». C'est le caractère authentiquement patristique de l'œuvre de saint Photios que l'Occident doit maintenant reconnaître, comme le fit le savant historien W. Guettée, que ses études menèrent à l'Église Orthodoxe, et qui écrit, au sixième volume de son Histoire de l'Église, à propos des lettres du saint Patriarche : « Toute sa correspondance respire la mansuétude ; on y voit briller toutes les vertus chrétiennes aussi bien que la science la plus profonde et la plus brillante intelligence. On sent, en la lisant, que le vénérable Patriarche était trop élevé, par son esprit et par sa position sociale, pour s'abaisser jusqu'aux intrigues. Tel est cet homme que ses ennemis ont transformé en ambitieux de bas étage, en intrigant, et même en bête féroce, en s'appuyant sur les témoignages de deux ou trois adversaires, jaloux de sa supériorité et qui se contredisent dans leurs calomnies. Quand on a lu sans préjugé les œuvres de Photios, et qu'on lit les accusations dont il a été l'objet de la part des Occidentaux, on ne peut que déplorer l'aveuglement des misérables écrivains qui ont sacrifié la vérité à des rancunes de parti. N'ont-ils pas osé faire du grand patriarche orthodoxe un sectaire, un hérésiarque, un schismatique, l'auteur du schisme qui existe entre les Églises orientale et occidentale ? N'ont-ils pas donné à la vénérable Église catholique orthodoxe le titre ridicule et odieux d'Église photienne ? On ne saurait indiquer une seule doctrine touchant laquelle Photios aurait innové. Dans tous ses écrits, il suit la règle catholique de la tradition universelle ; c'est au nom de cette tradition qu'il a résisté aux empiètements hérétiques de la papauté, et qu'il a attaqué les fausses doctrines qui commençaient de son temps à envahir l'Europe Occidentale. Ses ouvrages méritent, sous tous les rapports, d'être placés à côté de ceux des Pères de l'Église les plus savants et les plus illustres5 ». Malheureusement, les savants occidentaux n'ont pas encore reconnu dans saint Photios, le grand saint et docteur de l'Église qu'il est en vérité, et même certains « orthodoxes » ont maintenant engagé de « subtiles » critiques de saint Photios, dont la théologie est alors présentée comme « rigide6 ». II En réalité, même historiquement, la « réhabilitation » occidentale de saint Photios restera sur la poussière des bibliothèques si elle n'est pas suivie d'une remise en cause des erreurs méthodologiques qui ont eu pour origine le rejet de l'autorité du saint Patriarche. En effet, toute l'histoire de la théologie et de la patristique en Occident est dominée par un certain nombre de postulats, dont le plus contestable est celui d'un arrêt, d'une interruption de la « patristique » à saint Maxime le Confesseur, ou parfois à saint Jean Damascène7. Selon ce postulat, après saint Jean Damascène, il n'y aurait plus de « Pères » ; de nouvelles méthodes seraient apparues, modifiant les catégories historiques et théologiques antérieures, et à la « patristique » succèderait, en Occident, la scolastique, et en Orient la théologie « byzantine8 ». Or, cette dernière est un concept absurde, tant sémantiquement que théologiquement, puisque les « Byzantins » se sont toujours considérés comme les héritiers naturels des Romains hellénophones et donc des Pères hellénophones que l'on appelle faussement en Europe « Pères grecs ». À l'intérieur de l'Empire romain, uni politiquement et religieusement, il n'y avait pas de « Pères grecs » et de Pères latins », mais des Pères hellénophones et latinophones qui avaient la même théologie. De même la théologie « byzantine » ne diffère pas de la théologie « patristique » : même but, mêmes dogmes, même méthode. Il est tout à fait évident, à nos yeux, que ce découpage chronologique et ces catégories ont été créés parce que les Pères hellénophones, à partir du IXe siècle et de saint Photios, ont tous condamné comme hérétiques les développements dogmatiques qui ont conduit à la scolastique, notamment la théologie de la double procession (ou Filioque). Cette doctrine a été soutenue, développée et argumentée par le fleuron de la pensée anti-patristique, Anselme de Cantorbéry, puis par Thomas d'Aquin et les autres auteurs médiévaux de l'Occident. « Réhabiliter » saint Photios ce devrait donc être ceci : reconnaître l'évidence, à savoir que la théologie des Pères et des docteurs de l'Église ne s'est continuée qu'en « Orient », et dans l'Église orthodoxe. Ce serait encore admettre que la scolastique latino-franque9 est étrangère à la théologie patristique qui, par les œuvres de saint Photios et des autres Pères qui l'ont suivi, l'a condamnée comme une innovation dangereuse. Partant sur ces bases nouvelles, la science historique occidentale ferait alors des progrès considérables, et l'étude des Pères deviendrait en Europe plus vivante, parce qu'ils ne seraient pas seulement les représentants d'une période dépassée, mais l'expression de la théologie véritable jusqu'à notre époque10. III Enfin, la meilleure façon de réhabiliter saint Photios en Occident – et de contribuer à un vrai progrès œcuménique – c'est de prendre au sérieux son argumentation théologique et de mesurer nettement les conséquences du Filioque : ce faux dogme crée une fausse Trinité11, ou détruit la Trinité chrétienne et par ce fait même, prive du nom de chrétiens et d'adorateurs de la Sainte Trinité ceux qui le suivent. Le Filioque est pour saint Photios une hérésie étrangère à l'Évangile et celui qui la confesse se trouve exclu de la vie éternelle et de l'union ineffable au Christ, vrai Dieu et vrai Homme et seule tête de l'Église. Nous n'ignorons pas qu'une telle affirmation peut scandaliser celui qui est coutumier des recherches – souvent adogmatiques – de l'œcuménisme ; mais comment « dialoguer » si l'œuvre des Pères n'est pas prise au sérieux, plus au sérieux même que notre propre vie ! L'opinion de Photios a, en effet, été reçue par les Pères et les écrivains orthodoxes qui l'ont suivi, et cela jusqu'à notre époque. Sa confession de foi a été adoptée synodalement, dogmatiquement et liturgiquement par l'Église orthodoxe : – Elle l'a été par le Concile de 879-880, Huitième Concile Œcuménique pour les orthodoxes, où saint Photios et le Pape Jean VIII, par ses légats, ont lu et professé le Credo de Nicée-Constantinople sans l'addition du Filioque12, le proclamant inchangeable. – Elle l'a été dans le Synodicon du Saint Esprit, document dogmatique ajouté au Synodicon de l'Orthodoxie et reconnu par tous les patriarcats orthodoxes13. – Elle l'a été dans l'Office de saint Photios, qui est fêté deux fois dans l'année : au six février, jour de sa dormition, et immédiatement après la Pentecôte, au « troisième jour de la Trinité » (le mardi), comme Docteur et Confesseur du Saint Esprit14. Si l'on veut « réhabiliter » saint Photios, il faut donc revenir à la foi orthodoxe qui fut jadis celle de la Gaule romaïque, de l'Italie romaïque, de l'Espagne romaïque, des Celtes romaïques, celle de l'Occident avant que les invasions barbares ne se transforment en idéologie philosophico-théologique, à l'époque carolingienne. Pour cet Occident orthodoxe, vers lequel l'aigle bicéphale de la Romanité tourne une de ses têtes, saint Photios n'a ménagé aucun effort, s'adressant à Jean VIII, au Métropolite d'Aquilée, rappelant sans cesse la foi des Pères latinophones et des papes orthodoxes, tels Léon Ier ou Léon III. Saint Photios a donné la preuve du véritable amour, désintéressé, qui consiste à ne jamais séparer l'amour et la vérité, et c'est à la Vérité qu'il appelle encore, à notre époque, et de façon vivante, les Occidentaux, alors que les carolingiens, les scolastiques, et leurs continuateurs ont perdu toute autorité théologique et spirituelle. IV C'est pour contribuer à une véritable « réhabilitation » de saint Photios et de la théologie orthodoxe de la Sainte Trinité que nous avons publié ces dernières années quelques travaux sur cette question. Ce fut d'abord aux éditions L'Âge d'Homme, de Lausanne, la réédition de La Mystification Fatale de Cyriaque Lampryllos, la meilleure étude historique écrite en français sur cette question ; puis, dans le Dossier H Augustin, paru chez le même éditeur en 1988, l'étude magistrale du Professeur Jean Romanidès, complétée par celle de L. Motte sur « Ambroise et Augustin » ; enfin, dans la revue de la Fraternité Orthodoxe Saint Grégoire Palamas, La Lumière du Thabor, les écrits d'autres Pères orthodoxes comme saint Marc d'Éphèse ou saint Grégoire Palamas sur la théologie trinitaire15. Sur cette question du Filioque, nous ajoutons maintenant à ces publications l'intégralité des Écrits Trinitaires de saint Photios, pourvus de notes et d'un commentaire. Nous avons organisé notre édition en quatre petits volumes, chacun pouvant se lire séparément, qui paraîtront régulièrement, Dieu voulant, entre 1989 et 1990. Le premier volume que nous présentons ici comprend La Vie de saint Photios par le Père Justin Popovic ; la Lettre Encyclique du saint Patriarche, sa Lettre au Métropolite d'Aquilée, l'Épitomé, court texte où saint Photios résume son argumentation ; nous y avons ajouté quelques brèves notes historiques et l'Office de saint Photios. Le texte de la Vie de saint Photios, écrit par le Père Justin Popovic, a été traduit de l'anglais par presbytéra Anna, et pris dans l'édition remarquable de la Mystagogie en anglais faite par le Monastère de la Sainte Transfiguration à Boston (voir note 1). Les textes de saint Photios ont été traduits du grec par le hiéromoine Philarète. Le deuxième volume comportera principalement la Mystagogie du Saint Esprit ; le troisième, un commentaire historique et théologique ; le quatrième, une étude sur le Concile de 879-880, VIIIe Œcuménique, et sur le pape orthodoxe Jean VIII. Par ce travail, à notre modeste niveau, nous avons le sentiment de prolonger, en le faisant mieux connaître, l'amour de saint Photios pour les « Romains d'Occident », dominés au IXe siècle par la brutalité des Franks, aujourd'hui libres de revenir à l'orthodoxie de leurs ancêtres. Puisse Dieu, par les prières de saint Photios, éclairer tous ceux qui liront ce livre et nous faire miséricorde à nous qui, par amour de la foi véritable, le publions. Par les prières de nos Pères saints, Seigneur Jésus Christ Notre Dieu, aie pitié de nous. ABRÉVIATIONS USUELLES Migne ou PG J. P. Migne Patrologia Graeca, Paris, 1857-1866. Mansi J. D. Mansi Sacrorum Conciliorum nova & amplissima collectio Florence-Venise, 1759-1798 ; reprint 1960, Akad. Druck-U. Verlagsanstalt, Graz, Austria. Teubner Photios Epistulae et Amphilochia Éd. B. Laourdas et L. G. Westerink Teubner, Leipzig, 6 volumes parus, de 1983 à 1987. Lettre Encyclique : vol. I (1983), p. 39-53, Ep. 2. Lettre au Métropolite d'Aquilée : vol. III (1985), p. 138-152, Ep. 291. I VIE DE SAINT PHOTIOS Par le Père Justin Popovic VIE DE SAINT PHOTIOS Patriarche de Constantinople Nos Pères théophores qui, dans l'Église de Dieu, ont disposé toute chose selon qu'il plaît à Dieu, nous ont laissé pour héritage sacré ce précepte qu'ils reçurent d'En-Haut et que leur transmirent les saints Apôtres : qu'il n'est pas de vertu plus haute que la confession et la défense de la Vraie Foi Orthodoxe. Car il n'est point, disent-ils, d'autre vertu pour être trouvée si grande devant Dieu et si bénéfique à l'Église. En effet, la Vérité c'est Dieu même et, pour nous hommes, l'amour et la confession de cette Vérité Divine – en quoi réside la Vraie Foi de l'Église – est délivrance, salut et illumination. Voilà le saint enseignement qu'avant tout autre ont proclamé les Pères bienheureux dont la vie se passa toute à lutter pour que fût gardée intacte la Foi Vraie de notre Christ, celle qui seule mène au salut et sans laquelle il n'est point pour les hommes de part à la vie éternelle. Cette tradition sacrée de nos Pères, dont la vie entière fut comme l'affirmation et le témoignage, est la leçon la plus admirable qu'il était donné à notre génération de suivre, mais, manquant de zèle pour « l'amour de la vérité » (2 Thess. 2, 10), celle-ci a grandi froide et endurcie dans son indifférence à la Foi véritable. Des premiers grands docteurs de l'Église, les plus sublimes zélotes pour la Foi pure et sans tache et pour la Divine Vérité furent sans doute saint Athanase le Grand et saint Basile le Grand. Ici, cependant, notre saint Père théophore Photios, le confesseur et défenseur de la Foi Orthodoxe du Christ, paraît ne leur céder en rien. Comme eux, il œuvra pour acquérir toutes les vertus qui sont devant Dieu en agréable odeur et qui mènent à la déification. Et, plus encore, il combattit pour la Divine Vérité, pour le dogme véridique de la Foi Orthodoxe, pour l'héritage précieux que léguèrent à l'Église les Apôtres et les Pères divinement inspirés. Aussi, dans la lettre qu'il adresse au pape Nicolas, saint Photios pouvait-il écrire ces mots restés célèbres : « Il n'est rien de plus de prix que la Vérité ». Et dans la même lettre, il ajoute : « S'il importe véritablement qu'en tout nous soyons fidèles, combien plus encore en ce qui touche à la Foi, où le moindre manquement, si infime fût-il, constitue un péché mortel ». Invoquant le secours de notre saint Père Photios nous allons, pour l'édification et pour l'avancement spirituel de notre génération indifférente à la Vérité, raconter sa sainte vie d'apôtre infatigable, vouée à la défense de la Foi Orthodoxe. Certes, nous ne sommes pas sans savoir que saint Photios a été « un signe de contradiction », durant sa vie comme après sa mort, car nombreux furent les ennemis qui osèrent parler et écrire contre sa sainte personne. Mais la vérité historique mise à nue et vidée de toute querelle suffira bien à montrer quels furent la stature spirituelle de notre saint Père et le rôle sans égal qu'il joua dans l'Église pour sauvegarder le « Dépôt de la Foi » Orthodoxe. + Ce fut vers l'an 820 que Photios naquit à Constantinople de parents aussi pieux qu'illustres et puissants. Serge, son père, que sa qualité de garde personnel de l'Empereur et du Palais attachait à la cour impériale, avait pour frère saint Taraise, le patriarche qui, en 787 avait présidé le VIIe Concile Œcuménique où l'hérésie de l'iconoclasme avait été condamnée. La mère de saint Photios, Irène, était une femme vertueuse, pleine d'amour pour Dieu. Le frère de sa mère s'appelait également Serge et avait épousé une autre Irène, sœur de sainte Théodora, l'Impératrice qui, avec l'aide de saint Méthode le Patriarche, avait au concile de 843, restauré le culte orthodoxe des saintes Icônes. Photios qui vénérait beaucoup la mémoire des saints Taraise et Méthode, allait toute sa vie s'attacher à marcher sur les traces de ces saints. Mais avant que sainte Théodora ne rétablît le culte des saintes icônes, nombreux furent parmi les chrétiens orthodoxes les laïcs et, plus nombreux encore, les moines et les prêtres, qui eurent à endurer des tourments et des persécutions de toute sorte. Au nombre de ceux qui souffrirent pour les vénérables icônes, figurent les parents de saint Photios. Ces vrais chrétiens orthodoxes aimaient et vénéraient avec piété les saintes icônes, ainsi que les moines vertueux qui se levaient pour les défendre. Que de fois la mère de saint Photios n'ouvrit-elle sa porte à ces frères dont elle implorait les prières bénies avant que de leur faire l'aumône. Outre Photios, la famille comptait encore quatre autres enfants : Constantin, Serge, Taraise et Théodora. Tous étaient élevés par leurs parents dans une même foi, et dans cette piété qui puise aux sources excellentes de la prière et des belles œuvres. Au temps de l'empereur iconoclaste Théophile qui régna de l'an 829 à l'an 842, tandis que les persécutions faisaient rage contre les orthodoxes, les parents de saint Photios se virent spoliés de leurs biens, persécutés puis exilés avec leurs enfants dans des déserts arides et inhospitaliers, où ils finirent leurs jours en confesseurs et en martyrs de la Vraie Foi, pour l'amour de laquelle ils n'avaient jamais consenti, fût-ce une seule fois, à rejeter les saintes icônes. Aussi, la vue d'un attachement si fidèle, et dont la constance ne s'était jamais démentie, incita-t-elle les pseudo-conciles iconoclastes à lancer au père de saint Photios, au jeune Photios lui-même et à son frère, les anathèmes odieux qui avaient déjà flétri le patriarche Taraise, leur oncle. Saint Photios consigna cet événement dans ses lettres, et je ne les mentionne ici que pour montrer avec quel zèle brûlant saint Photios, depuis l'enfance, confessait, défendait et soutenait la Sainte Foi Apostolique et les justes doctrines des Pères. Tout enfant, le jeune Photios était déjà enclin à la vie hésychaste, celle que vient ponctuer la seule prière. Il n'est que de l'entendre dire : « Tout enfant, je brûlais de me libérer des soucis et des affaires de cette vie et de ne prêter attention qu'à ce qui, selon moi, était l'unique souci… Depuis l'enfance, je sentais grandir en moi et avec moi l'amour de la vie monastique16 ». Son naturel doué faisait du jeune Photios un être tout assoiffé du désir de s'instruire dans les sciences et dans les vertus. Encore adolescent, il employa à l'étude toute temporelle des arts de ce siècle, la vaste étendue de son talent et de son intelligence ; il n'est pas jusqu'à ses ennemis qui n'attestent, outre sa sagesse, l'ampleur de ses connaissances. Son plus farouche ennemi même, Nicétas de Paphlagonie, fut contraint d'admettre que : « Photios, loin qu'il fût de basse extraction ou d'origine obscure, était, bien plutôt, un enfant né de parents nobles et qui jouissaient d'une haute renommée. Pour ce qui est de la sagesse du monde et des facultés de raisonnement, il passait pour la personne la plus douée de l'empire. Il avait étudié la grammaire et la poésie, la rhétorique et la philosophie, la médecine et presque toutes les sciences profanes. Il y excellait au point de surpasser tous ses contemporains, et il rivalisait même avec les érudits des temps anciens. Il réussissait en tout et toute chose lui était profit : ses capacités naturelles, son étude diligente et sa richesse qui faisait que chaque livre trouvait son chemin jusqu'à lui17 ». Après qu'il eut étudié la littérature, les mathématiques, la philosophie d'Aristote et les arts scolaires, Photios, instruit par les hommes les plus sages que comptait son époque, poussa plus avant la divine étude des Saintes Écritures, celle de la théologie des saints Pères. Et pour cette dernière, il avoue lui-même l'avoir apprise d'un « Ancien », que distinguaient son discernement et son expérience de la vie spirituelle. Aussi Photios s'acquit-il bien vite la réputation d'un savant et d'un sage auprès d'une foule de jeunes gens qui déjà affluaient chez lui, afin de se pénétrer de ses talents profanes et spirituels. Oublieux de son jeune âge, Photios les instruisait dans la voie de la sagesse ; il lisait en leur compagnie les livres salutaires à l'âme et, de tous, il révélait et la langue et le sens. Il n'était pas rare que Taraise, son frère écoutât ses leçons. Plus tard, viendrait le temps où celui-ci serait au loin et prierait Photios de lui conseiller des livres à lire en voyage et de lui dire l'opinion en laquelle il tenait chacun. Et c'est pour satisfaire à cette demande souvent réitérée de son frère que Photios écrirait un jour ce bel ouvrage si riche que l'on nomme Myriobiblos : le Livre des Mille Ouvrages ou encore Bibliotheca. À cette époque, Photios aurait sans nul doute déjà satisfait à son désir de se faire moine si l'empereur Michel, dont le règne dura de 842 à 867, ne l'en avait empêché. Car ce souverain avait appelé Photios à sa cour. Là, le jeune homme se vit contraint d'accepter, malgré lui, rangs et honneurs. En premier lieu, Photios devint premier conseiller privé avant d'être fait grand chancelier, et cela, quoique ces fonctions ne fussent laissées qu'aux personnes très loyales à la cour. Photios était d'une sagesse et d'un mérite si éclatants que l'empereur n'hésita pas à l'envoyer à Bagdad, en qualité d'ambassadeur impérial, pour traiter avec le calife persan, afin que cessât la persécution des chrétiens en terre ottomane. Son jeune et talentueux élève l'accompagnait, Constantin le Philosophe, connu plus tard sous le nom de Cyrille, l'apôtre saint des Slaves. Alors même qu'il servait la cour impériale, Photios occupait une chaire professorale dans l'université que le César Bardas, oncle et tuteur de l'empereur, avait rénovée à Constantinople dans le palais impérial. Là enseignaient également Léon le mathématicien, érudit thessalonicien et ce même Constantin le Philosophe, le futur grand Cyrille qui, comme lui, était originaire de Thessalonique. Bien que Photios ne quittât presque pas le palais où le retenaient les multiples affaires de l'État, il ne perdait pas une occasion de lire les livres spirituels dont l'âme tire profit ni ne manquait d'instruire ses nombreux élèves. Vers la même époque, il entreprit également d'écrire une foule de livres édifiants, et de commentaires des Saintes Écritures, dont il sondait les profondeurs sublimes. Sur la prière de son ami Amphilochios de Cyzique, il écrivit les Amphilochia où il est répondu à trois cent vingt-six questions et problèmes tirés des Écritures. Parmi ses œuvres figurent encore le traité Contre les Manichéens, la Mystagogie du Saint Esprit et le Commentaire des Épîtres de saint Paul. Outre cela, il réunit et compila dans son Nomocanon les lois et les canons de l'Église ; enfin, il écrivit une multitude de discours et d'encycliques et consigna une infinité d'hymnes et de chants liturgiques. Plutôt que de nous étendre sur sa culture universelle, il convient maintenant de parler du reste de ses exploits qui passent en gloire tout ce que nous venons de dire. Après une lutte qui avait duré de longues années, l'Église s'était enfin vue délivrée de la mortelle hérésie de l'iconoclasme. Cependant, il restait beaucoup à faire pour que tout rentrât dans l'ordre. Car, selon la bouche même du patriarche Nicéphore le Confesseur, l'Église avait, en ces temps de lutte, admis bien des économies qu'elle n'aurait point permises en temps de paix. Et, comme s'il n'eût pas suffi que cette guerre contre l'hérésie iconoclaste en ait conduit beaucoup à leur perte, elle avait encore fourni à des laïcs et plus encore à des moines et jusqu'à des prêtres, l'occasion de fomenter des troubles dont ils avaient eu l'impudence de tirer profit et par lesquels ils semaient dans la vie ecclésiale, le désordre et la confusion. Alléguant la lutte contre l'hérésie, ces individus continuaient d'inquiéter l'Église après que la tourmente était passée, et lors même que la Vraie Foi avait recommencé de régner avec l'ordre et que prévalaient à nouveau l'obéissance et l'harmonie fraternelle. Car l'austérité outrée des uns et le laxisme extrême des autres étaient cause que des dissensions entre factions se faisaient jour, qui causaient grand dommage. La résolution de telles questions était la tâche qui allait désormais incomber à saint Photios, qui occupait depuis peu la charge de patriarche, comme nous allons le voir. La complète victoire de l'Orthodoxie sur l'iconoclasme avait été acquise durant le patriarcat de Méthode qui exerça son ministère de l'an 843 à l'an 847. Ce saint patriarche gouvernait l'Église de Dieu avec grâce et modération. S'il était des iconoclastes pour faire pénitence, l'Église les recevait avec amour et les admettait de nouveau parmi ses enfants. Il y eut néanmoins certains confesseurs, des plus rigoureux, qui reprochèrent à saint Méthode sa clémence, au point de vouloir rompre toute communion avec lui. Lorsque Méthode se fut endormi, Ignace lui succéda ; il s'était fait moine après la chute de son père, l'empereur Michel Ier (811-813). Méthode, bien qu'il fût vertueux et qu'il eût partagé sur bien des points l'intransigeance de ces moines, n'avait cependant pas su réconcilier les deux factions qui, s'entredéchirant, déchiraient l'Église. Comme l'écrit saint Photios lui-même : « Il y avait des querelles et des points de discorde pour les opposer tous et les dresser l'un contre l'autre et c'était à qui romprait la communion avec son frère… et dans un tel état de choses, l'on cherchait un pasteur qui pût unir les membres divisés de l'Église afin que la tempête commençât de s'apaiser18 ». La querelle continuait donc, lorsqu'au mois d'août 857, un différend surgit entre le César Bardas et Ignace, qui fut démis. Plus tard, néanmoins, il remit de lui-même sa démission. Durant plus d'un an, le trône patriarcal demeura vacant. Mais à la fin, comme d'un sentiment commun, les yeux de l'Église entière se fixèrent sur le seul homme trouvé digne du patriarcat, sur la seule figure capable de mettre un terme à la discorde et de réconcilier les deux camps. Il s'agissait, bien sûr, de Photios, ce maître plein de sagesse et de science, le secrétaire de l'empereur et son conseiller. C'est ainsi que les parties adverses, la cour entière et le Basileus lui-même se tournèrent vers lui. Mais longtemps l'humble Photios ne voulut point accepter la lourde charge du trône patriarcal. De ce refus, il s'expliqua modestement dans une lettre au César Bardas : « … Je savais que j'étais indigne de la dignité de hiérarque et de la tâche de pasteur. Me voyant ainsi forcé et contraint, je ne voulus point consentir. Je pleurai, je protestai, et fis tout ce qui était en moi pour défendre qu'on m'élût contre mon gré. Je priai que cette coupe s'éloignât de moi et pleurai dans la crainte des grands soucis et des épreuves qui, je le savais, m'y attendraient. Mais rien ne vint à mon secours19 ». Et dans une autre lettre où il faisait part à Nicolas, pape de Rome, de son élection au patriarcat de Constantinople, saint Photios découvrait qu'elles avaient été les causes de son rejet, de son refus : « Lorsque la grandeur du sacerdoce se présente à mon esprit, lorsque je pense à la distance qui existe entre sa perfection et la bassesse de l'homme ; quand je mesure la faiblesse de mes forces, et que je me rappelle la pensée que j'eus toute ma vie touchant la sublimité d'une telle dignité, pensée qui m'inspirait de l'étonnement, de la stupéfaction, en voyant des hommes de notre temps, pour ne pas parler des temps anciens, accepter le joug terrible du pontificat, et, quoique étant des hommes enlacés dans la chair et le sang, entreprendre, à leur grand péril, de remplir le ministère des chérubins purs esprits ; lorsque mon esprit s'attache à de telles pensées, et que je me vois moi-même engagé dans cet état qui me faisait trembler pour ceux que j'y voyais, je ne puis dire combien j'éprouve de douleur, combien je ressens de chagrin. Dès mon enfance, j'avais pris une résolution qui n'a fait que se fortifier avec l'âge, celle de me tenir éloigné des affaires et du bruit, et de jouir de la douceur paisible de la vie privée ; cependant (je dois l'avouer à Votre Sainteté, puisqu'en lui écrivant je lui dois la vérité), j'ai été obligé d'accepter des dignités à la cour impériale et de déroger ainsi à mes résolutions… Dernièrement, lorsque celui qui remplissait avant nous la charge épiscopale eut quitté cet honneur, je me suis vu attaqué de toutes parts, sous je ne sais quelle impulsion, par le clergé et par l'assemblée des évêques et des métropolitains, et surtout par l'empereur qui est plein d'amour pour le Christ, qui est bon, juste, humain, et (pourquoi ne pas le dire ?) plus juste que ceux qui ont régné avant lui. Il n'a été que pour moi inhumain, violent et terrible. Agissant de concert avec l'assemblée dont j'ai parlé, il ne m'a pas laissé de répit, prenant pour motif de ses instances la volonté et désir unanimes du clergé qui ne me laissaient aucune excuse, affirmant que, devant un tel suffrage, il ne pourrait, même quand il le voudrait, condescendre à ma résistance. L'assemblée du clergé était considérable, mes supplications ne pouvaient être entendues d'un grand nombre ; ceux qui les entendaient n'en tenaient aucun compte ; ils n'avaient qu'une intention, une résolution arrêtée : celle de me charger, même malgré moi, de l'épiscopat20 ». La foule immense des évêques, du clergé et du peuple ne cessait de lui en faire la demande instante. Aussi Photios fut-il bientôt contraint d'accepter, bien malgré lui, ce siège patriarcal resté inoccupé depuis plus d'un an. Et dans l'espace d'une seule et même semaine, gravissant rapidement et selon l'ordre fixé par l'Église, les différents degrés de la hiérarchie, il fut fait moine et consacré patriarche. Le premier jour, on lui conférait la tonsure monastique ; le second, il était promu lecteur ; le troisième, il devenait sous-diacre ; le quatrième, il accédait au diaconat ; le cinquième, il était élevé à la prêtrise. Le sixième, il était consacré évêque. En la fête de la Nativité, le métropolite de Syracuse, Grégoire Asbestas, Eulampios d'Apamée et Basile de Gortyne lui imposèrent les mains, l'élevant à l'épiscopat. L'élection du nouveau patriarche Photios fut saluée par tous. Certes, il y eut bien quelques sujets de discorde ainsi que de petites querelles ; mais les deux factions voyaient en lui un garant de la Vraie Foi, lui dont tout enfant, les parents avaient été en butte aux persécutions iconoclastes. Mais elles voyaient également un pasteur authentique en celui qui avait pris part autrefois aux conflits et aux différends et pensaient qu'il saurait réconcilier les parties adverses et panser les plaies de l'Église en ramenant sous son homophore paternelle, le troupeau divisé du Christ. Quelques cinq évêques, partisans de saint Ignace le patriarche, s'insurgèrent pourtant contre l'élection de saint Photios. Pour les autres partisans d'Ignace, ils appuyèrent le nouveau patriarche ; plus tard, cependant, il s'en trouva parmi eux pour se retourner contre lui. Après qu'il eut été élu patriarche, saint Photios réunit en 859 à Constantinople un concile qui s'assembla dans l'église des Saints Apôtres. Puis, selon une coutume déjà fort ancienne dans l'Église, il envoya à l'évêque de Rome et aux trois autres patriarches d'Orient des lettres pour leur faire part de son élection. Dans celle qu'il adressa au pape Nicolas, il affirmait qu'entre toutes les communions, il n'en était pas de plus haute que celle qui unit dans la foi et l'amour ; et, joignant à cela une profession de sa foi orthodoxe, il confessait la Sainte Trinité, l'Incarnation du Fils de Dieu et les Sept Conciles Œcuméniques. Par là, saint Photios admettait donc tous les conciles que jusqu'alors l'Église avait admis, rejetant, au contraire, et anathématisant tous ceux que l'Église avait rejetés et anathématisés. Pour finir sa lettre, le saint priait Dieu qu'Il voulût bien octroyer à son Église la paix, mener au salut les fidèles et les unir tous à notre Christ qui en est la tête. À Rome, où un émissaire de l'empereur Michel III se chargeait de la faire parvenir, la lettre arriva tôt dans l'année 860. Mais le messager y avait été devancé par quelques moines rebelles qui, fraîchement arrivés de Constantinople, avaient à leur tête un archimandrite du nom de Théognoste. Théognoste et ses moines se disaient partisans d'Ignace le patriarche déchu et, avec les cinq évêques susdits, ils refusaient de reconnaître en saint Photios leur patriarche, et cela bien qu'Ignace eût remis sa démission et reconnu Photios pour le patriarche légitime. À Rome, ces rebelles obtinrent une audience du pape aux yeux duquel ils tentèrent de salir Photios et de le calomnier ; et ils alléguaient que le saint n'était qu'un pseudo-évêque dont l'élection contrevenait aux canons. De ce fait le César Bardas jugea que Théognoste agissait à l'instigation d'Ignace et relégua ce dernier dans l'île de Mytilène. Et là, en mer Égée, s'en prenant aux partisans d'Ignace, prêtres et moines, il les persécutait, les soumettant même à diverses tortures. Saint Photios s'en émut si vivement qu'il écrivit à Bardas de finir sur le champ ces persécutions, le menaçant, s'il n'en faisait rien, de renoncer à l'instant même à son trône patriarcal. Instrument du démon, le pape Nicolas fut bien aise d'apprendre de l'archimandrite Théognoste qu'en la personne de Photios c'était un simple laïc que l'on avait choisi pour être élevé au rang de patriarche. Longtemps le pape avait attendu que s'offrît à lui une occasion de s'immiscer dans les affaires de l'Église de Constantinople qu'il souhaitait soumettre à son pouvoir. Dans sa folle ambition, l'arrogant Nicolas brûlait de voir le monde entier en référer à son autorité. C'est alors qu'il fit servir à ses menées contre les souverains d'Occident un faux document, façonné par la chancellerie papale et connu sous le nom de Donation de Constantin, par lequel l'empereur Constantin était censé céder la ville de Rome et l'empire d'Occident tout entier à l'évêque de Rome. Or, le pape Nicolas désirait encore arracher à l'empereur de Constantinople l'Italie du Sud, la Sicile, toute la péninsule des Balkans ainsi que les pays slaves qui en étaient aux balbutiements de la Foi Orthodoxe. Jusqu'à quel point cette passion du pouvoir dévorait Nicolas, on peut en juger d'après l'utilisation qu'il fit de certain faux comme les Décrétales Isidoriennes, selon lesquelles toute autorité temporelle et ecclésiastique revenait aux papes de Rome. C'était à croire que, sans le pape de Rome, il n'était rien dans l'Église qui pût se décider. Et, dans sa folle naïveté, Nicolas allait jusqu'à penser que le christianisme même n'eût pas existé sans Rome ! Sous l'emprise de l'orgueilleuse passion que lui suscitait le démon, Nicolas saisit donc l'aubaine qui lui donnerait, croyait-il, de régner sur Constantinople. Sous couleur d'épouser la cause d'Ignace, le patriarche déchu, il entreprit de faire déposer Photios. C'est à cette fin qu'il écrivit une lettre à ce dernier tandis qu'il en envoyait une à l'empereur Michel ; il y prenait violemment Photios à partie pour avoir accepté le patriarcat et plus encore, pour avoir été élevé si vite de laïc à l'épiscopat. Mettant à son profit une invitation que lui avait faite l'empereur de venir à Constantinople, afin d'assister à un concile qui confirmerait la condamnation de l'iconoclasme, le pape Nicolas y délégua deux ecclésiastiques qui auraient soin d'examiner toute l'affaire et de présenter à Rome un rapport sur lequel lui-même émettrait un jugement final. C'est ainsi qu'à la fin de l'année 860 les évêques Rodoald et Zacharie arrivèrent à Constantinople. Au printemps de l'année 861 donc, saint Photios qui s'enfonçait toujours plus avant dans l'humilité, dans l'amour de l'harmonie et dans la stricte observance des canons ecclésiastiques, convoqua un second concile qui s'assembla dans l'Église des Saints Apôtres, avec le consentement de l'empereur Michel. À cette assemblée, qui devait par la suite rester célèbre sous le nom de Concile Premier-Second, se pressaient des évêques en grand nombre, parmi lesquels figuraient les légats du pape Nicolas. Les décisions du VIIe Concile Œcuménique y furent unanimement ratifiées tandis que l'hérésie iconoclaste était une fois de plus condamnée et que Photios était reconnu par tous comme le patriarche légitime et canonique. Lors de ce concile dix-sept saints canons furent promulgués dans le dessein de ramener les moines rebelles à la juste ordonnance et à la tradition ecclésiastique. Quant à ceux d'entre ces moines qui ne voulaient point démordre de leur qualité d'insoumis, ils reçurent l'expresse interdiction de quitter leur évêque canonique, si grand pécheur fût-il, car une semblable attitude est source de schisme et de confusion. Le saint concile ajoutait que le clergé ne saurait désormais condamner un évêque trouvé pécheur devant les hommes, sinon par une décision conciliaire, laquelle règle fut adoptée en réponse à ces moines rigoristes qui, de leur propre chef, s'étaient séparés de leur nouveau patriarche et de ses évêques. Le saint concile n'omit cependant pas d'établir une distinction entre une rébellion injustifiée et la résistance louable pour la seule défense de la Foi, qu'il encouragea. Sur cette matière, il décréta que si un évêque confessait officiellement dans l'église quelque hérésie déjà condamnée par les saints Pères lors des conciles antérieurs, et qu'il se trouvât quelqu'un pour cesser de le commémorer avant même sa condamnation par un concile, alors, loin que l'on dût blâmer une telle personne, l'on devait le louer pour avoir ainsi condamné un pseudo-évêque. D'autant plus que, ce faisant, il ne divisait pas l'Église, mais combattait pour l'unité de la Foi (Canon XV). Prévoyant que la passion du pouvoir qui dévorait Nicolas ne se satisferait pas de tels canons et cela, bien que les propres légats du pape eussent, avec le concile tout entier, reconnu l'élection du patriarche pour canonique, Photios écrivit au pape une humble lettre toute empreinte d'amour où il lui expliquait comme à un frère le moindre détail. Il n'est que de lire ces lignes, extraites de sa lettre : « Rien n'est plus vénérable et plus précieux que la charité, c'est l'opinion commune confirmée par les Saintes Écritures. Par elle ce qui était séparé est uni ; les luttes sont pacifiées ; ce qui est déjà uni et intimement lié est uni plus étroitement encore ; elle ferme toute issue aux séditions et aux querelles intestines ; car elle ne pense pas le mal, mais elle souffre tout ; elle espère tout, elle supporte tout, et jamais, selon le bienheureux Paul, elle n'est épuisée. Elle réconcilie les serviteurs coupables avec leurs maîtres en faisant valoir, pour atténuer la faute, l'identité de la nature. Elle apprend aux serviteurs à supporter avec douceur la colère de leurs maîtres et les console de l'inégalité de leur condition par l'exemple de ceux qui ont également à en souffrir. Elle adoucit la colère des parents contre leurs enfants, et contre les murmures de ces derniers, elle fait de l'amour paternel une arme puissante qui leur vient en aide et empêche au sein des familles ces déchirements dont la nature a horreur. Elle arrête facilement les discussions qui s'élèvent entre amis et elle les engage à conserver les bons rapports de l'amitié ; quant à ceux qui ont les mêmes pensées sur Dieu et sur les choses divines, quoiqu'ils soient séparés par l'espace et qu'ils ne se soient jamais vus, elle les unit et les identifie par la pensée et elle en fait de vrais amis ; et si par hasard l'un d'entre eux a élevé d'une manière trop inconsidérée des accusations contre l'autre, elle y remédie, et rétablit toutes choses, en resserrant le lien de l'union ». Et saint Photios continuait ainsi sa lettre au pape Nicolas : « J'ai perdu une vie tranquille et douce ; j'ai perdu ma gloire (puisqu'il en est qui aiment la gloire mondaine), j'ai perdu mes chers loisirs, mes relations si pures et si agréables avec mes amis, ces relations d'où le chagrin, la ruse et les reproches étaient exclus… Je reçois des reproches d'où j'attendais de la consolation et des encouragements : la douleur s'ajoute ainsi à la douleur. – Il ne fallait pas, me dit-on, que l'on vous fit injure. Mais dites cela à ceux qui me l'ont faite. – Il ne fallait pas que l'on vous fît violence. – La maxime est bonne, mais qui mérite votre reproche ? Ne sont ce pas ceux qui ont fait violence ? Qui sont ceux qui méritent pitié ? Ne sont ce pas ceux qui ont été violentés ? Si quelqu'un laissait en paix ceux qui ont fait violence pour retomber sur celui qui l'a subie, je pouvais espérer de votre justice que vous le condamneriez. Les canons de l'Église, dit-on, ont été violés, parce que, du rang des laïcs, vous êtes montés au faîte du sacerdoce. Mais qui les a violés ? Est-ce celui qui a fait violence, ou celui qui a été entraîné de force et malgré lui ? – Mais il eût fallu résister. – Jusqu'à quel degré ? – J'ai résisté, et même plus qu'il n'eût fallu. Si je n'avais pas craint d'exciter de plus grandes tempêtes, j'eusse résisté encore, et jusqu'à la mort. Mais quels sont ces canons que l'on prétend avoir été violés ? Ce sont des canons que, jusqu'à ce jour, l'Église de Constantinople n'a pas reçus. On transgresse les canons quand on a dû les observer ; mais lorsqu'ils ne vous ont pas été transmis, vous ne commettez aucun péché en les observant pas21 ». Mais cette lettre empreinte de divine sagesse et d'amour fraternel, et en tout point conforme à la vérité, resta sans effet sur le fier, l'arrogant Nicolas, car l'amour du pouvoir avait déjà enténébré son esprit et son âme. Aussi, loin d'opposer à l'amour fraternel de Photios la réponse fraternelle que méritait la vertueuse contenance du patriarche dont il n'était pas jusqu'à ses légats même qui, de retour de Constantinople, ne se fissent les hérauts, la haine et la fureur du pape ne connurent plus de bornes. Alors, après qu'en août 863, il eut assemblé dans Rome un concile, il y condamna Photios et, contre toute justice, reconnut Ignace pour patriarche, par quoi il laissait voir combien passait la mesure son goût de l'autorité. Que cette passion fût vile à l'excès, nous pourrons en juger plus à loisir lorsque nous en viendrons à évoquer l'évangélisation des peuples slaves et plus particulièrement celle des Bulgares. Dans le même temps qu'à Rome le pape Nicolas pensait aux moyens de réaliser ses rêves de pouvoir, de s'assujettir l'Église de Constantinople, notre saint Père Photios, lui, l'Égal aux Apôtres, menait à bien dans l'Orient, pour la plus grande gloire de Dieu, sa lourde tâche d'apôtre et d'évangéliste. Et, non content d'orner les temples de Dieu, de mettre en bon ordre les affaires de l'Église, de composer des services divins, de combattre tant les hérésies nouvelles que les vestiges des anciennes, non content de s'arrêter à tout cela, au même moment, de tout son cœur et de toute son âme, il se consacrait encore, jusque parmi les nations vierges de tout enseignement, à la prédication de l'Évangile du Christ. C'est à cette fin que, de concert avec l'empereur, il délégua vers les Khazars de la Russie du Sud les deux glorieux moines originaires de Thessalonique, Méthode qui venait du monastère du Mont Olympe de Bithynie et Cyrille qui se nommait encore Constantin, l'ami et le disciple du saint patriarche. C'est ainsi que ces frères bénis prêchèrent avec succès le saint Évangile parmi ces païens dont beaucoup reçurent la vraie Foi. Saint Photios fut donc à l'origine de l'évangélisation de la grande nation russe, à laquelle il avait envoyé son premier évêque et pasteur. Un peu plus tard, lorsqu'arrivèrent à Constantinople des émissaires du prince moravien Ratislav, venus réclamer à l'empereur et au patriarche un prédicateur de l'Évangile et quelques prêtres connaissant le slavon, pour répandre parmi les slaves de Moravie la Foi de l'Évangile et les coutumes des chrétiens, une fois encore le saint patriarche et l'empereur dépêchèrent ces mêmes divins moines (863), qui devinrent ainsi les Pères spirituels des peuples slaves de Russie ; car Cyrille et Méthode et leurs disciples, non contents d'annoncer la Bonne Nouvelle parmi les Slaves de Moravie, la répandaient déjà à travers toute la péninsule des Balkans et les contrées avoisinantes. Une année à peine s'était écoulée – l'on était désormais en 864 – que le prince bulgare Boris avec tout son peuple recevait de Photios la sainte illumination du baptême. Le parrain de Boris était l'empereur Michel lui-même, dont il prit le nom à son baptême. C'est à ce même prince Boris-Michel, le fils spirituel nouvellement illuminé de l'empereur, que le saint patriarche envoya des lettres de direction spirituelle qu'inspirait la sagesse divine et où il marquait les tâches et les devoirs d'un souverain chrétien. Voilà donc quels furent les hauts faits évangéliques de saint Photios. Mais s'ils ne déparaient point ceux des Apôtres, ils ne lui en attirèrent pas moins l'envie et la haine du puissant pape Nicolas, que la soif du pouvoir égarait. Nicolas était d'autant plus furieux, en effet, qu'il n'était plus personne dans Constantinople pour prêter attention désormais à la condamnation de Photios qu'il avait lui-même prononcée ; aussi adressa-t-il à l'empereur une nouvelle épître infamante pour saint Photios. En habile politique, le pape persuada le prince des Bulgares Boris de se séparer de l'Église de Constantinople et de recevoir de Rome son clergé, ce qui était contraire aux canons. Voici comment cela se fit. Pour que son autorité s'étendit à l'Église Bulgare nouvellement constituée et, de là, à la péninsule des Balkans toute entière, le pape dépêcha en Bulgarie nombre de prêtres et d'évêques franks (866). Ceux-ci n'étaient pas plutôt arrivés qu'ils s'en prirent aux prêtres installés en ces lieux par Photios ; et ils déchaînèrent contre eux des persécutions, faisant tout ce qui était en eux pour ruiner les rites et les dogmes orthodoxes. Ils ne voulurent point reconnaître pour valide l'ordination des prêtres orthodoxes et persuadèrent même le peuple de les rejeter parce qu'ils étaient mariés. Ces pseudo-prêtres franks ne reconnaissaient point la chrismation conférée par les prêtres orthodoxes et chrismaient à nouveau le peuple… Pour plaire au grand nombre, ils relâchèrent les règles du jeûne et autorisèrent un certain laxisme moral, instituèrent, par contre, le jeûne du samedi, et introduisirent dans l'Église nombre de coutumes qui lui étaient étrangères. Mais ils ne pouvaient faire de mal plus grand qu'ils ne le firent, en prêchant l'hérésie nouvelle de l'Occident qui fait procéder le Saint Esprit aussi bien du Fils que du Père, sans prendre garde qu'ils altéraient le saint credo catholique de Nicée. En sa qualité de Père spirituel des Bulgares, saint Photios, dans son amour zélé pour la vraie Foi et les dogmes des Pères, ne pouvait souffrir plus longtemps les fautes criminelles que perpétrait le clergé papal avec la bénédiction du pape Nicolas. Aussi résolut-il, pour sauver ses enfants spirituels, de recourir aux armes que lui fournissaient les canons ecclésiastiques. Il décida donc d'assembler un concile qui pût trancher en cette matière. Alors il dépêcha une encyclique vers tous les patriarches d'Orient qu'il pressait de se rendre à un grand concile qui se tiendrait à Constantinople, où ils débattraient ensemble de l'hérésie du pape Nicolas avant que de la condamner. Il les priait d'y venir en personne ou, si cela ne se pouvait, d'y déléguer leurs émissaires22. Les patriarches orientaux envoyèrent leurs délégués au Concile qui se réunit sur la demande du patriarche Photios. Et lorsque durant l'été 867, tous les légats furent parvenus à Constantinople, l'assemblée ne comptait pas moins d'un millier d'évêques, de prêtres et de moines. Le patriarche Photios présidait et l'empereur Michel était lui-même présent. Le saint concile examina en premier lieu les menées criminelles et les enseignements hérétiques qui étaient ceux des missionnaires franks que le pape avait envoyés en Bulgarie. L'on condamna officiellement la doctrine hérétique que les Latins répandaient sur le Saint Esprit (Filioque) ainsi que toutes les hérésies antérieures. Le pape Nicolas fut condamné, déposé et anathématisé comme auteur de ce blasphème hérétique et de ce schisme qui déchirait l'Église. Chez Nicolas, on fustigea également le goût exacerbé du pouvoir, l'arrogance, et la volonté de régner en despote sur l'Église de Dieu à seule fin de se la soumettre toute. Le concile s'acheva sur de solennelles actions de grâces que le patriarche Photios faisait rendre pour la victoire de la Foi Orthodoxe sur toutes les hérésies et où l'on magnifiait le Saint Esprit Consolateur, par la grâce duquel s'assemblent les saints conciles œcuméniques qui flétrissent le fléau démoniaque de l'hérésie. Par ce Concile, notre saint Père Photios et les Pères qui l'assistaient montrèrent de manière très éclatante que, sans exception aucune, tous les évêques, et l'évêque de Rome parmi eux, qui n'est que l'un d'entre eux, relèvent de l'autorité conciliaire de l'Église. Et si cette règle était de rigueur en temps ordinaire, combien ne l'était-elle pas davantage, lorsque se faisait jour un nouvel enseignement hérétique, comme cela s'était déjà vu dès avant le temps du pape Nicolas ? Nul n'ignorait que le VIe Concile Œcuménique avait condamné l'évêque de Rome Honorius23, pour avoir embrassé l'hérésie monothélite – laquelle condamnation avait d'ailleurs été ratifiée par le VIIe Concile. Et la parole fameuse de saint Photios, selon laquelle il revient « à chacun de connaître sa mesure », proférée lors du Concile Premier-Second de 861 et adoptée par ce même concile, qui la fit figurer au nombre des saints canons, n'est pas sans s'appliquer au pape de Rome. Car, dans l'Église de Dieu, il n'est pas d'autre tête que Notre Seigneur Jésus Christ qui gouverne son Église avec le Saint Esprit au moyen des Pères et des conciles. À la même époque, l'empereur Michel s'était adjoint comme vice-chancelier un certain Macédonien, du nom de Basile, qui d'abord n'avait été que le valet du souverain et qui, peu à peu, s'était fait admettre dans la familiarité de ce prince et élever à cette dignité. Mais Basile brûlait d'occuper le trône. Et, devenu le jouet de sa passion, il tua Bardas, l'oncle de l'empereur. Après quoi, il ne fut pas long à saisir une occasion de frapper l'empereur lui-même. C'est ainsi qu'une nuit de septembre 867, il accédait au trône impérial. Dès qu'il eut acquis le pouvoir, Basile employa tous ses efforts à assurer la sauvegarde de ce bien mal acquis. Dès lors ne négligeant de se tourner d'aucun côté, quel qu'en fût le prix, il s'avisa d'obtenir le soutien de Rome. Et comme il n'ignorait pas que le pape avait Photios en haine et que sa préférence allait à Ignace, Basile démit par la force le bienheureux Photios du trône patriarcal, puis le relégua dans un monastère abandonné du Bosphore dédié à la Protection de la Mère de Dieu. Après qu'il eut rétabli Ignace sur le siège patriarcal, Basile, donc, tenta d'entrer en relation avec le pape Hadrien24 qui avait été élu au lendemain de la mort de Nicolas. À la demande d'Hadrien, l'empereur Basile et le patriarche Ignace réunirent à Constantinople, l'année 869, un concile auquel les légats du pape s'empressèrent de se rendre. Mais même ainsi, les rangs des évêques y furent très clairsemés car ils s'étaient, pour la plupart, bien gardés d'y venir. Convié dans son exil, saint Photios refusa d'y prendre part. Il n'était plus que la force pour l'y contraindre. Aussi un légat du gouvernement impérial dépêcha-t-il des soldats qui avaient reçu l'ordre de se saisir de lui. Mais pendant toute la durée des débats, Photios se mura dans un silence serein. Et lorsqu'on s'enquit de la raison de son mutisme, il dit seulement : « Dieu entend la voix des silencieux ». Les émissaires papaux de rétorquer : « Mais votre silence ne vous gardera pas de la condamnation ». À quoi le saint patriarche répondit : « Le silence de Jésus ne le garda pas non plus de la condamnation ». Après un autre silence qui ne fut pas moins long, le légat de l'empereur lui demanda : « Dis-nous, comme tu en as le droit, ce que tu as à dire, Photios ! » Et Photios de faire cette réponse tranquille : « Mes droits ne sont pas de ce monde ». De ce moment on lui laissa un répit de quelques jours, dans l'espoir, s'il est permis de parler ainsi, qu'il viendrait à repentance. Après quoi, on le fit de nouveau comparaître devant le concile, avec son ami Grégoire, qui était évêque de Syracuse. Et tandis qu'il se rendait à l'audience du pseudo-concile, le saint se laissa aller à prendre appui sur son bâton pastoral. Ce que voyant, l'émissaire papal Marinus exigea avec arrogance que cet appui lui fût enlevé, car c'était là, disait-il, l'insigne de la dignité épiscopale. Sur le champ, on s'exécuta ; mais, de ce geste, saint Photios ne se fâcha ni ne s'attrista. Et lorsque le légat du pape désira obtenir de Grégoire et du patriarche Photios une soumission écrite de leur repentir, ils lui firent répondre de « laisser le repentir à ceux qui en ont besoin ». Une fois encore le légat du pape s'enquit si Photios avait quelque chose à dire. Il fit cette réponse : « Nous avons été menés ici déjà calomniés. Que voulez-vous qui fût dit d'autre ? » Le débat tomba ensuite sur les évêques que l'on avait traînés en jugement pour être demeurés fidèles à saint Photios. Et comme l'un de ces hiérarques, nommé Jean d'Héraclée, se voyait pressé par le légat papal d'anathématiser Photios, on l'entendit répondre : « Qui anathématise son hiérarque, qu'il soit anathème ! » Ceux des autres hiérarques qui avaient épousé la cause de saint Photios déclarèrent aussi : « Nous ne pouvons accepter cette folie ». Alors les légats du pape anathématisèrent Photios et ses évêques et se mirent, au vu de tous les membres de l'assemblée, à brûler le volume des actes du concile qui s'était tenu en 867, contre le pape Nicolas. Non content de s'en tenir à cette profanation, le pseudo-concile allait continuer de violer les canons. Et par une impudence sans pareille qui, plus que tout, ruinait l'ordre qui jusqu'alors était de rigueur dans l'Église, les légats du pape s'avisèrent d'extorquer à l'assemblée des privilèges de toute nature qui jamais par le passé n'avaient été reconnus ou donnés à un pape, quel qu'il fût. Ces exigences démesurées firent bientôt reconnaître le pseudo-concile pour ce qu'il était ; et dès lors, l'Église fut unanime à le condamner. Quelques années à peine s'écoulèrent, qu'un concile canonique (879-880), tenu par les deux Église de Rome et de Constantinople, annulait publiquement les actes de ce concile qui était allé contre les canons. C'est ce que nous allons voir maintenant. Cependant, le pseudo-concile avait décrété qu'il faudrait à saint Photios rejoindre le lieu de son exil. Là, perdu dans une dure solitude et sévèrement gardé à vue, il passa des jours amers. Et quelque nombreux que fussent parmi ses amis ceux qui, pour avoir épousé sa cause, avaient mérité le même exil, il n'en fut pas un pour obtenir du souverain de séjourner auprès de Photios. À ce dernier, il fut même interdit de recevoir des livres. D'exil, le saint écrivit alors à l'empereur que ses souffrances passaient tout ce qui peut ordinairement se peindre, puisqu'on ne lui accordait pas même ce que l'on accordait à de vils esclaves ; et il priait humblement que l'on voulût bien lui octroyer cette grâce qu'il pût lire des livres utiles au salut de son âme. Néanmoins, aussi longtemps qu'il vécut banni, le saint de Dieu ne laissa jamais l'abattement ni l'esprit malin habiter son âme. Toujours c'était la même modestie, le même calme tranquille, la même espérance ferme en l'immense justice divine. Et tel un autre saint Jean Chrysostome, son prédécesseur sur le siège de Constantinople, il allait jusqu'à conforter ses amis et ses compagnons de souffrance. Voici ce qu'écrivait Photios aux évêques, ses compagnons d'exil : « Dure est la persécution, mes frères, mais douce la félicité du Seigneur. Éprouvant et difficile cet exil, mais joyeux le Royaume des cieux. Ces infortunes sans nombre passent toutes les tribulations du monde, mais cette joie et cette allégresse illuminent la peine de nos épreuves, et deviennent une source de réjouissance pour ceux qui vivent dans l'espérance des biens à venir. Endurons donc, mes frères, ces souffrances afin d'être trouvés dignes de cette récompense et de pouvoir clamer avec Paul : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi ; c'est pourquoi la couronne de justice m'a été préparée ». Quoi de plus cher et de plus joyeux que ce cri victorieux ? Quoi de plus fort pour couvrir de confusion l'ennemi commun de notre race ? « J'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi ». Ô voix qui apaise toute tempête de l'affliction et bénit toute joie spirituelle ! Ô voix qui hérisse d'effroi tout persécuteur et couronne le persécuté, qui guérit tout malade, et relève ceux qui tombent et ceux qui vacillent ! Mes bons compagnons de souffrance, puissé-je être digne, comme vous l'êtes, de posséder les hauts faits convenant à ces mots, et de les crier dans ma prière au Seigneur, et à notre Toute Sainte Souveraine et Mère de Dieu et à tous les saints. Amen !25 » À quelle perfection d'humilité avait atteint le patriarche exilé, on peut en juger d'après l'événement suivant. L'année 870, un tremblement de terre des plus dévastateurs ébranla Constantinople et ses alentours. Nombreux furent les chrétiens pieux qui virent en cette infortune un châtiment de Dieu pour l'exil injuste de leur patriarche ; car ils n'ignoraient pas que les Vies des saints relataient une semblable catastrophe dont avait été marqué le bannissement inique du saint patriarche Jean Chrysostome. Comme cette rumeur, cependant, qui avait cours parmi le peuple, était revenue à ses oreilles, Photios les assura qu'il n'en fallait rien croire. « Qui sommes-nous ? » demanda-t-il, « quelque inouïes qu'aient été nos infortunes, nous ne sommes rien pour prétendre que la colère divine puisse châtier nos ennemis ». À bien d'autres égards encore, saint Photios rappelait saint Jean Chrysostome : comme lui, il était un bon pasteur et un brillant prédicateur, un théologien sublime et un docteur de l'Église. Il ne le lui cédait en rien, ni pour ses mœurs ni pour sa vertu. À l'imitation de saint Père, tout lui était prétexte à louer le Seigneur. Car, de même que saint Jean Chrysostome n'avait cessé de s'exclamer : « Grâces soient rendues à Dieu en toute chose », saint Photios lui faisait écho par cette réplique : « Grâces soient rendues au Sauveur notre Dieu en toute chose ». C'est ainsi que saint Photios passa dans l'exil de longues années difficiles, jusqu'à ce que l'empereur Basile commença de changer sa conduite à son égard. Les conseillers du patriarche Ignace étaient des personnes honorables et avaient pris sur le souverain un grand ascendant. La conscience du patriarche, d'autre part, lui faisait grief de la persécution menée contre Photios dont il s'imputait à lui-même la plus grande part. Il réussit enfin à persuader l'empereur de rappeler le saint de son exil, ce qui fut bientôt fait. Aussi, en 873, Basile le fit amener au palais royal et lui accorda la liberté d'enseigner à nouveau à l'Académie de Magnaura26. Basile s'en remit même à saint Photios du soin de l'éducation de ses trois fils, Constantin, Léon et Stéphane. Ainsi se réconcilièrent les deux patriarches qui, par la grâce divine, se pardonnèrent en frères leurs mutuelles erreurs. Se voyant déjà près de la mort, le bienheureux patriarche Ignace conseilla à l'empereur Basile d'installer Photios patriarche quand lui-même serait mort. Trois jours après que le bienheureux Ignace se fut endormi dans le Seigneur – l'on était alors le 23 octobre 877 – saint Photios retournait à son trône patriarcal. Son premier soin fut d'inscrire sans délai le nom d'Ignace sur les diptyques de l'Église, afin que le bienheureux patriarche Ignace figurât parmi les saints de l'Église. Dès qu'il eut retrouvé son trône patriarcal, Photios en avisa les patriarches d'Orient et le nouveau pape de Rome Jean27, un homme pieux et orthodoxe dont saint Photios fut heureux d'apprendre qu'il ne confessait pas l'hérésie du Filioque ni ne permettait que l'on changeât quoi que ce soit au Symbole de la Foi. Dès lors Photios convia l'empereur, le pape et les patriarches d'Orient à un concile qui se tiendrait à Constantinople. C'est ainsi qu'au mois de novembre de l'année 879, une grande assemblée réunit quelques quatre cents évêques, comprenant les légats des patriarches d'Orient et les représentants du pape, j'ai nommé les évêques Paul d'Ancône et Eugène d'Ostie et le prêtre Pierre, sous la présidence de saint Photios. Dès l'abord, on fut unanime à reconnaître saint Photios, confirmant en ces termes son élection : « Dès le début, nous avons été unis à notre saint maître, le patriarche œcuménique et n'avons jamais été séparés de lui. Nous étions même prêts à verser notre sang pour lui ; mais il ne s'est trouvé personne pour nous le demander. Pour ceux qui se sont rebellés contre lui, ils sont aujourd'hui les premiers à condamner leur attitude et l'état d'esprit qui était alors le leur, et de tout leur cœur ils ont fermement résolu de saluer en lui leur maître, leur hiérarque et leur pasteur. Quant à ceux qui balancent encore, nous les regardons comme des ennemis de l'Église et jugeons par là même nécessaire de les séparer d'Elle ». À quoi le saint patriarche répondit : « Puisse Dieu livrer à l'oubli tous les événements passés. Quant à nous, puisons de la force dans le pardon et évitons d'assombrir nos esprits par le souvenir de ces maux. Sur cette affaire, le mieux est de garder le silence, ou de n'en dire quelques mots qu'avec la plus grande retenue. À nous qui sommes pécheurs, à nous qui sommes peu de chose, le silence est préférable au sujet de l'inimitié que nous avons causée ; n'en parlons qu'en cas d'extrême nécessité28 ». On lut ensuite la lettre du pape Jean que les évêques d'Occident avaient également signée. Par ce document, Jean reconnaissait l'élection de saint Photios et annulait tout ce que, jusqu'alors, on avait pu écrire ou dire contre sa personne. Le saint concile donna ainsi son approbation : « Pour le concile assemblé à Rome contre le très saint patriarche Photios sous le pape Hadrien, ainsi que celui qui, à Constantinople, se tint contre le même Photios, nous les déclarons absolument nuls et nous interdisons qu'ils soient mis au nombre des saints conciles. Ces assemblées d'évêques qui flétrissent Photios ne sauraient mériter le nom de concile ». À la lecture de ces décisions, les Pères s'exclamèrent : « Ainsi pensons-nous tous ; ainsi nous proclamons, tous en accord unanime. En cette affaire, le pape Jean nous a réjouis entre tous. Car avant même qu'il ait dit ces mots, nous avions annulé, rejeté, et anathématisé comme anticanonique tout ce qui a pu être écrit, dit ou fait contre notre très saint patriarche, nous unissant ainsi à lui dans la même sainte communion et devenant ses compagnons d'œuvre ». Vint ensuite le tour des évêques qui, pour avoir été consacrés par Photios, s'étaient vus autrefois condamnés et exilés et qui étaient maintenant restaurés dans leur dignité et reconnus par le concile. Pour Photios, l'assemblée entière s'émerveilla de sa sagesse et de sa sainteté. De lui, l'on entendit le métropolite Procope de Césarée et de Cappadoce dire : « Vraiment cet homme qui a pris sous sa garde l'univers tout entier et y porte tous ses soins, voici qu'il atteint à la stature parfaite de notre Archi-Pasteur le Christ-Dieu ». À quoi les légats du pape ajoutèrent : « Et nous qui vivons de l'autre côté du monde, notre sentiment ne diffère en rien du vôtre ». D'une seule voix, le saint concile reprit alors : « Non, certes, il n'est personne pour douter que Dieu repose sur lui ». Les légats romains firent encore ce discours : « La miséricorde et l'inspiration divines sont portées à un si haut degré dans l'âme du très saint patriarche qu'il peut éclairer et illuminer la création entière. Car de même que le soleil, pour occuper la voûte du ciel, n'en éclaire pas moins la terre entière, de même Photios, s'il siège à Constantinople, fait briller toute la création et lui confère son brillant et son pur éclat29 ». Il fut encore débattu à ce concile de maintes questions fort graves. Mais l'acte le plus important fut l'adoption d'un décret conciliaire propre à empêcher que l'on altérât d'aucune façon le saint Symbole œcuménique de la Foi ; et, c'était en vérité l'acte de Nicée que, de la sorte, l'on confirmait et scellait. Tous les hiérarques inspirés de Dieu déclarèrent alors : « Ce grand concile œcuménique proclame le Symbole de la Foi établi au concile de Nicée et confirmé par tous les conciles œcuméniques ». Les légats de Rome ajoutèrent ces mots : « Pour obéir à notre grand et glorieux empereur en Dieu, et pour complaire à tous nos frères concélébrants, il est juste qu'aucun nouveau symbole ne soit composé. Mais proclamons plutôt de nouveau et réaffirmons le symbole ancien qui est cru et confessé par le monde entier ». Le très saint patriarche Photios dit alors : « Par la décision de tous nos frères et concélébrants, que le symbole de la Foi soit proclamé ». Puis, Pierre, le diacre en toute chose agréable à Dieu et qui était le premier secrétaire, lut le texte suivant : « Suivant l'enseignement divin de Notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, établi en nos esprits par l'assurance de la raison et la pureté de la Foi ; gardant et acceptant cet enseignement par le raisonnement juste et infaillible des Décrets sacrés et des Canons de ses saints Apôtres et Disciples ; tenant et obéissant par la foi la plus sincère et inébranlable, à la Doctrine immuable et inviolée des sept saints conciles œcuméniques, guidés et dirigés par l'inspiration de l'unique et même Saint Esprit : Nous rejetons tous ceux qui ont été rejetés par l'Église et nous acceptons et considérons dignes d'en être les membres ceux qui, en maîtres de la piété, ont rendu l'honneur et le respect qui lui sont dus au Credo de Nicée. C'est dans cette foi qui est la nôtre que nous le proclamons et le recevons, en esprit et en parole, et qu'à tous, bien haut et clairement, nous récitons ce Symbole de la Foi Chrétienne la plus certaine, qui depuis le commencement nous est venu des Pères, et cela sans rien en ôter, sans rien y ajouter, sans l'orner ni le trahir en rien. Car toute suppression comme toute addition, quand bien même il n'y aurait aucune apparence d'hérésie, conduit, par la ruse du démon, à mépriser ce qui ne doit pas l'être et à outrager injustement les Pères. Quant à corriger les textes des décrets des Pères, c'est là chose pire encore. Aussi ce saint concile œcuménique, recevant dans l'amour de Dieu et l'intelligence droite, l'ancien Symbole de la Foi et l'honorant comme il est dû, fondant et établissant sur lui la forteresse du salut, enseigne à tous à croire et à proclamer ce que le saint et universel Symbole de la Foi dit et confesse ». Puis fut proclamé le Symbole de Nicée-Constantinople sans que rien y fût ajouté ou retranché. « Telle est notre Foi ; dans cette confession de Foi, nous nous sommes signés du signe de la Croix et, par cette confession, la Parole de Vérité vainc et détruit toute hérésie. En ceux qui partagent notre Foi, nous reconnaissons nos frères, nos Pères, héritiers avec nous du Royaume des Cieux. S'il est quelqu'un d'assez impudent pour composer un autre exposé de la Foi que ce Symbole sacré, qui, depuis les origines, nous a été transmis par nos Pères saints et bienheureux, et qui ose ensuite l'appeler « Symbole de la Foi » – dérobant à ces êtres porteurs de Dieu leur dignité en insérant dans le Credo de petites formules particulières – et qui tente ensuite de l'imposer aux croyants ou à ceux qui reviennent de l'hérésie, comme si c'était là l'enseignement commun, altérant avec audace le trésor de ce Symbole sacré, honoré de tous, par de fausses expressions, additions ou soustractions ; qu'une telle personne soit déposée si c'est un membre du clergé ; qu'elle soit anathématisée si c'est un laïc, selon que nous l'ordonnent les saints conciles œcuméniques ». Une fois encore, les saints Pères firent chorus : « Telle est notre pensée unanime, telle est notre Foi ; c'est dans cette confession que nous avons été baptisés, c'est en elle que nous avons été ordonnés dans le sacerdoce. Quant à ceux qui pensent autrement ou qui osent substituer un autre Symbole à celui-ci, nous les déclarons anathèmes !30 » Et, certes, si l'on promulguait ce décret, c'était afin d'extirper la dernière née des hérésies, le faux dogme latin qui altérait le saint Symbole de la Foi et par là violait l'enseignement touchant l'Esprit Saint que les Apôtres et les Pères nous léguèrent. Jamais, on le sait, le patriarche Photios n'avait cessé de combattre les hérésies ennemies de Dieu, qu'elles fussent manichéenne ou monophysite, ou qu'il s'agit de dogme latin du Filioque. Et ce fut ce même soin qui inspira sa Mystagogie, ce traité sur l'enseignement mystique du Saint Esprit où il met à nu les hérésies latines et rend justice à la confession orthodoxe des saints Pères, selon laquelle le Saint Esprit procède du Père seul, conformément aux paroles du Seigneur Lui-même. De ce même sujet, il entretint nombre d'évêques et surtout l'archevêque d'Aquilée en Italie auquel il écrivit une lettre restée célèbre. Lorsque les légats du pape demandèrent à placer l'Église bulgare sous la juridiction de Rome, Photios leur fit répondre que l'on ne débattrait plus désormais de cette question dont trancherait seul le pieux empereur. Cependant, comme l'on craignait de voir les papes à venir, tels de nouveaux Nicolas, assoiffés de pouvoir, rechercher une autorité si haute qu'elle les ferait passer outre celle de l'Église de Dieu, le concile promulgua, sur une proposition de Photios, un canon qui refusait à l'évêque de Rome tout autre privilège que celui de la primauté d'honneur qu'il s'était toujours vu conférer jusqu'à ce jour. Ce faisant le concile défendait à Rome d'étendre ou de modifier en rien ses prérogatives. Car l'Église de Dieu ne saurait en rien imiter les manières d'un gouverneur ou d'une autorité temporelle, seul y règne ce précepte de l'Évangile qui en est comme la loi : « Quiconque veut être grand parmi vous qu'il soit votre serviteur. Et quiconque veut être le premier parmi vous qu'il soit votre esclave » (Matt. 20, 26 ; Mc 10, 43). Ainsi s'achevait ce grand, ce saint concile assemblé sur la prière de saint Photios et dont l'Église entière, en Orient comme en Occident, allait bientôt reconnaître les décrets et les canons. Des années sereines et paisibles suivirent alors, où l'on vit notre Père saint Photios gouverner l'Église dans la paix. Sa fin cependant approchait avec le temps où il serait enfin appelé à coiffer la couronne glorieuse des confesseurs et des martyrs. Lorsque l'empereur Léon succéda à son frère Basile, avec hauteur il déchut en effet le saint patriarche de son trône pour le faire emprisonner dans un monastère en ruines, non loin de Constantinople et où le saint passa les cinq ou six dernières années de sa longue vie. Pour l'amour du Christ, il avait souffert des persécutions sans nombre et enduré d'infinis tourments ; c'est jusqu'à la lie qu'il avait bu la coupe du confesseur. Aussi fut-ce en paix que le 6 février de l'année 891 il remit entre les mains de son Seigneur son âme bienheureuse. Quelques temps plus tard, l'on transféra, pour les enchâsser, ses saintes reliques en l'église Saint-Jean-le-Précurseur, sise non loin du monastère de Constantinople dédié au prophète Jérémie. Peu de temps après sa bienheureuse dormition, la Sainte Église Orthodoxe porta au rang des saints de Dieu le patriarche Photios, glorifiant ainsi sa sainte mémoire. Plus tard, son saint nom fut inséré dans le Synodicon que l'Église lit une fois l'an, lors du Dimanche de l'Orthodoxie : « À Ignace et Photios, les patriarches très saints et orthodoxes : MÉMOIRE ÉTERNELLE ! À tout écrit, toute parole, tout acte allant contre les saints patriarches Taraise, Nicéphore, Méthode, Ignace et Photios : ANATHÈME ! » Et lorsque le 6 février l'Église toute entière chante un office à sa mémoire, saint Photios est ainsi louangé : « Champion de l'Orthodoxie, défenseur des confesseurs de la foi droite, Pilier et fondation de l'Église, instrument de la grâce. Vase choisi, harpe de l'Esprit aux sons divins, Orateur enflammé, sage hiérarque, pédagogue illustre du monde, Trompette qui proclama, en parole et doctrine, que l'Esprit procède du Père seul, Comme le proclama, avec autorité divine, le fils du tonnerre, l'évangéliste Jean ; Adversaire inébranlable des hérésies, Tu as coupé l'erreur de l'hérésie et défendu le Saint Symbole de la Foi contre les additions et les corruptions hérétiques, Ô grand Photios, Père très saint, Tu es illustre en parole, toi dont le nom est Lumière ! » Puisse le Seigneur, par les saintes prières de son saint, prendre pitié de nous et nous sauver. Amen ! II ENCYCLIQUE AUX PATRIARCHES ORIENTAUX Brève note historique sur la LETTRE ENCYCLIQUE aux patriarches orientaux (866) (PG 102, 721-741) Dans les dernières années de la seconde moitié du IXe siècle, l'Empire Romain Orthodoxe, malgré les difficultés suscitées par les Franks en Occident, les Musulmans en Orient et les nombreuses populations barbares qui, au Nord, menaçaient ses frontières semblait devoir vivre une période de paix relative, favorable à la prédication de la foi chrétienne. L'empereur et saint Photios, le patriarche de Constantinople Nouvelle Rome, préparèrent, en collaboration avec les Papes de l'Ancienne Rome, l'état-major missionnaire pour la christianisation de ces nations guerrières qu'on appelait les Slaves. Saint Photios s'adressa à son savant ami et disciple Constantin, originaire de Thessalonique qui connaissait les dialectes slaves pour les avoir souvent entendus parler dans sa ville marchande. Constantin, que l'Histoire connaît sous son nom monastique de saint Cyrille, accompagné de son frère saint Méthode, ces deux apôtres des Slaves partirent pour la Moravie où les Slaves se trouvaient confrontés aux germano-franks qui voulaient les convertir, et aussi les annexer. Sur le chemin de la Moravie, la petite mission orthodoxe s'arrêta en Bulgarie où elle commença la christianisation des Slaves. Pendant qu'ils se trouvaient en Moravie, leur œuvre continuait de porter du fruit en Bulgarie puisque le Prince Michel demanda officiellement au saint Patriarche Photios un clergé capable de mener à bien la conversion de son peuple. Saint Photios lui accorda ce qu'il demandait et lui écrivit longuement pour lui expliquer les principaux dogmes chrétiens et la nécessité de suivre en tout les décisions des Conciles Œcuméniques. Cette situation heureuse fut troublée par l'élévation au Trône de l'Ancienne Rome d'un Pape philofrank, Nicolas Ier. À Rome s'affrontaient deux partis opposés : l'un, orthodoxe, hostile à la nouvelle théologie que Charlemagne voulait imposer à l'Occident, l'autre favorable aux Germano-Franks. Nicolas Ier n'était pas totalement libre de ses mouvements, à Rome même, où il aurait sans doute bien ajouté le Filioque au Credo. Il s'en garda. En revanche, il favorisa la mission germano-franque du plus grand ennemi des orthodoxes, l'évêque Formose de Porto qui, lui, était décidé à appliquer le système politico-religieux des empereurs germaniques et à étendre ainsi la sphère d'influence franque. La situation fut troublée en Bulgarie par l'arrivée de ces missionnaires qui, prétendant relever d'un grand Patriarcat, celui de Rome, modifièrent fondamentalement la foi chrétienne. Pour concurrencer l'Orthodoxie, l'Église franque inventa une théologie nouvelle, plus « subtile », disait-elle, et elle approuva l'œuvre de Charlemagne. En conséquence, et pour rabaisser les « Grecs », elle enseigna la procession du Saint Esprit hors du Père et du Fils, refusa de connaître le VIIe Concile Œcuménique sur les icônes, modifia la tradition ecclésiastique sur un grand nombre de points et contesta les ordinations des orthodoxes, comme celles, par exemple, des prêtres mariés. Les Papes orthodoxes de l'Ancienne Rome, dont la ville était occupée militairement par les ennemis, réagirent autant qu'ils le purent contre les innovations franques. La nouveauté vint de la caution donnée aux Franks par Nicolas Ier et le parti des « nicolaïtes », comme les orthodoxes de Rome les appelaient. Cette caution du Pape Nicolas Ier provoqua le schisme entre l'Ancienne et la Nouvelle Rome. Le saint Patriarche Photios savait depuis longtemps que Nicolas Ier était du genre des loups et non des pasteurs, mais il avait agi avec prudence pour ne pas faire naître une persécution contre les orthodoxes qui, à Rome, pouvaient être des victimes du parti frank. Lorsque Nicolas Ier voulut imposer son autorité en écrivant que « l'Église Romaine avait mérité les droits de tout pouvoir d'une manière totale et avait reçu le gouvernement de toutes les brebis du Christ », saint Photios répondit charitablement, pour corriger ce coup d'état ecclésial. Pour ne pas agir sans l'accord de son Église, saint Photios réunit à Constantinople des conciles locaux en août 858, mai 861, juin 866. Mais la situation s'aggrava, quand, dans la lettre portée à Michel de Bulgarie par les Franks, Nicolas Ier affirmait que l'Église de Rome était la source de tout épiscopat. Au début de 867, Nicolas écrivit directement au peuple, au clergé et à l'Empereur des lettres hostiles à saint Photios où le saint Patriarche est appelé « Monsieur Photios », « adultère », « homicide », « Cham », et « juif ». On comprend alors l'attitude des missionnaires franks en Bulgarie qui confondaient, à l'égard des orthodoxes, édification et opération de police : les prêtres orthodoxes étaient chassés, emprisonnés. On sait ce qui arriva plus tard à saint Méthode lui-même, retenu captif par un comte frank, pour avoir osé enseigner le Credo sans Filioque et s'être servi du slavon dans la liturgie. Puisque le dogme et le Credo de Nicée-Constantinople étaient contestés, saint Photios jugea qu'il appartenait à toute l'Église de condamner l'attitude des Franks et celle de leur chef Nicolas Ier, et qu'il fallait pour cela tenir un concile de tous les patriarcats qui confirmerait les dogmes des Conciles Œcuméniques. L'Encyclique présentée ici est la lettre d'invitation à ce Concile ; elle fut envoyée durant l'été 866. Saint Photios y décrit la situation nouvelle créée par la présence de moines-soldats franks en Bulgarie et donne le détail de leurs innovations. L'autorité de saint Photios suffit à donner à cette Encyclique une valeur capitale. L'Église orthodoxe vénère saint Photios comme saint, comme docteur et elle le célèbre non seulement le 6 février, jour de sa fête et de sa dormition, mais encore dans le temps de la Pentecôte, pour avoir été le défenseur du dogme du Saint Esprit. Le Synodicon de l'Orthodoxie, lu le Dimanche du Triomphe de l'Orthodoxie sur toutes les hérésies, anathématise tous ceux qui oseront porter atteinte à la mémoire du saint Patriarche Photios. Cette Encyclique est d'une grande importance, car il s'agit d'un document dogmatique de l'Église entière et dont l'autorité a été confirmée par un concile œcuménique. Le concile proposé par l'Encyclique se tint, en effet, en 867 à Constantinople, en présence des légats des patriarches orientaux et anathématisa les doctrines que dénonçaient la lettre de saint Photios, en particulier l'hérésie du Filioque et son addition, en Bulgarie, au Credo de Nicée-Constantinople. Plus de mille signatures témoignèrent contre le dogme frank, qui scindait la Sainte Trinité en deux et aboutissait au paganisme (cf. ch. 9). Douze ans plus tard, lorsque les nicolaïtes furent impuissants à Rome à empêcher l'élection du nouveau pape orthodoxe, Jean VIII, au témoignage des quatre patriarcats de Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, vint s'ajouter celui du patriarcat de Rome. En 879, en effet, se tint à Constantinople un autre concile qui, en présence des légats de Jean VIII et de ceux des patriarches d'Orient, confirma le Concile de 867 et condamna l'ajout du Filioque au Credo. Comme nous l'avons indiqué plus haut, les légats du pape Jean VIII nommèrent « Judas » ceux qui avaient créé un schisme sur cette question, c'est-à-dire les Franks et les philofranks. Le concile de 879-880 est considéré comme le VIIIe Concile Œcuménique par de nombreux théologiens orthodoxes, et il peut difficilement être contesté par les Latins puisque le pape Jean VIII y fut représenté et en accepta les décisions et, parmi elles, la confirmation du Concile de Constantinople de 867. On trouvera une intéressante étude de l'ensemble de la polémique avec les Latins dans R. Haugh, Photius and the Carolingians : the Trinitarian Controversy, Belmont, Nordland, 1975, ainsi que dans Cyriaque Lampryllos, La Mystification Fatale, L'Âge d'Homme, Lausanne 1987. Texte : Migne, 102, 721-741 ; J. Karmiri, Ta Dogmatika kai Symbolika Mnêmeia tês Orthodoxou Katholikês Ekklêsias, t. I, Athènes, 1960, 2e éd., p. 316-330 (avec une excellente introduction) ; Teunber, I (1983), p. 39-53, Ep. 2. LETTRE ENCYCLIQUE aux Sièges Épiscopaux d'Alexandrie et de tout l'Orient contenant l'exposé de vérités capitales ; et que nous devons confesser que l'Esprit Saint procède du Père seul, et non du Père et du Fils 1. Le malin n'était pas encore rassasié de ses perfidies ; il n'en avait pas fini avec les pièges et les traquenards qu'il s'efforce, depuis le commencement du monde, de susciter au genre humain. Avant la venue du Maître dans la chair, il a déployé une foule de tromperies, pour égarer l'homme et lui faire commettre des actes contre-nature et contre la Loi ; par sa violence, il alourdit la tyrannie qu'il exerçait sur l'humanité. Puis, après l'avènement du Seigneur, il n'a cessé d'inventer des mensonges et des faux-semblants, pour faire tomber dans ses griffes les crédules qui le suivent. Voilà d'où proviennent les Simoniaques, les Marcionites, les Montanistes, les Manichéens et toute la horde des hérésies, aux formes multiples et variées, en lutte ouverte contre Dieu. Oui, telle est bien l'origine des Arius, Macédonius, Nestorius, Eutychès, Dioscore et de toute la phalange de l'impiété31. Contre ces hérésies, ont été réunis les Sept Conciles saints et œcuméniques, ainsi que les synodes locaux des hommes saints et théophores. Ils ont extirpé, avec le glaive de l'Esprit, ces pousses mauvaises, et apprêté le champ de l'Église à refleurir. 2. Or, ces hérésies écartées et abandonnées au silence et à l'oubli, les gens pieux nourrissaient de grandes et belles espérances : ils pensaient ne jamais revoir de nouveaux inventeurs d'impiétés, puisque les décisions des Conciles avaient déjoué tous les efforts du malin ; ni de nouveaux défenseurs pour soutenir les doctrines déjà condamnées par les Conciles, vu le sort et la chute des hérésiarques et la ruine de leurs émules et successeurs. Dans ces espérances, la piété se rassérénait ; surtout dans la Ville impériale32, où nous avons vu, à plusieurs reprises, des situations désespérées se redresser grâce au concours de Dieu ; où des bouches sans nombre ont recraché ce qui les souillait pour chanter de nouveau avec nous le Créateur et Modeleur de toute chose. Comme d'un sommet haut perché, la Ville reine fait jaillir les sources de l'Orthodoxie ; elle répand les ondes pures de la piété jusqu'aux confins de l'univers, et irrigue des fleuves de la dogmatique les âmes de ces contrées lointaines. Et ces âmes, depuis longtemps desséchées par les brandons de l'hérésie ou des rites non-orthodoxes, et transformées en déserts, en jachères infécondes, se sont mises, une fois baignées de la rosée de l'enseignement et cultivées avec soin, à porter du fruit pour le Christ. Tels sont les Arméniens. Autrefois prisonniers de l'hérésie jacobite33, ils se montraient hostiles, dans leur orgueil, à toute prédication orthodoxe, depuis le temps du grand et saint Concile qui avait réuni beaucoup de nos Pères dans la ville de Chalcédoine. Or, ces mêmes Arméniens, avec le secours que vos prières nous ont apporté, viennent de trouver la force de quitter leur longue erreur : à l'heure qu'il est, leur peuple célèbre, dans la pureté de l'orthodoxie, le culte chrétien. Quant à Eutychès, à Dioscore, à ce Pierre qui a jeté la pierre à la piété, à Julien d'Halicarnasse et à toutes les graines qu'ils ont éparpillées de par le monde, le peuple arménien les déteste, et les soumet aux liens infrangibles de l'anathème, suivant l'exemple de l'Église universelle. 3. Mieux encore, le peuple bulgare lui-même, jusqu'ici barbare et ennemi du Christ, a acquis une telle douceur et une telle connaissance de Dieu, qu'il s'est totalement détaché des cérémonies orgiastiques qu'il tenait de ses pères et des démons. Il a rejeté le mensonge des superstitions païennes et s'est greffé miraculeusement sur la foi chrétienne. 4. Hélas ! Quel crime, quel maléfice, quel sacrilège a donc été résolu et perpétré ! Ce beau prélude, qui nous laissait attendre un évangile de bonnes nouvelles, fait place à la consternation ; la joie et l'allégresse se tournent en deuil et en larmes. Ce peuple venait tout juste – deux ans ne s'étaient pas écoulés – d'embrasser la religion chrétienne orthodoxe ; soudain, des êtres impies et abominables – la piété ne peut les appeler autrement – des êtres qui montent des Ténèbres – de fait, ils étaient originaires de la Partie Occidentale de l'Empire34 – Ah ! Malheur ! Comment dire la suite ? Ces impies ont fondu sur ce peuple tout fraîchement acquis à la piété et récemment affermi. Oui, semblables à la foudre, à un séisme, à une tempête de grêle, disons mieux : en vrais sangliers sauvages35, ils ont assailli la vigne du Seigneur, la vigne nouvelle et bien-aimée et, à coups de crocs et de sabots – je veux dire, en imposant des pratiques mauvaises et en corrompant les dogmes (car leur audace va jusque là) – ils l'ont ravagée de fond en comble. Ils ont entraîné cette nation loin des dogmes droits et purs, loin de la foi chrétienne immaculée, et, avec leurs sophismes, ils ont préparé sa chute et sa perversion. 5. Ils ont commencé par introduire en Bulgarie, contre les Saints Canons, le jeûne du samedi. Or, le moindre rejet des traditions conduit très communément au mépris total du dogme. Puis, ils ont attaqué le Grand Carême : ils en détachent la première semaine, et y remplacent le jeûne par l'usage du lait et du fromage, bref, par une consommation excessive de laitages. Ce n'était là qu'un début ; ils ont fait pire : quittant la voie droite et royale pour celle de toutes les iniquités, ils ont sali des prêtres honorables, vivant dans le mariage légitime. Oui, ces débauchés, qui ont séduit tant de femmes, leur laissant élever des enfants de père inconnu – ce sont eux qui présentent les vrais prêtres de Dieu comme dignes de haine et de répulsion. Ils sèment là-bas les graines de Mani36 et ils répandent l'ivraie sur le bon grain, gâtant ainsi les âmes dans lesquelles la semence de la piété commençait à germer. 6. Ce n'est pas tout. Ils ont osé refaire la chrismation37 de ceux qui avaient reçu l'onction sacrée de la main d'un prêtre. Ils se disent évêques, et ils prétendent cette chose inouïe et monstrueuse, que la chrismation des prêtres est nulle et de nul effet ! 7. Je n'ai jamais rien vu de plus extravagant. Quelle folie ! Et accomplie sans scrupule ! Oser rechrismer ceux qui avaient déjà une fois pour toutes, reçu le saint chrême, n'est-ce pas ridiculiser et parodier, de façon insensée, les mystères surnaturels et divins du christianisme ? Pour se justifier, ces sacrilèges recourent au sophisme suivant : « Les prêtres n'ont pas le droit de sanctifier les nouveaux-initiés (les baptisés) avec le saint-chrême ; seuls les évêques le peuvent, selon la loi ». D'où sort cette loi ? Qui l'a établie ? Lequel des Apôtres ? Un des Pères, lequel ? Serait-ce l'un des Conciles ? Où et quand réuni, je vous prie ? Ratifié par quels suffrages38 ? Il n'est pas permis au prêtre d'apposer le sceau de l'Onction sur les nouveaux baptisés ? Alors il ne peut pas non plus baptiser du tout, ni célébrer la liturgie. Ainsi, le prêtre ne sera pas déchu qu'à moitié, mais se retrouvera, bel et bien, simple laïc ! Raisonnons : il consacre le Corps et le Sang du Christ ; il sanctifie les fidèles, déjà baptisés, en les faisant communier au Corps et au Sang du Maître ; pourquoi ne pourra-t-il pas sanctifier les nouveaux baptisés en les chrismant ? Le prêtre baptise, il opère le sacrement qui purifie le baptisé ; peux-tu lui retirer le sacrement qui scelle et rend indélébile cette purification qu'il a opérée et accomplie ? Or c'est bien ce que tu fais ; tu interdis au prêtre le service du « don du Saint Esprit », tu ne veux pas qu'il purifie qui que ce soit par ce don. De la sorte, ton prêtre, pompeusement paré de titres vides, devra entrer dans la danse et te reconnaître pour coryphée, je veux dire pour évêque39. 8. Loin de s'en tenir à ces abus, ils ont couru, dans leur élan, jusqu'au sommet de l'iniquité. Non contents des folies que j'ai rapportées, ils ont, dans leur audace sans borne, entrepris de falsifier40, à l'aide de raisonnements spécieux et de propos mensongers, le Symbole sacro-saint de notre foi – ce Credo invincible, sur lequel tout l'univers et tous les Conciles se sont accordés. Ô machinations du malin ! Ils ont prétendu cette nouveauté, que l'Esprit Saint procède non du Père seul, mais aussi du Fils. 9. A-t-on jamais rien entendu de tel, de la part de tous les hérétiques qui ont jamais été41 ? Quel serpent tortueux a craché ce venin dans leur cœur ? Qui d'entre les chrétiens effectifs accepterait un instant cette double causalité introduite dans la Trinité ? En effet, le Père est la cause du Fils et de l'Esprit ; et le Fils est la seconde cause de l'Esprit. Ainsi la Monarchie – l'Unicité du Principe – se trouve scindée et on aboutit au dithéisme ; la théologie chrétienne connaît la division, comme la mythologie païenne, et la dignité de la Trinité monarchique et suressentielle se perd42. Or, pour quelle raison l'Esprit procèderait-il aussi du Fils (Filioque) ? Si la procession hors du Père est parfaite – or, elle l'est, puisque le Saint Esprit est Dieu parfait, issu de Dieu parfait – qu'est donc la procession hors du Fils et pourquoi est-elle ? Elle est sans raison d'être, superflue, vide de sens. 10. En outre, si l'Esprit procède du Fils, aussi bien que du Père, pourquoi le Fils, à son tour, ne naîtrait-il pas de l'Esprit, aussi bien que du Père ? Ils n'ont qu'à dire cela : de cette manière, au moins, ils seront impies en paroles et en pensée, et leur audace ne laissera rien à désirer. 11. Considère encore ce point. On sait que la propriété personnelle de l'Esprit, c'est la Procession hors du Père ; celle du Fils, de même, c'est la Naissance hors du Père. Dès lors, si l'Esprit, comme le soutiennent ces insensés, procède aussi du Fils, l'Esprit va se distinguer du Père par un plus grand nombre d'attributs singuliers que le Fils. En effet, la production de l'Esprit est commune au Père et au Fils ; mais la procession hors du Père, ainsi, évidemment que la procession hors du Fils, sont propres à l'Esprit. Or, si l'Esprit se différencie du Père par un plus grand nombre de distinctions que le Fils, le Fils sera plus proche que l'Esprit de l'essence du Père. Ainsi l'hérésie audacieuse de Macédonius, le pneumatomaque (ennemi de l'Esprit) rentre en scène insidieusement, empruntant l'intrigue et les tréteaux de cette nouvelle troupe43. 12. Autre point. Si tout ce qui est commun au Père et au Fils appartient aussi, de manière indivise, à l'Esprit44 – comme le fait d'être Dieu, Roi, Démiurge, Tout-Puissant, Suressentiel, Simple, Indescriptible, Incorporel, Invisible, et, généralement parlant, tous les autres attributs de la Divinité ; et que la provenance de l'Esprit hors du Père et du Fils soit commune au Père et au Fils ; alors, l'Esprit procédera aussi de Lui-même. Il sera Lui-même principe de Lui-même et cause en même temps que causé. Chimère inconnue même de la mythologie païenne ! 13. Poursuivons. Si ce qui caractérise l'Esprit, c'est la diversité de ses principes producteurs, ne doit-on pas conclure qu'il a pour caractéristique d'être produit par une polyarchie (principe multiple)45 ? 14. Et si, dans une autre hypothèse, ils disent que l'Esprit n'a point de part dans cette nouvelle association du Père et du Fils (comme producteurs de l'Esprit) ; et que le Père soit bien uni et associé au Fils selon l'essence commune, mais non selon une des propriétés personnelles ; alors ils excluent l'Esprit de l'essence divine commune. 15. On le voit : ils n'ont aucune raison de se faire appeler chrétiens – sinon, bien sûr, pour prendre plus facilement leur gibier au piège46. « L'Esprit procède du Père et du Fils » : d'où provient cette sentence ? Chez quels Évangélistes trouve-t-on cette phrase ? Quel concile nous a transmis cette parole blasphématoire ? 16. Notre Seigneur et Dieu déclare : « L'Esprit, qui procède du Père47 » ; les Pères de cette nouvelle impiété disent, eux : « L'Esprit qui procède du Fils ». Qui ne se bouchera pas les oreilles, pour ne pas entendre ce blasphème énorme ? Il contredit les Évangiles, s'oppose aux Saints Conciles, fait mentir les écrits de nos Pères saints et bienheureux, Athanase le Grand, Grégoire, la gloire de la théologie, Basile le Grand, colonne royale de l'Église, et la Bouche d'Or de l'univers, l'océan de la sagesse, Chrysostome le bien-nommé. Et pourquoi citer tel ou tel ? Cette affirmation blasphématoire et théomaque (ennemie de Dieu) s'attaque à tous les saints prophètes, apôtres, hiérarques et martyrs à la fois, et même aux paroles du Seigneur. 17. L'Esprit, dites-vous, procède du Fils. Cette procession est-elle la même que celle du Père, ou opposée à cette dernière ? – Si c'est la même, comment les propriétés personnelles ne sont-elles pas confondues et rendues communes ? Or ce sont elles, et elles seules, qui font que la Trinité est une Trinité, et peut être adorée comme telle. – Si elle est opposée à celle du Père, ne sont-ils pas les émules des Manichéens et des Marcionites ? Ils tirent la langue, en théomaques (ennemis de Dieu), contre le Père et le Fils. 18. Ajoutons que si le Fils est engendré par le Père et que l'Esprit procède du Père et du Fils, l'Esprit, se rapportant à deux causes, sera nécessairement composé. 19. Si le Fils est engendré par le Père et que l'Esprit procède du Père et du Fils, qu'est-ce qui empêche qu'une autre hypostase procède à son tour de l'Esprit ? Dès lors, en suivant la ligne de cette dogmatique hostile à Dieu, il n'y aura plus trois, mais quatre hypostases. Disons mieux : il y en aura une infinité, puisque la quatrième en projettera une autre, cette dernière fera de même, et ainsi de suite, pour finir dans le polythéisme païen. 20. S'il est vrai que la sortie de l'Esprit hors du Père aboutit à une existence parfaite, qu'apportera donc à l'Esprit une procession hors du Fils, du moment que la procession hors du Père suffit pour lui donner son existence et son hypostase48 ? Car personne n'osera dire que cette procession hors du Fils produit une de ces choses qui sont autour de l'Essence, puisque la Nature bienheureuse et divine dont nous parlons ignore absolument la dualité et la composition49. 21. Si tout ce qui n'appartient pas en commun à la Toute Puissante, Consubstantielle et Surnaturelle Trinité, est l'attribut d'un et d'un seul des Trois ; et si, d'autre part, la projection de l'Esprit n'est pas une chose commune aux Trois Personnes ; alors, elle est le fait d'un seul des Trois. Nos adversaires déclarent-ils, oui ou non, que l'Esprit procède du Père ? Si oui, l'affaire est entendue ; mais ils sont obligés de renoncer à leur chère mystagogie50, à leur théorie d'une procession commune. Mais peut être vont-ils dire que c'est du Fils que l'Esprit procède ? Dans ce cas, pourquoi n'ont-ils pas dévoilé d'entrée de jeu leur plan contre Dieu ? Ce qu'ils voulaient faire, ce n'était pas simplement associer le Fils à la projection de l'Esprit, mais en exclure le Père ! Ils vont sans doute continuer sur cette voie : il leur reste à renverser la Génération comme ils viennent de le faire pour la Projection, et à dire cette absurdité monstrueuse, que le Fils ne naît pas non plus du Père, que c'est le Père qui naît du Fils ! Ainsi, du moins, les choses seront claires : ils seront les rois chez les fous comme chez les impies ! 22. Voici encore un moyen de faire paraître l'impiété et la sottise de leur propos. Tout ce que l'on peut envisager ou énoncer relativement à la Toute Sainte, Connaturelle et Suressentielle Trinité est ou bien une chose qui appartient en commun à Tous ; ou bien une chose qui appartient à un et un seul des Trois. Or, la Projection de l'Esprit n'est pas une chose commune51, ni non plus – et là, ce sont eux qui parlent – une chose appartenant à un et un seul52. Alors, dans la Trinité Toute Parfaite, dans la Trinité Principe de Vie, – qu'Elle nous soit propice et que le blasphème retombe sur leur tête – la Projection de l'Esprit n'existe en aucune manière. 23. On pourrait ajouter des milliers d'arguments, par boisseaux, pour confondre leur athéisme. Toutefois, je ne puis les inclure ici, ni en donner un exposé complet dans une simple lettre. Aussi ne vous ai-je présenté ci-dessus qu'une information élémentaire et abrégée ; je tiens en réserve la réfutation circonstanciée de leurs arguments et le détail de nos propres enseignements, pour le temps, où, Dieu voulant, se tiendra notre assemblée. 24. Telle est donc l'hérésie que ces évêques des Ténèbres – parce qu'ils se donnaient pour des évêques ! – semaient dans toute la Bulgarie, sans parler des autres iniquités. La rumeur en est venue jusqu'à nous ; blessés jusqu'au fond du cœur de ce coup mortel, nous avons cru voir nos chers enfants, fruits de nos entrailles, tomber sous la dent des serpents et des bêtes sauvages, et finir broyés et déchiquetés. Que de peines, de labeurs, de sueurs nous avions dépensés pour les amener à la régénération et à la perfection ! Nous en sommes d'autant plus cruellement accablés de douleur et de chagrin, en voyant nos enfants mis à mort. 25. La douleur que nous sentons dans une circonstance si triste est égale à la joie qui nous avait remplis quand nous les voyions délivrés de leurs anciennes superstitions. 26. C'est pourquoi nos larmes ont coulé et coulent encore pour eux. Et, pour les relever de cette chute, nous ne donnerons ni sommeil à nos yeux, ni assoupissement à nos paupières53, jusqu'à ce que nous les ayons ramenés, dans la mesure de nos forces, sous la tente du Seigneur. 27. Quant à leurs agresseurs, ces nouveaux précurseurs de l'Apostasie, ces serviteurs de l'Antichrist, ces crapules dignes de mille morts, ces calamités publiques, ces criminels, qui ont infligé à ce peuple tendre et fraîchement fixé dans la piété, des blessures si profondes et si nombreuses, ces imposteurs, enfin, qui ont déclaré la guerre à Dieu, nous avons réuni notre concile54 contre eux et résolu, au terme d'un vote éclairé par Dieu, leur condamnation. Nous n'avons pas pris contre eux de décision nouvelle, mais nous nous sommes bornés à republier, et à porter à la connaissance de tous, les jugements des Conciles et des Canons Apostoliques qui les visaient déjà. 28. Car l'homme est ainsi fait, que la vue des punitions présentes le réfrène mieux que le souvenir des anciennes ; et quand les châtiments d'aujourd'hui répondent à ceux d'autrefois, l'autorité des plus anciens s'en trouve corroborée. Dans la mesure, donc, où ces gens persistent dans leur erreur multiforme, nous avons décidé leur excommunication hors du troupeau des chrétiens. Voici pourquoi : a) le soixante-quatrième canon des saints Apôtres déclare ceci contre ceux qui observent le jeûne du samedi : 29. Si un membre du clergé jeûne les dimanches ou les samedis, à l'exception d'un seul Samedi, qu'il soit déposé ; si un laïc agit ainsi, qu'il soit excommunié. Dans le même sens, le canon cinquante-cinq du Sixième Concile Saint et Œcuménique55 s'exprime de la sorte : 30. Comme nous avons été informé que les habitants de Rome, lors des saints jeûnes de la Quarantaine (le Grand Carême), jeûnent le samedi, contrairement à la discipline et à la tradition reçue de l'Église, il a paru bon au saint Concile que reste en vigueur, immuablement, dans l'Église de Rome comme ailleurs, le canon qui dit : « Si un membre du clergé jeûne le saint dimanche ou le samedi, à l'exception d'un et d'un seul Samedi, qu'il soit déposé ; si un laïc agit ainsi, qu'il soit excommunié56 ». 31. b) D'autre part, le Concile de Gangres, dans son Canon 4, concernant les ennemis du mariage, déclare ceci : Si quelqu'un se sépare d'un prêtre marié, dans la pensée qu'il ne faut pas communier quand ce prêtre célèbre la liturgie, qu'il soit anathème57. En plein accord avec cette décision, le Sixième Concile58 rend cet arrêt contre eux : Ayant appris que dans l'Église de Rome prévalait la tradition – considérée même comme un canon – de faire promettre publiquement aux candidats éligibles au diaconat ou au sacerdoce, de se séparer complètement de leur épouse, nous, fidèles, en tout à l'ancienne règle canonique, à la sage rigueur des Apôtres et à l'ordre institué par eux, nous DÉCIDONS – que le mariage légitime des hommes consacrés à Dieu sera dorénavant maintenu et intouchable ; – qu'il ne saurait être question de dissoudre pour une telle raison la vie commune des époux, ni de leur interdire les rapports conjugaux au temps convenable. – Si donc, il se trouve un homme digne d'être élu diacre ou sous-diacre, qu'il ne soit en aucune manière écarté de ce rang hiérarchique sous prétexte qu'il vit avec une épouse légitime ; et qu'on n'exige point de lui, au moment de l'élection, la promesse publique de renoncer au commerce légitime avec son épouse. Ainsi, nous évitons de bafouer le mariage institué par Dieu et béni par Sa présence ; l'Évangile déclare aussi : « Ceux que Dieu a joints, que l'homme ne les sépare pas » (Matt. 19, 6), et l'Apôtre enseigne ceci : « Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure » (Héb. 13, 4) et encore : « Tu es lié à une femme ? Ne cherche pas à rompre » (1 Cor. 7, 27). Par conséquent si quelqu'un ose, contre les canons apostoliques, priver un homme consacré, c'est-à-dire un prêtre, un diacre ou un sous-diacre, du commerce et de la société de sa femme légitime, qu'il soit déposé ; de même, si un prêtre ou un diacre, sous prétexte de piété répudie son épouse, qu'il soit excommunié ; s'il persiste, qu'il soit déposé. 32. c) Pour le fait de rompre le jeûne de la première semaine du carême et d) de rechrismer ceux qui sont déjà baptisés et chrismés, il ne sera pas besoin, je pense, de canons pour les condamner, puisque la simple mention de ces faits montrent leur impiété inimaginable. 33. e) Enfin, et par-dessus tout, leur blasphème contre l'Esprit, ou plutôt contre toute la Sainte Trinité, quand bien même ils n'auraient rien osé des choses que j'ai rapportées, ce blasphème insurpassable les place, à lui seul, sous plusieurs millions d'anathèmes ! 34. Tels sont les événements que nous avons jugé légitime, conformément à la coutume de l'Église, de porter à la connaissance de Votre Fraternité dans le Seigneur ; et nous vous exhortons et vous prions instamment de venir, pleins d'ardeur, nous aider à déraciner ces principes impies et athées, sans toutefois quitter le poste dont vos prédécesseurs vous ont légué la garde. Empressez-vous plutôt, avec un zèle ardent, de choisir des délégués que vous enverrez pour vous représenter ; qu'ils soient aptes à cette fonction, revêtus du sacerdoce, parés de piété dans leurs paroles et dans leur vie. Ainsi nous retrancherons de l'Église la gangrène de cette impiété qui vient de se déclarer et qui gagne du terrain. Quant aux déments qui ont introduit, dans le peuple nouvellement planté et affermi, tant de semences de malice, nous les extirperont et les jetterons au feu, d'un commun accord ; car tel est le lot des maudits, selon le commandement du Seigneur. 35. Ce devoir accompli, l'impiété sera refoulée et la piété renforcée, et nous avons bonne espérance de voir alors toute la population bulgare, nouvellement catéchisée en Christ et illuminée par le baptême, revenir, avec beaucoup d'autres, à la foi qui lui a été transmise. Je dis « beaucoup d'autres », car cette nation n'est pas la seule à avoir échangé son impiété de naguère pour la foi en Christ. Un peuple faisait sans cesse parler de lui et se montrait plus cruel et plus sanguinaire que tout autre. Il s'agit des Russes59, qui, ayant asservi leurs voisins, en tiraient tant d'orgueil qu'ils ont osé lever le poing contre l'Empire de Rome. Eh bien ! Voici qu'ils viennent, eux aussi, d'embrasser la religion chrétienne pure et authentique, en échange de la superstition païenne et sans-Dieu qui les tenaient captifs. Au lieu de s'attaquer à l'Empire en lançant des coups de main rapides, voire même, comme cela est arrivé une fois, une entreprise audacieuse et de grande envergure, ils ont demandé à devenir alliés et sujets de notre Empire. Et ils brûlent d'un tel amour et d'un tel zèle pour la foi – Paul peut de nouveau s'écrier : « Dieu soit béni dans tous les siècles ! » – qu'ils ont même obtenu un évêque pour les faire paître, et embrassé les rites chrétiens avec beaucoup de soin et de dévotion. 36. Ces peuples, par la grâce du Dieu ami de l'homme, qui veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la Vérité, ont abandonné leurs anciennes croyances et adopté, en retour, la foi chrétienne dans toute sa pureté. Donc, si Votre Fraternité se dresse, elle aussi, pour nous seconder dans nos vaillants efforts et nous aider à couper et à brûler la mauvaise herbe, nous affirmons avec confiance, dans le Seigneur Jésus Christ, notre Dieu véridique, que son troupeau s'accroîtra bien davantage encore et que s'accomplira la parole qui dit : « Ils me connaîtront tous, du plus petit jusqu'au plus grand d'entre eux60 » et « Leur voix – celle des enseignements apostoliques – a été entendue sur toute la terre, et leurs paroles, jusqu'aux confins de l'univers61 ». 37. Il convient donc que les légats que vous enverrez pour représenter votre sacro-sainte personne soient investis de l'autorité souveraine dont vous avez hérité dans l'Esprit Saint ; afin qu'ils puissent, à propos des points que j'ai soulevés, et des questions connexes, parler et agir librement avec l'autorité d'un trône apostolique. Sachez également que nous avons reçu des Provinces d'Italie, la lettre d'un concile, qui contient des accusations que j'ai peine à répéter : les gens d'Italie les lancent contre leur propre Évêque62, et les envoient dans le monde entier, avec de grandes menaces et mille adjurations. Ils nous demandent de ne pas mépriser leur tourment, quand ils périssent, pitoyablement, sous le poids de la tyrannie qui les opprime ; et de ne pas fermer les yeux sur ce qui se passe là-bas : transgression des lois du sacerdoce, renversement de tous les statuts de l'Église. Ces faits étaient déjà universellement connus par des récits oraux qu'en avaient faits des moines et des prêtres accourus de ces régions : Basile, Zosime, Métrophane et bien d'autres. Ils se plaignaient de ce despotisme et en appelaient avec des larmes à la justice des Églises. Or, à présent, comme je viens de le dire, ce sont des lettres, émanées de divers lieux et de divers auteurs, qui nous parviennent, pleines de lamentations funèbres et tragiques. Selon le vœu et la prière instante de leurs auteurs, j'en joins ici la copie ; car ils nous ont supplié, avec des adjurations et des imprécations terribles, de les transmettre à tous les sièges épiscopaux et apostoliques ; vous en prendrez ainsi connaissance par vous-mêmes. Nous les avons incluses dans notre lettre pour que le Saint Concile Œcuménique qui se réunira dans le Seigneur confirme, d'un commun suffrage, sur ces questions aussi, les décrets de Dieu et les canons des Conciles, et qu'une paix profonde s'instaure ainsi parmi les Églises du Christ. 38. Car ce n'est pas seulement Votre Béatitude que nous avons convoquée. Sachez que, parmi les autres sièges épiscopaux et apostoliques, les uns sont déjà arrivés ici, et qu'on attend les autres d'un moment à l'autre. 39. Que Votre Fraternité dans le Seigneur se garde donc, en tardant et en temporisant pour une raison quelconque, de faire attendre ses frères plus qu'il ne convient. Elle sait que, si son absence devait avoir une suite fâcheuse, elle en serait seule responsable. 40. Nous désirons consigner dans cette lettre un autre vœu, concernant le Saint Concile Œcuménique, le Septième. Il faudrait enjoindre à votre vaste juridiction ecclésiastique l'ordre de mettre ce concile au rang et au nombre des Saints Conciles Œcuméniques, avec les six premiers. Nous avons, en effet, entendu dire que certaines Églises dépendant de votre siège apostolique ne reconnaîtraient que Six Conciles Œcuméniques : elles ignorent le Septième. À vrai dire, elles en observent avec zèle les décrets souverains, et ne vénèrent rien davantage ; mais elles ne reconnaissent pas encore le concile comme tel et ne le proclament pas officiellement dans l'Église avec les Six autres, quoiqu'il jouisse partout de la même dignité. 41. En effet, ce Concile a terrassé une hérésie capitale ; des délégués des quatre grands sièges épiscopaux y ont siégé et voté ensemble. Étaient présents, comme vous le savez, l'envoyé de votre siège d'Alexandrie, le hiéromoine Thomas et son entourage ; l'envoyé de Jérusalem, le très pieux protopresbytre Pierre, et un autre Pierre, moine et higoumène du très saint monastère de Saint-Sabba de Rome. 42. Ces personnages se sont assemblés autour de notre oncle paternel, le très saint et trois fois glorieux Taraise, archevêque de Constantinople, pour former ce Septième Grand Concile Œcuménique, qui a défait l'hérésie des iconoclastes, et triomphé de ces ennemis du Christ. Mais il se peut, vu les territoires alors tombés aux mains des Arabes, peuple barbare et étranger, qu'il n'ait pas été très facile de vous faire parvenir les Actes de ce Concile. Ce qui expliquerait pourquoi beaucoup de fidèles de ces régions, tout en respectant et en vénérant les décisions dont nous parlons, ignorent néanmoins, paraît-il, qu'elles sont l'œuvre de ce Concile63. 43. Il est donc impératif, comme je le disais, de joindre ce Concile aux six précédents, en le proclamant, comme eux, grand, saint et œcuménique. Manquer à ce devoir et montrer de la négligence à cet égard, ce serait d'abord nuire à l'Église du Christ en méprisant un concile si important, et cela reviendrait à rompre les liens et les nœuds qu'il symbolise. En second lieu, notre négligence rouvrirait toute grande la bouche des iconoclastes, dont je sais que vous détestez l'impiété à l'égal des autres hérésies. Le fait que leur doctrine impie n'ait encouru que le désaveu d'un siège apostolique, et non la condamnation formelle d'un Concile Œcuménique, leur fournira un prétexte pour continuer à proférer leurs scandaleux blasphèmes. 44. Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il faut désormais, dans les lettres synodales, comme dans tous les autres documents, histoires et discussions relatifs à l'Église, considérer ce Concile comme le Septième de la liste des Saints Conciles Œcuméniques. C'est, de notre part, une demande, et c'est aussi, de frères à frères, un conseil que nous vous donnons, en proposant ce qui est juste. 45. Que le Christ, notre Dieu véridique, le Premier Souverain Sacrificateur, le Grand Prêtre qui s'est volontairement immolé pour nous, dans un sacrifice parfait, en victime bonne et propitiatoire, et nous a rachetés au prix de Son propre Sang, relève toujours votre front vénérable de hiérarque au-dessus des peuples barbares qui vous entourent de tout côté ; qu'Il vous accorde d'achever le cours de votre vie dans le calme et la sérénité ; qu'Il vous donne, enfin, dans le séjour d'en haut, votre part d'allégresse et de félicité indicibles, avec tous les bienheureux, là où il n'y a ni douleur, ni soupir, ni confusion, dans le Christ Lui-même, notre Dieu véridique, à qui soient la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles. Amen ! Saint Père, nous prions pour vous, comme il est juste, et nous espérons que vous voudrez bien continuer aussi de commémorer notre indignité. III ÉPITOMÉ Note sur l'ÉPITOMÉ (PG 102, 392-400) Le texte que nous donnons ci-après, intitulé Épitomé (Abrégé) par les éditeurs, rassemble, sous une forme concise, les principaux arguments que saint Photios développe contre le Filioque dans ses trois ouvrages plus importants : la Lettre Encyclique, la Lettre au Métropolite d'Aquilée et la Mystagogie du Saint Esprit. Euthyme Zigabène, auteur du XIe siècle, ayant inclus ce texte dans sa célèbre Panoplie Dogmatique, certains critiques ont émis des doutes sur l'authenticité de son attribution à saint Photios. La critique moderne, toutefois, reconnaît, à la suite de Zigabène, la paternité de saint Photios ; mais il convient de noter que des allusions ou des arguments postérieurs ont été insérés dans l'ouvrage. L'existence même de cet épitomé prouve que saint Photios voulait faire connaître largement, au-delà du public érudit, l'importance vitale de la confession exacte de la Trinité, et le danger représenté par le Filioque. Texte : Migne, 102, 392-400 ; Saint Photios, On the Mystagogy of the Holy Spirit, Éd. Holy Transfiguration Monastery, Studion Publishers, 1983, p. 193-196. ÉPITOMÉ Contre les Partisans de l'Ancienne Rome ; que l'Esprit Saint procède du Père seul et non du Père et du Fils. 1. Si l'Esprit est simple, mais qu'Il procède du Père et du Fils, il faut nécessairement admettre qu'ils sont une seule personne. Ainsi est réintroduite une contraction (confusion) sabellienne des personnes, ou, plus précisément, semi-sabellienne64. 2. Si l'Esprit procède du Père et du Fils, Il sera double et composé. Si l'Esprit Saint se rapporte à deux Origines, à deux Principes, que devient la Monarchie65, si souvent chantée, de la Trinité ? 3. Si le Père projette l'Esprit et que le Fils le projette aussi, le Père sera une cause de l'Esprit à la fois prochaine et lointaine, en raison de cette projection hors du Fils. 4. Si la procession du Saint Esprit hors du Père est parfaite, la projection hors du Fils sera superflue. 5. Si la projection de l'Esprit que possède le Fils est la même que la projection hors du Père, la propriété personnelle de projeter leur sera commune. Mais comment une propriété personnelle deviendrait-elle commune ? Si les deux projections sont opposées, ne vont-elles pas se détruire, puisque les opposés se détruisent toujours l'un l'autre ? Enfin, si elles sont autres, une première partie de l'Esprit procédera d'une manière et une seconde, d'une autre manière, et Il se retrouvera composé de parties inégales. 6. Puisque c'est d'une seule cause, à savoir le Père, que sortent le Fils et l'Esprit, et que le Fils à son tour, fait jaillir l'Esprit, il faut que l'Esprit, Lui aussi, fasse jaillir le Fils. Car c'est avec un honneur identique que le Père et Projeteur les a produits l'un et l'autre. 7. Si le Fils a, en commun avec le Père, la projection du Saint Esprit, alors le Saint Esprit participera Lui-même à cette projection. En effet, tout ce que le Père a de commun avec le Fils, est aussi commun à l'Esprit. De la sorte, l'Esprit sera tout ensemble cause et causé, ce qui est plus monstrueux que toute la mythologie païenne. 8. Si le Fils est Lui aussi, projeteur, mais que l'Esprit se voit priver du pouvoir de projeter, Il aura moins de force que le Fils, et l'on retombe dans la démence de Macédonius. 9. Ils invoquent pour leur défense l'autorité d'Ambroise, qui aurait énoncé le Filioque dans son livre Sur le Saint Esprit, puis celle de Jérôme et d'Augustin. On peut répondre comme suit : ou bien les pneumatomaques ont interpolé leurs ouvrages ; ou bien ces Pères se sont exprimés ainsi pour ménager leurs auditeurs, comme l'a fait Basile le Grand, quand il a tenu sous silence, pendant un certain temps, la théologie du Tout Saint Esprit66 ; ou bien, étant hommes, ils ont quitté en cette occurrence la voie parfaite, comme il est arrivé à beaucoup d'entre les plus grands, parmi lesquels on peut citer : Denys d'Alexandrie, Méthode de Patares, Piérios, Pamphile, Théognoste, Irénée de Lyon, et son disciple Hippolyte. Nous n'acceptons pas certaines de leurs déclarations, tout en les admirant par ailleurs. 10. Ces trois Pères – Ambroise, Jérôme et Augustin – ont affirmé le Filioque, selon les gens de Rome. Mais les évêques des Sept Conciles n'en ont pas soufflé mot. Or, tous les Conciles successifs ont ratifié la Définition de notre foi, et les pontifes et lumières de l'Église de Rome ont apporté sans hésitation leur suffrage à ces Conciles. En outre, ils ont décidé qu'on ne pourrait ajouter ni retrancher aucun dogme au Symbole de la Foi, et que celui qui oserait un tel acte, serait totalement exclu de l'Église67. 11. Cependant, le divin Grégoire le Dialogue68, qui a fleuri peu après le VIe Concile, a enseigné dans ses œuvres latines, la théologie de la procession du Saint Esprit hors du Père seul. Zacharie qui, cent soixante-cinq ans plus tard, traduisit les Dialogues en grec, donne ce texte : « L'Esprit consolateur sort du Père et demeure dans le Fils » : cette doctrine leur venait du Précurseur, qui avait vu « L'Esprit descendre sous forme de colombe et demeurer sur Lui » (Jn 1, 32). 12. Léon et Benoît, autres célèbres évêques de Rome, plus tardifs, ont pris un décret, enjoignant de réciter le Credo en grec au cours de la Sainte Liturgie, à Rome et dans les autres Églises qui en dépendent, et cela afin d'éviter que la pauvreté de la langue courante (le latin) ne fournisse un prétexte au blasphème. C'est ce même Léon qui, ouvrant le trésor de l'Église Apostolique de Rome, en tira deux boucliers qui y avaient été déposés avec les objets sacrés, et qui portaient, en lettres et en langue grecques, une version du Credo orthodoxe69. Et il les fit lire en présence de tout le peuple romain. Ajoutons que, jusqu'au temps du pieux Serge, patriarche de Constantinople, les évêques de Rome, dès les premiers instants de leur pontificat, envoyaient à tous les Sièges Patriarcaux des lettres de confession de foi, lesquelles contenaient le Symbole de la foi absolument intact. 13. Mais pourquoi tant discourir ? Le Fils et Maître enseigne, dans Sa Mystagogie, que l'Esprit procède du Père ; et le grand Paul, d'autre part, nous fait savoir que : « Quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème ! » Dans ces conditions, ne faudrait-il pas être fou pour aller chercher un autre Docteur ? AUTRE FRAGMENT DU MÊME OUVRAGE Tiré du Manuscrit de Vienne (Gr. Theol. 40) 9a. David a dit : « Et par l'Esprit de sa bouche70 », enseignant ainsi que l'Esprit procède du Père seul, puisque les mots « de sa bouche » font allusion au Père, et non au Fils. Ainsi, il a ruiné d'avance le blasphème des partisans de la procession filioquiste de l'Esprit. 10a. Dans la plupart des cas, le terme de procession ne signifie rien d'autre que le fait de sortir, comme dans ce passage des Psaumes : « Il procédait (sortait) dehors et là même il parlait » (Ps. 40, 7) ; toutefois, appliqué à la procession du Saint Esprit hors du Père, ce terme ne signifie pas une simple sortie, accidentelle et contingente, mais le fait de provenir du Père par nature et par essence. La procession indique le mode d'existence et manifeste la réalité substantielle71 du Saint Esprit. En effet, le Saint Esprit n'existe pas, comme le Fils, par génération ; mais d'une manière qui lui est propre : par procession. Car le propre du Fils, c'est de naître du Père selon la nature ; le propre du Saint Esprit, c'est de procéder du Père selon la nature. Et ce n'est que par là qu'ils se distinguent l'un de l'autre, je veux dire par leur propriété existentielle, puisqu'ils sont, par ailleurs, un : un quant à l'essence et à la nature, un quant à la force et à la dignité, et en un mot, un pour toutes les autres choses, aussi bien avec le Père que l'un avec l'autre. En quel sens affirmez-vous donc que le Saint Esprit procède aussi du Fils (Filioque) ? A. S'Il procède du Fils comme de sa cause, dès lors, il y a deux causes et deux principes, le Père et le Fils ; et l'objet de notre adoration n'est plus une Monarchie (principe un), mais plutôt une Dyarchie (dualité de principes). Et il est inutile de souligner toutes les incongruités qui vont s'ensuivre. B. S'Il procède d'une autre manière, c'est-à-dire, peut-être, en vertu de leur connexion mutuelle, puisque les Personnes de la Trinité se contiennent l'une l'autre72, et, pour le dire en bref, s'Il procède comme étant envoyé par le Fils – car comme le Père envoie le Fils, de même le Fils envoie l'Esprit. Selon la parole du Seigneur : « Quand viendra le Consolateur que je vous enverrai du Père (parà toû Patros), l'Esprit de Vérité qui procède du Père, celui-là témoignera à mon sujet » – si c'est dans ce sens-là que vous dites que le Saint Esprit procède aussi du Fils, eh bien ! votre pensée est saine et solide, mais vous péchez néanmoins à un autre égard. D'abord, parce que vous modifiez par cette addition l'Exposé de la Foi, le Credo définitivement établi et confirmé par les Sept Conciles, et que vous êtes bien les seuls à agir ainsi. Votre seconde faute consiste dans l'emploi que vous faites ici du mot « et »73 ; car ce mot, cette conjonction, comme on l'appelle ordinairement, donne à entendre que la procession hors du Père et la procession hors du Fils sont sur le même plan, alors que vous donnez un sens différent à la procession hors du Fils, ainsi que nous venons de le voir. Or il ne suffit pas d'avoir pour soi-même une pensée orthodoxe, il faut encore ne pas scandaliser autrui. Si celui qui scandalise un seul de ses frères est passible, selon l'Évangile, d'un châtiment effroyable, quel châtiment paraîtra donc assez grand pour ceux qui ont scandalisé presque tout l'univers ? 11a. Attendu que Dieu le Fils a dit du Saint Esprit : « Il procède du Père », et qu'Il ne s'est pas contenté de le dire une fois, mais l'a énoncé deux fois dans le même verset (Jn 15, 26) pourquoi n'a-t-Il donc pas dit : « Et aussi de Moi » ? Que répondent-ils à cet argument ? Que le Seigneur parlait avec humilité, en tant qu'homme. Nous pouvons répondre sur le champ et leur prouver qu'ils se trompent. Car ce n'est assurément pas en tant qu'homme que le Christ a dit : « Que Je vous enverrai », c'est en tant que Dieu. L'homme, en effet, n'envoie pas Dieu ; or l'Esprit Saint est Dieu. Le Seigneur a repris deux fois les mots « du Père » (parà toû Patros) afin de confirmer ce point et de fermer la bouche à ceux qui diraient que l'Esprit procède aussi du Fils (Filioque)74. IV LETTRE AU MÉTROPOLITE D'AQUILÉE Brève note historique sur la LETTRE au MÉTROPOLITE D'AQUILÉE (vers 883) (PG 102, 794-822) La lettre de saint Photios au Métropolite d'Aquilée a été écrite entre 883 et 884, c'est-à-dire après le Concile de Constantinople de 879-880, VIIIe Œcuménique, et peu de temps avant que le saint Patriarche ne rédige la Mystagogie du Saint Esprit. On ne sait malheureusement pas à qui elle fut vraiment adressée, parce qu'il y avait deux Patriarches d'Aquilée rivaux à cette époque-là : Walpert à Aquilée et Palladius à Grado (Cf. R. Haugh, Photius and the Carolingians, p. 131). Il est très probable que le patriarche auquel s'adresse saint Photios était un partisan de Jean VIII et du Concile de 879-880, et non un membre du parti germano-frank. Saint Photios répond à ce patriarche d'Aquilée qui lui avait transmis à Constantinople les divers arguments avancés par les théologiens franks, en réponse à sa Lettre Encyclique. L'intérêt essentiel de cette nouvelle lettre réside donc en deux principaux : 1. Saint Photios sait très bien qu'en Occident, dans l'Église, se déroule une guerre théologique entre les Romains orthodoxes et les Franks qui veulent usurper l'autorité de l'Église, laquelle jusqu'à l'époque carolingienne jouait un rôle d'ethnarchie (gouvernement) protectrice du peuple romain d'Occident. Qu'on nous permette de citer quelques lignes de l'article de Romanides, paru dans le Dossier H Augustin, qui éclaire le contexte historique : « Le premier point qui doit être noté est le suivant : il n'y eut jamais, au sujet du Filioque, de conflit entre les Romains de l'Orient et ceux de l'Occident. Certes, il y avait eu des querelles intérieures à la Romanité sur des points touchant à la christologie et aux décisions des Conciles Œcuméniques sur la Personne du Christ. S'il est vrai que les Romains d'Occident combattirent les définitions du Septième Concile, relatif aux icônes, en revanche, ils ne soutinrent jamais la doctrine ni l'addition au Credo du Filioque comme le firent les Franks. Il est donc essentiel de comprendre que cette controverse du Filioque ne fut pas un conflit entre les patriarcats de l'Ancienne Rome et de la Nouvelle Rome, mais entre les Franks et tous les Romains de l'Orient et de l'Occident. La cause de la controverse du Filioque doit être recherchée dans la décision des Franks de faire condamner comme hérétiques les Romains d'Orient, afin de les faire passer exclusivement pour des « Grecs », c'est-à-dire pour une nation totalement étrangère aux yeux des Romains d'Occident alors sous domination franque. Le prétexte de la controverse sur le Filioque vient de l'acceptation, chez les Franks, de l'idée que l'œuvre d'Augustin est la clef pour comprendre la théologie des Premier et Second Conciles Œcuméniques. La pertinence de cette distinction entre la cause et le prétexte apparaît à la lecture des décisions du Concile de Francfort (794) dont les Actes condamnent les deux camps en conflit dans la querelle iconoclaste, dans l'intention de faire passer, dans tous les cas de figure, les Romains d'Orient pour des hérétiques. Le but des Franks était bien, en effet, de briser l'unité nationale et ecclésiastique de la nation romaine en suscitant des controverses doctrinales et ainsi, de couper, une fois pour toutes, les Romains d'Occident – toujours prêts à se révolter contre leurs oppresseurs – des Romains de l'Orient. Pour ce faire, les Franks laissaient croire que les Romains libres de l'Orient avaient changé leur nationalité en devenant des « hérétiques », en transférant leur capitale de l'Ancienne Rome à la Nouvelle Rome, et en préférant le grec au latin. Ce sont là, en effet, les arguments que l'on trouve dans la lettre, datée de 871, de l'empereur Louis II le Germanique à l'empereur Basile Ier. C'est cette politique délibérée des Franks qui fit prendre à la question du Filioque des dimensions irréparables. Jusqu'alors, en effet, le Filioque était bien une arme politique franque, mais il n'avait pas pris les dimensions d'une controverse théologique, parce que les Romains espéraient envers et contre tout que la papauté saurait dissuader les Franks de défendre ce dogme absurde. Quand il devint évident que les Franks maintiendraient cette conception politico-dogmatique, les Romains réagirent vivement et condamnèrent à la fois le Filioque et la position équivoque des Franks sur les icônes – ce qui se fit lors du Huitième Concile Œcuménique tenu en 879 à Constantinople la Nouvelle Rome ». En écrivant au Patriarche d'Aquilée, saint Photios s'adresse certainement, à travers lui, aux Romains orthodoxes d'Occident pour les soutenir dans leurs luttes contre les Franks et leur Filioque. Pour cette raison, il leur rappelle leur propre tradition romaine latinophone, leur propre confession de foi et ce que fit le pape Léon III pour interdire l'interpolation du Credo, à savoir, l'érection des écussons d'argent porteurs du Credo de Nicée-Constantinople, en grec et en latin, sans l'addition. 2. La lettre au Métropolite d'Aquilée est importante parce qu'elle est une réfutation des traités carolingiens qui justifient théologiquement, et a posteriori, puisque le Filioque a été affirmé en Occident avant d'être argumenté, la procession du Saint Esprit hors du Père et du Fils. Ces traités franks ont été rédigés à la requête du pape Nicolas Ier qui demandait à Hincmar de Reims et à Liutbert de Mainz de venir à son secours. C'est ainsi que furent composés les traités d'Énée de Paris, de Ratramne de Corbie, et réuni le Concile de Worms. Édnée de Paris écrivit un Liber Adversus Graecos plein d'hostilité pour les « Grecs », et rempli de citations d'Augustin, prises dans les compilations antérieures d'Alcuin. Ratramne de Corbie écrivit un Contra Graecorum Opposita Romanam Ecclesiam Infamantium, qui est plus élaboré que le travail d'Énée de Paris. Saint Photios, dans sa lettre au Patriarche d'Aquilée, répond donc à certains des arguments de Ratramne, mais aussi récuse l'appel fait par les Franks à l'autorité des Pères romains latinophones comme Jérôme, Ambroise et Augustin – argument d'autorité qui fut d'ailleurs aussi l'argumentation principale du Concile de Worms. Photios affirme en effet que, même s'il y a des erreurs chez certains Pères occidentaux, – en réalité, il ne pouvait examiner la question que formellement, puisqu'il n'était pas à même de lire leurs œuvres, écrites en latin – ces lacunes, ces déficiences, n'en reçoivent aucune autorité, puisqu'elles sont condamnées par le chœur des Pères. C'est ici l'argument de saint Vincent de Lérins, développé dans le Commonitorium, que reprend saint Photios : toujours préférer l'universalité ou la majorité à une opinion isolée ou mal attestée. Dans notre commentaire, à la suite de la plupart des théologiens orthodoxes contemporains, nous montrerons que, indépendamment du caractère formel du débat sur Augustin, le conflit entre saint Photios et les Franks manifeste l'opposition dogmatique essentielle entre les Pères orthodoxes hellénophones et latinophones – Jérôme et Ambroise compris – et l'augustinisme qui a servi de base unique à la théologie franque. Texte : Migne, 102, 794-822 ; J. N. Valettas, Letters of His All-Holiness Photios, Patriarch of Constantinople, London, 1864, p. 181 et suiv. ; Photius, Epistulae et Amphilochia, éd. B. Laourdas et L. G. Westerink, coll. Teubner, Leipzig, vol. III (1985), p. 138-152, Ep. 291. LETTRE AU MÉTROPOLITE D'AQUILÉE Au Patriarche très saint, très sacré et bien aimé de Dieu, à mon frère et compagnon de sacerdoce, le très illustre et admirable Archevêque et Métropolite d'Aquilée, Photios, par la miséricorde de Dieu Archevêque de Constantinople Nouvelle Rome et Patriarche œcuménique. + 1. La lettre que nous avons reçue de votre Béatitude nous a fait dès l'abord connaître la pensée divine qui vous anime, ainsi que la grandeur et l'élévation de votre amour spirituel, qui dépasse de très haut ce qu'on rencontre chez le commun des mortels. Ensuite, le saint personnage auquel vous aviez confié votre missive, nous est apparu, par ses vertus, son intelligence, et surtout par sa force et sa fermeté de caractère, comme un miroir, où nous avons pu contempler les traits de votre Sainteté divine et vénérable. Certes, la lettre les laissait entrevoir, autant qu'un écrit peut le faire ; mais il nous en a offert une image plus vive et plus parfaite, et nous a aussi donné beaucoup de joie et de plaisir en nous racontant les pieux travaux de votre Béatitude. Qui avons-nous eu sous les yeux ? Un homme qui commandait le respect par sa sagesse plus que par ses cheveux blancs, tout aussi riche de sens que de vertus ; un homme en qui la finesse s'alliait à la solidité de la pensée ; un homme, en un mot, entièrement revêtu de la grâce qu'on attend chez un prêtre, qui tient de Dieu le pouvoir de consacrer nos redoutables mystères, et qui a l'honneur d'être votre disciple et d'avoir été ordonné par vous. Tel est le prêtre que nous avons trouvé dans le légat de Votre Paternité sacro-sainte. Ce qui nous a fait connaître avec certitude que le hiérarque qui se trouve au-dessus de lui, qui l'a ordonné au mystère de la prêtrise, et l'a maintenant délégué vers nous, possède sûrement une abondance de charismes divins et doit être, aussi bien par sa vie éclatante que par son amour et son zèle ardent pour les dogmes, un modèle et un flambeau qui conduit tout homme sur la voie du salut. 2. Ce personnage, dis-je, qui a reçu de vous la grâce de l'épiscopat, a, sans aucun doute, été nourri au festin de vos enseignements divins, et abreuvé à la source féconde de vos perfections ; sans quoi, il n'aurait jamais pu briller à tel point dans les vertus, comme il sied aux archi-hiérarques de Dieu. En effet, la copie n'est pas toujours identique au modèle, indépendamment même de l'éclat et de la lumière qu'elle ne reproduit pas. Il faut donc, pour tout cela, rendre grâces au Dieu bienfaiteur et créateur de l'univers, qui consacre, en Occident comme en Orient, des guides et des flambeaux, et les élève sur les trônes des archevêchés, pour qu'ils y brillent sans faiblir et éclairent le cœur et l'esprit de la multitude. 3. Mais, au milieu du réconfort que nous goûtions en pensant à votre sainte vertu, admirant vos exploits qui nous réjouissent, voici qu'un bruit heurte nos oreilles – et il vaudrait mieux qu'il n'ait jamais retenti ! Car il ne cause point de douleur physique, mais fait du mal à l'âme ; cependant, puisque vos vertus nous ont communiqué beaucoup d'espérance, nous allons vous révéler notre tourment. Comment en parler sans pleurer ? Certains Occidentaux ont-ils refusé de s'en tenir aux paroles du Seigneur, alors que c'est cela qui est beau ? Ont-ils méprisé les dogmes, les définitions des Pères et des Conciles ? Dédaigné la précision minutieuse qui les caractérise ? Ou s'y sont-ils appliqués sans avoir les capacités spirituelles nécessaires ? Je ne sais. Quelle qu'en soit la cause, la rumeur – que j'aimerais n'avoir jamais entendue – nous est parvenue que certains Occidentaux répandraient l'idée que le divin et Tout Saint Esprit ne procède pas seulement de Dieu le Père, mais aussi du Fils. Or, disant cela, ils font beaucoup de mal aux croyants. Cette doctrine, dans la mesure où elle reste une opinion individuelle, ne causerait peut-être pas si grand tort à ceux qui, par légèreté, l'ont embrassée – encore que le dommage ne soit déjà pas mince. En revanche, quand on leur aura proposé une enquête commune sur ce point, et qu'on leur aura clairement démontré, en s'appuyant sur les paroles même du Seigneur, aussi bien que sur l'ensemble de la Sainte Écriture, qu'ils sont dans l'erreur, ils devront alors renoncer aussitôt à cette doctrine absurde et accepter les dogmes et les textes orthodoxes. S'ils n'en font rien, il est clair qu'ils vont tomber dans un blasphème très grave, et encourir une sévère condamnation, quand bien même personne ne les dénoncerait expressément. Car ils se trouveront dépossédés de tous les biens, et notamment de la confession de foi véritable, et de l'Esprit Divin lui-même, qu'ils ont humilié en dogmatisant qu'Il procède du Fils. En effet, par cette seconde procession, ils outragent l'Esprit et ridiculisent l'unique Procession. Leur pensée n'a-t-elle pas quelque chose d'aberrant ? Ou, pour mieux dire, n'est-elle pas blasphématoire au dernier degré ? Elle conduit à attaquer les propres paroles du Seigneur, et à rejeter la doctrine et la tradition qui ont toujours prévalu dans les grands sièges épiscopaux. 4. En voici les preuves. Léon l'Ancien (Léon Ier), évêque de Rome – pour ne pas citer les prédécesseurs – et Léon le Jeune (Léon III), qui lui succéda, sont connus pour avoir gardé la foi et les dogmes de l'Église catholique et apostolique, celle des saints évêques antérieurs à eux et des décrets des Apôtres. Le premier a donné beaucoup d'éclat au Quatrième Concile Saint et Œcuménique, grâce à la sainte délégation qu'il a envoyée, et aussi à sa fameuse lettre, qui a terrassé Nestorius et Eutychès. Or, il y déclare aussi que l'Esprit Saint procède du Père, conformément aux définitions des Conciles antérieurs ; mais il ne parle pas d'une procession hors du Fils75. 5. De même, Léon le Jeune, son homonyme et son émule dans la foi, ardent défenseur de la vraie piété, désirant éviter que l'usage d'une langue étrangère n'altérât le Credo immaculé de notre pieuse foi, en publia le texte dans l'original grec. C'est ainsi qu'il apprit aux Occidentaux à chanter et à théologuer en langue hellénique la gloire de la Sainte Trinité. Loin de s'en tenir à un ordre purement verbal, il fit fabriquer des plaques commémoratives qu'il grava et exposa à la vue du public, affichées à la porte de l'église de Rome. Ainsi, il devenait possible d'apprendre sans risque et sans peine, tout le contenu de la foi76. Et il ne restait plus aucun moyen de dénaturer notre piété, la vraie piété des Chrétiens, en usant de textes faux fabriqués en cachette, et de propos vides de sens. On ne pourrait plus faire du Fils, conjointement au Père, la seconde cause de l'Esprit, – cet Esprit qui procède du Père dans l'égalité d'honneur avec le Fils engendré. 6. Ces deux hommes, ce duo sacré qui a illuminé l'Occident, n'ont pas été les seuls à garder la piété pure de toute innovation étrangère. Non, l'Église occidentale ne manque pas de confesseurs ; et il n'est guère facile de dénombrer le chœur des hiérarques qui se sont fait entendre dans l'intervalle qui sépare, dans le temps, les deux Léon, et qui ont brillé de la même piété. Or, puisque l'Église de Rome se trouve à l'unisson des quatre autres trônes patriarcaux et garde la même confession ; et puisque l'Église est fondée et affermie sur le roc des paroles du Maître – cette Église contre laquelle les portes de l'Hadès, c'est-à-dire les bouches insensées des hérétiques, ne prévaudront jamais, au dire de la Vérité Elle-même – d'où et de qui a bien pu venir le nouveau blasphème contre l'Esprit, ce blasphème qui est en train de se répandre ? Et comment ne pas gémir sans cesse, comment ne pas pleurer inconsolablement, à voir le malheur qu'il entraîne ? Mais il nous oblige aussi à redoubler d'ardeur, pour empêcher la souffrance et la maladie de s'étendre et de dévorer ceux dont les noms sont inscrits dans le troupeau du Christ ! 7. Voilà pourquoi notre médiocrité se tourne vers Votre Perfection dans la vertu, comme vers le grand défenseur de l'Église, le point de mire de tous les fils de la maison d'Israël. Nous vous exhortons à faire luire devant tous le feu divin qui brûle dans votre cœur : ainsi, allumant votre flambeau d'archevêque, vous en projetterez la clarté salutaire sur tous les égarés ; et vous les ramènerez de leur erreur à la foi qui a rempli l'univers. 8. La doctrine de la procession hors du Père se recommande d'abord, nous l'avons vu, de la parole du Seigneur (Jn 15, 26), éclair et foudre qui surpasse toute clarté. Qu'ils acceptent donc, les calomniateurs de l'Esprit, qui L'ont fait procéder du Fils, de considérer enfin cette parole de l'Évangile, et ils quitteront l'erreur et la ténèbre où ils se débattent. Puissent-ils alors, brillants de vraie piété, s'abriter avec les hommes pieux dans les retraites où flamboie, dans son éclat sans crépuscule, la lumière de l'orthodoxie. Oui, qu'ils respectent, en tout premier lieu, Jean le Théologien, le mystique initié qui reposa la tête sur le sein du Sauveur, et qui nous guide dans la connaissance des mystères célestes qu'il y a puisés ; enfin, qu'ils s'en remettent à ses prières pour obtenir le pardon de leur rébellion contre le Maître, et contre Jean, le plus théologien des disciples. Les partisans du dogme de la procession du Tout Saint Esprit hors du Père et du Fils introduisent nécessairement deux causes et deux principes ; ils détruisent ainsi la Monarchie – Unité du Principe – dans la Trinité. Il est clair, en effet, que leur théorie conduit à prêcher, à côté de la première doctrine, celle d'une dualité des causes, dont l'une se subdivise même – que ce blasphème retombe sur leur tête ! – en deux principes. 9. D'autre part, si la procession hors du Père est parfaite, à quoi sert la seconde procession, du moment que l'Esprit reçoit déjà, de la procession paternelle, la perfection absolue ? Si, au rebours, la procession hors du Père est imparfaite… mais qui va tolérer l'absurdité où nous tombons avec cette hypothèse ? En premier lieu, en effet, celui qui ose un tel postulat introduit l'imperfection dans la Toute Parfaite Trinité. Ensuite, il forme, à partir de deux choses imparfaites en soi, l'Esprit qui parfait toute chose. Mieux, il en arrive même à faire de l'Esprit un être composé, puisqu'il le dit venir de deux causes, en soulignant – ô langue impure et cœur misérable – que l'Esprit procède imparfaitement de chacune d'elles ! Ceux qui sont tout à fait prisonniers de ce blasphème, donneraient volontiers à l'Esprit le titre de petit-fils : et s'ils retiennent leur langue, c'est par crainte de la réaction des gens pieux ; ils n'en sont pas moins favorables à cette idée. Car si le Fils est issu du Père par génération et que l'Esprit est, à son tour, issu du Fils par procession, l'Esprit se trouve effectivement ravalé au rang de petit-fils. Conséquence inacceptable, si l'on a le moindre souci de la piété, et qu'on veuille être considéré comme chrétien. Et si la grâce de Dieu nous donne la compétence requise pour la discussion théologique, ne commettrions-nous pas une faute en dédaignant cette hérésie et en négligeant de la réfuter ? Comment, en effet, éviterions-nous alors de partager la ruine qui menace les blasphémateurs ? 10. Pour toi, cher et vénérable hiérarque, saint parmi les saints, montre-leur encore ces conséquences de leur dogme absurde. L'Esprit procède – dans leur hypothèse – de par la génération du Fils77. Or la naissance du Fils et la procession de l'Esprit hors du Fils naissant sont simultanées ; donc, par rapport au Père, l'Esprit sort par génération aussi bien que le Fils : puisque le Père engendre le Fils et que l'Esprit co-jaillit avec le Fils engendré. Car si leurs sorties ne sont pas simultanées, mais que le Fils naisse dans un instant donné, et qu'il faille un autre instant pour la procession de l'Esprit hors du Fils – ils en sont quasiment réduits à ce genre d'inventions – il en résulte nécessairement que l'Esprit est plus jeune que le Fils, puisqu'Il vient après la naissance du Fils… Mais si, conscients de ce danger, ils renoncent à cette trop évidente théomachie (guerre contre Dieu), ils retombent dans la première difficulté, et sont obligés de confesser l'Esprit engendré. 11. J'ai appris également qu'ils osent attaquer saint Paul lui-même, ce Maître et Docteur de l'univers : ils invoquent son témoignage d'homme de Dieu à l'appui de leur propre hérésie. Voici leur argument. « L'Apôtre dit ceci : Dieu a envoyé l'Esprit de Son Fils qui crie dans nos cœurs : Abba, Père ! » Eh bien ! Ceux qui s'imaginent trouver dans cette phrase de l'Apôtre une justification de leur propre ignorance, doivent bien savoir que ce mot même de Paul, dont ils se font un bouclier, inflige à leur erreur la plus éclatante réfutation. Il n'est évidemment pas question pour nous de critiquer saint Paul et sa prédication ; mais nous leur reprocherons de falsifier ses paroles, toutes palpitantes du souffle divin. Puisqu'ils n'ont pas honte de lui imputer des paroles et des pensées qu'il n'a jamais eues, la condamnation qu'ils portent contre lui retombe sur leur tête. Or donc, que dit cet homme céleste ? Que l'Esprit du Fils est envoyé par le Père. Très bien. Confesse donc la même chose que Paul. Oui, Il est l'Esprit du Fils, parce que – Il n'est jamais étranger au Fils, – Il ne le contredit jamais, – Il ne pose jamais d'autre Loi que celle du Fils, Et, en outre, – Il a la même essence et la même force que le Fils, – Il a la même volonté et le même pouvoir de décision, – Il est, à l'égard de l'Un – le Père – dans le même rapport de dépendance que le Fils : le Premier naît de l'Un, et le Second en procède ; et voilà pourquoi Paul a dit qu'Il est « l'Esprit du Fils ». Ils n'ont donc qu'à tenir ce langage, et personne n'ira les taxer d'hérésie. Paul n'a pas dit : « Il procède du Fils » ; mais certains le lui font dire, calomniant sa doctrine, et se rendant eux-mêmes coupables d'hérésie. S'ils croient que le fait de L'appeler « Esprit du Fils » implique qu'Il procède du Fils, ils vont aussi dogmatiser que le Père procède du Fils, puisque le Père est constamment appelé Père du Fils. De plus, leur interprétation va donner lieu à une multiplication sans fin des causes et des producteurs de l'Esprit : ne l'appelle-t-on pas aussi bien Esprit de Sagesse, de Connaissance, de Force, et de tous les attributs de ce type qui conviennent à la Divinité ? Si donc, sous prétexte qu'on rattache l'Esprit à toutes ces choses par un complément de nom, ils soutiennent que l'Esprit procède d'elles, eh bien ! nous pouvons dire que nous avons affaire à des esprits bien perspicaces ! Mais comment ne pas voir le gouffre d'erreur, l'abîme effroyable où leur subtile démarche les fait tomber ? 12. Envisageons un autre aspect de leur doctrine ; là encore, nous la verrons produire au jour un nouveau blasphème. Par hypothèse, l'Esprit procède du Fils sans être ni antérieur ni postérieur à la naissance du Fils, puisque ces déterminations temporelles sont totalement exclues de la Sainte Trinité. L'Esprit, disons-nous, procède simultanément, mais de l'Un et de l'Autre : à la fois du Père et à la fois du Fils. Alors le Projeté (l'Esprit) va se trouver différencié en soi-même, en fonction des hypostases, des personnes qui le projettent. Il y aura donc deux Esprits au lieu d'un, l'un procédant du Père, l'autre du Fils. Car le contraire serait quelque chose de monstrueux et d'inouïe, qu'on ne saurait voir nulle part, pas même chez les êtres qui se reproduisent par génération. En effet, il est bien clair que plusieurs êtres différents en tant qu'hypostases (individus), peuvent sortir d'une seule et même personne. En revanche, qu'un seul et même être, hypostatiquement un, sorte de principes différents sans comporter en soi la diversité des personnes qui l'ont produite, c'est un phénomène inconnu et sans exemple. Ni la génération, ni aucun mode de production, serait-il supérieur à la génération, ne nous en offre la moindre trace. 13. Prenons le cas des enfants. Il arrive souvent qu'il en naisse plusieurs, ensemble ou l'un après l'autre, d'un seul et même sein. Autre exemple : la même main frappe, écrit, fait le bien et se tend vers Dieu. Or écrire est une tâche propre à la main ; de même, si l'on veut, pour le pied. Qui croirait, à moins d'être fou, que la marche soit l'acte spécifique aussi bien de la main que du pied, que l'action de voir appartienne autant à l'œil qu'à l'oreille, ou autre chose de cette espèce ? Tout au contraire, de même que les membres sont délimités et localisés dans l'espace, qui les distingue les uns des autres, de même, leur action, l'énergie propre de chacun d'eux est liée spécialement à la nature du membre qui agit, et se distingue de toutes les autres. La même spécificité existe au niveau des êtres totalement indépendants, c'est-à-dire des hypostases, des personnes78. 14. Quel échappatoire reste-t-il aux partisans de ce blasphème ? Le Malin a tant de ruse pour nous tromper ! Toutefois, la force et la sagesse de la Pierre Angulaire, parlant par la bouche de Ses serviteurs, déjoue facilement ses stratagèmes. Allons ! À quel subterfuge vont-ils à présent recourir pour raffermir leur théorie blasphématoire ? De quelle autorité vont-ils se couvrir ? De la parole même du Seigneur ! Oui, il ne leur suffit pas de blasphémer contre le Maître ; il faut encore qu'ils prouvent que c'est Lui qui leur a donné l'idée de ce blasphème, et qui en a fait une loi. « Le Sauveur, avancent-ils, a dit : « Celui-ci recevra du Mien (ek toû emoû) et Il vous l'annoncera » (Jn 16, 14). Or, ce passage est précisément celui auquel nous pourrions nous référer pour les réfuter, et pour démontrer que l'Esprit reçoit du Père et procède du Père et non du Fils, d'une façon absolument imparable. Donc, si ces hommes présentent, à l'appui de leur hérésie, la citation qui, en réalité, les contredit de la plus belle manière, n'a-t-on pas lieu de les plaindre ? Ces théoriciens lamentables se révèlent encore plus lamentables dans la discussion. N'est-ce pas la citation rêvée ? Quoi de plus clair que cette parole du Seigneur pour réfuter leur audacieuse théorie ? On ne saurait montrer plus lumineusement que l'Esprit procède du Père et non du Fils79. 15. En effet, ce que le Seigneur nous enseigne ailleurs quand Il dit que l'Esprit procède du Père (Jn 15, 26), Il l'exprime ici dans ces mots : « L'Esprit recevra (prendra) du Mien ». Remarquons-le : Il ne dit pas « de Moi », mais bien « du Mien », c'est-à-dire, évidemment, du Père. À moins qu'il n'existe, pour eux, quelqu'un d'autre, en dehors du Père et de l'Esprit, qui soit au Fils et dont le Fils puisse dire « le Mien ». Si nos adversaires s'imaginent que des témoignages aussi accablants pour eux vont dans leur sens, je ne vois pas quel avocat ils pourront encore trouver pour soutenir leur dogme absurde. Ils se montrent incapables de comprendre des textes, même universellement connus ; incapables de garder la doctrine qu'ils avaient entre les mains ; et ils ne daignent pas apprendre d'autrui ce qu'ils ignorent. Ils auraient dû chercher avec passion, et appeler au secours, des hommes sages qui les auraient tirés de leur inculture. Eux, tout au contraire, se présentent comme des maîtres et des docteurs de leurs propres élucubrations. Puisque le Seigneur dit : « L'Esprit recevra du Mien et vous l'annoncera », n'ont-ils pas de scrupule à comprendre les mots « du Mien » autrement que le Sauveur ne les a prononcés ? Pourquoi faussent-ils ce qu'Il a dit, en lisant « de Moi » au lieu de « du Mien » ? Car c'est peut-être cette lecture qui les a induits à penser qu'il y avait là une confirmation de leur idée. Or, en admettant même que le Seigneur ait dit cela – ce qui n'est pas le cas –, je soutiens que leur interprétation resterait inacceptable. Car le terme de lambanein (prendre, recevoir) n'est pas toujours employé pour signifier la procession. Il peut même revêtir, dans certains contextes, un sens tout à fait différent. Il y a ici deux idées à bien distinguer. Le fait qu'une hypostase reçoive et puise quelque chose dans autre hypostase, n'a rien à voir avec le fait de procéder, c'est-à-dire de recevoir son être et son hypostase. Ainsi, en considérant simplement le sens des termes employés, je ne vois pas que leur pensée soit justifiée. Tout autre argument venant d'eux se révèle imbu de la même démence, et produit par la même ignorance ; et tout juste bon à les enfoncer dans la même impiété, qui les mène à la mort. 16. Voici leur nouvel argument : « Admettons ce que vous dites ; mais Ambroise le Grand, Augustin80, Jérôme et quelques autres, qui jouissent de la même autorité et de la même importance doctrinale que ces trois Pères, et qui sont aussi renommés pour leur vie éclatante et vertueuse, ont enseigné plus d'une fois dans leurs ouvrages que l'Esprit procédait du Fils. C'est à la suite de ces guides que nous croyons et confessons cette doctrine ; et nous nous gardons bien d'outrager ces Pères et de les taxer d'hérésie ! » La première réponse à leur faire saute aux yeux : si une dizaine, voir une vingtaine de Pères avaient dit cela, alors que dix-mille disent le contraire, je demande : qui insulte les Pères ? Ceux qui restreignent ce vaste océan de piété à une toute petite minorité, et qui font de cette poignée d'hommes des contradicteurs et des ennemis des Conciles Œcuméniques et de la multitude innombrable des Pères théophores ? Ou ceux qui se réclament de la grande majorité ? « Si l'on refuse de dire que l'Esprit procède du Fils, dit notre adversaire, on bafoue les Pères, qui l'ont bel et bien déclaré ». Mais si l'on accepte de le dire, ne va-t-on pas bafouer bien davantage les Pères qui, dans leur écrasante majorité, n'ont jamais accepté ce dogme un seul instant ? « Mais c'est insulter les Pères, que de dire le contraire de ce qu'ils ont dit ». N'est-ce pas insulter, bien plus gravement, la Majesté du Maître de tous, que de falsifier Ses paroles et de se choisir un autre guide que Lui pour apprendre la théologie ? D'autre part, qui donc tient ses propos que vous me prêtez ? Oui, qui insulte Augustin, cet homme sacré, Jérôme, ou Ambroise ? N'est-ce pas plutôt celui qui les prétend en opposition au Maître et Docteur de Tous ? Et non pas celui qui, sans s'avancer sur ce terrain, estime simplement que tout le monde doit se conformer aux saints décrets du Maître de l'univers. 17. « Mais, de deux choses l'une, insistent nos adversaires : ou bien ces Pères dont nous parlons ont énoncé un dogme juste, et alors tous ceux qui les mettent au nombre des Pères doivent aussi embrasser cette opinion ; ou bien ils ont proféré une impiété, et alors il faut les condamner totalement, avec le dogme hérétique ». Quelle injustice extrême ! Voilà donc jusqu'où l'impiété les pousse ! Non contents de cette subversion de toute la Théologie, dont ils se font une loi, ils trouvent qu'ils n'ont fait que la moitié du chemin, s'ils ne réussissent pas à salir ceux-là mêmes qu'ils présentent comme leurs Pères ! Ils les soumettent à un examen impie, et ils « découvrent leur honte ». Oui, ils sont bien les émules de Cham qui, au lieu de voiler la honte de son père eut l'audace et l'impudence de la découvrir81. Au contraire, les enfants de l'Église, les cœurs fidèles aux enseignements de la doctrine sacrée, savent, dignes imitateurs de Sem et de Japhet, à la fois couvrir la honte de leur père, et condamner la conduite des sectateurs de Cham en fuyant leur compagnie. 18. Il convient également de remarquer que, si les hommes que nous avons appelés nos Pères n'ont rien dit qui aille contre le Maître commun, nous ne les contredisons pas non plus le moins du monde. En revanche, si vous dites, vous, qu'ils se sont opposés aux paroles du Maître, vous assumez la responsabilité d'une double faute : vous mettez le Maître au second rang, derrière eux ; et vous les condamnez eux-mêmes gravement pour avoir négligé le commandement du Maître. Que d'excuses, pourtant, on pourrait invoquer, pour innocenter ces personnages bienheureux ! Que de circonstances ont pu contraindre beaucoup d'entre eux à taire telles ou telles choses, et à en dire d'autres, par souci de ménager l'auditoire, ou encore pour répondre aux attaques des hérétiques, ou enfin, en raison d'une ignorance toute humaine, qui est notre lot à tous ! L'un, dis-je, était en pleine polémique contre les hétérodoxes ; l'autre voulait s'adapter à la faiblesse de ses auditeurs ; le troisième poursuivait un autre but, et l'occasion le pressant, il a dû renoncer, dans une mesure non négligeable, à la rigueur et à l'exactitude, dans le dessein de sauvegarder une vérité plus essentielle. Voilà comment les uns et les autres se sont trouvés amenés à dire et à faire ce que nous ne pouvons ni dire ni faire à présent. 19. Songeons, par exemple, à Paul, pour ne citer que lui. N'a-t-il pas, lui, l'admirable docteur de l'univers, accepté de se purifier selon les préceptes de la Loi et, notamment, de se raser (Actes 18, 18) ? N'a-t-il pas « nourri de lait » ceux qui en étaient encore aux rudiments de la doctrine chrétienne, leur refusant l'aliment solide » (1 Cor. 3, 2) ? Et si l'on voulait, en partant de lui, étudier l'Histoire en détail, et relever, chez les auteurs du chœur sacré des Pères, tous les cas semblables, on y passerait la vie entière ! Or, celui qui aborde ce genre de passages en faisant abstraction de la faiblesse des auditeurs du moment, de la nécessité où se trouvait l'orateur d'user de ménagement dans ses propos, et de la polémique qu'il avait engagée contre ses adversaires, bref, si l'on présente ces extraits tels quels, sortis de leur contexte, comme autant de dogmes et qu'on les adopte à ce titre, leurs auteurs eux-mêmes protesteront contre un tel procédé et le condamneront. 20. D'autre part, si les auteurs en question ont été avertis du point litigieux, et qu'ils ont néanmoins persisté dans leur opposition au chœur des Pères ; s'ils ont poussé l'audace jusqu'au défi et à la rébellion ouverte ; s'ils ont persévéré dans cette opinion dévoyée et sont morts en sachant ce qu'on leur reprochait ; alors, oui, sans aucun doute, nous devons les rejeter avec leur dogme erroné. En revanche, s'ils ont risqué une formulation incorrecte, et qu'une raison aujourd'hui oubliée, les a conduits à faire une entorse à la justesse de la foi ; si aucune enquête ne leur a été proposée sur le point en question ; si personne ne les a invités à s'éclaircir sur la Vérité ; dans ce cas, nous continuerons, comme s'ils n'avaient jamais tenu ces propos, de les considérer comme des Pères, à cause de l'éclat de leur vie, de la vénération que nous devons à leur vertu, et de leur pieuse foi orthodoxe, par ailleurs irréprochable. Nous ne suivrons pas dans leurs définitions entachées d'erreur. Nos disputeurs agissent à l'inverse. En voulant, à toute force, mettre le témoignage de ces Pères en conflit avec la voix du Seigneur, ils semblent, verbalement, les honorer et les appeler « Pères » ; mais en réalité, au terme de leur raisonnement, ils en font des ennemis et des parricides. Nous, qui sommes conscients du fait que plusieurs Pères et Docteurs bienheureux se sont écartés, en bien d'autres cas, de la rigueur parfaite des dogmes orthodoxes, nous refusons, chaque fois, de suivre leur erreur et de l'incorporer au contenu de la foi ; mais nous conservons à leur personne notre vénération. Nous agirons de même ici, s'il est prouvé que certains se sont trompés et on dit que l'Esprit procédait du Fils. Nous n'accepterons pas cette idée, qui s'oppose à la parole du Seigneur ; mais nous ne chasserons pas hors du chœur des Pères ces hommes dignes de vénération. 21. Denys d'Alexandrie n'est-il pas dans ce cas ? Tout en le rangeant dans le chœur des saints Pères, nous ne recevons pas les propos arianisants qu'il a tenu contre le Libyen Sabellius82. Que dis-je « nous ne recevons pas » ? Nous les rejetons même avec la dernière énergie ! On peut en dire autant de Méthode, le Grand Martyr, l'archevêque, qui eut les clefs du Trône de Patares ; et aussi d'Irénée, l'évêque de Lyon, et de Papius d'Hiérapole. Méthode a obtenu la couronne du martyre ; les deux autres se sont montrés des dignes successeurs des Apôtres, et leur vie vertueuse brille d'un éclat vraiment merveilleux. Eh bien ! S'ils n'ont pas toujours été à la hauteur de la Vérité et se sont quelquefois égarés dans des opinions contraires au dogme commun de l'Église, nous ne les y suivrons pas ; mais nous ne diminuons nullement l'honneur et la gloire qui leur reviennent en tant que Pères. 22. La journée entière n'y suffira pas, si j'entreprends de dresser la liste de tous ceux que nous honorons et vénérons comme des Pères sans pour autant marcher derrière eux quand leur chemin s'écarte de la vérité. C'est bien ce qu'il nous faudra faire dans le cas présent, s'il est établi que certains Pères ont affirmé la procession de l'Esprit hors du Fils, contre la parole du Seigneur qui nous a tous initiés. Nous nous détournerons de leur innovation, dans la mesure où elle trahit et falsifie la parole du Maître ; en revanche, pour le père de cette doctrine nouvelle, nous nous garderons de le condamner, d'autant plus qu'il n'est pas présent, et ne peut ni parler ni se défendre. Or, quand l'accusé n'est pas en mesure de comparaître ni de se faire représenter par des avocats, qui serait assez fou pour lancer une accusation ? Et sans accusateur, l'affaire ne peut venir en jugement ; sans jugement ni condamnation, il est impossible d'insulter quelqu'un qui n'a pris aucune part au débat, sans se couvrir soi-même d'infamie. 23. (1) « Des Pères ont dit que l'Esprit procédait du Fils ». Telle est l'objection. Nous répondons qu'ils sont en petit nombre et que la majorité des Pères n'a pas consenti à cette opinion. (2) Des Pères – que nous pouvons compter sur les doigts de la main – ont tenu cette doctrine ; mais les décrets des saints Conciles ont condamné ceux qui contredisent ainsi la parole du Maître. (3) Des Pères l'ont dit. Mais à quoi bon disputer sur le nombre des Pères en question ? Quand bien même la Création entière ferait monter une seule voix, personne n'abandonnera jamais la Mystagogie ni l'enseignement du Créateur et de l'Auteur de l'univers, pour Lui préférer la créature, s'il arrivait qu'elle parlât contre Son Créateur. Personne ne s'inclinera devant les lois édictées par la création, en méprisant celles du Démiurge et Fondateur du monde. 24. Tu invoques le témoignage des Pères pour soutenir ton dogme ? Voici celui du Maître Lui-même ; voici les décisions des Conciles Œcuméniques ; voici, enfin un chœur plus abondant de Pères théophores. Telles sont les sources doctrinales auxquelles se sont abreuvés, avant toi, les évêques de Rome auxquels nous faisions allusion tout à l'heure ; ils ont reçu intact, grâce au Symbole sacré de la foi, le dogme de la Trinité consubstantielle et ils l'ont transmis à toutes les provinces occidentales. Nous avons cité (a) les deux Léon – le saint Père qui s'illustra lors du Quatrième Saint Concile Œcuménique, et celui qui partagea et son nom et sa piété ; mais leur cas est loin d'être isolé. Jugez-en donc : (b) l'illustre Adrien83 a présidé aux destinées du même Trône apostolique. Or, dans sa correspondance avec le très saint et bienheureux Taraise, notre oncle paternel, il se déclare, ouvertement et sans réserve, partisan du dogme de la procession de l'Esprit hors du Père, et non du Fils. 25. (c) Nous croyons utile aussi de mentionner – quoique ces événements, étant proches de nous, soient connus de tous – les prêtres qui, de notre temps, nous sont venus de l'Ancienne Rome ; chose qui s'est produite non pas une, mais trois fois. Quand nous avons abordé, comme de juste, dans notre entretien avec eux, la question de notre foi orthodoxe, ils ne nous ont pas dit, ni laissé soupçonner dans leur pensée, aucune doctrine différente de la foi qui s'est répandue sur tout l'univers. Au contraire, ils ont proclamé, en plein accord avec nous, clairement et sans ambiguïté, que l'Esprit Saint procédait du Père. (d) Mieux encore : lors d'un concile réuni pour décider de certaines questions ecclésiastiques, les représentants envoyés de Rome par notre Père dans les saints, le Pape Jean, pour fixer avec nous la vraie et pieuse théologie, comme s'il avait été lui-même présent, ont fait connaître, par tous leurs propos et par leur signature, qu'ils adhéraient au Symbole (Credo) conforme à la parole du Seigneur, et qui a été prêché et confirmé par tous les Conciles Œcuméniques. 26. Puisqu'il en est ainsi, et que l'Église de Rome s'est toujours montrée, dans ses paroles comme dans ses pensées, en accord avec les quatre autres Patriarcats, dites-moi comment les émules de Cham peuvent, sans scrupule, dévoiler la honte de ceux qu'ils proclament leurs Pères et les ridiculiser publiquement ? S'ils avaient le moindre souci des paroles des Pères, ils auraient dû s'en rapporter aux décisions des Conciles ; se conformer aux paroles des évêques de Rome ; se mettre à l'écoute du chœur des Pères saints et théophores, au lieu de s'en tenir à quelques uns, qu'ils salissent en les accusant de rébellion contre le Maître commun, quittes à les prendre ensuite comme règle et canon de la foi. Ils auraient dû comprendre qu'ils leur faisaient beaucoup plus de tort en les présentant comme des adversaires du Seigneur, qu'ils ne les glorifiaient en les appelant « Pères ». Et même si cela leur était, au fond, égal, d'outrager les Pères, ils auraient pourtant dû trembler et s'assagir à la pensée de la sentence et de la malédiction divine qui a frappé Cham, le premier auteur d'un tel parricide ; et craignant d'imiter cet être maudit, ils ne devaient pas découvrir, mais bien plutôt cacher ce qu'ils pouvaient trouver de choquant chez leurs Pères. 27. Mais notre vœu le plus cher serait qu'il n'y ait jamais eu personne pour imiter cet acte ni encourir une telle malédiction ! Puisse le Christ notre Dieu prendre en pitié ceux qui se sont laissés aller à commettre ce parricide et se sont révoltés contre Sa parole et Sa législation ; puisse-t-Il, dans son amour pour l'homme, les relever de leur chute, les réconcilier avec ceux qu'ils ont insultés, et leur inspirer le désir de se corriger ; puisse-t-Il, enfin, les recevoir dans la bénédiction de ceux qui ont couvert la honte de leur Père et ne plus laisser personne devenir la proie et la pâture du monstre, auteur du mal. Pour Toi, cher et saint hiérarque, qui soutiens des combats pour le salut de ces hommes et qui élèves des trophées victorieux sur l'ennemi du genre humain, toi qui portes du fruit pour Dieu et Lui offres le salut des égarés, puisses-tu, au nom de tous ces exploits, garder intact et inaltérable le feu de l'amour divin que tu nous témoignes, dans le Christ Lui-même Notre vrai Dieu ; par les prières de Notre Très Sainte Souveraine la Mère de Dieu ; des anges déiformes et de tous les saints. Amen !84 V OFFICE DE SAINT PHOTIOS Note sur l'OFFICE de SAINT PHOTIOS La vénération de saint Photios, commencée peu de temps après sa dormition, est attestée par de nombreux monuments dans l'Église orthodoxe, notamment le Synodicon de l'Orthodoxie, qui acclame son nom. Son office a été édité en 1848 à Constantinople, par les soins de Constantin, métropolite de Stavroupole. Il a eu une seconde édition en 1891 et une troisième, à Athènes, en 1951, due à Jean Karmiri, et que nous avons suivie. La synaxe (fête solennelle) de saint Photios, d'abord célébrée dans le Monastère d'Érêmie ou Irémie, qui renfermait ses reliques, a été ensuite transférée au Monastère de la Sainte Trinité dans l'île de Charki. Selon la tradition, ce monastère a été fondé par saint Photios, qui lui avait donné le nom de « Nouvelle Sion ». Saint Photios y est célébré deux fois dans l'année : au jour de sa dormition dans le Seigneur, le 6 février, et au troisième jour de la Sainte Trinité, le mardi qui suit la Pentecôte. La raison de cette seconde célébration est double : elle vient, d'une part, de la pratique observée par certains monastères – notamment du Mont Athos – de célébrer leur fondateur le lendemain de la fête du Monastère ; d'autre part, comme le soulignait l'éditeur en 1848, on ne saurait trouver mieux pour célébrer le grand défenseur de la théologie du Saint Esprit que fut saint Photios. La version française que nous donnons ci-après existe également dans la Collection de chants liturgiques éditée par notre Fraternité Saint Grégoire Palamas ; la musique en a été composée par le Professeur Jean-Joseph Bernard, d'après les modèles traditionnels. Texte : Akolouthia toû en Agiois patros hêmôn kai isapostolou Photiou, Patriarkhou Konstantinoupoleos toû omologêtou, Éd. J. Karmiri, Athènes 1951. OFFICE de SAINT PHOTIOS Le Six Février Mémoire de Notre Père dans les Saints Égal aux Apôtres PHOTIOS Patriarche de Constantinople et Confesseur PETITES VÊPRES Seigneur, je crie vers Toi… À partir du verset 4 : Nous te chantons, très saint Photios, grand-prêtre du Seigneur, gloire des Patriarches, premier flambeau de l'Église du Christ ; par tes prières garde-nous sous ta protection, nous qui vénérons ta dormition. Dans la joie du séjour céleste, où tu demeures avec les anges, tu te tiens avec assurance auprès du trône du Seigneur ; prie-Le de nous donner, à nous qui, sur terre, fêtons ta mémoire, le pardon des péchés et la délivrance de nos passions. Avocat de Dieu, trois fois bienheureux, ton cœur purifié s'est rempli de clartés sous les rayons de l'Esprit divin ; astre scintillant, tu as dissipé par la grâce divine les ténèbres affreuses de l'hérésie. Placé désormais dans les rangs des anges du ciel, tu te tiens devant la Sainte Trinité, ô Père bienheureux ; prie-La pour nous qui célébrons pieusement ta mémoire sacrée et délivre-nous des périls. Gloire… Venez tous les fidèles, acclamons dans la foi le hiérarque et l'ami du Seigneur, le tout admirable Photios ; rempli des dogmes des Apôtres, et devenu par ses vertus, le séjour du Saint Esprit, il a chassé les loups hors de l'Église Catholique ; clair interprète du Credo de la foi, il a été la colonne et le champion de l'orthodoxie ; aussi, quittant la terre, il est allé au Christ, et il Le prie, sans cesse pour le salut de nos âmes. Maintenant… GRANDES VÊPRES Introduction, Psaume 111 : « Heureux l'homme qui craint le Seigneur… » Psaume lucernaire avec les trois premiers stichères de la Fête, puis ceux du Saint : 1. Par la volonté divine, tu fus élu Pasteur de l'Église du Christ, tu abattis le soulèvement de l'hérésie en réfutant l'addition faite au Symbole ; alors tous les fidèles d'une seule voix t'applaudirent et dans la joie crièrent : « Gloire à Toi, Trinité toute sainte, Gloire à Toi, Trinité consubstantielle ! » 2. Par la faute de juges iniques, ô Père, tu fus injustement chassé de ton troupeau, ô sage Photios, toi l'admirable et tout auguste, le hiérarque inspiré et l'ami du Seigneur ; alors le peuple entier des Orthodoxes, étonné devant ta constance disait, le cœur serré de stupeur et d'effroi : « Voici que le juste a été enlevé du milieu des hommes ». 3. Lorsque tu t'endormis saintement, du sommeil qui sied aux justes, ô Photios glorieux, la foule des théologiens t'entoura comme d'une escorte, toi leur champion indéfectible et toutes les armées des anges applaudirent à ton ascension ; alors la Sainte Trinité, pour laquelle tu luttas sans fléchir, te couronna des diadèmes de la gloire. 4. Cithare de la grâce, lyre du Saint Esprit, colonne inébranlable de la Foi divine, défenseur de l'Orthodoxie, docteur éminent, hiérarque glorieux, tu es l'affermissement de l'Église, le plus éclatant des braves du Seigneur ; nous te célébrons par nos chants dans la divine piété, ô très saint Photios. 5. Chantons le rhéteur au souffle de feu, le Docteur de l'univers, le divin Proèdre de Constantinople, le grand prêtre très glorieux, le pasteur tout-parfait de l'Église du Christ, le resplendissant Photios ; nous les Orthodoxes unanimes, d'une seule bouche dans nos hymnes sacrées, le premier des patriarches. 6. Un injuste décret t'exila de ton troupeau ; à cause de la foi, tu devins familier de l'épreuve et des tribulations, ô Photios très patient, ô Père glorieux, hiérarque étincelant, fermeté de l'Église, colonne inébranlable ; aussi nous t'honorons avec ferveur, toi le docteur, l'initié et la gloire de l'Orthodoxie. Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit ; 7. Père trois fois heureux, tête sainte et sacrée, tu es le bon pasteur et le vrai disciple du Christ, du Maître des pasteurs, donnant Sa vie pour Ses brebis ; dans tes prières, supplie-Le, ô Père saint Photios, de nous donner Sa grande bonté. Maintenant et toujours et aux siècles des siècles, amen. Théotokion de la Fête. Puis : Entrée, « Lumière joyeuse… », Prokimenon et les Lectures. LECTURES Lecture du Livre des Proverbes La mémoire du juste réside au milieu des louanges Et la bénédiction du Seigneur repose sur sa tête. Bienheureux l'homme qui a trouvé la sagesse Et le mortel qui a vu l'intelligence. Mieux vaut l'acquérir que des trésors d'or et d'argent, Elle a plus de prix que les joyaux précieux. Rien de mauvais ne peut aller contre elle, Elle se fait connaître de ceux qui l'approchent. Tout ce qu'on estime n'est rien comparé à elle, Car de sa bouche procède la justice, Loi et bonté sont sur sa langue. Ainsi donc, écoutez-moi, enfants, Je vais faire entendre des choses graves Et bienheureux celui qui gardera mes voies. Car mes issues sont des issues de vie Et la faveur s'obtient du Seigneur. Voilà pourquoi je vous exhorte Et que ma voix s'adresse aux fils des hommes. Parce que moi, la Sagesse, j'ai formé conseil, Connaissance et réflexion ; C'est moi qui les ai convoqués. Résolution et certitude sont à moi, Mienne est l'intelligence, la force m'appartient. Ceux qui me chérissent, je les aime ; Ceux qui me cherchent trouveront grâce. Ainsi donc, vous les simples, comprenez la finesse ; Vous les ignorants, recevez un cœur. Prêtez-moi l'oreille encore une fois Car je vais dire des choses graves Et, de mes lèvres, révéler la droiture. Car ma langue va proclamer la vérité ; Abominables devant moi, les lèvres trompeuses ! La justice accompagne toutes les paroles de ma bouche, En elles rien d'oblique ni de tortueux. Toutes sont sans détour pour ceux qui comprennent, Et droites pour qui trouve la science. Car je vous enseigne le vrai Afin que vous placiez dans le Seigneur votre espérance Et soyez remplis de l'Esprit. Lecture de la Sagesse de Salomon Quand le juste sera loué, les peuples exulteront ; car sa mémoire, c'est l'immortalité ; elle se fait connaître de Dieu et des hommes. Son âme est agréable au Seigneur. Hommes, désirez la Sagesse ; éprenez-vous d'Elle et vous recevrez instruction. Car son principe c'est l'amour et l'observance des lois. Vénérez la Sagesse afin de régner à jamais. Je vous l'annonce haut et clair et je ne vous cacherai pas les mystères de Dieu. Car Il est Lui-même et le guide de la Sagesse et le directeur des Sages. Et dans Sa main sont toute intelligence et tout savoir pratique. L'intelligence universelle instruisit la Sagesse ; car il est en Elle un Esprit intelligent et saint. Éclat de la lumière éternelle et image de la bonté de Dieu, c'est Elle qui forme les amis de Dieu et institue les Prophètes. Elle est plus belle que le Soleil et plus élevée que tous les astres. Comparée à la lumière, Elle apparaîtra plus précieuse. Ceux qui se souciaient d'Elle, Elle les tira des malheurs et les guida sur des chemins dégagés. Elle leur donna la sainte connaissance et les garda de ceux qui leur tendaient des pièges ; d'une lutte ardente, ils sont sortis vainqueurs et couronnés par Elle, afin que l'on sût bien, de par tout l'univers, que la piété est plus forte que tout. Jamais le mal ne saurait prévaloir sur la Sagesse, ni la Justice laisser impunis les méchants qu'Elle accuse. Car ils ont dit en eux-mêmes, dans leurs faux raisonnements : « Traitons le juste à notre bon plaisir, n'épargnons pas sa sainteté, n'ayons pas même égard aux cheveux blancs du vieillard chargé d'années ! Que notre force fasse la loi. Et nous tendrons un piège au juste, parce qu'il nous est insupportable, qu'il s'oppose à nos œuvres et nous charge des péchés de notre jeunesse. Il prétend avoir la connaissance de Dieu et se proclame enfant du Seigneur. Il nous est devenu le reproche vivant de toutes nos pensées. Rien qu'à le voir, il nous dégoûte, parce que sa vie ne ressemble pas à celle des autres et que ses voies sont différentes. Nous comptons comme de la fausse monnaie à ses yeux ; il s'écarte de nos chemins comme s'ils étaient pleins d'ordures et tient pour un bonheur les misères des justes. Voyons un peu si ce qu'il dit est vrai, mettons-le à l'épreuve, pour voir ce qu'il en sort. Éprouvons-le par l'outrage et les vexations afin de connaître sa patience et d'évaluer sa résignation. Condamnons-le à une mort infâme ; à ses paroles, il se fera connaître ». Ainsi ont-ils raisonné et ils se sont égarés ; car leur propre malice les a aveuglés. Et ils n'ont pas connu les mystères de Dieu ; ni discerné que Toi seul es Dieu, Toi qui as pouvoir de vie et de mort, qui sauves au temps des dangers et délivres de tout mal ; le miséricordieux, le compatissant, qui donnes Ta grâce à Tes saints et, de Ton bras, résiste aux orgueilleux. Lecture de la Sagesse de Salomon La bouche du juste distille la sagesse et les lèvres des hommes savent les bonnes paroles ; la bouche des sages fait retentir la sagesse. Or, la justice les arrache à la mort. Quand le juste périt, l'espérance ne meurt point, car un fils juste naît à la vie et, dans ses biens, il vendangera le fruit de la justice. Pour les justes, la lumière brille à jamais et, auprès du Seigneur, ils trouveront la grâce et la gloire. La langue des Sages connaît ce qui est bon et, dans leur cœur repose la sagesse. Le Seigneur aime les cœurs sanctifiés ; ceux qui sont intègres dans la voie de la Sagesse du Seigneur, tous lui sont agréables ; Il éclairera le visage de l'homme intelligent. Car la sagesse prévient le désir de ceux qui la recherchent ; avant d'être connue et sans effort, Elle se montre à ceux qui sont amoureux d'Elle. Qui se lève à l'aube pour Elle ne sera pas longtemps à la peine, qui veille à cause d'Elle sera vite hors de souci. Car pour ceux qui sont dignes d'Elle, Elle part Elle-même de tous côtés à leur recherche et, sur les chemins, se présente à eux dans Sa bienveillance. Jamais le mal ne prévaudra sur la sagesse. Voilà pourquoi je suis devenu amoureux de sa beauté, je me suis épris d'Elle et je l'ai recherchée depuis ma jeunesse et j'ai désiré la prendre pour épouse. Car le Maître du tout l'a aimée. Oui, elle est initiée à la science de Dieu et choisie pour œuvrer avec Lui. Ses Labeurs sont les vertus : elle enseigne tempérance et prudence, justice et force, ces quatre vertus dont rien n'égale l'utilité dans la vie des hommes. Si l'on désire encore une riche expérience, elle sait dépeindre le passé et figurer l'avenir, elle sait l'art d'envelopper les paroles et de démêler les énigmes ; signes et prodiges, elle les connaît d'avance, ainsi que les effets du temps et des saisons. Elle est pour tous une bonne conseillère, car en elle se trouve l'immortalité et, dans sa conversation, la bonne renommée. Voilà pourquoi je me suis adressé au Seigneur et je L'ai supplié et j'ai dit de tout mon cœur : « Dieu des Pères et Seigneur de miséricorde, Toi qui as tout créé dans Ton Verbe et, par Ta Sagesse, as façonné l'homme pour qu'il domine sur les créatures que Tu as faites et gouverne le monde dans la justice et la sainteté. Donne-moi Celle qui partage Ton Trône, la Sagesse, et ne me retranche pas du nombre de Tes enfants ; car je suis Ton serviteur et le fils de Ta servante. Envoie-La de Ton séjour saint et du trône de Ta gloire, pour qu'Elle se tienne auprès de moi et m'enseigne ce qui T'est agréable et qu'Elle se tienne auprès de moi et m'enseigne ce qui T'est agréable et qu'Elle me conduise dans la connaissance et me garde dans Sa gloire. Car le raisonnement des mortels est une misère et leurs pensées, des ombres chancelantes ». Litie Que la ville de Constantin exulte dans le Seigneur, que toutes les cités, les îles et les contrées soient ravies d'allégresse, célébrant aujourd'hui la mémoire très sainte du bienheureux Photios, le grand archi-pasteur, le docteur lumineux de l'Église Universelle. De son vivant, il a livré de grands combats pour la foi de l'Évangile, et maintenant, dans les cieux, il jouit de la glorieuse récompense de ses travaux et supplie le Christ Dieu pour le salut de nos âmes. Nous t'offrons nos acclamations, ô Grand Pontife et pasteur souverain, saint et parfait prédicateur de la piété, bouche embrasée du Saint Esprit, et dans notre désir ardent nous te prions : ô Père saint Photios, donne-nous tes prières, pour le salut de nos âmes ! Homme de Dieu, et serviteur fidèle, liturge du Seigneur, homme de désirs, vase d'élection, colonne et soutien de l'Église, héritier du royaume, ne nous retire pas tes prières, mais intercède auprès du Seigneur pour le salut de nos âmes. Gloire… C'est bien, bon et fidèle serviteur, tu as bien travaillé dans la vigne du Christ, tu as porté le poids et la chaleur du jour, tu as fait fructifier le talent qui te fus confié, et tu n'as pas envié ceux qui sont venus après toi. La porte des cieux s'ouvre devant toi : entre dans la joie de ton Seigneur, et supplie-Le pour nous qui te chantons, Père très saint. Maintenant… Et les prières usuelles. Apostiches Réjouis-toi, Grand Prêtre du Christ, réjouis-toi, éclat majestueux des Pères, orné des splendeurs de l'action et de la contemplation, trésor des vertus divines, séjour de la douceur, logis de la prière, assise de la sagesse éternelle, chemin léger vers l'humilité, soleil d'intelligence, parvis sacré de la paix, demeure de la double charité, l'amour de Dieu et celui du prochain ; intercède auprès du Christ pour qu'Il donne au monde Sa grande bonté. Réjouis-toi, modèle des hiérarques et prince des docteurs, ô couronné de gloire, brillant par ta parole et par l'éclat des dogmes, pasteur tout admirable, égal aux Apôtres, langue éloquente qui pourfend l'hérésie, telle le glaive à deux tranchants, lyre aux sons mélodieux, esprit digne des cieux, colonnes de l'Église et force des fidèles, supplie le Christ d'envoyer sur nos âmes Son abondante miséricorde. Réjouis-toi, splendeur des Patriarches, réjouis-toi, fierté de tous les prêtres, divine source des dogmes, colonne inébranlable et base indéfectible affermissant l'Église, canon parfait de la Foi, très sage mystographe, ô Père saint Photios, rempart de la Vérité, hiérarque scintillant, excellent et glorieux, homme égalant les cieux, ange habitant la terre, gloire des Orthodoxes, ruine des cacodoxes, ne laisse pas de supplier le Christ pour tous ceux qui t'honorent. Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit ; À la reine des villes sied un nouveau titre de gloire : le Grand Prêtre Photios brille à son front tel un joyau royal ; comme une trompette à la voix claire, il fait retentir dans tous les horizons les dogmes salvifiques et, rassemblant tout l'univers, l'incite à tresser des chants dignes de Dieu. Crions donc à Photios : Photios au verbe de lumière, Photios au nom lumineux, intercède auprès du Christ Dieu pour qu'Il sauve nos âmes. Maintenant et toujours et aux siècles des siècles, amen. Théotokion de la Fête. Exapostilaire (Tropaire de saint Photios) Émule des Apôtres, Docteur de l'univers, ô Photios, prie le Maître du monde, de donner à tous la paix et à nos âmes Sa grande miséricorde ! MATINES Premier Cathisme Le printemps de mon âme a brillé ; ta mémoire éclatante, ô très sage Hiérarque et bienheureux Photios, resplendit aujourd'hui. Venez, tous les fidèles, acclamons dans la joie celui qui raffermit la Foi des orthodoxes par la force du Saint Esprit. Deuxième Cathisme Héritier de l'éclat de Dieu, tu as vécu divinement dans l'ascèse et reçu la parure d'un sacerdoce au nom lumineux : interprète surnaturel, tu découvres le sens des dogmes et, par l'Orthodoxie, tu renforces la Foi ; ô Père saint, supplie le Christ Dieu de nous donner Sa grande miséricorde. Troisième Cathisme Ô saint pontife, héraut sacré de Dieu, oracle lumineux de l'Église, tu répands la rosée de la grâce dans le cœur des fidèles ; tu engloutis dans tes flots l'esprit des hérétiques ; tu fais jaillir et ruisseler la grâce des miracles, l'eau véritable qui lave entièrement toutes les souillures des passions, Père sacré, couvert de toute gloire, ô bienheureux Photios ! Anavathmi : 1er antiphone du Ton 4 Prokimenon : Ma bouche proclamera / la sagesse. V. : Écoutez ceci, tous les peuples. Que tout souffle loue le Seigneur… Évangile : Jean 10, 9-16. Psaume 50. Gloire… Par les prières du hiérarque, Seigneur plein de bonté, efface la multitude de nos fautes ! Maintenant… Par les prières de la Mère de Dieu (Cf. Commun) Aie pitié de moi, ô Dieu… (Cf. Commun). La grâce a coulé par tes lèvres, ô Père saint et t'a rendu pasteur de l'Église du Christ ; tu as conduit les brebis raisonnables, leur enseignant à croire en la Trinité consubstantielle, dans une seule Divinité. Canons : 4 tropaires de la fête, 4 tropaires du saint, catavassia de la fête. CANON ODE 1 Aurore au flamboiement divin, Saint dont le nom est lumière, Chasse les ténèbres de mon cœur Et, par l'éclat de tes flambeaux, Illumine-moi de lumière divine Pour que je chante tes exploits. En toi, ô Père saint Photios, Nous reconnaissons l'appui de notre foi, Le docteur de l'Église, La colonne immuable du Credo ; Et nous te louons, bouche de feu ardent Et flambeau de la grâce aux nombreuses clartés. Tu as lutté selon les règles, Père divin, Et tu as bravé le danger, en hiérarque fidèle, Pour le dogme divin. Dans les rets de tes enseignements, Tu as étranglé un fauve enragé, Nicolas le vain penseur. Théotokion Chantons de nos voix unanimes Marie la Toute-Pure, La seule parure de l'humanité. Elle a porté dans son sein Dieu incarné Et elle est restée Vierge sans tache. ODE 3 L'horrible dragon d'Occident Se mit à proférer tout haut son blasphème : Le voilà muselé par tes paroles, Ô luminaire très ressemblant à Dieu ! Aussi, tous les orthodoxes, Nous te célébrons dignement. Le serpent de l'hérésie agonise ; Tes sages discours, ô Père, l'ont atteint Comme une pierre jetée avec force Et ils lui broient la tête. C'est pourquoi l'Église te glorifie dignement. Par le témoignage authentique des Écritures Ô sage, tu as démontré Que la grâce de l'Esprit est commune à la Trinité Et reçoit le nom d'Esprit Mais que Son hypostase procède du Père. Théotokion Né du Géniteur sans principe, Le Verbe antérieur à toute origine A maintenant reçu de toi, ô Pure, Une origine en s'incarnant Et Il s'est soumis au temps, Lui qui domine tous les temps. Cathisme Imitateur zélé du Prophète Élie, tel un nouveau Jean Baptiste, tu as réprimandé avec courage des princes qui transgressaient la Loi ; tu as paré de splendeur divine le trône patriarcal et, par le flot de tes enseignements, tu as comblé l'univers de richesse. Hiérarque inspiré, citant les mots de l'Écriture, tu as confirmé les Croyants et bousculé les infidèles. Prie le Christ Dieu d'accorder le pardon des péchés à ceux qui fêtent avec désir ta mémoire très sainte. ODE 4 Dans ta jeunesse, tu as montré la tempérance, Dans ta vieillesse, l'intelligence, Et dans toute ta vie, la force d'âme, la patience Et la charité envers tous ceux qui clament : Gloire à Ta puissance, ô Christ ! Ta vie très éclatante, comme un canon parfait de droiture, S'est révélée parmi toutes les vertus divines, Dans la prière, le jeûne, les veilles Et les supplications que tu adressais Au Christ ami de l'homme. Ô Père, ô Théophore, Tu n'as pas donné d'assoupissement à tes paupières Jusqu'à ce que tu aies fait de toi une demeure très belle Pour le Maître qui voit tout Et à qui tu criais : Gloire à Ta puissance, ô Christ ! Théotokion Aux hommes malades de la mort Ô Toute Sainte, tu as rendu la Vie. De la corruption où ils étaient tombés, Tu les as relevés En enfantant le Donateur de Vie Qui délivre tous ceux qui crient : Gloire à Ta puissance, ô Christ ! ODE 5 Rempli de la grâce du Tout Saint Esprit, Tu as révélé par tes actions la vie en Dieu Et ton enseignement a fait briller la lumière De la divine connaissance, Ô Photios, sage tout admirable, Confort et soutien de l'Église. Ta langue, ô très saint Photios, Est devenue le calame du Paraclet : Vif et subtil, Il donne délivrance À ceux qui l'avouent pour leur Maître, Insufflant dans leur âme la connaissance céleste. Tel un éclair resplendissant Des grâces de la parole et de l'enseignement, Christ t'a manifesté au monde. Tu as éteint l'élan des hérétiques Et baigné de clarté les âmes des fidèles Qui te célèbrent à l'unisson, Toi, le prédicateur de la Foi. Théotokion La Vierge a enfanté le Fils prééternel Revêtu de la nature humaine, Comme l'enseigne le Hiérarque ; Son Fils l'a sauvée de la corruption En souffrant dans Son propre Corps Et Il l'a gardée Toujours Vierge. ODE 6 Chantons le grand Photios, La trompette inspirée de la prédication ; Il a proclamé haut et clair La procession de l'Esprit divin hors du Père Comme le Fils du Tonnerre l'avait théologuée. Sur tes paroles, très saint Photios, S'est brisée l'horreur écumante de l'hérésie ; Aussi l'assemblée des fidèles vénère avec éclat Ta mémoire sacrée. Ô vénérable Photios, L'assemblée des fidèles orthodoxes bondit de joie Et tout entière se réjouit Voyant vraiment en toi le successeur sacré De Grégoire et de Chrysostome. Théotokion Je chante, ô Vierge ta conception, Je chante ton indicible enfantement Je chante ta protection qui me sauve de tout péril Et je me hâte vers ton port tranquille. Kondak Toi le plus resplendissant des luminaires de l'Église et le plus inspiré des guides de l'Orthodoxie, reçois maintenant la couronne fleurie de nos cantiques, ô Cithare de l'Esprit aux accents divins, adversaire inflexible des hérésies, à toi nous crions sans relâche : « Vénérable Photios, réjouis-toi ! » Ikos Tu as paru, Ange au milieu des hommes et, de la terre, tu t'es hâté vers les cieux ; c'est pourquoi, te voyant, ô très saint, réuni aux chœurs des Incorporels, je m'arrête interdit et, dans mon désir, pieusement je te clame : Réjouis-toi, par toi la Trinité est adorée ; Réjouis-toi, par toi Dieu est chanté. Réjouis-toi, Règle infaillible des orthodoxes ; Réjouis-toi, Juge inflexible des cacodoxes. Réjouis-toi, Cime d'humilité inaccessible aux foules ; Réjouis-toi, Profondeur de sagesse insondable aux mortels. Réjouis-toi, Tu offris le divin sacrifice ; Réjouis-toi, Tu conduis devant Dieu les élus. Réjouis-toi, Compagnon des Martyrs de Dieu ; Réjouis-toi, Familier des saints hiérarques. Réjouis-toi, Anéantissement des impies ; Réjouis-toi, Affermissement des croyants. Réjouis-toi, Vénérable Photios ! Synaxaire Au six de ce mois, mémoire de notre Père dans les saints, égal aux Apôtres, Photios, Patriarche de Constantinople et Confesseur de la Foi orthodoxe. V. Photios dit en mourant : Je suis sans inquiétude devant la fin Car me voici tout préparé. Dans ses paroles a brillé le grand Photios, lumière des fidèles, feu consumant pour les impies. Le six, Photios prend son essor vers les parvis du ciel. Le trois fois bienheureux Photios porte un nom qui répond à merveille à sa vie, puisqu'il signifie, en grec, Lumineux, Illuminateur. Ce grand et éclatant Père et Docteur de l'Église, à la fois plein de science et de sainteté, Confesseur de la Foi et Égal aux Apôtres, fleurit du temps des princes et empereurs Michel, fils de Théophile, Basile le Macédonien et Léon son fils. Photios eut pour patrie, sur terre, Constantinople au nom glorieux, la reine des villes ; mais sa patrie céleste est la Jérusalem d'en-haut, la forte, l'impérissable. Il fut le rejeton d'aïeux illustres, autant pour la noblesse selon la chair que pour leur foi orthodoxe. En effet, ils obtinrent même la couronne du martyre, après avoir combattu comme des athlètes courageux et inspirés par le Ciel, pour l'honneur et la vénération des sacro-saintes icônes. Photios se distingua d'abord au palais royal, où il fut revêtu de l'éclat des premières dignités, et mena toujours une vie d'ascèse vertueuse et agréable à Dieu. Puis il reçut le gouvernail et le bâton pastoral du Premier Hiérarque de l'Église, et devint Patriarche de Constantinople. Voici comment eut lieu son élévation au Trône apostolique et œcuménique de la Nouvelle Rome. Après que notre Père dans les saints, Ignace, en eut été chassé par les rigueurs de l'arbitraire impérial, laissant l'Église dans le veuvage, comme il était impossible qu'elle demeurât sans évêque, notre Père dans les saints, Photios, fut contraint par les pressions exercées sur lui et par le bon plaisir du prince, d'accepter la succession d'Ignace. Il fut donc fait moine et franchit dans l'ordre tous les degrés du sacerdoce, pour être intronisé selon les canons. Il est impossible de raconter les combats extraordinaires que soutint ce Père bienheureux pour la défense de la foi orthodoxe. Il lutta contre les manichéens, les iconomaques, les autres hérétiques, et en tout premier lieu, combattit l'hérésie papiste qui, pour la première fois dans l'Histoire, commençait à se manifester. Le chef de cette hérésie et le Père du schisme latin fut Nicolas, le pape maudit de Rome, que Photios a réfuté par les preuves tirées de l'Écriture et des saints Pères. Photios le fit condamner justement par un concile, qui prononça son exclusion hors de l'Église Catholique, en le vouant à l'anathème. Il n'est pas possible non plus de narrer tous les affres des périls et des persécutions, la noirceur des complots et des traquenards, la violence des mauvais traitements et les supplices inhumains que ce théologien au cœur ferme, ce hiérarque indéfectible, cette âme de diamant souffrit en véritable imitateur du Christ, de la part des latins schismatiques et des sectateurs effrénés de l'hérésie du papisme, hommes menteurs et malfaisants, injustes, impurs et criminels. La description de tous ces tourments appartient au récit complet de sa vie. Qu'il suffise donc, pour le moment, de donner sur sa personne les enseignements suivants : ce bienheureux, tel un nouveau Paul, travailla en bon ouvrier de l'Évangile et il initia tout le peuple bulgare, ainsi que son roi, au mystère de la foi immaculée du Christ. Ce fut lui qui les fit renaître dans les eaux du divin Baptême. De même, il provoqua le retour d'une multitude d'hérétiques dans le sein de l'Église catholique du Christ, les arrachant de leurs diverses hérésies : les Arméniens, les iconomaques et bien d'autres hétérodoxes, auxquels il tenait des discours plein de grâce, de sagesse et de vérité, qui foudroyaient et terrassaient les dogmes cacodoxes. Ferme et constant dans ses résolutions, il réprimanda l'empereur Basile, coupable de meurtre et d'ingratitude, assassin de l'empereur Michel, son bienfaiteur. Saint Photios, par son ardeur zélée et érudite, parvint à extirper l'ivraie de tous les enseignements hétérodoxes et se révéla ainsi rempli, comme nul autre en son temps, de la doctrine apostolique. Ayant ainsi fait paître l'Église du Christ dans l'Évangile et dans la sainteté, deux fois élevé au trône contre son gré, deux fois chassé par un tyran, il a laissé à l'Église et au peuple de Dieu un trésor immense d'ouvrages très divers, toujours de haute valeur et de haute sagesse, dignes, en un mot, de susciter l'admiration du monde entier. Il goûta à toutes les formes de culture, acquérant partout une égale maîtrise. Ayant dépensé sans compter des efforts pour la défense de la vérité et de la justice, et souffert des maux sans nombre, ce lutteur s'en retourna saintement vers le Seigneur, alors qu'il se trouvait en déportation dans un monastère, comme le divin Chrysostome à Comane. Sur sa dépouille sainte et vénérable fut déposée au monastère d'Érêmie ou Irémie. Sa Synaxe très sainte était autrefois célébrée dans le Prophéteion, ou Temple du Vénérable Précurseur et Baptiste Jean, qui se trouve audit monastère d'Irémie. Elle a maintenant lieu dans le saint monastère patriarcal de la Sainte Trinité, fondé par saint Photios et situé dans l'île de Charki où s'est également installée l'École Théologique de la Grande Église du Christ. ODE 7 Sous les tentes des cieux, tu as été porté, Père aux pensées divines ; Tu t'es uni à Dieu. Tu es devenu dieu, et plein de Dieu, Tu chantes de ta voix sacrée : Seigneur, Dieu de nos Pères, Tu es béni ! Instruits par tes paroles, ô Père tout glorieux, Nous avons appris à vénérer dans trois Soleils La Divinité indivisible et inséparable, À qui nous chantons en disant : Seigneur, Dieu de nos Pères, Tu es béni ! Vraiment sainte paraît ta confession Divine et agréable à Dieu. Tel un or purifié tu as plu au Seigneur. Dans ta grande sainteté, Père très fortuné, Tu as imité avec joie les souffrances du Sauveur. Théotokion Tu as paru, ô Toute Sainte Et tu as été pour tous L'hôtesse de la délivrance divine Car tu as enfanté le Libérateur de tout l'univers À qui nous chantons d'une seule voix : Seigneur loué par-dessus tout, Dieu de nos Pères, Tu es béni ! ODE 8 Voyant couler les sources de tes dogmes Dont les ondes arrosent toute l'Église, Nous t'acclamons, merveilleux Photios, Rempart et fierté des fidèles. Et, célébrant sans fin le Christ, Nous L'exaltons dans tous les siècles. Quittant la mer orageuse de la vie, Tu as trouvé le port tranquille, Car le pilote qui dirigea ta longue course, Ô très sage Photios, c'est le Seigneur, Qui, d'un signe de tête, opère ce qu'Il veut ; Aussi nous L'exaltons dans tous les siècles. La lumière au triple flamboiement De la Trinité Plus-que-Dieu, A demeuré en toi, ô Père saint, Faisant de toi une lumière seconde Pour illuminer le peuple orthodoxe Pour aveugler la phalange hérétique Et pour nous apprendre à crier : « Louez le Seigneur et exaltez-Le dans tous les siècles ». Théotokion Telle la rose au milieu des épines Et la fleur embaumée des vallées, Ton Époux t'a trouvée, ô Lys immaculé, Reine épouse de Dieu. Du haut du ciel Il est venu Faire en Toi sa Demeure. Il a rempli tout l'univers de Son parfum Et Il t'a exaltée dans tous les siècles. ODE 9 Mon âme magnifie le Flambeau des hiérarques Surpassant tout éclat. Père inspiré, De tout mon être, je cours vers ton divin refuge. Souverain Prêtre et Sacrificateur, Tu as reçu du Christ le pouvoir de délier les péchés : Brise les chaînes de mes fautes, Par tes prières sauve-moi, Et fais briller sur moi la divine lumière. Mon âme magnifie l'ornement de l'Église. Délivré de la terre, Père glorieux, Tu es entré dans la lumière sans déclin ; Tu te tiens près du Tout-Puissant, Devant la Lumière au triple soleil, Dans la compagnie des Ordres célestes. Saint trois fois bienheureux, Toi qui jouis de l'éclat d'En-haut, Veille sur nous qui te chantons sans fin. Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit, Mon âme, magnifie la puissance De la Divinité indivisible aux trois hypostases. Tu as paru devant tous les yeux L'accusateur impartial de l'erreur et de l'hérésie Le prédicateur inspiré, l'avocat divin de l'Orthodoxie, À l'image d'Ignace, ton prédécesseur, Auquel tu succédas sur le trône patriarcal Et sur le trône des vertus. À ses côtés tu pries maintenant le Seigneur. Maintenant et toujours et aux siècles des siècles, amen. Magnifie, mon âme, celle qui est plus vénérable Et plus glorieuse que les armées d'En-haut. Voulant me déifier tout entier, Dieu tout entier s'unit à toi, Inaugurant pour tous le mystère insaisissable : Tu enfantes, Vierge sans tache, Dieu se fait chair et devient visible. Nous le célébrons de nos hymnes et nous t'appelons bienheureuse Ô Marie, comme tu l'as prophétisé. Exaspostilaire En toi, l'Église possède un défenseur fervent et un docteur lumineux ; aussi célèbre-t-elle avec éclat ta mémoire en criant : « Veille sans cesse sur ton troupeau, garde-le de l'hérésie et de tout mal, Souverain Hiérarque du Seigneur ». Stichères des Psaumes Laudiques Nous célébrons le hiérarque vraiment divin de l'Église, le grand docteur, le héraut du Verbe, le merveilleux Photios égal aux Apôtres ; car voici venue sa mémoire très glorieuse qui réjouit tout l'univers. Nous t'appelons le réceptacle des vertus, ô Photios, l'ami de la paix, l'ouvrier de la charité, la colonne de la tempérance, l'asile inviolable de la prière, le trésor des guérisons et l'intercesseur de ceux qui te vénèrent, ô Père bienheureux ! Tu as été indissolublement uni aux Apôtres car tu es leur égal ; tu t'es levé, héraut de Dieu, sur la Bulgarie et toute la Slavie et l'as conduite au Christ ; par le saint Baptême, tu l'as régénérée et l'as gardée dans la Foi orthodoxe. Comme le Lucifer terrestre s'enflait d'un orgueil effroyable et installait son trône au-dessus des étoiles, tu te levas le premier, digne émule de l'archange Michel et tu lanças ce cri : « Tenons-nous bien, tenons-nous tous dans les traditions sacrées des Pères ». Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit ; Où que ton nom soit invoqué, ô Photios bien-nommé, la force du diable est en fuite ; il ne supporte pas de regarder en face ta lumière, lui Lucifer, l'astre déchu. Aussi, nous t'implorons : Éteins ses traits enflammés lancés contre nous et, par ton intercession, délivre-nous de ses traquenards, saint Hiérarque digne de toute louange ! Maintenant et toujours et aux siècles des siècles, amen. Grande Doxologie. LITURGIE Typiques (Béatitudes, Ode 3 de la Fête, Ode 6 du Saint). Épître : Hébreux, 7, 26-8, 2. Évangile : Jean 10, 9-16.Mégalinaire Réjouis-toi, flambeau des initiés de l'Église du Christ, bouclier des Orthodoxes, fléau des hérétiques, gloire des hiérarques, suprême théophante ; réjouis-toi, très saint Photios ! FIN ET GLOIRE À DIEU !

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