mardi 20 décembre 2011

Icône du Bienheureux Augustin d'Hippone.





















Icône du Bienheureux Augustin d'Hippone.




BIEN HEUREUX AUGUSTIN d'HIPPONE
& SAINT CYPRIEN :
LA POSTERITE
DE DEUX ECCLESIOLOGIES.

par Anne Pannier-RANSON
( E.N.S.J.F.) ( Ecole Normale Supérieure de Jeunes Filles Ulm-Sèvres).
In CONTRE AUGUSTIN, Les Dossiers H, Ed. L'Age d'Homme,
dirigé par feu Père Patric RANSON, C.N.R.S. Philosophie,
Agrégé de Philosophie.

(P.237)
Le Bienheureux Augustin d'Hippone, qui n'est pas Saint pour les Orthodoxes, du fait de sa théologie Hétérodoxe, est toutefois généralement considéré par nos frères séparés les catholiques comme le plus grand des Pères de l'Eglise. Critiquer les fondements historiques & théologiques d'une telle opinion, ce n'est pas seulement s'attaquer à un lieu commun; c'est s'en prendre à une « erreur fondatrice », puisque la pensée de l'Evêque d'Hippone a eu un rôle axiomatique, non pas pour la dogmatique Orthodoxe d'Orient, mais pour toute la dogmatique occidentale tant catholique que protestante.
Pourtant l'idée même selon laquelle Augustin d'Hippone serait un « Père de l'Eglise » rencontre trois objections majeures, du fait de la relation complexe & ambiguë qu'Augustin entretient avec la Sainte Tradition Apostolique antérieure.
Une certaine indépendance d'esprit – l'on dirait aujourd'hui marginalité- d'Augustin relativement à la Tradition Patristique est le premier point. A partir du XVIème siècle en effet, la critique patristique a souvent noté une ignorance indéniable chez Augustin d'Hippone des Pères tant Occidentaux qu'Orientaux, tant Latins que Grecs. De Saint Justin philosophe & Martyr, de Saint Irénée de Lyon, Augustin ignore presque tout; il a lu, surtout, les « Africains » - C'est-à-dire Tertullien, Saint Cyprien de Carthage-; mais c'est seulement à la fin de sa vie qu'il fait référence à Saint Hilaire de Poitiers. Avec Saint Jérôme, les relations sont long Temps conflictuelles, & bien davantage encore avec Saint Jean Cassien & ses Disciples. Quant à Saint Ambroise de Milan, que les Confessions d'Augustin & la tradition médiévale présentent comme son « Père Spirituel », il semble qu'Augustin d'Hippone en ait ignoré les oeuvres principales.
(P.238).
Certes, le mythe d'une tradition théologique double comme Janus ou biface, avec une face Latine, & l'autre Grecque, favorise encore l'idée qu'Augustin serait Saint Augustin & le sommet de la Patristique « Latine ».
&, ce qui a pu donner un certain crédit à une telle thèse, c'est sans doute le fait qu'Augustin est le premier grand écrivain ecclésiastique Latin de l'Occident à ignorer – voire à détester- la langue Grecque. Long Temps,
de cette ignorance l'on a fait une vertu. Aujourd'hui, l'on admet généralement que, dans la vie de l'Evêque d'Hippone, la connaissance des Pères Grecs est tardive & superficielle. Ajoutons, pour pièce à verser à ce dossier de la Culture Patristique d'Augustin, son manque d'intérêt pour la Tradition Conciliaire de l'Eglise Universelle – en particulier pour le Concile Oecuménique de 381 à Constantinople, dont Augustin, en 393, ignore encore les décisions relatives à la procession du Saint Esprit.
Les lacunes d'Augustin – quelle que soit leur cause : ignorance, ou indépendance d'esprit- ont été remarquées & utilisées, parfois à des fins Hétérodoxes, par ses contemporains : C'est ainsi que Julien d'Eclane, ou le savant Théodore de Mopsueste, ont utilisé ces ignorances de l'Evêque d'Hippone, notamment son ignorance du Grec, et ont montré son opposition à l'Enseignement des Pères Héllénophones – parlant le Grec-, dans le but de servir l'Hérétique Pélage. Toujours est-il que cette ignorance du Grec est d'autant plus paradoxale que le Bien Heureux affirme nécessaire la connaissance directe de la Bible hébraïque & de la Bible des Septante -(des Soixante Dix Traducteurs Inspirés du Saint Esprit, & qui produisirent, chacun séparément, un même Texte Saint)- : « Nous proposant d'éclairer ici ceux qui parlent la langue Latine – écrit-il dans le De Doctrina Christiana -, nous leur dirons que, pour l'intelligence des Ecritures, ils doivent posséder deux autres langues, qui sont le Grec & l'Hébreu, afin de pouvoir recourir aux Textes originels, toutes les fois que la diversité infinie des interprètes Latins n'engendrera que le doute & l'incertitude. »
Or, ce recours à l'étymologie & à la langue originelle pour décider entre les diverses interprétations est caractéristique de l'herméneutique interprétative augustinienne; & c'est ici que nous avançons notre seconde objection: Augustin diffère principalement des Pères antérieurs par sa méthode théologique & herméneutique -interprétative-. Peut-être s'agit-il d'un trait propre à la personne d'Augustin à l'égard des Autorités Spirituelles a pris une double forme rationnelle, si précise qu'elle est devenue une méthode.
Dans ses premiers écrits, Augustin tente une traduction philosophique du dogme de la Sainte Trinité, identifiant d'abord le Saint Esprit à la raison ordonnatrice, puis, sous l'influence de Porphyre, à la charité.
Dans ses oeuvres plus proprement exégétiques, Augustin développe une herméneutique nouvelle, fondée sur l'approfondissement rationnel de l'Ecriture à partir de principes philosophiques essentiellement platoniciens. Cette herméneutique, qui identifie l'Ecriture & le Platonisme relativise le rôle des Saints Pères qui ont commenté Orthodoxement l'Ecriture. De même, après des essais peu réussis, en particulier son commentaire inachevé sur l'Epître aux Romains, Augustin peut-il donner une interprétation personnelle de l'Apôtre Paul, dont il revendique lui-même l'originalité & la nouveauté.
(P.239).
Enfin – et c'est généralement l'objection la plus contestée – Augustin entre parfois en opposition directe & volontaire avec la Tradition Patristique antérieure. C'est le cas sur les Théophanies de l'Ancien Testament; c'est le cas sur la Grâce & la prédestination; c'est le cas encore à propos du baptême des Hérétiques, de l'Ecclésiologie, voire de la persécution des Hérétiques.
Cette critique augustinienne est complexe & ambiguë, puisque l'Evêque d'Hippone admet l'Autorité Spirituelle de la Tradition, mais n'en reçoit pas le contenu, puisqu'il peut récuser une Interprétation Traditionnelle sans rejeter l'Eglise qui reconnaît comme Saint l'Auteur de cette Interprétation. Sa méthode philosophique opère donc à l'intérieur des principes qu'il reconnaît communs, dans l'Ecriture & dans l'Eglise.
Cette polémique augustinienne contre la Tradition Apostolique & Patristique a pris un caractère exemplaire à propos de Saint Cyprien. L'exemple de l'Evêque de Carthage a l'avantage de la clarté; personne ne conteste qu'Augustin connaît très bien son eouvre : « Il est facile de s'assurer – écrit Henri Irénée Marrou in Saint Augustin et la fin de la culture antique – qu'Augustin a de toute son oeuvre – celle de Saint Cyprien – une connaissance complète & approfondie ». Augustin appartient en effet à ce qu'André Mandouze appelle la « lignée Africaine », & à ce titre la présence du grand Martyr Saint Cyprien est toute proche de lui. Les Sermons 309 à 313 en témoignent, où l'Evêque d'Hippone fait avec piété l'éloge de Saint Cyprien Evêque de Carthage : « Parmi les phalanges du Christ, contemplez le Bienheureux Cyprien : Il a enseigné à combattre glorieusement, & glorieusement il a combattu lui-même. Or, il a tellement accompli ce qu'il avait enseigné qu'on sentait l'Ame du Martyr dans les Paroles du Docteur, & les Paroles du Docteur dans l'Ame du Martyr ». Cf aussi le Sermon 313: Aucune langue, pas même la sienne, ne saurait louer dignement ce grand Evêque, ce Martyr vénérable ».
D'autant plus étonnante, en ces circonstances, est la critique adressée par le De Doctrina Christiana de la « surabondance frivole & bigarrée » du style de Saint Cyprien qu'Augustin trouve « rhétorique », trop « orné » pour édifier véritablement. Ainsi, selon Augustin, l'art de plaire par la rhétorique & la belle éloquence ne coïncident pas toujours chez Saint Cyprien avec le souci de la Vérité. Certes, ce ne pourrait être là qu'une querelle d'école, portant sur un point secondaire, & l'on songerait alors au reproche similaire que l'augustinien Pascal lancera à son maître, & qu'il écrira au revers de sa Bible: « Toutes les fausses beautés que nous trouvons dans Saint Augustin ont des admirateurs, & en grand nombre ». ( in Manuscrit 4333-Bibliothèque Nationale).
Ce serait d'autant plus inessentiel qu'on a pu rapprocher la conversion des deux « rhéteurs », au point de faire dépendre le genre même des Confessions de la célèbre Lettre à Donat où Saint Cyprien fait le récit de sa conversion. C'est en particulier l'opinion de P. Monceaux, in Histoire littéraire de l'Afrique Chrétienne: « Ces pages sur la conversion, qui marquent l'avènement d'un genre littéraire nouveau, annoncent directement les Confessions de Saint Augustin ». L'on sait peut-être que P. Courcelle en a douté, in Les Confessions de Saint Augustin dans la tradition littéraire, du fait du caractère conventionnel de la Lettre à Donat, où, dit-il, « se reconnaît sans peine la mise en scène usuelle dans les dialogues philosophiques ». En réalité, la différence principale entre les deux textes ne porte pas sur la forme, mais sur la doctrine de la conversion elle-même.
(P.240).
Pour Saint Cyprien de Carthage, le Baptême a été une Régénération, une véritable nouvelle naissance, « la Sainte Illumination » du Baptême, la perception Tangible du Mystère de la Grâce, & de la Déification. C'est ainsi qu'il écrit dans sa Lettre à Donat (in Saint Cyprien : Les Oeuvres, traduites en français par M. Lombert, 1716) : « Lorsque, les souillures de ma vie passée étant nettoyées par l'eau salutaire de la Régénération, la Lumière se répandit d'En Haut dans mon Coeur; lorsqu'ayant reçu le Saint Esprit, une seconde naissance m'eut fait devenir un homme nouveau; aussitôt mes doutes s'éclaircirent; mon Esprit s'ouvrit, mes ténèbres furent dissipées. Ce que je trouvais difficile me sembla facile, & je crus qu'on pouvait faire ce que j'avais estimé jusqu'alors impossible; en sorte qu'il était aisé de reconnaître que ce qu'il y avait auparavant en moi de charnel & de déréglé venait de la terre, & que ce que le Saint Esprit animait déjà venait de Dieu...Le Saint Esprit agit avec Liberté & Autorité Spirituelle, à cause de la Grâce, que nous avons aussi déjà reçue par le Baptême ».
Pour le Bienheureux Augustin, l'expérience de la conversion est d'abord intellectuelle, & elle est entachée de néoplatonisme. Après son entrée dans l'Eglise Orthodoxe Originelle, Augustin reconnaît dans ses Confessions être bien loin de confesser le Dogme Chrétien, puisqu'il suit l'Hérésie néo-platonicienne de Plotin. C'est par une sorte de progrès « dialectique » ou « rationnel » que la conversion s'accomplit peu à peu, & que l'Intelligence des Mystères se construit. Cette gnose évolutionniste, Augustin la transpose ensuite de l'individu à l'Eglise. Certes, ce progrès de la conscience suppose que la vie suive la conscience, & l'antinomie pensée/ vie ne joue pas ici, puisqu'Augustin est engagé dans une véritable expérience métaphysique, celle qui mène du moins-être ( minus esse) au plus être ( magis esse). Ainsi donc, si l'on veut radicaliser l'opposition des deux convertis, l'on peut dire que la conversion de Saint Cyprien est une conversion au Christ, & que celle d'Augustin est d'abord une conversion à l'être.

II.

L'opposition d'Augustin & de Saint Cyprien sur le Baptême des Hérétiques est un poncif de l'Histoire de l'Eglise, que l'on sépare généralement de la théologie des deux Evêques. Et pourtant, le De Baptismo d'Augustin est un prudent « Contra Cyprianum »: « Quand il s'adresse aux Donatistes, il emploie sans aucun scrupule la préposition « contra » - reconnaît G. Bavaud in Introduction du tome II des Ecrits Antidonatistes d'Augustin, in la Bibliothèque Augustinienne; mais il est impossible d'écrire un Contra Cyprianum. Et, d'autre part, s'il revendique pour lui l'Autorité Spirituelle de Saint Cyprien, Augustin doit cependant faire de grandes réserves doctrinales ». De même, la référence augustinienne à l'autorité de Saint Cyprien contre les Donatistes est apparue légèrement « embarrassée » à P. Monceaux puis à A. Mandouze in Saint Augustin. L'aventure de la raison & de la grâce -. Nous voulons étudier brièvement ici cet « embarras » augustinien en théologie, relativement au Saint Evêque de Carthage, le Martyr Cyprien.
La question du Baptême des Hérétiques n'est pas posée d'une façon identique par Saint Cyprien & par Augustin. Pour Saint Cyprien &pour la Tradition Apostolique & Patristique antérieure - & aussi pour le pape Etienne, pourtant en désaccord avec l'épiscopat africain –, il s'agit de déterminer le mode de réception dans l'Eglise des Hérétiques & des Schismatiques. Pour Augustin, un siècle & demi après, la question se pose en terme de validité ou d'invalidité du baptême des Schismatiques & des Hérétiques. Pour l'Evêque d'Hippone, l'on peut, en effet, donner & recevoir le baptême dans l'Hérésie. Sa position anti-Orthodoxe se résume ainsi : « Il est possible, hors de la communion Universelle ( Orthodoxe), de donner le baptême, tout comme hors de son sein il est possible de l'avoir », écrit-il dans ses Traités Antidonatistes. Les Saints Orthodoxes nous ont transmis au contraire, dans leur Sainte Théologie, que l'Eglise Orthodoxe devait rebaptiser les Hérétiques & les Schismatiques.
Le baptême est donné « au Nom du Père, du Fils, & du Saint Esprit, & il est évident, pour Augustin, que les Hérétiques possèdent la Sainte Trinité: « Le Père,le Fils, & le Saint Esprit, » écrit-il dans son De Baptismo, « sont possédés, au moins s'il s'agit du sacrement, par tous ceux qui reçoivent le baptême consacré par les Paroles de l'Evangile ». Le baptême, selon lui, est don commun aux Orthodoxes & aux Hérétiques, de la même façon que l'Evangile leur est commun. « Le baptême », poursuit-il, « peut nous être commun avec les Hérétiques, comme nous pouvons avoir en commun avec eux l'Evangile, malgré la distance entre notre Foy & leur erreur doctrinale ». Selon lui, par le baptême, les Hérétiques & les Schismatiques sont des Chrétiens, par différence avec les païens.
Mais toutefois, pour Augustin, si les Hérétiques ou les Schismatiques ont le baptême, ils n'ont en rien l'Eglise Universelle Orthodoxe. Ils sont hors de l'Eglise, & leur baptême leur est inutile au Salut, & inefficace pour la rémission des péchés : « Si le baptême reçu chez les Hérétiques ou les Schismatiques, tout en étant un même baptême du Christ, n'y produit pas la rémission des péchés; tant la discorde est hideuse & la division inique; ce baptême commence à opérer la rémission des péchés au moment où l'on vient à la paix de l'Eglise, de sorte que, vraiment remis, les péchés ne sont plus retenus ». Pour lui, ceux qui se sont séparés de l'Eglise Orthodoxe Universelle, reçoivent le baptême, mais un baptême sans effet – ce qui est une aberration en soi. « Autre est le sacrement, » décide-t-il, « autre est l'effet du sacrement »; et encore, conclut-il de façon purement fantaisiste : « Autre chose est l'absence, autre chose la stérilité pour le Salut. Vient-on à la paix universelle, on commence à tirer profit de ce qui existait au dehors mais ne profitant pas. »
Cette thèse a deux conséquences :
La première, c'est une théorie juridique des sacrements, puisque l'on peut toujours selon lui, distinguer, d'un côté, formellement, le baptême, & de l'autre, son actualisation dans la Vie de l'Eglise. Cette distinction a favorisé la théologie scolastique des sacrements.
Secondement, - & cette thèse est scandaleuse aux yeux de la Tradition Apostolique & Patristique antérieure -, le baptême du Christ peut n'avoir aucun effet pour la rémission des péchés & pour le Salut : c'est pour sa perte que le catéchumène donatiste est baptisé dans son Hérésie.
Dans le Schiseme Donatiste, ne cesse de répéter Augustin à l'envi, l'on reçoit le baptême du Christ – prétend-t-il-, mais si l'on Meurt sans être retourné à l'Unité Orthodoxe Universelle, l'on est damné parce qu'on est hors de l'Eglise Orthodoxe : « Chez ceux qu'ils baptisent », achève-t-il, « les Donatistes guérissent la blessure de l'Idolâtrie ou de l'infidélité à l'Eglise, mais ils leur infligent une blessure plus grave, celle du Schisme. Les Idolâtres, en effet, dans le Peuple de Dieu, c'est le glaive qui les fit périr; quant aux Schismatiques,la terre s'ouvrit pour les engloutir ». L'on voit le caractère scandaleux d'une telle thèse : Toujours selon lui, le baptême du Christ, donné validement par les Donatistes, loin de remettre les péchés, engendre une peine pire que la Mort, pire aussi que la peine qui sanctionne l'idolâtrie. Cette position serait absurde si l'Evêque d'Hippone ne cessait de répéter que le baptême des Hérétiques n'est pas rien, qu'il n'est pas un néant.
(P.242).
Cf à ce sujet : E. Lamirande, in La situation ecclésiologique des Donatistes d'après Saint Cyprien, où il se réfère au De Baptismo d'Augustin . Augustin invente encore : « La rémission des péchés pardonnés sans retour ne suit le baptême que si l'on a, non seulement le Baptême légitime, mais encore, que si on l'a légitimement; pourtant, si on ne l'a pas légitimement, & si les péchés ne sont pas remis, ou bien refluent & se reproduisent dès leur rémission, ce ne sera pas un mal ou un néant que le baptême du Christ. »
Comment donc le baptême des Hérétiques peut-il ne pas être un néant, puisqu'il ne remet en rien les péchés?
Pour résoudre cet embarras, il faut relier les deux grandes polémiques de l'épiscopat d'Augustin, celle qui l'opposa aux Donatistes, & celle des Pélagiens. L'originalité de la conception augustinienne de la chute est, en effet, l'affirmation gratuite d'une transmission de la culpabilité d'Adam à toute sa descendance. La fonction principale du baptême serait de supprimer cette culpabilité. Il est probable que le baptême reçu chez les Donatistes n'est pas un néant parce qu'il supprime le péché originel & lui seul. Le but du baptême est seulement la suppression de la faute originelle. Mais cette suppression ne nous sauve pas si nous ne sommes pas unis par la charité à l'Eglise Orthodoxe Universelle.
Cette vision restrictive du baptême & des sacrements a été pleinement adoptée par la scolastique – en particulier par Thomas d'Aquin-, puis par la Contre-Réforme & le concile de Trente. Elle diffère de la Théologie des Pères Latinophones & Hellénophones, pour lesquels le Baptême est la destruction ontologique, en l'homme, du principe de la Mort, par l'action réelle & vivifiante de la Grâce Incréée de Dieu. Cette Régénération, cette nouvelle naissance, les Pères l'ont fondée sur la Doctrine Orthodoxe de la Rédemption & de la Déification, par l'Union, En le Saint Esprit, au Christ & à Son Eglise Orthodoxe. La Grâce, étant Incréée, peut nous revêtir du « vêtement d'incorruptibilité ». Or, curieusement, la Théologie Patristique de la Déification, est absente chez Augustin. Quant à la doctrine augustinienne, erronée, des théophanies, selon laquelle, in le De Trinitate, livre II, les théophanies seraient des phénomènes créés, apparus pour disparaître, elle a fourni la base de la conception scolastique d'une grâce créée.
Deux théologies fondent deux ecclésiologies. Et cette différence de théologie permet de mieux comprendre la double opposition d'Augustin à Saint Cyprien, & des Donatistes à l'Ecclésiologie de Saint Cyprien. Comme l'avait bien vu J.P. Brisson, in Automatisme & Christianisme dans l'Afrique romaine, p.50, les Donatistes sont dogmatiquement fidèles à la pensée de Saint Cyprien sur la question du Baptême des Hérétiques. Pour les Donatistes, à la suite de Saint Cyprien & de l'Apôtre Paul, il y a un seul Baptême, une seule Eglise, une seule Foy. L'Eglise est par nature indivise. C'est ce qu'admettait J.P. Brisson, dans son analyse de l'Ecclésiologie de Saint Cyprien : « Quand Saint Cyprien parle de divisions de l'Eglise, il n'a pas en vue des divergences intérieures...mais le Schisme, dont le propre est de faire plusieurs Eglises, alors qu'il ne peut y en avoir qu'une.
Pourtant, les Donatistes ne sont pas fidèles à la pensée de Saint Cyprien, parce que, semblables en cela aux Novatiens, ils nient l'Economie de l'Eglise, & la rémission des péchés. Mais, ni les Donatistes, ni Saint Cyprien, ni même le pape Etienne, n'ont admis l'idée d'une validité du baptême des Hérétiques ou des Schismatiques. Ils n'ont pas, du reste, donné à la question un tour abstrait : La question qui est posée à Cyprien concerne en premier lieu les novations.
Augustin, au contraire, utilise une méthode rationaliste, & des concepts philosophiques, pour analyser la situation. Il fonde une ecclésiologie rationnelle, & il donne un sens absolu à sa lutte contre les Donatistes. Dans le De Baptismo, il bâtit toute une argumentation qui lui permet de critiquer la Théologie de Saint Cyprien, sans condamner sa personne : Augustin, l'Evêque de Carthage, n'a pas agi comme les Donatistes; il ne s'est pas séparé de l'Unité. Mais cette double explication fait problème:La Fausseté d'une théologie, rationaliste & non point Inspirée du Saint Esprit, est autrement plus grave que l'attitude hypothétique qu'aurait eue Saint Cyprien envers les Donatistes. De là, sans doute, l'incroyable condescendance d'Augustin à l'égard du grand Martyr, dont il fait preuve in ses Traités Antidonatistes : « Nous sommes des hommes, en effet. C'est pourquoi, mal apprécier la réalité, l'homme en a la tentation...Il est donc humain de faire une erreur d'appréciation ». En platonicien qu'il est, Augustin explique par la pesanteur du corps l'erreur de Saint Cyprien, qui, désormais libéré de la nature corruptible, n'a pu qu'adopter l'opinion d'Augustin : « Quant à Saint Cyprien, maintenant que le corps sujet à la corruption n'alourdit plus l'esprit aux multiples pensées, il a une vue plus claire de la vérité que lui a mérité d'atteindre sa charité...S'il jugea mal telle ou telle vérité, & attira dans son erreur certains frères ou collègues, il voit cette vérité désormais dans la lumière de Celui qu'il aima. » Toute cette argumentation peut bien sûr être retournée aux dépens d'Augustin.
Cette étonnante assurance augustinienne, qui oublie de douter humblement de soi, n'a pas supprimé les contradictions de la thèse qu'elle exalte. Ce qu'Emile Bréhier, in son Histoire de la philosophie – Moyen Age & Renaissance.p.527, a nommé les « indécisions » de la pensée d'Augustin, a engendré une prospérité biface, à tête double.

III.

Nous n'allons pas aborder ici la question de savoir si la pensée de l'Evêque d'Hippone est rééllement la source de ce que l'on a appelé l' « augustinisme politique ». Certains, comme A. Mandouze, in l'Antiquité classique, t.29, fasc.1, p.107, en ont douté; d'autres, comme Dubief, ont pu y voir un trait original de la pensée augustinienne.
Ce qu'il nous faut noter tout d'abord, c'est l'opposition, sur ce sujet aussi, de Saint Cyprien & d'Augustin. En effet, Saint Cyprien, dans sa Lettre à Pomponius, - Lettre IV, P.12 de la Correspondance de Sant Cyprien, Ed. Les Belles Lettres -, prend clairement position contre la persécution des Hérétiques. Le glaive spirituel a succédé à l'épée, comme la circoncision spirituelle à la circoncision charnelle. Saint Cyprien est ici en accord avec la plus grande partie des Pères, surtout Saint Athanase & Saint Hilaire de Poitiers. Augustin, au contraire, en particulier dans ses lettres 93 & 185, tout en excluant la peine de Mort, justifie la violence temporelle contre les Hérétiques, au nom prétendu de l'Eglise.
En réalité, trois éléments au moins ont dû concourir à constituer l' « augustinisme politique ». Le premier, c'est la doctrine du baptême possédé par les Hérétiques, mais efficace seulement par réunion à l'Eglise Orthodoxe Originelle & Universelle; le second, c'est la justification éhontée de la persécution temporelle des Hérétiques; le troisième, c'est l'identification scandaleuse de l'unité de l'Eglise avec la papauté. Or, il est évident qu'à l'époque d'Augustin, l'Evêque de Rome n'est en rien « centre visible de l'Unité ». L'ont reconnu : l'Abbé Guettée in La papauté hérétique, p.7 & sq, & in son Histoire de l'Eglise, tome III, P.259 sq, ainsi que Brisson, & d'une façon plus modérée Mandouze.
P.244.
Aussi n'est-ce qu'aux Xème & XIème siècles que l'augustinisme politique se constitue pleinement, & devient une idéologie cosmo-politique : les franks, les féodaux, les puissants, & le pape en tête, sont les prédestinés, par opposition à la massa damnata – la masse damnée- des Hérétiques, Schismatiques, & païens, que l'on a le droit de convertir de force ou de persécuter. Sur le rôle ici du pape Grégoire VII, cf. H.X. Arguillere, L'Augustinisme politique, & Archives du blog : Anonyme, Histoire des papes. L'on notera également, par exemple, que les rites d'intronisation des papes sont restés féodaux jusqu'à notre époque : agenouillement, etc...A ce sujet, Cf. Saint Père Justin Popovic, L'infaillibilité de l'homme européen et l'infaillibilité du pape.
Les thèses augustiniennes sur le baptême ont ainsi servi, pendant huit ou neuf siècles, à cette persécution.
La forme la plus radicale & la plus terrifiante d'augustinisme politique se trouve dans Bernard de Clairvaux, tristement saint pour les catholiques, in la Louange de la nouvelle milice des chevaliers du Temple: Celui qui tue l'infidèle « exécute » prétendument « à la lettre les vengeances du Christ ».
La Réforme, en particulier, a été victime de cer augustinisme, dont Calvin faisait paradoxalement l'éloge. In sa Defensio orthodoxae fidei, Calvin se justifie par « saint » Augustin d'avoir fait brûler Michel Servet. Théodore de Bèze écrit aussi un ouvrage dans ce sens in son Traité de l'autorité du magistrat en la punition des Hérétiques & du moyen d'y procéder.
Le baptême des protestants était, d'après les thèses augustiniennes, reconnu – ce qui, du reste est dogmatiquement étrange, puisque pour la plupart d'entre eux le baptême est seulement un symbole -; mais ce baptême leur a valu une guerre de religions plus terrible que s'ils n'eussent jamais été baptisés. La Saint Barthélémy fut l'occasion d'une nouvelle publication de la lettre 93 d'Augustin à Vincent.
La Révocation de l'Edit de Nantes fut justifiée & approuvée par tous les grands augustiniens du siècle: Arnauld, Bossuet, Thomassin, brueys, & l'avocat Ferrand firent une comparaison – qui leur tenait lieu de preuve- entre la situation ecclésiale du Vème siècle & celle du XVIIème siècle. Ces lignes de Brueys sont éclairantes: » En un mot, pour montrer avec combien de justice l'on emploie les moyens de sévérité pour ramener à l'église catholique ceux qui s'en sont séparés, je ne saurais ici mieux faire que de renvoyer les lecteurs à ce que Saint Augustin a écrit expressément sur le sujet ». In Réponse aux plaintes des protestants contre les moyens que l'on emploie en France pour les recevoir à l'église.
Contre ces thèses, Pierre Bayle écrivit à la fin du siècle un livre entier sur l'interprétation augustinienne du « Compelle intrare », « Forcez-les d'entrer »(dans l'église catholique). L'on lira avec profit le libelle de Bayle : Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : Contrains-les d'entrer. 1713.Ainsi, les défenses des protestants ont souvent pris un tour anti-augustinien; c'est le cas du ministre Claude, & surtout de Jean Leclerc, qui est un anti-augustinien bien oublié aujourd'hui, quoique l'un des plus talentueux polémistes de son Temps.
Au XVIIIème siècle, la polémique se poursuit entre catholiques & protestants. Le père Merlin publie une réfutation de Bayle; Ceillier écrit contre Barbeyrac & Buddens, professeur à Iéna, tous deux anti-augustiniens. La révolution française, en établissant la liberté de culte rend le débat plus inactuel.
Quelle que soit la responsabilité historique d'Augustin dans un tel débat, c'est là, à n'en pas douter, l'une des postérités d'Augustin. Sa rigueur, sa violence, met certes entre parenthèses l'autre aspect de la thèse augustinienne, à savoir la présence du baptême chez les Hérétiques : chez Augustin, ce sont des chrétiens qui persécutent des Chrétiens.
De cette dernière constation est née une seconde postérité, plus récente, plus irénique, mais qui inverse totalement la thèse augustinienne : Depuis le début du XXème siècle, la reconnaissance du baptême des Hérétiques – donc de leur caractère de chrétiens à part entière- se fonde sur la théologie augustiniene. Selon une telle conception, - qui se nomme depuis quelques années l'oecuménisme, pan-Hérésie des hérésies -, l'église est divisée, mais le germe de l'unité, le principe de l'unité, c'est le baptême commun à tous.
P.245.
La préface du père Yves Congar aux traités antidonatistes d'Augustin, dans la Bibliothèque Augustinienne, est sur ce point la charte fondamentale de ce nouvel augustinisme : Dans une telle conception, c'est le baptême qui fait l'église, & non plus l'Eglise qui fait le Baptême; la réalité ecclésiale dépasse le cadre de ce qui se nomme Eglise : « La catholicité ou l'universalité, » écrit-il, « est celle de la communion fraternelle totale, ce en quoi & par quoi se réalise l'essence intégrale & profonde de l'Eglise comme peuple de Dieu & corps du Christ, animé par son Esprit. ( Cf. tome I des Traités antidonatistes, op. cit. Introduction. Cf aussi du même: l'Eglise, de saint Augustin à l'époque moderne). Congar insiste curieusement sur le fait paradoxal que l'ecclésiologie d'Augustin serait essentiellement une ecclésiologie de la charité. Et, par un étrange renversement, cette interprétation fonde l'idée d'une séparation du moral & du social chez Augustin, par différence avec les Donatistes. Pierre Hadot & M. Meslin ont résumé cette thèse, sans même songer que, des siècles durant, l'augustinisme politique avait prétendu le contraire. Ils écrivent in Archivesde sociologie des religions, A propos du Donatisme : « Les Donatistes ont volontairement transporté à l'ordre des fonctions sociales les exigences & les conditions de l'ordre moral ».
Ce nouvel augustinisme, à vrai dire, n'aurait pas été possible sans les excès de l'Ancien. Si certains ultramontains n'avaient pas identifié en toutes choses Rome & l'Eglise, la nécessité pour les catholiques modernes de voir l'Eglise hors de l'Eglise, ne se serait sans doute pas imposée avec autant de force.
Cette polémique interne à la double postérité d'Augustin, - les deux têtes se dévorant l'une l'autre – est évoquée par Congar : Selon lui, les Donatistes sont clairement les intégristes ou les conservateurs, & les augustiniens sont les modernistes ou les oecuménistes. Quoi qu'il en soit de la légitimité de ces transpositions historiques, ces deux postérités sont en réalité le développement systématique de l'une des deux antinomies de la thèse augustinienne aux dépens de l'autre. Elles n'ont en commun que de s'entendre sur l'autorité unique de l'évêque d'Hippone contre Saint Cyprien. Le problème ecclésiologique passe donc essentiellement par l'interprétation des écrits d'Augustin.
Or c'est là faire l'hypothèse qu'il n'y a pas eu de postérité théologique de Saint Cyprien. Seule la clôture théologique de l'Occident sur lui-même explique un tel contre-sens historique & doctrinal, & tout lecteur de Saint Cyprien, & des Pères dont le Martyr a suivi la Théologie Inspirée par l'Esprit de Sainteté, peut se poser la question: Pourquoi avoir en Occident identifié christianisme & augustinisme?

IV.
Parler de postérité de Saint Cyprien ne veut pas dire que le Saint Evêque de Carthage ait été à l'origine d'une ecclésiologie nouvelle. Au contraire, Saint Cyprien se réfère à une Tradition plus ancienne, Apostolique, puisqu'on en trouve l'expression la plus claire dans les 46ème & 47ème canons des Apôtres. Mais seul le cadre du schisme Novatien permet de comprendre la subtile position de Saint Cyprien.
Novatien était un prêtre de Rome qui avait été ordonné contre les canons & les règles de l'Eglise. Catéchumène proche de la Mort, il avait reçu le baptême clinique par simple aspersion, & l'usage était de ne pas porter au sacerdoce ceux qui n'avaient pas été baptisés par triple immersion au Nom du Père, du Fils, & du Saint Esprit. Or, non seulement Novatien appliquait une Rigueur absolue, au contraire de l'Economie prêchée par les Pères, tous Miséricordieux, mais il rebaptisait ceux qui avaient chuté pendant les persécutions.
Novatien était suivi par un certain nombre de prêtres & de fidèles à Rome, parce que les persécutions avaient alors développé des pratiques douteuses.
Le Bienheureux Abbé Wladimir Guettée montre dans son Histoire de l'Eglise, tome III, p.157, que les billets des Martyrs commençaient à devenir un vrai commerce. En effet, ceux qui faiblissaient pendant les persécutions avaient pris l'habitude de demander aux Martyrs des lettres de pardon & de recommandation que ces Saints accordaient volontiers. Mais ils allaient ensuite, munis des lettres des Martyrs, dans les églises pour exiger la communion & la réintégration parmi les fidèles. Saint Cyprien, in ses lettres – cf Lettres 13-14-15- condamnait ces pratiques : « Je pourrais dissimuler...le mépris de notre épiscopat, mais cela est impossible, puisque plusieurs d'entre vous trompent notre communauté fraternelle, & nuisent à ceux qui ont chuté, sous prétexte de veiller à leur Salut. » Ces pratiques qui se développaient avec excès scandalisaient les Evêques - & en premier lieu, donc, Saint Cyprien- & tous les Chrétiens, qui exigeaient un plus grand respect des règles ecclésiastiques. Or, Novatien profitait de la situation pour élever autel contre autel. Sa position n'était ps en réalité fondée sur une volonté de rigueur, mais sur la négation pure & simple de la Miséricorde & de la Rémission des péchés. Or, la rigueur ne peut pas être une condamnation du principe de l'Economie qui prévaut dans l'Eglise, & sans lequel nul n'y trouverait Grâce, ni n'y pourrait même entrer.
Aussi Saint Cyprien considérait-il les Novatiens comme des Hérétiques, puisqu'ils s'attaquaient à la Rémission des péchés, qui est un dogme. Au contraire, le pape Etienne les considérait comme des Schismatiques baptisant à la façon des Orthodoxes, & selon lui, dans ce cas, il croyait, par économie, pouvoir les recevoir par la chrismation. Ce qui autorisait une telle interprétation, c'est qu'à la différence des Hérésies antérieuress, les Novatiens ne professaient aucune Hérésie antitrinitaire. L'économie portait sur la forme du baptême – par triple immersion - & sur l'identité de foi trinitaire.
Saint Cyprien, lui, considérait principalement la Tradition Apostolique & la Théologie du Baptême : Ne peut invoquer le Saint Esprit que celui qui appartient à l'Eglise, hors de laquelle il n'y a pas de rémission des péchés. Trois Conciles de l'Eglise d'Afrique furent présidés par Saint Cyprien. Lors du premier, en 255, l'on décréta que personne ne pouvait être baptisé hors de l'Eglise, puisque l'Eglise ne reconnaît qu'un seul Baptême. Ceux qui avaient été baptisés par les Hérétiques, n'étaient pas rebaptisés, mais baptisés pour la première fois en venant à l'Eglise Orthodoxe Originelle. Mais, ceux qui avaient été baptisés dans l'Eglise, puis l'avaient quittée pour y revenir enfin, il fallait les recevoir par l'imposition des mains, & par la Prière, & non les rebaptiser, comme l'affirmait à tort Novatien.
Un second Concile se tint en 258, en présence de 71 Evêques de la Numidie & de l'Afrique. Saint Cyprien fit assembler ce Concile pour que les décisions du précédent fussent solennellement confirmées. L'on confirma que le baptême reçu chez les Hérétiques n'était pas même un Baptême. Enfin, un troisième Concile fut réuni en présence de 84 Evêques, où l'on décréta une lettre canonique, qui fut envoyée aux principaux sièges épiscopaux. Cette lettre qui affirme la nécessité de baptiser les Hérétiques qui viennent à l'Eglise, fut confirmée par le 2ème canon du VIème Concile
Oecuménique.
P.247.
Tout en affirmant une rigueur dogmatique certaine, Cyprien ne niait pas l'Economie de l'Eglise. Il acceptait par exemple le Baptême clinique que d'autres critiquaient sévèrement. Cette double attitude fut suivie par le Concile de Constantinople de 381, qui, par une grande Economie, dans son 71ème canon, ne considéra pas comme obligatoire le baptême des Novatiens. Saint Basile, ou Vassili le Grand, admit aussi la même attitude complémentaire : Dans son canon 1er, & dans son canon 47, il rejette le baptême des Hérétiques, tandis qu'ailleurs, il fixe les limites de l'Economie. Toute l'Ecclésiologie Orthodoxe ultérieure suivit l'Economie, sans que cette dernière attitude n'impliquât une quelconque reconnaissance du baptême des Hérétiques.
La situation changea au XVIIIème siècle, lorsque le Métropolite de Kiev, Pierre Moghila, influencé par la théologie augustinienne, crut voir dans l'usage de l'économie, une affirmation de la validité du baptême des Hérétiques. Il y eut une vive réaction à Constantinople, & un retour à la tradition rigoriste de Saint Cyprien. En 1756, un Concile réunissant les Patriarches de Constantinople, d'Alexandrie, & de Jérusalem, confirma cette situation. Le texte de ce synode figure dans le livre du théologien Alexandre Kalomiros : Contre la Fausse union ( Against False union. Seattle).
Notons que cette postérité ne fut jamais politique, mais purement ecclésiastique. Elle est fondée sur la Théologie Patristique de la Grâce, & de l'incorporation des Fidèles au Christ & à l'Eglise, par la Grâce, dans l'Esprit de Sainteté. L'Union au Christ, la Vie En Christ, commence par le Baptême, & s'accomplit dans l'Eglise-Corps du Christ.
Chez Augustin, & dans sa postérité, une théologie du baptême différente, introduit à une autre conception de l'église comme société des « prédestinés ». Mais, de cet individualisme eschatologique, ne pourra-t-on conclure qu'il est la négation même de toute idée de l'Eglise?

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