dimanche 28 mars 2010

Introduction au Synodicon du Saint Esprit, La Lumière du Thabor (n° 40), L'Age d'Homme

INTRODUCTION AU SYNODICON DU SAINT ESPRIT

Le Synodicon de l’Orthodoxie enregistre les conclusions du Concile de 879 sur l’immuabilité de toutes les traditions de l’Eglise, mais ne mentionne pas spécialement l’hérésie du Filioque. Le Pape Jean VIII, qui avait accepté le Concile d’union de 879, scella de son sang sa confession de foi, puisqu’il fut tué en 882, peu de temps après l’arrivée des actes de ce Concile en Italie. L’Eglise de Rome traversa ensuite, dans le siècle qui suivit, une période sombre. Le parti philo-frank et le parti romain, favorable à l’empire de Constantinople, s’affrontaient violemment. En 1009, le Pape orthodoxe et romain, Jean XVIII, chassé de son trône par Serge IV et les Franks, dut se réfugier en Italie du Sud. Les Patriarches d’Orient refusèrent la confession de foi de Serge IV, partisan du Filioque : d’où la rupture entre l’Orient, resté orthodoxe, et l’Occident, tombé sous le joug des envahisseurs franks qui se sont emparé du trône de Rome et dont les clercs ont introduit le Filioque, qu’ils justifient comme une théologie supérieure à celle des «Grecs1». Les anathèmes de 1054 ne feront qu’entériner un schisme déjà présent.
Les divergences dans la pensée et dans la vie entre ceux qui, naguère, étaient citoyens du même empire et fidèles de la même Eglise, allèrent en s’amplifiant, pour devenir un vrai gouffre au moment où l’Occident, au XIIème siècle, se lance dans l’aventure des Croisades, dont l’un des buts explicites est la reconquête des Patriarcats d’Orient, considérés comme hérétiques. Le Filioque, que certains modernes considèrent aujourd’hui comme un «point secondaire» fut l’argument qui permit aux Franks de déchaîner leur violence contre les Romains d’Orient.
Après la chute de Constantinople, lors de la IVème Croisade (vers 1204), l’Empire, affaibli, se reconstitue autour de Nicée. C’est dans cette période d’exil (1204-1261) que le Synodicon du Saint Esprit a été conçu, pour protéger les fidèles du prosélytisme des Latins et condamner officiellement leurs hérésies. En effet, Jean Eugénicos, frère de Marc d’Ephèse, au XVème siècle, cite des extraits de ce texte en l’attribuant à Germain II, patriarche de 1222 à 1240, sous l’Empereur Jean III Doucas Batatzes (1222-1254). Voici les termes de Jean Eugénicos : «Saint Germain le Jeune, avec un vote unanime de toute l’Eglise orthodoxe et avec tous les autres Patriarches, dans son propre Synodicon, tout en retranchant les novateurs du corps entier des orthodoxes et de la part des hommes pieux, comme eux-mêmes s’en étaient déjà retranchés, dit, après beaucoup d’autres paroles, explicitement ce qui va suivre. Je citerai les paroles de ce Synodicon pour réfuter ceux qui font de vaines difficultés en disant : "Si l’Eglise orthodoxe savait que les Latins étaient hérétiques, pourquoi ne les a-t-elle pas anathématisés ?" On montrera donc qu’elle l’a fait en termes exprès, même si, pour de bonnes raisons, et par économie, cette sentence à leur égard a ensuite été tenue dans le silence : il suffisait que le premier des patriarches gardant la piété eût cessé la commémoration2».
Le Synodicon du Saint Esprit est donc un acte d’Eglise. Les raisons d’économie qui ont fait que l’Eglise, à l’époque où l’épée des Franks étendait sa menace sur les peuples orthodoxes, a préféré taire le terme «d’hérétique» à leur sujet, sont parfaitement compréhensibles ; elles n’impliquent aucune concession sur la foi.
C’est malheureusement à une telle concession que l’Empereur Michel VIII Paléologue (1258-1282), essaya de contraindre l’Eglise3. Rentré en triomphe dans Constantinople après avoir mis fin à l’empire latin (1261), l’Empereur pensait, en ménageant l’union avec le Pape, obtenir l’aide de l’Occident. L’union, signée à Lyon en 1274, rencontra l’opposition du Patriarche Joseph, des moines de l’Athos et des pieux orthodoxes. Michel, après avoir fait installer, en 1275, sur le trône patriarcal de Constantinople le latinisant Beccos, organisa avec son aide une persécution sauvage des orthodoxes. Michel VIII mourut haï de son peuple et anathématisé, et Jean Beccos fut déposé en 1283 et condamné en procès (1285). La réfutation des écrits par lesquels il avait tenté de soutenir le Filioque fut ajoutée au Synodicon du Saint Esprit, qui constitue donc la réponse définitive de l’Eglise à l’hérésie du Filioque et à tous ceux qui s’efforcent de la justifier. Les moines du saint monastère de la Transfiguration de Boston -dont nous résumons ici l’introduction- écrivent justement à ce sujet qu’il est impossible de considérer le Filioque comme un théologouménon ou simple opinion de théologiens, sur laquelle l’Eglise n’aurait pas tranché. L’Eglise, au contraire, s’est exprimé à plusieurs reprises, d’abord par la bouche de ses saints, comme saint Photios4, et ensuite, synodalement, par le Synodicon du Saint Esprit.
Le Synodicon du Saint Esprit se lit le Deuxième Jour de la Pentecôte, Lundi du Saint Esprit. Son usage liturgique n’a pas été aussi répandu que celui du Synodicon de l’Orthodoxie, à cause des difficultés créées par les barbares franks, qui, à Rome, interdisaient parfois même de célébrer la liturgie, et qui, à Constantinople, avaient provoqué l’interruption des offices chantés traditionnels5.
Le Synodicon du Saint Esprit condamne l’addition au Credo et la doctrine du Filioque, avec toutes les tentatives faites pour la soutenir. Il s’appuie sur l’oeuvre et l’autorité de saint Photios (820-891). Il mentionne les falsifications dans la lettre ou dans l’esprit et l’interprétation des Pères ; remarquable est l’anathème visant «ceux qui méprisent les saints et vénérables conciles oecuméniques, allant jusqu’à dédaigner leurs traditions dogmatiques et canoniques, et qui affirment que ces conciles n’ont pas tout défini et transmis parfaitement, mais qu’ils ont laissé dans l’ombre la plus grande partie de la doctrine et des mystères et ne les ont pas enseignés».
Selon Jean Eugénicos, le Synodicon original de Germain II contenait aussi des articles relatifs aux divers usages des Latins, à leurs transgressions des canons, au dogme du Purgatoire, au baptême par aspersion. Le texte conservé condamne, comme un signe d’apollinarisme, l’usage du pain azyme dans la liturgie.
Le Synodicon du Saint Esprit, qui s’inscrit dans la ligne du Synodicon de l’Orthodoxie, illustre l’effort constant des Pères pour sauvegarder la vraie foi. Le Père Justin Popovitch écrivait : «Nos Pères Théophores qui, dans l’Eglise de Dieu, ont disposé toute chose selon qu’il plaît à Dieu, nous ont laissé pour héritage sacré ce précepte qu’ils reçurent d’En-Haut et que leur transmirent les saints Apôtres : qu’il n’est pas de vertu plus haute que la confession et la défense de la Vraie Foi Orthodoxe... En effet, la Vérité c’est Dieu même et, pour nous hommes, l’amour et la confession de cette Vérité Divine -en quoi réside la Vraie Foi de l’Eglise- est délivrance, salut et illumination».


TEXTE, EDITIONS, TRADUCTIONS

Le texte a été édité, sans traduction, par V. Laurent et J. Darrouzès, Dossier grec de l’Union de Lyon (1273-1277), Paris, 1976 (texte p. 574-588, introduction p. 128-132, remarque sur le manuscrit p. 19-20).
L’extrait cité par Jean Eugénicos a été publié par Dosithée de Jérusalem, Tomos Katallagês (Tome de Réconciliation), Jassy, 1692, chap. 9, p. 248-251. Nous remercions Madame Vassiliki Conticello, qui nous a fourni ce texte difficile à trouver, qui a permis de compléter notre traduction (voir §§ 1, 20 et 20 bis).
Une excellente traduction anglaise, avec introduction, notes, et reproduction du texte grec, a paru dans : Saint Photios, On the Mystagogy of the Holy Spirit, transl. by Holy Transfiguration Monastery, Studion Publishers, 1983.

SYNODICON DU SAINT ESPRIT

lu au Deuxième Jour de Pentecôte,
portant condamnation des pneumatomaques
et leur exclusion hors de l’Eglise du Christ.

Confession et proclamation de la foi chrétienne orthodoxe,
renversant toutes les hérésies impies
et affermissant les décrets de l’Eglise catholique du Christ

CREDO DE NICEE

Je crois en un seul Dieu le Père Tout-Puissant,
Créateur du ciel et de la terre,
Et de toutes les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur Jésus Christ,
Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles,
Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu,
engendré, non créé, consubstantiel au Père,
par qui tout a été fait.
Qui pour nous hommes, et pour notre salut,
est descendu des cieux,
s’est incarné du Saint Esprit et de Marie la Vierge,
et s’est fait homme.
Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
a souffert et a été enseveli
et il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures
et il est monté au ciel
d’où il reviendra en gloire juger les vivants et les morts ;
son règne n’aura pas de fin.
Et en l’Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie,
qui procède du Père,
qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils,
qui a parlé par les prophètes.
Et en l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique.
Je confesse un seul baptême en rémission des péchés.
J’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir.
Amen.

ACCLAMATIONS DES ORTHODOXES

2. «Telle est la foi des Apôtres, telle la foi des Pères, telle la foi des orthodoxes, telle enfin la foi qui a affermi l’Eglise». Cette foi, donc, Arius, le premier, avec Eunome, Macédonius, et leurs sectateurs, la rejetèrent, «proférant tout haut l’iniquité» contre l’Unique Divinité toute-puissante aux trois hypostases égales en force, qu’ils déchirèrent en plusieurs natures et dignités. Cependant, le Dieu des merveilles terrassa leur vigueur ; à présent, de longues années s’étant écoulées depuis lors, voici que leur impiété tente encore de s’immiscer dans notre Eglise, par le canal de beaux propagateurs qu’elle a su dénicher. De même que les anciens hérésiarques scindaient en diverses natures la Divine Trinité, qui est consubstantielle et co-honorée, de même, les nouveaux ouvriers de l’impiété divisent de manière sacrilège la Divinité unique aux trois Hypostases égales en honneur, et la scindent en divers ordres et dignités. D’où vint la graine de cette ivraie mauvaise, et comment elle se mit à pousser dans l’Eglise de Dieu, il n’est pas temps de l’expliquer ici ; disons seulement qu’elle est née des desseins maudits de Satan et de la perversité de ceux qui occupaient les premières places dans l’Eglise. En revanche, nous estimons remplir une dette et un devoir de justice, en inscrivant ici, avec le secours du Christ notre vrai Dieu, les louanges et les bénédictions méritées de ceux qui, jusque dans la mort, ont gardé la foi intègre : oui, le Seigneur lui-même, de sa propre droite, a scellé d’en-haut ces bénédictions qu’il a reçues comme un encens d’agréable odeur. De même il convient de consigner les malédictions que les impies font choir sur leur propre tête, et de jeter l’anathème à l’impiété, afin que le membre pourri soit retranché par l’épée de l’Esprit, de crainte que le cancer ne gagne avec le temps et que le corps de l’Eglise du Christ ne s’en trouve à la fin tout entier rongé6.

3. A ceux qui acceptent et confessent le symbole sacré de la foi sans altération et qui refusent d’y faire la moindre addition ou soustraction, glorifiant en lui le fruit de l’Esprit divin, -mémoire éternelle !

4. A ceux qui confessent que le Saint Esprit procède directement du Père seul, de même que le Fils naît directement du Père seul, selon l’enseignement que Dieu le Verbe Lui-même a transmis à ses Apôtres alors qu’Il était sur le point d’aller à Sa Passion salvatrice de l’univers, en disant : «Lorsque sera venu le Consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de Vérité, qui procède du Père, il rendra témoignage de moi» (Jn 15, 26) ; à ceux donc qui reçoivent dans son intégrité ce testament divin de Notre Dieu et Sauveur Jésus Christ, -mémoire éternelle !

5. A ceux qui savent et qui croient que le Père seul est source de la Divinité suressentielle et que le Fils et l’Esprit Saint tirent leur existence du Père sans intervalle ni médiation, telles deux pousses jaillies d’une racine unique ou telles deux fleurs et deux lumières suressentielles, selon le nom que leur donne le grand et fécond théologien Denys7, ou tels deux rayons d’un seul Soleil et deux fleuves issus d’une seule source, selon les paroles du divin Grégoire de Nysse ; à ceux donc qui n’acceptent pas les discours des menteurs et des sacrilèges prétendant que le Fils se rattache au Père de manière directe et immédiate, tandis que l’Esprit Saint se rattacherait au même Père de manière lointaine et indirecte, ce qui les conduit, pour leur malheur ! à dissocier l’Esprit Saint d’avec l’Hypostase du Père et à introduire entre le Père et l’Esprit une sorte de frontière et de disjonction qui conduit tout droit dans le gouffre du trithéisme ; à ceux donc qui rejettent ces innovations des hérétiques et qui confessent parfaitement, jusqu’à leur mort, la parole de la piété, -mémoire éternelle !


6. A ceux qui croient et confessent un seul Dieu parfait dans le Père, le Fils et le Saint Esprit, en trois Hypostases parfaites :
Dieu parfait le Père,
Dieu parfait le Fils,
et Dieu parfait l’Esprit Saint :
Un seul Dieu parfait, la Sainte Trinité,
non pas Dieu incomplet le Père,
ni Dieu incomplet le Fils,
ni Dieu incomplet l’Esprit Saint
car Dieu n’est pas composé, de sorte que la Sainte Trinité soit faite d’imparfaits, mais
Divinité entière et parfaite dans le Père,
entière et parfaite dans le Fils,
entière et parfaite dans le Saint Esprit,
Divinité Une, Simple, et Plus-que-Parfaite, Sainte Trinité, ni mesurable en degrés, ni susceptible de variations,mais une et la même Trinité, égale dans l’honneur, dans la gloire et dans le Trône, Dieu un et simple ; à ceux qui croient ainsi -mémoire éternelle !

7. A ceux qui reçoivent et embrassent les sept saints et vénérables Conciles oecuméniques : le Premier, réuni contre Arius ; le Deuxième, contre Macédonius et Apollinaire ; le Troisième, contre Nestorius le judaïsant ; le Quatrième contre les Monophysites ; le Cinquième contre Sévère et Origène ; le Sixième contre les monothélites ; et le Septième contre les iconomaques, ainsi que les Conciles locaux qui ont brillé par leur orthodoxie, ensemble avec les canons et décrets pris par tous ces Conciles ; à ceux qui les acceptent, -mémoire éternelle !

8. «Ainsi que les prophètes ont vu, ainsi que les Apôtres ont prêché, que l’Eglise a reçu, que les Docteurs ont dogmatisé et que l’univers a cru ; ainsi que la grâce a resplendi, que la vérité a été démontrée et l’erreur dissipée ; ainsi que la Sagesse a déclaré et que le Christ a triomphé, ainsi nous pensons, ainsi nous parlons, ainsi nous proclamons» la foi sainte, irréprochable et immaculée, par la grâce de Notre vrai Dieu qui a dit : «Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas».

9. A tous ceux qui, en outre, ont accepté d’être livrés à toute sorte de supplice, jusqu’à la mort même, en combattant pour la piété, -mémoire éternelle !

10. A Conon, Jean, Marc, Clément, Maxime, Théodoret, Théoctiste, Barnabé, Jérémie, Grégoire, Joseph, Gérasime et Germain, vrais moines et saints martyrs, confesseurs et champions de l’orthodoxie, qui, après mille tortures insupportables, ont encore souffert la mort par le feu8, -mémoire éternelle !

ANATHEMES AUX HETERODOXES

11. «De même les malédictions atteignent ceux qui rejettent et méprisent la foi orthodoxe ; c’est pourquoi, nous, le corps plénier des fidèles, leur jetons la malédiction qu’ils se sont eux-mêmes attirés».

12. A ceux qui n’acceptent pas de chérir et de conserver intact et intégral le saint credo confessé par les orthodoxes, c’est-à-dire le symbole que les deux premiers Conciles ont évangéliquement promulgué, et que les Conciles suivants ont confirmé, mais qui le falsifient et le tirent à leur propre sens, et qui corrompent aussi bien les décrets des saint Apôtres théodidactes que ceux de Notre vrai Dieu et Sauveur Jésus Christ ; à ces faussaires, -anathème !

13. A ceux qui ne confessent pas que le Saint Esprit procède du Père et tire directement de Lui son existence, de même que le Fils naît aussi directement du Père, selon le testament que Dieu le Verbe Lui-même a laissé (Jn 15, 26) et selon la tradition que l’Eglise a reçue des divins Pères, mais qui, dédaignant l’enseignement de Notre Dieu et Sauveur Jésus Christ, acceptent des propos impies et controuvés, prétendant que le Fils se rattache au Père de manière directe et immédiate, tandis que l’Esprit Saint se rattache au même Père de manière lointaine et indirecte, ce qui les conduit, pour leur malheur ! à éloigner l’Esprit Saint de l’Hypostase du Père, à Le dissocier d’avec Elle, et à introduire entre le Père et l’Esprit une sorte de frontière et de disjonction qui conduit tout droit dans le gouffre du trithéisme ; à ces trithéistes, anathème !

14. A ceux qui entreprennent d’établir des dogmes contraires à ceux du Seigneur Christ, et qui déclarent que l’Esprit Saint procède du Père et du Fils et qu’Il est issu du Fils directement et sans intermédiaire, mais du Père indirectement et avec un intervalle, de telle sorte que le Fils vienne directement du Père, et le Saint Esprit, directement du Fils ; et qui osent dire que le Fils est cause prochaine de l’Esprit et le Père, cause éloignée du même Esprit, lequel sortirait donc en acte du Fils et en puissance du Père ; à ceux qui introduisent ainsi des degrés et des échelons entre causateurs et causés au sein de la Trinité simple et indivisible, -anathème !

15. A ceux qui dogmatisent dans la Trinité plus que louangée, différents degrés de gloire et de dignités et qui osent soutenir que l’Esprit Saint serait le troisième en dignité après le Père et le deuxième après le Fils ; à ceux qui s’efforcent ainsi de diviser la Divinité Une, Simple, identique en honneur, partageant la même gloire et siégeant sur le même trône ; qui font varier les Trois hypostases dans leurs rapports réciproques, et posent en conséquence trois dieux différents -et cela, quoique Grégoire le Théologien dise haut et clair dans son homélie sur le Saint Esprit : «Afin de sauvegarder la distinction des Trois Hypostases dans une seule nature et dignité de la Divinité» et encore : «L’adoration de l’Un est adoration des Trois, à cause de l’identité d’honneur, de dignité et de Divinité chez les Trois Personnes» ; à ceux donc qui scindent la Divinité Une aux Trois Hypostases dont la gloire est la même, en introduisant trois degrés différents de dignité, -anathème !

16. A ceux qui assignent, à la Trinité sans limite et plus que louangée, un ordre qui la hiérarchise en premier, deuxième et troisième rang9, ni plus ni moins que les choses soumises au temps et séparées dans l’espace, et qui bravent ainsi les paroles de Basile le Grand : «Lorsque nous disons un, deux et trois, il ne s’agit pas d’un compte d’arithmétique, ni d’une addition qui irait de l’unité à la pluralité ; nous ne parlerons pas davantage de premier, de deuxième ni de troisième. Dieu dit, en effet : ’Je suis le premier, et je suis après toutes ces choses’». Ils refusent de confesser l’ordre comme ils le devraient, c’est-à-dire selon la distinction des propriétés personnelles : l’innascibilité du Père, la naissance du Fils et la procession du Tout Saint Esprit, suivant les paroles du sublime théologien Denys, qui dit : «Les personnes de la Théogonie suressentielle ne s’échangent pas, mais le Père seul est source de la Divinité suressentielle ; le Fils n’est pas le Père, ni le Père le Fils ; les hymnes conservent pieusement la propriété de chacune des hypostases théarchiques». A ceux donc qui subordonnent le Fils au Père et l’Esprit Saint au Fils en leur attribuant premier, deuxième et troisième rang, ‑anathème !

17. A ceux qui prennent dans un sens faussé, conforme à leur propre hérésie, la formule employée par nos divins Pères Maxime et Taraise, qui ont dit : «L’Esprit Saint procède du Père par le Fils» ; à ceux qui refusent d’expliquer ces mots selon la parole de vérité en prenant l’exemple des deux forces de l’unique et même Soleil, la lumière et la chaleur, qui acquièrent toutes deux directement et immédiatement leur existence à partir de lui, sans que la lumière ne tienne son être de la chaleur, ni la chaleur de la lumière, mais c’est par la lumière que la chaleur vient du Soleil jusqu’à nous et qu’elle est dispensée à toute la création. Oui, elles jaillissent du Soleil simultanément et conjointement, et elles coexistent ainsi, leurs énergies demeurant distinctes. Ici, donc, les mots «par le Fils» signifient la simultanéité et équivalent à «avec le Fils», comme le divin Basile l’énonce : «Le Fils, qui a lui-même rayonné de la lumière inengendrée comme seul Fils Unique, fait connaître par lui et avec lui l’Esprit Saint qui procède du Père» et il ajoute que l’Esprit «est connu par le Fils, avec le Fils et conjointement à Lui». Mais ces gens s’attaquent à la tentative oiseuse de donner ici à la préposition «par» (dia) le même sens que la préposition «de» (ek), comme lorsque l’on parle des créatures, ou que l’on énumère une généalogie, ou qu’il est question de racine et de fruit. Dans tous ces cas, le troisième terme vient du premier par le second, et il sort effectivement et sans intermédiaire du second, mais potentiellement et indirectement du premier. A ceux donc qui s’appliquent ainsi à fausser de manière hérétique la signification de la procession du Tout Saint Esprit hors du Père par le Fils, ‑anathème !

18. A ceux qui osent appliquer à la Sainte Trinité le dogme radical selon lequel le Père serait essence inengendrée, le Fils essence engendrée et l’Esprit Saint, essence procédante, et qui affirment ainsi témérairement trois essences partielles, malgré le contredit éclatant que leur donnent ces mots de saint Jean Damascène : «On doit appliquer de manière distinctive les termes de Père, de Fils, d’Esprit, de sans-cause, de causé, d’inengendré, d’engendré et de procédant, lesquels ne signifient pas l’essence, mais la relation mutuelle et le mode d’existence». Avant lui, Grégoire le Théologien avait dit de même : «L’absence de principe, l’innascibilité, ne constitue pas la nature du Sans-Principe, et pas davantage le Principe n’est divisé du Sans-Principe par le fait d’être principe. Car être principe n’est pas pour lui sa nature, pas plus que l’a-principialité n’est celle du premier. Ces attributs, en effet, concernent la nature10, ils ne sont pas la nature». Dans son Homélie sur la Pentecôte, il s’exprime ainsi : «Tout ce que le Père est appartient aussi au Fils, hormis l’innascibilité ; tout ce que le Fils est appartient à l’Esprit, hormis la génération ; or ces attributs ne définissent pas des essences, mais sont définies à propos de l’essence». A ceux donc qui osent dogmatiser à propos de la Sainte Trinité, une essence inengendrée, le Père, une essence engendrée, le Fils, une essence procédante, l’Esprit Saint, et qui confessent témérairement trois essences et, par là, introduisent, en parole et en actes, le trithéisme, ‑anathème !

19. A ceux qui dogmatisent que l’Esprit Saint tire son existence et procède de l’essence du Père et du Fils, et qui posent comme cause de l’essence du Tout Saint Esprit l’essence du Père et du Fils, ce qui les conduit à introduire dans la Sainte Trinité une essence causale et une essence causée, opposée l’une à l’autre comme les termes d’une relation, et à compter des substances diverses dans la Trinité consubstantielle ; à ces dogmaticiens qui ne confessent pas que l’opposition, la pluralité, la division, ainsi que la cause, le causé, l’innascible, l’engendré, le procédant caractérisent les hypostases et les propriétés personnelles, mais qui affirment au contraire que ces termes signifient l’essence et qui scindent donc entre diverses essences l’essence suressentielle de l’Unique Divinité, ‑anathème !

[20. A ceux qui n’acceptent pas de chérir et de garder intact et inaltéré le symbole saint confessé par les orthodoxes durant la sainte liturgie, à chaque célébration ; ce symbole qui a été promulgué par le Premier et le Deuxième Concile et confirmé par les suivants ; mais qui le falsifient en disant : Et en l’Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père et du Fils, et qui corrompent non seulement les traditions conciliaires des saints Pères, des saints et des Apôtres théodidates, mais transgressent même les bornes posées par notre vrai Dieu et Sauveur Jésus Christ Lui-même -anathème !

20bis. A ceux qui comprennent dans un sens faussé la procession du Tout Saint Esprit et disent que l’effusion et la sortie sont même chose ; et affirment ainsi que, puisque les divins Pères, et surtout saint Cyrille, disent que le Saint Esprit est répandu et sort du Fils comme du Père, il s’ensuit qu’Il procède aussi du Fils. Ne comprenant pas, dans leur démence, que le terme de procession exprime le mode intemporel de l’existence du Tout Saint Esprit -c’est pourquoi nous le confessons du Père sans cause ; pour l’effusion, et la sortie, elle désignent la commmunication abondante du Tout Saint Esprit et la distribution de Ses charismes. C’est aussi pourquoi les Pères divins indiquent également la cause pour laquelle le Saint Esprit est répandu, parce qu’il est donné à certains et dans le temps. A ceux donc qui ne confessent pas que le Saint Esprit tient son existence du Père par procession, comme le Fils par génération, et que la naissance est le mode d’existence du Fils et la procession, le mode d’existence du Saint Esprit ; mais qui rejettent perfidement les idiomes (propriétés personnelles) du Tout Saint Esprit et ne disent pas qu’il tient son existence du Père comme Celui qui procède, alors que Grégoire le Théologien dans son discours sur le Saint Esprit et le très théologique Damascène clament que le procédant est un milieu entre l’inengendré et l’engendré, et que la procession du Tout Saint Esprit est un mode d’existence différent de l’innascibilité du Père et de la naissance du Fils, -anathème11.]

20ter. A ceux qui ne reconnaissent pas que la formule «l’Esprit Saint est de l’essence du Père et du Fils» est une manière d’affirmer sa consubstantialité ; mais qui disent qu’elle signifie la cause, en ce sens que l’essence du Père et du Fils serait cause de l’essence du Tout Saint Esprit, ‑anathème !

21. A ceux qui disent que l’Esprit Saint procède du Père et du Fils et tient d’eux son existence, et que le Père et le Fils sont ensemble, en tant que Dieu, une seule cause processive et un seul principe du Tout Saint Esprit, et qui, ce faisant, bannissent l’Esprit Saint de la Divinité, ‑anathème12 !

22. A ceux qui ne confessent pas que la procession est le mode d’existence du Tout Saint Esprit, exactement comme la naissance est le mode d’existence du Fils, mais qui déclarent que procéder est synonyme des expressions «se répandre, provenir, être issu, jaillir, resplendir, exister, apparaître, surgir, envoyer», pour en déduire que l’Esprit Saint procède aussi du Fils, sans comprendre qu’il s’agit là de vocables généraux et universels qui s’appliquent non seulement à la procession du Tout Saint Esprit et à la naissance du Fils, mais encore à l’effusion même du Saint Esprit -et c’est pourquoi ces expressions ne peuvent pas toujours permuter avec le terme de procession ; à ceux qui font cette confusion et qui abolissent ainsi la propriété personnelle du Tout Saint Esprit et son mode d’existence, ‑anathème !

23. A ceux qui interprètent à faux, dans le sens de leur propre hérésie, la parole du divin Apôtre : «Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils», pour essayer d’asseoir leur dogme que l’Esprit Saint procède aussi du Fils et tire de Lui son existence, sans comprendre la différence qui existe entre «être à quelqu’un» et «être de quelqu’un». Dire, en effet, de l’Esprit qu’Il est celui du Fils, c’est, selon le grand et divin Basile, confesser leur entente mutuelle, leur identité d’honneur, et affirmer qu’on les comprend ensemble et conjointement, mais certainement pas que l’Esprit tienne du Fils son existence, comme le prétendent ces impies, à qui nous disons : anathème !

24. A ceux qui infèrent à tort l’unité de la cause du Tout Saint Esprit du fait que tout ce qui est au Fils se rapporte à la Cause première, comme la rémission des péchés, la préparation de la félicité des justes, la connaissance du Jour et de l’Heure du Second Avènement13, et le fait d’être seul vrai Dieu. A ces gens qui réduisent ainsi la Procession du Tout Saint Esprit, qui est sa propriété hypostatique, à un attribut de la nature divine, et à une oeuvre de la volonté, ‑anathème !

25. A ceux qui interprètent faussement cette phrase de saint Jean Damascène : «Nous ne disons pas l’Esprit Saint issu du Fils, non plus que nous ne disons le Fils issu de l’Esprit14» et la commentent ainsi : «Jean Damascène prescrit de ne pas dire l’Esprit issu du Fils, mais c’est seulement au sens où ce dernier serait la cause première et lointaine qu’il nous interdit ce langage, et non pas au sens de cause immédiate. En effet, l’Esprit Saint est issu du Père au sens de cause première, mais nous déclarons bien fort qu’Il est issu du Fils comme de sa cause prochaine et sans intermédiaire». A ceux qui ne voient pas que le divin Damascène a aussitôt précisé : «Non plus que nous ne disons le Fils issu de l’Esprit», mais qui pervertissent les paroles des saints pour les accommoder à leur erreur, ‑anathème !

26. A ceux qui posent en dogme que la perfection de l’image enveloppe l’idée de cause, et qui disent que le Fils est l’image du Père parce qu’Il est issu du Père, et que l’Esprit Saint étant image du Fils doit aussi être issu du Fils, sans voir que si le Fils est cause du Tout Saint Esprit pour cette raison, l’Esprit Saint devrait lui-même être cause du Fils, puisqu’ils sont image parfaite l’un de l’autre. A ceux qui ne confessent pas que cette perfection exprime leur similitude et l’identité de leur énergie naturelle, parce que la possession d’une énergie naturelle unique implique identité de nature chez ceux qui la possèdent, mais qui comprennent la perfection de l’image dans le sens d’une causalité, ‑anathème !

27. A ceux qui lisent de manière impie la phrase du divin Grégoire de Nysse qui dit : «Ainsi l’Esprit Saint tient aussi au Fils Unique, lequel est, par la seule vue de la pensée, considéré avant l’hypostase de l’Esprit en vertu de la raison causale». Ils ne comprennent pas que la «raison causale» du Fils est la naissance, et celle du Tout Saint Esprit, la procession ; ceux qui s’élèvent jusqu’à la divine connaissance de l’Hypostase de l’Esprit considèrent en premier le Fils, en tant que fils, par la vue de la pensée, du fait que ce terme, désignant une relation, s’articule à son corrélatif15. A ceux qui affirment, au contraire, que le Fils est cause de l’Hypostase de l’Esprit, ‑anathème !

28. A ceux qui enseignent que l’Esprit Saint procède et tient son existence du Trône de Dieu et de l’Agneau, autrement dit, de choses créées, puisque le Trône de Dieu est une créature, selon la parole qui dit : «Le ciel est mon trône», et que l’Agneau est la nature humaine du Seigneur Christ, ainsi nommée à cause de la Passion ; à ceux donc qui confessent que l’Esprit Saint, l’Un de la Sainte Trinité, Dieu le Consolateur, est une créature, ‑anathème !

29. A ceux qui entendent de manière sacrilège la parole du Christ Sauveur, qui dit : «Il me glorifiera, parce qu’Il prendra du Mien et vous l’annoncera» et déclarent que l’Esprit Saint prendra du Fils son existence, ce qui revient à lui imposer une limite temporelle et à le définir comme récemment venu à l’être et postérieur aux divins Apôtres ; à ceux, donc, qui ne confessent pas que cette parole signifie l’identité de volonté et d’énergie, mais prêchent ouvertement que l’Esprit prendra du Fils son existence, ‑anathème !

30. A ceux qui posent en dogme que le souffle divin (Jn 20, 22-23) est l’hypostase du Tout Saint Esprit et non le charisme spirituel de lier et de délier les péchés, comme le Christ Lui-même l’a précisé et comme l’essaim des Pères l’a transmis, et qui croient cela malgré les paroles du Christ Sauveur à ses Apôtres après Sa Résurrection : «Vous demeurerez dans Jérusalem jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en-haut, le Saint Esprit survenant sur vous» et encore : «Si je ne m’en vais pas, le Saint Esprit ne viendra pas sur vous» ; à ceux donc qui enseignent que l’Esprit Saint qui fut soufflé sur les Apôtres est l’hypostase de Dieu le Paraclet, pour en déduire que l’Esprit Saint procède du Fils et tient de Lui son existence, ‑anathème !

31. A ceux qui rabaissent l’hypostase du Tout Saint Esprit en la confondant avec la communication et la distribution des charismes et qui, de ce fait, rejettent l’Un de la Sainte Trinité, Dieu le Paraclet, en attribuant au Tout Saint Esprit une hypostase divisible, si bien qu’elle serait, selon sa divinité et dans son existence divine, susceptible d’être reçue à des degrés divers de plus et de moins par les justes ; à ces contempteurs, -anathème !

32. A ceux qui comprennent indûment la parole du divin Athanase qui dit : «Pour manifester à Ses disciples sa divinité et sa majesté, et pour montrer qu’il n’était pas inférieur à l’Esprit, mais plus grand et égal à celui-ci, Il leur donna l’Esprit en disant : Recevez le Saint Esprit». A ceux donc qui s’appuient sur ce texte pour affirmer que le Fils est plus grand que l’Esprit Tout Saint par la causalité, et qui ne confessent pas que le Fils est à la fois égal à l’Esprit dans la gloire et dans l’essence et plus grand que la grâce qu’Il dispense, comme l’explique Athanase le Grand lui-même, mais qui prennent ici l’expression de «plus grand» pour une manière de désigner la causalité, ‑anathème !

33. A ceux qui se risquent à enseigner que certaines propriétés naturelles sont communes au Père et au Fils, mais non point au Tout Saint Esprit, et qui disent en propres termes : «L’Esprit Saint n’aura point communication des propriétés naturelles du Père et du Fils», ce qui revient à prêcher un Esprit Saint porteur d’une nature différente de celle du Père et du Fils ; à ces malheureux, ‑anathème !

34. Aux faussaires qui introduisent mille espèces d’interpolations et d’altérations dans les écrits divins et sacrés des saints Pères, notamment d’Athanase le Grand, de Basile le Grand, d’Epiphane de Chypre, de Cyrille et de Maxime le Confesseur, ainsi que de Jérôme, d’Augustin et des autres saints Pères divins et orthodoxes, ‑anathème !

35. A ceux qui acceptent les passages falsifiés et en donnent lecture au peuple pour tromper les fidèles et provoquer la ruine de la foi orthodoxe, et qui calomnient, en premier lieu, le grand et divin Basile, auquel ils prêtent ces mots : «Le langage de la piété enseigne que l’Esprit est second en dignité par rapport au Fils, dont Il tient Son être, de qui Il reçoit et l’annonce, et, absolument parlant, que l’Esprit dépend de cette cause», et ensuite saint Athanase à qui ils font dire : «Le Saint Esprit est la Projection du Père et du Fils qui (Le) porte», et encore : «L’Esprit Saint est issu du Père et du Fils, non fait, non créé, non engendré, mais procédant», sans oublier saint Grégoire de Nysse qu’ils falsifient ainsi : «Il est dit que le Saint Esprit vient du Père et l’on témoigne aussi qu’Il vient du Fils», et le divin Chrysostome : «Tel est l’Esprit : Celui qui procède du Père et du Fils, qui distribue comme Il l’entend ses propres charismes» et encore : «Cet Esprit Saint, nous le disons égal au Père et au Fils et procédant du Père et du Fils» ; à ceux donc qui acceptent ces textes controuvés et qui s’efforcent par ce moyen de duper les orthodoxes les plus naïfs, ‑anathème !

36. A ceux qui inventent des dogmes contraires à ceux des Pères et se montrent notoirement hostiles au très saint patriarche Photios, à Théophylacte de Bulgarie, à Euthyme Zigabène, à Jean Phournès, et au premier de la Montagne Gane, à Nicolas de Méthone et aux autres champions de la piété : ils traitent ces saints d’imposteurs et de corrupteurs de la foi orthodoxe, quand ils sont en réalité les vrais défenseurs de la piété qui ont lutté pour les dogmes orthodoxes de l’Eglise du Christ ; à ces calomniateurs, ‑anathème !

37. A ceux qui se servent de pains azymes pour le sacrifice de l’autel et, en agissant ainsi, réduisent à néant l’Incarnation de Dieu le Verbe et affirment sur le mode symbolique l’hérésie d’Apollinaire, dont le dogme consistait à affirmer que le Seigneur avait assumé un corps céleste, sans âme ni esprit ; il poursuivait en ajoutant que le Seigneur était passé à travers Marie comme par un tuyau, de façon purement apparente, car, toujours selon lui, l’esprit humain se serait, en Adam, uni dans sa substance même, à cause de la transgression, au péché tel qu’il existe dans la volonté16, tandis que la chair s’unissait à l’acte même du péché. Il s’ensuit que si Dieu le Verbe avait assumé la nature humaine, Il n’eût pas été sans péché. Or il était bien tel. Il n’a donc pas assumé la nature humaine, mais un corps céleste, pur et sans péché, modelé d’avance dans le ciel, dépourvu d’âme et d’esprit, lesquels sont suppléés par la Divinité du Monogène. C’est pourquoi les adeptes de cet Apollinaire citent en témoignage les paroles que voici : «Nul n’est monté au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel» et «s’étant trouvé en forme d’homme». De là vient qu’ils célèbrent le sacrifice avec du pain azyme, lequel ressemble, disent-ils, au corps sans âme qui fut assumé, et ils n’y mettent ni levain ni sel, parce que le levain est comme l’âme du pain, et le sel son esprit. C’est aussi pour cette raison qu’ils le pétrissent longtemps d’avance et le conservent avec précaution, le qualifiant alors de pain pur, tandis qu’après la prière, ils l’appellent pain fermenté, de même que le corps céleste de leur invention se serait trouvé, après l’union avec la Divinité, pourvu d’âme et d’esprit. Ils ne le mêlent pas avec les autres pains de la prosphore, offerts à l’intention des saints, parce que leur dogme assure que ce corps supérieur n’est pas consubstantiel aux saints. A ceux donc qui offrent des azymes en sacrifice et renient ainsi l’Incarnation de Dieu le Verbe, ‑anathème !

38. A ceux qui essayent, de quelque manière que ce soit, d’introduire de nouvelles questions et de nouveaux enseignements sur la divine et insaisissable Trinité et qui entreprennent de chercher la différence entre la génération et la procession et ce qu’est, en Dieu, génération et procession, et qui en rendent raison dans des discours, au lieu de demeurer de tout leur coeur dans la limite des définitions que les disciples du Christ et les saints Pères nous ont transmises ; à ces disputeurs qui, en conséquence de leur tentative, tombent dans des querelles de mots qui roulent sur des points que la tradition ne nous enseigne pas et qui ne servent rigoureusement à rien, ‑anathème !

39. A ceux qui méprisent les saints et vénérables conciles oecuméniques, allant jusqu’à dédaigner leurs traditions dogmatiques et canoniques, et qui affirment que ces conciles n’ont pas tout défini et transmis parfaitement, mais qu’ils ont laissé dans l’ombre la plus grande partie de la doctrine et des mystères et ne les ont pas enseignés, ‑anathème !

40. A ceux qui tiennent en mépris les saints et divins canons de nos Pères bienheureux, ces règles qui soutiennent la Sainte Eglise de Dieu et font l’ornement de toute l’Eglise chrétienne qu’elles conduisent dans la crainte et la piété divines ‑anathème !

41. A toutes les innovations et attaques qui ont été perpétrées contre la tradition de l’Eglise et contre l’enseignement et l’exemple des Pères saints et vénérables, ou qui le seront dans l’avenir, ‑anathème !

CONDAMNATION DE JEAN BECCOS

42. Outre ce qui précède, il convient également de jeter sous l’anathème les écrits et les dogmes de Beccos, qu’il a enseignés dans l’Eglise, aussi bien les falsifications antérieures que celles auxquelles il s’est livré lui-même, ainsi que les interprétations fallacieuses qu’il a forgées pour constituer et consolider l’hérésie pneumatomaque.

43. Beccos écrit : «Une première chose, c’est d’éditer correctement tous les textes qu’on a dits, dans lesquels les théologiens des diverses époques qui ont parlé de la Trinité ont clairement et distinctement affirmé que l’Esprit Saint est pleinement17 de l’essence du Père et du Fils, ce qui constitue précisément l’enseignement de l’Eglise de Rome, quand elle déclare qu’Il procède des Deux». L’auteur dit ici que l’essence du Père et du Fils est cause de l’essence du Tout Saint Esprit, et il confesse une essence-cause et une essence-causée, toutes deux antithétiques et opposées comme des termes corrélatifs. Or les caractères de «cause» et de «causé» ne désignent pas l’essence, mais la relation réciproque et le mode d’existence ; car la cause et le causé sont autour de l’essence, mais ils ne sont pas l’essence, selon l’enseignement des divins Pères18. Enfin, lorsque l’on dit que l’Esprit Saint est de l’essence du Père et du Fils, on signifie la consubstantialité, mais point du tout la cause.

44. Il dit encore : «Se fondant sur les dogmes des grands saints et fidèle à leurs idées, l’Eglise de Rome prêche le Fils issu du Père seul, mais déclare l’Esprit issu du Père et du Fils, non sans enseigner toutefois et confesser clairement un seul principe dans la Sainte Trinité, parce qu’elle sait, de par l’enseignement des Pères, que tout ce que le Fils possède doit être rapporté au Père, comme à la Cause première. En effet, dire que l’Esprit est issu du Père et du Fils et refuser d’autre part d’admettre deux causes de l’Esprit, ne peut s’expliquer que de la manière qu’on a dite, à savoir que tout ce qui est au Fils revient au Père comme à la Cause première». Ici, pour éviter de tomber dans la bi-causalité, il confesse que l’Esprit Saint est une créature ! En effet, la causalité de création19 remonte au Père comme à la Cause première, ainsi que tous les apanages20 de la Divinité, selon l’enseignement de saint Grégoire le Théologien : «Quoique il faille rendre à la Cause première ce qui appartient à l’Esprit, exactement comme l’on attribue à cette Cause tout ce qui est au Fils unique, il n’en va cependant pas de même pour la causalité de procession21, parce qu’elle est une propriété hypostatique et que toutes les propriétés personnelles sont intangibles».
C’est aussi pourquoi Basile le Grand dit dans son Contre Eunome : «Tout ce que l’on affirme comme venu à l’être de par le Fils -autrement dit comme créé par Lui- se rapporte à la Cause première qui est le Père». Beccos a également falsifié cette phrase du grand parmi les Pères, Basile, en écrivant : «Tout ce que l’on affirme comme étant de par le Fils se rapporte à la Cause première qui est le Père». Il a supprimé dans sa citation l’expression «venu à l’être» pour y substituer le terme «étant22» afin de suggérer que la causalité de procession a lieu par le Fils et renvoie au Père de la même manière que la causalité de création. C’est ainsi que, s’appuyant sur la citation altérée par ses soins, il poursuit : «Nous avons donc raison de dire que les Italiens, en ajoutant au Symbole que le Saint Esprit procède aussi du Fils, n’affirment nullement par là que l’Unique Esprit aurait deux causes». En agissant de la sorte, il fausse à la fois le texte et l’interprétation de cette parole de notre saint Père Basile le Grand.

45. Il déclare encore : «Ainsi donc, puisque nous avons une seule foi, qui nous est venue des Pères en héritage sacré, que les Conciles oecuméniques et locaux ont ratifiée et que le temps qui s’est écoulé depuis lors, et jusqu’à présent, a confirmée, qu’elle demeure sauve et intacte, sans que rien nous empêche de conclure la paix avec nos frères, puisque les mots qu’ils ont ajoutés conduisent à une même intelligence de la foi». Il calomnie ici tous les saints conciles et tous les saints pères et se fait une chimère, selon laquelle, dès l’origine et depuis toujours, les Italiens auraient fait cette addition au divin symbole, que tous les saints conciles et tous les divins Pères auraient acceptée ! Quant à nous, c’est par pure malveillance que nous aurions excommunié les auteurs de cette addition ! Or les diffamateurs des saints Conciles et de tous les divins Pères sont déjà frappés d’anathème.

46. Il déclare encore : «Les nouveaux théologiens qui, à les en croire, l’emportent sur les Pères en précision dogmatique, tirent de leur imagination une armada de différences et se retranchent derrière ces distinguos chimériques pour refuser la réconciliation avec l’Eglise de Rome. Ils prétendent, en effet, que sa doctrine d'une procession de l’Esprit hors du Père et du Fils vient de ce qu’elle ignore la différence entre l’affirmation que l’Esprit sort du Père et du Fils, qu’Il est répandu et qu’Il provient par le Père et le Fils, et celle qui consiste à dire que l’Esprit procède du Père et du Fils». Beccos ravale ici à un rang inférieur le mode d’existence du Tout Saint Esprit, c’est-à-dire la procession, qu’il confond avec les notions de sortir, d’être répandu, de provenir, tous termes que les Pères emploient avec un complément d’origine, ajoutant toujours «du Fils» ou «de la grâce divine», et qui s’appliquent à l’énergie, comme le divin Chrysostome l’énonce souverainement : «La grâce se répand, non point le donateur». Ainsi, ces expressions ne signifient pas l’existence du Tout Saint Esprit, à laquelle ne convient que le verbe procéder, de même que le terme de naître est le seul qui s’applique proprement au Fils.

47. Ensuite, toujours pour éviter d’introduire deux causes, il tombe dans un blasphème d’un autre genre, et confesse tout uniment le Saint Esprit comme une énergie du Père et du Fils. Voici ses paroles : «Si quelqu’un se plaît encore chicaner, eh ! bien, qu’il sache que, sauf à risquer le blasphème énorme que le Fils possède une énergie propre, différente de celle du Père, on ne saurait jamais penser ni prétendre que le Père et le Fils sont deux causes. En effet, puisque le Fils n’a pas d’énergie qui lui soit propre, indépendamment du Père, comment dire que le Père et le Fils sont deux causes, que ce soit par rapport à la création ou dans leur nature ? Car le Saint Esprit, selon le grand Cyrille et le très grand Athanase, s’appelle aussi «énergie naturelle du Père, qui peut tout remplir selon sa volonté» : or, qui d’entre les amoureux de la piété, osera jamais penser que cette énergie naturelle et essentielle puisse avoir deux causes ?» L’auteur altère et dénature ici les écrits des saints Pères, malgré la réponse magistrale de saint Grégoire le Théologien à Eunome : «Si l’Esprit Saint est une énergie, il sera, non pas agissant, mais activé, et cessera avec cette activation. Car l’énergie est quelque chose de tel. Comment, dès lors, agit-il, comment dit-il telles et telles choses, comment peut-il mettre à part, s’affliger, s’irriter et accomplir toutes ces actions qui sont, à l’évidence, le propre d’un moteur et non d’un mouvement ?» Vous voyez sa méthode ? Tantôt, des interprétations vicieuses ; tantôt, des textes falsifiés par ses soins.

48. Il fait encore étalage d’une autre élucubration étrangère à la piété, qu’il formule ainsi : «On a donc découvert, dans tous les écrits des saints théologiens distingués, l’enseignement clair et distinct que l’Esprit Saint tire du Fils son existence naturelle, essentielle et hypostatique. Quant à savoir pourquoi le terme même de procession hors du Fils n’est attesté nulle part, comme variante des autres expressions, je m’en expliquerai plus tard». Voyez encore comment il se charge de tordre et de défigurer les écrits des saints Pères. Qui d’entre les saints Pères, en effet, a jamais déclaré que l’Esprit Saint tirait du Fils son existence hypostatique ? Que l’Esprit Saint soit répandu par le Fils et donné, en don issu de Lui de manière naturelle et substantielle, selon l’éclat et l’énergie divine, à ceux qui en sont dignes, c’est une tradition dont toute l’Eglise du Christ confesse l’origine patristique et qu’elle croit absolument, parce que l’Esprit Saint qui fut répandu et donné aux saints dans le Fils n’était pour Lui ni une acquisition, ni un bien extrinsèque, comme Il le fut pour les Prophètes et les Apôtres. Il a dit, en effet, à ces derniers : «Vous avez reçu en don gratuit, donnez en don gratuit» ; tandis que c’est de manière essentielle et naturelle que le Seigneur donne aux saints la grâce et l’énergie du Tout Saint Esprit ; en revanche, nous n’avons jamais appris nulle part que l’Esprit Saint tire du Fils son existence hypostatique. Cette dernière idée est clairement un fantasme de son esprit malsain.


49. Voilà pourquoi, continuant ses raisonnements, tantôt à coup de falsifications de son cru, tantôt à coup de déductions tirées des passages falsifiés, il déclare encore ceci : «Ainsi donc, l’examen détaillé des écrits des saints nous conduit à constater tantôt que l’Esprit se répand de manière essentielle à partir du Fils, tantôt qu’Il tient du Fils son être hypostatique, tantôt qu’Il resplendit par le Fils, qu’Il provient essentiellement du Fils et qu’Il a l’être par Lui, tantôt enfin que Son existence lui vient essentiellement et naturellement du Fils». Ici encore, l’affirmation que l’Esprit Saint tient du Fils son être hypostatique, est un pur produit de son hypocrisie. Quant à l’affirmation qu’Il a l’être par Lui, c’est-à-dire que l’Esprit Saint a l’être par le Fils, c’est une idée qu’il doit à ses maîtres, qui a germée du mauvais grain semé par le diable et dont il a hérité avec ferveur. C’est pourquoi nous déclarons tous ces propos frappés d’anathème.

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