jeudi 19 janvier 2012
GUETTEE. DE LA PAPAUTE. Chap.VII.
GUETTEE.
DE LA PAPAUTE.
CHAPITRE VII.
LE CONCILE DE 879.
( VIIIème CONCILE OECUMENIQUE).
(P.179).
Au mois de novembre 879, le concile prescrit par le pape Jean fut assemblé. (N.d.a : Les actes de ce concile ont été publiés, d’après les manuscrits du Vatican, & d’après les ordres du pape Clément XI, par le père Hardoin, dans sa collection des conciles (t.VI) ; comme ils contiennent beaucoup de choses qui réfutent les assertions des ennemis de Photios, des écrivains passionnés comme Baronius & le grec apostat Léon Allacci (Allatius) prétendent qu’ils ont été falsifiés par Photios. Assémani qui n’est pas suspect de bons sentiments à l’égard de l’Eglise orientale les admet comme authentiques. Comment, en effet, peut-on supposer que la bibliothèque du Vatican n’aurait possédé que les actes falsifiés ? Que seraient devenus les actes authentiques ? )-. Photios présida le Concile. A ses côtés étaient les légats de Rome & les sièges patriarcaux d’Orient : le Prêtre Cosmas, légat d’Alexandrie, Basile, archevêque de Martyropolis, légat d’Antioche, Elie, légat de Jérusalem. –(N.d.a : Cet Elie n’était pas le même qui avait siégé au concile tenu contre Photios. Il siégea dès la quatrième session ; Cosmas n’arriva que pour la deuxième session, & l’Evêque Basile pour la quatrième.)-. Trois cent quatre-vingt-trois Evêques prirent séance après les légats.
Au commencement de la première session, le Diacre Pierre, protonotaire de l’Eglise de Constantinople, annonça solennellement que les légats du pape demandaient à entrer. Photios ordonna de les introduire après avoir fait une prière d’action de grâces, il alla au-devant d’eux, les embrassa, & leur adressa des compliments aussi pieux qu’éloquents. Le cardinal Pierre, qui parlait au nom de la légation, remercia Dieu de ce qu’ils trouvaient Sa Sainteté le Patriarche en aussi bonne santé, & déclara que le pape le saluait comme son frère & son collègue dans le sacerdoce. « Nous aussi, répondit Photios, nous saluons d’une affection cordiale le très saint pape œcuménique Jean, notre saint frère, collègue, & père spirituel ».
Le cardinal Pierre ayant fait allusion aux lettres qu’il avait apportées, & qui témoignaient de la sollicitude du pape pour l’Eglise de Constantinople, Photios fit grand éloge de ces sentiments du pape : « De même que le Christ, dit-il, ne s’est pas contenté du Ciel, & qu’il a voulu descendre sur la terre pour le bonheur de l’humanité, le pape ne s’est pas contenté de voir sa propre Eglise en paix ; il a voulu aussi engager les schismatiques des autres pays à s’amender ». Il entendait par ce mot ceux qui refusaient d’être en communion avec lui.
Après quelques autres politesses, le cardinal Pierre, s’adressant au concile, dit que le pape, en bon pasteur, n’avait qu’un but, ramener tout le monde à l’union.
(P.180).
« L’union est déjà faite », dit Jean d’Héraclée. Puis Zacharie de Chalcédoine, intime ami de Photios, présenta l’historique & les causes des discussions qui avaient eu lieu. La supériorité incontestable de Photios lui avait fait beaucoup d’envieux, & la faiblesse d’Ignace en avait fait le jouet de ces envieux qui, pour satisfaire leurs mauvais sentiments, avaient troublé toute l’Eglise. « Heureusement, ajouta-t-il, que le pape Jean n’a plus voulu être le jouet de ces envieux, & il a suivi une autre voie que ses prédécesseurs Nicolas & Adrien. Grâce à lui la paix est rétablie ». Le légat de Jérusalem déclara que son Eglise avait reconnu Photios pour Patriarche depuis qu’il avait envoyé ses lettres de communion au Patriarche Théodose. –( N.d.a : C’est ce que nous avons affirmé contre le mensonge du faux légat de Jérusalem au conciliabule des Dix-Huit)-.
Les légats remirent à Photios plusieurs vêtements ecclésiastiques qui lui étaient envoyés par le pape, & déclarèrent de nouveau qu’il avait pour le Patriarche de Constantinople les sentiments de la plus parfaite amitié.
La session fut terminée par des acclamations en l’honneur de l’empereur, de la famille impériale, de Photios & de Jean, très saint Patriarche.
La deuxième session eut lieu le 17 novembre 879. On lut les lettres du pape à l’empereur & à Photios. –(N.d.a : Fleury, in son Hist. Eccl., livre LIII, §13, en constatant qu’il y a des différences entre le texte latin & le texte grec, dit que les changements avaient sans doute été faits « de concert avec les légats qui en entendirent la lecture sans s’en plaindre »)-.
Après cette lecture, le cardinal Pierre demanda comment le Patriarche Photios était remonté sur son trône. Elie de Jérusalem se chargea de la réponse. « Photios, dit-il, a toujours été reconnu comme Patriarche par les trois Patriarches d’Orient, & par la plupart des Evêques & des Ecclésiastiques du Patriarcat de Constantinople. Pourquoi n’aurait-il donc pas remonté sur le trône ? » Tout le concile se joignit à Elie : « Il y est remonté, dirent les Evêques, du consentement des trois patriarches, à la prière de l’empereur, ou plutôt en cédant aux instances qui lui ont été faites, & à la prière de toute l’Eglise de Constantinople ». –« Il n’y a donc pas eu de violences commises par Photios ? dit le cardinal Pierre ; n’a-t-il pas agi tyranniquement ? » -« Au contraire, répondit le concile, tout s’est passé avec douceur & tranquillité ». –« Dieu soit béni », reprit le cardinal Pierre. Alors Photios prit la parole & dit : « Je vous le déclare devant Dieu, je n’ai jamais désiré ce siège ; la plupart de ceux qui sont ici le savent bien. La première fois, j’y montai malgré moi, après avoir répandu beaucoup de larmes, & avoir résisté longtemps à une véritable violence que me faisait l’empereur qui régnait alors ; je n’y suis monté que du consentement des Evêques & du Clergé qui m’avaient élu à mon insu. On me donna des gardes… » -« Oui, s’écria le concile, nous savons tous qu’il en a été ainsi ; nous le savons par nous-mêmes, ou nous l’avons appris de ceux qui en furent témoins. » Photios continua ainsi : « Dieu a permis que je fusse chassé ; je n’ai fait aucune démarche pour rentrer, je n’ai point excité de séditions ;
(P.181)
Je me suis tenu en repos, me confiant dans les jugements de Dieu, & sans importuner l’empereur de mes réclamations. Je n’avais ni le désir ni l’espérance d’être rétabli. Dieu a voulu que l’empereur me rappelât de mon exil ; tant qu’Ignace, d’heureuse mémoire, a vécu, je n’ai pas voulu reprendre mon siège, malgré les instances qui m’étaient faites ». Le concile s’écria : « C’est la vérité ». –« Je cherchai, ajouta Photios, de toutes les manières à avoir la paix avec Ignace ; nous nous sommes vus au palais, nous nous sommes jetés aux pieds l’un de l’autre, & nous nous sommes pardonnés. Lorsqu’il tomba malade, il m’appela ; je le visitai plusieurs fois, & je le consolai autant qu’il me fut possible. Il me recommanda ceux qu’il aimait le mieux, & j’en ai pris soin. Après sa Mort, l’empereur lui-même vint me trouver pour m’engager à me rendre aux désirs de l’Eglise, & de reprendre le siège de Patriarche. Je dus y consentir ». Le concile dit : « Tout cela est vrai ».
Le cardinal Pierre fit connaître au concile l’amitié que le pape Jean professait pour Photios, & tout le concile applaudit.
Les légats demandèrent ensuite la lecture des lettres des patriarches orientaux. On commença par celle que Michel, Patriarche d’Alexandrie, avait envoyée par le Prêtre Cosmas. Le Patriarche anathématise Joseph, qui s’était donné le titre de légat d’Alexandrie au conciliabule des Dix-Huit, on lit dans la lettre : « Ce Joseph s’est dit faussement Archidiacre du Patriarche d’Alexandrie, mon prédécesseur qui l’a anathématisé. Il en est de même de l’impie Elie qui s’est dit syncelle de Sergius, Patriarche de Jérusalem, & qui est Mort frappé de la lèpre à son retour ». Le Patriarche d’Alexandrie fait ensuite le plus grand éloge de Photios & dit : « Quiconque ne communique pas avec lui, & ne le reçoit pas pour Patriarche très légitime, doit être classé parmi les Juifs. »
La lettre terminée, le concile dit : « Nous savions bien que les sièges d’Orient n’avaient jamais été séparés de la communion de Photios. » La lettre fut donc acceptée officiellement.
Le même Patriarche d’Alexandrie avait écrit à Photios en même temps qu’à l’empereur. Après lui avoir adressé les plus grands éloges, il lui dit que les Métropolites de son Patriarcat s’étaient réunis autant qu’il leur avait été possible dans la triste situation où ils étaient sous le joug musulman, & que tous aveint décidé, d’après la recommandation de son prédécesseur, de persévérer dans la communion avec lui, & d’insérer son nom dans les dyptiques sacrés. « Quant à Elie & Joseph qui ont fait éclater leur rage contre vous, ajouta-t-il, ils sont Morts dans leur péché sans en avoir fait pénitence. Pour ce qui est de Thomas, évêque de Bérite (Tyr), il a reconnu sa faute, comme vous le verrez par sa rétractation. Nous lui avons pardonné, & nous vous prions de faire de même ».
Les légats du pape déclarèrent que cette affaire de la rétractation de Thomas n’appartenait qu’à Photios ; & le bon Patriarche déclara aussitôt qu’il lui pardonnait.
Théodose, Patriarche de Jérusalem, avait envoyé à Photios une lettre analogue à celle de Michel d’Alexandrie. Il l’avait envoyée par le prêtre-moine André & le prêtre Elie. Il intercédait aussi pour Thomas de Tyr.
(P.182).
Le Patriarche d’Antioche, nommé aussi Théodose, écrivit dans le même sens que les patriarches d’Alexandrie & de Jérusalem. Tous déclaraient se réjouir du rétablissement de Photios avec lequel ils étaient en communion.
Le Patriarche de Jérusalem étant Mort sur ces entrefaites, Abraham, Métropolite d’Armide & Samosate, en Arménie, en écrivit à Photios, & lui apprit qu’il avait été remplacé par Elie, de Damas. Il profita de cette occasion pour complimenter Photios sur son rétablissement, & déclarer qu’il était en communion avec lui.
Le concile rendit grâces à Dieu pour toutes ces lettres, & termina la deuxième session par les acclamations ordinaires.
La troisième fut tenue deux jours après. Le cardinal Pierre fit lire la lettre du pape aux Evêques du Patriarcat de Constantinople, & aux Patriarches orientaux. Le concile l’approuva, sauf ce qui avait trait aux droits de l’empereur sur la Bulgarie ; ce pays était en effet situé sur un territoire qui relevait directement du trône de Constantinople, & le pape n’avait pas le droit de prétendre y exercer sa juridiction. Zacharie, de Chalcédoine, fit des observations au sujet de ce que disait le pape : qu’il ne serait plus permis à l’avenir d’élever un laïc à l’épiscopat. Zacharie rappela les grands exemples de Nectaire, de Constantinople ; d’Ambroise, de Milan ; d’Ephrem, d’Antioche ; d’Eusèbe, de Césarée, & de plusieurs autres. Pour répondre à un canon auquel le pape en avait appelé, il prétendit que ce canon n’atteignait pas Photios : « Il n’a jamais été homme d’affaires, dit-il, mais homme de lettres ; son père & sa mère ont souffert pour la religion ; lui-même a converti, en Arménie & en Mésopotamie, un grand nombre de gens qui étaient dans l’erreur, & des nations entières ».
Il méritait donc, selon Zacharie, l’exception que l’on avait faite en sa faveur.
On lut ensuite une lettre du Patriarche Théodose, de Jérusalem, à l’empereur. Les légats demandèrent comment le Patriarche de Jérusalem avait envoyé cette nouvelle lettre. Elie répondit : « Il l’a faite en synode lorsque j’étais à Jérusalem ; il vient de l’envoyer par mon frère André. Elle est écrite, non seulement en son nom, mais au nom du Patriarche d’Antioche. –Nous savons, dit le cardinal Pierre, que les Patriarches d’Orient, comme le pape, reconnaissent Photios comme Patriarche légitime. Si j’ai fait une question, c’est que nous ne voulons pas nous laisser tromper par des émissaires des Sarasins, se donnant comme légats des Patriarches. Quant au Patriarche de Constantinople, nous savons qu’il ne cherche pas sa gloire, & qu’il s’en remet absolument à Dieu ; aussi, pensons-nous qu’on ne s’opposera pas à la lecture officielle du Commonitorium dont le pape nous a chargés. » Le concile consentit à cette lecture. Lorsqu’on entendit le passage dans lequel le pape annulait les conciles tenus à Rome & à Constantinople contre Photios, tous les Evêques s’écrièrent : « Et nous aussi nous les condamnons, a nous disons anathèmes à ceux qui adhèrent ». Les légats d’Orient ajoutèrent qu’il ne fallait pas nommer concile la dernière assemblée tenue à Constantinople, où des émissaires des Sarrasins avaient siégé comme juges, où les innocents avaient été condamnés, contrairement à toutes les lois ecclésiastiques & civiles.
(P.183).
Ils dirent anathème à ce conciliabule, & en rejetèrent les actes.
Le pape, les rejetant de son côté, comment peut-on sérieusement admettre qu’il fut admis par toute l’Eglise, & qu’il fut œcuménique ?
Après la lecture du commonitorium, le cardinal Pierre lut les signatures des Evêques occidentaux qui l’avaient accepté avec le pape, dans un concile de Rome. Le concile se déclara satisfait, & la séance fut levée.
La quatrième session eut lieu la veille de Noël.
Le protonotaire Pierre annonça qu’un légat du Patriarche d’Antioche était arrivé, & demandait à être introduit, on le fit entrer. Il se nommait Basile, & il apportait des lettres du Patriarche d’Antioche & d’Elie, nouveau Patriarche de Jérusalem. Ni l’un ni l’autre, dit Basile, n’a pris aucune part à ce qui a été fait contre Photios. On lut les lettres qu’il apportait. Les Patriarches y faisaient les plus grands éloges de Photios, & déclaraient qu’il avait toujours été reconnu par leurs sièges comme Patriarche légitime de Constantinople.
Les légats demandèrent ensuite au concile si l’on acceptait les articles contenus dans la lettre du pape à l’empereur. Ils résumèrent cette lettre en cinq articles : le premier était relatif à la Bulgarie ; le second à l’ordination des laïcs ; le troisième à l’élection du Patriarche de Constantinople, qui devait être choisi dans le clergé de cette Eglise ; le quatrième condamnait les conciles de Rome & de Constantinople contre Photios ; le cinquième concernait l’excommunication des schismatiques, c’est-à-dire de ceux qui refuseraient de reconnaître Photios pour Patriarche.
Les deux derniers articles furent acceptés sans difficulté par le concile. Quant au premier, le concile se déclara incompétent, car il s’agissait de déterminer quelles étaient les limites de l’empire. Les juridictions épiscopales étaient, en effet, déterminées par les circonscriptions civiles, & ces dernières dépendaient de l’Etat. Le concile n’accepta pas les deuxième & troisième articles. L’Eglise romaine avait sa discipline relativement à l’élévation des laïcs à l’épiscopat, mais l’Eglise d’Orient en avait une différente. Les deux Eglises ne devaient pas entrer en discussion à ce sujet, & pouvaient conserver chacune ses coutumes. Le concile fit observer que le Clergé de Constantinople n’aurait peut-être pas toujours dans ses rangs l’homme le plus capable de gouverner cette Eglise ; il fallait donc laisser subsister l’ancienne coutume. Ces observations furent présentées avec tant de calme que les légats romains se félicitèrent de ce que tous les sujets de scandale avaient disparu. « Puisque, dit le cardinal Pierre, tous les scandales ont disparu, par la Grâce de Dieu, & que la concorde est rétablie dans l’Eglise, allons tous ensemble à l’église, puisque l’heure des saints offices est arrivée, & allons les célébrer avec le Patriarche Photios ». Le concile répondit : « Cette proposition est bonne & agréable à Dieu ; qu’il soit fait comme vous l’avez dit ! Dieu conserve notre chef & prolonge ses jours pour le bien de son Eglise ! »
Les fêtes de Noël & les autres qui ont lieu dans le cours du mois de janvier firent ajourner les sessions du concile. La cinquième n’eut lieu que le 25 janvier 880.
(P.184).
Le Patriarche Photios ouvrit la séance par ce discours : « Le second concile œcuménique de Nicée, tenu sous le pape Adrien & le Patriarche Taraise, est reconnu par notre Eglise pour le septième œcuménique, & mis sur le même rang que les six premiers. L’Eglise romaine & les patriarcats d’Orient, reçoivent comme nous les décrets de ce concile ; mais quelques personnes doutent peut-être qu’on doive placer ce concile parmi les œcuméniques ; nous avons entendu dire qu’il en était ainsi. Maintenant que nous sommes réunis, ordonnons, mes frères, que le concile soit compté comme le septième œcuménique, & reconnu comme égal aux six autres ».
Le cardinal Pierre attesta que l’Eglise romaine l’avait toujours accepté comme tel, & il prononça l’anathème contre ceux qui ne croiraient pas ainsi. Les légats des Patriarches orientaux, & tous les membres du Concile prononcèrent le même anathème.
On a vu que Mitrophane de Smyrne s’était toujours montré le plus ardent adversaire de Photios. Il était à Constantinople lorsque se tenait le concile ; Comme il ne s’y était pas présenté pour prouver les accusations qu’il avait élevées contre le vénérable Patriarche, les légats du pape demandèrent au Concile qu’il fût appelé. On lui envoya plusieurs Evêques pour lui dire de se présenter. Il répondit qu’il était trop malade. En entendant cette réponse, les légats firent observer qu’il aurait pu déclarer qu’il se soumettait aux ordres du pape Jean aussi facilement qu’il avait déclaré être malade. On lui envoya donc encore par deux fois des Evêques qui rapportèrent la même réponse. Après les trois admonitions canoniques, il ne restait plus qu’à condamner le calomniateur, qui avait toute liberté de se présenter pour soutenir ses accusations, & ne l’osait pas. Il fut donc frappé d’excommunication. Les légats ajoutèrent que, d’après les ordres du pape, il était convenu que tous ceux qui seraient excommuniés par lui seraient considérés comme tels par le Patriarche Photios, & que ceux qui seraient excommuniés par le Patriarche seraient considérés comme tels par le pape ; A la demande des légats, on fit un canon sur ce point. On en fit un second pour déclarer que les Evêques qui avaient abandonné leur Eglise pour entrer dans un Monastère ne pourraient redevenir Evêques. Un troisième canon frappa d’anathème les laïcs qui se permettaient des violences contre les evêques.
Photios ayant demandé si le concile jugeait qu’il y eût encore quelque chose à traiter, les légats répondirent que les affaires dont ils étaient chargés étaient terminées ; mais, ajouta le cardinal Pierre, tous les Evêques qui ont assisté au concile de Rome, qui a annulé tout ce qui avait été fait contre Photios, ont signé les actes du concile. Ceux qui ont confirmé ici ce qui a été fait à Rome, doivent également signer les actes de la présente assemblée. Personne n’y contredit.
Paul, Evêque d’Ancône, signa le premier de cette manière : « Paul, Evêque d’Ancône, légat du Saint-Siège & du pape Jean, dans ce concile œcuménique : conformément aux ordres du pape, au consentement de l’Eglise de Constantinople, des légats orientaux & du Concile, je reçois le révérendissime Photios comme Patriarche légitime, & je communique avec lui ; je rejette & anathématise le concile tenu contre lui à Constantinople, & tout ce qui a été fait contre lui du temps du pape Adrien.
(P.185).
Si quelques schismatiques refusent de s’unir à Photios leur pasteur légitime, ils seront excommuniés jusqu’à ce qu’ils reviennent à l’union. En outre, je reçois le second concile de Nicée, & ses décrets sur les saintes icônes, je le nomme le Septième Concile Oeculénique, & je le mets au même rang que les Six autres ».
Les deux autres légats signèrent de la même manière. On lut les signatures à haute voix, & le concile s’écria : » Béni soit Dieu qui a réuni son Eglise par l’entremise du pape Jean ! » Les légats des Patriarches orientaux signèrent dans le même sens que les légats romains, en mentionnant seulement que leurs Patriarches avaient reconnu, avant le Concile, Photios comme Patriarche légitime. Tous les membres du Concile signèrent ensuite.
Le Concile était terminé, mais on voulut tenir une séance de clôture en présence de l’empereur, pour lui demander sa signature, & celle de tous les membres de sa famille. Tous les membres du Concile se rendirent en conséquence au palais impérial le 8 du mois de mars 880. L’empereur Basile, & ses deux fils Léon & Alexandre qu’il avait associés à l’empire, s’étant rendus à la salle où tous les membres du Concile étaient réunis, Basile prononça les paroles suivantes : » Je devais peut-être assister au Concile, & procurer avec vous la paix & l’union des Eglises. Mais le concile aurait sans doute perdu de son importance aux yeux de gens mal intentionnés ; ils auraient dit que l’union s’était faite par crainte ou par complaisance pour moi. J’ai donc pensé qu’il valait mieux vous laisser tout-à-fait libres dans vos délibérations, sauf à nous rendre ensuite ici pour leur donner l’appui de ma signature. Je crois qu’il sera bon, si vous le jugez à propos, de publier une profession de foi, non pas une nouvelle, mais celle de Nicée approuvée par les autres Conciles ». Basile, légat d’Antioche adhéra, en ces termes, à la proposition de l’empereur : « Les divisions & les scandales étant apaisés, par vos soins, empereur béni de Dieu, & par les Prières de notre Père Spirituel le Patriarche Photios, il est juste qu’il n’y ait qu’une confession de Foy pour toute l’Eglise ». Tous les évêques & les légats du pape adhérèrent.
Le symbole nicéno-constantinopolitain, ou Credo, fut solennellement récité par le concile, après qu’on eut lu ces explications préalables : « Nous conservons la Divine Doctrine de Jésus-Christ & des Apôtres, & les décrets des Sept Conciles Œcuméniques ; nous rejetons tous ceux qu’ils ont condamnés, & nous recevons ceux qu’ils ont approuvés. C’est pourquoi nous embrassons la définition de Foy que nous avons reçue de nos Pères, sans en rien retrancher, sans y rien ajouter, sans changement ni altération, afin de ne pas condamner nos Pères, & leur faire une injure inexcusable ».
Après la lecture du symbole de Nicée-Constantinople, le Concile ajouta : « Nous croyons tous ainsi ; c’est en cette Foy que nous avons été baptisés ; nous recevons pour nos pères & nos frères tous ceux qui croient ainsi. Si quelqu’un est assez téméraire pour composer une autre confession de Foy, & la proposer aux fidèles ou aux hérétiques convertis ; ou pour altérer celle-ci par des paroles étrangères, des additions ou des retranchements, nous le déposons s’il est clerc, nous l’anathématisons s’il est laïc ».
Sur la proposition de Photios, le Concile entier supplia l’empereur de mettre sa signature sur les actes. Il les signa donc ainsi que ses enfants. Sa signature était accompagnée d’une déclaration par laquelle il reçoit le septième concile œcuménique, reconnaît Photios pour Patriarche légitime, & annule tout ce qui avait été fait contre lui.
Le Concile était terminé, mais les Evêques voulurent se réunir une septième fois avant de se quitter. Cette dernière réunion eut lieu le 13 de mars 880.
On y confirma de nouveau la profession de Foy ; Procope de Césarée fit un discours en l’honneur de l’empereur & de Photios. Puis, les légats du pape firent cette déclaration : « Si quelqu’un ne reconnaît pas Photios pour Patriarche, & ne communique pas avec lui, que son partage soit avec Judas, & qu’on ne le reconnaisse pas pour chrétien ! » Le Concile approuva, &, avant de lever la séance, on fit de nouveau des acclamations en l’honneur des Patriarches Photios & Jean.
Avant le Concile, Photios & le pape s’étaient entendus au sujet de l’addition faite au symbole par les Occidentaux, c’est à savoir le filioque. Le pape était en réalité désintéressé dans la question, puisque l’Eglise de Rome n’admettait pas encore cette addition. C’est pourquoi les légats n’avaient fait aucune objection à la déclaration qui avait été faite avant la lecture du symbole. Le pape Jean avait été fort explicite dans une de ses lettres à Photios, & avait condamné positivement l’addition. Pour répondre aux mauvais rapports qui avaient été faits à Constantinople touchant l’église romaine à cause de l’addition au symbole, Jean déclara que l’Eglise romaine acceptait le symbole sans en rien retrancher, sans y rien ajouter : « Pour vous rassurer touchant cet article qui a causé des scandales dans les Eglises : non seulement nous n’admettons pas le mot en question, mais ceux qui ont eu l’audace de l’admettre les premiers, nous les regardons comme des transgresseurs de la Parole de Dieu, des corrupteurs de la Doctrine de Jésus-Christ, des Apôtres, & des Pères qui nous ont donné le Credo. Nous les mettons à côté de Judas, puisqu’ils ont déchiré les membres du Christ. Mais vous avez une trop haute sagesse pour ne pas comprendre qu’il est très difficile d’amener tous nos évêques à penser ainsi, & de changer en peu de temps un usage qui s’est introduit depuis tant d’années. Nous croyons donc qu’il ne faut obliger personne à renoncer à l’addition faite au symbole, mais les engager peu à peu, & avec douceur, à renoncer à ce Blasphème. Ceux qui nous accusent de l’accepter se trompent ; mais ceux qui affirment qu’il y a parmi nous beaucoup de gens qui l’acceptent disent la vérité. C’est à vous à travailler avec nous pour ramener par la douceur ceux qui se sont écartés de la Sainte Doctrine ».
On ne pouvait parler avec plus d’énergie & de justesse de l’erreur occidentale du filioque. Dans toute sa conduite à l’égard de Photios, jean montra cette énergie ; il ne craignit pas d’annuler ce qu’avaient fait ses prédécesseurs Nicolas & Adrien avec précipitation, & sans s’être entourés des renseignements nécessaires. Les Evêques suburbains s’unirent à lui, en Concile, pour annuler les pseudo-conciles de Nicolas & d’Adrien, & rendre hommage au grand Patriarche que toute l’Eglise vénérait.
(P.187).
On comprend que les ennemis de l’Eglise orientale & de Photios ne puissent pardonner au pape Jean ses déclarations si claires & si catégoriques. Eux qui se prétendent si unis à la papauté, font leur choix entre les papes. Ils veulent bien exalter ceux dont les actes plaisent à leurs préjugés, mais ils abandonnent ceux qui les condamnent. Jean VIII n’a donc pas été épargné par eux. Ils le rabaissent autant qu’ils exaltent Nicolas & Adrien. (N.d.a : Le cardinal Baronius lui reproche d’avoir montér, dans l’affaire de Photios, un caractère si faible, qu’on pouvait le prendre pour une femme ; c’est là sans doute d’après lui qu’est venue la fable de la papesse Jeanne. Cette opinion est tellement ridicule que nous n’avons pas à nous y arrêter. Nous présenterons bientôt une autre explication de la prétendue fable, qui pourrait bientôt être une vérité). Cependant, pour tout homme sérieux & impartial, Jean se conduisit avec sagesse, tandis que ses deux prédécesseurs n’avaient agi qu’avec passion.
Le grand argument des ennemis de Photios, c’est qu’il aurait falsifié les lettres du pape Jean & les actes du Concile qui l’a réhabilité. Sur quoi se fondent-ils pour affirmer un tel fait ? Ils ne peuvent donner aucune preuve de ce qu’ils prétendent. Il est vrai qu’il existe quelques différences de forme dans les lettres latines telles qu’on les possède, & ces mêmes lettres traduites en grec. Mais, nous avons déjà fait observer que l’on possédait encore au douzième siècle en Occident des lettres latines conformes aux lettres grecques, qui se trouvent dans les actes du Concile. On pourrait en conclure que l’on avait fait à Rome de doubles lettres, les unes pour l’occident, où l’on devait mettre en relief certaines doctrines chères à la papauté, & d’autres pour l’Orient, qui n’aurait pas admis les prétentions papales ouvertement exprimées.
La papauté a agi ainsi dans plusieurs circonstances que nous aurons à faire connaître dans la suite de cette histoire. Pourquoi n’en aurait-elle pas agi ainsi dans une affaire aussi délicate que celle de Photios ? Si l’on veut trouver absolument un falsificateur, pourquoi le chercher en Orient ?
Du reste, on exagère la portée des prétendues falsifications. Elles ne sont, en réalité, que des atténuations de certaines phrases qui auraient certainement choqué les Evêques grecs, & qui auraient rendu toute réconciliation impossible. Pourrait-on prouver que les légats eux-mêmes n’auraient pas consenti à ces atténuations ? Les lettres papales étaient lues publiquement en concile ; un grand nombre de membres savaient les deux langues, grecque & latine ; peut-on croire les légats assez ignorants de la langue grecque pour ne pas saisir le sens des lectures. Ils ne parlaient pas cette langue, mais qui pourrait prouver qu’ils ne la comprenaient pas suffisamment, ou qu’ils n’étaient pas accompagnés d’interprètes qui les auraient avertis des falsifications, si elles avaient eu lieu ? Que les partisans de l’infaillibilité papale soient froissés, dans leurs préjugés, par un pape qui montra assez d’énergie pour condamner deux de ses prédécesseurs, qui avaient failli à la vérité & à la justice, nous le comprenons ; mais qu’ils se prononcent en faveur des papes qui ont erré spirituellement, en égarés spirituels, contre le pape qui se montra si sage, & si conciliant pour le bien de l’Eglise, c’est ce qu’il est plus difficile de comprendre. Si les prédécesseurs & les successeurs de Jean VIII avaient eu le même amour pour la vérité & la justice, le schisme malheureux qui a divisé l’Eglise n’aurait pas existé.
(P.188).
Photios, avec toute l’Eglise orientale, ne demandait qu’une chose : la fidélité absolue aux Doctrines Apostoliques que les Eglises avaient conservées, & que les Sept Conciles Œcuméniques avaient promulguées. Les papes, fiers d’une puissance qu’ils ne devaient qu’aux rois franks, se crurent le droit de briser les Traditions de l’Eglise orthodoxe Originelle, pour les falsifier à leur profit. Ils voulurent imposer à l’Orient Orthodoxe leurs prétentions temporelles & antichrétiennes, & se rendirent coupables du schisme. Jean VIII fait exception parmi les papes. Les sectaires d’une papauté schismatique ne peuvent le lui pardonner ; mais les Vrais Chrétiens ont le devoir de rendre hommage à un pape qui voulait reprendre les vénérables Traditions de l’Eglise romaine Orthodoxe. (N.d.a : Quelques sectaires de la papauté schismatique ont essayé de justifier Jean VIII de son amour de la vérité & de la justice. Ils ont inventé pour cela des faits qui n’ont jamais existé. Ils prétendent, par exemple, que, avant de Mourir, Jean ayant appris que ses légats avaient prévariqué, envoya à Constantinople le légat Marin, qui avait présidé le conciliabule des Dix-Huit, pour excommunier Photios. Ils prétendent même que Marin l’excommunia en pleine Eglise de Sainte-Sophie, & qu’il s’enfuit aussitôt à Rome, de peur d’être mis à Mort. Cette fable n’est appuyée d’aucune preuve, & elle est même contraire à tous les documents. Elle ne mérite pas d’autre réfutation).
Les légats étant retournés à Rome, apprirent au pape Jean VIII ce qui s’était passé au Concile de Constantinople. Il paraît qu’ils lui firent espérer que l’empereur lui laisserait la juridiction sur la Bulgarie. L’empereur & Photios les avait chargés de lettres dans lesquelles cette question était passée sous silence. Photios reconnaissait dans sa lettre qu’il n’avait pas demandé pardon dans le concile, comme le pape l’avait prescrit, parce qu’il n’était pas coupable, & que les coupables seuls doivent demander pardon.
Jean VIII répondit aux lettres de l’empereur & de Photios. Il suppose que l’empereur reconnaissait sa juridiction sur la Bulgarie ; mais on voit qu’il n’en était pas absolument certain ; c’est pourquoi il dit dans sa lettre que, si ses légats n’avaient pas exécuté ses ordres, il ne reconnaissait pas ce qu’ils pourraient avoir fait.
Dans sa lettre à Photios, il fait la même réserve que dans sa lettre à l’empereur. Il regrette qu’il n’ait pas fait l’acte de soumission qu’il avait prescrit ; mais cela ne l’empêche pas d’approuver le Concile, & de féliciter le Patriarche de ce qu’il avait fait pour l’union des Eglises.
La paix était donc faite entre Rome & Constantinople. Jean VIII Mourut peu de Temps après, en l’an 882. Son successeur fut Marin, ce légat fanatique qui avait présidé le conciliabule des Dix-Huit. On peut croire qu’il se prononça contre Photios, quoique ceux qui l’affirment ne puissent produire une preuve de quelque valeur.
DE LA PAPAUTE.
CHAPITRE VII.
LE CONCILE DE 879.
( VIIIème CONCILE OECUMENIQUE).
(P.179).
Au mois de novembre 879, le concile prescrit par le pape Jean fut assemblé. (N.d.a : Les actes de ce concile ont été publiés, d’après les manuscrits du Vatican, & d’après les ordres du pape Clément XI, par le père Hardoin, dans sa collection des conciles (t.VI) ; comme ils contiennent beaucoup de choses qui réfutent les assertions des ennemis de Photios, des écrivains passionnés comme Baronius & le grec apostat Léon Allacci (Allatius) prétendent qu’ils ont été falsifiés par Photios. Assémani qui n’est pas suspect de bons sentiments à l’égard de l’Eglise orientale les admet comme authentiques. Comment, en effet, peut-on supposer que la bibliothèque du Vatican n’aurait possédé que les actes falsifiés ? Que seraient devenus les actes authentiques ? )-. Photios présida le Concile. A ses côtés étaient les légats de Rome & les sièges patriarcaux d’Orient : le Prêtre Cosmas, légat d’Alexandrie, Basile, archevêque de Martyropolis, légat d’Antioche, Elie, légat de Jérusalem. –(N.d.a : Cet Elie n’était pas le même qui avait siégé au concile tenu contre Photios. Il siégea dès la quatrième session ; Cosmas n’arriva que pour la deuxième session, & l’Evêque Basile pour la quatrième.)-. Trois cent quatre-vingt-trois Evêques prirent séance après les légats.
Au commencement de la première session, le Diacre Pierre, protonotaire de l’Eglise de Constantinople, annonça solennellement que les légats du pape demandaient à entrer. Photios ordonna de les introduire après avoir fait une prière d’action de grâces, il alla au-devant d’eux, les embrassa, & leur adressa des compliments aussi pieux qu’éloquents. Le cardinal Pierre, qui parlait au nom de la légation, remercia Dieu de ce qu’ils trouvaient Sa Sainteté le Patriarche en aussi bonne santé, & déclara que le pape le saluait comme son frère & son collègue dans le sacerdoce. « Nous aussi, répondit Photios, nous saluons d’une affection cordiale le très saint pape œcuménique Jean, notre saint frère, collègue, & père spirituel ».
Le cardinal Pierre ayant fait allusion aux lettres qu’il avait apportées, & qui témoignaient de la sollicitude du pape pour l’Eglise de Constantinople, Photios fit grand éloge de ces sentiments du pape : « De même que le Christ, dit-il, ne s’est pas contenté du Ciel, & qu’il a voulu descendre sur la terre pour le bonheur de l’humanité, le pape ne s’est pas contenté de voir sa propre Eglise en paix ; il a voulu aussi engager les schismatiques des autres pays à s’amender ». Il entendait par ce mot ceux qui refusaient d’être en communion avec lui.
Après quelques autres politesses, le cardinal Pierre, s’adressant au concile, dit que le pape, en bon pasteur, n’avait qu’un but, ramener tout le monde à l’union.
(P.180).
« L’union est déjà faite », dit Jean d’Héraclée. Puis Zacharie de Chalcédoine, intime ami de Photios, présenta l’historique & les causes des discussions qui avaient eu lieu. La supériorité incontestable de Photios lui avait fait beaucoup d’envieux, & la faiblesse d’Ignace en avait fait le jouet de ces envieux qui, pour satisfaire leurs mauvais sentiments, avaient troublé toute l’Eglise. « Heureusement, ajouta-t-il, que le pape Jean n’a plus voulu être le jouet de ces envieux, & il a suivi une autre voie que ses prédécesseurs Nicolas & Adrien. Grâce à lui la paix est rétablie ». Le légat de Jérusalem déclara que son Eglise avait reconnu Photios pour Patriarche depuis qu’il avait envoyé ses lettres de communion au Patriarche Théodose. –( N.d.a : C’est ce que nous avons affirmé contre le mensonge du faux légat de Jérusalem au conciliabule des Dix-Huit)-.
Les légats remirent à Photios plusieurs vêtements ecclésiastiques qui lui étaient envoyés par le pape, & déclarèrent de nouveau qu’il avait pour le Patriarche de Constantinople les sentiments de la plus parfaite amitié.
La session fut terminée par des acclamations en l’honneur de l’empereur, de la famille impériale, de Photios & de Jean, très saint Patriarche.
La deuxième session eut lieu le 17 novembre 879. On lut les lettres du pape à l’empereur & à Photios. –(N.d.a : Fleury, in son Hist. Eccl., livre LIII, §13, en constatant qu’il y a des différences entre le texte latin & le texte grec, dit que les changements avaient sans doute été faits « de concert avec les légats qui en entendirent la lecture sans s’en plaindre »)-.
Après cette lecture, le cardinal Pierre demanda comment le Patriarche Photios était remonté sur son trône. Elie de Jérusalem se chargea de la réponse. « Photios, dit-il, a toujours été reconnu comme Patriarche par les trois Patriarches d’Orient, & par la plupart des Evêques & des Ecclésiastiques du Patriarcat de Constantinople. Pourquoi n’aurait-il donc pas remonté sur le trône ? » Tout le concile se joignit à Elie : « Il y est remonté, dirent les Evêques, du consentement des trois patriarches, à la prière de l’empereur, ou plutôt en cédant aux instances qui lui ont été faites, & à la prière de toute l’Eglise de Constantinople ». –« Il n’y a donc pas eu de violences commises par Photios ? dit le cardinal Pierre ; n’a-t-il pas agi tyranniquement ? » -« Au contraire, répondit le concile, tout s’est passé avec douceur & tranquillité ». –« Dieu soit béni », reprit le cardinal Pierre. Alors Photios prit la parole & dit : « Je vous le déclare devant Dieu, je n’ai jamais désiré ce siège ; la plupart de ceux qui sont ici le savent bien. La première fois, j’y montai malgré moi, après avoir répandu beaucoup de larmes, & avoir résisté longtemps à une véritable violence que me faisait l’empereur qui régnait alors ; je n’y suis monté que du consentement des Evêques & du Clergé qui m’avaient élu à mon insu. On me donna des gardes… » -« Oui, s’écria le concile, nous savons tous qu’il en a été ainsi ; nous le savons par nous-mêmes, ou nous l’avons appris de ceux qui en furent témoins. » Photios continua ainsi : « Dieu a permis que je fusse chassé ; je n’ai fait aucune démarche pour rentrer, je n’ai point excité de séditions ;
(P.181)
Je me suis tenu en repos, me confiant dans les jugements de Dieu, & sans importuner l’empereur de mes réclamations. Je n’avais ni le désir ni l’espérance d’être rétabli. Dieu a voulu que l’empereur me rappelât de mon exil ; tant qu’Ignace, d’heureuse mémoire, a vécu, je n’ai pas voulu reprendre mon siège, malgré les instances qui m’étaient faites ». Le concile s’écria : « C’est la vérité ». –« Je cherchai, ajouta Photios, de toutes les manières à avoir la paix avec Ignace ; nous nous sommes vus au palais, nous nous sommes jetés aux pieds l’un de l’autre, & nous nous sommes pardonnés. Lorsqu’il tomba malade, il m’appela ; je le visitai plusieurs fois, & je le consolai autant qu’il me fut possible. Il me recommanda ceux qu’il aimait le mieux, & j’en ai pris soin. Après sa Mort, l’empereur lui-même vint me trouver pour m’engager à me rendre aux désirs de l’Eglise, & de reprendre le siège de Patriarche. Je dus y consentir ». Le concile dit : « Tout cela est vrai ».
Le cardinal Pierre fit connaître au concile l’amitié que le pape Jean professait pour Photios, & tout le concile applaudit.
Les légats demandèrent ensuite la lecture des lettres des patriarches orientaux. On commença par celle que Michel, Patriarche d’Alexandrie, avait envoyée par le Prêtre Cosmas. Le Patriarche anathématise Joseph, qui s’était donné le titre de légat d’Alexandrie au conciliabule des Dix-Huit, on lit dans la lettre : « Ce Joseph s’est dit faussement Archidiacre du Patriarche d’Alexandrie, mon prédécesseur qui l’a anathématisé. Il en est de même de l’impie Elie qui s’est dit syncelle de Sergius, Patriarche de Jérusalem, & qui est Mort frappé de la lèpre à son retour ». Le Patriarche d’Alexandrie fait ensuite le plus grand éloge de Photios & dit : « Quiconque ne communique pas avec lui, & ne le reçoit pas pour Patriarche très légitime, doit être classé parmi les Juifs. »
La lettre terminée, le concile dit : « Nous savions bien que les sièges d’Orient n’avaient jamais été séparés de la communion de Photios. » La lettre fut donc acceptée officiellement.
Le même Patriarche d’Alexandrie avait écrit à Photios en même temps qu’à l’empereur. Après lui avoir adressé les plus grands éloges, il lui dit que les Métropolites de son Patriarcat s’étaient réunis autant qu’il leur avait été possible dans la triste situation où ils étaient sous le joug musulman, & que tous aveint décidé, d’après la recommandation de son prédécesseur, de persévérer dans la communion avec lui, & d’insérer son nom dans les dyptiques sacrés. « Quant à Elie & Joseph qui ont fait éclater leur rage contre vous, ajouta-t-il, ils sont Morts dans leur péché sans en avoir fait pénitence. Pour ce qui est de Thomas, évêque de Bérite (Tyr), il a reconnu sa faute, comme vous le verrez par sa rétractation. Nous lui avons pardonné, & nous vous prions de faire de même ».
Les légats du pape déclarèrent que cette affaire de la rétractation de Thomas n’appartenait qu’à Photios ; & le bon Patriarche déclara aussitôt qu’il lui pardonnait.
Théodose, Patriarche de Jérusalem, avait envoyé à Photios une lettre analogue à celle de Michel d’Alexandrie. Il l’avait envoyée par le prêtre-moine André & le prêtre Elie. Il intercédait aussi pour Thomas de Tyr.
(P.182).
Le Patriarche d’Antioche, nommé aussi Théodose, écrivit dans le même sens que les patriarches d’Alexandrie & de Jérusalem. Tous déclaraient se réjouir du rétablissement de Photios avec lequel ils étaient en communion.
Le Patriarche de Jérusalem étant Mort sur ces entrefaites, Abraham, Métropolite d’Armide & Samosate, en Arménie, en écrivit à Photios, & lui apprit qu’il avait été remplacé par Elie, de Damas. Il profita de cette occasion pour complimenter Photios sur son rétablissement, & déclarer qu’il était en communion avec lui.
Le concile rendit grâces à Dieu pour toutes ces lettres, & termina la deuxième session par les acclamations ordinaires.
La troisième fut tenue deux jours après. Le cardinal Pierre fit lire la lettre du pape aux Evêques du Patriarcat de Constantinople, & aux Patriarches orientaux. Le concile l’approuva, sauf ce qui avait trait aux droits de l’empereur sur la Bulgarie ; ce pays était en effet situé sur un territoire qui relevait directement du trône de Constantinople, & le pape n’avait pas le droit de prétendre y exercer sa juridiction. Zacharie, de Chalcédoine, fit des observations au sujet de ce que disait le pape : qu’il ne serait plus permis à l’avenir d’élever un laïc à l’épiscopat. Zacharie rappela les grands exemples de Nectaire, de Constantinople ; d’Ambroise, de Milan ; d’Ephrem, d’Antioche ; d’Eusèbe, de Césarée, & de plusieurs autres. Pour répondre à un canon auquel le pape en avait appelé, il prétendit que ce canon n’atteignait pas Photios : « Il n’a jamais été homme d’affaires, dit-il, mais homme de lettres ; son père & sa mère ont souffert pour la religion ; lui-même a converti, en Arménie & en Mésopotamie, un grand nombre de gens qui étaient dans l’erreur, & des nations entières ».
Il méritait donc, selon Zacharie, l’exception que l’on avait faite en sa faveur.
On lut ensuite une lettre du Patriarche Théodose, de Jérusalem, à l’empereur. Les légats demandèrent comment le Patriarche de Jérusalem avait envoyé cette nouvelle lettre. Elie répondit : « Il l’a faite en synode lorsque j’étais à Jérusalem ; il vient de l’envoyer par mon frère André. Elle est écrite, non seulement en son nom, mais au nom du Patriarche d’Antioche. –Nous savons, dit le cardinal Pierre, que les Patriarches d’Orient, comme le pape, reconnaissent Photios comme Patriarche légitime. Si j’ai fait une question, c’est que nous ne voulons pas nous laisser tromper par des émissaires des Sarasins, se donnant comme légats des Patriarches. Quant au Patriarche de Constantinople, nous savons qu’il ne cherche pas sa gloire, & qu’il s’en remet absolument à Dieu ; aussi, pensons-nous qu’on ne s’opposera pas à la lecture officielle du Commonitorium dont le pape nous a chargés. » Le concile consentit à cette lecture. Lorsqu’on entendit le passage dans lequel le pape annulait les conciles tenus à Rome & à Constantinople contre Photios, tous les Evêques s’écrièrent : « Et nous aussi nous les condamnons, a nous disons anathèmes à ceux qui adhèrent ». Les légats d’Orient ajoutèrent qu’il ne fallait pas nommer concile la dernière assemblée tenue à Constantinople, où des émissaires des Sarrasins avaient siégé comme juges, où les innocents avaient été condamnés, contrairement à toutes les lois ecclésiastiques & civiles.
(P.183).
Ils dirent anathème à ce conciliabule, & en rejetèrent les actes.
Le pape, les rejetant de son côté, comment peut-on sérieusement admettre qu’il fut admis par toute l’Eglise, & qu’il fut œcuménique ?
Après la lecture du commonitorium, le cardinal Pierre lut les signatures des Evêques occidentaux qui l’avaient accepté avec le pape, dans un concile de Rome. Le concile se déclara satisfait, & la séance fut levée.
La quatrième session eut lieu la veille de Noël.
Le protonotaire Pierre annonça qu’un légat du Patriarche d’Antioche était arrivé, & demandait à être introduit, on le fit entrer. Il se nommait Basile, & il apportait des lettres du Patriarche d’Antioche & d’Elie, nouveau Patriarche de Jérusalem. Ni l’un ni l’autre, dit Basile, n’a pris aucune part à ce qui a été fait contre Photios. On lut les lettres qu’il apportait. Les Patriarches y faisaient les plus grands éloges de Photios, & déclaraient qu’il avait toujours été reconnu par leurs sièges comme Patriarche légitime de Constantinople.
Les légats demandèrent ensuite au concile si l’on acceptait les articles contenus dans la lettre du pape à l’empereur. Ils résumèrent cette lettre en cinq articles : le premier était relatif à la Bulgarie ; le second à l’ordination des laïcs ; le troisième à l’élection du Patriarche de Constantinople, qui devait être choisi dans le clergé de cette Eglise ; le quatrième condamnait les conciles de Rome & de Constantinople contre Photios ; le cinquième concernait l’excommunication des schismatiques, c’est-à-dire de ceux qui refuseraient de reconnaître Photios pour Patriarche.
Les deux derniers articles furent acceptés sans difficulté par le concile. Quant au premier, le concile se déclara incompétent, car il s’agissait de déterminer quelles étaient les limites de l’empire. Les juridictions épiscopales étaient, en effet, déterminées par les circonscriptions civiles, & ces dernières dépendaient de l’Etat. Le concile n’accepta pas les deuxième & troisième articles. L’Eglise romaine avait sa discipline relativement à l’élévation des laïcs à l’épiscopat, mais l’Eglise d’Orient en avait une différente. Les deux Eglises ne devaient pas entrer en discussion à ce sujet, & pouvaient conserver chacune ses coutumes. Le concile fit observer que le Clergé de Constantinople n’aurait peut-être pas toujours dans ses rangs l’homme le plus capable de gouverner cette Eglise ; il fallait donc laisser subsister l’ancienne coutume. Ces observations furent présentées avec tant de calme que les légats romains se félicitèrent de ce que tous les sujets de scandale avaient disparu. « Puisque, dit le cardinal Pierre, tous les scandales ont disparu, par la Grâce de Dieu, & que la concorde est rétablie dans l’Eglise, allons tous ensemble à l’église, puisque l’heure des saints offices est arrivée, & allons les célébrer avec le Patriarche Photios ». Le concile répondit : « Cette proposition est bonne & agréable à Dieu ; qu’il soit fait comme vous l’avez dit ! Dieu conserve notre chef & prolonge ses jours pour le bien de son Eglise ! »
Les fêtes de Noël & les autres qui ont lieu dans le cours du mois de janvier firent ajourner les sessions du concile. La cinquième n’eut lieu que le 25 janvier 880.
(P.184).
Le Patriarche Photios ouvrit la séance par ce discours : « Le second concile œcuménique de Nicée, tenu sous le pape Adrien & le Patriarche Taraise, est reconnu par notre Eglise pour le septième œcuménique, & mis sur le même rang que les six premiers. L’Eglise romaine & les patriarcats d’Orient, reçoivent comme nous les décrets de ce concile ; mais quelques personnes doutent peut-être qu’on doive placer ce concile parmi les œcuméniques ; nous avons entendu dire qu’il en était ainsi. Maintenant que nous sommes réunis, ordonnons, mes frères, que le concile soit compté comme le septième œcuménique, & reconnu comme égal aux six autres ».
Le cardinal Pierre attesta que l’Eglise romaine l’avait toujours accepté comme tel, & il prononça l’anathème contre ceux qui ne croiraient pas ainsi. Les légats des Patriarches orientaux, & tous les membres du Concile prononcèrent le même anathème.
On a vu que Mitrophane de Smyrne s’était toujours montré le plus ardent adversaire de Photios. Il était à Constantinople lorsque se tenait le concile ; Comme il ne s’y était pas présenté pour prouver les accusations qu’il avait élevées contre le vénérable Patriarche, les légats du pape demandèrent au Concile qu’il fût appelé. On lui envoya plusieurs Evêques pour lui dire de se présenter. Il répondit qu’il était trop malade. En entendant cette réponse, les légats firent observer qu’il aurait pu déclarer qu’il se soumettait aux ordres du pape Jean aussi facilement qu’il avait déclaré être malade. On lui envoya donc encore par deux fois des Evêques qui rapportèrent la même réponse. Après les trois admonitions canoniques, il ne restait plus qu’à condamner le calomniateur, qui avait toute liberté de se présenter pour soutenir ses accusations, & ne l’osait pas. Il fut donc frappé d’excommunication. Les légats ajoutèrent que, d’après les ordres du pape, il était convenu que tous ceux qui seraient excommuniés par lui seraient considérés comme tels par le Patriarche Photios, & que ceux qui seraient excommuniés par le Patriarche seraient considérés comme tels par le pape ; A la demande des légats, on fit un canon sur ce point. On en fit un second pour déclarer que les Evêques qui avaient abandonné leur Eglise pour entrer dans un Monastère ne pourraient redevenir Evêques. Un troisième canon frappa d’anathème les laïcs qui se permettaient des violences contre les evêques.
Photios ayant demandé si le concile jugeait qu’il y eût encore quelque chose à traiter, les légats répondirent que les affaires dont ils étaient chargés étaient terminées ; mais, ajouta le cardinal Pierre, tous les Evêques qui ont assisté au concile de Rome, qui a annulé tout ce qui avait été fait contre Photios, ont signé les actes du concile. Ceux qui ont confirmé ici ce qui a été fait à Rome, doivent également signer les actes de la présente assemblée. Personne n’y contredit.
Paul, Evêque d’Ancône, signa le premier de cette manière : « Paul, Evêque d’Ancône, légat du Saint-Siège & du pape Jean, dans ce concile œcuménique : conformément aux ordres du pape, au consentement de l’Eglise de Constantinople, des légats orientaux & du Concile, je reçois le révérendissime Photios comme Patriarche légitime, & je communique avec lui ; je rejette & anathématise le concile tenu contre lui à Constantinople, & tout ce qui a été fait contre lui du temps du pape Adrien.
(P.185).
Si quelques schismatiques refusent de s’unir à Photios leur pasteur légitime, ils seront excommuniés jusqu’à ce qu’ils reviennent à l’union. En outre, je reçois le second concile de Nicée, & ses décrets sur les saintes icônes, je le nomme le Septième Concile Oeculénique, & je le mets au même rang que les Six autres ».
Les deux autres légats signèrent de la même manière. On lut les signatures à haute voix, & le concile s’écria : » Béni soit Dieu qui a réuni son Eglise par l’entremise du pape Jean ! » Les légats des Patriarches orientaux signèrent dans le même sens que les légats romains, en mentionnant seulement que leurs Patriarches avaient reconnu, avant le Concile, Photios comme Patriarche légitime. Tous les membres du Concile signèrent ensuite.
Le Concile était terminé, mais on voulut tenir une séance de clôture en présence de l’empereur, pour lui demander sa signature, & celle de tous les membres de sa famille. Tous les membres du Concile se rendirent en conséquence au palais impérial le 8 du mois de mars 880. L’empereur Basile, & ses deux fils Léon & Alexandre qu’il avait associés à l’empire, s’étant rendus à la salle où tous les membres du Concile étaient réunis, Basile prononça les paroles suivantes : » Je devais peut-être assister au Concile, & procurer avec vous la paix & l’union des Eglises. Mais le concile aurait sans doute perdu de son importance aux yeux de gens mal intentionnés ; ils auraient dit que l’union s’était faite par crainte ou par complaisance pour moi. J’ai donc pensé qu’il valait mieux vous laisser tout-à-fait libres dans vos délibérations, sauf à nous rendre ensuite ici pour leur donner l’appui de ma signature. Je crois qu’il sera bon, si vous le jugez à propos, de publier une profession de foi, non pas une nouvelle, mais celle de Nicée approuvée par les autres Conciles ». Basile, légat d’Antioche adhéra, en ces termes, à la proposition de l’empereur : « Les divisions & les scandales étant apaisés, par vos soins, empereur béni de Dieu, & par les Prières de notre Père Spirituel le Patriarche Photios, il est juste qu’il n’y ait qu’une confession de Foy pour toute l’Eglise ». Tous les évêques & les légats du pape adhérèrent.
Le symbole nicéno-constantinopolitain, ou Credo, fut solennellement récité par le concile, après qu’on eut lu ces explications préalables : « Nous conservons la Divine Doctrine de Jésus-Christ & des Apôtres, & les décrets des Sept Conciles Œcuméniques ; nous rejetons tous ceux qu’ils ont condamnés, & nous recevons ceux qu’ils ont approuvés. C’est pourquoi nous embrassons la définition de Foy que nous avons reçue de nos Pères, sans en rien retrancher, sans y rien ajouter, sans changement ni altération, afin de ne pas condamner nos Pères, & leur faire une injure inexcusable ».
Après la lecture du symbole de Nicée-Constantinople, le Concile ajouta : « Nous croyons tous ainsi ; c’est en cette Foy que nous avons été baptisés ; nous recevons pour nos pères & nos frères tous ceux qui croient ainsi. Si quelqu’un est assez téméraire pour composer une autre confession de Foy, & la proposer aux fidèles ou aux hérétiques convertis ; ou pour altérer celle-ci par des paroles étrangères, des additions ou des retranchements, nous le déposons s’il est clerc, nous l’anathématisons s’il est laïc ».
Sur la proposition de Photios, le Concile entier supplia l’empereur de mettre sa signature sur les actes. Il les signa donc ainsi que ses enfants. Sa signature était accompagnée d’une déclaration par laquelle il reçoit le septième concile œcuménique, reconnaît Photios pour Patriarche légitime, & annule tout ce qui avait été fait contre lui.
Le Concile était terminé, mais les Evêques voulurent se réunir une septième fois avant de se quitter. Cette dernière réunion eut lieu le 13 de mars 880.
On y confirma de nouveau la profession de Foy ; Procope de Césarée fit un discours en l’honneur de l’empereur & de Photios. Puis, les légats du pape firent cette déclaration : « Si quelqu’un ne reconnaît pas Photios pour Patriarche, & ne communique pas avec lui, que son partage soit avec Judas, & qu’on ne le reconnaisse pas pour chrétien ! » Le Concile approuva, &, avant de lever la séance, on fit de nouveau des acclamations en l’honneur des Patriarches Photios & Jean.
Avant le Concile, Photios & le pape s’étaient entendus au sujet de l’addition faite au symbole par les Occidentaux, c’est à savoir le filioque. Le pape était en réalité désintéressé dans la question, puisque l’Eglise de Rome n’admettait pas encore cette addition. C’est pourquoi les légats n’avaient fait aucune objection à la déclaration qui avait été faite avant la lecture du symbole. Le pape Jean avait été fort explicite dans une de ses lettres à Photios, & avait condamné positivement l’addition. Pour répondre aux mauvais rapports qui avaient été faits à Constantinople touchant l’église romaine à cause de l’addition au symbole, Jean déclara que l’Eglise romaine acceptait le symbole sans en rien retrancher, sans y rien ajouter : « Pour vous rassurer touchant cet article qui a causé des scandales dans les Eglises : non seulement nous n’admettons pas le mot en question, mais ceux qui ont eu l’audace de l’admettre les premiers, nous les regardons comme des transgresseurs de la Parole de Dieu, des corrupteurs de la Doctrine de Jésus-Christ, des Apôtres, & des Pères qui nous ont donné le Credo. Nous les mettons à côté de Judas, puisqu’ils ont déchiré les membres du Christ. Mais vous avez une trop haute sagesse pour ne pas comprendre qu’il est très difficile d’amener tous nos évêques à penser ainsi, & de changer en peu de temps un usage qui s’est introduit depuis tant d’années. Nous croyons donc qu’il ne faut obliger personne à renoncer à l’addition faite au symbole, mais les engager peu à peu, & avec douceur, à renoncer à ce Blasphème. Ceux qui nous accusent de l’accepter se trompent ; mais ceux qui affirment qu’il y a parmi nous beaucoup de gens qui l’acceptent disent la vérité. C’est à vous à travailler avec nous pour ramener par la douceur ceux qui se sont écartés de la Sainte Doctrine ».
On ne pouvait parler avec plus d’énergie & de justesse de l’erreur occidentale du filioque. Dans toute sa conduite à l’égard de Photios, jean montra cette énergie ; il ne craignit pas d’annuler ce qu’avaient fait ses prédécesseurs Nicolas & Adrien avec précipitation, & sans s’être entourés des renseignements nécessaires. Les Evêques suburbains s’unirent à lui, en Concile, pour annuler les pseudo-conciles de Nicolas & d’Adrien, & rendre hommage au grand Patriarche que toute l’Eglise vénérait.
(P.187).
On comprend que les ennemis de l’Eglise orientale & de Photios ne puissent pardonner au pape Jean ses déclarations si claires & si catégoriques. Eux qui se prétendent si unis à la papauté, font leur choix entre les papes. Ils veulent bien exalter ceux dont les actes plaisent à leurs préjugés, mais ils abandonnent ceux qui les condamnent. Jean VIII n’a donc pas été épargné par eux. Ils le rabaissent autant qu’ils exaltent Nicolas & Adrien. (N.d.a : Le cardinal Baronius lui reproche d’avoir montér, dans l’affaire de Photios, un caractère si faible, qu’on pouvait le prendre pour une femme ; c’est là sans doute d’après lui qu’est venue la fable de la papesse Jeanne. Cette opinion est tellement ridicule que nous n’avons pas à nous y arrêter. Nous présenterons bientôt une autre explication de la prétendue fable, qui pourrait bientôt être une vérité). Cependant, pour tout homme sérieux & impartial, Jean se conduisit avec sagesse, tandis que ses deux prédécesseurs n’avaient agi qu’avec passion.
Le grand argument des ennemis de Photios, c’est qu’il aurait falsifié les lettres du pape Jean & les actes du Concile qui l’a réhabilité. Sur quoi se fondent-ils pour affirmer un tel fait ? Ils ne peuvent donner aucune preuve de ce qu’ils prétendent. Il est vrai qu’il existe quelques différences de forme dans les lettres latines telles qu’on les possède, & ces mêmes lettres traduites en grec. Mais, nous avons déjà fait observer que l’on possédait encore au douzième siècle en Occident des lettres latines conformes aux lettres grecques, qui se trouvent dans les actes du Concile. On pourrait en conclure que l’on avait fait à Rome de doubles lettres, les unes pour l’occident, où l’on devait mettre en relief certaines doctrines chères à la papauté, & d’autres pour l’Orient, qui n’aurait pas admis les prétentions papales ouvertement exprimées.
La papauté a agi ainsi dans plusieurs circonstances que nous aurons à faire connaître dans la suite de cette histoire. Pourquoi n’en aurait-elle pas agi ainsi dans une affaire aussi délicate que celle de Photios ? Si l’on veut trouver absolument un falsificateur, pourquoi le chercher en Orient ?
Du reste, on exagère la portée des prétendues falsifications. Elles ne sont, en réalité, que des atténuations de certaines phrases qui auraient certainement choqué les Evêques grecs, & qui auraient rendu toute réconciliation impossible. Pourrait-on prouver que les légats eux-mêmes n’auraient pas consenti à ces atténuations ? Les lettres papales étaient lues publiquement en concile ; un grand nombre de membres savaient les deux langues, grecque & latine ; peut-on croire les légats assez ignorants de la langue grecque pour ne pas saisir le sens des lectures. Ils ne parlaient pas cette langue, mais qui pourrait prouver qu’ils ne la comprenaient pas suffisamment, ou qu’ils n’étaient pas accompagnés d’interprètes qui les auraient avertis des falsifications, si elles avaient eu lieu ? Que les partisans de l’infaillibilité papale soient froissés, dans leurs préjugés, par un pape qui montra assez d’énergie pour condamner deux de ses prédécesseurs, qui avaient failli à la vérité & à la justice, nous le comprenons ; mais qu’ils se prononcent en faveur des papes qui ont erré spirituellement, en égarés spirituels, contre le pape qui se montra si sage, & si conciliant pour le bien de l’Eglise, c’est ce qu’il est plus difficile de comprendre. Si les prédécesseurs & les successeurs de Jean VIII avaient eu le même amour pour la vérité & la justice, le schisme malheureux qui a divisé l’Eglise n’aurait pas existé.
(P.188).
Photios, avec toute l’Eglise orientale, ne demandait qu’une chose : la fidélité absolue aux Doctrines Apostoliques que les Eglises avaient conservées, & que les Sept Conciles Œcuméniques avaient promulguées. Les papes, fiers d’une puissance qu’ils ne devaient qu’aux rois franks, se crurent le droit de briser les Traditions de l’Eglise orthodoxe Originelle, pour les falsifier à leur profit. Ils voulurent imposer à l’Orient Orthodoxe leurs prétentions temporelles & antichrétiennes, & se rendirent coupables du schisme. Jean VIII fait exception parmi les papes. Les sectaires d’une papauté schismatique ne peuvent le lui pardonner ; mais les Vrais Chrétiens ont le devoir de rendre hommage à un pape qui voulait reprendre les vénérables Traditions de l’Eglise romaine Orthodoxe. (N.d.a : Quelques sectaires de la papauté schismatique ont essayé de justifier Jean VIII de son amour de la vérité & de la justice. Ils ont inventé pour cela des faits qui n’ont jamais existé. Ils prétendent, par exemple, que, avant de Mourir, Jean ayant appris que ses légats avaient prévariqué, envoya à Constantinople le légat Marin, qui avait présidé le conciliabule des Dix-Huit, pour excommunier Photios. Ils prétendent même que Marin l’excommunia en pleine Eglise de Sainte-Sophie, & qu’il s’enfuit aussitôt à Rome, de peur d’être mis à Mort. Cette fable n’est appuyée d’aucune preuve, & elle est même contraire à tous les documents. Elle ne mérite pas d’autre réfutation).
Les légats étant retournés à Rome, apprirent au pape Jean VIII ce qui s’était passé au Concile de Constantinople. Il paraît qu’ils lui firent espérer que l’empereur lui laisserait la juridiction sur la Bulgarie. L’empereur & Photios les avait chargés de lettres dans lesquelles cette question était passée sous silence. Photios reconnaissait dans sa lettre qu’il n’avait pas demandé pardon dans le concile, comme le pape l’avait prescrit, parce qu’il n’était pas coupable, & que les coupables seuls doivent demander pardon.
Jean VIII répondit aux lettres de l’empereur & de Photios. Il suppose que l’empereur reconnaissait sa juridiction sur la Bulgarie ; mais on voit qu’il n’en était pas absolument certain ; c’est pourquoi il dit dans sa lettre que, si ses légats n’avaient pas exécuté ses ordres, il ne reconnaissait pas ce qu’ils pourraient avoir fait.
Dans sa lettre à Photios, il fait la même réserve que dans sa lettre à l’empereur. Il regrette qu’il n’ait pas fait l’acte de soumission qu’il avait prescrit ; mais cela ne l’empêche pas d’approuver le Concile, & de féliciter le Patriarche de ce qu’il avait fait pour l’union des Eglises.
La paix était donc faite entre Rome & Constantinople. Jean VIII Mourut peu de Temps après, en l’an 882. Son successeur fut Marin, ce légat fanatique qui avait présidé le conciliabule des Dix-Huit. On peut croire qu’il se prononça contre Photios, quoique ceux qui l’affirment ne puissent produire une preuve de quelque valeur.
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