dimanche 22 janvier 2012
GUETTEE. DE LA PAPAUTE. IX.
GUETTEE. DE LA PAPAUTE.
DEUXIEME PARTIE.
LA PAPAUTE HERETIQUE.
CHAPITRE IX.
L' HERESIE DU FILIOQUE.
(P.201).
Cette hérésie est relative au dogme de la Sainte Trinité. Personne ne conteste que, dans l'église catholique romaine, on a ajouté au Credo, symbole de Nicée-Constantinople, après les mots: »qui procède du Père », ceux-ci: « et du Fils ».
Ces mots renferment-ils une hérésie formelle, c'est-à-dire une doctrine opposée à celle qui a été admise dès l'origine de l'Eglise? Est-il vrai que la doctrine catholique romaine soit une erreur destructive du dogme de la Trinité? S'il en est ainsi, cette erreur formera une hérésie dont la papauté sera principalemen responsable.
Nous reconnaissons que l'addition au symbole a été faite d'abord en Espagne au VII° siècle; que le pape Léon III s'opposa à l'addition. Mais il n'en est pas moins vrai que, un siècle environ après, la papauté admit cette addition, & que son exemple la consacra pour l'Occident tout entier.
Ce sont là des faits historiques sur lesquels nous n'avons pas à nous étendre, car ils ne sont contestés par aucun théologien sérieux.
Le principal argument dont on s'est servi pour excuser l'addition faite au symbole, c'est que les mots filioque n'expriment que l'ancienne foi, & que, de tout temps, les Eglises partculières ont joui du droit de complétrt le symbole.
Le symbole originel, disent les théologiens latins, & principalement le P; Perrone, a reçu des additions en diverses églises, sans que pour cela l'unité entre ces églises ait été rompue. -(Cf: Perrone, Tract. De Trinit., c.V, proposit.2)- L'église romaine a donc pu ajouter au symbole de Nicée le filioque sans que les Grecs aient raison de réclamer.
Ce raisonnement est faux en tout point. D'abord, il n'y a pas eu de symbole originel avec une formule admise universellement. Chaque Eglise avait son symbole; dans tous lesymboles sont exprimées les mêmes doctrines fondamentales du Christianisme, & les différences qui existent entre eux, quant aux expressions, n'altèrent point le fond de la doctrine qui était le même dans toutes les Eglises.
Il est donc faux de dire qu'un symbole primitif universellement admis a été modifié en quelques points secondaires dans certaines églises particulières.
(P.202).
Alors que ce fait serait vrai, l'addition du filioque n'en serait pas moins illégitime pour deux raisons: d'abord elle a été faite malgré une défense formelle du Concile Oecuménique d'Ephèse qui a décrété que l'on n'ajouterait rien au symbole tel qu'il était reçu de son temps; de plus, parce que cette addition renferme une grave erreur.
Sans doute, dans le cas où une hérésie nouvelle demanderait une nouvelle attestation de la Foy constante de l'Eglise, un Concile Oecuménique aurait le droit d'insérer au symbole les mots nécessaires à la profession exacte & explicite de l'ancienne Foy. Mais tel n'est pas le cas de l'addition des mots filioque introduits dans le symbole par une église particulière, celle d'Espagne, qui n'avait pour cela aucune autorité. Si l'église de France s'est ensuite prononcée pour la même addition, & si, enfin, Rome consentit à l'admettre après plus d'un siècle d''hésitation, & entraîna dans l'erreur le reste des églises occidentales, tout cela ne forme pas la voix de l'Eglise universelle constatant sa Foy originelle. L'addition étant exclusivement occidentale est par là même illégitime, & constitue une violation flagrante d'une loi émanant de l'autorité de l'Eglise elle-même par l'organe du Concile Oecuménique d'Ephèse.
L'addition des mots filioque au symbole est d'autant plus illégitime qu'ils renferment une erreur destructive du Dogme de la Trinité, dogme qui forme la base & le fondement du Christianisme.
Depuis que, en Occident, on eut admis l'addition, on s'efforça de prouver que la doctrine dont elle est l'expression était celle des premiers siècles & de toute l'Eglise Originelle. On cita des textes nombreux que l'on eut soin d'interpréter dans un sens favorable à la thèse qu'on voulait soutenir.
Ces textes peuvent être classées en trois catégories: les premiers sont absolument controuvés; les seconds sont altérés essentiellemnt; les troisièmes sont mal interprétés.
Un docte théologien, Zoernicaw, a consacré sa vie à l'examen de tous les textes relatifs à cette discussion. Le résultat de ses recherches a été que l'Eglise Orthodoxe orientale avait raison; que les églises occidentales ne pouvaient se prévaloir de l'antique Tradition originelle. Ce résultat le conduisit à un autre: celui de la vérité de l'Eglise Orthodoxe orientale, dans laquelle il entra, après avoir abjuré les erreurs du protestantisme.
Nous n'entreprendrons pas certainement de refaire le travail de Zoernicaw. Mais il est nécessaire, pour convaincre la papauté d'hérésie touchant le dogme de la Trinité, de constater quelle a été la doctrine originelle, & quelle est celle qu'elle soutient aujourd'hui.
Pour bien comprendre les textes des Pères dont on a prodigieusement abusé sur cette question, il faut d'abord exposer la doctrine générale sur la Trinité, d'après les plus anciens monuments doctrinaux de l'Eglise. La voici:
En Dieu unique, il y a trois personnes & une seule essence. Les trois personnes ont donc quelque chose de commun & quelque chose de distinct. Ce qui est commun, c'est ce qui est essentiel; ce qui est distinct, c'est ce qui est personnel; l'attribut personnel & distinctif du Père, c'est qu'il est Père ou Principe;
(P.203)
L' attribut personnel & distintif du Fils, c'est qu'Il est Fils ou engendré; l'attribut personnel & distinctif du Fils, c'est qu'Il est Fils ou engendré; l'attribut personnel & distinctif du Saint Esprit, c'est qu'Il procède ou émane.
De qui procède-t-Il? Saint Jean, dans son Evangile, dit positivement qu'Il procède du Père ( Jean XV, 26). Il ne pourrait en effet procéder du Fils sans que le Fils fût Principe comme le Père; si le Fils était Principe à un degré quelconque, il participerait à l'attribut personnel & distinctif du Père; sa personne se confondrait avec celle du Père, & le Dogme trinitaire n'existerait plus, puisqu'il n'existe qu'à la condition que chaque attribut personnel reste distinct & incommunicable.
Tous les textes des Pères allégués par les théologiens catholiques romains, & dont ils abusent, ne peuvent se rapporter qu'à ce qui est essentiel dans la Trinité; leur faux raisonnement conciste en ce qu'ils les font rapporter, à l'aide de sophismes subtils & souvent incompréhensibles, à ce qui est personnel, sans vouloir être convaincus qu'en agissant ainsi ils affirment que tous les Pères ont, ou nié le dogme fondamental du Christianisme, ou manqué d'intelligence au point de soutenir une vérité qu'ils détruisaient en réalité par leurs raisonnements.
Parmi les pères Latins, celui dont on a le plus abusé, & qui, il faut le reconnaître, fournissait les textes les plus précis en faveur du dogme catholique romain, est le bienheureux Augustin, évêque d'Hippone. Dans ses Traités sur Saint Jean & son Traité de la Trinité, il semble si précis en faveur de la procession du Père & du Fils, qu'on le prendrait pour un moderne défenseur de cette erreur. Cependant, il n'en est rien, & c'est le bienheureux Augustin lui-même qui l'atteste dans une phrase que les défenseurs de l'erreur catholique romaine se sont bien gardés de citer.
Après s'être étendu fort longuement sur les relations essentielles qui existent entre le Père, le Fils, & le Saint Esprit, le docte écrivain s'exprime ainsi, à la fin de son Traité de la Trinité. -(cf Saint August., De Trinit., § 47 )-: « Le Saint Esprit procède du Père principalement (comme de Son Principe); Il procède de l'un & de l'autre communément. S'Il procédait du Fils principalement, on dirait qu'Il est le fils du Père & du Fils, puisque les deux l'auraient engendré, CE QUI REPUGNE AU BON SENS. Le Saint-Esprit n'a donc pas été engendré par l'un & l'autre, mais Il procède de l'un & l'autre étant l'Esprit des deux. »
En lisant Saint Augustin, après avoir médité cette maxime, on comprend parfaitement que le mot procéder est pris par lui en deux sens: avoir son origine de & sortir de. Dans le premier sens, il est contraire au BON SENS de dire que le Saint-Esprit procède du Fils; dans le second sens, le Saint-Esprit vient du Père au Fils qui l'envoie en ce monde, le communique au monde.
Le Bienheureux Augustin soutient ces deux doctrines que principalement ( comme de Son Principe) le Saint-Esprit ne procède que du Père; que le Fils ne le tient que du Père. Il contredit ainsi positivement la doctrine catholique romaine: que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, comme d'un Principe unique; ou par le Fils, comme le moyen par lequel il aurait agi.-( Ibidem. Tract. XCIX, in Joann.,§ VI & sq)-.
(P.204).
En comparant & en rapprochant les divers textes du Bienheureux Augustin sur le même sujet, on voit sans aucune difficulté qu'on n'a pu en faire un partisan de l'erreur cachée sous le filioque qu'en interprétant dans un sens erroné un mot qu'il entendait dans un sesn Orthodoxe.
Il y a une double expression, dans les Pères, pour exprimer les relations du Saint6Esprit avec le Père et le Fils. Les Pères grecs ne se servent que d'expressions conformes à celles de l'Evangile ( ekporeuesthai, ekporeusis, ekporeuma), pour désigner la procession du Père comme Principe de l'Esprit. Ils emploient d'autres mots qui n'ont que le sens de communication pour signifier l'action du Fils envoyant l'Esprit qu'il tenait du Père.
Nous le prouverons dans la suite de ce travail.
Il en est de même dans les pères Latins qui se servent des mots fons, spiratio, ou autres analogues pour dire que le Saint-Esprit vient du Fils; mais qui réservent le mot processio pour exprimer l'acte éternel par lequel l'Esprit procède du Père comme de Son Principe.
Nous le prouverons également.
Toute l'habileté des théologiens latins conciste en ce qu'ils interprètent dans le sens de procession éternelle, tous les mots employés par les Pères pour s'exprimer, soit la relation éternelle & essentielle qui existe entre le Fils & le Saint-Esprit, soit l'envoi ou la mission du Saint-Esprit par le Fils. C'est au moyen de ce procédé qu'ils ont pu revendiquer la tradition universelle qui les condamne formellement
Après ces considérations générales, nous allons entrer dans un examen plus précis de la Doctrine des Pères de l'Eglise, afin de constater quelle a été la Foy Orthodoxe originelle, à laquelle nous comparerons ensuite la doctrine catholique romaine.
Avant de citer les textes où les Pères ont enseigné, soit comme échos de la Foy de leur temps, soit comme Théologiens inspirés par le Saint Esprit, il sera bon de faire connaître le sens qu'ils ont attribué aux textes de l'Ecriture, cités par les Occidentaux à l'appui de leur opinion. De cette manière, nous interpréterons l'Ecriture d'après la règle universelle, & les commentaires des Docteurs de l'Eglise nous initieront à leur vraie Doctrine Orthodoxe.
L'Ecriture contient ce texte:
« Lorsque le Consolateur, l'Esprit de Vérité qui procède du Père, & que je vous enverrai de la part de mon Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. » ( Saint Jean, XV, 26.) Est-il vrai que cette expression: qui procède du Père, désigne la procession éternelle du Saint-Esprit, & non pas son envoi temporaire? S'il désignait son envoi temporaire, il faudrait admettre que le Sauveur a exprimé la même idée par les mots: qui procède, &, je vous enverrai. Or, il suffit de remarquer que l'action de procéder est exprimée par un verbe au présent comme un acte qui existe, & que la seconde est exprimée par un verbe au futur, comme un acte qui n'existe pas encore, pour être convaincu que Jésus-Christ a eu en vue deux actes différents: le premier qui a le Père pour Principe, le second dont lui-même est l'agent de la part du Père. La procession éternelle du Père & l'envoi temporaire, du Père par le Fils, sont donc fort clairement indiqués dans le texte cité. Jésus-Christ a toujours désigné de la même manière l'envoi ou la communication de l'Esprit: « Il vous donnera un autre Consolateur. » ( Jean, XIV, 16.)
(P.205).
« Mon Père l'enverra en mon Nom. » (Ibid., 26.) « Je vous l'enverrai de la part de mon Père. » (Ibid.,XIV, 26.) « Je vous l'enverrai de la part de mon Père. » ( Ibid., XIV,26.)
Voici les commentaires des Pères de l'Eglise:
Saint Basile de Césarée s'exprime ainsi: »L'Esprit de Dieu procède du Père, c'est-à-dire de sa bouche; ne le prends donc pas pour quelque chose d'extérieur, de créé, mais glorifie-le comme tenant de Dieu son hypostase. » (Homél.sur le Ps.XXXII.) Le Saint Evêque de Césarée entend donc bien, par le mot procéder, l'acte éternel par lequel le Saint-Esprit est produit. Dans son Homélie contre les Sabelliens, il donne le même sens au mot procéder: « Le Fils, dit-il, est sorti du Père, & l'Esprit procède du Père: l'un par génération, l'autre d'une manière inexprimable. » Il met ainsi sur la même ligne les deux actes éternels du Père, en les distinguant parfaitement l'un de l'autre, & en ne leur donnant que le Père pour Principe.
« En restant dans les limites qui nous ont été posées, dit Saint Grégoire le Théologien ( serm. 29, Sur la Théologie), nous prêcjhons Celui qui n'est pas né, & Celui qui procède du Père, comme le Verbe-Dieu l'a dit Lui-même. »
Saint Grégoire entendait donc de l'acte éternel, le mot procéder prononcé par Jésus-Christ, & il attribue cet acte au Père seul.
Saint Jean Chrysostome est aussi explicite:
« De même, dit-il, (in Homélie sur le Saint-Esprit)-, qu'il est écrit : L'Esprit de Dieu ( Matth.,XII,28), & ailleurs: l'Esprit qui est de dieu ( I Corinth.,II,11), ainsi il est dit: l'Esprit du Père ( Matth.,X,20); & pour que tu ne voies pas là une simple analogie, le Sauveur confirme cette expression en disant: « Lorsque le Consolateur, l'Esprit de Vérité, qui procède du Père, sera venu. » Là, c'est de Dieu que l'Esprit procède; ici, c'est du Père. Comme il dit en parlant de lui-même: « Je suis sorti de Dieu, » ( Jean, XVI,27), ainsi il atteste, en parlant du Saint Esprit, qu'Il procède du Père. Par conséquent, l'Esprit est à la fois, et l'Esprit de Dieu, et l'Esprit qui vient de Dieu le Père, et Il procède du Père. Que signifie le mot procéder? Jésus-Christ ne dit pas: est engendré. Le Fils est engendré par le Père; le Saint-Esprit procède du Père. Quelle est la valeur du mot procède? Afin que l'on ne prenne pas l'Esprit pour le Fils, l'Ecriture n'emploie pas le mot est engendré, elle dit qu'Il procède du Père, elle le représente procédant comme l'eau de sa source. Qui est-ce qui procède? Le Saint-Esprit. Comment? Comme l'eau de sa source. Si Saint Jean, en rendant témoignage du Saint-Esprit, le nomme eau vive ( Jean, VII, 38), & si le Père dit de Lui-même: Ils m'ont abandonné, moi qui suis une source d'eau vive ( Jér.,II,13), le Père est la source du Saint-Esprit, parce que l'Esprit procède de Lui. »
On ne pouvait mieux fixer le sens des Paroles du Sauveur: « Qui procède du Père ».
On peut affirmer que tous les Pères les ont ainsi entendues de l'acte éternel en veru duquel l'Esprit est produit, & le deuxième Concile Oecuménique les a interprétées de la même manière en les insérant dans le symbole de Nicée-Conctantinople pour exprimer cet acte éternel.
(P.206).
Les interpréter autrement, c'est non seulement torturer le texte en lui-même, mais se séparer de la Tradition Orthodoxe universelle, & préférer son interprétation individuelle à l'interprétation collective de l'Eglise.
Les théologiens catholiques occidentaux, qui n'osent soutenir que les Paroles de Jésus-Christ ne se rapportent pas à l'acte éternel qui produit le Saint-Esprit, prétendent que le Sauveur, en disant: « qui procède du Père », n'a pas exclu le fils, parce que le Père et le Fils ont la même essence. Si la raison des Occidentaux est bonne, il faut en conclure que le Saint-Esprit procède aussi de Lui-même, puisqu'Il a la même essence que le Père et le Fils.Si l'on attribue à l'essence divine ce qui fait précisément la distinction des personnes, il faudra admettre que les actes propres du Père sont communs au Fils et au Saint Esprit, & réciproquement; on détruira ainsi complètement le Mystère de la Sainte Trinité. Les théologiens catholiques occidentaux n'auraient pas commis leur étrange méprise s'ils avaient connu ces belles paroles de Saint Grégoire de Naziance: « L'éternité & la divinité sont communes au Père, au Fils, & au Saint Esprit; mais il appartient au Fils et au Saint Esprit de tenir leur être du Père. L'attribut distinctif du Père, c'est de ne pas être né; celui du Fils d'être engendré; celui de l'Esprit, de procéder. » ( Greg. Naz., Serm.25). Attribuer à une personne l'attribut qui en distingue une autre, c'est confondre deux personnes & détruire la Trinité. Ecoutons encore Saint Grégoire de Naziance: « Si le Fils & l'Esprit sont coéternels au Père, pourquoi ne sont-ils pas comme lui sans principe? Parce qu'ils sont du Père, quoiqu'ils ne soient pas après le Père. »
Le Saint-Esprit est la troisième personne, dit le P. Perrrone; le Fils est donc avant Lui dans l'ordre de la production, & a contribué à sa procession. N'est-ce pas là nier ouvertement la coéternité des trois personnes divines? N'est-ce pas placer dans le temps la procession du Saint-Esprit? Faire par conséquent du Saint-Esprit une simple créature? CC'est à de pareils blasphèmes que les théologiens catholiques occidentaux ont été conduits par leurs efforts pour éluder les paroles de la Sainte Ecriture.
Il suffit, du reste, de comparer entre elles toutes les paroles de Jésus-Christ pour voir que, chaque fois qu'il parle de l'envoi du Saint-Esprit, Il l'attribue au Père et à Lui-même; mais qu'en parlant de la procession, il ne l'attribue qu'au Père, il ne mentionne que le Père. N'est-il pas évident qu'il établit ainsi une différence essentielle entre l'envoi qui est commun au Père et au Fils, et la procession qui appartient au Père seul.
Les théologiens catholiques occidentaux ont fait presque tous ce raisonnement à propos des Paroles du Sauveur: » Je vous l'enverrai, etc »: Si le Fils envoie l'Esprit, c'est qu'il procède de lui. De ce raisonnemnt, il suivrait qu'une personne, dans la Trinité, ne pourrait être envoyée par une autre, sans en procéder. Alors, il faudrait dire que le Fils procède de l'Esprit puisqu'il a été envoyé par lui, selon cette parole d'Isaïe que Jésus-Christ s'est appliquée à Lui-même: « L'Esprit du Seigneur est sur moi; c'est pourquoi il m'a sacré & m'a envoyé évangéliser, etc.(Luc, IV, 18). » Les Saints Pères ont considéré l'envoi comme un acte commun au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, à cause de l'unité d'essence qui existe entre eux;
(P.207)
c'est pourquoi l'envoi du Fils est attribué au Saint-Esprit et au Père, et l'envoi du Saint-Esprit au Père et au Fils; mais ils n'attribuent qu'au Père la procession du Saint6Esprit et la génération du Fils. Les mêmes Docteurs de l'Eglise n'ont considéré l'envoi que par-rapport à la manifestation AD EXTRA soit du Fils, soit du Saint-Esprit, car la divinité est une & ne peut être envoyée séparément. Cette Doctrine de la Tradition Orthodoxe universelle confond tous les faux-raisonnements des partisans de la procession ex Filio. Citons les textes de quelques Pères sur les deux points ci-dessus énoncés.
Saint Jean Chrysostome: « Quand tu entends dire au Christ: Je vous enverrai l'Esprit, ne prends pas cela au point de vue de la divinité, car Dieu ne peutêtre envoyé. » Zoernikaw a cité une foule d'autres textes analogues tirés des Pères, ainsi que sur l'envoi du Fils par le Saint-Esprit. Saint Ambroise résume ainsi parfaitement cette Doctrine de l'Eglise: « C'est le Père avec l'Esprit qui envoient le Fils, c'est de même le Père avec le Fils qui envoient l'Esprit. Si donc le Fils et l'Esprit s'envoient l'un l'autre, comme les envoie le Père, ce n'est pas l'effet d'une dépendance quelconque, mais d'une communauté de pouvoir. » ( De Spirit. Sanct.,lib.III,c.1.) Le même Docteur s'exprime ainsi dans un autre ouvarge: « Le Fils a dit: Qui procède du Père; c'est en vue de l'origine; il a dit : « Je vous l4enverrai »; c'est en vue de la communauté & de l'unité de l'essence. » ( Lib. De Symb.,c,10.) Saint Jérôme s'exprime de la même manière: » Le Saint-Esprit qui procède du Père, & qui, par communauté d'essence, est envoyé par le Fils. » ' Comment.,XVI, in Jerem., 57). Saint Cyrille d'Alexandrie dit aussi: « Le Fils donne l'Esprit comme sien à cause de l'unité de son essence avec l'essence du Père. » ( In Joann.,c.10.)
L'on doit remarquer que la Sainte Ecriture n'attribue au Père aucun acte ad extra qu'il n'ait fait par le Saint-Esprit ou par le Fils. C'est pourquoi les Pères ne parlent que de l'envoi du Fils et du Saint-Esprit, & en donnent pour Principe le Père agissant avec l'Esprit à l'égard du Fils et avec le Fils à l'égard de l'Esprit, à cause de la communauté de l'essence.
Le Père est ainsi la cause première de l'envoi, comme il est le principe unique & éternel du Fils par génération et de l'Esprit par procession. Ces deux actes lui sont attribués exclusivement, tandis que l'envoi ou acte ad extra lui est attribué en communauté soit avec le Fils, soit avec l'Esprit.
Les partisans de la procession ex Filio n'ont pas voulu voir dans les monuments de la Tradition Orthodoxe universelle cette double action du Père avec le fIls et du Père avec l'Esprit. Ils n'ont voulu voir que la première, l'ont confondue avec l'opération éternelle, exclusive au Père, comme principe unique, & lui ont appliqué le raisonnemnt de la communauté d'essence, sans s'apercevoir qu'en raisonnant ainsi ils détruisaient la Trinité, comme nous l'avons démontér précédemment. De là les TEXTES QU'ILS ONT CITéS A FAUX pour appuyer LEUR SYSTEME ERRONé.
A la lumière de la Tradition Orthodoxe universelle, les faux raisonnements élevés sur ces mots: » Je vous l'enverrai, etc., » disparaissent comme une ombre.
Il en est de même de ceux que l'on a construits sur ces autres paroles du Sauveur: « L'Esprit recevra de ce qui est à moi...Tout ce qu'a mon Père est à moi. » ( S.Jean, XVI,12-15.) Si tout ce que possède le Père, le Fils le possède aussi, disent les théologiens catholiques occidentaux, il a donc, comme le Père, l'attribut de faire procéder le Saint-Esprit; donc le Saint6esprit procède de lui comme du Père, & Il a reçu de Lui l'être, comme du Père.
D'abord, ces théologiens n'ont pas remarqué que les verbes dont se sert Jésus-Christ pour xprimer les actes de l'ESprit, sont au futur: Il recevra. Si cet acte se rapporte à son être, il ne l'avait donc pas reçu lorsque le Sauveur parlait. PEUT-ON SOUTENIR UNE PAREILLE ABSURDITé? Dès qu'il devait recevoir du Fils dans le futur, ce n'était pas son existence; donc on ne peut conclure de ces expressions, « Il recevra de moi », qu'Il procède de Lui. D'un autre côté, si l'on entend d'une manière absolue ces mots: « tout ce qu'a mon Père est à moi, il n'y a rien qui les distingue l'un de l'autre; on confond leur personnalité. Dès que l'on admet la distinction des personnes du Père et du Fils, on admet qu'il y a un attribut personnel qui distingue le Père du Fils; il faut donc entendre de ce sens restreint les Paroles de Jésus-Christ, ou bien nier la Trinité. Or, quel est l'attribut personnel qui distingue le Père des deux autres personnes, si ce n'est celui en vertu duquel il les produit? Si l'on donne cet attribut au Fils ou à l'Esprit, on les confond avec le Père, & l'on détruit la Trinité. Les Paroles de Jésus-Christ se rapportent donc à l'essence divine qu'Il a reçue du Père et non à l'attribut qui distingue le Père des deux autres personnes.
C'est ainsi que les Pères de l'Eglise ont entendu les Paroles de Jésus-Christ. Didyme d'Alexandrie s'exprime ainsi ( Lib.II. De Spirit.S.): « Le mot « recevra » doit s'entendre dans un sens qui convienne à la nature divine. Par conséquent, comme le Fils, en donnant, ne se dépossède point e ce qu'Il communique, ainsi l'Esprit ne reçoit rien qu'il n'eût auparavant. » Saint Cyrille d'Alexandrie exprime la même pensée ( Lib.XXI, in Joann.): « Ce que le Saint-Esprit devait recevoir du Fils, c'était la Doctrine; Il ne devait pas la recevoir comme quelque chose de nouveau pour Lui, mais cette Doctrine qui est du Père, le Fils était envoyé par le Père et l'Esprit pour l'annoncer au monde, & l'Esprit était envoyé par le Père et le Fils pour la répandre dans les esprits, avec la conviction. » Saint Jean Chrysostome développe aussi cette pensée: « Jésus dit: Il recevra de ce qui est à moi, c'est-à-dire: ce que j'ai dit, Il le dira de même. Quand Il parlera, Il ne parlera pas de son chef, Il ne dira rien de contraire à ce que j'ai dit; rien de son propre fonds; Il ira seulement ce qui est de moi. De même qu'en parlant de Sa Personne, le Sauveur disait: « Je ne parle point de moi-même, c'est-à-dire je ne dis rien que ce qui est au Père, rien qui me soit propre, rien qui lui soit étranger, ainsi faut-il l'entendre également du Saint-Esprit. Cette expression: De ce qui est à moi signifie: de ce que je sais, de ma science, car ma science et celle de l'Esprit sont une seule et même chose. Il recevra de ce qui est à moi signifie: Il parlera d'accord avec moi. Tout ce qu'a le Père est à moi; or, comme cela est à moi, et que l'Esprit parlera des choses qui sont au Père, par conséquent, Il parlera de ce qui est à moi. » ( S. Chrys., Hom.in Joann.)
Il est évident que, d'après la Tradition Orthodoxe universelle, il ne s'agit point, dans les Paroles de Jésus-Christ de la procession du Saint-Esprit.
(P.209).
Aussi les Pères n'y ont-ils vu qu'une preuve de la consubstantialité des Personnes Divines, de l'unité d'essence, conformément à ce passage de Saint Athanase: « Tout ce qu'a le Père étant également propre au Fils, Celui-ci est considéré avec raison comme étant consubstantiel au Père. C'est en prenant la chose dans ce sens; que les Pères reconnurent, au Concile de Nicée, le Fils comme consubstantiel au Père, et de même substance. » (Ath., Epist. Ad Serap.) « Tout ce qu'a le Père, dit Saint Grégoire le Théologien, le Fils l'a aussi, excepté d'être cause ou Principe. » ( Greg.,Serm.,34.) Pourquoi cette exception? Parce que l'attribut de Principe unique est précisément son attribut distinctif & personnel. »Nous croyons, dit Saint Cyrille, que le Fils est coéternel au Père, & qu'Il a tout en commun avec le Père, excepté de produire. » ( Curill.,Dialog.II ad Herm.) Telle est la Doctrine traditionnelle, & l'on ne peut donner un autre sens aux Paroles du Sauveur sans renier la règle Orthodoxe universelle de l'interprétation de la Sainte Ecriture, & sans faire violence au texte.
Plusieurs partisans de la doctrine de la procession ex Filio citent en faveur de leur thèse quelques autres textes des Saintes Ecritures, & les interprètent à leur manière, sans tenir compte du sens qu'on leur a toujours attribué dans l'Eglise. Ils n'ont pas voulu voir qu'en agissant ainsi, ils s'exposaient à mettre leurs propres pensées au lieu et place de la Doctrine Révélée, qui est un Dépôt, & qui ne peut être par conséquent constatée que par la voix universelle, unanime & constante de la société Chrétienne; qu'en laissant de côté cette voix, ils s'exposent à attribuer à Dieu leur propre doctrine erronée.
Parmi les textes cités à faux par les partisans du Filioque se trouve celui-ci, tiré de l'Epître aux Galates: » Parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de Son Fils qui crie: Père! Père! » ( Galat.,IV,6.) Sur quoi , ils raisonnent ainsi: L'Esprit est appelé Esprit du Père ( Matth.,X,20), parce qu'Il procède du Père; s'il est appelé Esprit du Fils, c'est qu'Il procède aussi du Fils.
On peut d'abord observer que dans le texte cité, il ne s'agit pas de l'hypostase du Saint-Esprit; mais seulement de l'Esprit humain enrichi, grâce à la rédemption du Dieu-Homme, des dons du Saint-Esprit.
On peut faire remarquer ensuite que l'Esprit est appelé Esprit du Père, non seulement parce qu'Il procède de Lui, mais aussi parce qu'il lui est consubstantiel. En ce sens, il est l'Esprit du Fils aussi bien que l'Esprit du Père, puisque le Père, le Fils, et le Saint Esprit ont la même substance. Les partisans du Filioque supposent donc gratuitement que le Saint-Esprit n'est l'Esprit du Père que parce qu'Il en procède, afin d'établir sur cette supposition la procession ex Filio. Or, leur raisonnement, comme l'assertion sur laquelle il repose, sont CONTRAIRES A L'ENSEIGNEMENT DES PERES DE L'EGLISE.
« Si le Saint-Esprit, dit Saint Jean Chrysostome, ( hom. In Pentec.) est appelé tantôt Esprit du Père, tantôt Esprit du Fils, ce n'est point pour confondre le Fils avec le Père, mais pour signifier l'indivisibilité de l'essence divine. »- « A cause de l'identité de nature, dit Saint Jérôme ( In Epist. Ad Gal.), le Saint-Esprit est appelé indifféremment l'Esprit du Père et l'Esprit du Fils. » - « C'est assez, dit Saint Augustin que le Chrétien croie au Père, au Fils engendré par le Père, à l'Esprit Saint
procédant du même Père, mais qui est en même temps l'Esprit du Père et du Fils. » (Aug.,Euch.,c.IX.)
(P.210).
Telle est la Foy parfaitement & clairement exprimée. Le Père, comme Principe; le Fils engendré du Père; l'Esprit procédant du même Père, telle est la Foy qui suffit, d'après le Bienheureux Augustin; il y ajoute: qu'il faut croire que le Saint Esprit est l'Esprit du Père et du Fils, mais non comme une conséquence de la procession. Pourquoi alors? Parce que, selon le sentiment commun des Pères, le Saint-Esprit a la même essence que le Père et le Fils.
Les Pères, qui n'ont point entendu les expressions Esprit du Fils dans le sens d'identité d'essence, les ont interprétées de cette manière; que le Saint-Esprit est l'Esprit du Fils parce que ce dernier l'a envoyé dans le monde. « Que l'Esprit procède de Dieu, dit Saint Basile, l'Apôtre le professe clairement lorsqu'il dit: « Nous n'avons point reçu l'Esprit du monde, mais l'Esprit de Dieu; mais il montre avec évidence que l'Esprit a été manifesté par le Fils, lorsqu'il le nomme l'Esprit du Fils. » ( Basile, Contre Eunome, livre 5.) Le même Saint ( De l'Esprit Saint,c.18) dit positivement: « L'Esprit est aussi nommé Esprit du Christ, parce qu'Il lui est uni en essence. » Ses deux interprétations ne se contredisent point, & aucune des deux ne favorise la procession ex Filio. Saint Jean Damascène a parfaitement résumé ainsi l'Enseignement traditionnel: » Nous adorons le Saint-Esprit comme Esprit de Dieu le Père, c'est-à-dire, procédant de lui; nous l'adorons aussi comme Esprit du Fils, parce que c'est par Lui qu'Il apparut, &fut communiqué à la créature, & non pas parce qu'Il tient de Lui l'hypostase ou l'existence. » ( Damasc., Orat. De Sabb.)
D'après ce qui précède, on comprend cet autre texte de Saint paul tiré de l'Epître aux Romains (XIII,9): « Vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'Esprit; car si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Jésus-Christ, il n'est point à Lui. » Il est évident que le mot Esprit de Jésus-Christ est employé ici dans un sens purement moral; si on veut l'entendre rigoureusement de la Personne du Saint-Esprit, on sait, par les textes que nous avons cités, comment les Pères de l'Eglise ont entendu ces mots: Esprit du Père, Esprit du Christ. Du reste, les meilleurs théologiens catholiques occidentaux n'ont point eu recours aux textes tirés des Epîtres aux Galates et aux Romains, pour appuyer leur système sur la procession ex Filio. Ils ont compris qu'il ne s'y agissait même pas de la personne du Saint-Esprit. L'opposition que fait Saint Paul entre les hommes qui vivent selon la chair et ceux qui vivent selon l'Esprit est trop claire pour que les théologiens tant soit peu sérieux puissent se tromper sur le sens de l'Apôtre. Cependant, quelques théologiens y ont eu recours; voilà pourquoi nous nous y sommes arrêté.
Après avoir expliqué, d'après les Pères, les textes de l'Ecriture relatifs aux relations entre les trois personnes de la Très Sainte Trinité, nous devons citer les passages les plus importants dans lesquels les Pères ont parlé comme théologiens, afin qu'il ne reste aucun doute sur la doctrine Orthodoxe originelle relativement à la Procession du Saint-Esprit.
Plusieurs Pères établissent que le Saint-Esprit procède du Père, sans mentionner le Fils.
(P.211).
Saint Basile: « Comme le Verbe créateur affermit les cieux, de même l'Esprit qui est de Dieu, qui procède du Père, nous a pporté avec Lui & de Lui-même toutes les Forces qui sont dans le Père. » Dans le même texte, Saint Basile explique la procession par l'expression: sorti de sa bouche, afin que l'on n'entende pas par cet acte quelque chose d'extérieur ou de créé.
Saint Grégoire le Théologien: « L'Esprit est vraiment l'Esprit-saint qui procède du Père, non pas cependant comme le Fils, car Il ne procède pas par génération, mais par procession. » ( Sermon 39).
Saint Jean Chrysostome: « Les sectateurs e Macedonius ne voulaient pas croire que le Saint-Esprit qui procède du Père, d'une manière ineffable, fût Dieu. » (Homélie sur le Psaume CXV.)
Saint Ephrem: « Le Saint-Esprit n'est point engendré, Il procède de l'essence du Père, non imparfait & non confondu avec elle, car Il n'est ni le Père ni le Fils, mais l'Esprit-Saint. » ( Serm. De Confess.)
Saint Epiphane: « Quoiqu'il y ait beaucoup d'esprits, cet Esprit est infiniment au-dessus des autres, car Il a de toute éternité l'existence du Père même, & non d'aucun être créé...C'est d'une seule & même Divinité que sont le Fils & le Saint-Esprit: le Fils étant engendré par le Père, & l'Esprit procédant du Père. » ( Heres.LXXIV.)
Saint Cyrille d'Alexandrie:: « Nous croyons aussi à l'Esprit-Saint...procédant du Père, non engendré; car il n'y a qu'un seul Fils unique et non créé...Nous savons qu'Il procède du Père, mais nous ne cherchons point à approfondir comment Il procède, restant dans les limites que nous ont tracées les Théologiens & les Saints. » ( De S. Trinit., c.19.)
Ainsi la Foy Orthodoxe originelle, d'après Saint Cyrille, consiste à admettre: le Fils engendré par le Père, le Saint-Esprit procédant du Père.
Saint Ambroise: « Si tu nommes le Père, tu nommes en même temps et Son Fils et l'Esprit de Sa bouche...Si tu nommes l'Esprit, tu nommes également le Père de qui l'Esprit procède, et le Fils, parce qu'Il est aussi l'Esprit du Fils. » ( De Spirit. S., lib.1, c.3.)
Comme on voit, saint Ambroise ne fait point d'acte éternel en vertu duquel l'Esprit procède du Père la base de cette autre vérité: que l'Esprit est l'Esprit du Fils.
Saint Hilaire de Poitiers: » Viendra le Consolateur que le Fils enverra du Père; c'est l'Esprit de Vérité qui procède du Père. » ( De Trinit., lib.VIII, §19.)
Le bienheureux Augustin : « Les Ariens disent le Fils engendré par le Père, et le Saint-Esprit créé par le Fils; mais ils ne trouvent cela nulle part dans la Sainte Ecriture; car le Fils dit Lui-même que l'Esprit-Saint sort du Père...Il est vrai que le Père a donné à tout l'xistence, & que Lui-même, Il n'a rien reçu de personne; mais Il ne s'est point donné d'égal, excepté le Fils engendré par Lui, et le Saint-Esprit qui procède de Lui. » ( Contre les Ariens, chap.21,29.)
C'était bien le cas, pour le bienheureux Augustin, d'opposer aux Ariens l'action du Fils dans la procession de l'Esprit, s'il y eût cru. Mais le bienheureux docteur n'y croyait pas.
(P.212).
Plusieurs Pères, en enseignant que le Saint-Esprit procède du Père, mentionnent un acte du Fils, différent de la procession, relativement au Saint-Esprit.
Voici quelques-uns de leurs textes:
Saint Athanase: » S'ils ( les hérétiques) raisonnaient bien sur le Fils, ils le feraient aussi bien sur le Saint-Esprit qui procède du Père, & qui, étant propre au Fils (son allié), est accordé par Lui à Ses Disciples comme à tous ceux qui croient en Lui. » ( Ath., Lettre à Sérapion, 1,2.)
Le Saint Evêque d'Alexandrie distingue donc entre les deux actes du Père et du Fils relativement à l'Esprit. En quel sens l'Esprit est-Il propre au Fils ou l'allié du Fils? Il l'explique plus bas, dans le même ouvrage, en disant que c'est parce qu'Ils ont en commun l'essence divine. Il affirme donc ces trois vérités de Foy: 1° l'Esprit procède du Père; 2° Il est accordé par le Fils aux croyannts; 3° le Fils et le Saint-Esprit sont consubstantiels au Père & possèdent également l'essence divine.
Saint Basile (Cont. Eunom.,lib.5): « Que l'Esprit soit de Dieu, c'est ce qu'annonce clairement l'Apôtre en disant:Nous n'avons point reçu l'Esprit du monde...mais l'Esprit de Dieu ( I Cor.,II,12); qu'Il ait été manifesté par le Fils, c'est ce que l'Apôtre montre avec évidence en le nommant aussi Esprit du Fils. »
Ainsi l'Esprit est du Fils non parce qu'Il en procède, mais parce qu'Il a été manifesté par Lui. Saint Basile ajoute ailleurs ( De l'Esprit Saint, chap.18): « L'Esprit est de Dieu non pas comme tout est de Dieu, mais comme procédant de Dieu; procédant, non par génération comme le Fils, mais comme Esprit de la bouche de Dieu...Il se nomme aussi Esprit du Christ en tant qu'Il est uni au Christ par essence. »
Le Saint Evêque de Césarée professe ainsi les trois vérités enseignées par celui d'Alexandrie, & les distingue parfaitement l'une de l'autre.
Saint Grégoire de Nysse ( Adv. Eunom., lib.1): « Figurons-nous, non point un rayon du soleil, mais un soleil qui, provenant d'un autre soleil non engendré, brillerait avec lui, en tirant de lui son existence...puis, une autre lumière semblable & pareillement simultanée avec la lumière engendrée, brillant avec elle, mais tenant la cause de son existence de la lumière originelle. »
Voilà bien le Fils exclu de l'acte en vertu duquel la troisième lumière ou l'Esprit a l'existence.
Saint Cyrille d'Alexandrie: « Pour formuler, touchant la Divinité, une idée saine & conforme à la Vérité, nous disons que Dieu le Père engendre le Fils qui lui est consubstantiel, & produit le Saint-Esprit qui vivifie tout, procède du Père d'une manière ineffable, & est accordé à la Créature au moyen du Fils. » ( Cont. Jul., lib.IV.)
Euloge d'Alexandrie, que le pape Saint Grégoire le Grand appelait son père & son maître, s'exprime ainsi dans son cinquième discours: « En Vérité, Dieu est un...Le Fils connu dans le Père, et le Père dans le Fils, l'Esprit procédant du Père, & ayant le Père pour Principe, mais descendant sur la créature par le Fils, selon la bonne volonté de ceux qui le reçoivent. »
Les Pères d'Occident sont d'accord avec ceux d'Orient dans l'enseignement des mêmes Vérités.
(P.213).
Saint Hilaire de Poitiers: « C'est du Père que procède l'Esprit de Vérité, mais c'est par le Fils qu'Il est envoyé du Père. » ( De Trinitate, lib.VIII,§20.)
Saint Ambroise: « Le Seigneur dit dans l'Evangile: Lorsque le Consolateur, l'Esprit de Vérité qui procède du Père, sera venu, Il rendra témoignage de moi. Par conséquent, l'Esprit procède du Père, & rend témoignage du Fils. » ( De l'Esprit Saint, livre 1.)
Saint Jérôme: « Le Saint-Esprit sort du Père &, àcause de la communauté de naturee, est envoyé par le Fils. » ( Comment, in Isa...lib.XVI, § 57.)
Bienheureux Augustin: « Il suffit aux Chrétiens de croire...que Dieu est Trinité, le Père et le Fils engendré par le Père, et le Saint-Esprit procédant de ce même Père, mais eul et même Esprit du Père et du Fils.( Ench., c. 9.)
Le bienheureux docteur enseigne ici ce qui est de Foy; un point de Foy est que le Saint-Esprit procède du Père, comme le Fils est engendré du Père; un autre point: c'est que l'Esprit est l'Esprit du Père et du Fils, mais il n'en tire pas une conclusion contraire à la première vérité qu'il établit: que le Saint-Esprit procède du Père. L'évêque d'Hippone a parfaitement distingué l'acte du Père dans la procession éternelle, de l'acte du Fils dans la mission temporaire du Saint-Esprit.
Les Pères enseignent que dans la Divinité il n'y a qu'un Principe unique, lequel, par une double action analogue, engendre le Fils & produit le Saint-Esprit. Voici quelques passages dans lesquels ils établissent cette Vérité:
L'auteur, Disciple de Saint Paul, connu sous le nom de Saint Denis l'Aréopagite : « Il n'y a qu'une seule source de Divinité: Le Père. Ainsi, le Père n'est point le Fils, & le Fils n'est point le Père, & à chacune des personnes divines reviennent des louanges particulières...Nous avons appris que la Sainte Parole en sa source est le Père, mais que Jésus & l'Esprit sont, pour ainsi dire, des branches divinement plantées de la Divinité née de Dieu. On dirait des fleurs & des lumières naturelles; mais comment cela? C'est ce qu'on ne saurait ni dire ni représenter. » ( De Div. Nom., c.2, §§5-7.)
Origène: « Il faut comprendre que le Fils & le Saint-Esprit émanent de la même source de Paternelle Divinité. ( Comment.In Epist. Ad Rom., c.5) « C'est de cette source que viennent, et le Fils qui est né et l'Esprit qui procède. » ( De Princip., lib.1, c.2.)
Saint Athanase: « Nous croyons à une seule & même Divinité de la Trinité, venant du Père seul. » ( Lettre à Sérapion., §28.) Dans la même lettre, Saint Athanase n'attribue qu'au Père seul les qualifications de principe de la Divinité et non deux principes: voilà pourquoi il y a en Dieu monarchie (monarchia, unité de principe). »
Saint Basile: « Le Père a une existence parfaite; il est racine et source du Fils & du Saint-Esprit...Quoiqu'on dise que tout est de Dieu, il n'y a proprement de Dieu que le Fils sorti du Père, & l'Esprit procédant du Père; le Fils est de Dieu par génération, & l'Esprit, d'une manière ineffable. » ( Homil. Cont. Sabell., §§ 4—7.)
(P.214).
Saint Grégoire le Théologien: » Si le Fils et le Saint Esprit sont coéternels au Père, pourquoi ne sont-Ils pas comme Lui sans Principe? Parce qu'Ils sont du Père, quoique non après le Père. » (Homélie sur la Théologie.)
Le bienheureux Augustin: « C'est du Père que reçoit l'Esprit, c'est aussi du Père que reçoit le Fils; car, dans cette Trinité, le Fils est engendré par le Père, et l'Esprit procède du Père; le Père seul n'est engendré de personne et ne procède de personne. » (Tract. c. in Joann.)
« Quand le Seigneur dit: « Je vous l'enverrai de mon Père, Il indique que l'Esprit est du Père et du Fils; car après avoir dit: Mon Père vous l'enverra, Il ajoute: en mon nom; mais Il ne dit point: Mon Père vous l'enverra de ma part, comme Il dit: Je vous l'enverrai de la part de mon Père, marquant ainsi que le Principe de toute Divinité, ou plutôt de toute la Divinité, c'est le Père. » ( De Trinit., lib.IV.,c.20, § 29.)
Le bienheureux évêque d'Hippone pouvait-il expliquer plus clairement qu'en disant que le Saint-Esprit est du Fils, il n'entendait pas qu'Il en procédait comme d'un Principe, mais qu'Il en venait seulement ad extra, comme nous l'avons exposé?
Dans un autre ouvrage ( Cont. Maxim., lib.II,c. 14, §1), Saint Augustin dit encore: « C'est du Père qu'est le Fils; c'est aussi du Père qu'est le Saint-Esprit; Il est de Celui de qui Il procède. » Le bienheureux Augustin n'a pas dit de ceux.
Saint Paulin de Nole: « Le Saint-Esprit et le Verbe de Dieu, également Dieu l'un et l'autre, demeurent dans le même chef, et viennent du Père leur unique source, le Fils par génération, et l'Esprit par procession; Ils conservent chacun leur attribut personnel, & sont différents plutôt que divisés entre eux. » (Epit.3, ad Amand.)
Nous avons encore à mentionner les Pères qui reconnaissent que le Saint-Esprit procède du Père, & qui, en même temps, excluent, soit implicitement, soit explicitement l'idée qu'Il procède égalemnt du Fils.
Saint Basile: « Le Saint-Esprit est uni au Fils, & Il tient l'être de Son auteur, dui Père, dont Il procède; Son attribut personnel a donc pour caractère distinctif: d'être connu après le Fils et avec Lui, & de tenir l'existence du Père. Pour le Fils, qui fait connaître après Lui et avec Lui le Saint-Esprit qui procède du Père, Il n'a, quant à Son attribut distinctif, rien de commun avec le Père & le Saint-Esprit. » ( Saint Basile, lettre 38 à son frère Grégoire,§ 4.)
Pouvait-on exposer plus clairement que le Père est la source unique dans la Divinité; que chaque personne en Dieu a son caractère personnel propre, incommunicable à une personne différente; que le Fils n'a rien de commun avec le Père en ce qui constitue l'attribut personnel du Père; que cet attribut est d'être source unique du Fils par génération; du Saint-Esprit par procession, que l'Esprit est seulement connu ou manifesté par le Fils?
Le même docteur s'exprime encore ainsi: « Je me représente, dans le Saint-Esprit, une parenté avec le Père, parce qu'Il procède du Père, et une autre avec le Fils, parce que je lis; Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il n'est point à Lui. » ( Idem, Homil. Cont. Sabell., § 6.)
(P.215).
La parenté avec le Fils ne consiste donc que dans la manifestation & la communication de l'Esprit par le Christ.
Saint Grégoire le Théologien: » Ce que le Père, le Fils, & le Saint-Esprit ont de commun, c'est d'être incréés et Dieu; pour le Fils & le Saint-Esprit, c'est d'être du Père; mais ce qu'il y a de propre au Père, c'est d'être inengendré; au Fils, d'être engendré; au Saint-Esprit, de procéder. » ( Orat. In Laud. Her., § 32.)
« Au Fils appartient tout ce qu'a le Père, excepté d'être cause; & tout ce que possède le Fils appartient au Saint6esprit, sauf la qualité de Fils & tout ce qui est dit corporellement du Fils pour mon Salut. » ( Orat. In Aegypt. Adv.)
Donc, d'après Saint Grégoire, l'essence divine appartient aux trois personnes; mais chaque personne se distingue des deux autres par un attribut personnel ou hypostatique, & l'on ne peut confondre les attributs personnels, sans confondre les personnes, &, par conséquent, sans nier la Trinité. L'attribut personnel du Père est d'être source ou cause; celui du Fils, d'être engendré; celui du Saint-Esprit, de procéder. Attribuer au Fils, soit directement, soit indirectement, la qualité d'être cause, c'est lui donner l'attribut personnel du Père, c'est confondre Sa Personne avec celle du Père. Or, dire que le Saint-Esprit procède de Lui, d'une manière quelconque, c'est affirmer qu'Il participe à ce qui fait le caractère distinctif du Père, c'est nier la Trinité.
Saint Grégoire de Nysse: « Dans la Sainte Trinité, une seule & même personne, le Père engendre le Fils & produit le Saint-Esprit. » (Advers. Graec. Excomm.)
« L'Esprit est uni au Fils en ce sens que tous deux sont incréés, & qu'Ils ont pour Principe de leur être le Dieu de toutes choses; mais Il s'en distingue en ce qu'Il procède du Père autrement que le Fils unique, & qu'Il est manifesté par le Fils. » ( Cont. Eunom., lib.1.)
Le Bineheureux Augustin: « Le Père ne s'est point amoindri en engendrant le Fils, mais Il a tiré de Son sein un autre Lui-même, de telle façon qu'Il reste tout entier dans le Fils. De même, l'Esprit Saint est un tout provenant d'un tout. Il ne s'éloigne point de Celui dont Il procède, mais Il est avec Lui, tel qu'Il est de Lui, sans Lui rien faire perdre en Le quittant, ni rien gagner en demeurant en Lui. » ( Lettre 170, § 5.)
Le Bienheureux Augustin eût parlé au pluriel s'il eût cru que le Saint-Esprit procédait du Père et du Fils. Or, jamais il ne parle que du Père, dès qu'il traite de la procession proprement dite.
Rusticus, diacre de l'Eglise romaine: « Le Père a engendré, mais Il n'est point engendré; le Fils est engendré, mais Il n'a rien engendré de coéternel; le Saint-Esprit procède du Père, mais rien de coéternel n'est engendré ou ne procède de Lui. Quelques Anciens ajoutaient ceci aux attributs: de même que l'Esprit n'a engendré le Fils de concert avec le Père, de même aussi le Saint-Esprit ne procède pas du Fils, comme Il procède du Père. » ( Cont. Aceph. Disput.)
(P.216).
Rusticus, qui vivait au VI°siècle, ne veut pas se prononcer sur la procession du Fils; il constate seulement que les anciens ne l'admettaient pas, & il expose la doctrine sur les attributs divins de manière à exclure cette procession prétendue. Si, au VI°siècle, & à Rome même, l'opinion de la procession ex Filio était une simple opinion touchant laquelle on jouissait de sa liberté, comment peut-on prétendre que c'était un dogme de l'Eglise Orthodoxe originelle? Comment une telle opinion a-t-elle pu passer à l'état de dogme?
Au IX° siècle, Anastase, bibliothécaire du pape, expliquait par l'envoi dans le monde la procession ex Filio que l'Orient reprochait à l'occident d'admettre; il niait ainsi la doctrine erronée de la procession du Fils, telle qu'elle a passé à l'état de dogme dans l'Eglise romaine. ( Anast. Bibl., Epist. ap. Joann. Diac.)
Il est hors de doute que la Tradition Orthodoxe universelle s'est exprimée sur les relations entre le Père, le Fils, & le Saint-Esprit, de manière à déterminer clairement ce qui constitue leur unité d'essence, & leurs attributs personnels. De son témoignage, il ressort que le Fils ne peut ni directement ni indirectement participer à l'attribut de principe dans la Trinité; qu'on ne peut l'y faire participer, d'une manière plus ou moins détournée, sans s'attaquer à la distinction fondamentale qui existe entre les personnalités divines, & sans détruire la Trinité.
Cette doctrine acquise, on se demande comment l'église catholique romaine peut enseigner sa doctrine erronée du filioque sans s'apercevoir qu'en même temps elle nie la Trinité à laquelle cependant elle veut que l'on croie.
L'église catholique romaine va plus loin; elle prétend que la Tradition universelle est pour elle. Nous avons indiqué précédemment par quels procédés ses théologiens ont pu élever une telle prétention. Nos études sur les Pères ont détruit leurs subterfuges les plus subtils. Il est bien évident en effet que toutes les expressions dont se sont servis les Pères de l'Eglise, en dehors des expressions évangéliques qui désignent la procession éternelle proprement dite, ne signifient que l'envoi, la mission du Saint-Esprit dans le monde, du Père, par le Fils; ou comme interprète du Fils ou du Verbe pour répandre dans les âmes la Vérité, expression éternelle de l'Etre éternel, c'est-à-dire le Verbe. Il n'est pas moins évident que les Pères n'ont entendu qu'en ce sens les «expressions Esprit du Fils, dont les théologiens catholiques romains ont tant abusé.
Or, que l'on examine les textes allégués par les théologiens du romantisme pour s'attribuer la tradition universelle, & l'on sera convaincu qu'il n'en est pas un seul que l'on ne puisse retourner contre eux avec avantage, en dévoilant les subterfuges auxquels ils ont recours pour les interpréter en leur faveur.
Il serait fastidieux pour nos lecteurs d'entrer avec nous dans la discussion de tous les TEXTES ALTéRéS sur lesquels l'Eglise catholique romaine a appuyé son faux dogme. Nous avons exposé des principes généraux à l'aide desquels ceux qui voudraient entreprendre ce travail pourront le faire sans difficulté. Quel que soit le théologien catholique romaniste qu'ils aient sous la main, il ne pourra leur échapper, dès qu'ils se souviendront des indications que nous avons données.
(P.217).
On pourra cependant rencontrer çà et là quelques textes qui sembleront plus favorables à l'hérésie romaine. Dans ce cas, il faudra remonter à la source. Alors on sera tout étonné de s'apercevoir que les TEXTES en question ont été ou essentiellemnt FALSIFIéS, ou absolument INVENTéS.
Nous citerons quelques exemples.
Parmi ceux que les envoyés du concile d'Aix-la-Chapelle invoquèrent en faveur de l'addition, en présence du pape Léon III, on trouve celui-ci qu'ils disent tiré de l'Exposition du symbole, par Saint Jérôme: « L'Esprit qui procède du Père et du Fils est coéternel au Père et au Fils, et leur est égal en tout. » Ces paroles ne se trouvent ni dans l'ouvrage cité, ni dans les autres ouvrages de Saint Jérôme. Au concile de Florence, les Romains citaient ce texte comme étant tiré de la Profession de foi du pape Damase: « Nous croyons au Saint Esprit qui procède du Père et du Fils...Le Consolateur procède du Père et du Fils. » Or, le pape Damase, dans sa Profession de Foy, dit tout le contraire, & affirme que le Saint-Esprit procède du Père seul.
Un des plus grands théologiens catholiques romains d'Occident, canonisé par l'église catholique romaine sous le nom de Saint Thomas d'Aquin, a cité, dans son ouvrage Contre les Grecs, plusieurs textes de Saint Athanase qu'il prétend tirés des discours prononcés par ce Père au Concile de Nicée, & de sa lettre à Sérapion. AUCUN DE CES TEXTES N'EXISTE, comme en convient un critique appartenant à l'église catholique romaine, Casimir Oudin. -( Casim. Oud. Dissert. De scrip. Thom. Aquinat.)-.
D'autres théologiens graves & sérieux, comme Bellarmin & Vasquez, en ont appelé, d'après Thomas d'Aquin, à un passage de la lettre de Saint Athanade à Sérapion, & ce passage n'existe pas. -( Bellarm. De Christ., lib.II; Vasquez, In Prim. Part. Thom)-.
D'autres textes ont été interpolés, soit dans les manuscrits des Pères, soit dans les premières éditions, afin de fortifier la doctrine catholique romaine. Nous citerone ne particulier un passage de Saint Athanase ( Troisième discours contre les Ariens); une autre du même Père ( Lettre à Sérapion); un texte de Saint Ambroise ( Traité du Saint-Esprit); un de Saint Grégoire de Nysse ( l'Oraison dominicale); un de Saint Jérôme ( Explication du Symbole)-; un du bienheureux Augustin ( Traité de la Trinité); un de Saint Jean Damascène ( Histoire de Barlaam). On alla même jusqu'à ajouter le filioque à la lettre de Photios à Michel, roi des Bulgares. Dans tous ces textes cités par des théologiens catholiques occidentaux, on ajouta le filioque, & il a été constaté si clairement que cette addition avait été faite au moyen âge, qu'on l'a retranchée dans les meilleures éditions mêmes faites en Occident & par des érudits partisans de la procession ex Filio. Plusieurs de ces passages ont donc disparu des thèses sur cette question, mais d'autres y sont restés.
Un théologien catholique romain encore vivant, le P. Perrone, cite la lettre du pape Hormisdas à Justinien, en 521, & prétend que dans cette lettre il faut lire que le Saint-Esprit procède du Fils. Cependant, Mansi qui a donné une édition complète des Conciles du P. Labbe, Mansi, dont les sentiments catholiques romains sont connus, convient que les MOTS et du Fils ont été INTERCALéS PAR UNE MAIN ETRANGERE.
Le même théologien cite un passage de Didyme d'Alexandrie, favorable à sa thèse. Au neuvième siècle, Ratramne, moine de Corbie, cita le même texte où ne se trouvaient pas les mots favorables à l'addition; ce qui prouve qu'au neuvième siècle, ce texte n'était pas encore INTERPOLé.
Le même théologien cite comme tiré de Saint Basile Contre Eunome, un texte déjà cité à Florence contre les Grecs. Dès cette époque, Marc d'Ephèse prouvait qu'il ne se trouvait point dans les meilleurs manuscrits grecs. Aujourd'hui, L'ERUDITION A DONNé RAISON A MARC D'EPHESE. Dans les meilleures éditions faites en Occident, on a admis le texte tel qu'il le soutenait; ce qui n'empêche pas le Père Perrone de le citer avec l'altération.
A côté des TEXTES ALTéRéS par le P. Perrone, plaçons ceux de quelques autres théologiens, & particulièrement de M. Pitzipios, un Grec VENDU A ROME, & dont le pamphlet contre l'Eglise Orthodoxe orientale a été composé à peu près tout entier par des théologiens catholiques romains, & imprimé par la Propagande papiste.
Ce dernier fait est constaté par le livre lui-même; le premier l'a été par l'auteur, lorsque Rome, satisfaite d'avoir obtenu de lui ce qu'elle désirait, refusa de continuer ses paiements.
Pitzipios cite ce TEXTE PRETENDU de Saint Basile:
« Cette expression: Le Père a créé le monde par le Fils, n'indique point l'imperfection du pouvoir du Père; elle ne diminue pas non plus l'action du Fils, mais elle marque l'unité de la volonté. Ainsi l'expression créé par le Fils n'attaque point, mais elle atteste la cause primitive.
« De même que ce terme: le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, n'a pour but ni de qualifier d'imparfaite la procession du Père, ni de présenter comme faible la procession du Fils; mais elle démontre l'unité de la volonté. De telle sorte que l'expression par le Fils n'attaque point, mais confirme la cause primitive. »
M.Pitzipios renvoie à Saint Basile, Sur le Saint-Esprit, à Amphiloque, ch.VIII.
Nous avons vérifié le passage. Nous avons trouvé dans Saint Basile la première partie qui se rapporte à l'action créatrice & au Fils. Quant à la seconde partie, qui se rapporte au Saint-Esprit & à sa procession, il n'y en a pas un seul mot dans Saint Basile. M. Pitzipios a-t-il inventé lui-même ce texte, ou l'a-t-il emprunté à un autre faussaire? Nous l'ignorons. Mais, un fait certain que chacun pourra vérifier, c'est que le texte cité n'existe pas dans Saint Basile.
Texte de Saint Cyrille: « Le Fils de Dieu par nature est de Dieu, car Il est né de Dieu le Père, & le Saint-Esprit lui est aussi propre; il est en lui & procède de lui, comme il est entendu qu'Il procède aussi de Dieu le Père Lui-même. »
Le texte grec est donné par M. Pizipios qui renvoie à Saint Cyrille, Commentaire du Prophète Joël. Il n'a pas du tout le sens qu'on lui attribue. Saint Cyrille, expliquant les mots du Prophète: Je répandrai mon Esprit, etc., expose que, en Jésus-Christ nouvel Adam, le Saint-Esprit a été communiqué à la nature humaine, & qu'il a été ainsi, par Jésus-Christ, le Principe de notre génération.
(P.219).
Quant à la procession, il n'en est pas dit un seul mot, ni dans ce passage, ni dans les autres ouvrages de Saint Cyrille.
Saint Grégoire de Nysse a expliqué en cinq discours le Pater ou oraison dominicale. M. Pitzipios a cru que ces derniers mots signifiaient prière du Dimanche. On chercherait en vain le texte indiqué par M. Pitzipios dans les cinq discours de Saint Grégoire de Nysse. On trouve, en revanche, dans le troisième discours, une colonne entière contraire au système de la procession ex Filio.
L'on doit remarquer, de plus, que le texte faux de M; Pitzipios ne prouve rien, puisqu'on y lit seulement ceci: « Le Saint-Esprit vient du Père, & il est attesté qu'Il vient aussi du Fils, car il est dit que celui qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas. » Il ne s'agit ici que de l'Esprit en tant qu'Il est communiqué aux Chrétiens. Ce n'était vraiment pas la peine de TRONQUER UN TEXTE pour arriver à ce résultat.
Voici une nouvelle preuve de l'érudition de M. Pitzipios & des théologiens catholiques de Rome. Ils citent ce PRETENDU TEXTE de Saint Athanase: « Le Saint-Esprit vient du Père et du Fils; Il n'en a pas été fait ni créé; Il n'en est pas né, mais Il en procède. » Ils indiquent ce texte comme étant tiré de l'Homologation de la Foi. On croirait, au premier abord, qu'il s'agit d'une oeuvre théologique du grand Evêque d'Alexandrie; il n'en est rien. M. Pitzipios, qui est Grec, a traduit par homologation le mot grec qui, en français, signifie profession, & il a appelé homologation de foi la profession de foi connue sous le titre de Symbole de Saint Athanase. Tous les érudits conviennent unanimement, & il est démontré que ce symbole a été composé par un écrivain qui ne serait pas antérieur au sixième siècle.
Noël-Alexandre expose parfaitement toutes les raisons qui ont décidé les érudits à rejeter le symbole en question comme étant du Saint Archevêque d'Alexandrie; il fait en particulier cette remarque importante: que ni Saint Cyrille d'Alexandrie, ni le Concile d'Ephèse, ni Saint Léon, ni le Concile de Chalcédoine, n'ont opposé ce symbole aux hérétiques Eutychès & Nestorius, dont les erreurs y sont cependant exposées & réfutées très catégoriquement. Saint Cyrille, en particulier, assis sur le même siège que Saint Athanase, n'eût certainement pas négligé d'opposer aux hérétiques cette haute autorité. « Il faut ajouter à cela, continue Noël-Alexandre, le silence des Latins qui n'ont point opposé ce symbole aux Grecs, jusqu'au temps de Grégoire IX », c'est-à-dire jusqu'au treizième siècle/ « Peut-on croire, en effet, dit le même historien, que si l'on avait regardé comme certain que ce symbole était de Saint Athanase, on ne s'en serait pas servi comme d'un trait contre les Grecs schismatiques,car cet argument n'eût pas été d'un petit poids, à cause de l'autorité dont jouit Saint Athanase dans les deux Eglises? » ( Natal. Alex., Hist. Eccl. Saecul.IV, cap.IV, § X.). Tillemont ( Mem. Eccl. t.VIII, note 34, p.668) remarque avec beaucoup de raison que les hérésies de Nestorius & d'Eutychès sont aussi clairement indiquées & réfutées dans le symbole dit de Saint Athanase, que celle d'Arius, & que l'on n'a pu s'exprimer aussi théologiquement qu'on le fait dans ce symbole, qu'après la condamnation de ces hérésies, c'est-à-dire lorsque les Conciles d'Ephèse & de Chalcédoine eurent élucidé toutes les questions soulevées par ces hérétiques, & défini la Vraie Foy.
(P.220).
Il aurait pu ajouter aux hérésies d'Eutychès & de Nestorius celle des monothélites qui y est aussi réfutée, & qui ne fut condamnée définitivement qu'au sixième Concile Oecuménique, à la fin du septième siècle. Le symbole dit de Saint Athanase ne peut donc dater que du septième siècle.
Parmi les savants, les uns l'attribuent à Eusèbe de Verseil, d'autres à Anastase le Sinaïte, d'autres à quelque théologien anonyme français, du temps de Pépin ou de Charlemagne. ( Natalis-Alexandre, loc., cit.).
Le P; Quesnel, dans sa quatorzième dissertation sur les oeuvres de Saint Léon, l'attribue à Vigil de Tapse. Anthelmi a combattu cette opinion, & a attribué le susdit symbole à Vincent de Lérins. Mais cette opinion a été rejetée par tous les érudits ou à peu près.
Parmi les preuves multipliées que l'on a données pour prouver que le symbole attribué à Saint Athanase n'est pas de ce Saint Docteur, les écrivains catholiques occidentaux n'en ont pas fait valoir une qui est cependant péremptoire, c'est que la doctrine du filioque qui y est enseignée est contraire à celle que Saint Athanase a exposée dans ses ouvrages authentiques, & en particulier dans sa Lettre à Sérapion sur le Saint-Esprit.
Il est bien évident, par les divers auteurs auxquels on attribue le symbole dit de Saint Athanase, que les savants ne sont pas d'accord sur l'époque où cette profession de foi fut composée.
Vossius ( Dissert. De tribus symb.) affirme positivement que le premier écrivain qui l'attribua à Saint Athanase est Abbon, abbé du monastère de Fleury, au dixième siècle. Mais Tillemont fait observer qu'il a été cité de la même manière au neuvième siècle, par Hincmar de Reims, & par Ratramne & Enée dans les ouvrages qu'ils ont composés pour la défense l'addition filioque au symbole de Nicée.
Ce n'est donc que depuis cette discussion qu'ils est attribué à Saint Athanase. Il était antérieur à cette époque, & Tillemont dit que « l'on croit que le quatrième & le sixième conciles de Tolède, en 633 & en 638, en ont emprunté diverses expressions. » La plus haute origine que l'on puisse attribuer au symbole dit de Saint Athanase serait donc le septième siècle. Tillemont croit qu'il peut dater du sixième siècle, en même temps qu'il avoue qu'on n'en trouve quelques expressions que dans les conciles d'Espagne du septième siècle.
Il est remarquable que sa première apparition dans l'histoire concorde avec l'époque où l'on agita la question du filioque, & qu'elle ait eu lieu, en Espagne, à ces mêmes conciles de Tolède, où la doctrine hérétique du filioque fut enseignée pour la première fois. Un autre fait également certain, & qui a la plus haute importance, c'est que les érudits admettent généralement qu'il a été écrit en latin, & qu'il ne peut émaner d'un autre grec qui aurait connu cette langue, car on n' rencontre aucun hellénisme. De plus, il existe en grec plusieurs textes différents de ce symbole, ce qui prouve qu'il n'a pas été composé en cette langue, mais qu'il a été traduit du latin par plusieurs auteurs différents, & que l'Orient l'a accepté de l'Occident, moins les mots Et Filio.
(P221).
Donc le symbole dit de Saint Athanase n'est pas de ce Saint Docteur; il n'est pas antérieur à la doctrine du filioque; il est seulement, comme le filioque lui-même, antérieur au neuvième siècle, où l'addition passa d'Espagne en France; il est contemporain de la doctrine du filioque; & il prit probablement naissance dans le même pays & dans les mêmes circonstances. On ne l'attribua pas à Saint Athanase avant le neuvième siècle.
La théologie catholique romaine en appelle à Saint Jean Chrysostome, qui aurait dit dans son Discours sur l'Incarnation de Notre Seigneur: « Jésus-Christ est venu parmi nous; Il nous a donné l'Esprit qui procède de Lui, & Il a pris notre chair. » Ce texte, à part le mot: qui procède de Lui, lequel ne se trouve nulle part dans les oeuvres de Saint Jean Chrysostome, ce texte, disons-nous, est imité du passage où le Saint Patriarche de Constantinople dit tout simplement : « Il a pris notre chair, & nous a donné Son Esprit. » Il faut avoir de la bonne volonté pour voir dans une pareille phrase la procession ex Filio.
Voici maintenant un texte attribué à Saint Epiphane, & qui serait tiré de l'ouvrage intitulé: Encoratus. « Nous devons croire que le Saint-Esprit procède du Christ ou de tous les deux ( du Père et du Fils), puisque Jésus-Christ dit: » Qui procède du Père et celui-ci recevra du mien. »
Nous avons ouvert l'Encoratus de Saint Epiphane, & nous y avons trouvé ce qui suit: « Il n'y a pas deux Fils, car le Fils est unique. Ainsi, le Saint-Esprit est l'Esprit-Saint et l'Esprit de Dieu qui est toujours avec le Père et le Fils, non étranger à la Divinité, mais existant par Dieu, et procédant du Père et recevant du Fils. ( §VII).
« L'Esprit procède du Père et reçoit du Fils. ( §VII.)
« Et le Saint-Esprit aussi est unique, n'usurpant ni le nom de Fils, ni le titre de Père, mais appelé l'Esprit-Saint et non étranger au Père; car le Fils Lui-même l'a appelé : l'Esprit du Père, & a dit : « Qui procède du Père et qui recevra du mien », afin qu'Il ne fût pas cru étranger au Père et au Fils, & que l'on sût qu'Il avait la même substance & la même Divinité. » ( § VIII).
C'est de ce dernier passage qu'est tiré le TEXTE TRONQUé ET FALSIFIé par la théologie catholique romaine. Saint Epiphane n'y attribue la Procession qu'au Père, & elle lui fait enseigner la Procession ex Filio. C'EST TOUT LE CONTRAIRE DE CE QU'ENSEIGNE LE SAINT EVEQUE de Chypre.
Pitzipios a osé en appeler à la liturgie orientale en faveur de L'HERESIE ROMAINE DU FILIOQUE. Un de ses textes falsifiés est tiré de la légende de Saint Denis l'Aréopagyte écrite par Métaphraste, ouvrage qui n'appartient pas aux livres d'office de l'Eglise orientale. Que disent les textes allégués? Que le Saint-Esprit est l'image du Fils; que Jésus-Christ a envoyé le Saint-Esprit sur les nations infidèles pour les convertir; que le Saint6esprit est le fleuve de la Divinité venant du Père par le Fils sur le monde; que l'Esprit est l'Esprit du Fils et du Père; que le Fils a envoyé Son Esprit sur le monde. M. Pitzipios traduit par procéder et procession les mots qui signifient l'envoi du Saint-Esprit dans le monde; quant au mot évangélique: qui procède ( exporeuetai), on ne le trouve pas une seule fois employé pour désigner l'acte du Fils envoyant le Saint-Esprit.
(P.222).
Cette remarque est d'autant plus importante que la liturgie orientale a été écrite dans la même langue que l'Evangile. Si les auteurs de cette liturgie avaient voulu exprimer la procession ex Filio, comment concevoir qu'ils n'aient pas employé le mot qui, dans l'Evangile, signifie procéder? Or, ils ne l'emploient pas une seule fois pour exprimer l'action du Fils relativement au Saint-Esprit. Cela n'empêche pas l'auteur de voir partout la procession. L'Esprit-Saint est de la même substance avec le Père et le Fils; Il a reçu du Fils, qui est la Vérité essentielle, cette Vérité pour initier le monde à sa connaissance; par la Vérité qu'Il a apportée dans le monde, le Saint-Esprit est l'image du Fils, qui est Vérité. Voilà toute la Doctrine qui ressort des prières publiques de l'Eglise Orthodoxe orientale. Quant à la procession ex Filio, on ne trouve pas un seul mot qui y ait rapport.
Terminons cette nomenclature de fALSIFICATIONS par une dernière qui a été faite par un théologien catholique romain encore vivant, dans un ouvrage d'un évêque russe encore vivant.
Dans un ouvrage intitulé: Essai de conciliation entre l'Eglise latine & l'Eglise grecque non-unie, M. l'abbé Tilloy, docteur en théologie catholique & en droit canon, & écrivain fort connu en France, dans le parti ultramontain, a essayé de prouver L'HERESIE CATHOLIQUE ROMAINE DU FILIOQUE A L'AIDE DE TEXTES FALSIFIéS. Il en appelle enfin à une profession de foi qu'il attribue à l'Eglise Orthodoxe russe. Citons ses paroles: « C'est Mgr Maciare qui, sans le vouloir sans doute, me fournit ce témoignage. Dans sa Théologie orthodoxe, il cite une profession de foi parfaitement connue, imprimée plusieurs fois, &, pour plus de sûreté, le théologien russe indique l'édition qu'il préfère; c'est celle que Kimmel a insérée dans les Libri symbolici Ecclesiae orientalis, dédiés au comte Protassof, & publiés à Iéna en 1843. J'ouvre le livre à l'endroit indiqué par Mgr Macaire, & je lis... » Suivent deux passages tirés de la première profession de foi attribuée à Gennadius, patriarche de Constantinople, & dans lesquels on enseigne en effet la procession du Père et du Fils.
Avant de nous occuper de la valeur & de l'authenticité de la profession de foi en question, nous devons examiner préalablement si Mgr Macaire l'a donnée, dans sa Théologie orthodoxe, comme acceptée par l'Eglise Orthodoxe russe; s'il a indiqué les passages cités par M. l'abbé Tilloy; s'il a recommandé l'édition de Kimmel. Ce docteur l'affirme; & nous affirmons, nous, qu'il faut avoir perdu toute pudeur pour oser le dire. Ce prétendu docteur n'a pas indiqué, et pour cause, l'endroit où Mgr Macaire aurait parlé de la profession de foi en question. Nous allons donner des indications précises & l'on pourra vérifier. Ce n'est pas dans la Théologie orthodoxe que le savant & vénérable évêque-théologien en a parlé, mais dans l'Introduction à la théologie orthodoxe, qui forme un ouvrage à part. Dans la deuxième partie de cet ouvrage, intitulée Des Sources de la théologie orthodoxe, section III, chapitre IV, le docte théologien parle des expositions de la foi. Ces expositions sont de deux classes: 1° celles qui appartiennent à l'Eglise Orthodoxe originelle & universelle; 2° celles qui appartiennent à des églises particulières, & qui n'ont de mérite qu'autant qu'elles sont conformes aux premières.
(P.223).
Parmi les expositions de la seconde classe, il distingue celles qui sont communes à toute l'Eglise Orthodoxe orientale, & celles qui sont particulières à l'Eglise Orthodoxe russe. Il indique comme communes à toute l'Eglise Orthodoxe d'Orient deux expositions de foi, qui n'ont aucun rapport avec celle qui est citée par M.Tilloy, puis celles qui sont contenues: dans le Serment des évêques; dans les Questions dogmatiques, pour les Juifs & les Sarrasins qui entrent dans l'Eglise; dans la profession de foi que récitent les membres des autres églises en entrant dans l'Eglise Orthodoxe; dans la formule d'excommunication. Aucune de ces expositions de foi n'a de rapport avec celle qu'a citée M.Tilloy.
Celles que Mgr Macaire indique comme appartenant en particulier à l'Eglise Orthodoxe de Russie sont : 1° le Grand Catéchisme, composé par Mgr Philarète, Métropolite de Moscou, & publié par le Saint-Synode; 2° des ouvrages de controverse publiés par la même autorité, comme les Entretiens composés par Mgr Philarète de Moscou; la Pierre de la foi, etc.
Mgr Macaire remarque ensuite en note qu'on ne peut donner pour livre symbolique d'une Eglise qu'une exposition de foi publiée par tous ceux qui se trouvent à la tête de cette Eglise, & non pas un évêque en particulier, quelle que puisse être sa célébrité. « C'est pourquoi, ajoute-t-il, les théologiens étrangers ont grandement tort quand ils rangent parmi les livres symboliques de l'Eglise Orthodoxe d'Orient, etc...,etc. » Le savant théologien, après avoir cité quelques exemples de confessions de foi purement particulières, s'exprime ainsi: « C'est le tort que s'est donné récemment Kimmel, dans la publication de son ouvrage intitulé Libri symbolici Ecclesiae orientalis, Ienae 1848. » ( Introduction à la théologie orthodoxe, p.609, éd. De Paris, 1857.)
Ainsi Mgr Macaire blâme Kimmel d'avoir donné pour des expositions de foi de l'Eglise orthodoxe orientale, des oeuvres qui ne méritent pas ce titre. Il ne mentionne point, parmi les professions de foi de l'Eglise orthodoxe d'Orient en général, ni de l'Eglise orthodoxe russe en particulier, la première profession de foi, attribuée à Gennade, & insérée dans la collection de Kimmel; il a soin d'établir que les professions de foi des particuliers ne peuvent appartenir aux Eglises, & M. Tilloy prétend qu'il a reconnu comme profession de foi de l'Eglise russe la première profession
de Gennade, dont il a cité des extraits; & qu'il a recommandé l'édition de Kimmel!
Comment caractériser un pareil procédé? Et c'est après avoir IMPUTé au savant théologien orthodoxe russe LE CONTRAIRE DE CE QU'IL A ENSEIGNé, que M. Tilloy ose s'exprimer ainsi: « Après un tel aveu de la part de Mgr Macaire, on a lieu de s'étonner que le savant prélat ait consacré plus de cent pages de sa théologie pour soutenir une doctrine diamétralement opposée à celle de la confession de foi qu'il approuve & dont il reconnaît l'orthodoxie! » Quelle impudence dans ce triste & mauvais langage! Mais M.Tilloy se surpasse encore dans ce qui suit: « Une telle contradiction dans un prélat regardé à juste titre comme l'un des plus savants théologiens de l'Eglise russe serait inexplicable si l'on ne savait pas que les préjugés de secte, même dans un théologien, ont trop souvent plus d'empire sur l'esprit que la logique. »
(P.224)
Voilà le digne corollaire d'un des plus grossiers mensonges qu'il nous ait été donné de rencontrer dans LES OUVRAGES ULTRAMONTAINS, SI FECONDS CEPENDANT EN FALSIFICATIONS & EN IMPUTATIONS CALOMNIEUSES.
Quant à la profession de foi citée par M. Tilloy, on peut se poser cette question: Quel en est l'auteur? Kimmel en a publié deux qu'il attribue à Gennade, patriarche de Constantinople. La première est en forme de dialogue entre le patriarche & le sultan Mohammed. C'est de celle-ci que M. Tilloy a tiré ses textes favorables à la procession ex Filio. Dans la seconde, le discours est suivi, & la doctrine est opposée formellemnt à la procession ex Filio. Dans la seconde, le discours est suivi, & la doctrine est opposée formellement à la procession ex Filio. Kimmel n'a prouvé l'authenticité ni de l'une ni de l'autre. A la page 8 de ses Prolegomena, il dit, sans en donner de preuves, « que le patriarche semble avoir écrit la première profession de foi;; & que le sultan la lui ayant ensuite demandée par écrit, il la rétracta, l'abrégea, & semble l'avoir publié dans cette dernière forme. » Que signifient ces paroles du professeur protestant? Quelle garantie d'authenticité offrent-elles?
Un fait certain, & qui ne peut être contesté, c'est que Georges Scholarios, qui fut depuis le patriarche Gennade, après avoir un peu faibli au concile de Florence, se déclara si ouvertement en faveur de la Doctrine Orthodoxe orientale, après son retour à Constantinople, que Marc d'Ephèse lui-même lui confia le soin de l'Orthodoxie après sa Mort; il est certain que Georges Scholarios, n'étant pas encore Patriarche, se montra le digne émule de Marc d'Ephèse, dont il prononça l'éloge funèbre, & dont il composa l'épitaphe. Peut-on croire que ce vigoureux Défenseur de la Doctrine Orthodoxe d'Orient, cet adversaire du latinisme, aurait composé une profession de foi dans laquelle il aurait affecté de s'étendre sur la procession ex Filio?
La première profession de foi attribuée à Gennade ne peut donc être de lui. Serait-elle de lui qu'elle n'aurait pas d'importance comme profession de foi d'une Eglise. M. l'abbé Tilloy a donc pris un apocryphe pour un écrit sérieux, & il a manqué aux premiers devoirs de l'honneur littéraire en prétendant que Mgr Macaire a donné cet apocryphe, émanant d'un particulier, comme une profession de foi orthodoxe reconnue par l'Eglise orthodoxe de Russie.
Du travail que nous venons de faire, nous sommes en droit de tirer ces deux conclusions:
1° La Tradition Orthodoxe originelle universelle enseigne une doctrine formellement contraire à celle de l'église catholique romaine sur la procession du Saint-Esprit.
2° Les théologiens romains n'ont pu en appeler à la Tradition qu'en altérant le sens des textes ou en les FALSIFIANT.
DEUXIEME PARTIE.
LA PAPAUTE HERETIQUE.
CHAPITRE IX.
L' HERESIE DU FILIOQUE.
(P.201).
Cette hérésie est relative au dogme de la Sainte Trinité. Personne ne conteste que, dans l'église catholique romaine, on a ajouté au Credo, symbole de Nicée-Constantinople, après les mots: »qui procède du Père », ceux-ci: « et du Fils ».
Ces mots renferment-ils une hérésie formelle, c'est-à-dire une doctrine opposée à celle qui a été admise dès l'origine de l'Eglise? Est-il vrai que la doctrine catholique romaine soit une erreur destructive du dogme de la Trinité? S'il en est ainsi, cette erreur formera une hérésie dont la papauté sera principalemen responsable.
Nous reconnaissons que l'addition au symbole a été faite d'abord en Espagne au VII° siècle; que le pape Léon III s'opposa à l'addition. Mais il n'en est pas moins vrai que, un siècle environ après, la papauté admit cette addition, & que son exemple la consacra pour l'Occident tout entier.
Ce sont là des faits historiques sur lesquels nous n'avons pas à nous étendre, car ils ne sont contestés par aucun théologien sérieux.
Le principal argument dont on s'est servi pour excuser l'addition faite au symbole, c'est que les mots filioque n'expriment que l'ancienne foi, & que, de tout temps, les Eglises partculières ont joui du droit de complétrt le symbole.
Le symbole originel, disent les théologiens latins, & principalement le P; Perrone, a reçu des additions en diverses églises, sans que pour cela l'unité entre ces églises ait été rompue. -(Cf: Perrone, Tract. De Trinit., c.V, proposit.2)- L'église romaine a donc pu ajouter au symbole de Nicée le filioque sans que les Grecs aient raison de réclamer.
Ce raisonnement est faux en tout point. D'abord, il n'y a pas eu de symbole originel avec une formule admise universellement. Chaque Eglise avait son symbole; dans tous lesymboles sont exprimées les mêmes doctrines fondamentales du Christianisme, & les différences qui existent entre eux, quant aux expressions, n'altèrent point le fond de la doctrine qui était le même dans toutes les Eglises.
Il est donc faux de dire qu'un symbole primitif universellement admis a été modifié en quelques points secondaires dans certaines églises particulières.
(P.202).
Alors que ce fait serait vrai, l'addition du filioque n'en serait pas moins illégitime pour deux raisons: d'abord elle a été faite malgré une défense formelle du Concile Oecuménique d'Ephèse qui a décrété que l'on n'ajouterait rien au symbole tel qu'il était reçu de son temps; de plus, parce que cette addition renferme une grave erreur.
Sans doute, dans le cas où une hérésie nouvelle demanderait une nouvelle attestation de la Foy constante de l'Eglise, un Concile Oecuménique aurait le droit d'insérer au symbole les mots nécessaires à la profession exacte & explicite de l'ancienne Foy. Mais tel n'est pas le cas de l'addition des mots filioque introduits dans le symbole par une église particulière, celle d'Espagne, qui n'avait pour cela aucune autorité. Si l'église de France s'est ensuite prononcée pour la même addition, & si, enfin, Rome consentit à l'admettre après plus d'un siècle d''hésitation, & entraîna dans l'erreur le reste des églises occidentales, tout cela ne forme pas la voix de l'Eglise universelle constatant sa Foy originelle. L'addition étant exclusivement occidentale est par là même illégitime, & constitue une violation flagrante d'une loi émanant de l'autorité de l'Eglise elle-même par l'organe du Concile Oecuménique d'Ephèse.
L'addition des mots filioque au symbole est d'autant plus illégitime qu'ils renferment une erreur destructive du Dogme de la Trinité, dogme qui forme la base & le fondement du Christianisme.
Depuis que, en Occident, on eut admis l'addition, on s'efforça de prouver que la doctrine dont elle est l'expression était celle des premiers siècles & de toute l'Eglise Originelle. On cita des textes nombreux que l'on eut soin d'interpréter dans un sens favorable à la thèse qu'on voulait soutenir.
Ces textes peuvent être classées en trois catégories: les premiers sont absolument controuvés; les seconds sont altérés essentiellemnt; les troisièmes sont mal interprétés.
Un docte théologien, Zoernicaw, a consacré sa vie à l'examen de tous les textes relatifs à cette discussion. Le résultat de ses recherches a été que l'Eglise Orthodoxe orientale avait raison; que les églises occidentales ne pouvaient se prévaloir de l'antique Tradition originelle. Ce résultat le conduisit à un autre: celui de la vérité de l'Eglise Orthodoxe orientale, dans laquelle il entra, après avoir abjuré les erreurs du protestantisme.
Nous n'entreprendrons pas certainement de refaire le travail de Zoernicaw. Mais il est nécessaire, pour convaincre la papauté d'hérésie touchant le dogme de la Trinité, de constater quelle a été la doctrine originelle, & quelle est celle qu'elle soutient aujourd'hui.
Pour bien comprendre les textes des Pères dont on a prodigieusement abusé sur cette question, il faut d'abord exposer la doctrine générale sur la Trinité, d'après les plus anciens monuments doctrinaux de l'Eglise. La voici:
En Dieu unique, il y a trois personnes & une seule essence. Les trois personnes ont donc quelque chose de commun & quelque chose de distinct. Ce qui est commun, c'est ce qui est essentiel; ce qui est distinct, c'est ce qui est personnel; l'attribut personnel & distinctif du Père, c'est qu'il est Père ou Principe;
(P.203)
L' attribut personnel & distintif du Fils, c'est qu'Il est Fils ou engendré; l'attribut personnel & distinctif du Fils, c'est qu'Il est Fils ou engendré; l'attribut personnel & distinctif du Saint Esprit, c'est qu'Il procède ou émane.
De qui procède-t-Il? Saint Jean, dans son Evangile, dit positivement qu'Il procède du Père ( Jean XV, 26). Il ne pourrait en effet procéder du Fils sans que le Fils fût Principe comme le Père; si le Fils était Principe à un degré quelconque, il participerait à l'attribut personnel & distinctif du Père; sa personne se confondrait avec celle du Père, & le Dogme trinitaire n'existerait plus, puisqu'il n'existe qu'à la condition que chaque attribut personnel reste distinct & incommunicable.
Tous les textes des Pères allégués par les théologiens catholiques romains, & dont ils abusent, ne peuvent se rapporter qu'à ce qui est essentiel dans la Trinité; leur faux raisonnement conciste en ce qu'ils les font rapporter, à l'aide de sophismes subtils & souvent incompréhensibles, à ce qui est personnel, sans vouloir être convaincus qu'en agissant ainsi ils affirment que tous les Pères ont, ou nié le dogme fondamental du Christianisme, ou manqué d'intelligence au point de soutenir une vérité qu'ils détruisaient en réalité par leurs raisonnements.
Parmi les pères Latins, celui dont on a le plus abusé, & qui, il faut le reconnaître, fournissait les textes les plus précis en faveur du dogme catholique romain, est le bienheureux Augustin, évêque d'Hippone. Dans ses Traités sur Saint Jean & son Traité de la Trinité, il semble si précis en faveur de la procession du Père & du Fils, qu'on le prendrait pour un moderne défenseur de cette erreur. Cependant, il n'en est rien, & c'est le bienheureux Augustin lui-même qui l'atteste dans une phrase que les défenseurs de l'erreur catholique romaine se sont bien gardés de citer.
Après s'être étendu fort longuement sur les relations essentielles qui existent entre le Père, le Fils, & le Saint Esprit, le docte écrivain s'exprime ainsi, à la fin de son Traité de la Trinité. -(cf Saint August., De Trinit., § 47 )-: « Le Saint Esprit procède du Père principalement (comme de Son Principe); Il procède de l'un & de l'autre communément. S'Il procédait du Fils principalement, on dirait qu'Il est le fils du Père & du Fils, puisque les deux l'auraient engendré, CE QUI REPUGNE AU BON SENS. Le Saint-Esprit n'a donc pas été engendré par l'un & l'autre, mais Il procède de l'un & l'autre étant l'Esprit des deux. »
En lisant Saint Augustin, après avoir médité cette maxime, on comprend parfaitement que le mot procéder est pris par lui en deux sens: avoir son origine de & sortir de. Dans le premier sens, il est contraire au BON SENS de dire que le Saint-Esprit procède du Fils; dans le second sens, le Saint-Esprit vient du Père au Fils qui l'envoie en ce monde, le communique au monde.
Le Bienheureux Augustin soutient ces deux doctrines que principalement ( comme de Son Principe) le Saint-Esprit ne procède que du Père; que le Fils ne le tient que du Père. Il contredit ainsi positivement la doctrine catholique romaine: que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, comme d'un Principe unique; ou par le Fils, comme le moyen par lequel il aurait agi.-( Ibidem. Tract. XCIX, in Joann.,§ VI & sq)-.
(P.204).
En comparant & en rapprochant les divers textes du Bienheureux Augustin sur le même sujet, on voit sans aucune difficulté qu'on n'a pu en faire un partisan de l'erreur cachée sous le filioque qu'en interprétant dans un sens erroné un mot qu'il entendait dans un sesn Orthodoxe.
Il y a une double expression, dans les Pères, pour exprimer les relations du Saint6Esprit avec le Père et le Fils. Les Pères grecs ne se servent que d'expressions conformes à celles de l'Evangile ( ekporeuesthai, ekporeusis, ekporeuma), pour désigner la procession du Père comme Principe de l'Esprit. Ils emploient d'autres mots qui n'ont que le sens de communication pour signifier l'action du Fils envoyant l'Esprit qu'il tenait du Père.
Nous le prouverons dans la suite de ce travail.
Il en est de même dans les pères Latins qui se servent des mots fons, spiratio, ou autres analogues pour dire que le Saint-Esprit vient du Fils; mais qui réservent le mot processio pour exprimer l'acte éternel par lequel l'Esprit procède du Père comme de Son Principe.
Nous le prouverons également.
Toute l'habileté des théologiens latins conciste en ce qu'ils interprètent dans le sens de procession éternelle, tous les mots employés par les Pères pour s'exprimer, soit la relation éternelle & essentielle qui existe entre le Fils & le Saint-Esprit, soit l'envoi ou la mission du Saint-Esprit par le Fils. C'est au moyen de ce procédé qu'ils ont pu revendiquer la tradition universelle qui les condamne formellement
Après ces considérations générales, nous allons entrer dans un examen plus précis de la Doctrine des Pères de l'Eglise, afin de constater quelle a été la Foy Orthodoxe originelle, à laquelle nous comparerons ensuite la doctrine catholique romaine.
Avant de citer les textes où les Pères ont enseigné, soit comme échos de la Foy de leur temps, soit comme Théologiens inspirés par le Saint Esprit, il sera bon de faire connaître le sens qu'ils ont attribué aux textes de l'Ecriture, cités par les Occidentaux à l'appui de leur opinion. De cette manière, nous interpréterons l'Ecriture d'après la règle universelle, & les commentaires des Docteurs de l'Eglise nous initieront à leur vraie Doctrine Orthodoxe.
L'Ecriture contient ce texte:
« Lorsque le Consolateur, l'Esprit de Vérité qui procède du Père, & que je vous enverrai de la part de mon Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. » ( Saint Jean, XV, 26.) Est-il vrai que cette expression: qui procède du Père, désigne la procession éternelle du Saint-Esprit, & non pas son envoi temporaire? S'il désignait son envoi temporaire, il faudrait admettre que le Sauveur a exprimé la même idée par les mots: qui procède, &, je vous enverrai. Or, il suffit de remarquer que l'action de procéder est exprimée par un verbe au présent comme un acte qui existe, & que la seconde est exprimée par un verbe au futur, comme un acte qui n'existe pas encore, pour être convaincu que Jésus-Christ a eu en vue deux actes différents: le premier qui a le Père pour Principe, le second dont lui-même est l'agent de la part du Père. La procession éternelle du Père & l'envoi temporaire, du Père par le Fils, sont donc fort clairement indiqués dans le texte cité. Jésus-Christ a toujours désigné de la même manière l'envoi ou la communication de l'Esprit: « Il vous donnera un autre Consolateur. » ( Jean, XIV, 16.)
(P.205).
« Mon Père l'enverra en mon Nom. » (Ibid., 26.) « Je vous l'enverrai de la part de mon Père. » (Ibid.,XIV, 26.) « Je vous l'enverrai de la part de mon Père. » ( Ibid., XIV,26.)
Voici les commentaires des Pères de l'Eglise:
Saint Basile de Césarée s'exprime ainsi: »L'Esprit de Dieu procède du Père, c'est-à-dire de sa bouche; ne le prends donc pas pour quelque chose d'extérieur, de créé, mais glorifie-le comme tenant de Dieu son hypostase. » (Homél.sur le Ps.XXXII.) Le Saint Evêque de Césarée entend donc bien, par le mot procéder, l'acte éternel par lequel le Saint-Esprit est produit. Dans son Homélie contre les Sabelliens, il donne le même sens au mot procéder: « Le Fils, dit-il, est sorti du Père, & l'Esprit procède du Père: l'un par génération, l'autre d'une manière inexprimable. » Il met ainsi sur la même ligne les deux actes éternels du Père, en les distinguant parfaitement l'un de l'autre, & en ne leur donnant que le Père pour Principe.
« En restant dans les limites qui nous ont été posées, dit Saint Grégoire le Théologien ( serm. 29, Sur la Théologie), nous prêcjhons Celui qui n'est pas né, & Celui qui procède du Père, comme le Verbe-Dieu l'a dit Lui-même. »
Saint Grégoire entendait donc de l'acte éternel, le mot procéder prononcé par Jésus-Christ, & il attribue cet acte au Père seul.
Saint Jean Chrysostome est aussi explicite:
« De même, dit-il, (in Homélie sur le Saint-Esprit)-, qu'il est écrit : L'Esprit de Dieu ( Matth.,XII,28), & ailleurs: l'Esprit qui est de dieu ( I Corinth.,II,11), ainsi il est dit: l'Esprit du Père ( Matth.,X,20); & pour que tu ne voies pas là une simple analogie, le Sauveur confirme cette expression en disant: « Lorsque le Consolateur, l'Esprit de Vérité, qui procède du Père, sera venu. » Là, c'est de Dieu que l'Esprit procède; ici, c'est du Père. Comme il dit en parlant de lui-même: « Je suis sorti de Dieu, » ( Jean, XVI,27), ainsi il atteste, en parlant du Saint Esprit, qu'Il procède du Père. Par conséquent, l'Esprit est à la fois, et l'Esprit de Dieu, et l'Esprit qui vient de Dieu le Père, et Il procède du Père. Que signifie le mot procéder? Jésus-Christ ne dit pas: est engendré. Le Fils est engendré par le Père; le Saint-Esprit procède du Père. Quelle est la valeur du mot procède? Afin que l'on ne prenne pas l'Esprit pour le Fils, l'Ecriture n'emploie pas le mot est engendré, elle dit qu'Il procède du Père, elle le représente procédant comme l'eau de sa source. Qui est-ce qui procède? Le Saint-Esprit. Comment? Comme l'eau de sa source. Si Saint Jean, en rendant témoignage du Saint-Esprit, le nomme eau vive ( Jean, VII, 38), & si le Père dit de Lui-même: Ils m'ont abandonné, moi qui suis une source d'eau vive ( Jér.,II,13), le Père est la source du Saint-Esprit, parce que l'Esprit procède de Lui. »
On ne pouvait mieux fixer le sens des Paroles du Sauveur: « Qui procède du Père ».
On peut affirmer que tous les Pères les ont ainsi entendues de l'acte éternel en veru duquel l'Esprit est produit, & le deuxième Concile Oecuménique les a interprétées de la même manière en les insérant dans le symbole de Nicée-Conctantinople pour exprimer cet acte éternel.
(P.206).
Les interpréter autrement, c'est non seulement torturer le texte en lui-même, mais se séparer de la Tradition Orthodoxe universelle, & préférer son interprétation individuelle à l'interprétation collective de l'Eglise.
Les théologiens catholiques occidentaux, qui n'osent soutenir que les Paroles de Jésus-Christ ne se rapportent pas à l'acte éternel qui produit le Saint-Esprit, prétendent que le Sauveur, en disant: « qui procède du Père », n'a pas exclu le fils, parce que le Père et le Fils ont la même essence. Si la raison des Occidentaux est bonne, il faut en conclure que le Saint-Esprit procède aussi de Lui-même, puisqu'Il a la même essence que le Père et le Fils.Si l'on attribue à l'essence divine ce qui fait précisément la distinction des personnes, il faudra admettre que les actes propres du Père sont communs au Fils et au Saint Esprit, & réciproquement; on détruira ainsi complètement le Mystère de la Sainte Trinité. Les théologiens catholiques occidentaux n'auraient pas commis leur étrange méprise s'ils avaient connu ces belles paroles de Saint Grégoire de Naziance: « L'éternité & la divinité sont communes au Père, au Fils, & au Saint Esprit; mais il appartient au Fils et au Saint Esprit de tenir leur être du Père. L'attribut distinctif du Père, c'est de ne pas être né; celui du Fils d'être engendré; celui de l'Esprit, de procéder. » ( Greg. Naz., Serm.25). Attribuer à une personne l'attribut qui en distingue une autre, c'est confondre deux personnes & détruire la Trinité. Ecoutons encore Saint Grégoire de Naziance: « Si le Fils & l'Esprit sont coéternels au Père, pourquoi ne sont-ils pas comme lui sans principe? Parce qu'ils sont du Père, quoiqu'ils ne soient pas après le Père. »
Le Saint-Esprit est la troisième personne, dit le P. Perrrone; le Fils est donc avant Lui dans l'ordre de la production, & a contribué à sa procession. N'est-ce pas là nier ouvertement la coéternité des trois personnes divines? N'est-ce pas placer dans le temps la procession du Saint-Esprit? Faire par conséquent du Saint-Esprit une simple créature? CC'est à de pareils blasphèmes que les théologiens catholiques occidentaux ont été conduits par leurs efforts pour éluder les paroles de la Sainte Ecriture.
Il suffit, du reste, de comparer entre elles toutes les paroles de Jésus-Christ pour voir que, chaque fois qu'il parle de l'envoi du Saint-Esprit, Il l'attribue au Père et à Lui-même; mais qu'en parlant de la procession, il ne l'attribue qu'au Père, il ne mentionne que le Père. N'est-il pas évident qu'il établit ainsi une différence essentielle entre l'envoi qui est commun au Père et au Fils, et la procession qui appartient au Père seul.
Les théologiens catholiques occidentaux ont fait presque tous ce raisonnement à propos des Paroles du Sauveur: » Je vous l'enverrai, etc »: Si le Fils envoie l'Esprit, c'est qu'il procède de lui. De ce raisonnemnt, il suivrait qu'une personne, dans la Trinité, ne pourrait être envoyée par une autre, sans en procéder. Alors, il faudrait dire que le Fils procède de l'Esprit puisqu'il a été envoyé par lui, selon cette parole d'Isaïe que Jésus-Christ s'est appliquée à Lui-même: « L'Esprit du Seigneur est sur moi; c'est pourquoi il m'a sacré & m'a envoyé évangéliser, etc.(Luc, IV, 18). » Les Saints Pères ont considéré l'envoi comme un acte commun au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, à cause de l'unité d'essence qui existe entre eux;
(P.207)
c'est pourquoi l'envoi du Fils est attribué au Saint-Esprit et au Père, et l'envoi du Saint-Esprit au Père et au Fils; mais ils n'attribuent qu'au Père la procession du Saint6Esprit et la génération du Fils. Les mêmes Docteurs de l'Eglise n'ont considéré l'envoi que par-rapport à la manifestation AD EXTRA soit du Fils, soit du Saint-Esprit, car la divinité est une & ne peut être envoyée séparément. Cette Doctrine de la Tradition Orthodoxe universelle confond tous les faux-raisonnements des partisans de la procession ex Filio. Citons les textes de quelques Pères sur les deux points ci-dessus énoncés.
Saint Jean Chrysostome: « Quand tu entends dire au Christ: Je vous enverrai l'Esprit, ne prends pas cela au point de vue de la divinité, car Dieu ne peutêtre envoyé. » Zoernikaw a cité une foule d'autres textes analogues tirés des Pères, ainsi que sur l'envoi du Fils par le Saint-Esprit. Saint Ambroise résume ainsi parfaitement cette Doctrine de l'Eglise: « C'est le Père avec l'Esprit qui envoient le Fils, c'est de même le Père avec le Fils qui envoient l'Esprit. Si donc le Fils et l'Esprit s'envoient l'un l'autre, comme les envoie le Père, ce n'est pas l'effet d'une dépendance quelconque, mais d'une communauté de pouvoir. » ( De Spirit. Sanct.,lib.III,c.1.) Le même Docteur s'exprime ainsi dans un autre ouvarge: « Le Fils a dit: Qui procède du Père; c'est en vue de l'origine; il a dit : « Je vous l4enverrai »; c'est en vue de la communauté & de l'unité de l'essence. » ( Lib. De Symb.,c,10.) Saint Jérôme s'exprime de la même manière: » Le Saint-Esprit qui procède du Père, & qui, par communauté d'essence, est envoyé par le Fils. » ' Comment.,XVI, in Jerem., 57). Saint Cyrille d'Alexandrie dit aussi: « Le Fils donne l'Esprit comme sien à cause de l'unité de son essence avec l'essence du Père. » ( In Joann.,c.10.)
L'on doit remarquer que la Sainte Ecriture n'attribue au Père aucun acte ad extra qu'il n'ait fait par le Saint-Esprit ou par le Fils. C'est pourquoi les Pères ne parlent que de l'envoi du Fils et du Saint-Esprit, & en donnent pour Principe le Père agissant avec l'Esprit à l'égard du Fils et avec le Fils à l'égard de l'Esprit, à cause de la communauté de l'essence.
Le Père est ainsi la cause première de l'envoi, comme il est le principe unique & éternel du Fils par génération et de l'Esprit par procession. Ces deux actes lui sont attribués exclusivement, tandis que l'envoi ou acte ad extra lui est attribué en communauté soit avec le Fils, soit avec l'Esprit.
Les partisans de la procession ex Filio n'ont pas voulu voir dans les monuments de la Tradition Orthodoxe universelle cette double action du Père avec le fIls et du Père avec l'Esprit. Ils n'ont voulu voir que la première, l'ont confondue avec l'opération éternelle, exclusive au Père, comme principe unique, & lui ont appliqué le raisonnemnt de la communauté d'essence, sans s'apercevoir qu'en raisonnant ainsi ils détruisaient la Trinité, comme nous l'avons démontér précédemment. De là les TEXTES QU'ILS ONT CITéS A FAUX pour appuyer LEUR SYSTEME ERRONé.
A la lumière de la Tradition Orthodoxe universelle, les faux raisonnements élevés sur ces mots: » Je vous l'enverrai, etc., » disparaissent comme une ombre.
Il en est de même de ceux que l'on a construits sur ces autres paroles du Sauveur: « L'Esprit recevra de ce qui est à moi...Tout ce qu'a mon Père est à moi. » ( S.Jean, XVI,12-15.) Si tout ce que possède le Père, le Fils le possède aussi, disent les théologiens catholiques occidentaux, il a donc, comme le Père, l'attribut de faire procéder le Saint-Esprit; donc le Saint6esprit procède de lui comme du Père, & Il a reçu de Lui l'être, comme du Père.
D'abord, ces théologiens n'ont pas remarqué que les verbes dont se sert Jésus-Christ pour xprimer les actes de l'ESprit, sont au futur: Il recevra. Si cet acte se rapporte à son être, il ne l'avait donc pas reçu lorsque le Sauveur parlait. PEUT-ON SOUTENIR UNE PAREILLE ABSURDITé? Dès qu'il devait recevoir du Fils dans le futur, ce n'était pas son existence; donc on ne peut conclure de ces expressions, « Il recevra de moi », qu'Il procède de Lui. D'un autre côté, si l'on entend d'une manière absolue ces mots: « tout ce qu'a mon Père est à moi, il n'y a rien qui les distingue l'un de l'autre; on confond leur personnalité. Dès que l'on admet la distinction des personnes du Père et du Fils, on admet qu'il y a un attribut personnel qui distingue le Père du Fils; il faut donc entendre de ce sens restreint les Paroles de Jésus-Christ, ou bien nier la Trinité. Or, quel est l'attribut personnel qui distingue le Père des deux autres personnes, si ce n'est celui en vertu duquel il les produit? Si l'on donne cet attribut au Fils ou à l'Esprit, on les confond avec le Père, & l'on détruit la Trinité. Les Paroles de Jésus-Christ se rapportent donc à l'essence divine qu'Il a reçue du Père et non à l'attribut qui distingue le Père des deux autres personnes.
C'est ainsi que les Pères de l'Eglise ont entendu les Paroles de Jésus-Christ. Didyme d'Alexandrie s'exprime ainsi ( Lib.II. De Spirit.S.): « Le mot « recevra » doit s'entendre dans un sens qui convienne à la nature divine. Par conséquent, comme le Fils, en donnant, ne se dépossède point e ce qu'Il communique, ainsi l'Esprit ne reçoit rien qu'il n'eût auparavant. » Saint Cyrille d'Alexandrie exprime la même pensée ( Lib.XXI, in Joann.): « Ce que le Saint-Esprit devait recevoir du Fils, c'était la Doctrine; Il ne devait pas la recevoir comme quelque chose de nouveau pour Lui, mais cette Doctrine qui est du Père, le Fils était envoyé par le Père et l'Esprit pour l'annoncer au monde, & l'Esprit était envoyé par le Père et le Fils pour la répandre dans les esprits, avec la conviction. » Saint Jean Chrysostome développe aussi cette pensée: « Jésus dit: Il recevra de ce qui est à moi, c'est-à-dire: ce que j'ai dit, Il le dira de même. Quand Il parlera, Il ne parlera pas de son chef, Il ne dira rien de contraire à ce que j'ai dit; rien de son propre fonds; Il ira seulement ce qui est de moi. De même qu'en parlant de Sa Personne, le Sauveur disait: « Je ne parle point de moi-même, c'est-à-dire je ne dis rien que ce qui est au Père, rien qui me soit propre, rien qui lui soit étranger, ainsi faut-il l'entendre également du Saint-Esprit. Cette expression: De ce qui est à moi signifie: de ce que je sais, de ma science, car ma science et celle de l'Esprit sont une seule et même chose. Il recevra de ce qui est à moi signifie: Il parlera d'accord avec moi. Tout ce qu'a le Père est à moi; or, comme cela est à moi, et que l'Esprit parlera des choses qui sont au Père, par conséquent, Il parlera de ce qui est à moi. » ( S. Chrys., Hom.in Joann.)
Il est évident que, d'après la Tradition Orthodoxe universelle, il ne s'agit point, dans les Paroles de Jésus-Christ de la procession du Saint-Esprit.
(P.209).
Aussi les Pères n'y ont-ils vu qu'une preuve de la consubstantialité des Personnes Divines, de l'unité d'essence, conformément à ce passage de Saint Athanase: « Tout ce qu'a le Père étant également propre au Fils, Celui-ci est considéré avec raison comme étant consubstantiel au Père. C'est en prenant la chose dans ce sens; que les Pères reconnurent, au Concile de Nicée, le Fils comme consubstantiel au Père, et de même substance. » (Ath., Epist. Ad Serap.) « Tout ce qu'a le Père, dit Saint Grégoire le Théologien, le Fils l'a aussi, excepté d'être cause ou Principe. » ( Greg.,Serm.,34.) Pourquoi cette exception? Parce que l'attribut de Principe unique est précisément son attribut distinctif & personnel. »Nous croyons, dit Saint Cyrille, que le Fils est coéternel au Père, & qu'Il a tout en commun avec le Père, excepté de produire. » ( Curill.,Dialog.II ad Herm.) Telle est la Doctrine traditionnelle, & l'on ne peut donner un autre sens aux Paroles du Sauveur sans renier la règle Orthodoxe universelle de l'interprétation de la Sainte Ecriture, & sans faire violence au texte.
Plusieurs partisans de la doctrine de la procession ex Filio citent en faveur de leur thèse quelques autres textes des Saintes Ecritures, & les interprètent à leur manière, sans tenir compte du sens qu'on leur a toujours attribué dans l'Eglise. Ils n'ont pas voulu voir qu'en agissant ainsi, ils s'exposaient à mettre leurs propres pensées au lieu et place de la Doctrine Révélée, qui est un Dépôt, & qui ne peut être par conséquent constatée que par la voix universelle, unanime & constante de la société Chrétienne; qu'en laissant de côté cette voix, ils s'exposent à attribuer à Dieu leur propre doctrine erronée.
Parmi les textes cités à faux par les partisans du Filioque se trouve celui-ci, tiré de l'Epître aux Galates: » Parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de Son Fils qui crie: Père! Père! » ( Galat.,IV,6.) Sur quoi , ils raisonnent ainsi: L'Esprit est appelé Esprit du Père ( Matth.,X,20), parce qu'Il procède du Père; s'il est appelé Esprit du Fils, c'est qu'Il procède aussi du Fils.
On peut d'abord observer que dans le texte cité, il ne s'agit pas de l'hypostase du Saint-Esprit; mais seulement de l'Esprit humain enrichi, grâce à la rédemption du Dieu-Homme, des dons du Saint-Esprit.
On peut faire remarquer ensuite que l'Esprit est appelé Esprit du Père, non seulement parce qu'Il procède de Lui, mais aussi parce qu'il lui est consubstantiel. En ce sens, il est l'Esprit du Fils aussi bien que l'Esprit du Père, puisque le Père, le Fils, et le Saint Esprit ont la même substance. Les partisans du Filioque supposent donc gratuitement que le Saint-Esprit n'est l'Esprit du Père que parce qu'Il en procède, afin d'établir sur cette supposition la procession ex Filio. Or, leur raisonnement, comme l'assertion sur laquelle il repose, sont CONTRAIRES A L'ENSEIGNEMENT DES PERES DE L'EGLISE.
« Si le Saint-Esprit, dit Saint Jean Chrysostome, ( hom. In Pentec.) est appelé tantôt Esprit du Père, tantôt Esprit du Fils, ce n'est point pour confondre le Fils avec le Père, mais pour signifier l'indivisibilité de l'essence divine. »- « A cause de l'identité de nature, dit Saint Jérôme ( In Epist. Ad Gal.), le Saint-Esprit est appelé indifféremment l'Esprit du Père et l'Esprit du Fils. » - « C'est assez, dit Saint Augustin que le Chrétien croie au Père, au Fils engendré par le Père, à l'Esprit Saint
procédant du même Père, mais qui est en même temps l'Esprit du Père et du Fils. » (Aug.,Euch.,c.IX.)
(P.210).
Telle est la Foy parfaitement & clairement exprimée. Le Père, comme Principe; le Fils engendré du Père; l'Esprit procédant du même Père, telle est la Foy qui suffit, d'après le Bienheureux Augustin; il y ajoute: qu'il faut croire que le Saint Esprit est l'Esprit du Père et du Fils, mais non comme une conséquence de la procession. Pourquoi alors? Parce que, selon le sentiment commun des Pères, le Saint-Esprit a la même essence que le Père et le Fils.
Les Pères, qui n'ont point entendu les expressions Esprit du Fils dans le sens d'identité d'essence, les ont interprétées de cette manière; que le Saint-Esprit est l'Esprit du Fils parce que ce dernier l'a envoyé dans le monde. « Que l'Esprit procède de Dieu, dit Saint Basile, l'Apôtre le professe clairement lorsqu'il dit: « Nous n'avons point reçu l'Esprit du monde, mais l'Esprit de Dieu; mais il montre avec évidence que l'Esprit a été manifesté par le Fils, lorsqu'il le nomme l'Esprit du Fils. » ( Basile, Contre Eunome, livre 5.) Le même Saint ( De l'Esprit Saint,c.18) dit positivement: « L'Esprit est aussi nommé Esprit du Christ, parce qu'Il lui est uni en essence. » Ses deux interprétations ne se contredisent point, & aucune des deux ne favorise la procession ex Filio. Saint Jean Damascène a parfaitement résumé ainsi l'Enseignement traditionnel: » Nous adorons le Saint-Esprit comme Esprit de Dieu le Père, c'est-à-dire, procédant de lui; nous l'adorons aussi comme Esprit du Fils, parce que c'est par Lui qu'Il apparut, &fut communiqué à la créature, & non pas parce qu'Il tient de Lui l'hypostase ou l'existence. » ( Damasc., Orat. De Sabb.)
D'après ce qui précède, on comprend cet autre texte de Saint paul tiré de l'Epître aux Romains (XIII,9): « Vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'Esprit; car si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Jésus-Christ, il n'est point à Lui. » Il est évident que le mot Esprit de Jésus-Christ est employé ici dans un sens purement moral; si on veut l'entendre rigoureusement de la Personne du Saint-Esprit, on sait, par les textes que nous avons cités, comment les Pères de l'Eglise ont entendu ces mots: Esprit du Père, Esprit du Christ. Du reste, les meilleurs théologiens catholiques occidentaux n'ont point eu recours aux textes tirés des Epîtres aux Galates et aux Romains, pour appuyer leur système sur la procession ex Filio. Ils ont compris qu'il ne s'y agissait même pas de la personne du Saint-Esprit. L'opposition que fait Saint Paul entre les hommes qui vivent selon la chair et ceux qui vivent selon l'Esprit est trop claire pour que les théologiens tant soit peu sérieux puissent se tromper sur le sens de l'Apôtre. Cependant, quelques théologiens y ont eu recours; voilà pourquoi nous nous y sommes arrêté.
Après avoir expliqué, d'après les Pères, les textes de l'Ecriture relatifs aux relations entre les trois personnes de la Très Sainte Trinité, nous devons citer les passages les plus importants dans lesquels les Pères ont parlé comme théologiens, afin qu'il ne reste aucun doute sur la doctrine Orthodoxe originelle relativement à la Procession du Saint-Esprit.
Plusieurs Pères établissent que le Saint-Esprit procède du Père, sans mentionner le Fils.
(P.211).
Saint Basile: « Comme le Verbe créateur affermit les cieux, de même l'Esprit qui est de Dieu, qui procède du Père, nous a pporté avec Lui & de Lui-même toutes les Forces qui sont dans le Père. » Dans le même texte, Saint Basile explique la procession par l'expression: sorti de sa bouche, afin que l'on n'entende pas par cet acte quelque chose d'extérieur ou de créé.
Saint Grégoire le Théologien: « L'Esprit est vraiment l'Esprit-saint qui procède du Père, non pas cependant comme le Fils, car Il ne procède pas par génération, mais par procession. » ( Sermon 39).
Saint Jean Chrysostome: « Les sectateurs e Macedonius ne voulaient pas croire que le Saint-Esprit qui procède du Père, d'une manière ineffable, fût Dieu. » (Homélie sur le Psaume CXV.)
Saint Ephrem: « Le Saint-Esprit n'est point engendré, Il procède de l'essence du Père, non imparfait & non confondu avec elle, car Il n'est ni le Père ni le Fils, mais l'Esprit-Saint. » ( Serm. De Confess.)
Saint Epiphane: « Quoiqu'il y ait beaucoup d'esprits, cet Esprit est infiniment au-dessus des autres, car Il a de toute éternité l'existence du Père même, & non d'aucun être créé...C'est d'une seule & même Divinité que sont le Fils & le Saint-Esprit: le Fils étant engendré par le Père, & l'Esprit procédant du Père. » ( Heres.LXXIV.)
Saint Cyrille d'Alexandrie:: « Nous croyons aussi à l'Esprit-Saint...procédant du Père, non engendré; car il n'y a qu'un seul Fils unique et non créé...Nous savons qu'Il procède du Père, mais nous ne cherchons point à approfondir comment Il procède, restant dans les limites que nous ont tracées les Théologiens & les Saints. » ( De S. Trinit., c.19.)
Ainsi la Foy Orthodoxe originelle, d'après Saint Cyrille, consiste à admettre: le Fils engendré par le Père, le Saint-Esprit procédant du Père.
Saint Ambroise: « Si tu nommes le Père, tu nommes en même temps et Son Fils et l'Esprit de Sa bouche...Si tu nommes l'Esprit, tu nommes également le Père de qui l'Esprit procède, et le Fils, parce qu'Il est aussi l'Esprit du Fils. » ( De Spirit. S., lib.1, c.3.)
Comme on voit, saint Ambroise ne fait point d'acte éternel en vertu duquel l'Esprit procède du Père la base de cette autre vérité: que l'Esprit est l'Esprit du Fils.
Saint Hilaire de Poitiers: » Viendra le Consolateur que le Fils enverra du Père; c'est l'Esprit de Vérité qui procède du Père. » ( De Trinit., lib.VIII, §19.)
Le bienheureux Augustin : « Les Ariens disent le Fils engendré par le Père, et le Saint-Esprit créé par le Fils; mais ils ne trouvent cela nulle part dans la Sainte Ecriture; car le Fils dit Lui-même que l'Esprit-Saint sort du Père...Il est vrai que le Père a donné à tout l'xistence, & que Lui-même, Il n'a rien reçu de personne; mais Il ne s'est point donné d'égal, excepté le Fils engendré par Lui, et le Saint-Esprit qui procède de Lui. » ( Contre les Ariens, chap.21,29.)
C'était bien le cas, pour le bienheureux Augustin, d'opposer aux Ariens l'action du Fils dans la procession de l'Esprit, s'il y eût cru. Mais le bienheureux docteur n'y croyait pas.
(P.212).
Plusieurs Pères, en enseignant que le Saint-Esprit procède du Père, mentionnent un acte du Fils, différent de la procession, relativement au Saint-Esprit.
Voici quelques-uns de leurs textes:
Saint Athanase: » S'ils ( les hérétiques) raisonnaient bien sur le Fils, ils le feraient aussi bien sur le Saint-Esprit qui procède du Père, & qui, étant propre au Fils (son allié), est accordé par Lui à Ses Disciples comme à tous ceux qui croient en Lui. » ( Ath., Lettre à Sérapion, 1,2.)
Le Saint Evêque d'Alexandrie distingue donc entre les deux actes du Père et du Fils relativement à l'Esprit. En quel sens l'Esprit est-Il propre au Fils ou l'allié du Fils? Il l'explique plus bas, dans le même ouvrage, en disant que c'est parce qu'Ils ont en commun l'essence divine. Il affirme donc ces trois vérités de Foy: 1° l'Esprit procède du Père; 2° Il est accordé par le Fils aux croyannts; 3° le Fils et le Saint-Esprit sont consubstantiels au Père & possèdent également l'essence divine.
Saint Basile (Cont. Eunom.,lib.5): « Que l'Esprit soit de Dieu, c'est ce qu'annonce clairement l'Apôtre en disant:Nous n'avons point reçu l'Esprit du monde...mais l'Esprit de Dieu ( I Cor.,II,12); qu'Il ait été manifesté par le Fils, c'est ce que l'Apôtre montre avec évidence en le nommant aussi Esprit du Fils. »
Ainsi l'Esprit est du Fils non parce qu'Il en procède, mais parce qu'Il a été manifesté par Lui. Saint Basile ajoute ailleurs ( De l'Esprit Saint, chap.18): « L'Esprit est de Dieu non pas comme tout est de Dieu, mais comme procédant de Dieu; procédant, non par génération comme le Fils, mais comme Esprit de la bouche de Dieu...Il se nomme aussi Esprit du Christ en tant qu'Il est uni au Christ par essence. »
Le Saint Evêque de Césarée professe ainsi les trois vérités enseignées par celui d'Alexandrie, & les distingue parfaitement l'une de l'autre.
Saint Grégoire de Nysse ( Adv. Eunom., lib.1): « Figurons-nous, non point un rayon du soleil, mais un soleil qui, provenant d'un autre soleil non engendré, brillerait avec lui, en tirant de lui son existence...puis, une autre lumière semblable & pareillement simultanée avec la lumière engendrée, brillant avec elle, mais tenant la cause de son existence de la lumière originelle. »
Voilà bien le Fils exclu de l'acte en vertu duquel la troisième lumière ou l'Esprit a l'existence.
Saint Cyrille d'Alexandrie: « Pour formuler, touchant la Divinité, une idée saine & conforme à la Vérité, nous disons que Dieu le Père engendre le Fils qui lui est consubstantiel, & produit le Saint-Esprit qui vivifie tout, procède du Père d'une manière ineffable, & est accordé à la Créature au moyen du Fils. » ( Cont. Jul., lib.IV.)
Euloge d'Alexandrie, que le pape Saint Grégoire le Grand appelait son père & son maître, s'exprime ainsi dans son cinquième discours: « En Vérité, Dieu est un...Le Fils connu dans le Père, et le Père dans le Fils, l'Esprit procédant du Père, & ayant le Père pour Principe, mais descendant sur la créature par le Fils, selon la bonne volonté de ceux qui le reçoivent. »
Les Pères d'Occident sont d'accord avec ceux d'Orient dans l'enseignement des mêmes Vérités.
(P.213).
Saint Hilaire de Poitiers: « C'est du Père que procède l'Esprit de Vérité, mais c'est par le Fils qu'Il est envoyé du Père. » ( De Trinitate, lib.VIII,§20.)
Saint Ambroise: « Le Seigneur dit dans l'Evangile: Lorsque le Consolateur, l'Esprit de Vérité qui procède du Père, sera venu, Il rendra témoignage de moi. Par conséquent, l'Esprit procède du Père, & rend témoignage du Fils. » ( De l'Esprit Saint, livre 1.)
Saint Jérôme: « Le Saint-Esprit sort du Père &, àcause de la communauté de naturee, est envoyé par le Fils. » ( Comment, in Isa...lib.XVI, § 57.)
Bienheureux Augustin: « Il suffit aux Chrétiens de croire...que Dieu est Trinité, le Père et le Fils engendré par le Père, et le Saint-Esprit procédant de ce même Père, mais eul et même Esprit du Père et du Fils.( Ench., c. 9.)
Le bienheureux docteur enseigne ici ce qui est de Foy; un point de Foy est que le Saint-Esprit procède du Père, comme le Fils est engendré du Père; un autre point: c'est que l'Esprit est l'Esprit du Père et du Fils, mais il n'en tire pas une conclusion contraire à la première vérité qu'il établit: que le Saint-Esprit procède du Père. L'évêque d'Hippone a parfaitement distingué l'acte du Père dans la procession éternelle, de l'acte du Fils dans la mission temporaire du Saint-Esprit.
Les Pères enseignent que dans la Divinité il n'y a qu'un Principe unique, lequel, par une double action analogue, engendre le Fils & produit le Saint-Esprit. Voici quelques passages dans lesquels ils établissent cette Vérité:
L'auteur, Disciple de Saint Paul, connu sous le nom de Saint Denis l'Aréopagite : « Il n'y a qu'une seule source de Divinité: Le Père. Ainsi, le Père n'est point le Fils, & le Fils n'est point le Père, & à chacune des personnes divines reviennent des louanges particulières...Nous avons appris que la Sainte Parole en sa source est le Père, mais que Jésus & l'Esprit sont, pour ainsi dire, des branches divinement plantées de la Divinité née de Dieu. On dirait des fleurs & des lumières naturelles; mais comment cela? C'est ce qu'on ne saurait ni dire ni représenter. » ( De Div. Nom., c.2, §§5-7.)
Origène: « Il faut comprendre que le Fils & le Saint-Esprit émanent de la même source de Paternelle Divinité. ( Comment.In Epist. Ad Rom., c.5) « C'est de cette source que viennent, et le Fils qui est né et l'Esprit qui procède. » ( De Princip., lib.1, c.2.)
Saint Athanase: « Nous croyons à une seule & même Divinité de la Trinité, venant du Père seul. » ( Lettre à Sérapion., §28.) Dans la même lettre, Saint Athanase n'attribue qu'au Père seul les qualifications de principe de la Divinité et non deux principes: voilà pourquoi il y a en Dieu monarchie (monarchia, unité de principe). »
Saint Basile: « Le Père a une existence parfaite; il est racine et source du Fils & du Saint-Esprit...Quoiqu'on dise que tout est de Dieu, il n'y a proprement de Dieu que le Fils sorti du Père, & l'Esprit procédant du Père; le Fils est de Dieu par génération, & l'Esprit, d'une manière ineffable. » ( Homil. Cont. Sabell., §§ 4—7.)
(P.214).
Saint Grégoire le Théologien: » Si le Fils et le Saint Esprit sont coéternels au Père, pourquoi ne sont-Ils pas comme Lui sans Principe? Parce qu'Ils sont du Père, quoique non après le Père. » (Homélie sur la Théologie.)
Le bienheureux Augustin: « C'est du Père que reçoit l'Esprit, c'est aussi du Père que reçoit le Fils; car, dans cette Trinité, le Fils est engendré par le Père, et l'Esprit procède du Père; le Père seul n'est engendré de personne et ne procède de personne. » (Tract. c. in Joann.)
« Quand le Seigneur dit: « Je vous l'enverrai de mon Père, Il indique que l'Esprit est du Père et du Fils; car après avoir dit: Mon Père vous l'enverra, Il ajoute: en mon nom; mais Il ne dit point: Mon Père vous l'enverra de ma part, comme Il dit: Je vous l'enverrai de la part de mon Père, marquant ainsi que le Principe de toute Divinité, ou plutôt de toute la Divinité, c'est le Père. » ( De Trinit., lib.IV.,c.20, § 29.)
Le bienheureux évêque d'Hippone pouvait-il expliquer plus clairement qu'en disant que le Saint-Esprit est du Fils, il n'entendait pas qu'Il en procédait comme d'un Principe, mais qu'Il en venait seulement ad extra, comme nous l'avons exposé?
Dans un autre ouvrage ( Cont. Maxim., lib.II,c. 14, §1), Saint Augustin dit encore: « C'est du Père qu'est le Fils; c'est aussi du Père qu'est le Saint-Esprit; Il est de Celui de qui Il procède. » Le bienheureux Augustin n'a pas dit de ceux.
Saint Paulin de Nole: « Le Saint-Esprit et le Verbe de Dieu, également Dieu l'un et l'autre, demeurent dans le même chef, et viennent du Père leur unique source, le Fils par génération, et l'Esprit par procession; Ils conservent chacun leur attribut personnel, & sont différents plutôt que divisés entre eux. » (Epit.3, ad Amand.)
Nous avons encore à mentionner les Pères qui reconnaissent que le Saint-Esprit procède du Père, & qui, en même temps, excluent, soit implicitement, soit explicitement l'idée qu'Il procède égalemnt du Fils.
Saint Basile: « Le Saint-Esprit est uni au Fils, & Il tient l'être de Son auteur, dui Père, dont Il procède; Son attribut personnel a donc pour caractère distinctif: d'être connu après le Fils et avec Lui, & de tenir l'existence du Père. Pour le Fils, qui fait connaître après Lui et avec Lui le Saint-Esprit qui procède du Père, Il n'a, quant à Son attribut distinctif, rien de commun avec le Père & le Saint-Esprit. » ( Saint Basile, lettre 38 à son frère Grégoire,§ 4.)
Pouvait-on exposer plus clairement que le Père est la source unique dans la Divinité; que chaque personne en Dieu a son caractère personnel propre, incommunicable à une personne différente; que le Fils n'a rien de commun avec le Père en ce qui constitue l'attribut personnel du Père; que cet attribut est d'être source unique du Fils par génération; du Saint-Esprit par procession, que l'Esprit est seulement connu ou manifesté par le Fils?
Le même docteur s'exprime encore ainsi: « Je me représente, dans le Saint-Esprit, une parenté avec le Père, parce qu'Il procède du Père, et une autre avec le Fils, parce que je lis; Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il n'est point à Lui. » ( Idem, Homil. Cont. Sabell., § 6.)
(P.215).
La parenté avec le Fils ne consiste donc que dans la manifestation & la communication de l'Esprit par le Christ.
Saint Grégoire le Théologien: » Ce que le Père, le Fils, & le Saint-Esprit ont de commun, c'est d'être incréés et Dieu; pour le Fils & le Saint-Esprit, c'est d'être du Père; mais ce qu'il y a de propre au Père, c'est d'être inengendré; au Fils, d'être engendré; au Saint-Esprit, de procéder. » ( Orat. In Laud. Her., § 32.)
« Au Fils appartient tout ce qu'a le Père, excepté d'être cause; & tout ce que possède le Fils appartient au Saint6esprit, sauf la qualité de Fils & tout ce qui est dit corporellement du Fils pour mon Salut. » ( Orat. In Aegypt. Adv.)
Donc, d'après Saint Grégoire, l'essence divine appartient aux trois personnes; mais chaque personne se distingue des deux autres par un attribut personnel ou hypostatique, & l'on ne peut confondre les attributs personnels, sans confondre les personnes, &, par conséquent, sans nier la Trinité. L'attribut personnel du Père est d'être source ou cause; celui du Fils, d'être engendré; celui du Saint-Esprit, de procéder. Attribuer au Fils, soit directement, soit indirectement, la qualité d'être cause, c'est lui donner l'attribut personnel du Père, c'est confondre Sa Personne avec celle du Père. Or, dire que le Saint-Esprit procède de Lui, d'une manière quelconque, c'est affirmer qu'Il participe à ce qui fait le caractère distinctif du Père, c'est nier la Trinité.
Saint Grégoire de Nysse: « Dans la Sainte Trinité, une seule & même personne, le Père engendre le Fils & produit le Saint-Esprit. » (Advers. Graec. Excomm.)
« L'Esprit est uni au Fils en ce sens que tous deux sont incréés, & qu'Ils ont pour Principe de leur être le Dieu de toutes choses; mais Il s'en distingue en ce qu'Il procède du Père autrement que le Fils unique, & qu'Il est manifesté par le Fils. » ( Cont. Eunom., lib.1.)
Le Bineheureux Augustin: « Le Père ne s'est point amoindri en engendrant le Fils, mais Il a tiré de Son sein un autre Lui-même, de telle façon qu'Il reste tout entier dans le Fils. De même, l'Esprit Saint est un tout provenant d'un tout. Il ne s'éloigne point de Celui dont Il procède, mais Il est avec Lui, tel qu'Il est de Lui, sans Lui rien faire perdre en Le quittant, ni rien gagner en demeurant en Lui. » ( Lettre 170, § 5.)
Le Bienheureux Augustin eût parlé au pluriel s'il eût cru que le Saint-Esprit procédait du Père et du Fils. Or, jamais il ne parle que du Père, dès qu'il traite de la procession proprement dite.
Rusticus, diacre de l'Eglise romaine: « Le Père a engendré, mais Il n'est point engendré; le Fils est engendré, mais Il n'a rien engendré de coéternel; le Saint-Esprit procède du Père, mais rien de coéternel n'est engendré ou ne procède de Lui. Quelques Anciens ajoutaient ceci aux attributs: de même que l'Esprit n'a engendré le Fils de concert avec le Père, de même aussi le Saint-Esprit ne procède pas du Fils, comme Il procède du Père. » ( Cont. Aceph. Disput.)
(P.216).
Rusticus, qui vivait au VI°siècle, ne veut pas se prononcer sur la procession du Fils; il constate seulement que les anciens ne l'admettaient pas, & il expose la doctrine sur les attributs divins de manière à exclure cette procession prétendue. Si, au VI°siècle, & à Rome même, l'opinion de la procession ex Filio était une simple opinion touchant laquelle on jouissait de sa liberté, comment peut-on prétendre que c'était un dogme de l'Eglise Orthodoxe originelle? Comment une telle opinion a-t-elle pu passer à l'état de dogme?
Au IX° siècle, Anastase, bibliothécaire du pape, expliquait par l'envoi dans le monde la procession ex Filio que l'Orient reprochait à l'occident d'admettre; il niait ainsi la doctrine erronée de la procession du Fils, telle qu'elle a passé à l'état de dogme dans l'Eglise romaine. ( Anast. Bibl., Epist. ap. Joann. Diac.)
Il est hors de doute que la Tradition Orthodoxe universelle s'est exprimée sur les relations entre le Père, le Fils, & le Saint-Esprit, de manière à déterminer clairement ce qui constitue leur unité d'essence, & leurs attributs personnels. De son témoignage, il ressort que le Fils ne peut ni directement ni indirectement participer à l'attribut de principe dans la Trinité; qu'on ne peut l'y faire participer, d'une manière plus ou moins détournée, sans s'attaquer à la distinction fondamentale qui existe entre les personnalités divines, & sans détruire la Trinité.
Cette doctrine acquise, on se demande comment l'église catholique romaine peut enseigner sa doctrine erronée du filioque sans s'apercevoir qu'en même temps elle nie la Trinité à laquelle cependant elle veut que l'on croie.
L'église catholique romaine va plus loin; elle prétend que la Tradition universelle est pour elle. Nous avons indiqué précédemment par quels procédés ses théologiens ont pu élever une telle prétention. Nos études sur les Pères ont détruit leurs subterfuges les plus subtils. Il est bien évident en effet que toutes les expressions dont se sont servis les Pères de l'Eglise, en dehors des expressions évangéliques qui désignent la procession éternelle proprement dite, ne signifient que l'envoi, la mission du Saint-Esprit dans le monde, du Père, par le Fils; ou comme interprète du Fils ou du Verbe pour répandre dans les âmes la Vérité, expression éternelle de l'Etre éternel, c'est-à-dire le Verbe. Il n'est pas moins évident que les Pères n'ont entendu qu'en ce sens les «expressions Esprit du Fils, dont les théologiens catholiques romains ont tant abusé.
Or, que l'on examine les textes allégués par les théologiens du romantisme pour s'attribuer la tradition universelle, & l'on sera convaincu qu'il n'en est pas un seul que l'on ne puisse retourner contre eux avec avantage, en dévoilant les subterfuges auxquels ils ont recours pour les interpréter en leur faveur.
Il serait fastidieux pour nos lecteurs d'entrer avec nous dans la discussion de tous les TEXTES ALTéRéS sur lesquels l'Eglise catholique romaine a appuyé son faux dogme. Nous avons exposé des principes généraux à l'aide desquels ceux qui voudraient entreprendre ce travail pourront le faire sans difficulté. Quel que soit le théologien catholique romaniste qu'ils aient sous la main, il ne pourra leur échapper, dès qu'ils se souviendront des indications que nous avons données.
(P.217).
On pourra cependant rencontrer çà et là quelques textes qui sembleront plus favorables à l'hérésie romaine. Dans ce cas, il faudra remonter à la source. Alors on sera tout étonné de s'apercevoir que les TEXTES en question ont été ou essentiellemnt FALSIFIéS, ou absolument INVENTéS.
Nous citerons quelques exemples.
Parmi ceux que les envoyés du concile d'Aix-la-Chapelle invoquèrent en faveur de l'addition, en présence du pape Léon III, on trouve celui-ci qu'ils disent tiré de l'Exposition du symbole, par Saint Jérôme: « L'Esprit qui procède du Père et du Fils est coéternel au Père et au Fils, et leur est égal en tout. » Ces paroles ne se trouvent ni dans l'ouvrage cité, ni dans les autres ouvrages de Saint Jérôme. Au concile de Florence, les Romains citaient ce texte comme étant tiré de la Profession de foi du pape Damase: « Nous croyons au Saint Esprit qui procède du Père et du Fils...Le Consolateur procède du Père et du Fils. » Or, le pape Damase, dans sa Profession de Foy, dit tout le contraire, & affirme que le Saint-Esprit procède du Père seul.
Un des plus grands théologiens catholiques romains d'Occident, canonisé par l'église catholique romaine sous le nom de Saint Thomas d'Aquin, a cité, dans son ouvrage Contre les Grecs, plusieurs textes de Saint Athanase qu'il prétend tirés des discours prononcés par ce Père au Concile de Nicée, & de sa lettre à Sérapion. AUCUN DE CES TEXTES N'EXISTE, comme en convient un critique appartenant à l'église catholique romaine, Casimir Oudin. -( Casim. Oud. Dissert. De scrip. Thom. Aquinat.)-.
D'autres théologiens graves & sérieux, comme Bellarmin & Vasquez, en ont appelé, d'après Thomas d'Aquin, à un passage de la lettre de Saint Athanade à Sérapion, & ce passage n'existe pas. -( Bellarm. De Christ., lib.II; Vasquez, In Prim. Part. Thom)-.
D'autres textes ont été interpolés, soit dans les manuscrits des Pères, soit dans les premières éditions, afin de fortifier la doctrine catholique romaine. Nous citerone ne particulier un passage de Saint Athanase ( Troisième discours contre les Ariens); une autre du même Père ( Lettre à Sérapion); un texte de Saint Ambroise ( Traité du Saint-Esprit); un de Saint Grégoire de Nysse ( l'Oraison dominicale); un de Saint Jérôme ( Explication du Symbole)-; un du bienheureux Augustin ( Traité de la Trinité); un de Saint Jean Damascène ( Histoire de Barlaam). On alla même jusqu'à ajouter le filioque à la lettre de Photios à Michel, roi des Bulgares. Dans tous ces textes cités par des théologiens catholiques occidentaux, on ajouta le filioque, & il a été constaté si clairement que cette addition avait été faite au moyen âge, qu'on l'a retranchée dans les meilleures éditions mêmes faites en Occident & par des érudits partisans de la procession ex Filio. Plusieurs de ces passages ont donc disparu des thèses sur cette question, mais d'autres y sont restés.
Un théologien catholique romain encore vivant, le P. Perrone, cite la lettre du pape Hormisdas à Justinien, en 521, & prétend que dans cette lettre il faut lire que le Saint-Esprit procède du Fils. Cependant, Mansi qui a donné une édition complète des Conciles du P. Labbe, Mansi, dont les sentiments catholiques romains sont connus, convient que les MOTS et du Fils ont été INTERCALéS PAR UNE MAIN ETRANGERE.
Le même théologien cite un passage de Didyme d'Alexandrie, favorable à sa thèse. Au neuvième siècle, Ratramne, moine de Corbie, cita le même texte où ne se trouvaient pas les mots favorables à l'addition; ce qui prouve qu'au neuvième siècle, ce texte n'était pas encore INTERPOLé.
Le même théologien cite comme tiré de Saint Basile Contre Eunome, un texte déjà cité à Florence contre les Grecs. Dès cette époque, Marc d'Ephèse prouvait qu'il ne se trouvait point dans les meilleurs manuscrits grecs. Aujourd'hui, L'ERUDITION A DONNé RAISON A MARC D'EPHESE. Dans les meilleures éditions faites en Occident, on a admis le texte tel qu'il le soutenait; ce qui n'empêche pas le Père Perrone de le citer avec l'altération.
A côté des TEXTES ALTéRéS par le P. Perrone, plaçons ceux de quelques autres théologiens, & particulièrement de M. Pitzipios, un Grec VENDU A ROME, & dont le pamphlet contre l'Eglise Orthodoxe orientale a été composé à peu près tout entier par des théologiens catholiques romains, & imprimé par la Propagande papiste.
Ce dernier fait est constaté par le livre lui-même; le premier l'a été par l'auteur, lorsque Rome, satisfaite d'avoir obtenu de lui ce qu'elle désirait, refusa de continuer ses paiements.
Pitzipios cite ce TEXTE PRETENDU de Saint Basile:
« Cette expression: Le Père a créé le monde par le Fils, n'indique point l'imperfection du pouvoir du Père; elle ne diminue pas non plus l'action du Fils, mais elle marque l'unité de la volonté. Ainsi l'expression créé par le Fils n'attaque point, mais elle atteste la cause primitive.
« De même que ce terme: le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, n'a pour but ni de qualifier d'imparfaite la procession du Père, ni de présenter comme faible la procession du Fils; mais elle démontre l'unité de la volonté. De telle sorte que l'expression par le Fils n'attaque point, mais confirme la cause primitive. »
M.Pitzipios renvoie à Saint Basile, Sur le Saint-Esprit, à Amphiloque, ch.VIII.
Nous avons vérifié le passage. Nous avons trouvé dans Saint Basile la première partie qui se rapporte à l'action créatrice & au Fils. Quant à la seconde partie, qui se rapporte au Saint-Esprit & à sa procession, il n'y en a pas un seul mot dans Saint Basile. M. Pitzipios a-t-il inventé lui-même ce texte, ou l'a-t-il emprunté à un autre faussaire? Nous l'ignorons. Mais, un fait certain que chacun pourra vérifier, c'est que le texte cité n'existe pas dans Saint Basile.
Texte de Saint Cyrille: « Le Fils de Dieu par nature est de Dieu, car Il est né de Dieu le Père, & le Saint-Esprit lui est aussi propre; il est en lui & procède de lui, comme il est entendu qu'Il procède aussi de Dieu le Père Lui-même. »
Le texte grec est donné par M. Pizipios qui renvoie à Saint Cyrille, Commentaire du Prophète Joël. Il n'a pas du tout le sens qu'on lui attribue. Saint Cyrille, expliquant les mots du Prophète: Je répandrai mon Esprit, etc., expose que, en Jésus-Christ nouvel Adam, le Saint-Esprit a été communiqué à la nature humaine, & qu'il a été ainsi, par Jésus-Christ, le Principe de notre génération.
(P.219).
Quant à la procession, il n'en est pas dit un seul mot, ni dans ce passage, ni dans les autres ouvrages de Saint Cyrille.
Saint Grégoire de Nysse a expliqué en cinq discours le Pater ou oraison dominicale. M. Pitzipios a cru que ces derniers mots signifiaient prière du Dimanche. On chercherait en vain le texte indiqué par M. Pitzipios dans les cinq discours de Saint Grégoire de Nysse. On trouve, en revanche, dans le troisième discours, une colonne entière contraire au système de la procession ex Filio.
L'on doit remarquer, de plus, que le texte faux de M; Pitzipios ne prouve rien, puisqu'on y lit seulement ceci: « Le Saint-Esprit vient du Père, & il est attesté qu'Il vient aussi du Fils, car il est dit que celui qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas. » Il ne s'agit ici que de l'Esprit en tant qu'Il est communiqué aux Chrétiens. Ce n'était vraiment pas la peine de TRONQUER UN TEXTE pour arriver à ce résultat.
Voici une nouvelle preuve de l'érudition de M. Pitzipios & des théologiens catholiques de Rome. Ils citent ce PRETENDU TEXTE de Saint Athanase: « Le Saint-Esprit vient du Père et du Fils; Il n'en a pas été fait ni créé; Il n'en est pas né, mais Il en procède. » Ils indiquent ce texte comme étant tiré de l'Homologation de la Foi. On croirait, au premier abord, qu'il s'agit d'une oeuvre théologique du grand Evêque d'Alexandrie; il n'en est rien. M. Pitzipios, qui est Grec, a traduit par homologation le mot grec qui, en français, signifie profession, & il a appelé homologation de foi la profession de foi connue sous le titre de Symbole de Saint Athanase. Tous les érudits conviennent unanimement, & il est démontré que ce symbole a été composé par un écrivain qui ne serait pas antérieur au sixième siècle.
Noël-Alexandre expose parfaitement toutes les raisons qui ont décidé les érudits à rejeter le symbole en question comme étant du Saint Archevêque d'Alexandrie; il fait en particulier cette remarque importante: que ni Saint Cyrille d'Alexandrie, ni le Concile d'Ephèse, ni Saint Léon, ni le Concile de Chalcédoine, n'ont opposé ce symbole aux hérétiques Eutychès & Nestorius, dont les erreurs y sont cependant exposées & réfutées très catégoriquement. Saint Cyrille, en particulier, assis sur le même siège que Saint Athanase, n'eût certainement pas négligé d'opposer aux hérétiques cette haute autorité. « Il faut ajouter à cela, continue Noël-Alexandre, le silence des Latins qui n'ont point opposé ce symbole aux Grecs, jusqu'au temps de Grégoire IX », c'est-à-dire jusqu'au treizième siècle/ « Peut-on croire, en effet, dit le même historien, que si l'on avait regardé comme certain que ce symbole était de Saint Athanase, on ne s'en serait pas servi comme d'un trait contre les Grecs schismatiques,car cet argument n'eût pas été d'un petit poids, à cause de l'autorité dont jouit Saint Athanase dans les deux Eglises? » ( Natal. Alex., Hist. Eccl. Saecul.IV, cap.IV, § X.). Tillemont ( Mem. Eccl. t.VIII, note 34, p.668) remarque avec beaucoup de raison que les hérésies de Nestorius & d'Eutychès sont aussi clairement indiquées & réfutées dans le symbole dit de Saint Athanase, que celle d'Arius, & que l'on n'a pu s'exprimer aussi théologiquement qu'on le fait dans ce symbole, qu'après la condamnation de ces hérésies, c'est-à-dire lorsque les Conciles d'Ephèse & de Chalcédoine eurent élucidé toutes les questions soulevées par ces hérétiques, & défini la Vraie Foy.
(P.220).
Il aurait pu ajouter aux hérésies d'Eutychès & de Nestorius celle des monothélites qui y est aussi réfutée, & qui ne fut condamnée définitivement qu'au sixième Concile Oecuménique, à la fin du septième siècle. Le symbole dit de Saint Athanase ne peut donc dater que du septième siècle.
Parmi les savants, les uns l'attribuent à Eusèbe de Verseil, d'autres à Anastase le Sinaïte, d'autres à quelque théologien anonyme français, du temps de Pépin ou de Charlemagne. ( Natalis-Alexandre, loc., cit.).
Le P; Quesnel, dans sa quatorzième dissertation sur les oeuvres de Saint Léon, l'attribue à Vigil de Tapse. Anthelmi a combattu cette opinion, & a attribué le susdit symbole à Vincent de Lérins. Mais cette opinion a été rejetée par tous les érudits ou à peu près.
Parmi les preuves multipliées que l'on a données pour prouver que le symbole attribué à Saint Athanase n'est pas de ce Saint Docteur, les écrivains catholiques occidentaux n'en ont pas fait valoir une qui est cependant péremptoire, c'est que la doctrine du filioque qui y est enseignée est contraire à celle que Saint Athanase a exposée dans ses ouvrages authentiques, & en particulier dans sa Lettre à Sérapion sur le Saint-Esprit.
Il est bien évident, par les divers auteurs auxquels on attribue le symbole dit de Saint Athanase, que les savants ne sont pas d'accord sur l'époque où cette profession de foi fut composée.
Vossius ( Dissert. De tribus symb.) affirme positivement que le premier écrivain qui l'attribua à Saint Athanase est Abbon, abbé du monastère de Fleury, au dixième siècle. Mais Tillemont fait observer qu'il a été cité de la même manière au neuvième siècle, par Hincmar de Reims, & par Ratramne & Enée dans les ouvrages qu'ils ont composés pour la défense l'addition filioque au symbole de Nicée.
Ce n'est donc que depuis cette discussion qu'ils est attribué à Saint Athanase. Il était antérieur à cette époque, & Tillemont dit que « l'on croit que le quatrième & le sixième conciles de Tolède, en 633 & en 638, en ont emprunté diverses expressions. » La plus haute origine que l'on puisse attribuer au symbole dit de Saint Athanase serait donc le septième siècle. Tillemont croit qu'il peut dater du sixième siècle, en même temps qu'il avoue qu'on n'en trouve quelques expressions que dans les conciles d'Espagne du septième siècle.
Il est remarquable que sa première apparition dans l'histoire concorde avec l'époque où l'on agita la question du filioque, & qu'elle ait eu lieu, en Espagne, à ces mêmes conciles de Tolède, où la doctrine hérétique du filioque fut enseignée pour la première fois. Un autre fait également certain, & qui a la plus haute importance, c'est que les érudits admettent généralement qu'il a été écrit en latin, & qu'il ne peut émaner d'un autre grec qui aurait connu cette langue, car on n' rencontre aucun hellénisme. De plus, il existe en grec plusieurs textes différents de ce symbole, ce qui prouve qu'il n'a pas été composé en cette langue, mais qu'il a été traduit du latin par plusieurs auteurs différents, & que l'Orient l'a accepté de l'Occident, moins les mots Et Filio.
(P221).
Donc le symbole dit de Saint Athanase n'est pas de ce Saint Docteur; il n'est pas antérieur à la doctrine du filioque; il est seulement, comme le filioque lui-même, antérieur au neuvième siècle, où l'addition passa d'Espagne en France; il est contemporain de la doctrine du filioque; & il prit probablement naissance dans le même pays & dans les mêmes circonstances. On ne l'attribua pas à Saint Athanase avant le neuvième siècle.
La théologie catholique romaine en appelle à Saint Jean Chrysostome, qui aurait dit dans son Discours sur l'Incarnation de Notre Seigneur: « Jésus-Christ est venu parmi nous; Il nous a donné l'Esprit qui procède de Lui, & Il a pris notre chair. » Ce texte, à part le mot: qui procède de Lui, lequel ne se trouve nulle part dans les oeuvres de Saint Jean Chrysostome, ce texte, disons-nous, est imité du passage où le Saint Patriarche de Constantinople dit tout simplement : « Il a pris notre chair, & nous a donné Son Esprit. » Il faut avoir de la bonne volonté pour voir dans une pareille phrase la procession ex Filio.
Voici maintenant un texte attribué à Saint Epiphane, & qui serait tiré de l'ouvrage intitulé: Encoratus. « Nous devons croire que le Saint-Esprit procède du Christ ou de tous les deux ( du Père et du Fils), puisque Jésus-Christ dit: » Qui procède du Père et celui-ci recevra du mien. »
Nous avons ouvert l'Encoratus de Saint Epiphane, & nous y avons trouvé ce qui suit: « Il n'y a pas deux Fils, car le Fils est unique. Ainsi, le Saint-Esprit est l'Esprit-Saint et l'Esprit de Dieu qui est toujours avec le Père et le Fils, non étranger à la Divinité, mais existant par Dieu, et procédant du Père et recevant du Fils. ( §VII).
« L'Esprit procède du Père et reçoit du Fils. ( §VII.)
« Et le Saint-Esprit aussi est unique, n'usurpant ni le nom de Fils, ni le titre de Père, mais appelé l'Esprit-Saint et non étranger au Père; car le Fils Lui-même l'a appelé : l'Esprit du Père, & a dit : « Qui procède du Père et qui recevra du mien », afin qu'Il ne fût pas cru étranger au Père et au Fils, & que l'on sût qu'Il avait la même substance & la même Divinité. » ( § VIII).
C'est de ce dernier passage qu'est tiré le TEXTE TRONQUé ET FALSIFIé par la théologie catholique romaine. Saint Epiphane n'y attribue la Procession qu'au Père, & elle lui fait enseigner la Procession ex Filio. C'EST TOUT LE CONTRAIRE DE CE QU'ENSEIGNE LE SAINT EVEQUE de Chypre.
Pitzipios a osé en appeler à la liturgie orientale en faveur de L'HERESIE ROMAINE DU FILIOQUE. Un de ses textes falsifiés est tiré de la légende de Saint Denis l'Aréopagyte écrite par Métaphraste, ouvrage qui n'appartient pas aux livres d'office de l'Eglise orientale. Que disent les textes allégués? Que le Saint-Esprit est l'image du Fils; que Jésus-Christ a envoyé le Saint-Esprit sur les nations infidèles pour les convertir; que le Saint6esprit est le fleuve de la Divinité venant du Père par le Fils sur le monde; que l'Esprit est l'Esprit du Fils et du Père; que le Fils a envoyé Son Esprit sur le monde. M. Pitzipios traduit par procéder et procession les mots qui signifient l'envoi du Saint-Esprit dans le monde; quant au mot évangélique: qui procède ( exporeuetai), on ne le trouve pas une seule fois employé pour désigner l'acte du Fils envoyant le Saint-Esprit.
(P.222).
Cette remarque est d'autant plus importante que la liturgie orientale a été écrite dans la même langue que l'Evangile. Si les auteurs de cette liturgie avaient voulu exprimer la procession ex Filio, comment concevoir qu'ils n'aient pas employé le mot qui, dans l'Evangile, signifie procéder? Or, ils ne l'emploient pas une seule fois pour exprimer l'action du Fils relativement au Saint-Esprit. Cela n'empêche pas l'auteur de voir partout la procession. L'Esprit-Saint est de la même substance avec le Père et le Fils; Il a reçu du Fils, qui est la Vérité essentielle, cette Vérité pour initier le monde à sa connaissance; par la Vérité qu'Il a apportée dans le monde, le Saint-Esprit est l'image du Fils, qui est Vérité. Voilà toute la Doctrine qui ressort des prières publiques de l'Eglise Orthodoxe orientale. Quant à la procession ex Filio, on ne trouve pas un seul mot qui y ait rapport.
Terminons cette nomenclature de fALSIFICATIONS par une dernière qui a été faite par un théologien catholique romain encore vivant, dans un ouvrage d'un évêque russe encore vivant.
Dans un ouvrage intitulé: Essai de conciliation entre l'Eglise latine & l'Eglise grecque non-unie, M. l'abbé Tilloy, docteur en théologie catholique & en droit canon, & écrivain fort connu en France, dans le parti ultramontain, a essayé de prouver L'HERESIE CATHOLIQUE ROMAINE DU FILIOQUE A L'AIDE DE TEXTES FALSIFIéS. Il en appelle enfin à une profession de foi qu'il attribue à l'Eglise Orthodoxe russe. Citons ses paroles: « C'est Mgr Maciare qui, sans le vouloir sans doute, me fournit ce témoignage. Dans sa Théologie orthodoxe, il cite une profession de foi parfaitement connue, imprimée plusieurs fois, &, pour plus de sûreté, le théologien russe indique l'édition qu'il préfère; c'est celle que Kimmel a insérée dans les Libri symbolici Ecclesiae orientalis, dédiés au comte Protassof, & publiés à Iéna en 1843. J'ouvre le livre à l'endroit indiqué par Mgr Macaire, & je lis... » Suivent deux passages tirés de la première profession de foi attribuée à Gennadius, patriarche de Constantinople, & dans lesquels on enseigne en effet la procession du Père et du Fils.
Avant de nous occuper de la valeur & de l'authenticité de la profession de foi en question, nous devons examiner préalablement si Mgr Macaire l'a donnée, dans sa Théologie orthodoxe, comme acceptée par l'Eglise Orthodoxe russe; s'il a indiqué les passages cités par M. l'abbé Tilloy; s'il a recommandé l'édition de Kimmel. Ce docteur l'affirme; & nous affirmons, nous, qu'il faut avoir perdu toute pudeur pour oser le dire. Ce prétendu docteur n'a pas indiqué, et pour cause, l'endroit où Mgr Macaire aurait parlé de la profession de foi en question. Nous allons donner des indications précises & l'on pourra vérifier. Ce n'est pas dans la Théologie orthodoxe que le savant & vénérable évêque-théologien en a parlé, mais dans l'Introduction à la théologie orthodoxe, qui forme un ouvrage à part. Dans la deuxième partie de cet ouvrage, intitulée Des Sources de la théologie orthodoxe, section III, chapitre IV, le docte théologien parle des expositions de la foi. Ces expositions sont de deux classes: 1° celles qui appartiennent à l'Eglise Orthodoxe originelle & universelle; 2° celles qui appartiennent à des églises particulières, & qui n'ont de mérite qu'autant qu'elles sont conformes aux premières.
(P.223).
Parmi les expositions de la seconde classe, il distingue celles qui sont communes à toute l'Eglise Orthodoxe orientale, & celles qui sont particulières à l'Eglise Orthodoxe russe. Il indique comme communes à toute l'Eglise Orthodoxe d'Orient deux expositions de foi, qui n'ont aucun rapport avec celle qui est citée par M.Tilloy, puis celles qui sont contenues: dans le Serment des évêques; dans les Questions dogmatiques, pour les Juifs & les Sarrasins qui entrent dans l'Eglise; dans la profession de foi que récitent les membres des autres églises en entrant dans l'Eglise Orthodoxe; dans la formule d'excommunication. Aucune de ces expositions de foi n'a de rapport avec celle qu'a citée M.Tilloy.
Celles que Mgr Macaire indique comme appartenant en particulier à l'Eglise Orthodoxe de Russie sont : 1° le Grand Catéchisme, composé par Mgr Philarète, Métropolite de Moscou, & publié par le Saint-Synode; 2° des ouvrages de controverse publiés par la même autorité, comme les Entretiens composés par Mgr Philarète de Moscou; la Pierre de la foi, etc.
Mgr Macaire remarque ensuite en note qu'on ne peut donner pour livre symbolique d'une Eglise qu'une exposition de foi publiée par tous ceux qui se trouvent à la tête de cette Eglise, & non pas un évêque en particulier, quelle que puisse être sa célébrité. « C'est pourquoi, ajoute-t-il, les théologiens étrangers ont grandement tort quand ils rangent parmi les livres symboliques de l'Eglise Orthodoxe d'Orient, etc...,etc. » Le savant théologien, après avoir cité quelques exemples de confessions de foi purement particulières, s'exprime ainsi: « C'est le tort que s'est donné récemment Kimmel, dans la publication de son ouvrage intitulé Libri symbolici Ecclesiae orientalis, Ienae 1848. » ( Introduction à la théologie orthodoxe, p.609, éd. De Paris, 1857.)
Ainsi Mgr Macaire blâme Kimmel d'avoir donné pour des expositions de foi de l'Eglise orthodoxe orientale, des oeuvres qui ne méritent pas ce titre. Il ne mentionne point, parmi les professions de foi de l'Eglise orthodoxe d'Orient en général, ni de l'Eglise orthodoxe russe en particulier, la première profession de foi, attribuée à Gennade, & insérée dans la collection de Kimmel; il a soin d'établir que les professions de foi des particuliers ne peuvent appartenir aux Eglises, & M. Tilloy prétend qu'il a reconnu comme profession de foi de l'Eglise russe la première profession
de Gennade, dont il a cité des extraits; & qu'il a recommandé l'édition de Kimmel!
Comment caractériser un pareil procédé? Et c'est après avoir IMPUTé au savant théologien orthodoxe russe LE CONTRAIRE DE CE QU'IL A ENSEIGNé, que M. Tilloy ose s'exprimer ainsi: « Après un tel aveu de la part de Mgr Macaire, on a lieu de s'étonner que le savant prélat ait consacré plus de cent pages de sa théologie pour soutenir une doctrine diamétralement opposée à celle de la confession de foi qu'il approuve & dont il reconnaît l'orthodoxie! » Quelle impudence dans ce triste & mauvais langage! Mais M.Tilloy se surpasse encore dans ce qui suit: « Une telle contradiction dans un prélat regardé à juste titre comme l'un des plus savants théologiens de l'Eglise russe serait inexplicable si l'on ne savait pas que les préjugés de secte, même dans un théologien, ont trop souvent plus d'empire sur l'esprit que la logique. »
(P.224)
Voilà le digne corollaire d'un des plus grossiers mensonges qu'il nous ait été donné de rencontrer dans LES OUVRAGES ULTRAMONTAINS, SI FECONDS CEPENDANT EN FALSIFICATIONS & EN IMPUTATIONS CALOMNIEUSES.
Quant à la profession de foi citée par M. Tilloy, on peut se poser cette question: Quel en est l'auteur? Kimmel en a publié deux qu'il attribue à Gennade, patriarche de Constantinople. La première est en forme de dialogue entre le patriarche & le sultan Mohammed. C'est de celle-ci que M. Tilloy a tiré ses textes favorables à la procession ex Filio. Dans la seconde, le discours est suivi, & la doctrine est opposée formellemnt à la procession ex Filio. Dans la seconde, le discours est suivi, & la doctrine est opposée formellement à la procession ex Filio. Kimmel n'a prouvé l'authenticité ni de l'une ni de l'autre. A la page 8 de ses Prolegomena, il dit, sans en donner de preuves, « que le patriarche semble avoir écrit la première profession de foi;; & que le sultan la lui ayant ensuite demandée par écrit, il la rétracta, l'abrégea, & semble l'avoir publié dans cette dernière forme. » Que signifient ces paroles du professeur protestant? Quelle garantie d'authenticité offrent-elles?
Un fait certain, & qui ne peut être contesté, c'est que Georges Scholarios, qui fut depuis le patriarche Gennade, après avoir un peu faibli au concile de Florence, se déclara si ouvertement en faveur de la Doctrine Orthodoxe orientale, après son retour à Constantinople, que Marc d'Ephèse lui-même lui confia le soin de l'Orthodoxie après sa Mort; il est certain que Georges Scholarios, n'étant pas encore Patriarche, se montra le digne émule de Marc d'Ephèse, dont il prononça l'éloge funèbre, & dont il composa l'épitaphe. Peut-on croire que ce vigoureux Défenseur de la Doctrine Orthodoxe d'Orient, cet adversaire du latinisme, aurait composé une profession de foi dans laquelle il aurait affecté de s'étendre sur la procession ex Filio?
La première profession de foi attribuée à Gennade ne peut donc être de lui. Serait-elle de lui qu'elle n'aurait pas d'importance comme profession de foi d'une Eglise. M. l'abbé Tilloy a donc pris un apocryphe pour un écrit sérieux, & il a manqué aux premiers devoirs de l'honneur littéraire en prétendant que Mgr Macaire a donné cet apocryphe, émanant d'un particulier, comme une profession de foi orthodoxe reconnue par l'Eglise orthodoxe de Russie.
Du travail que nous venons de faire, nous sommes en droit de tirer ces deux conclusions:
1° La Tradition Orthodoxe originelle universelle enseigne une doctrine formellement contraire à celle de l'église catholique romaine sur la procession du Saint-Esprit.
2° Les théologiens romains n'ont pu en appeler à la Tradition qu'en altérant le sens des textes ou en les FALSIFIANT.
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