mardi 20 mars 2012
LE PERE W. GUETTEE par le PERE PATRIC RANSON.
LE PERE WLADIMIR GUETTEE
(1816-1892)
par PERE PATRIC RANSON.
Cheminant entre les doctrines contradictoires de l'Occident, comme le peuple d'Israël entre les ondes de la Mer Rouge figées des deux côtés, le Père Wladimir Guettée parvint à la Terre Promise de la Foy véritable & à la Vision de Paix qu'elle renferme. Nous avons mentionné plusieurs fois cet historien consciencieux dont le zèle était aussi grand que la science. Comme il peut servir de modèle à tous ceux qui veulent, en Occident, retrouver la Foy qui illumina leurs ancêtres, nous ajoutons ce texte du Père Patric Ranson (1957-1992), cet autre illuminateur, qui écrivit la première étude historique & critique sur l'oeuvre de Guettée : « Guettée ou le retour à l'Orthodoxie » dans De la papauté, L'Age d'Homme, Lausanne, 1990, p. 7-32. Père Patric a aussi republié un texte important, accompagné d'un dossier documentaire : W. Guettée, Lettre à Soloviev, Paris 1990. Le présent texte est paru dans La Lumière du Thabor n°32, Paris, 1991.
Le Père Wladimir Guettée est ce prêtre gallican, historien de l'Eglise de France, qui, après avoir étudié les documents originaux, découvrit que l'autorité que s'attribuait la papauté dans la vie ancienne du Christianisme n'était fondée sur aucune source sérieuse : « J'étudiai la papauté non dans les livres de ses adversaires, mais dans ceux de ses défenseurs, les Bellarmin, les Zaccharia & tant d'autres. Comme ils prétendent que la papauté a pour fondement la tradition catholique, je contrôlai tous les textes des Pères des Conciles qu'ils ont cités. Je trouvai que tous les textes cités par eux étaient faux, tronqués, détournés de leur vrai sens. Je dus en conclure que la papauté n'était qu'une institution fondée sur le mensonge. -(P.W. Guettée, Souvenirs d'un prêtre romain devenu Prêtre Orthodoxe, Paris, 1889, p. 409)-.
Guettée, en pleine période de radicalisation de l'ultramontanisme, fut heureuesement conduit par la Providence à rencontrer le Père Joseph Wassilieff &, à travers lui, l'Eglise Orthodoxe russe. Il devint Orthodoxe & publia de très nombreux livres dirigés contre les prétentions historiques de la papauté, ainsi qu'une revue, L'Union Chrétienne, qui parut entre 1859 & 1892, & qui, premier journal Orthodoxe en France, est le lointain ancêtre de La Lumière du Thabor.
Guettée, en devenant Orthodoxe, avait conscience, non de découvrir une tradition qu'il aurait totalement ignorée jusque-là, mais de revenir à l'ancienne Eglise, celle de la Gaule apostolique des Martyrs & des Saints qui, pendant plusieurs siècles, fut parfaitement Orthodoxe, & ignora totalement la prétendue infaillibilité de l'évêque de Rome. C'est cette Gaule Orthodoxe qui émerveillait Guettée avant même qu'il n'entrât dans l'Eglise Orthodoxe russe, & c'est elle dont il a écrit l'histoire dans les premières pages de son Histoire de l'Eglise de France. -( Le tome 1 de « l'Histoire de l'Eglise de France composée sur les documents originaux et authentiques » est paru à Blois & à Paris en 1847. Il y eut douze tomes en tout, échelonnés jusqu'en 1856)-.
Nous ne sommes pas, en France, sans racines Orthodoxes. Notre pays est chargé d'histoire & de lieux marqués par le Christianisme, par les Vies des Saints & les actes des Martyrs. L'ère des Martyrs a donné beaucoup de gloire à la Gaule, car beaucoup d'agnneaux du Christ, tels les Martyrs de Lyon, ont suivi l'Agneau jusque dans Son immolation, lors des persécutions déclenchées par les autorités païennes ou avec leur permission. Des confesseurs de la Foy se sont signalés dès l'époque de l'arianisme, comme Hilaire de Poitiers, qui fut exilé en Orient avant de retrouver ses brebis. Dans toutes les classes de la société gallo-romaine, on trouvait des Chrétiens qui pratiquaient l'aumône, l'ascèse, la Prière : Saint Martin de Tours, l'ancien soldat, devint le Saint le plus connu & le plus vénéré de tout le pays. Vivant l'Evangile dans toute sa rigueur & dans toute sa douceur, les Ermites, les Anachorètes ont peuplé les lieux retirés, les grottes, les îles, les montagnes de notre terre, faisant partout fleurir les fleurs de l'ascèse porteuse de Vie : Saint Hospitius vécut près de Nice en reclus, répétant la Prière incessante; Saint Vulfolaïc, près de Carignan, monta sur une colonne comme les Stylites de l'Orient. Toutes ces formes de Sainteté témoignent de l'unité du monde Chrétien d'alors. Du reste, pour les âmes purifiées, le temps & l'espace s'abolissent De telles âmes, dit Saint Isaac le Syrien, « voient spirituellement, non corporellement », & peuvent contempler à distance d'autres âmes purifiées. Du haut de sa colonne, Saint Syméon le Stylite pria des voyageurs en route pour les Gaules, d'y saluer de sa part la Vierge Geneviève, dont il admirait les exploits.
L'organisation même de l'Eglise de ce temps révèle sa Spiritualité Orthodoxe. Il en est ainsi des Eglises celtiques, que le journal de la paroisse de Dinan, La Bretagne Orthodoxe, s'efforce d'étudier & de faire mieux connaître, à la lumière de la tradition patristique authentique. Longtemps, en Bretagne, les Evêques ont été des déifiés, issus des Monastères, & itinérants, qui allaient dans divers lieux, selon les besoins des fidèles & les commandements de l'Esprit. Le sud de la Gaule offre l'image de la civilisation romaine la plus achevée, & l'ancienne métropole d'Arles faillit devenir un patriarcat.
Malgré la négligence des archéologues pour le passé Chrétien, & la défaillance des pouvoirs publics pour tout ce qui touche au patrimoine dit paléo-Chrétien, les pierres elles-mêmes crient, surtout celles des baptistères anciens, des tombes & des monuments restés debout, qui font comprendre, pour ainsi dire d'une manière palpable, l'existence d'une seule & même civilisation Chrétienne au Vème siècle, s'étendant de la Syrie à la Bretagne, & de l'Afrique à la Provence.
Ces racines, ces lieux saints, sont une prédication silencieuse, devant nos yeux, à portée de main, mais aussi une clef pour comprendre les ruptures qui ont eu lieu en Occident & que les historiens appellent le « schisme de 1054 ». Or, il ne s'agit pas d'une séparation de l'Orient & de l'occident, mais d'une lutte intérieure, qui fit rage dans les frontières mêmes de l'ancien empire romain. Les barbares qui ont envahi la Gaule, l'Italie, l'Espagne, ont en effet mis plusieurs siècles pour s'emparer complètement du pouvoir politique, puis pour contrôler l'Eglise, laquelle a longtemps assumé une fonction d'ethnarchie, de pouvoir spirituel défendant les intérêts des Orthodoxes asservis. La lutte des barbares contre l'Eglise gallo-romaine a été politique & ecclésiastique, mais aussi théologique.
Le monde carolingien a voulu, notamment, constituer une théologie qui ne fût pas soumise aux critères de la théologie patristique, parce que cette dernière constituait le trait d'union le plus fort entre les peuples vaincus d'Occident & les ennemis potentiels d'Orient. Elle était, en effet, celle des Gallo-romains, Italo-romains, Celto-romains..., mais aussi celle de l'empire romain d'Orient, cet empire « grec » ou « byzantin » qui, même affaibli, représentait une menace pour les royaumes germano-franks. Les théologiens franks eurent donc pour tâche de transformer ces romains d'Orient en hérétiques, que l'on pourrait massacrer tranquillement. Grâce à cette politique, les princes franks suscitèrent contre l'empire d'Orient le sinistre épisode des croisades.
La théologie « franke » se fonda à la fois sur la méthode théologique & sur certains points de doctrine, comme la prédestination, qui avaient été élaborés par Augustin d'Hippone. Cet auteur, en effet, n'avait jamais eu, avant le VIII7me siècle, l'autorité doctrinale que lui donnèrent les théologiens franks puis les scolastiques. Ils aboutirent à une théologie entièrement différente de celle des Pères.
L'histoire qui suivit fut celle d'une oppression, à la fois matérielle & culturelle, de l'élément gallo-romain par les dominateurs franks. Lentement, toutefois, les aspirations politiques & culturelles des vaincus resurgirent. De multiples faits historiques, comme l'essor des communes, ou le développement de la littérature médiévale, attestent cette renaissance.
De tous ces faits, de toute cette lutte des Gallo-romains soumis à la féodalité & se libérant peu à peu, les grands historiens du XIX° siècle, en particulier Fauriel & Augustin Thierry, avaient conscience, & ils les ont exposés dans leurs principaux écrits.
(1816-1892)
par PERE PATRIC RANSON.
Cheminant entre les doctrines contradictoires de l'Occident, comme le peuple d'Israël entre les ondes de la Mer Rouge figées des deux côtés, le Père Wladimir Guettée parvint à la Terre Promise de la Foy véritable & à la Vision de Paix qu'elle renferme. Nous avons mentionné plusieurs fois cet historien consciencieux dont le zèle était aussi grand que la science. Comme il peut servir de modèle à tous ceux qui veulent, en Occident, retrouver la Foy qui illumina leurs ancêtres, nous ajoutons ce texte du Père Patric Ranson (1957-1992), cet autre illuminateur, qui écrivit la première étude historique & critique sur l'oeuvre de Guettée : « Guettée ou le retour à l'Orthodoxie » dans De la papauté, L'Age d'Homme, Lausanne, 1990, p. 7-32. Père Patric a aussi republié un texte important, accompagné d'un dossier documentaire : W. Guettée, Lettre à Soloviev, Paris 1990. Le présent texte est paru dans La Lumière du Thabor n°32, Paris, 1991.
Le Père Wladimir Guettée est ce prêtre gallican, historien de l'Eglise de France, qui, après avoir étudié les documents originaux, découvrit que l'autorité que s'attribuait la papauté dans la vie ancienne du Christianisme n'était fondée sur aucune source sérieuse : « J'étudiai la papauté non dans les livres de ses adversaires, mais dans ceux de ses défenseurs, les Bellarmin, les Zaccharia & tant d'autres. Comme ils prétendent que la papauté a pour fondement la tradition catholique, je contrôlai tous les textes des Pères des Conciles qu'ils ont cités. Je trouvai que tous les textes cités par eux étaient faux, tronqués, détournés de leur vrai sens. Je dus en conclure que la papauté n'était qu'une institution fondée sur le mensonge. -(P.W. Guettée, Souvenirs d'un prêtre romain devenu Prêtre Orthodoxe, Paris, 1889, p. 409)-.
Guettée, en pleine période de radicalisation de l'ultramontanisme, fut heureuesement conduit par la Providence à rencontrer le Père Joseph Wassilieff &, à travers lui, l'Eglise Orthodoxe russe. Il devint Orthodoxe & publia de très nombreux livres dirigés contre les prétentions historiques de la papauté, ainsi qu'une revue, L'Union Chrétienne, qui parut entre 1859 & 1892, & qui, premier journal Orthodoxe en France, est le lointain ancêtre de La Lumière du Thabor.
Guettée, en devenant Orthodoxe, avait conscience, non de découvrir une tradition qu'il aurait totalement ignorée jusque-là, mais de revenir à l'ancienne Eglise, celle de la Gaule apostolique des Martyrs & des Saints qui, pendant plusieurs siècles, fut parfaitement Orthodoxe, & ignora totalement la prétendue infaillibilité de l'évêque de Rome. C'est cette Gaule Orthodoxe qui émerveillait Guettée avant même qu'il n'entrât dans l'Eglise Orthodoxe russe, & c'est elle dont il a écrit l'histoire dans les premières pages de son Histoire de l'Eglise de France. -( Le tome 1 de « l'Histoire de l'Eglise de France composée sur les documents originaux et authentiques » est paru à Blois & à Paris en 1847. Il y eut douze tomes en tout, échelonnés jusqu'en 1856)-.
Nous ne sommes pas, en France, sans racines Orthodoxes. Notre pays est chargé d'histoire & de lieux marqués par le Christianisme, par les Vies des Saints & les actes des Martyrs. L'ère des Martyrs a donné beaucoup de gloire à la Gaule, car beaucoup d'agnneaux du Christ, tels les Martyrs de Lyon, ont suivi l'Agneau jusque dans Son immolation, lors des persécutions déclenchées par les autorités païennes ou avec leur permission. Des confesseurs de la Foy se sont signalés dès l'époque de l'arianisme, comme Hilaire de Poitiers, qui fut exilé en Orient avant de retrouver ses brebis. Dans toutes les classes de la société gallo-romaine, on trouvait des Chrétiens qui pratiquaient l'aumône, l'ascèse, la Prière : Saint Martin de Tours, l'ancien soldat, devint le Saint le plus connu & le plus vénéré de tout le pays. Vivant l'Evangile dans toute sa rigueur & dans toute sa douceur, les Ermites, les Anachorètes ont peuplé les lieux retirés, les grottes, les îles, les montagnes de notre terre, faisant partout fleurir les fleurs de l'ascèse porteuse de Vie : Saint Hospitius vécut près de Nice en reclus, répétant la Prière incessante; Saint Vulfolaïc, près de Carignan, monta sur une colonne comme les Stylites de l'Orient. Toutes ces formes de Sainteté témoignent de l'unité du monde Chrétien d'alors. Du reste, pour les âmes purifiées, le temps & l'espace s'abolissent De telles âmes, dit Saint Isaac le Syrien, « voient spirituellement, non corporellement », & peuvent contempler à distance d'autres âmes purifiées. Du haut de sa colonne, Saint Syméon le Stylite pria des voyageurs en route pour les Gaules, d'y saluer de sa part la Vierge Geneviève, dont il admirait les exploits.
L'organisation même de l'Eglise de ce temps révèle sa Spiritualité Orthodoxe. Il en est ainsi des Eglises celtiques, que le journal de la paroisse de Dinan, La Bretagne Orthodoxe, s'efforce d'étudier & de faire mieux connaître, à la lumière de la tradition patristique authentique. Longtemps, en Bretagne, les Evêques ont été des déifiés, issus des Monastères, & itinérants, qui allaient dans divers lieux, selon les besoins des fidèles & les commandements de l'Esprit. Le sud de la Gaule offre l'image de la civilisation romaine la plus achevée, & l'ancienne métropole d'Arles faillit devenir un patriarcat.
Malgré la négligence des archéologues pour le passé Chrétien, & la défaillance des pouvoirs publics pour tout ce qui touche au patrimoine dit paléo-Chrétien, les pierres elles-mêmes crient, surtout celles des baptistères anciens, des tombes & des monuments restés debout, qui font comprendre, pour ainsi dire d'une manière palpable, l'existence d'une seule & même civilisation Chrétienne au Vème siècle, s'étendant de la Syrie à la Bretagne, & de l'Afrique à la Provence.
Ces racines, ces lieux saints, sont une prédication silencieuse, devant nos yeux, à portée de main, mais aussi une clef pour comprendre les ruptures qui ont eu lieu en Occident & que les historiens appellent le « schisme de 1054 ». Or, il ne s'agit pas d'une séparation de l'Orient & de l'occident, mais d'une lutte intérieure, qui fit rage dans les frontières mêmes de l'ancien empire romain. Les barbares qui ont envahi la Gaule, l'Italie, l'Espagne, ont en effet mis plusieurs siècles pour s'emparer complètement du pouvoir politique, puis pour contrôler l'Eglise, laquelle a longtemps assumé une fonction d'ethnarchie, de pouvoir spirituel défendant les intérêts des Orthodoxes asservis. La lutte des barbares contre l'Eglise gallo-romaine a été politique & ecclésiastique, mais aussi théologique.
Le monde carolingien a voulu, notamment, constituer une théologie qui ne fût pas soumise aux critères de la théologie patristique, parce que cette dernière constituait le trait d'union le plus fort entre les peuples vaincus d'Occident & les ennemis potentiels d'Orient. Elle était, en effet, celle des Gallo-romains, Italo-romains, Celto-romains..., mais aussi celle de l'empire romain d'Orient, cet empire « grec » ou « byzantin » qui, même affaibli, représentait une menace pour les royaumes germano-franks. Les théologiens franks eurent donc pour tâche de transformer ces romains d'Orient en hérétiques, que l'on pourrait massacrer tranquillement. Grâce à cette politique, les princes franks suscitèrent contre l'empire d'Orient le sinistre épisode des croisades.
La théologie « franke » se fonda à la fois sur la méthode théologique & sur certains points de doctrine, comme la prédestination, qui avaient été élaborés par Augustin d'Hippone. Cet auteur, en effet, n'avait jamais eu, avant le VIII7me siècle, l'autorité doctrinale que lui donnèrent les théologiens franks puis les scolastiques. Ils aboutirent à une théologie entièrement différente de celle des Pères.
L'histoire qui suivit fut celle d'une oppression, à la fois matérielle & culturelle, de l'élément gallo-romain par les dominateurs franks. Lentement, toutefois, les aspirations politiques & culturelles des vaincus resurgirent. De multiples faits historiques, comme l'essor des communes, ou le développement de la littérature médiévale, attestent cette renaissance.
De tous ces faits, de toute cette lutte des Gallo-romains soumis à la féodalité & se libérant peu à peu, les grands historiens du XIX° siècle, en particulier Fauriel & Augustin Thierry, avaient conscience, & ils les ont exposés dans leurs principaux écrits.
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