dimanche 18 mars 2012
VIE DE SAINT PATAPIOS DE THEBES.
VIE DE SAINT PATAPIOS.
Traduction de Presbytéra Anna.
PREFACE.
La terre de Corinthe, où l'on voit encore des ruines de la maison où l'Apôtre Paul travaillait de ses mains, est une terre bénie. Jusqu'à ce jour, une multitude de Monastères y vivent l'Ascèse Orthodoxe des Pères. Parmi ces Monastères, il faut remarquer surtout celui des Saints Archanges, fondé par le Père Moïse de Bienheureuse mémoire, le Père spirituel de Monseigneur Callixte de Corinthe, auquel Dieu a donné d'accomplir la simplicité de l'Evangile & de chasser en Son Nom les démons.
C'est à l'occasion d'une visite au Monastère des Saints Archistratèges Michel & Gabriel à Athikia que Monseigneur Callinique d'Achaïe nous a conduits à la ville de Loutraki, de l'autre côté de l'Isthme de Corinthe, pour rendre visite au Monastère de Saint Jean Baptiste qui est sous son omophore.
Pendant que la voiture de Monseigneur Callinique montait avec difficulté la montagne de Géranéia, qui offre une vue impressionnante sur toute la baie de Corinthe, nous songions qu'il y avait là une figure du progrès spirituel tel que le décrit Saint Grégoire de Nysse : celui qui se déprend des choses sensibles devient « épopte », « voyant », il voit le monde comme d'un observatoire élevé & il s'écrie avec l'Ecclésiaste : « Tout est vanité ».
Après nous avoir fait visiter le Monastère du Précurseur Jean le Baptiste, Monseigneur Callinique nous a proposé d'aller en haut de la montagne de Géranéia vénérer Saint Patapios dont nous ignorions tout.
C'est à l'intérieur d'un petit Monastère de Moniales, dans une grotte transformée en chapelle, que se trouve le corps intact & embaumant du Saint. Il fut découvert en 1904 par le Prêtre Constantin Sousannes qui venait célébrer la liturgie dans la petite église construite dans la grotte. Derrière l'iconostase où l'on vénère les icônes de Saint Nikon le Nouveau & de Saint Patapios, le sanctuaire est très petit. Le père Constantin était grand de taille & il avait décidé d'élargir un peu le sanctuaire pour y célébrer plus facilement la liturgie. C'est en creusant du côté ouest de l'église que l'on découvrit la crypte & le corps du Saint, non corrompu, parce qu'il avait été toute sa Vie, par sa Prière & son Ascèse, le réceptacle de la Grâce incréée.
Sur un parchemin était écrit le nom de Saint Patapios. Depuis ce temps, un grand nombre de miracles s'opèrent par la vénération des reliques & la Prière du Saint, comme il s'en opère devant les corps non corrompus de Saint Gérasim de Céphalonie ou de Saint Spiridon de Corfou.
Père Patric Ranson.
ADDENDUM.
La vénération de Saint Patapios dans son petit Ermitage de Corinthe fut la dernière étape du pélerinage de Père Patric et de sa fille Photinie en Grèce où ils avaient amené avec eux des pèlerins Orthodoxes, après quoi tous deux trouvèrent la Mort dans un accident terrible. Par tes Prières, Saint Patapios, aie pitié d'eux, & fais-les reposer auprès de toi & du Saint Père Ambroise, là où il n'y a ni peines, ni soupirs, mais la Joie éternelle. Amin.
VANITE DES VANITES.
Saint Patapios naquit en l'an 380 dans la ville égyptienne de Thèbes. Tout en exerçant sa double profession de médecin & de philosophe, son père, qui descendait d'une des plus illustres familles du pays, était aussi gouverneur de sa province. Sa femme & lui, qui étaient de fervents Chrétiens, baptisèrent l'enfant & lui donnèrent une éducation Orthodoxe. Ils l'instruisirent avec soin dans les Saintes Ecritures. Puis ils firent venir d'Alexandrie des maîtres réputés qui lui transmirent toute la science de leur époque.
Plus Patapios avançait en âge, plus il progressait dans la vertu. Et plus il s'apercevait du caractère éphémère des choses de ce monde, comprenant que véritablement « vanité des vanités, tout est vanité »; plus aussi il était attiré par une vie ascétique, ou, comme l'on disait alors, philosophique...
Les enseignements de Pandion, de Clément, d'Origène, & le récit de leurs luttes l'émurent beaucoup. Et, plus proches dans le temps, les combats de Saint Athanase & du grand Antoine inspiraient à son âme la vénération & la contrition, lui mettant au coeur le désir de les imiter. C'est pourquoi, souvent, on le voyait sortir de la ville pour gagner le Désert. Il y florissait alors une multitude d'anachorètes, avec lesquels il s'entretenait des questions spirituelles utiles au Salut de l'âme.
AMMOUN SAUVé PAR PATAPIOS.
Mais, un soir, le jeune Patapios ne retourna pas à la maison paternelle. Ses parents s'alarmèrent. Toute la nuit, armés de lampes, ils battirent la campagne, dans l'espoir de le retrouver. Pour finir, c'était déjà le petit matin lorsqu'ils le virent assis au pied d'un rocher. Il y avait là aussi un jeune homme blessé, nommé Ammoun, qui était tombé avec son chameau de toute la hauteur de la falaise rocheuse. Le jeune Patapios – il pouvait bien avoir treize ans à l'époque- lui tenait compagnie tout en prenant soin de lui. Et ses Prières avaient fini par guérir le chameau & sauver Ammoun qui, sans le secours du jeune Patapios, serait Mort.
Ammoun, le petit blessé, racontait ensuite que, cette nuit-là, il s'était vu baigné d'une lumière aveuglante dont le feu le réchauffait en même temps qu'une énergie puissante le ramenait à la vie. Par la suite, Ammoun devait suivre le Saint sa vie entière, & demeurer fidèlement à son obéissance.
A la ville, la nouvelle se répandit bientôt, & tous les thébains ne tardèrent pas à aimer Patapios, & à le vénérer comme un Saint.
PATAPIOS RENONCE A TOUT POUR L'AMOUR DU CHRIST.
Après quoi, son père l'envoya à Alexandrie, à l'école catéchétique, dont la renommée était grande à l'époque. Là, Patapios eut un maître dont l'influence devait être déterminante pour la sagesse, la vertu, & la Sainteté de Patapios : Didyme l'Aveugle, le même auquel le grand Antoine avait déclaré : « Ne te soucie donc pas, Didyme, de ce que tu es privé des yeux du corps. Ces yeux-là sont bons pour les mouches & pour les moustiques. Mais eéjouis-toi plutôt de ce que tu possèdes les yeux de l'âme, qui, chez toi, sont ouverts sur les beautés divines, spirituelles & célestes. »
Lorsqu'il eut achevé ses études à l'école catéchétique, & qu'il fut revenu à Thèbes, il apprit avec un vif chagrin qu'on s'apprêtait à la nommer gouverneur des finances de sa province. Patapios ne voulut pas accepter cette charge, & préféra demander à sa mère la bénédiction pour se retirer au désert & y mener l'ascèse. Et voilà que le jeune homme qui était le plus riche de tous les jeunes gens de la ville, & qui avait tant de titres & de parchemins dans sa bibliothèque, préférait abandonner tout cela pour mener la vie dure de l'ascèse afin de sauver plus sûrement son âme.
Il alla d'abord au Monastère des Tavennissiotes, qui était le centre monastique de la Thébaïde. Là, il s'adonna à l'ascèse, à la Prière, au jeûne, à la veille, à l'étude des Saintes Ecritures, de la Vie des Saints, & des Ecrits des Saints Pères qui avaient fleuri depuis l'origine jusqu'à son temps.
Il y demeura dix années, durant lesquelles il faisait l'admiration de tous. La célébrité de Saint Patapios, réputé savant & thaumaturge, était parvenue jusqu'aux confins de l'Egypte.
C'est alors que se présenta au Monastère des Tavennissiotes une délégation venue de Thèbes qui, le gouverneur en tête, le prièrent avec insistance de revenir à Thèbes, pour y être consacré Evêque de la ville. Mais l'humble Patapios s'y refusa.
LA VILLE LIBEREE DE LA PESTE.
De partout maintenant, les Moines & les laïcs venaient à lui pour retirer de son enseignement du profit pour leurs âmes. Mais lui, soucieux de ne pas tomber dans l'orgueil, & de se donner plus entièrement à Dieu, s'enfuit du célèbre Monastère des Tavennissiotes, & senfonça plus profondément dans le désert. Là, il s'installa une cabane pour y mener l'ascèse.
Mais à la même époque, s'abattit sur la ville de Thèbes une terrible épidémie de peste, qui en décima les habitants. Les Thébains songèrent alors à Saint Patapios. Ils lui envoyèrent une délégation pour le supplier de venir secourir ses compatriotes dans cette épreuve difficile. Le Saint, d'abord, s'y refusa. Il ne voulait pas se rendre à la ville sous des allures de guérisseur en vue. Il y alla pourtant, mais à la nuit, & sans être reconnu de personne, il entreprit l'oeuvre immense de guérir les malades.
Les pieds nus & la tête couverte, il allait vêtu du manteau rapiécé des anachorètes, &, entrant à l'improviste dans les maisons des malades, il les guérissait de leur mal sans que nul ne le reconnût.
Et quand enfin l'épidémie eut entièrement cessé d'exercer ses ravges sur la ville, tous se mirent en quête de ce Moine thaumaturge. Mais personne ne put le trouver. Il s'en était allé aussi subrepticement qu'il était venu. Tous, pourtant, comprirent bientôt qu'il s'agissait là de leur cher compatriote Patapios reparti au désert.
Mais, maintenant qu'il avait guéri les siens, tout le monde se mit d'autant plus à l'honorer & à le vénérer comme un Saint. Et, chaque jour, une foule de Moines, accompagnés de leurs Higoumènes, accouraient à sa cabane pour y recevoir ses enseignements & en tirer du profit spirituel.
GUERISON DE L'HIGOUMENE SERAPION.
Il arriva qu'un jour l'Higoumène d'un Monastère voisin tomba malade. Sérapion – c'était son nom- fut porté par ses Moines au-devant de Saint Patapios; & l'on priait l'Ascète de le guérir.
Le Saint alors, s'agenouillant avec les Moines, supplia le Christ Tout-Puissant de le guérir. Puis le Saint plaça la main sur Sérapion qui était si gravement malade & -ô miracle!- l'Higoumène guérit sur-le-champ.
Ce miracle, ajouté à d'autres semblables qu'il accomplissait, avaient beau être tenus soigneusement cachés par le Saint, ils n'en furent pas moins connus de tous. Et l'on accourait à lui pour recevoir bénédiction & guérison. Bientôt on lui apporta, outre ceux dont le corps était atteint, ceux aussi dont l'âme était malade, avec l'entière certitude qu'il saurait les guérir. Et tous ceux qui venaient avec Foy & repentir, il les guérissait.
GUERISON D'UN PARALYTIQUE, FILS UNIQUE D'UNE VEUVE.
Une veuve n'avait qu'un fils, paralytique de naissance. Un jour, donc, on le mit sur un âne, & on l'amena avec sa soeur à Saint Patapios pour qu'il guérisse.
Ils errèrent longtemps, parce qu'ils ne savaient pas exactement où se trouvait la skyte du Saint. Cependant, Saint Patapios se trouvait non loin de là, priant sur une hauteur. Lorsque, de loin, il vit venir ces gens, il s'empressa d'aller au-devant d'eux, & il leur demanda ce qu'ils cherchaient. Les deux femmes qui ne le connaissaient pas lui dirent : « C'est Saint Patapios que nous cherchons. Nous t'en supplions, mène-nous à lui pour qu'il guérisse Kipht, cet enfant paralysé de naissance ».
Le Saint fut pris de compassion, &, s'agenouillant, il se mit en prières, suppliant notre Seigneur Jésus Christ de le guérir. Longtemps, il Pria. Et le miracle eut lieu. Le petit Knipht se mit à marcher.
Alors les femmes comprirent que ce Moine n'était autre que Saint Patapios. Saisies d'une joie indescriptible, elles n'avaient pas de mots pour le remercier.
Ce miracle se répandit bientôt dans nombre de villes de la Thébaïde. Mais cela n'était pas pour plaire au Saint. Il ne voulait pas que son nom fît du bruit. Le Bienheureux était si humble en vérité!
DEVANT « ABBOU KYR ». (ABOUKIR).
Sur ces entrefaites, Saint Cyrille devint Patriarche d'Alexandrie. C'était un ancien compagnon de Patapios, qui avait été élève avec lui autrefois à l'Ecole alexandrine.
A l'époque, cependant, demeurait encore en Haute Egypte le culte idolâtre du devin de « Cyra ». Là se pressait une foule d'idolâtres qui venaient pour connaître leur avenir & recevoir des guérisons. Ce lieu de divination était un centre de spiritisme où opérait Satan, car c'était bien à lui que l'on venait en fait rendre ce culte. Saint Cyrille, voulant détruire cet antre du diable, décida d'y transporter les Saints restes des Saints Anargyres Cyr & Jean, ainsi que ceux des vierges martyres Théoktiste, Théodotée, Eudocie, & de leur mère Athanasia.
Le Patriarche pria également Saint Patapios de venir à Alexandrie pour prendre part à cette grande procession & au transfert des Saintes Reliques.
A l'immense « litanie » se joignirent encore des milliers de moines & de clercs & une foule innombrable de peuple venu de toutes les régions d'Egypte.
Six jours après, le cortège arrivait au village de Ménouchi. On y déposa les Saintes Reliques qui y opérèrent beaucoup de miracles. Depuis lors, & à cause des miracles des Saints Cyr & Jean, la ville & la campagne avoisinante furent appelés Abba Cyr ou « Abbou Kyr », & ce nom est resté jusqu'à aujourd'hui (Aboukir).
De ce moment, le culte divinatoire de l'idole de « Cyra » tomba dans l'oubli, incapable de rivaliser avec les miracles des Saints Anargyres Cyr & Jean.
Cette grande « litanie » donna en outre au Patriarche Cyrille & à Patapios l'occasion de s'entretenir des grandes questions de l'Orthodoxie. Ils ne comprenaient que trop bien tous deux que sur le siège impérial de Constantinople, on se jouait de l'Orthodoxie. Au Patriarche de la métropole, il eût fallu pour conseillers des clercs savants qui fussent en même temps des hommes sûrs.
Cyrille suggéra alors à Saint Patapios de prendre part à cette oeuvre, disant qu'il était le plus apte de tous. Mais le Saint s'y refusa. « Je n'en suis pas capable », dit-il.
Patapios retourna ensuite au désert pour y continuer son ascèse. La foule accourait afin d'entendre ses divines paroles ou de recevoir la guérison de maladies incurables.
Et bientôt des disciples vinrent installer leurs cabanes non loin de la sienne.
FUITE A CONSTANTINOPLE.
Mais aux alentours de l'année 428, après avoir laissé à leur tête un Higoumène, le Saint se mit en route pour Constantinople. Le bateau cependant essuya une terrible tempête. Tous suppliaient Dieu de les sauver. Au même moment, un mât se rompit, & vint frapper le capitaine. Le vaisseau demeurait sans guide au gouvernail. Alors, perdant leur sang-froid, les passagers furent saisis de panique. Mais à cet instant s'éleva une voix venue d'auprès du gouvernail qui leur ordonnait à tous de descendre dans la cale du navire, tandis que l'équipage poursuivrait ses efforts. Se retournant, ils virent que Patapios, le Moine, tenait le gouvernail. Avant l'aube, la tempête avait pris fin. Le Saint les avait sauvés. Ils s'aperçurent alors que le pilote, qu'ils avaient cru Mort, n'avait pas la moindre blessure. Saint Patapios les avait sauvés.
SECHNOUTI.
Un des membres de l'équipage s'appelait Sechnouti. C'était un rameur d'origine égyptienne. Tombé malade, il demanda à Patapios, qui était son compatriote, de venir à son secours en le guérissant. Tout le jour, le Saint s'affaira à le soigner. Mais le soir, il le laissa à d'autres pour aller faire sa prière quotidienne.
Cette nuit-là, la mer fut très mauvaise.
Il pleuvait à verse & un vent terrible soufflait. Les membres de l'équipage & tous ceux des passagers qui pouvaient leur venir en aide, luttèrent de toute leur force pour tenir la mer. Personne ne se souciait plus de Sechnouti qui était malade. Tous étaient bien trop occupés à faire front contre l'ouragan. Au matin pourtant, ils s'aperçurent que Sechnouti manquait. Les vagues l'avaient emporté. Et tous s'affligeaient, se rendant les uns & les autres responsables de sa disparition.
Le Saint restait assis à l'écart, muet & pensif. Il semblait ne rien entendre au sujet de Sechnouti.
L'ouragan cependant recommençait à faire rage. Le capitaine décida de longer les côtes de la Crète, pour trouver un endroit abrité du vent & y faire relâche jusqu'à ce que la tempête s'apaise. Là, les voyageurs pourraient se refaire un peu & remettre les voiles en état. Et de fait, au coucher du soleil, ils parvinrent à entrer dans une petite baie.
Mais quelle ne fut pas leur surprise à tous lorsqu'ils eurent mis pied à terre? Que virent-ils? Là, devant eux, Sechnouti, qui les attendait! Sechnouti que les vagues avaient enlevé la nuit passée!
Lorsque les vagues m'eurent enlevé, leur dit-il alors, je me retrouvai sur le dos d'une baleine, laquelle, se guidant à un signal lumineux qui la guidait, me mena sain & sauf sur le rivage de cette baie où elle me déposa ».
Tous alors coururent s'agenouiller aux pieds de Saint Patapios, lui demandant sa bénédiction. Car ils comprenaient que c'était la prière du Saint qui avait sauvé le matelot.
Sechnouti le supplia de bien vouloir le prendre pour disciple : il accompagnerait son maître partout où il irait. Le Saint acquiesça à sa demande. Et le pilote du navire, qui était idolâtre, à la vue de ces miracles, demanda au Saint de lui conférer le baptême des Chrétiens. Ils gagnèrent ensuite une grotte située non loin de là, où ils allumèrent un feu pour y demeurer jusqu'à ce que la tempête s'apaise. Et, une fois à l'abri, le Saint lui parla du Christ & l'initia à la Foy des Chrétiens.
Ils ne restèrent que peu de jours en Crète. Le beau temps était à peine revenu que déjà ils se mettaient en route pour Constantinople. Et ils étaient unis par le même amour tendre qui règne netre les frères d'une même famille. Ils rendaient gloire à Dieu pour ces miracles qu'ils voyaient, & pour le Saint qui était avec eux.
Un jour pourtant, le pilote du navire dit au Saint : « Père, nous allons passer par Corinthe, ma patrie. Je voudrais aller à la rencontre des miens pour leur dire que je suis devenu Chrétien, & faire en sorte qu'eux aussi soient baptisés.
CORINTHE.
Et de fait, après un voyage qui dura de longs jours, ils arrivèrent à l'Afnéio, près de Corinthe. Le Saint y reçut la visite de gens d'Eglise qui le supplièrent de demeurer là quelque temps. C'est ainsi que, par une économie divine, Saint Patapios se trouva dans la campagne de Corinthe, que sa présence allait sanctifier pour les siècles.
Tout de suite les Monts Géraniens, en face de Corinthe, avaient retenu son attention. A leur pied, sur l'emplacement de la Loutraki d'aujourd'hui, se trouvait une grotte. C'était là qu'avait dormi l'Apôtre André lorsqu'il était en chemin pour Patras; là aussi qu'en 1345 Jean Cantacuzène érigea une église à Saint André. Elle existe encore d'ailleurs encore, près des établissements thermaux.
Au moment où Saint Patapios arriva dans cette grotte, elle était occupée par une synodie de Moines. Y faisant étape pendant son voyage à Constantinople, le Saint entreprit de leur enseigner l'ascèse & la Prière, suivant le modèle & la règle des Monastères égyptiens.
LA GROTTE DES GERANIENS.
Le Saint chérissait l'Hésychia et son silence divin. Aussi chercha-t-il à monter plus haut sur les Monts Géraniens. Il y trouva une autre grotte. Elle avait servi de refuge aux premiers Chrétiens durant les persécutions. C'est là que le Saint s'établit; &, non loin de là s'installèrent aussi ses sept disciples qui étaient ses compagnons d'ascèse. Peu après, le Saint apprit qu'il y avait sur les Monts géraniens une autre communauté monastique, dont l'higoumène, très instruit d'ailleurs, était un Saint. Aussi ces autres Moines se joignirent-ils à eux. Et, dans la grotte, ils construisirent une chapelle. C'est là qu'ils rendaient le culte à Dieu & qu'ils recevaient les enseignements du Saint.
GUERISON DU MOINE ARSENE.
Une nuit, on avertit Saint Patapios qu'un Moine, malade, gisait dans la cabane. Il s'agissait du Moine Arsène, qui était originaire de Corinthe. Arsène était l'un des premiers disciples du Saint. Il avait beaucoup de zèle & d'amour pour le Christ. Le Saint aimait beaucoup le Géronda Arsène, & le proposait souvent en exemple aux autres. Il travaillait comme tisserand & il enseignait son art aux Moines pour qu'ils puissent se procurer les économies nécessaires à leur subsistance.
Aussitôt le Saint courut à la cabane du malade. Là, il pria longtemps avec ses frères. Et le miracle eut lieu : Arsène guérit.
Un soir, à l'heure où il entretenait ses disciples, il leur dit : « Je voudrais, mes pères, qu'après ma Mort, quelque soit sur terre l'endroit où je meure, vous transportiez mes restes ici, pour les ensevelir dans ma chère grotte des Géraniens. »
Et que de fois, à l'époque, les religieux comme les chefs politiques de Corinthe & des villages alentour étaient venus le prier de devenir leur Evêque! Mais lui, toujours, humble comme il était, s'y refusait.
EN ROUTE POUR CONSTANTINOPLE.
En 435, Saint Patapios quitta sa skyte des Géraniens pour aller à Constantinople. Avec lui il emmenait le Moine Sechnouti, qui lui était d'un grand secours dans tous ses déplacements.
Parvenu à Constantinople, il se présenta en inconnu au Monastère des Blachernes. Car, afin de fuir la louange des hommes, il ne voulait pas qu'on sache qui il était.
Là, de plus belle, il recommença son ascèse. Il n'accordait aucune importance à la nourriture ni au vêtement. Il se mortifiait & priait sans cesse. Il vivait là comme un Ange. Aussi Dieu le Glorifia-t-il, lui octroyant le don & lui donnant le pouvoir de faire des miracles. Au Monastère, le Saint avait la diaconie de portier. Et voivi qu'un jour où le Saint se trouvait à la porte du Monastère, il vit passer le convoi funèbre d'une femme qui était Morte le jour précédent. Ses parents pleuraient & se lamentaient. Mais, à l'instant où le cortège passait devant le Moine tout ému, la Morte se dressa sur son séant, se signa, & regarda le Moine avec vénération. Puis, elle descendit du cercueil, s'agenouilla devant le Saint & lui baisa les mains. Elle l'appela par son nom, Patapios. De cet instant, le Saint fut reconnu des Moines, & bientôt de toute la capitale.
Alors que Patapios se trouvait dans la grande Ville, il vit venir à lui un aveugle-né.
Je t'en prie, Saint de Dieu, rends-moi la lumière de mes yeux!
Comment peux-tu même songer, lui répondit le Saint, à solliciter de moi un si grand miracle? Ce n'est pas là une oeuvre pour la créature, mais pour le Créateur!
Si toi tu le veux, & si tu supplies Dieu, tu me donneras la lumière », dit l'aveugle.
Voyant la Foy de l'aveugle, le Saint fit sur lui le signe de croix & dit :
Au Nom de notre Maître Jésus-Christ, qui éclaire les aveugles & ressuscite les Morts, je te l'ordonne, vois!
Il avait à peine achevé ces mots qu'aussitôt – ô miracle!- l'aveugle voyait la lumière. Ivre de joie & d'allégresse, celui qui, jusque là avait toujours été sans rien voir, rendit gloire à Dieu & baisa les mains du Saint.
L'HYDROPIQUE.
Il y avait encore parmi les habitants de Constantinople un homme qui souffrai d'hydropisie. Et son ventre était enflé comme une baudruche. Il dépensait tout son bien en médecins. Et son argent les enrichissait, sans qu'il reçût d'eux aucun profit. Il souffrait énormément. Lorsque le malheureux comprit qu'il ne pouvait pas obtenir la guérison du secours des hommes, il courut voir le Saint. Il lui montra son ventre, & le supplia d'avoir pitié de lui & de prier le Seigneur de le guérir.
A la vue d'un spectacle si pitoyable, le Saint fut touché de compassion; car ce n'était pas le ventre seulement qui était ainsi gonflé & ballonné, mais tout le corps qui était tendu comme une outre, lui causant une douleur inexprimable. Le Saint se mit donc à prier le Seigneur, avant de faire le signe de la Croix sur ce ventre de douleur. Puis il lui fit une onction de l'huile de sa veilleuse, disant : « Le Christ, mon Maître, qui a guéri l'hydropique, te guérira aussi ».
Et comme le Saint disait ces mots, les liens qui, dans le ventre retenaient les humaures, se rompirent, &, par les voies naturelles, toutes les eaux impures s'écoulèrent. En un instant, le malade était devenu parfaitement sain. Et tous ceux qui virent cela étaient remplis d'admiration.
LE DEMON CHASSé.
Un autre jeune homme était possédé par un démon effroyable. Parfois, le malheureux déchirait ses vêtements é restait tout nu ; d'autres fois, il se jetait dans l'eau au risque de se noyer. Un jour même, tandis qu'il marchait sur la route, Satan l'avait soudain entraîné, & allait le jeter dans la mer, lorsque, par une intervention divine, il avait au même instant rencontré Saint Patapios. Le démon, lorsqu'il le vit, secoua puiisamment le jeune homme. Et celui-ci roulait des yeux féroces, tandis que l'écume lui sortait de la bouche. Ses dents s'entrechoquaient, & il regardait le Saint avec sauvagerie. Mais, comme celui-ci s'approchait, le démon qui était au-dedans du jeune homme, comme en pleurant lui dit : « Ah! Quel malheur je souffre§ Que vient faire ici Patapios? Que vais-je devenir? Où irais-je trouver un lieu pour habiter? Que j'aille en ville ou dans les déserts, tu me devance, Nazaréen, & avec cette croix, qui est sa marque, tu me chasses. Tu l'emportes sur moi, & je dois me dissiper.
Et en disant cela, le démon souleva le jeune homme en l'air & le projeta à terre avec violence. Avec sa main, le grand Saint du Christ traça dans l'air le signe de la Croix, disant : « Sors, esprit impur, & va-t-en loin dans le désert. Le Christ te l'ordonne, dont tu as condamné la Puissance. »
Comme il disait ces mots, dans une ultime convulsion, le démon sortit. Cela fit comme une fumée, puis il s'éloigna. Le jeune homme pleurait de joie, rendant gloire à Dieu & action de grâce au Saint.
GUERISON DE LA CANCEREUSE.
Une autre personne, une femme, était atteinte à la poitrine de la redoutable maladie du cancer. Toute cette partie de son corps s'était comme pétrifiée, & du pus sortait de son sein. En outre, la malheureuse ne souffrait pas seulement de la poitrine, mais, partout, elle n'était que plaies. Or le mal atteignait le coeur, la mettant en danger de Mort. Et elle, voyant que les médecins mangeaient son bien, & le pus ses chairs, finit par se rendre auprès de Saint Patapios. Toute en pleurs, elle se jeta à ses pieds : « Guéris-moi, pauvre de moi, » implora-t-elle. « Guéris-moi, serviteur de Dieu. Aie pitié de moi, l'infortunée que les vers dévorent avant même que je ne sois dans la tombe; ils me causent tant de maux pourtant, que je préfèrerais encore la Mort ».
Si tu as dans le Seigneur, répondit-il, une Foy pure & sans tache, & si tu ne doutes pas de ta guérison, alors qu'il te soit fait selon ton désir. »
Et elle, du plus profond de son âme, exhala un soupir : « Je crois, ô homme de Dieu, que par la Grâce de Dieu tu es tout puissant. Je t'en supplie, guéris-moi de mes maux. »
Alors le Saint lui demanda de lui montrer ses plaies. Un spectacle aussi effrayant le laissa aussitôt sans voix. Pris de compassion, il lui dit : « En vérité, ton mal est pitoyable & difficile à guérir, mais la Foy vient toujours à bout de tout & l'espérance est porteuse de guérison. Et maintenant va en paix, tes souffrances ont cessé. »
A l'instant même, la femme guérit. Elle repartit, rendant gloire à Dieu & remerciant le Saint. Et partout elle allait proclamant le miracle & répandant la renommée du Saint.
SA DORMITION.
Tels sont les miracles, & bien d'autres encore, que la grâce du Saint Esprit opéra par l'entremise de Saint Patapios. Et le moment arriva pour lui de quitter cette vie éphémère pour entrer dans l'autre, qui est éternelle. Il s'en allait sous les yeux de ses disciples, qui pleuraient, inconsolables à l'idée qu'ils n'auraient plus la Grâce du Saint pour les protéger & les affermir.
« Père, disaient-ils, toi le plus doux des pères, pourquoi abandonner tes enfants orphelins? Pourquoi aller dans l'autre patrie? Qui fera cesser notre peine, & qui guérira les plaies de nos âmes? »
Le Saint, devant la Mort, ne montrait aucune lâcheté, aucun attachement pour cette vie éphémère.
« Mes enfants, leur disait-il, ne me faites pas vos adieux dans la tristesse & les larmes, parce qu'en agissant ainsi vous vous causez du tort à vous-mêmes ainsi qu'à moi. Mais priez plutôt Dieu pour mon âme & faites un office de supplication; cela vous sera d'un grand profit ».
C'est ainsi que le Saint mit fin à leurs lamentations, en même temps qu'il les édifiait à propos de la bienheureuse éternité.
Puis il se mit à prier pour eux & tandis qu'il était en Prière, il remit sa sainte âme au Seigneur. L'on était en l'an 463; le Saint était alors âgé de quatre-vingt trois ans.
Ses disciples se mirent alors en devoir d'ensevelir son saint corps dans l'église du Précurseur.
LA DECOUVERTE A LOUTRAKI DE SA RELIQUE.
Tous ces faits touchant la Vie du Saint aui sont rapportés ici n'étaient pas inconnus au début du siècle. Mais ce que l'on découvrit à une époque récente, ce fut sa Sainte Relique qui dormait dans son ermitage des Monts Géraniens, surplombant Loutraki en face de Corinthe.
C'est là le leiu bienheureux que Saint Patapios avait choisi pour y mener l'ascèse; là aussi que fut découverte sa dépouille toute vénérable, que tant de siècles avaient laissée intacte & embaumante.
En effet, si la chapelle avait de nouveau servi à célébrer la liturgie aux alentours de 1500, elle avait été laissée à l'abandon depuis Patapios jusqu'à cette date, c'est-à-dire jusqu'à la chute de Constantinople. Elle était belle pourtant, ainsi creusée à même la grotte, avec son iconostase où figurent en pied les grandes silhouettes bien droites du Saint Père Nikon le jeune, de Saint Patapios, de Sainte Patience, & d'autres Saints encore.
Il fallut néanmoins attendre 1904 pour faire la découverte de la Sainte Relique. Cette année-là, un Prêtre célébrait à l'Ermitage. Constantin Sousanis – tel était son nom – s'acquittait de ses devoirs liturgiques. Mais, parce qu'il était de haute taille, il était gêné par le plafond trop bas de la grotte & par l'étroitesse du sanctuaire. Il eut alors l'idée d'agrandir l'endroit pour l'aménager plus spacieusement. Il fit venir des ouvriers qui pratiquèrent une ouverture dans le mur ouest de la chapelle. Quelle ne fut pas leur stupeur lorsqu'ils découvrirent, cachée là depuis des siècles, la vénérable dépouille d'un Saint conservé intact, & dont s'exhalait un parfum d'une incomparable suavité – l'odeur de Sainteté qui s'exhale des corps des Bienheureux-. C'est grâce au manuscrit qu'il tenait entre les mains qu'ils purent identifier le corps, car sur le papyrus figurait son nom : « Saint Patapios ».
Après la découverte de la Sainte Relique, l'on put voir, & l'on voit encore, s'opérer une multitude de miracles pour ceux qui le Prient avec Foy.
FIN.
Traduction de Presbytéra Anna.
PREFACE.
La terre de Corinthe, où l'on voit encore des ruines de la maison où l'Apôtre Paul travaillait de ses mains, est une terre bénie. Jusqu'à ce jour, une multitude de Monastères y vivent l'Ascèse Orthodoxe des Pères. Parmi ces Monastères, il faut remarquer surtout celui des Saints Archanges, fondé par le Père Moïse de Bienheureuse mémoire, le Père spirituel de Monseigneur Callixte de Corinthe, auquel Dieu a donné d'accomplir la simplicité de l'Evangile & de chasser en Son Nom les démons.
C'est à l'occasion d'une visite au Monastère des Saints Archistratèges Michel & Gabriel à Athikia que Monseigneur Callinique d'Achaïe nous a conduits à la ville de Loutraki, de l'autre côté de l'Isthme de Corinthe, pour rendre visite au Monastère de Saint Jean Baptiste qui est sous son omophore.
Pendant que la voiture de Monseigneur Callinique montait avec difficulté la montagne de Géranéia, qui offre une vue impressionnante sur toute la baie de Corinthe, nous songions qu'il y avait là une figure du progrès spirituel tel que le décrit Saint Grégoire de Nysse : celui qui se déprend des choses sensibles devient « épopte », « voyant », il voit le monde comme d'un observatoire élevé & il s'écrie avec l'Ecclésiaste : « Tout est vanité ».
Après nous avoir fait visiter le Monastère du Précurseur Jean le Baptiste, Monseigneur Callinique nous a proposé d'aller en haut de la montagne de Géranéia vénérer Saint Patapios dont nous ignorions tout.
C'est à l'intérieur d'un petit Monastère de Moniales, dans une grotte transformée en chapelle, que se trouve le corps intact & embaumant du Saint. Il fut découvert en 1904 par le Prêtre Constantin Sousannes qui venait célébrer la liturgie dans la petite église construite dans la grotte. Derrière l'iconostase où l'on vénère les icônes de Saint Nikon le Nouveau & de Saint Patapios, le sanctuaire est très petit. Le père Constantin était grand de taille & il avait décidé d'élargir un peu le sanctuaire pour y célébrer plus facilement la liturgie. C'est en creusant du côté ouest de l'église que l'on découvrit la crypte & le corps du Saint, non corrompu, parce qu'il avait été toute sa Vie, par sa Prière & son Ascèse, le réceptacle de la Grâce incréée.
Sur un parchemin était écrit le nom de Saint Patapios. Depuis ce temps, un grand nombre de miracles s'opèrent par la vénération des reliques & la Prière du Saint, comme il s'en opère devant les corps non corrompus de Saint Gérasim de Céphalonie ou de Saint Spiridon de Corfou.
Père Patric Ranson.
ADDENDUM.
La vénération de Saint Patapios dans son petit Ermitage de Corinthe fut la dernière étape du pélerinage de Père Patric et de sa fille Photinie en Grèce où ils avaient amené avec eux des pèlerins Orthodoxes, après quoi tous deux trouvèrent la Mort dans un accident terrible. Par tes Prières, Saint Patapios, aie pitié d'eux, & fais-les reposer auprès de toi & du Saint Père Ambroise, là où il n'y a ni peines, ni soupirs, mais la Joie éternelle. Amin.
VANITE DES VANITES.
Saint Patapios naquit en l'an 380 dans la ville égyptienne de Thèbes. Tout en exerçant sa double profession de médecin & de philosophe, son père, qui descendait d'une des plus illustres familles du pays, était aussi gouverneur de sa province. Sa femme & lui, qui étaient de fervents Chrétiens, baptisèrent l'enfant & lui donnèrent une éducation Orthodoxe. Ils l'instruisirent avec soin dans les Saintes Ecritures. Puis ils firent venir d'Alexandrie des maîtres réputés qui lui transmirent toute la science de leur époque.
Plus Patapios avançait en âge, plus il progressait dans la vertu. Et plus il s'apercevait du caractère éphémère des choses de ce monde, comprenant que véritablement « vanité des vanités, tout est vanité »; plus aussi il était attiré par une vie ascétique, ou, comme l'on disait alors, philosophique...
Les enseignements de Pandion, de Clément, d'Origène, & le récit de leurs luttes l'émurent beaucoup. Et, plus proches dans le temps, les combats de Saint Athanase & du grand Antoine inspiraient à son âme la vénération & la contrition, lui mettant au coeur le désir de les imiter. C'est pourquoi, souvent, on le voyait sortir de la ville pour gagner le Désert. Il y florissait alors une multitude d'anachorètes, avec lesquels il s'entretenait des questions spirituelles utiles au Salut de l'âme.
AMMOUN SAUVé PAR PATAPIOS.
Mais, un soir, le jeune Patapios ne retourna pas à la maison paternelle. Ses parents s'alarmèrent. Toute la nuit, armés de lampes, ils battirent la campagne, dans l'espoir de le retrouver. Pour finir, c'était déjà le petit matin lorsqu'ils le virent assis au pied d'un rocher. Il y avait là aussi un jeune homme blessé, nommé Ammoun, qui était tombé avec son chameau de toute la hauteur de la falaise rocheuse. Le jeune Patapios – il pouvait bien avoir treize ans à l'époque- lui tenait compagnie tout en prenant soin de lui. Et ses Prières avaient fini par guérir le chameau & sauver Ammoun qui, sans le secours du jeune Patapios, serait Mort.
Ammoun, le petit blessé, racontait ensuite que, cette nuit-là, il s'était vu baigné d'une lumière aveuglante dont le feu le réchauffait en même temps qu'une énergie puissante le ramenait à la vie. Par la suite, Ammoun devait suivre le Saint sa vie entière, & demeurer fidèlement à son obéissance.
A la ville, la nouvelle se répandit bientôt, & tous les thébains ne tardèrent pas à aimer Patapios, & à le vénérer comme un Saint.
PATAPIOS RENONCE A TOUT POUR L'AMOUR DU CHRIST.
Après quoi, son père l'envoya à Alexandrie, à l'école catéchétique, dont la renommée était grande à l'époque. Là, Patapios eut un maître dont l'influence devait être déterminante pour la sagesse, la vertu, & la Sainteté de Patapios : Didyme l'Aveugle, le même auquel le grand Antoine avait déclaré : « Ne te soucie donc pas, Didyme, de ce que tu es privé des yeux du corps. Ces yeux-là sont bons pour les mouches & pour les moustiques. Mais eéjouis-toi plutôt de ce que tu possèdes les yeux de l'âme, qui, chez toi, sont ouverts sur les beautés divines, spirituelles & célestes. »
Lorsqu'il eut achevé ses études à l'école catéchétique, & qu'il fut revenu à Thèbes, il apprit avec un vif chagrin qu'on s'apprêtait à la nommer gouverneur des finances de sa province. Patapios ne voulut pas accepter cette charge, & préféra demander à sa mère la bénédiction pour se retirer au désert & y mener l'ascèse. Et voilà que le jeune homme qui était le plus riche de tous les jeunes gens de la ville, & qui avait tant de titres & de parchemins dans sa bibliothèque, préférait abandonner tout cela pour mener la vie dure de l'ascèse afin de sauver plus sûrement son âme.
Il alla d'abord au Monastère des Tavennissiotes, qui était le centre monastique de la Thébaïde. Là, il s'adonna à l'ascèse, à la Prière, au jeûne, à la veille, à l'étude des Saintes Ecritures, de la Vie des Saints, & des Ecrits des Saints Pères qui avaient fleuri depuis l'origine jusqu'à son temps.
Il y demeura dix années, durant lesquelles il faisait l'admiration de tous. La célébrité de Saint Patapios, réputé savant & thaumaturge, était parvenue jusqu'aux confins de l'Egypte.
C'est alors que se présenta au Monastère des Tavennissiotes une délégation venue de Thèbes qui, le gouverneur en tête, le prièrent avec insistance de revenir à Thèbes, pour y être consacré Evêque de la ville. Mais l'humble Patapios s'y refusa.
LA VILLE LIBEREE DE LA PESTE.
De partout maintenant, les Moines & les laïcs venaient à lui pour retirer de son enseignement du profit pour leurs âmes. Mais lui, soucieux de ne pas tomber dans l'orgueil, & de se donner plus entièrement à Dieu, s'enfuit du célèbre Monastère des Tavennissiotes, & senfonça plus profondément dans le désert. Là, il s'installa une cabane pour y mener l'ascèse.
Mais à la même époque, s'abattit sur la ville de Thèbes une terrible épidémie de peste, qui en décima les habitants. Les Thébains songèrent alors à Saint Patapios. Ils lui envoyèrent une délégation pour le supplier de venir secourir ses compatriotes dans cette épreuve difficile. Le Saint, d'abord, s'y refusa. Il ne voulait pas se rendre à la ville sous des allures de guérisseur en vue. Il y alla pourtant, mais à la nuit, & sans être reconnu de personne, il entreprit l'oeuvre immense de guérir les malades.
Les pieds nus & la tête couverte, il allait vêtu du manteau rapiécé des anachorètes, &, entrant à l'improviste dans les maisons des malades, il les guérissait de leur mal sans que nul ne le reconnût.
Et quand enfin l'épidémie eut entièrement cessé d'exercer ses ravges sur la ville, tous se mirent en quête de ce Moine thaumaturge. Mais personne ne put le trouver. Il s'en était allé aussi subrepticement qu'il était venu. Tous, pourtant, comprirent bientôt qu'il s'agissait là de leur cher compatriote Patapios reparti au désert.
Mais, maintenant qu'il avait guéri les siens, tout le monde se mit d'autant plus à l'honorer & à le vénérer comme un Saint. Et, chaque jour, une foule de Moines, accompagnés de leurs Higoumènes, accouraient à sa cabane pour y recevoir ses enseignements & en tirer du profit spirituel.
GUERISON DE L'HIGOUMENE SERAPION.
Il arriva qu'un jour l'Higoumène d'un Monastère voisin tomba malade. Sérapion – c'était son nom- fut porté par ses Moines au-devant de Saint Patapios; & l'on priait l'Ascète de le guérir.
Le Saint alors, s'agenouillant avec les Moines, supplia le Christ Tout-Puissant de le guérir. Puis le Saint plaça la main sur Sérapion qui était si gravement malade & -ô miracle!- l'Higoumène guérit sur-le-champ.
Ce miracle, ajouté à d'autres semblables qu'il accomplissait, avaient beau être tenus soigneusement cachés par le Saint, ils n'en furent pas moins connus de tous. Et l'on accourait à lui pour recevoir bénédiction & guérison. Bientôt on lui apporta, outre ceux dont le corps était atteint, ceux aussi dont l'âme était malade, avec l'entière certitude qu'il saurait les guérir. Et tous ceux qui venaient avec Foy & repentir, il les guérissait.
GUERISON D'UN PARALYTIQUE, FILS UNIQUE D'UNE VEUVE.
Une veuve n'avait qu'un fils, paralytique de naissance. Un jour, donc, on le mit sur un âne, & on l'amena avec sa soeur à Saint Patapios pour qu'il guérisse.
Ils errèrent longtemps, parce qu'ils ne savaient pas exactement où se trouvait la skyte du Saint. Cependant, Saint Patapios se trouvait non loin de là, priant sur une hauteur. Lorsque, de loin, il vit venir ces gens, il s'empressa d'aller au-devant d'eux, & il leur demanda ce qu'ils cherchaient. Les deux femmes qui ne le connaissaient pas lui dirent : « C'est Saint Patapios que nous cherchons. Nous t'en supplions, mène-nous à lui pour qu'il guérisse Kipht, cet enfant paralysé de naissance ».
Le Saint fut pris de compassion, &, s'agenouillant, il se mit en prières, suppliant notre Seigneur Jésus Christ de le guérir. Longtemps, il Pria. Et le miracle eut lieu. Le petit Knipht se mit à marcher.
Alors les femmes comprirent que ce Moine n'était autre que Saint Patapios. Saisies d'une joie indescriptible, elles n'avaient pas de mots pour le remercier.
Ce miracle se répandit bientôt dans nombre de villes de la Thébaïde. Mais cela n'était pas pour plaire au Saint. Il ne voulait pas que son nom fît du bruit. Le Bienheureux était si humble en vérité!
DEVANT « ABBOU KYR ». (ABOUKIR).
Sur ces entrefaites, Saint Cyrille devint Patriarche d'Alexandrie. C'était un ancien compagnon de Patapios, qui avait été élève avec lui autrefois à l'Ecole alexandrine.
A l'époque, cependant, demeurait encore en Haute Egypte le culte idolâtre du devin de « Cyra ». Là se pressait une foule d'idolâtres qui venaient pour connaître leur avenir & recevoir des guérisons. Ce lieu de divination était un centre de spiritisme où opérait Satan, car c'était bien à lui que l'on venait en fait rendre ce culte. Saint Cyrille, voulant détruire cet antre du diable, décida d'y transporter les Saints restes des Saints Anargyres Cyr & Jean, ainsi que ceux des vierges martyres Théoktiste, Théodotée, Eudocie, & de leur mère Athanasia.
Le Patriarche pria également Saint Patapios de venir à Alexandrie pour prendre part à cette grande procession & au transfert des Saintes Reliques.
A l'immense « litanie » se joignirent encore des milliers de moines & de clercs & une foule innombrable de peuple venu de toutes les régions d'Egypte.
Six jours après, le cortège arrivait au village de Ménouchi. On y déposa les Saintes Reliques qui y opérèrent beaucoup de miracles. Depuis lors, & à cause des miracles des Saints Cyr & Jean, la ville & la campagne avoisinante furent appelés Abba Cyr ou « Abbou Kyr », & ce nom est resté jusqu'à aujourd'hui (Aboukir).
De ce moment, le culte divinatoire de l'idole de « Cyra » tomba dans l'oubli, incapable de rivaliser avec les miracles des Saints Anargyres Cyr & Jean.
Cette grande « litanie » donna en outre au Patriarche Cyrille & à Patapios l'occasion de s'entretenir des grandes questions de l'Orthodoxie. Ils ne comprenaient que trop bien tous deux que sur le siège impérial de Constantinople, on se jouait de l'Orthodoxie. Au Patriarche de la métropole, il eût fallu pour conseillers des clercs savants qui fussent en même temps des hommes sûrs.
Cyrille suggéra alors à Saint Patapios de prendre part à cette oeuvre, disant qu'il était le plus apte de tous. Mais le Saint s'y refusa. « Je n'en suis pas capable », dit-il.
Patapios retourna ensuite au désert pour y continuer son ascèse. La foule accourait afin d'entendre ses divines paroles ou de recevoir la guérison de maladies incurables.
Et bientôt des disciples vinrent installer leurs cabanes non loin de la sienne.
FUITE A CONSTANTINOPLE.
Mais aux alentours de l'année 428, après avoir laissé à leur tête un Higoumène, le Saint se mit en route pour Constantinople. Le bateau cependant essuya une terrible tempête. Tous suppliaient Dieu de les sauver. Au même moment, un mât se rompit, & vint frapper le capitaine. Le vaisseau demeurait sans guide au gouvernail. Alors, perdant leur sang-froid, les passagers furent saisis de panique. Mais à cet instant s'éleva une voix venue d'auprès du gouvernail qui leur ordonnait à tous de descendre dans la cale du navire, tandis que l'équipage poursuivrait ses efforts. Se retournant, ils virent que Patapios, le Moine, tenait le gouvernail. Avant l'aube, la tempête avait pris fin. Le Saint les avait sauvés. Ils s'aperçurent alors que le pilote, qu'ils avaient cru Mort, n'avait pas la moindre blessure. Saint Patapios les avait sauvés.
SECHNOUTI.
Un des membres de l'équipage s'appelait Sechnouti. C'était un rameur d'origine égyptienne. Tombé malade, il demanda à Patapios, qui était son compatriote, de venir à son secours en le guérissant. Tout le jour, le Saint s'affaira à le soigner. Mais le soir, il le laissa à d'autres pour aller faire sa prière quotidienne.
Cette nuit-là, la mer fut très mauvaise.
Il pleuvait à verse & un vent terrible soufflait. Les membres de l'équipage & tous ceux des passagers qui pouvaient leur venir en aide, luttèrent de toute leur force pour tenir la mer. Personne ne se souciait plus de Sechnouti qui était malade. Tous étaient bien trop occupés à faire front contre l'ouragan. Au matin pourtant, ils s'aperçurent que Sechnouti manquait. Les vagues l'avaient emporté. Et tous s'affligeaient, se rendant les uns & les autres responsables de sa disparition.
Le Saint restait assis à l'écart, muet & pensif. Il semblait ne rien entendre au sujet de Sechnouti.
L'ouragan cependant recommençait à faire rage. Le capitaine décida de longer les côtes de la Crète, pour trouver un endroit abrité du vent & y faire relâche jusqu'à ce que la tempête s'apaise. Là, les voyageurs pourraient se refaire un peu & remettre les voiles en état. Et de fait, au coucher du soleil, ils parvinrent à entrer dans une petite baie.
Mais quelle ne fut pas leur surprise à tous lorsqu'ils eurent mis pied à terre? Que virent-ils? Là, devant eux, Sechnouti, qui les attendait! Sechnouti que les vagues avaient enlevé la nuit passée!
Lorsque les vagues m'eurent enlevé, leur dit-il alors, je me retrouvai sur le dos d'une baleine, laquelle, se guidant à un signal lumineux qui la guidait, me mena sain & sauf sur le rivage de cette baie où elle me déposa ».
Tous alors coururent s'agenouiller aux pieds de Saint Patapios, lui demandant sa bénédiction. Car ils comprenaient que c'était la prière du Saint qui avait sauvé le matelot.
Sechnouti le supplia de bien vouloir le prendre pour disciple : il accompagnerait son maître partout où il irait. Le Saint acquiesça à sa demande. Et le pilote du navire, qui était idolâtre, à la vue de ces miracles, demanda au Saint de lui conférer le baptême des Chrétiens. Ils gagnèrent ensuite une grotte située non loin de là, où ils allumèrent un feu pour y demeurer jusqu'à ce que la tempête s'apaise. Et, une fois à l'abri, le Saint lui parla du Christ & l'initia à la Foy des Chrétiens.
Ils ne restèrent que peu de jours en Crète. Le beau temps était à peine revenu que déjà ils se mettaient en route pour Constantinople. Et ils étaient unis par le même amour tendre qui règne netre les frères d'une même famille. Ils rendaient gloire à Dieu pour ces miracles qu'ils voyaient, & pour le Saint qui était avec eux.
Un jour pourtant, le pilote du navire dit au Saint : « Père, nous allons passer par Corinthe, ma patrie. Je voudrais aller à la rencontre des miens pour leur dire que je suis devenu Chrétien, & faire en sorte qu'eux aussi soient baptisés.
CORINTHE.
Et de fait, après un voyage qui dura de longs jours, ils arrivèrent à l'Afnéio, près de Corinthe. Le Saint y reçut la visite de gens d'Eglise qui le supplièrent de demeurer là quelque temps. C'est ainsi que, par une économie divine, Saint Patapios se trouva dans la campagne de Corinthe, que sa présence allait sanctifier pour les siècles.
Tout de suite les Monts Géraniens, en face de Corinthe, avaient retenu son attention. A leur pied, sur l'emplacement de la Loutraki d'aujourd'hui, se trouvait une grotte. C'était là qu'avait dormi l'Apôtre André lorsqu'il était en chemin pour Patras; là aussi qu'en 1345 Jean Cantacuzène érigea une église à Saint André. Elle existe encore d'ailleurs encore, près des établissements thermaux.
Au moment où Saint Patapios arriva dans cette grotte, elle était occupée par une synodie de Moines. Y faisant étape pendant son voyage à Constantinople, le Saint entreprit de leur enseigner l'ascèse & la Prière, suivant le modèle & la règle des Monastères égyptiens.
LA GROTTE DES GERANIENS.
Le Saint chérissait l'Hésychia et son silence divin. Aussi chercha-t-il à monter plus haut sur les Monts Géraniens. Il y trouva une autre grotte. Elle avait servi de refuge aux premiers Chrétiens durant les persécutions. C'est là que le Saint s'établit; &, non loin de là s'installèrent aussi ses sept disciples qui étaient ses compagnons d'ascèse. Peu après, le Saint apprit qu'il y avait sur les Monts géraniens une autre communauté monastique, dont l'higoumène, très instruit d'ailleurs, était un Saint. Aussi ces autres Moines se joignirent-ils à eux. Et, dans la grotte, ils construisirent une chapelle. C'est là qu'ils rendaient le culte à Dieu & qu'ils recevaient les enseignements du Saint.
GUERISON DU MOINE ARSENE.
Une nuit, on avertit Saint Patapios qu'un Moine, malade, gisait dans la cabane. Il s'agissait du Moine Arsène, qui était originaire de Corinthe. Arsène était l'un des premiers disciples du Saint. Il avait beaucoup de zèle & d'amour pour le Christ. Le Saint aimait beaucoup le Géronda Arsène, & le proposait souvent en exemple aux autres. Il travaillait comme tisserand & il enseignait son art aux Moines pour qu'ils puissent se procurer les économies nécessaires à leur subsistance.
Aussitôt le Saint courut à la cabane du malade. Là, il pria longtemps avec ses frères. Et le miracle eut lieu : Arsène guérit.
Un soir, à l'heure où il entretenait ses disciples, il leur dit : « Je voudrais, mes pères, qu'après ma Mort, quelque soit sur terre l'endroit où je meure, vous transportiez mes restes ici, pour les ensevelir dans ma chère grotte des Géraniens. »
Et que de fois, à l'époque, les religieux comme les chefs politiques de Corinthe & des villages alentour étaient venus le prier de devenir leur Evêque! Mais lui, toujours, humble comme il était, s'y refusait.
EN ROUTE POUR CONSTANTINOPLE.
En 435, Saint Patapios quitta sa skyte des Géraniens pour aller à Constantinople. Avec lui il emmenait le Moine Sechnouti, qui lui était d'un grand secours dans tous ses déplacements.
Parvenu à Constantinople, il se présenta en inconnu au Monastère des Blachernes. Car, afin de fuir la louange des hommes, il ne voulait pas qu'on sache qui il était.
Là, de plus belle, il recommença son ascèse. Il n'accordait aucune importance à la nourriture ni au vêtement. Il se mortifiait & priait sans cesse. Il vivait là comme un Ange. Aussi Dieu le Glorifia-t-il, lui octroyant le don & lui donnant le pouvoir de faire des miracles. Au Monastère, le Saint avait la diaconie de portier. Et voivi qu'un jour où le Saint se trouvait à la porte du Monastère, il vit passer le convoi funèbre d'une femme qui était Morte le jour précédent. Ses parents pleuraient & se lamentaient. Mais, à l'instant où le cortège passait devant le Moine tout ému, la Morte se dressa sur son séant, se signa, & regarda le Moine avec vénération. Puis, elle descendit du cercueil, s'agenouilla devant le Saint & lui baisa les mains. Elle l'appela par son nom, Patapios. De cet instant, le Saint fut reconnu des Moines, & bientôt de toute la capitale.
Alors que Patapios se trouvait dans la grande Ville, il vit venir à lui un aveugle-né.
Je t'en prie, Saint de Dieu, rends-moi la lumière de mes yeux!
Comment peux-tu même songer, lui répondit le Saint, à solliciter de moi un si grand miracle? Ce n'est pas là une oeuvre pour la créature, mais pour le Créateur!
Si toi tu le veux, & si tu supplies Dieu, tu me donneras la lumière », dit l'aveugle.
Voyant la Foy de l'aveugle, le Saint fit sur lui le signe de croix & dit :
Au Nom de notre Maître Jésus-Christ, qui éclaire les aveugles & ressuscite les Morts, je te l'ordonne, vois!
Il avait à peine achevé ces mots qu'aussitôt – ô miracle!- l'aveugle voyait la lumière. Ivre de joie & d'allégresse, celui qui, jusque là avait toujours été sans rien voir, rendit gloire à Dieu & baisa les mains du Saint.
L'HYDROPIQUE.
Il y avait encore parmi les habitants de Constantinople un homme qui souffrai d'hydropisie. Et son ventre était enflé comme une baudruche. Il dépensait tout son bien en médecins. Et son argent les enrichissait, sans qu'il reçût d'eux aucun profit. Il souffrait énormément. Lorsque le malheureux comprit qu'il ne pouvait pas obtenir la guérison du secours des hommes, il courut voir le Saint. Il lui montra son ventre, & le supplia d'avoir pitié de lui & de prier le Seigneur de le guérir.
A la vue d'un spectacle si pitoyable, le Saint fut touché de compassion; car ce n'était pas le ventre seulement qui était ainsi gonflé & ballonné, mais tout le corps qui était tendu comme une outre, lui causant une douleur inexprimable. Le Saint se mit donc à prier le Seigneur, avant de faire le signe de la Croix sur ce ventre de douleur. Puis il lui fit une onction de l'huile de sa veilleuse, disant : « Le Christ, mon Maître, qui a guéri l'hydropique, te guérira aussi ».
Et comme le Saint disait ces mots, les liens qui, dans le ventre retenaient les humaures, se rompirent, &, par les voies naturelles, toutes les eaux impures s'écoulèrent. En un instant, le malade était devenu parfaitement sain. Et tous ceux qui virent cela étaient remplis d'admiration.
LE DEMON CHASSé.
Un autre jeune homme était possédé par un démon effroyable. Parfois, le malheureux déchirait ses vêtements é restait tout nu ; d'autres fois, il se jetait dans l'eau au risque de se noyer. Un jour même, tandis qu'il marchait sur la route, Satan l'avait soudain entraîné, & allait le jeter dans la mer, lorsque, par une intervention divine, il avait au même instant rencontré Saint Patapios. Le démon, lorsqu'il le vit, secoua puiisamment le jeune homme. Et celui-ci roulait des yeux féroces, tandis que l'écume lui sortait de la bouche. Ses dents s'entrechoquaient, & il regardait le Saint avec sauvagerie. Mais, comme celui-ci s'approchait, le démon qui était au-dedans du jeune homme, comme en pleurant lui dit : « Ah! Quel malheur je souffre§ Que vient faire ici Patapios? Que vais-je devenir? Où irais-je trouver un lieu pour habiter? Que j'aille en ville ou dans les déserts, tu me devance, Nazaréen, & avec cette croix, qui est sa marque, tu me chasses. Tu l'emportes sur moi, & je dois me dissiper.
Et en disant cela, le démon souleva le jeune homme en l'air & le projeta à terre avec violence. Avec sa main, le grand Saint du Christ traça dans l'air le signe de la Croix, disant : « Sors, esprit impur, & va-t-en loin dans le désert. Le Christ te l'ordonne, dont tu as condamné la Puissance. »
Comme il disait ces mots, dans une ultime convulsion, le démon sortit. Cela fit comme une fumée, puis il s'éloigna. Le jeune homme pleurait de joie, rendant gloire à Dieu & action de grâce au Saint.
GUERISON DE LA CANCEREUSE.
Une autre personne, une femme, était atteinte à la poitrine de la redoutable maladie du cancer. Toute cette partie de son corps s'était comme pétrifiée, & du pus sortait de son sein. En outre, la malheureuse ne souffrait pas seulement de la poitrine, mais, partout, elle n'était que plaies. Or le mal atteignait le coeur, la mettant en danger de Mort. Et elle, voyant que les médecins mangeaient son bien, & le pus ses chairs, finit par se rendre auprès de Saint Patapios. Toute en pleurs, elle se jeta à ses pieds : « Guéris-moi, pauvre de moi, » implora-t-elle. « Guéris-moi, serviteur de Dieu. Aie pitié de moi, l'infortunée que les vers dévorent avant même que je ne sois dans la tombe; ils me causent tant de maux pourtant, que je préfèrerais encore la Mort ».
Si tu as dans le Seigneur, répondit-il, une Foy pure & sans tache, & si tu ne doutes pas de ta guérison, alors qu'il te soit fait selon ton désir. »
Et elle, du plus profond de son âme, exhala un soupir : « Je crois, ô homme de Dieu, que par la Grâce de Dieu tu es tout puissant. Je t'en supplie, guéris-moi de mes maux. »
Alors le Saint lui demanda de lui montrer ses plaies. Un spectacle aussi effrayant le laissa aussitôt sans voix. Pris de compassion, il lui dit : « En vérité, ton mal est pitoyable & difficile à guérir, mais la Foy vient toujours à bout de tout & l'espérance est porteuse de guérison. Et maintenant va en paix, tes souffrances ont cessé. »
A l'instant même, la femme guérit. Elle repartit, rendant gloire à Dieu & remerciant le Saint. Et partout elle allait proclamant le miracle & répandant la renommée du Saint.
SA DORMITION.
Tels sont les miracles, & bien d'autres encore, que la grâce du Saint Esprit opéra par l'entremise de Saint Patapios. Et le moment arriva pour lui de quitter cette vie éphémère pour entrer dans l'autre, qui est éternelle. Il s'en allait sous les yeux de ses disciples, qui pleuraient, inconsolables à l'idée qu'ils n'auraient plus la Grâce du Saint pour les protéger & les affermir.
« Père, disaient-ils, toi le plus doux des pères, pourquoi abandonner tes enfants orphelins? Pourquoi aller dans l'autre patrie? Qui fera cesser notre peine, & qui guérira les plaies de nos âmes? »
Le Saint, devant la Mort, ne montrait aucune lâcheté, aucun attachement pour cette vie éphémère.
« Mes enfants, leur disait-il, ne me faites pas vos adieux dans la tristesse & les larmes, parce qu'en agissant ainsi vous vous causez du tort à vous-mêmes ainsi qu'à moi. Mais priez plutôt Dieu pour mon âme & faites un office de supplication; cela vous sera d'un grand profit ».
C'est ainsi que le Saint mit fin à leurs lamentations, en même temps qu'il les édifiait à propos de la bienheureuse éternité.
Puis il se mit à prier pour eux & tandis qu'il était en Prière, il remit sa sainte âme au Seigneur. L'on était en l'an 463; le Saint était alors âgé de quatre-vingt trois ans.
Ses disciples se mirent alors en devoir d'ensevelir son saint corps dans l'église du Précurseur.
LA DECOUVERTE A LOUTRAKI DE SA RELIQUE.
Tous ces faits touchant la Vie du Saint aui sont rapportés ici n'étaient pas inconnus au début du siècle. Mais ce que l'on découvrit à une époque récente, ce fut sa Sainte Relique qui dormait dans son ermitage des Monts Géraniens, surplombant Loutraki en face de Corinthe.
C'est là le leiu bienheureux que Saint Patapios avait choisi pour y mener l'ascèse; là aussi que fut découverte sa dépouille toute vénérable, que tant de siècles avaient laissée intacte & embaumante.
En effet, si la chapelle avait de nouveau servi à célébrer la liturgie aux alentours de 1500, elle avait été laissée à l'abandon depuis Patapios jusqu'à cette date, c'est-à-dire jusqu'à la chute de Constantinople. Elle était belle pourtant, ainsi creusée à même la grotte, avec son iconostase où figurent en pied les grandes silhouettes bien droites du Saint Père Nikon le jeune, de Saint Patapios, de Sainte Patience, & d'autres Saints encore.
Il fallut néanmoins attendre 1904 pour faire la découverte de la Sainte Relique. Cette année-là, un Prêtre célébrait à l'Ermitage. Constantin Sousanis – tel était son nom – s'acquittait de ses devoirs liturgiques. Mais, parce qu'il était de haute taille, il était gêné par le plafond trop bas de la grotte & par l'étroitesse du sanctuaire. Il eut alors l'idée d'agrandir l'endroit pour l'aménager plus spacieusement. Il fit venir des ouvriers qui pratiquèrent une ouverture dans le mur ouest de la chapelle. Quelle ne fut pas leur stupeur lorsqu'ils découvrirent, cachée là depuis des siècles, la vénérable dépouille d'un Saint conservé intact, & dont s'exhalait un parfum d'une incomparable suavité – l'odeur de Sainteté qui s'exhale des corps des Bienheureux-. C'est grâce au manuscrit qu'il tenait entre les mains qu'ils purent identifier le corps, car sur le papyrus figurait son nom : « Saint Patapios ».
Après la découverte de la Sainte Relique, l'on put voir, & l'on voit encore, s'opérer une multitude de miracles pour ceux qui le Prient avec Foy.
FIN.
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