lundi 9 avril 2012

L'Evergetinos ou Trésor de bienfaits spiriels. Tome III, chapitre X.

EVERGETINOS. Tome III. Chapitre IX.
IV. Extrait de Saint Maxime.
1. « Détourne-toi du mal & fais le bien. (Ps 3, 15). Cette parole du Psalmiste, disait Saint Maxime, signifie : « Combats les ennemis de ton esprit, en sorte que tu parviennes à diminuer l’intensité des passions ; &, dans le même temps, tente d’acquérir les vertus. Ensuite de quoi, garde-toi dans un état de tempérance & de vigilance spirituelle, de manière à pouvoir sauvegarder ces vertus ; Tel est aussi le sens du commandement que Dieu donna aux Protoplastes, Adam & Eve, quand Il les eut mis dans le Paradis : « Oeuvrez-y & gardez-le » ; (Gen 2, 15).

2. Auprès de l’Abba Antoine habitait un jeune Moine. Un jour donc, il vit des Anciens s’en aller à l’Ermitage de Saint Antoine, & comme il comprit qu’ils étaient déjà fatigués de la route, il fit venir à lui des ânes sauvages, qui paissaient non loin de là. Et, de fait, ces animaux sans raison lui obéirent & vinrent à lui, en sorte que les Pères purent s’en servir de montures dociles qui les menèrent à Saint Antoine ;

Dès qu’ils furent arrivés, ils racontèrent à l’Abba Antoine le miracle de la domestication des ânes, qu’avait accompli ce jeune Moine. Lorsqu’il eut entendu leur récit, l’Abba Antoine dit :
- Mes Pères, ce Moine ressemble à un navire chargé de maintes bonnes choses. Mais je ne sais cependant pas si, pour finir, il parviendra sain & sauf au port de sa destination.
Après qu’il se fut passé un certain laps de temps, & tandis que l’Abba Antoine se tenait assis en compagnie de ses disciples, ce grand Ascète & Père, qui avait le don de voir à l’avance, soudain se mit à pleurer, &, se tirant les cheveux, à mener grand deuil.
A ce spectacle, tremblants, ses disciples s’approchèrent plus près de lui encore, & lui demandèrent :
- Abba, qu’est-il arrivé pour que tu mènes un deuil si inconsolable, en poussant tant de profonds gémissements ?
- Ah ! Une grande colonne de l’Eglise vient de tomber à l’instant !
- Et qui est-ce donc, Père ? demandèrent anxieusement les disciples.
- C’est ce jeune Moine. Mais allez jusque là-bas, pour voir.
De fait, les disciples y allèrent, & ils trouvèrent ce Moine qui, s’étant jeté sur sa paillasse, pleurait le péché qu’il avait commis.
Alors, levant ses yeux pleins de larmes, & voyant les disciples de l’Abba Antoine, il leur dit d’une voix entrecoupée de sanglots :
- Mes Pères, j’ai péché. Mais dites cependant à votre Saint Ancien de supplier Dieu de m’octroyer un laps de temps de dix jours, & j’espère que d’ici la fin de ce court intervalle la Miséricorde de Dieu m’aidera à me redresser, en sorte que j’aie une bonne défense devant le Tribunal de Dieu à l’heure du Jugement.
Et, après que les frères furent partis, au bout d’une durée de cinq jours, le jeune Moine Mourut.

3. L’Abba Bessarion disait que, lorsque, par esprit de pénitence, nous nous humilions nous-mêmes, & gardons un cœur brisé, il nous faut veiller à ce que n’entre pas secrètement dans notre âme une joie étrangère, qui ne soit pas spirituelle, en sorte qu’aussitôt nous nous enorgueillissions de notre état prétendument spirituel, & que nous ne laissions pas notre cœur en liberté, privé de sa garde, auquel cas assurément nous tomberions dans une guerre invisible menée contre nous par les Démons.
Que de fois, Dieu, prenant en considération notre faiblesse, condescend à avoir compassion de nous, éloignant Satan de nous. Mais si toutefois nous cessons de redouter Satan & ses pièges innombrables, & que nous ne sommes plus vigilants comme il faut l’être, aussitôt alors nous retomberons dans des épreuves, & nous serons tourmentés par les tribulations.

CHAPITRE X.

Qu’il nous faut nous examiner, nous redresser de nos chutes, & accroître le bien qui est en nous.

I Extrait de la Vie de Sainte Synclétique.

La Bienheureuse Synclétique rapportait un jour le fait suivant :
« Je connais un serviteur de Dieu qui vit vertueusement ; celui-ci, tout en demeurant reclus dans sa cellule, suivait de près les attaques des pensées, & observait laquelle de ces pensées l’avait attaqué la première, laquelle la deuxième, combien de temps durait l’attaque, & pour finir, si cet assaut avait été plus fort que la veille. Et grâce à cette scrutation, il savait avec précision ce qui avait été dû à la Grâce de Dieu, quelle était son endurance propre & ses progrès spirituels, & de quelle façon avait été anéanti l’Ennemi.
2. Il nous faut nous aussi, continuait la Bienheureuse Synclétique, apprendre ces règles pour savoir les appliquer. Car si ceux qui s’occupent chaque jour à des affaires vaines & éphémères, en examinant à fond les ressorts, se réjouissent de tous les progrès & gains qu’ils y font, & au contraire s’affligent de leurs pertes, combien plus sommes-nous contraintes à la vigilance, d’autant que l’objet de notre commerce est un véritable trésor – c’est-à-savoir le Salut de notre âme. Il faut donc que nous nous occupions à cette considération, & que nous désirions acquérir davantage de biens spirituels & de vertus ; & si l’ennemi, à cause de notre négligence, nous dérobe quelque chose de ces biens spirituels, il faut que nous nous inquiétions de ce vol, & que nous menions le deuil pour ce dommage qui nous advient. De plus, il nous faut nous condamner sévèrement nous-mêmes, & faire le sacrifice de tout le reste, pour parvenir à nous relever d’une seule chute.
3. Si tu disposes des quatre-vingt- dix- neuf brebis de l’Evangile, tu dois les laisser pour t’en aller rechercher celle qui s’est perdue. Ne sois pas lâche, & redresse ton unique faute ; &, de la sorte, tu ne seras pas éloigné du Maître, afin que le Diable cruel & sanguinaire, mettant à profit ta négligence, ne te retienne pas prisonnier, & que tu ne perdes pas ainsi le trésor entier de toutes tes bonnes actions, comme le berger, vaincu par le sommeil, court le risque de perdre tout son troupeau. Mais le Diable y parviendra s’il te trouve éloigné & dénué de ma protectrice sauvegarde du Maître.
N’aie donc pas peur, & ne déserte pas le combat spirituel à cause d’une seule faute. Le Maître est bon, & Il t’attend pour t’accueillir tendrement lorsque tu reviendras à lui, & que tu lui demanderas pardon en faisant pénitence ; soucie-toi donc, après cette seule faute négligeable, de redresser sincèrement tes vois en faisant une profonde pénitence.

II. Extrait du Gérondiko.
1. L’Abba Nisthéro disait à ses disciples que le Moine, tous les soirs & tous les matins, doit s’examiner attentivement lui-même & dire : « Qu’ai-je fait de ce que Dieu veut que je fasse ? » Et qu’il passe sa vie dans cette scrutation & cette auto-critique.
2. L’Abba Moïse demanda à l’Abba Silouane :
- Abba, est-il possible que l’homme recommence chaque jour son combat spirituel ?
- Si c’est un homme qui travaille spirituellement, non seulement il s’imposera de recommencer chaque jour, mais à chaque heure l’œuvre de son édification spirituelle, sans se laisser dégoûter par la résistance du Diable.
3. Un Saint Ancien donna le précieux conseil spirituel suivant :
« Si tu commences, bien-aimé, un travail d’ascèse, & qu’aussitôt tu tombes dans l’abattement & la paresse, veille bien à n’y pas demeurer longtemps ; essaie de repartir à nouveau au commencement, &, jusqu’à la Mort, ne te lasse pas de faire des efforts, parce que du degré de profondeur & de l’intensité de ton effort dépend aussi ta progression spirituelle. Un effort faible & trop modéré conduit à la négligence, tandis qu’un effort intense assure à l’homme la tempérance.
C’est précisément pourquoi il te faut t’examiner chaque jour, chaque semaine, chaque mois, & chaque année, pour voir si tu as progressé dans l’hésychia spirituelle, le jeûne, la prière, & les autres travaux de l’ascèse. Mais plus que tout examine si par tes luttes spirituelles tu as atteint à l’humilité, parce que le véritable progrès de l’âme s’observe lorsque cette âme se voit plus humble chaque jour, à force d’examiner ses fautes, en lesquelles elle tombe continûment, croyant, à cause de cela, que tous les autres hommes sont meilleures qu’elle.
Mais, sans cet examen de soi, si même il accomplit des miracles, & si même il ressuscite les Morts, l’homme se trouve loin de Dieu.
4. L’Abba Benjamin disait : « Marchez sur la voie royale, & comptez les kilomètres parcourus, c’est-à-dire examinez vos progrès spirituels, & alors assurément vous échapperez à la négligence.
III. Extrait de l’Abba Isaïe.
1. Examine chaque jour à cause de quoi tu as commis des chutes, & si tu supplies Dieu avec contrition pour ces chutes, assurément Dieu te les pardonnera. Fais toujours ton examen de conscience, tant que tu es en vie, pour découvrir en quoi tu faillis ; alors, assurément, tu n’éprouveras pas, au moment de ta Mort, cette effroyable angoisse & cette peur que causent à quelqu’un ses fautes. Sois toujours préparé à t’en aller à la rencontre de Dieu, & alors ce sera bien volontiers & avec empressement que tu accompliras Sa volonté. Examine chaque jour avec attention quelle passion tu as été en mesure de vaincre, & n’aie jamais confiance en toi-même, sous prétexte que tu aurais réussi quelque chose de par tes propres forces. Car c’est Dieu qui a eu pitié de toi, & qui t’a donné le pouvoir de vaincre.
2. Aussi souvent que tu te lèves de ta couche, & chaque jour, rappelle-toi que tu devras rendre compte à Dieu de chacune de tes actions, de chacune de tes paroles, & même de chacune de tes pensées ; & dès lors, tu ne pécheras plus devant Dieu, & la crainte de Dieu habitera toujours en toi.
IV Extrait de Saint Ephrem.
1. Mes frères, nous sommes des négociants spirituels ; Et nous ressemblons aux marchands de cette vie présente, qui chaque jour comptent leurs gains & leurs pertes. Ceux-ci, chaque fois que dans ces calculs ils constatent qu’ils ont subi des pertes, ils se soucient & songent à la façon dont ils vont se remettre de leurs pertes.
2. C’est de la même manière que, toi aussi, mon bien-aimé, il te faut agir ; chaque jour, matin & soir, suppute avec précision ton activité marchande. Le soir, lorsque t’étant concentré, tu t’examineras avec contrition & feras ton examen de conscience, réfléchis de la sorte & dis-toi sincèrement en toi-même : N’ai-je pas en quelque cas contristé Dieu ? Peut-être suis-je tombé dans le bavardage ? Peut-être n’ai-je pas porté intérêt au bien spirituel de mon frère, & l’ai-je contristé ? Peut-être ai-je mal parlé à quelqu’un ? Lorsque mes lèvres psalmodiaient des hymnes à Dieu, peut-être ma pensée s’est-elle égarée dans les imaginations des vanités mondaines ? Peut-être le désir charnel m’a-t-il tourmenté, & ai-je accepté avec plaisir cet envahissement de mes pensées charnelles ? Peut-être mes soucis corporels m’ont-ils submergé, & ai-je abandonné complètement le souvenir de Dieu ?
3. Songe à ce choses & à d’autres semblables lors de ton examen de conscience du soir, & si tu découvres qu’en l’un de ces points tu as subi un dommage spirituel, soucie-toi de réparer cette perte. Gémis & pleure en suppliant Dieu avec insistance pour qu’Il te secoure, en sorte de n’être pas à nouveau lésé dans les mêmes choses.
Et lorsque le matin sera venu, après t’être concentré en toi-même, réfléchis à ce qui suit & dis-toi : « Comment donc ai-je passé cette nuit ? Y ai-je gagné ou perdu quoi que ce soit ? Mon esprit a-t-il veillé avec mon corps ? Ai-je eu des larmes spirituelles ? Peut-être me suis-je rendormi pendant la génuflexion ? Peut-être ai-je subi l’attaque de pensées mauvaises, & ne me suis-je pas hâté de les repousser aussitôt, mais les ai-je examinées avec plaisir ?
5. T’examinant donc de la sorte avec attention, si tu crois avoir été vaincu sur quelque point, lutte pour te remettre de cette défaite, & mets une garde à ton cœur, pour n’avoir pas à subir de nouveau les mêmes choses ; Et si tu te soucies toujours de t’examiner de la sorte, tu sauveras ton négoce spirituel en l’assurant devant les péages du Ciel.

CHAPITRE XI.
Qu’il est au fidèle dangereux de transgresser fût-ce un seul commandement, pour ce qu’il a reçu de Dieu le pouvoir de les accomplir tous. Qu’également un mal petit nuit grandement.
I Extrait de la Vie de Saint Pachôme.
1. Le grand Pachôme disait à ses disciples : « S’il existe quelque part une demeure qui compte cent appartements, laquelle se trouve être d’une grande utilité & même indispensable au maître de maison, & que quelqu’un achète à ce propriétaire l’appartement situé le plus au cœur de la maison, est-ce que cet acheteur ne sera pas bientôt empêché d’entrer à tout instant dans son appartement, puisque, pour ce faire, il doit traverser la maison du propriétaire, bien qu’il lui ait acheté ce droit ? Or le fidèle ressemble à ce maître de maison, qui a été jugé digne de posséder tous les fruits du Saint Esprit ; mais si toutefois, à cause de sa négligence personnelle & des attaques ennemies menées par le Diable, il vient à perdre un seul de ces fruits précieux parce qu’il aura été trompé par les ruses du Diable & qu’il aura délaissé la vertu, à laquelle il avait œuvré, ne sera-t-il pas affaibli sur ce point sur lequel il aura volontairement cédé au Diable ?
2. Si donc cet homme ne secoue pas la négligence de son âme & qu’il ne se soulève pas contre le dangereux sommeil de l’indifférence, se protégeant lui-même par les veilles & la vigilance, assurément il perdra aussi les autres vertus, à cause de cette infiltration du Diable qui aura pénétré son âme. Prenons exemple sur l’art de la bataille. Les combattants y renforcent les gardes qui font face aux adversaires. Mais lorsque se remarque fût-ce une petite brèche dans l’ordre de bataille, alors il est probable qu’ils reçoivent un coup décisif & qu’ils encourant un grave danger, jusqu’au péril même de leur vie. Il faut donc que chacun de nous se garde soi-même, en sorte qu’il soit bien assuré contre les dangers, & qu’il cultive toutes les vertus avec le même intérêt. Mais pour celui qui néglige fût-ce la moindre des vertus, la perte sera grande.
II. Extrait du Gérondiko.
Un frère soumit à l’Abba Pimène cette question :
- L’homme peut-il avoir confiance e, lui-même, quand il mène à bien avec succès une seule vertu ?
- Prête attention à ce que disait sur cette question l’Abba Jean Colobos, répondit l’Abba Pimène. Ce Saint Ascète disait donc qu’il préférait que l’homme participe un peu de toutes les vertus, plutôt qu’il ne se soucie continuellement que d’une seule & qu’il néglige toutes les autres.
III. Extrait de Saint Isaïe.
1. Frères, nous avons l’obligation d’accomplir toutes les vertus, & ce, à proportion de nos forces ; pour le petit, autant que le lui permet sa petitesse, & le grand, à la mesure de sa grandeur.
A l’époque du Seigneur, tous ceux qui mettaient leur obole dans le trésor royal étaient riches pour la plupart. Mais le Seigneur fut davantage réjoui par l’aumône des deux deniers de la pauvre veuve. Et cela parce que Dieu examine avec attention votre bonne disposition, & c’est en fonction de celle-ci qu’il détermine comme bon ou mauvais ce que nous faisons.
Malheur à l’âme qui ne veut pas renoncer à tous les péchés, parce qu’elle subira beaucoup d’épreuves de la part de ceux qui la jalousent, à l’heure où elle les affrontera dans le combat spirituel.
3. Quand le peuple de Dieu, Israël, se trouvait en Egypte, il mangeait en abondance & buvait jusqu’à plus soif, mais il était cependant esclave de Pharaon. Quand le Seigneur lui envoya son secours, c’est-à-dire Moïse pour le délivrer, alors Pharaon se mit à opprimer & à tyranniser les Hébreux. Moïse, en dépit de toutes les plaies dont Dieu châtiait les Egyptiens & Pharaon, ne s’enhardit pas avant que le temps fût venu de se réjouir de tout ce dommage qu’ils avaient subi & que Dieu lui dise : « J’infligerai à Pharaon encore une plaie pour châtiment (Exode 11,1), & dès lors tu diras à Pharaon : « Rends à mon peuple sa liberté parce que je tuerai tous les premiers-nés de ton peuple. » (Exode 11, 5).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire