jeudi 3 février 2011

La Lumière du Thabor n°36. Chronique.

CHRONIQUE



La situation au Mont Athos

Le Patriarche Bartholomée de Constantinople s'est rendu au Mont Athos au mois de novembre, avec l'intention d'en chasser les Pères zélotes qui refusent l'oecuménisme et le programme moderniste du patriarcat de Constantinople. Bartholomée n'a pu, cependant, que menacer les zélotes et encourager les néo-orthodoxes qui le suivent à leur rendre la vie difficile ; mais il n'a pu faire ce qu'il le souhaitait : s'emparer du monastère d'Esphigménou, qui est entièrement barricadé, des moines veillant jour et nuit à l'entrée du mur extérieur d'enceinte pour prévenir une attaque surprise de la police semblable à celle qui a eu lieu à la skite du Prophète-Elie.
Il est probable aussi que, malgré sa fureur contre les zélotes, le patriarche Bartholomée redoute les réactions dans les autres Eglises présentes au Mont Athos, et dans une partie du peuple orthodoxe. De plus en plus nombreux, en effet, sont ceux qui se déclarent choqués par les actes d'intolérance et de persécution du Phanar, dont le locataire actuel semble croire qu'il peut agir comme à l'époque du Patriarche Vekkos, par la violence, et sans avoir lui-même à se justifier de toutes ses transgressions des canons ecclésiastiques. Le détail des événements relatifs à l'expulsion des moines de la skite du Prophète-Elie sont désormais connus de tous. Après l'expulsion dont nous avons rendu compte dans le dernier numéro de la Lumière du Thabor, il semble qu'il y ait eu une peu glorieuse réunion de la Sainte Communauté le 21 mai. Voici comment le journal Orthodox Life du monastère de Jordanville la raconte :
«D'après des sources dignes de foi, la Sacrée Communauté s'est de nouveau réunie le lendemain matin [du jour de l'expulsion]. Avant de mettre en discussion les événements de la veille, le Métropolite Méliton demanda poliment pardon à la Sacrée Communauté pour avoir 'oublié' de lui lire la lettre du Patriarche. Le secrétaire lut cette lettre qui contenait divers points relatifs à la Skite, et indiquait que les exarques devaient trouver et installer un nouvel higoumène et une nouvelle communauté monastique dans la Skite du Prophète-Elie. Alors le Métropolite Athanase ajouta qu'avec l'aide de Dieu et les efforts du comité1, de l'higoumène Bessarion, du secrétaire du gouverneur, et d'autres, de grandes choses avaient été exécutées. Toutefois, aucune mention ne fut faite de l'expulsion, et un silence de mort remplit la salle. Père Nicolas, représentant du Monastère de Saint-Pantéléimon2, rompit le silence en informant la Sacrée Communauté que la nuit précédente, Père Séraphim l'avait appelé pour lui apprendre l'expulsion de sa fraternité. Père Nicolas demanda aux métropolites leurs raisons pour avoir procédé à cette expulsion, soulignant l'absence de toute enquête, procès, ou approbation de la Sacrée Communauté. Après une brève discussion, les exarques accusèrent Père Nicolas de défendre les moines persécutés. Il répondit qu'il n'acceptait pas la position ecclésiastique de la Skite ; mais qu'il était illégal d'expulser des moines de l'Athos sans enquête ni jugement ni accord de la Communauté. Les représentants des monastères de Grigoriou, Dionysiou, Xéropotamou et Philothéou représentèrent de même aux exarques, mais de façon diplomatique, qu'il était contraire au droit d'expulser des moines sans prévenir la Sacrée Communauté. Les exarques expliquèrent que l'expulsion avait été faite en secret -c'est-à-dire, anti-canoniquement- pour éviter les complications. Après en avoir discuté, la Sacrée Communauté tomba d'accord pour couvrir les exarques en falsifiant les minutes de la réunion tenue deux jours avant ; il s'agissait d'indiquer que la lettre patriarcale y avait été lue et approuvée à l'unanimité par la Sacrée Communauté. Seul Père Nicolas refusa de signer ce mensonge éhonté ; mais, entendant menacer son monastère, il consulta son higoumène par téléphone et signa ensuite les actes révisés».
Le monastère russe de Saint-Pantéléimon, dont un certain nombre de moines sont, bien sûr, hostiles à l'Eglise Russe Hors Frontières, percevant néanmoins le caractère antislave de l'attitude du Phanar, a demandé au Patriarche Alexis de Moscou d'intervenir auprès du Patriarche Bartholomée pour faire cesser cette injustice. Mais Alexis II a refusé et s'est au contraire réjoui de cette expulsion... A Moscou, cependant, un certain nombre de pieux fidèles russes sont allés protester devant l'ambassade grecque. Au Mont Athos, le gouverneur civil, M. Constantin Papoulides, a eu une réaction qui l'honore : il a démissionné pour protester contre les méthodes du patriarcat et l'intervention de la police. Son attitude digne force le respect de tous.
En démasquant son vrai visage, qui n'est pas celui du dialogue «d'amour», mais celui de l'intérêt et de la censure, Constantinople suscite en même temps d'autres réactions. Comme nous l'indiquons ci-dessus dans la Lecture de la Presse, les moines de la Grande Lavra ont eu le courage de refuser l'entrée de leur monastère à l'évêque Stéphane d'Australie, accusé de nestorianisme par son propre troupeau (voir La Lumière du Thabor n 15,16,21).

En Bulgarie

En Bulgarie, la situation demeure confuse, entre les partisans du nouveau patriarche Pimène, mis en place avec l'appui du régime actuel, et le patriarche Maxime, mis en place par le régime communiste (voir La Lumière du Thabor n35 p.111). D'après l'agence catholique APIC de Suisse, un commando armé a essayé d'investir le palais métropolitain de Sofia où réside le patriarche Maxime, depuis l'installation du nouveau Synode. La foule s'est assemblée et la police a discuté avec les assaillants qui se sont finalement rendus. Les évêques de Pimène ont nié toute participation à ce complot.
D'après l'auxiliaire patriarcal de Maxime, l'évêque Grégoire de Konstantia, les autorités civiles continue d'intervenir dans l'Eglise : dans certaines villes, les maires ont nommé des évêques ; beaucoup de prêtre ne sont plus payés ; le courrier de l'étranger ne leur arrive plus. Les partisans de Maxime disent cependant qu'il a eu le tort de ne pas s'associer, en 1990, aux membres de son Synode qui avaient alors reconnu leur compromission avec le régime communiste et demandé pardon.
Des élections ont actuellement lieu dans les paroisses bulgares en vue de désigner des délégués qui, au niveau des diocèses, choisiront les députés d'un prochain concile de l'Eglise bulgare. En attendant ce concile, le Conseil Oecuménique des Eglises, par une lettre de son secrétaire général au patriarche Maxime, a proposé ses bons offices pour résoudre la crise, rappelant que l'Eglise orthodoxe bulgare est membre du COE depuis 1961.
On peut se demander quels canons vont trancher la question entre deux groupes opposés entre eux, mais d'accord pour trahir l'orthodoxie par le modernisme et l'oecuménisme. Car le conflit n'est pas ecclésiologique, mais politique. Le patriarche Maxime méritait tout-à-fait d'être déposé comme ceux qui ont nié les persécutions dans les pays de l'Est ; mais les évêques du nouveau synode, pour être considérés comme des hiérarques orthodoxes, auraient dû avoir une ecclésiologie orthodoxe et condamner l'adhésion illégale au COE et l'intrusion de ce dernier.
La situation serait affligeante en Bulgarie, si les groupes des vrais chrétiens orthodoxes bulgares, qui se rattachent aux vieux calendaristes, ne commençaient à se manifester.

En Roumanie

Les anciens calendaristes, après soixante années de persécutions -de 1924, date où le Métropolite Miron introduisit le calendrier grégorien, jusqu'à la Révolution de décembre 1989- peuvent enfin se manifester librement et se voir reconnaître par l'Etat tous les droits légaux. Ils demeurent néanmoins assez mal connus de ceux qui aspirent à des changements radicaux dans l'Eglise officielle roumaine. Leur Eglise comporte cinq cent mille fidèles et a la sympathie d'une grande partie du peuple orthodoxe ; huit grands monastères, construits parfois dans des conditions très difficiles, attirent les pèlerins. Malgré les destructions systématiques de leurs lieux de culte -en 1940, toutes leurs églises avaient été détruites- les anciens calendaristes ont tenu bon durant les persécutions. Les Pères Pambo, Gidéon, Théofan moururent martyrs dans les années trente, sous la monarchie ; les communistes envoyèrent beaucoup de fidèles et de membres du clergé dans des camps de travail forcé.
L'Eglise s'est développée dans l'exil intérieur. L'un des évêques du Synode actuel, Mgr Démosthène, a déclaré : «Je n'ai reçu aucun enseignement en forme. C'est vrai, nous ne sommes pas aussi instruits que le clergé nouveau calendariste. Mais j'ai rencontré leurs théologiens qui prétendent qu'il n'est pas si important de jeûner, que les dogmes et les traditions de l'Eglise sont sujets au changement. J'ai vu les évêques de l'Eglise d'Etat agir comme des marionnettes au service des communistes, ce qui a non seulement scandalisé les fidèles, mais terni l'image de l'Eglise roumaine dans le monde. Mon séminaire, ce fut sept années de prison, mon académie, cinq années de vie cachée dans la forêt. Je rends grâce à Dieu de ne m'avoir pas envoyé dans les écoles du nouveau calendrier, mais de m'avoir fait miséricorde et de m'avoir donné la meilleure formation théologique qu'il puisse y avoir : sept ans dans les camps de prisonniers sous les communistes. J'ai demandé un jour aux autorités de la prison pourquoi ils s'occupaient des vieux calendaristes, et la réponse fut que c'était parce que nous prions et jeûnons trop...»
En 1956, le Métropolite Galactéon, revenu depuis peu à l'ancien calendrier, ordonna tout seul trois évêques -Mgr Glykérios, Mgr Euloge et Mgr Méthode. Cette économie était justifiée par les circonstances, puisqu'il n'y avait pas d'autre évêque ancien calendariste en Roumanie. A la mort de Mgr Galactéon, Mgr Glykérios devint métropolite ; son successeur, Mgr Sylvestre, tenta dans les années soixante-dix, d'établir des liens avec les autres Eglises locales qui ont l'ancien calendrier. Il est mort brutalement en avril 1992, et Mgr Vlasie lui a succédé. Souhaitons que l'Eglise martyre des anciens calendaristes roumains continue son chemin dans la fidélité à l'Evangile et aux traditions de l'Eglise du Christ.

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