mardi 8 février 2011

La Lumière du Thabor n°43-44. Chronique et livres reçus.

CHRONIQUE

ET LIVRES RECUS


Bicentenaire de l’orthodoxie américaine

L’Alaska et les îles aléoutiennes furent découvertes par les Russes au XVIIIème siècle et, en 1794, l’Eglise Orthodoxe Russe établit sa première mission sur le sol américain. Ce fut le début d’une extraordinaire oeuvre apostolique : la conversion des indigènes -Aléoutes, Eskimos et Tlingits- à la foi du Christ, la rencontre des cultures locales avec la civilisation chrétienne, la promotion et la sanctification des langues vernaculaires.
Une grande exposition a eu lieu aux Etats-Unis, organisée par la Bibliothèque du Congrès et intitulée In the Beginning was the Word : The Russian Church and Native Alaskan Cultures, (Au commencement était le Verbe : L’Eglise Russe et les cultures indigènes d’Alaska). Les documents présentés proviennent des archives de l’Eglise Russe d’Alaska, qui furent données à la Library of Congress pour être mises à la disposition des chercheurs. Ces témoignages de toute première main montrent l’immense effort des missionnaires et l’application des principes orthodoxes pour développer la vie d’une Eglise locale : «Les règles pour convertir les indigènes interdisent strictement la contrainte. L’accent était mis sur l’acceptation libre et sur la participation à la vie de l’Eglise -souvent difficile parce que beaucoup d’indigènes continuaient de vivre de chasse et de pêche. Néanmoins, les archives prouvent que les convertis furent actifs dans tous les domaines : ils servaient comme prêtres et comme diacres, cotisaient, et ornaient les églises d’icônes peintes et sculptées de leurs mains». Les évêques comme Monseigneur Innocent, les prêtres comme Jean Veniaminov ou Iakov Netsvetov -originaire d’Alaska- accomplirent un travail linguistique colossal en donnant une forme écrite aux langues locales, en publiant prières, textes liturgiques, grammaires, dictionnaires.
L’Age d’Or de l’Eglise en Alaska prit fin en 1867, quand le pays fut vendu aux Américains «for whom gold was, initially, a primary concern». Les missions catholiques et protestantes imposèrent l’anglais et se heurtèrent aux chrétiens orthodoxes. Nous publierons, Dieu voulant, le récit du martyre de Pierre l’Aléoute qui, refusant d’abandonner sa foi orthodoxe, fut massacré par des missionnaires espagnols en Californie. Malgré ces difficultés nouvelles, les prêtres orthodoxes poursuivirent leur travail, dont l’ampleur et la fécondité sont visibles de nos jours. Nous renvoyons les lecteurs intéressés aux articles parus en 1994 dans le journal Orthodox Life du Monastère de la Trinité à Jordanville, et au livre de M. Oleksa, Alaskan Missionary Spirituality, New York - Mahwah, 1987.

In the Beginning was the Word An Exhibition at the Library of Congress, Foyer of the James Madison Building, Sept. 23 - Dec. 31, 1994.

L’ordination du Père Callistrate

Iconographe, chantre, poète, catéchiste... beaucoup de talents ont été donnés au serviteur de Dieu Callistrate, de l’Eglise des Saints Théodore à Néa Smyrni (Athènes). Avec le Père Pancrace, il montre un zèle infatigable pour la défense de la vraie foi et pour le maintien du lien d’or de la charité qui édifie l’Eglise. L’amitié qui lia Père Callistrate avec Père Ambroise, Père Patric et Michel, fut d’une extrême brièveté dans le temps, mais Dieu seul sait s’il y eut jamais des êtres mieux unis !
Le 12/25 juin 1994, jour de la fête de saint Onuphre, veille du Dimanche de tous les saints, Monseigneur Maxime, Métropolite de Céphalonie, assisté de Monseigneur Photios, Evêque de France et d’Europe Occidentale, ont conféré l’ordination sacerdotale au Père Callistrate. Grande fut la joie de tous.
La paroisse qui a le bonheur d’avoir pour pasteurs Père Pancrace, aidé de Père Callistrate, possède une très ancienne église, édifiée sur le lieu où se trouvait l’autel dont saint Paul se servit pour prendre au filet du Christ les âmes des Athéniens d’alors. Cet autel portait l’inscription Au Dieu inconnu, et saint Paul révéla que le Dieu que les païens adoraient sans le connaître était Celui qu’il prêchait. En notre époque de surinformation et de culture mondiale, nous connaissons toutes les civilisations et les religions, mais le Christ et la vie en Christ demeurent inconnus de la plupart des hommes. C’est pourquoi, aujourd’hui comme hier, «la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux» et nous devons prier le maître d’envoyer des ouvriers dans Sa moisson. Que la bénédiction de l’Apôtre fasse aussi prospérer le travail de Père Callistrate et qu’il porte beaucoup de bon grain dans le grenier du Seigneur.
Nous avons pu constater les efforts missionnaires de Père Pancrace et de Père Callistrate, auprès des fidèles qui se pressent à leur église, des enfants aux vieillards. Ils ont également fondé, dans le Monastère des Saints Archanges de Néméa, un Centre Théologique des Vrais Chrétiens Orthodoxes. Père Callistrate est enfin l’auteur d’un magnifique poème-témoignage sur Patric, Michel et Photinie, que nous espérons publier un jour dans notre revue, comme nous avions publié son témoignage sur Père Ambroise.

Pharos tes Orthodoxias, juillet 1994.

Monseigneur Maxime Archevêque des Vrais Chrétiens Orthodoxes

Le Saint Synode de l’Eglise des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce s’est réuni le 7/20 janvier 1995, à la suite de la fête de la Théophanie qui, chaque année, les rassemble dans une procession au Pirée pour la bénédiction des eaux. La dormition de Monseigneur Auxence, primat de l’Eglise grecque, rendait nécessaire l’élection d’un nouvel Archevêque. C’est Monseigneur Maxime, Métropolite de Céphalonie et des Sept Iles, qui a été élu Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce. Le successeur de Monseigneur Auxence a été solennellement intronisé lors d’une liturgie, concélébrée par les évêques du Synode dans l’église de la Protection de la Mère de Dieu, à Pétralona de l’Attique.
Monseigneur Maxime est né en 1924 à Basalmata, dans l’île de Céphalonie, où repose le corps intact de saint Gérasime. Très tôt, il désira vivre le «souci sans souci» de la vie monastique centrée sur la prière. Après un voyage pénible, dans la Grèce éprouvée par la guerre civile, il rejoignit en 1944 le Monastère Saint-Paul du Mont Athos, où l’higoumène Séraphim lui donna l’habit monastique sous le nom de Maxime, en l’honneur de saint Maxime le Confesseur. Devenu diacre, puis prêtre, il fut envoyé, en 1954, à Céphalonie, sur la demande de l’évêque Hiérothée, qui désirait un hiéromoine pour desservir le couvent de Saint-Gérasime. En 1964, lorsque le Patriarche de Constantinople Athénagoras «leva les anathèmes» de 1054 et rendit ainsi patente l’hérésie de l’oecuménisme, les Pères du Monastère Saint-Paul, comme la plupart des Athonites, cessèrent toute commémoration du Patriarche à la liturgie ; le hiéromoine Maxime réagit de même, en rompant la communion avec le successeur de Hiérothée, l’évêque Procope de l’Eglise d’Etat.
Découvrant alors l’ampleur de l’apostasie, le hiéromoine Maxime comprit que le changement du calendrier en avait été le signe avant-coureur, et rejoignit le Synode de Monseigneur Auxence. Quittant le monastère de Saint-Gérasime, il fonda celui des Saints-Apôtres. Innombrables furent les procès et les persécutions que l’évêque Procope essaya contre lui : arrêté, déposé par l’Eglise d’Etat, il fut exilé à Lesbos, dans un monastère en ruine, où il serait mort, s’il n’avait quitté l’île en secret et n’était retourné à Athènes, puis à Céphalonie, toujours recherché par la police. Il dut vivre caché durant quatre ans et huit mois, jusqu’au retour de la démocratie en Grèce (1974). En 1979, il fut consacré évêque par le Synode de Monseigneur Auxence, envers lequel il montra toujours un dévouement exemplaire.
Après la dormition de Monseigneur Auxence, il fut choisi comme locum tenens de l’Archevêque, et c’est très logiquement qu’il a été élu par l’unanimité des évêques au Synode de la Théophanie.

Pharos tes Orthodoxias, janvier 1995.




Notes de lectures

Sur les icônes

Michel QUENOT.- La Résurrection et l’icône, Mame, 1992.

Parmi les nombreux livres consacrés de nos jours aux icônes, l’ouvrage de Michel Quenot se distingue par son souci de replacer le sujet dans son cadre naturel et dans sa juste perspective car «l’icône n’est pleinement lisible que dans la tradition et la pratique orthodoxe». L’Eglise orthodoxe est le lieu de l’icône, indissociable de sa liturgie et de sa confession de foi. Et l’auteur de s’interroger au sujet des icônes peintes par des hétérodoxes : «Peut-on vivre dans une forme de spiritualité et évoluer dans une autre lorsque l’on peint ? L’unité de la personne semble le contredire». L’icône, «image liturgique», constitue un langage théologique par les formes et les couleurs, et ne souffre donc, pas plus que le dogme, aucune altération. Pour l’auteur, «l’icône de la Résurrection représente naturellement le point où tout converge, le centre autour duquel rayonnent les grandes fêtes et leurs icônes». Les icônes de la Résurrection, principalement celles de la Descente aux enfers et des Myrophores au tombeau, sont donc attentivement décrites, et l’auteur excelle à mettre en résonance l’icône avec les textes des Ecritures et de la liturgie, les uns et les autres s’éclairant mutuellement. Les icônes des grandes fêtes liées à la Résurrection sont ensuite semblablement examinées. Au sujet de l’icône de la Dormition de la Mère de Dieu, l’auteur remarque que «le terme de Dormition préféré à celui d’Assomption ne relève pas d’une simple subtilité de langage mais d’une vision théologique précise» car, à la différence de l’Eglise catholique-romaine, l’Eglise orthodoxe croit que la Vierge Marie a connu la mort avant d’être élevée au ciel. L’icône de la Dormition ne devrait donc jamais servir à illustrer le dogme cacodoxe de l’Assomption. Il en va de même pour l’icône de la Nativité de la Mère de Dieu, car le dogme catholique-romain de l’Immaculée Conception détruit, de fait, toute l’économie du salut édifiée par Notre Seigneur à partir de la naissance humaine de Sa Toute Pure Mère. Et l’on comprend dès lors en nos temps d’oecuménisme dévastateur, les mots de L. Ouspensky, auteur plusieurs fois cité dans le livre : «Il fut une époque où l’Eglise a combattu pour les icônes. Aujourd’hui les icônes combattent pour l’Eglise».
On regrettera d’autant plus les formules ambiguës de l’auteur telles que «l’icône, lien et ferment d’unité» alors que, dans le même temps, ses propos donnent à entendre l’incompatibilité intrinsèque des théologies occidentales avec les vérités de foi manifestées dans les icônes. De même, son appel à renouer avec l’Eglise indivise des sept premiers conciles -ce paradigme mythique des oecuménistes à la recherche d’un dénominateur commun, qui s’avère d’ailleurs introuvable : l’icône de la Transfiguration, par exemple, peut-elle être correctement perçue en dehors de la théologie orthodoxe de la lumière incréée, développée par saint Grégoire Palamas ? L’icône est, en réalité, une confession de foi et l’Eglise se trouve tout entière là où cette foi est confessée. L’Eglise orthodoxe n’est donc pas une branche de l’Eglise qui devrait retrouver un tronc commun avec d’autres confessions pour réaliser son unité : elle est l’Eglise Une du Credo et les portes de l’Hadès, que l’on voit brisées par le Christ sur l’icône de la Descente aux Enfers, seront à jamais impuissantes contre elle.
Au sujet de l’icône des trois anges, dite parfois de la Sainte Trinité et sujette à la controverse, l’auteur rappelle que l’origine de cette icône d’André Roublev se trouve dans le récit biblique de l’Hospitalité d’Abraham et qu’il serait erroné de réduire les personnes de la Sainte Trinité aux trois personnages humano-angéliques représentés. L’oeil du coeur reste toutefois interdit devant la beauté de cette icône et le mystère auquel elle semble vouloir nous initier.
L’ouvrage de Michel Quenot, pourvu de très nombreuses illustrations -icônes ou fresques magnifiquement reproduites- constitue une bonne approche de la pierre d’angle de la foi chrétienne -la Résurrection- et de l’icône qui en témoigne. Si la décadence de l’art sacré «pave les chemins vers l’athéisme», ainsi que l’auteur l’observe à propos des représentations occidentales du Crucifié après l’époque romane, la redécouverte de l’icône peut conduire à la foi. A condition toutefois que les chrétiens orthodoxes, héritiers de la vraie tradition de l’image sacrée, n’hésitent pas à désigner le lieu où celle-ci se contemple : car là où est l’icône, là se trouve l’Eglise.
Diacre Spyridon

Constantin CAVARNOS. - Guide to byzantine iconography,
Holy Transfiguration Monastery, Boston 1993.

Dédié à la mémoire du grand iconographe Photios Kontoglou, ce beau livre de Constantin Cavarnos initie le lecteur aux canons picturaux de l’icône byzantine. Loin de tout subjectivisme, l’art sacré de l’icône nous est ici restitué tel qu’il est, obéissant à des règles précises héritées de la tradition, non pour en limiter la créativité mais afin de demeurer fidèle à sa vocation. Saint Jean Damascène définit la vocation de l’icône en énumérant les sept fonctions qui lui sont propres : honorer Dieu, ses saints et ses anges ; instruire de la foi chrétienne ; nous rappeler ce qu’elles enseignent ; nous élever spirituellement au niveau des saints personnages représentés ; nous inciter à imiter leurs vertus ; nous sanctifier à leur vue ; embellir les églises [voir l’appendice du livre où sont étudiés les traités de saint Jean sur la défense de l’icône].
Comme le note l’auteur dans son introduction, cet art n’est pas religieux seulement dans ses thèmes, comme les oeuvres de la Renaissance, mais également dans ses modes d’expression. L’un des principes de base des iconographes est l’absence de naturalisme dans leurs compositions. La façon dont sont représentés les membres du corps est particulièrement significative à cet égard. Afin d’en exprimer les qualités spirituelles, leurs formes et leurs proportions sont volontairement altérées ou simplifiées. Ainsi les yeux seront anormalement grandis, les lèvres réduites, les doigts et les nez allongés selon un même principe de «dématérialisation» qui contribue à faire de l’iconographie un art spirituel, anagogique, qui à partir des réalités naturelles du monde déchu, élève au plan des réalités spirituelles du monde transfiguré.
L’autre principe de base, fort bien expliqué par l’auteur est l’usage de la perspective inversée. Au contraire du peintre naturaliste qui cherche à créer l’illusion d’une troisième dimension, le peintre d’icônes renonce délibérément à ce procédé conforme à la vision ordinaire pour faire surgir une présence que le spectateur peut vénérer.
On distingue couramment les icônes en fonction de leurs sujets, et selon qu’elles appartiennent au cycle doctrinal, au cycle festif ou au cycle liturgique, elles occupent des parties différentes de l’édifice. C’est pourquoi l’iconographie est mieux comprise et appréciée lorsqu’elle est replacée dans son cadre idéal qu’est l’église orthodoxe -d’où l’importance des autres arts sacrés de l’orthodoxie, l’architecture bien sûr mais également l’hymnographie et la musique.
L’essentiel de l’ouvrage consiste dans la description détaillée de ces icônes avec, lorsque c’est le cas, les textes de l’Evangile qui s’y rapportent ainsi que les tropaires pour les icônes des fêtes. Si certaines icônes sont les répliques exactes du récit évangélique, d’autres ont leur origine dans des récits apocryphes, d’autres encore comme l’icône de la Dormition n’ont pas de base scripturaire mais sont issues de la tradition orale. C’est que pour l’orthodoxie, la révélation étant l’oeuvre du Saint Esprit ne se limite pas aux Ecritures; la foi n’est pas basée seulement sur la bible mais aussi sur la tradition non écrite, les écrits des pères théophores et l’hymnographie de l’Eglise.
Au chapitre consacré à l’iconostase, l’auteur rappelle que l’origine de celle-ci est à chercher dans l’Ancien Testament. Dans le livre de l’Exode, on trouve l’ordre donné par Dieu à Moïse de faire un voile pour séparer le Saint du Saint des Saints, mais si une séparation existait bel et bien dès l’origine dans les lieux de cultes chrétiens, il semble que le développement de l’iconostase telle que nous la connaissons aujourd’hui ne date que de la période post-iconoclaste. L’iconostase n’a pas pour but de soustraire quoique ce soit à la vue du fidèle, mais au contraire de lui suggérer ce que les yeux de chair ne peuvent voir, ce royaume céleste auquel participent les saints personnages qui la composent.
Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré à l’étude d’une fresque souvent peinte sur les murs des réfectoires athonites ou dans le narthex de certaines vieilles églises : l’échelle de l’Ascension divine dont l’origine scripturaire est la vision de Jacob au livre de la Genèse (28 : 12, 13). La scène est également reliée au grand ouvrage classique de la spiritualité chrétienne : L’Echelle de saint Jean Climaque. Pour l’auteur, l’échelle exprime le point de vue orthodoxe selon lequel le salut ne peut s’obtenir d’un coup mais au terme d’un long et difficile effort spirituel par lequel nous gravissons une à une les marches de l’ascension vers Dieu. Tout au long de l’échelle sont représentés des anges qui aident et encouragent la progression des moines, ou des démons qui tentent de les faire chuter. Emergeant du ciel, le Christ est représenté au haut de l’échelle, saisissant la main du moine qui s’approche du sommet, comme pour indiquer que malgré tous nos efforts, nous ne pourrions obtenir le salut sans Sa grâce.
On trouvera également reproduites dans l’ouvrage de nombreuses icônes, fresques et mosaïques, toutes très belles venues du monde byzantin. En particulier des fresques peu connues des monastères des Météores et du Mont Athos, et bien sûr des icônes de Photios Kontoglou.
Si l’art de l’iconographe réside avant tout dans l’humilité avec laquelle il peint ses icônes, dans la fidélité aux modèles transmis, ce livre constituera pour lui un guide précieux - et pour tous une nécessaire initiation.
Diacre Spyridon

Christine CHAILLOT. - Rôle des images et vénération des icônes dans les églises orthodoxes orientales - syrienne, arménienne, copte, éthiopienne, Genève, 1993.

A la suite des accords de Chambésy en septembre 1990, la commission théologique du dialogue entre orthodoxes et «monophysites» avait insisté sur «le besoin d’une période d’intense préparation des peuples pour qu’ils participent (...) à la restauration de la communion des Eglises». Le livre de Ch. Chaillot, au-delà de l’intérêt qui lui est propre, vise donc principalement à accréditer la thèse oecuméniste d’une unité de foi parfaite entre les Eglises orthodoxes et préchalcédoniennes, et plus précisément ici à prouver l’identité de fonction des icônes et leur vénération dans ces deux traditions. Cet a priori très contestable conduit l’auteur à formuler d’hâtives conclusions : «ces églises distinguent bien la différence entre l’usage pédagogique de l’image et sa vénération : on vénère avant tout la personne, le prototype représentés sur l’icône ou l’image, ce qui résout tout argument iconoclaste et tout problème christologique» (!) Nous ne faisons ici que relever le caractère suspect de tels raccourcis qui évacuent trop facilement les questions de fond.
Si, pour avoir ignoré le VIIème Concile Oecuménique, ces Eglises n’ont pas développé une véritable théologie de l’icône, l’auteur avance que leur orthodoxie en cette matière serait garantie par saint Jean Damascène, le plus grand défenseur de l’icône orthodoxe. Nous avons montré par ailleurs combien cette affirmation, maintes fois répétée est contraire à la vérité (cf. La Lumière du Thabor, n 30, p. 8-9). Il n’en reste pas moins vrai que les documents collectés par l’auteur démontrent clairement que les bases théologiques de la vénération des icônes sont bien connues des Eglises dites monophysites. Leur témoignage est d’autant plus intéressant qu’elles ont souvent conservé des usages très anciens -par exemple celui du rideau orné de représentations qui fut progressivement remplacé par l’iconostase dans la tradition orthodoxe- et ce témoignage atteste, si besoin était, que les fondements théologiques de l’icône étaient posés bien avant le IVème Concile Oecuménique.
Le mérite principal de l’auteur est d’avoir fait oeuvre de pionnier en publiant un ouvrage de recherche sur un sujet peu connu, d’avoir rassemblé divers textes qui nous permettent de nous faire une idée plus précise de ce que sont ces Eglises préchalcédoniennes d’orient. Mais nous n’avons trouvé nulle part de référence à des canons iconographiques et les illustrations contenues dans l’ouvrage semblent plutôt indiquer qu’aucune distinction n’y est faite entre une icône et une image naturaliste. Or la vénération des images n’est pas un critère suffisant d’orthodoxie, encore faut-il que ces images soient peintes dans un esprit traditionnel, sinon elles conduisent plus sûrement à l’idolâtrie ou à l'iconoclasme qu’à la sauvegarde de la vraie foi. Ce sont dès lors les rites de consécration des images, longuement cités par l’auteur, qui tiennent lieu de critère d’authenticité, et non plus la conformité aux modèles transmis. Dans l’Eglise arménienne, des images italianisantes sont ainsi promues icônes par une bénédiction dont le caractère alors «magique» est incompatible avec la vraie tradition orthodoxe. De même chez les Coptes, où l’évêque, après avoir communié, souffle trois fois sur l’icône qui a préalablement reçu une onction de saint chrême -ce n’est qu’à la suite de ces rites de consécration que les icônes peuvent être utilisées liturgiquement dans les églises. De telles pratiques, quoiqu’elles apparaissent aussi dans certaines Eglises orthodoxes, sont contraires à l’esprit de la tradition et violent les décisions du VIIème Concile Oecuménique. Dans son Histoire de l’Eglise, W. Guettée décrit ainsi la réponse des Pères du VIIème Concile au conciliabule iconoclaste de 754 : «Ce conciliabule avait prétendu que les images ne méritaient aucun culte, parce qu’elles n’avaient été l’objet d’aucune consécration. Le concile répond que cette consécration n’est pas nécessaire (...). _Nous honorons les images, dit le concile, à cause de ce qu’elles représentent; nous croyons nous sanctifier en baisant les vases sacrés quoiqu’ils n’aient reçu aucune bénédiction’. En Occident, on a introduit l’usage de bénir les vases sacrés ; mais dans l’Euchologe orthodoxe on ne trouve pas de prières pour cette bénédiction ; l’Eglise orthodoxe a conservé l’ancien usage indiqué par le septième concile oecuménique.» (Tome 5, p. 603-604, Paris, 1886).
Force est de constater que les églises «monophysites» n’ont pas, elles non plus, gardé la vraie tradition et il est donc impossible, sur ce point encore, de trouver une communauté de vue avec l’authentique tradition orthodoxe. A ce sujet, nous avons traduit ci-après l’article paru dans la revue The Ark (N 29-30) de septembre 1992, qui explique pourquoi on ne doit pas faire consacrer les icônes.

Diacre Spyridon

Pourquoi on ne doit pas
faire consacrer les icônes

Le rationalisme caractérise toutes les hérésies, et tout particulièrement l’iconoclasme. Comme la plupart d’entre elles, ce dernier ne repose pas sur une seule erreur, mais il en renferme plusieurs. Avec plus de curiosité inventive, peut-être, que d’autres hérétiques, les iconoclastes ne cessèrent, pendant plus d’un siècle, d’élaborer de nouvelles cacodoxies pour renforcer leur hérésie. Ils connaissaient évidemment l’enseignement de l’Eglise sur la vénération des icônes. Ils savaient que le culte et la vénération rendus aux icônes étaient relatifs et que, loin de s’adresser à la matière de la peinture et du bois, ils passaient, au contraire, au prototype, c’est-à-dire à la personne représentée dans l’icône. Incapables de réfuter à leur tour cette réponse orthodoxe, les iconoclastes s’efforçèrent de faire tomber l’Eglise dans un piège, qui minerait sa propre doctrine que l’honneur rendu à l’icône passe au prototype et que la bénédiction du modèle descend de même à l’adorateur par le canal de l’icône.
Les iconoclastes objectèrent que, les icônes n’étant pas bénies ni consacrées par aucun rite ni prière spécifique, elles ne devaient recevoir ni honneur ni vénération. Cette nouvelle attaque créerait, pensaient-ils, un dilemme imparable. En faisant ressortir que l’Eglise n’avaient pas de prières ou de service consécratoire pour les icônes, ils prétendaient prouver que ces dernières étaient étrangères à la tradition ecclésiastique. En conséquence, pour satisfaire à l’argument iconoclaste, les orthodoxes devaient soit renoncer tout-à-fait aux icônes, soit composer un rituel de consécration. Or, si l’Eglise avait choisi de ne pas abandonner les icônes, mais de les consacrer et de les conserver, elle aurait admis par là-même que les icônes étaient une innovation, et de surcroît, sans efficacité. La consécration aurait représenté une négation de la légimité et de l’efficacité de l’icône en elle-même, ainsi que de la Croix et des saintes reliques des Saints, également impliquées dans la controverse.
L’Eglise ne renonça évidemment pas aux icônes ; mais elle ne créa pas davantage de rituel ou de formule pour les consacrer. Au contraire, le Septième Concile Oecuménique ré-affirma la foi de l’Eglise, selon laquelle la forme de la Croix et les saintes icônes sont saintes «par elles-mêmes», et «vraiment pleines de grâce et de bénédiction», et n’ont nul besoin d’être encore consacrées par les hommes. Voici les textes des iconoclastes et la réponse du Septième Concile Oecuménique à ce sujet :
«Argument des iconoclastes, lu par Grégoire, évêque de Néo-Césarée : (L’icône) ne connaît pas de prière sacrée de consécration, qui puisse l’élever du profane au sacré. Donc, elle demeure ce que l’artiste l’a faite, profane et non digne d’honneur.
Réponse du Septième Concile Oecuménique, lue par Epiphane, diacre de Catane, en Sicile : Qu’ils écoutent la vérité. Beaucoup de choses que nous tenons pour consacrées ne reçoivent pas de prière de consécration parce que, d’elles-mêmes et du seul nom qu’elles portent, elles sont véritablement pleines de bénédiction et de grâce. C’est pourquoi nous les honorons et vénérons comme des choses saintes. Ainsi la représentation de la vivifiante Croix est vénérable, sans qu’il soit besoin de prière ou de consécration de notre part ; et il suffit que nous recevions la bénédiction par cette représentation. Et nous croyons que c’est par la vénération que nous lui rendons, et par le signe que nous en traçons sur notre front, et dans l’air avec le doigt, que les démons sont défaits. Il en va de même pour l’icône, à cause de Celui dont elle porte le nom ; et c’est au prototype que va notre vénération. Et quand nous l’honorons et le vénérons avec piété, nous avons part à sa bénédiction. De même, possédant divers vases sacrés, nous les vénérons et les embrassons aussi, confiant que nous en recevons la bénédiction» (Session 6, Mansi 13, 269 D,E).
La pratique moderne qu’on trouve dans quelques Eglises orthodoxes, de consacrer les icônes et les croix ou de les «apporter dans l’église» est une capitulation malheureuse devant l’esprit rationaliste de l’iconoclasme et du sacramentalisme latin. Cette pratique confirme l’idée papiste et démoniaque que les prêtres et les évêques ont le pouvoir de contredire la foi et de donner force de loi à leurs propres décisions, donc de lier et Dieu et les hommes. C’est le même genre d’esprit rationaliste qui préside à l’iconographie faussée et aux pratiques anti-orthodoxes, aussi bien qu’à l’oecuménisme. La pression du rationalisme et de la scolastique latine sur l’esprit du peuple orthodoxe et de ses pasteurs est aujourd’hui plus forte que jamais.

George Gabriel, The Ark, n 29-30, septembre 1992.

Réponse aux néo-calendaristes

Voici soixante-dix ans le schisme a été introduit en Grèce -le 10 mars 1924- par l’adoption du calendrier «réformé» instauré par le Patriarche de Constantinople Mélétios Métaxakis pour rapprocher l’orthodoxie des confessions occidentales. Ce calendrier hybride suit, pour l’ensemble des fêtes du cycle pascal, le calendrier orthodoxe traditionnel ou calendrier julien, et pour les fêtes fixes, le calendrier réformé par le Pape Grégoire XIII ou calendrier grégorien. Les vrais chrétiens orthodoxes ont refusé le nouveau calendrier et, pour cette raison, ont été appelés «anciens calendaristes» par les innovateurs. Après des années de persécution -en Grèce, sous le régime des colonels- les Vrais Chrétiens Orthodoxes peuvent désormais se faire entendre, et beaucoup de fidèles du nouveau calendrier, se rendant compte que l’innovation était un pas vers le syncrétisme oecuméniste, retournent au calendrier traditionnel ou songent à le faire. Les Eglises de Grèce, de Crète, de Chypre, inquiètes de l’hémorragie de leurs fidèles, essayent de les retenir. L’Eglise autonome de Crète a ainsi publié une encyclique condamnant «toutes les hérésies», parmi lesquelles, outre les témoins de Jéhovah et le Nouvel Age, on trouve : «les parataxes zélotes des anciens-calendaristes» ! Cette encyclique devrait, du reste, poser certaines questions du point de vue oecuméniste, puisqu’elle condamne aussi le protestantisme dont une branche, l’Eglise Evangélique Libre, entretient les meilleures relations avec les métropolites crétois qui la qualifient d’Eglise soeur et qui ont touché beaucoup d’argent des Evangéliques pour construire leur église de Bonn. (Agios Agathangelos, 143, mai-juin 1994).
Les nouveaux-calendaristes ont aussi organisé, notamment au Pirée et à Chypre, des émissions de radio qui, sous couleur d’information, diffusent des calomnies à l’endroit des Vrais Chrétiens Orthodoxes. La Fondation Saint Epiphane, du nom du saint Archevêque de Salamine de Chypre, a publié deux articles, en réponse aux attaques de la station de radio chypriote «Logos». L’intérêt de cette réponse dépasse le cadre simplement local. Elle constitue une mise au point dogmatique et historique de première importance sur cette question, dont très peu de personnes ont perçu la portée spirituelle. C’est pourquoi nous en publions ci-dessous un résumé détaillé, tout en remerciant notre frère Jean Dubuisson de nous avoir procuré ce texte grec, paru à Larnaka en 1993.

Que le Seigneur Dieu affermisse la foi sainte et immaculée
des chrétiens pieux et orthodoxes, aux siècles des siècles

Mardi 24 juin/ 7 juillet 1993
Nativité de saint Jean Baptiste

A propos de l’émission «A la lumière de l’orthodoxie» diffusée sur LOGOS le 30 juin du calendrier civil, sur le thème : «L’ancien et le nouveau calendrier», avec la participation de M. Phédon Papadopoulos, professeur de théologie, nous désirons faire quelques remarques, par amour de la Vérité. Certes, on ne saurait songer à reprocher à la hiérarchie néo-calendariste un souci de catéchiser ses fidèles ; mais elle devrait le faire sur d’autres bases que celles de cette émission, sans quoi elle désinforme au lieu d’aider à comprendre.
Comment les auditeurs pourraient-ils se former une idée juste des points controversés, du moment que les connaissances nécessaires, en théologie comme en histoire, leur font le plus souvent défaut ? Un seul exemple : si l’on avait eu connaissance du contenu exact de l’Encyclique de 1920 à laquelle l’orateur s’est référé au petit bonheur, comme cela l’arrangeait, la discussion aurait pris un tout autre tour ! Si la station de radio avait souhaité autre chose que de la propagande à sens unique, elle se devait d’inviter des théologiens des deux côtés, et de même compétence ; alors les auditeurs auraient pu se former une idée moins imprécise de l’enjeu du débat.
Je dis «une idée moins imprécise». En effet, la question n’a rien de simple et ne saurait être réglée en une heure d’émission. A l’époque de l’iconoclasme, les adversaires des icônes soutenaient aussi devant les orthodoxes qu’il ne s’agissait que d’un changement sans caractère dogmatique -comme le prétendent aujourd’hui, pour le nouveau calendrier, ses partisans. Les iconoclastes trouvaient indignes de la haute spiritualité chrétienne la vénération de planches coloriées et demandaient où cette vénération avait été prescrite. Cependant, à l’arrière-fond de ce changement d'apparence anodine, les Pères théophores surent discerner «l'hérésie et le bouleversement le plus athée qui soit».
Il est, de même, difficile à un fidèle du nouveau calendrier, de soupçonner l'ampleur de l'apostasie qu'il recèle. Et ce n'est guère des émissions du genre de celle-ci qui nous aideront ! Nous vivons assurément une époque d'indifférence religieuse : beaucoup pratiquent de façon formelle, voire ne vont fêter Pâque que pour allumer des pétards le soir de la fête. Il existe néanmoins des êtres pieux, «de vrais Israëlites, des hommes sans fraude», en grand nombre, parmi les néo-calendaristes ; mais ils ne peuvent, spirituellement, franchir les cadres que l'enseignement de leurs docteurs leur a imposés.

Les «anciens-calendaristes» font-ils de la propagande ?

Voilà pourquoi nous nous efforçons de tenir, à l'égard des néo-calendaristes, une conduite digne et cohérente. Si quelqu'un vient dans nos églises, nous ne le chassons pas : «Celui qui vient à moi, je ne le chasserai pas», ni ne refusons de prier pour lui, comme il se doit, ni de lui offrir l'hospitalité, sans viser d'autre but. Et ces choses, nous les devons à tout homme. Dieu qui fait luire son Soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, n'agit pas par prosélytisme !
Mais que le Seigneur nous garde du péché de se servir de Son Saint Corps et Sang comme d'un moyen de prosélytisme, pour faire revenir les fidèles à l'ancien calendrier ! Nous prions, certes, pour que tous -néo-calendaristes, hérétiques, schismatiques, athées, etc- reviennent à la vérité. Mais si les néo-calendaristes croient que là où ils se trouvent, ils communient au Corps et au Sang du Christ, ont leur salut assuré et que leur Eglise garde toutes les traditions sans innovation ni altération, et sans fouler aux pieds les canons, qu'ils cherchent en conscience, avec le critère de l'enseignement de l'Eglise, ce qu'ils répondront devant Dieu.
Nous ne sommes pas prêts à organiser un quelconque «tourisme ecclésiastique», pas plus que nous n'essayons de faire nombre -contrairement à ce qui a été sottement prétendu au cours de l'émission. Un seul fidèle à la loi de Dieu vaut mieux que mille transgresseurs. C'est pourquoi nous avons refusé la diffusion télévisée de nos liturgies. Pourrions-nous, à l'heure où les Séraphims se voilent la face de crainte, donner nos Mystères en spectacle ?
Nous croyons, selon le livre des Actes, que le Seigneur «ajoute à l'Eglise le nom de ceux qui sont sauvés». Notre devoir n'est pas de faire de la propagande, mais de prendre garde à nous, de crainte que nos chutes ne scandalisent certains de ceux qui cherchent sincèrement la vérité.

Précisions préliminaires

Les deux intervenants de l'émission -M. Papadopoulos et son interlocuteur- nous ont lancé deux accusations contradictoires :
- le premier a dit que nous mettions en avant le Mont Athos et les Eglises slaves, qui suivent l'ancien calendrier, pour paraître plus nombreux !
- le second a déclaré que nous nous glorifions d'être «le petit nombre des élus» !
Répondons-leur :
A. Premièrement, nous ne nous considérons ni comme «ancien-calendaristes», ni comme «zélotes», ni rien d'autre. Ce que nous étions jusqu'au 9 mars 1923, nous le sommes encore à présent. Le nom que nous revendiquions alors, nous le revendiquons toujours. Nous adorons le Dieu de nos pères comme nous l'adorions alors : notre calendrier n'a pas vieilli !
A causes des circonstances cependant, et comme la hiérarchie au pouvoir s'attribue le nom que nous revendiquons -celui d'orthodoxe- nous nous sommes vus contraints, pour éviter toute confusion, de faire usage d'épithètes et d'ajouts qui sont, en eux-mêmes, de purs et simples pléonasmes : «Vrai chrétien orthodoxe». Et puisque notre très doux Seigneur et Sauveur, entre autres titres, reçoit celui d’Ancien des Jours, nous acceptons nous-mêmes l’appellation d’«anciens-calendaristes», portant ainsi Son opprobre.
B. Si nous mentionnons les Slaves et l'Athos, ce n'est pas pour les tirer à nous. Que dire des milliers d'anciens-calendaristes ukrainiens que compte l'Eglise papale ? Non, si nous rappelons l'Athos et les Slaves, c'est pour manifester l'incohérence des néo-calendaristes. Car si c'est l'Eglise, comme ils le soutiennent, qui a changé le calendrier, pourquoi toute leur Eglise ne suit-elle pas le même nouveau calendrier liturgique ? Comment justifier un pareil chaos : dans la même Eglise, l’un célèbre la fête, tandis que l’autre jeûne, on célèbre deux fois l’an la Nativité du Christ qui ne s’est incarné qu’une fois, Noël tombe après la Théophanie, et autres absurdités. Si le nouveau calendrier est meilleur, puisque corrigé, pourquoi tous ne l’adoptent-ils pas, et pourquoi suivent-ils le calendrier «ancien», à l’instar des «illettrés» que nous sommes, des «schismatiques privés du sacerdoce canonique» ? Or «ce qui est ancien, ce qui a vieilli, est près de disparaître» selon l’Apôtre Paul ; quoique, pour nous, le calendrier en question ne soit nullement un calendrier ancien, mais celui de l’Eglise et des Pères.
C. Ce n’est ni le petit ni le grand nombre qui a raison, mais l’Eglise du Christ. Nous faisons tous nos efforts pour rester fidèles au canon de saint Vincent de Lérins et pour vivre ce qui a été cru «toujours, partout et par tous» dans l’Eglise. C’est pourquoi, selon ses recommandations, nous suivons les Pères et l’antiquité. Si nous sommes nombreux, nous nous réjouissons de ce que beaucoup savent la vérité ; si nous sommes peu, nous ne cessons pas de glorifier Dieu : trois hommes peuvent, selon les saints, être l’Eglise universelle ; et, comme le dit saint Maxime le Confesseur : un chrétien et Dieu, voilà la majorité !
D. A ceux qui aiment la vérité, nous disons qu’il faut être conscient de ce que l’on recherche. Les Pères disent : «Donne ton sang, tu recevras l’Esprit». Nous ne pouvons pas, d’un côté, rester attachés à nos petits plaisirs, aux biens de ce monde, et à un culte pratiqué par habitude, pour espérer, ensuite, apprendre la vérité dans un émission de télévision ! Dieu n’est pas le serviteur de nos curiosités ! Le Seigneur vient à notre recherche, en vue de notre bien éternel. Il nous a aimés le premier. Lorsque nous répondons à son amour, Il se fait connaître à nous ; et la Vérité nous libère des ténèbres. Dès lors, il devient possible de comprendre ce qu’il en est du calendrier des fêtes, quel en enjeu s’y cache, et bien d’autres choses encore.
C’est pourquoi nous disons qu’une confrontation entre des gens sérieux et informés aurait permis à l’auditeur moyen de se faire une idée moins fausse de l’enjeu spirituel ; ou tout au moins, de savoir où la chercher.

Vrai et faux dialogue

On nous a également accusé de falsification, de manière déloyale. Celui qui nous accuse ainsi devait le faire publiquement, en nous laissant la faculté de répondre. C’est pourquoi un fidèle du nouveau calendrier a téléphoné durant l’émission pour dire qu’on aurait dû permettre à «l’autre parti» de s’exprimer. Les organisateurs devaient-ils attendre ce rappel de leur devoir, et des règles démocratiques élémentaires ?
Cela dit, nous n’avons aucun goût pour la manie des dialogues et des discussions à perte de vue qui sévissent actuellement, et où chacun s’écoute parler. Peu nous importe de passer ou pas sur les ondes : nous avons besoin de pleurer nos péchés et non pas de nous donner en spectacle ! Les dialogues que les néo-calendaristes conduisent depuis de si longues années avec les papistes, les luthériens, les calvinistes et autres hérétiques ; les rencontres, symposia, prières communes et échanges d’étudiants et de théologiens -à quoi tout cela a-t-il abouti ? A-t-on jamais vu un seul hétérodoxe revenir à l’orthodoxie à la suite des milliers de dialogues, de compromissions et de transgressions des canons ? Le seul résultat a été la décadence spirituelle de l’Eglise nouvelle calendariste, qui se dégrade un peu plus chaque jour, et qui s’est mise sous l’anathème des Pères et des Canons.
Si vous le souhaitez cependant vraiment, nous pouvons tous témoigner. Chacun de nous se tient prêt à «se défendre avec douceur et crainte, devant quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous» (1 Pe 3, 15). Nous expliquerons avec patience tout ce que nous croyons et pour quelle raison nous le croyons. Ensuite, que celui qui nous interroge compare nos dires avec la Tradition de l’orthodoxie et, s’il trouve juste notre manière de faire, qu’il l’embrasse ; s’il ne la trouve pas juste, qu’il suive la Tradition ! Enfin, si quelqu’un se plaît à contester, qu’il sache, selon l’Apôtre, que nous n’avons pas cette habitude (1 Cor. 11, 16).

L’Encyclique de 1920 et l’innovation

A toute personne intéressée, nous recommandons de lire la fameuse Encyclique promulguée en 1920 par le patriarcat de Constantinople1. L’Eglise papale et les Eglises protestantes y sont qualifiées de «cohéritières et concorporelles de la promesse de Dieu en Christ» : le patriarche nie donc ouvertement l’unicité et l’exclusivité de l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique, qui est l’Eglise orthodoxe, une et visible. Cette négation constitue la base de la «théorie des branches» ou de «l’Eglise invisible». L’Encyclique trace, en outre, le programme futur de l’oecuménisme, dont le premier point est le changement de calendrier, explicitement proposé comme un moyen de se rapprocher des hérésies occidentales.
De multiples hérésies se trouvent à présent liées au nouveau-calendrier. Certains demandent ce que nous ferions si les néo-calendaristes revenaient au calendrier des Pères. Nous répondons qu’un retour sincère, fût-ce sur un point mineur, serait sûrement agréable à Dieu. Toutefois, nous l’avons vu, le Pape lui-même a des milliers de fidèles qui suivent le calendrier julien. Nous ne nous battons pas pour des jours de plus ou de moins ! Nous tâchons, Dieu aidant, de garder toute la Tradition. Si l’Apôtre Jacques dit que l’observateur de la Loi, s’il transgresse un seul commandement, devient coupable de tous, à quoi servirait-il de garder un point de la Tradition comme le calendrier et de fouler le reste aux pieds ?

«La Pascalie n’est pas modifiée»

Un autre argument développé dans l’émission fut le suivant : le calendrier corrigé ne modifie rien à la date de Pâque et à toutes les fêtes du cycle pascal. C’est une erreur, et voici pourquoi.
1) Jérémie II Tranos, au XVIème siècle, avait déjà dû expliquer que le calendrier des fêtes fixes, ou Ménologe, est inséparable du cycle de Pâque ou Pascalie. Un seul maillon qui saute et la chaîne est rompue. Il est superflu de rappeler combien le cycle des Dimanches, des carêmes et des fêtes se trouve altéré.
2) Nul n’ignore que l’Eglise de Finlande a adopté la date grégorienne pour fêter Pâque, et cela depuis plus de dix ans.
3) Si les novateurs n’ont pas changé la Pascalie, ce n’est pas que l’envie leur en ait manqué. L’histoire prouve que ce qui les a retenus, c’est la crainte d’une division plus importante, car les indécis nous auraient rejoints. L’Eglise grecque, au Concile Panorthodoxe de 1923, a accepté le principe du changement de la Pascalie. Voici le texte officiel de la réponse de l’Eglise de Grèce au «Concile Panorthodoxe» de 1923 sur l’éventuelle adoption de la Pascalie grégorienne : «Le Synode des Hiérarques de l’Eglise de Grèce décrète : Il approuve la conclusion du mémoire de Sa Béatitude le Primat du Synode, aux termes de laquelle 13 jours sont ajoutés au Calendrier Julien, sans changer aucunement la Pascalie. S’il arrive pourtant que le Concile Panorthodoxe réuni à Constantinople se détermine sur une autre solution pour la fête de Pâque, l’Eglise de Grèce l’accepte... Question 3 : Est-il nécessaire de changer aussi la Pascalie, ou peut-on se contenter d’harmoniser les fêtes fixes avec les dates correspondantes du calendrier civil ? Réponse : Après l’acceptation par l’Eglise du nouveau calendrier, pour les nécessités de cette vie, la mise en conformité du calendrier des fêtes mobiles apparaît aussi comme inéluctable, et même à cours terme. Une raison supplémentaire pour introduire immédiatement l’harmonisation de la Pascalie est la grande signification morale et l’impression que produirait sur tout le monde civilisé le rapprochement, obtenu par le moyen de cette initiative spontanée, des deux mondes chrétiens, celui de l’Orient et celui de l’Occident, dans la célébration commune des grandes fêtes chrétiennes2».
4) L’unanimité des Pères a décidé que toutes les fêtes seraient célébrées en même temps par les orthodoxes, et non pas simplement celle de Pâque ! Jérémie II écrivait que les fêtes du Seigneur qui est né, qui a été baptisé, qui s’est transfiguré et qui a souffert une seule fois, ne sauraient être fêtées deux fois l’an, comme il arrive dans l’Eglise des néo-paléo-calendaristes. Si l’Eglise est une, comment pourrait-elle fêter deux fois Noël ? L’Eglise suit en cela le même ordre qu’en ce qui concerne la Divine Liturgie, qui n’est point célébrée deux fois sur le même autel, ou par le même prêtre, au cours de la même journée. Car l’Eglise nous sanctifie par cette connaissance, que le Christ nous a sauvé par une seule Incarnation, une seule Passion, et un seul Sacrifice offert pour l’éternité, «selon l’ordre de Melchisédek».

Argument nationaliste

Un argument politico-national a été avancé : l’existence d’un calendrier civil et d’un calendrier ecclésiastique créerait une difficulté pour la fête nationale grecque, qui tombe le 25 mars, jour de l’Annonciation. Eh ! bien, mais le journal officiel n24 du 25 janvier 1923 reproduit le décret royal du 18 janvier 1923, portant que la Fête Nationale et toutes les autres fêtes de l’Etat seront fêtées selon le calendrier julien. Admettons toutefois qu’un problème naisse de là. Devrons-nous changer la vie universelle de l’Eglise pour une fête nationale ? Devrons-nous, pour maintenir une concordance dans la célébration de notre fête nationale, renverser la Tradition de l’Eglise et nous diviser spirituellement ? Les Roumains, les Bulgares, et les autres peuples, en feront-ils autant, chacun changeant le calendrier selon sa fête nationale ? En Christ, il n’est plus «ni Hellène, ni Barbare», et l’Eglise ne connaît pas les barrières nationales.

L’Eglise a déjà modifié son calendrier

Pour soutenir le droit au changement de calendrier, on a cité le cas des saints dont les fêtes tombent à des jours différents selon les endroits. Par exemple, l’Eglise Serbe fête sainte Catherine un jour plus tard que nous. Nous répondons que ces disparités ne portent pas atteinte à la vie ni à la tradition de l’Eglise. Rien n’empêche l’Eglise, réunie un jour en Concile Panorthodoxe, de remédier à ces menues divergences, dues aux malheurs des temps, à l’éloignement et à d’autres causes humaines. Cette mise à jour que nous évoquons n’a, bien entendu, rien à voir avec l’aggiornamento du calendrier des catholiques qui a consisté à retirer saint Georges, sainte Catherine, et d’autres, du calendrier des saints. Quant aux saints locaux, il est impossible, à cause de la «multitude des noms», comme le dit la Liturgie de saint Basile, de les mentionner tous dans les Ménées. En tout cas, la vie de l’Eglise n’en est pas altérée.
D’autres exemples ont été cités. La fête de saint Jean Chrysostome, qui s’est endormi dans le Seigneur un 14 septembre, jour de l’Exaltation de la Croix, a été transférée au 13 novembre par l’Eglise, soucieuse d’honorer plus dignement et spécialement sa mémoire. De même, tout le corps de l’Eglise a décidé de déplacer la Transfiguration, originellement fêtée 40 jours avant le Grand Vendredi et, afin de la célébrer avec plus d’éclat, l’a placée hors du Grand Carême, au 6 août, c’est-à-dire quarante jours avant la fête de la Croix, qui est une sorte d’autre «Grand Vendredi».
Ainsi, lorsqu’il se trouve des raisons théologiques, christologiques ou liturgiques, l’Eglise dans son universalité adapte son calendrier des fêtes à ses besoins spirituels, sans se soucier d’exactitude calendérique. Quant au nouveau calendrier, à quelle fonction théologique, christologique ou liturgique répond-il ? Non seulement il n’en remplit aucune, mais il a mis sens dessus dessous l’effort séculaire de l’Eglise pour arriver à une célébration commune. Il ne faut pas confondre l’acte de l’Eglise qui, lorsque deux fêtes tombent le même jour, déplace l’une d’elles ; et l’action brouillonne de quelques uns qui, contre toute raison, toute loi et toute harmonie, bouleversent les dates au mépris de la vie de l’Eglise.
On a dit aussi dans l’émission que le calendrier julien vient d’Occident et que dans son développement historique, il a été corrigé par l’intercalation de quatre-vingts jours. En quoi cela nous regarde-t-il ? Répétons-le : une planche n’est qu’un morceau de bois parmi d’autres ; une fois qu’elle a reçu la forme et les couleurs qui en font l’icône du Christ, la planche sans prix ni beauté devient l’icône que nous vénérons. De même, le calendrier julien n’était qu’un calendrier comme les autres. Guidée par l’Esprit Saint qui inspirait les Pères, l’Eglise inscrivit sur ce calendrier (hémérologion) son Ménologe, sa Pascalie et son Cycle Dominical, ses jeûnes et ses fêtes, le transformant ainsi en Calendrier des Fêtes (heortologion), sacro-saint et divin, incarné dans la Tradition et dans la vie de l’Eglise et inséparable d’elles. L’Eglise ayant, dans des Conciles panorthodoxes, refusé, sous peine d’anathème, toute modification de ce Calendrier des Fêtes, son autorité s’en est trouvée renforcée et consacrée. Son usage multiséculaire le rend vénérable.

N’éteignez pas l’Esprit

Un auditeur a téléphoné pour dire qu’avec le nouveau calendrier il était impossible que les «deux Pâques» coïncident, c’est-à-dire que tombent ensemble l’Annonciation de la Mère de Dieu et la Résurrection du Seigneur. La réponse fut que la chose est sans importance et n’empêche pas les chrétiens de goûter la joie de la Résurrection. La question n’est pas là. Il existe une prophétie faite par un saint de l’Eglise orthodoxe, qui devait se réaliser «quand les deux Pâques coïncideraient». Si le nouveau calendrier interdit cette possibilité, n’est-ce pas une preuve de son caractère erroné, étranger à la tradition et condamnable, dans la mesure où il fait mentir le saint ? L’Apôtre Paul ne disait-il pas aux Thessaloniciens : «Ne méprisez pas les prophéties» ?

Sagesse de ce monde et sagesse selon Dieu

Un auditeur a souligné, au téléphone, que notre Christ n’a eu que douze disciples illettrés. Par ce rappel, il voulait signifier deux choses : que, lorsqu’il s’agit de la Vérité, le nombre ne fait rien à l’affaire, non plus que la sagesse de ce monde. Et qu’a répondu l’animateur de l’émission ? Que l’Apôtre Paul était professeur d’Université ! S’il avait lu attentivement l’Ecriture, il n’aurait pas parlé si à la légère. C’est pour notre instruction que le Christ notre Dieu n’a pas appelé Paul tout de suite, quoiqu’Il l’eût choisi dès le sein de sa mère. Tandis que les disciples illettrés recevaient immédiatement la grâce du Tout Saint Esprit et la toute-sagesse, Paul se noyait dans sa sagesse «universitaire», jusqu’à ce que le Seigneur le réveillât sur le chemin de Damas. Ne nous a-t-Il pas ainsi montré que l’homme doit se tenir en garde devant sa propre sagesse et ses propres forces ?
Après avoir reçu la lumière d’en-haut, qui purifia, sanctifia sa science et la rendit utile, Paul écrivit des choses admirables, pleines d’esprit de pénitence et d’émotion, sur la sagesse de ce monde, la folie de la prédication et la force de l’Evangile.
Frères bien aimés, pour qui le Christ est mort, vous devez vous aussi être circonspects à l’égard de votre science universitaire, de peur qu’en étudiant trop chez les hérétiques et en vous fiant à vos propres forces, vous ne perdiez la grâce de Dieu ! Sagesse, science et connaissance sont des dons de Dieu, mais sans la purification et la sanctification de l’Esprit Saint, elles deviennent ruineuses, comme l’électricité qui éclaire et qui peut tuer. Oui, des Pères sages en tout domaine s’assemblèrent au Premier Concile Oecuménique : mais qu’aurait-il été, sans le théophore illettré qu’était saint Spyridon, et le miracle de la tuile ? Il ne savait pas lire, mais les anges concélébraient avec lui et la mort même ne put résister à son ordre. De telles choses s’apprennent-elles à l’Université ? Et que serait, sans elles, notre foi ?

La succession apostolique des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce

Les nouveaux-calendaristes ont ensuite mis en doute la succession apostolique de nos évêques. Nos premiers évêques auraient été déposés par l’Eglise de Grèce, et le premier évêque ancien-calendariste, ordonné par le Synode Russe Hors Frontière de Monseigneur Philarète...
Réponse. Pour ne pas alourdir l’exposé, nous résumerons les choses ainsi. Le Révérendissime Chrysostome de Florina revint le premier au calendrier des Pères : ce fut ensuite que la Hiérarchie d’Etat le «déposa». Il n’avait jamais été déposé auparavant, et ne le fut que pour cette seule raison, son retour au calendrier. Tout homme sensé comprendra que, dans un tel cas, comme le dit saint Cyrille, «nous n’acceptons pas leur injuste décision». L’évêque Chrysostome ordonna ensuite l’évêque Matthieu Carpadakhis de Vresthène. C’est de ce dernier que les anciens-calendaristes de Chypre tiennent le sacerdoce et l’épiscopat. Comment Papadopoulos peut-il dire que nous n’avons peut-être pas de sacerdoce ?
En ce qui concerne le Synode Russe Hors Frontières du Métropolite Anastase puis du Métropolite Philarète, nous pouvons dire ceci. A cause des persécutions souffertes par les Vrais Chrétiens Orthodoxes, aussi bien en Grèce qu’en Roumanie et en Russie -sujet dont l’émission n’a pas soufflé mot- les relations étaient quasiment interrompues entre nous. Les vrais chrétiens orthodoxes de Grèce n’avaient ni la possibilité d’étudier la théologie, ni celle de franchir la frontière ; la Roumanie de Ceaucescu était fermée ; les vrais chrétiens de Russie, dans les catacombes.
Néanmoins, dans une lettre que nous avons reçue du Métropolite Philarète, datée du 14 avril 1972, jour de saint Martin le Confesseur, Pape de Rome, on lit ceci sur le calendrier : «Ces condamnations (de 1583, 1587 et 1593) n’ont jamais été révoquées par un concile ultérieur. Elles gardent leur force et s’imposent à tous les chrétiens orthodoxes. L’innovation du nouveau calendrier a provoqué le schisme dans toutes les Eglises locales qui l’ont adoptée. Ainsi la Grèce, Chypre, la Roumanie et maintenant la Bulgarie ont goûté le fruit de la désobéissance. Il est affligeant que le peuple n’ait pas pu se lever comme un seul homme et, tel une vague puissante, surmonter et refouler la marée des innovations... Notre Eglise Russe, en la personne de Monseigneur Anastase, Archevêque, puis Métropolite et Primat de notre Synode, de bienheureuse mémoire, a protesté énergiquement et radicalement contre les innovations du nouveau calendrier et des autres formes de modernisme introduites par le Patriarche Mélétios Métaxakis de triste mémoire, lors du conciliabule de Constantinople en 1923, qu’on appelle à tort «panorthodoxe», puisque ni le patriarcat d’Alexandrie, ni celui de Jérusalem, ni l’Eglise de Chypre n’y étaient représentés. La majeure partie des hiérarques de l’Eglise de Constantinople avaient refusé d’y prendre part, pour protester contre l’anticanonique élévation de Mélétios au patriarcat oecuménique, imposée de force par la puissance politique. Le Métropolite Antoine, alors primat de notre Eglise, a également protesté contre la réforme du calendrier, dans sa correspondance avec les patriarches orientaux, et il a reçu des réponses qui confirmaient sa position. Ainsi donc, gloire et honneur, selon les paroles du saint Apôtre Paul, à tous ceux qui gardent les Traditions et la Foi telles que nous les avons reçues sans ajout ni suppression, quelque calomnie ou persécution qu’il leur faille endurer». C’est sur ce texte officiel que reposait notre opinion sur le Synode russe.

Les divisions des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce

Les organisateurs de l’émission n’ont pas manqué de signaler que nous sommes huit parataxes (juridictions). Si nous voulions recenser les absurdités des hiérarchies officielles grecque ou chypriote, il faudrait un livre entier. Quand Jérôme Cotsonis s’empara, grâce aux puissants de ce monde, de l’Eglise, alors que l’Archevêque Chrysostome était encore en place, combien l’Eglise d’Etat eut-elle alors d’Archevêques d’Athènes ? Quand Mélétios Métaxakis, membre, depuis mars 1919, de la loge maçonnique Harmonie de Constantinople, chassé de la Métropole de Kition, devint Patriarche Oecuménique, n’avait-il pas déjà été déposé par l’Eglise Grecque ?
Certes, nous de pratiquons pas la politique de l’autruche à l’égard de nos propres faiblesses humaines. Nous essayons d’y remédier peu à peu, avec la grâce de Dieu et il faudra du temps -comme pour le schisme historique entre Paulin d’Antioche et saint Mélèce.
Enfin, à qui la responsabilité des présentes divisions incombe-t-elle ? Aurions-nous eu tant de crises, sans la maudite innovation ? N’est-ce pas l’introduction du calendrier qui a provoqué ces schismes, comme Monseigneur Philarète le disait à l’instant et comme vos historiens impartiaux l’ont eux-mêmes reconnu ?
J’entends bien : il fallait «pratiquer ceci sans omettre cela», garder la tradition orthodoxe et conserver le bon ordre de l’Eglise. Tous nos problèmes internes, cependant, ne changent rien au fait de l’innovation elle-même. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs : que l’on s’entende sur la Tradition et le calendrier qu’il convient de garder, le reste viendra ensuite.
A quoi servirait une unité extérieure et administrative, si les points les plus graves de la foi sont ébranlés ? L’Eglise du Pape jouit d’une telle unité : elle compte trois fois plus de membres que nous. A quoi bon pourtant ?

Exhortation fraternelle

L’on nous reproche parfois d’oser, nous le petit nombre, traiter de schismatiques les orthodoxes officiels et plus nombreux. Mais n’appelons-nous pas hérétiques le Pape et ses millions de fidèles ?
Très chers frères ! si vous étudiez l’histoire, vous verrez que ce n’est pas nous, mais vos propres hiérarques et historiens, qui reconnaissent que vous avez créé un schisme dans l’Eglise.
Il ne faut pas confondre les fautes personnelles avec le changement de loi que représente le calendrier. Anciens et nouveaux calendaristes ont tous des fautes humaines. Mais le calendrier touche à la foi. Il n’est donc pas juste de dire que c’est par égoïsme que les anciens calendaristes ne fréquentent par les églises du nouveau. Participer aux mêmes prières reviendrait pour eux, en effet, à consentir aux innovations et aux actes oecuménistes, et à se rendre co-responsables devant le tribunal du Christ. L’amour peut-il aller sans la foi et la vérité ? Peut-on par sympathie humaine fréquenter une église ? Prétendre aimer des frères tout en restant indifférent à leur éternité ?
Non, frères très chers ! Mais, comme l’a dit quelque jour le Patriarche Anthime : que l’on rejette l’innovation, si innovation il y a, et où qu’elle soit ; que l’on rejette l’oecuménisme, si oecuménisme il y a, et où qu’il soit ; que l’on rejette le modernisme, si modernisme il y a, et où qu’il soit. Alors nous n’aurons plus besoin d’émissions ni d’articles polémiques : tous, d’une seule bouche et d’un seul coeur nous adorerons le Christ Sauveur qui nous a aimés jusqu’à la mort, et la mort de la Croix : nous serons Une Seule Eglise, dans l’Esprit et la Vérité ! Qu’il en soit ainsi, par les prières de notre Souveraine la Mère de Dieu et de tous les saints qui depuis le commencement ont plu au Seigneur et que les uns et les autres honorons et glorifions ! Amen.

La seconde émission aussi traître que la première

L’émission du 7 juillet 1993 s’est déroulée dans les mêmes conditions que la précédente : malgré le voeu d’un auditeur qui avait téléphoné lors de la première, demandant que soit organisé un débat contradictoire pour que l’on puisse entendre les deux côtés, les Anciens Calendaristes n’ont toujours pas été invités. Dès lors à quoi bon multiplier les émissions ? Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son, la fît-il sonner des milliers de fois. C’est pourquoi nous jugeons nécessaire de faire entendre à nos concitoyens le deuxième son. Que chacun décide ensuite pour lui-même, devant Dieu, selon les exigences de sa conscience.
Il serait très long de reprendre un à un tous les points abordés, mais une question primordiale se pose, qui emporte la solution du reste. De deux choses l’une, en effet : ou bien le changement du calendrier est un acte d’Eglise, ou bien il n’est pas tel. Dans le second cas, il ne sert de rien de présenter d’autres difficultés aux Anciens-Calendaristes. Dans le premier, si c’est l’Eglise qui a changé le calendrier, ce changement s’impose à tout le corps de l’Eglise, depuis l’instant où la décision en fut prise par un Concile qui, selon M. Phédon Papadopoulos, «ne diffère d’un Concile Oecuménique que par le nom». Mais voyez l’incohérence de ce théologien. Le même Papadopoulos a, en effet, qualifié le Père Epiphane Théodoropoulos de «saint nouvellement manifesté» de l’Eglise ! Or ce dernier traitait le Concile en question de «totalement insensé», «très mauvais», «inconsidéré», «de nulle utilité», il le considérait comme une «faute» introduisant «la division3» ! Quelle division peut-il y avoir entre les fruits du Saint Esprit ? L’Eglise guidée par l’Esprit Saint aurait pris une décision ; un prêtre se lève pour la déclarer «insensée» et nous le proclamerions «saint» !

Les demi-mesures d’Epiphane Théodoropoulos

Voici ce que déclare Epiphane Théodoropoulos : «L’Eglise de Grèce est restée, malgré le changement absolument insensé et inutile, une portion canoniquement saine de l’Eglise Orthodoxe universelle». Ainsi nous aurions, comme dit le proverbe, «le beurre et l’argent du beurre» : nous pourrions tranquilliser la conscience des néocalendaristes «conservateurs» et donner satisfaction aux «libéraux». Toutefois, cette nouvelle ecclésiologie est totalement hérétique. Elle fera rire, sans doute, les ennemis de l’Eglise, mais ne suscitera que des larmes d’amertume chez tout orthodoxe un tant soit peu conscient. C’est d’elle pourtant que se réclame M. Phédon Papadopoulos, en bon disciple de son maître, puisqu’il a dit mot pour mot, à propos du calendrier, qu’il est possible «d’introduire cette innovation sans toucher à la foi». Un autre théologien de l’Eglise officielle, le Père Philothéos Zervakos, higoumène du Monastère de la Source Vivifiante, à Paros, appelait le nouveau calendrier «une innovation diabolique». De quels Pères M. Papadopoulos a-t-il reçu une foi mêlée d’innovations, et de surcroît, diaboliques, nous l’ignorons !
Comment l’Eglise pourrait-elle nous guider de manière insensée, vaine, inconsidérée, erronée, très mauvaise, portant la division, et demeurer l’Eglise ? L’Eglise ne peut se tromper, et c’est bien pourquoi les partisans du Pape ont été contraints de forger le dogme de l’infaillibilité papale, pour conférer un tel caractère à chacun de leurs égarements successifs. Notre Eglise a pour tête le Christ Sauveur qui, selon sa promesse, reste avec nous jusqu’à la fin du monde et conduit l’Eglise dans l’Esprit Saint vers toute la vérité. C’est donc un blasphème absurde et irrecevable que de dire que des pasteurs peuvent nous conduire de manière vaine, fausse et inconsidérée, et que nous devrions continuer de les commémorer pour ne pas tomber dans le schisme. Au contraire, saint Mélèce le Confesseur nous enseigne : «Résistez même aux évêques qui vous suggèrent avec perfidie des pensées, des paroles et des actes nuisibles».
Nous avons appris de nos prédécesseurs que «les divins Pères qui ont tout disposé avec sagesse» ont fixé le mode et les temps du culte divin, garantissant ainsi notre unité liturgique, de manière que nous tous les Orthodoxes du monde, nous adorons Dieu d’une seule bouche et d’un seul coeur, sans que l’un soit en train de jeûner pendant que l’autre célèbre la fête. Voilà l’unité dans la prière, l’unité de l’Eglise ; quant aux choses insensées ou qui provoquent la division, nous n’y prêtons aucune attention.
Le théologien Delembase dit avec justesse : «L’innovation calendérique n’a pour elle aucun argument véritable. Toutes les tentatives faites pour la justifier ne sont que des thèses antipatristiques et des prétextes non-orthodoxes. Elles ont néanmoins impressionné beaucoup de personnes, à cause de la présentation fallacieuse qu’en ont fait des érudits et des hiérarques, qui, sans respect pour la vérité et reniant la foi orthodoxe, sont devenus les pervers ouvriers de l’apostasie antichristique4».

L’argument majeur des néo-calendaristes

Les deux émissions nous ont fait entendre à satiété le même air : «L’usage de tel ou tel calendrier n’a aucune importance, et la date de chaque fête est indifférente». Nous répondons que ce que vous dites n’a aucune importance : seule en a la voix multiséculaire de l’Eglise. Vous devez ou revenir sur votre erreur et la corriger, ou vous justifier. Or que dites-vous ? «C’est un point sans importance». Les nestoriens, les iconomaques, les latins et les autres hérétiques n’en disent-ils pas autant pour leurs dogmes ? Et l’Eglise les a-t-elle suivis ? Et ne disent-ils pas aussi : «Où est-il dit dans le Credo que la Mère de Jésus est Theotokos, Mère de Dieu ?», «Où est-il écrit qu’il faut vénérer les icônes», «Où le Credo précise-t-il que l’Esprit procède du Père seul ?» L’Eglise a répondu sur tous ces points. De même, ce n’est pas à vous à déterminer ce qui est important et ce qui ne l’est pas. L’Eglise le fera.
Pensez-vous être les premiers à avoir utilisé cet argument ? Et s’il a été formulé dans le passé, quelle réponse l’Eglise a-t-elle donnée à ceux qui disaient : «Ce n’est pas dogmatique, c’est un point sans importance ?»
L’Eglise a répondu que, si nous supposons que la chose est sans importance, il convient de suivre la tradition des Pères. Ce n’est pas parce qu’une chose est sans importance qu’il convient d’agir selon notre guise. Au XVIème siècle, les partisans d’idées analogues aux vôtres, qui déclaraient que le calendrier fait partie des «choses indifférentes» s’attirèrent cette réponse du Patriarche d’Alexandrie, Mélétios Pigas : «Eh ! bien, mais c’est une raison de plus pour suivre les Pères, si la chose est indifférente. Quoi donc ? N’est-il pas plus juste et plus pieux, dans les choses indifférentes, de se trouver conformes aux Pères ?» «Si nous nous écartons (des Pères), dit saint Athanase le Grand, nous devenons étrangers à leur communion» (BEPES 33, 172). Ce qui ne signifie pas assurément pas que Mélétios Pigas considérât la chose comme indifférente, mais il prenait les innovateurs à leurs propres paroles. Mélétios connaissait l’histoire de Naboth (3 Rois 3), qui préféra perdre la vie plutôt que d’abandonner l’héritage qui lui était échu, tant il honorait son père selon la chair. Et il s’agissait d’une vigne ! Et nous abandonnerions nos pères spirituels qui nous ont engendré en Christ et, entre mille héritages, nous ont transmis le mode et les temps du culte divin !
Selon l’historien Sozomène, les hérétiques Navatiens croyaient que chacun peut célébrer les fêtes selon son bon plaisir : «que la diversité des fêtes n’était pas une cause telle de division de l’Eglise qu’elle méritât considération5». Tel ne fut pas l’avis des Pères, que nous voyons s’inquiéter infiniment, dès avant le premier Concile Oecuménique et dans toute la suite, des divisions produites par la célébration des fêtes. Ils ont beaucoup peiné pour amener l’accord et la symphonie en cette matière, et n’ont pas dit à ceux qui fêtaient Pâque différemment -comme les néocalendaristes d’aujourd’hui : «Cela n’a pas d’importance, fêtez quand vous voudrez et nous fêterons nous aussi quand bon nous semblera». Loin de là ! L’Eglise Une se devait de trouver une solution théologique, christologique, traditionnelle, obligatoire et commune pour tous. Il ne s’agit pas d’un mauvais raccommodage. Quel fut le modèle des Pères ? La Sainte Ecriture. Quand donc l’Esprit Saint descendit-il sur les Apôtres -dont nous fêtons aujourd’hui la synaxe ? Ce fut «alors qu’ils se trouvaient tous assemblés unanimement en un même lieu». L’Ecriture ne dit pas que la moitié d’entre eux étaient montés dans la chambre haute, tandis que l’autre moitié allait le faire treize jours plus tard ! Et dans l’Ancien Testament, Dieu dit : «Toute l’assemblée des fils d’Israël fera cela», et non lorsque chacun voudra. Ou bien, serait-ce que le calendrier des Hébreux était scientifiquement plus exact que le calendrier dit julien ?

Calomnie de saint Paul

Pour prouver que la question du calendrier «n’a guère d’importance», les néo-calendaristes ont cité Paul : «Vous observez les jours, les mois, les temps et les années ! Je crains d’avoir inutilement travaillé pour vous» (Gal. 4, 10-11). Que font-ils d’autre que crier plus fort pour avoir raison ? Qui ignore, en effet, que ce passage a d’abord été cité par les partisans de la tradition, contre les innovateurs qui plaçaient l’exactitude scientifique au-dessus de l’unité liturgique et spirituelle de l’Eglise ?
La vérité est qu’on ne saurait sérieusement citer un passage de la Sainte Ecriture sans connaître le sens que lui donne et la tradition et l’histoire de l’Eglise. Comment l’Eglise a-t-elle compris ce texte de Paul ?
La commission du Patriarcat Oecuménique convoquée pour statuer sur l’exposé présenté par l’astronome smyrniote Epaminondas Polydorou rendit, le 5 septembre 1902, la sentence que voici : «Examinant la question du point de vue de l’Eglise, (la commission) ne trouve rien qui justifie cultuellement la nécessité de rompre avec la pratique ecclésiale consacrée par les siècles et de remplacer le calendrier jugé astronomiquement imparfait par un autre supposé plus parfait, pour respecter l’exactitude astronomique dans la célébration de la Résurrection vivifiante du Seigneur. Célèbrent la fête d’une manière agréable à Dieu non pas ceux qui soignent l’exactitude astronomique en observant les temps, mais ceux qui observent exactement la pureté de l’âme, selon l’Apôtre. Le fait d’observer les jours, les temps, les années et les nouménies témoigne d’une foi encore infantile et suffit à rendre étranger à l’Esprit vivifiant du Christ et à faire retomber dans la lettre morte du judaïsme et du pharisaïsme».
Avant d’organiser leurs émissions, les néo-calendaristes devraient donc y regarder à deux fois : M. Papadopoulos a répondu à une auditrice que le nouveau calendrier était «astronomiquement plus exact». Croient-ils que nos pères ont ignoré l’astronomie ? Au contraire, ils savaient que les rectifications scientifiques n’ont pas de terme assigné, comme l’écrivait Mélétios Pigas : «le besoin de nouvelles corrections se faisant toujours sentir, indéfiniment, pour autant du moins que durera le monde présent».
Que répondait, quatre siècles auparavant, le Patriarche Jérémie II, à ceux qui voulaient, sous prétexte d’astronomie, enchaîner l’unité liturgique de l’Eglise au char du scientisme et du modernisme ? «Même si le temps et le mouvement des luminaires célestes provoque quelque irrégularité dans la fixation de la Pâque, cela du moins n’offense en rien la piété6». Il écrivait au doge de Venise, Nicolas Daponte que nous n’avons pas besoin de recourir sans cesse aux astronomes pour corriger notre calendrier des fêtes : «...le divin Clément et le Concile de Nicée ont tout bien considéré et composé une règle calendérique excellente et perpétuelle, qui ne nécessite pas le recours permanent aux astronomes». Ceux qui vont à chaque fois trouver ces savants, voilà les chronolâtres. Non pas nous ! Comment pourrait-on nous appliquer le passage de Paul, alors que ce n’est pas le temps qui nous soucie, mais la Tradition, les lois de l’Eglise et son unité dans la prière que définit saint Ignace dans sa lettre aux Magnésiens : «Une seule prière, une seule supplication, une seule pensée, une seule espérance dans l’amour, dans la joie irréprochable, qui est Jésus Christ, lui meilleur que tout. Courez tous vous rassembler dans le même temple de Dieu, au pied du même autel».
Saint Jean Chrysostome interprétait ainsi le texte de Paul, dans sa onzième Homélie : «... nous n’observons ni les jours ni les temps ni les années, mais nous suivons partout très fidèlement l’Eglise, préférant à toute chose l’amour et la paix. Quand bien même, en effet, l’Eglise se serait ici trompée, le bien qui résulterait de la correction des dates ne serait pas si grand que le mal qui sortirait de ce schisme et de cette division... Ne cherche donc qu’un seule chose : que nous fassions toute chose dans la paix et la concorde ; de crainte que, tandis que nous jeûnerons et que le peuple entier, ainsi que les prêtres, présenteront leurs supplications communes pour toute la terre, tu ne restes seul à t’enivrer chez toi. Voyez combien un tel acte relève de l’opération du diable et enveloppe non pas un, ni deux, ni trois péchés, mais une multitude. Aussi bien l’Eglise ignore-t-elle l’exactitude en matière de temps ; mais, puisqu’il a plu, à l’origine, à tous les pères autrefois séparés de se rassembler et de fixer cette date, l’Eglise qui honore toujours la symphonie et qui aime la concorde, a accepté leur décret. Rien ne saurait vraiment diviser l’Eglise autant que l’amour du pouvoir. Rien n’irrite tant Dieu que de diviser l’Eglise... C’est pourquoi je vous dis et je vous proteste qu’il n’est pas moins grave de faire un schisme dans l’Eglise que de tomber dans l’hérésie» (PG 48, 861 sqq).
Le VIème Concile Oecuménique dit, dans le même sens que «l’Eglise de Dieu répandue sur toute la terre [doit] mener le jeûne en suivant une même ordonnance». Que les uns jeûnent pendant qu’un autre est ivre, voilà qui renferme une multitude de péchés : or c’est à quoi aboutit le néo-calendrier, qui célèbre Noël pendant que les Vrais Chrétiens Orthodoxes jeûnent.
Par amour du pouvoir, les innovateurs ont donc fait le contraire de l’oeuvre des Pères, qui avaient tant travaillé pour l’unité. Où régnait la concorde, ils ont mis la division et ils ne rougissent pas de dire : «Cela n’a rien de dogmatique !», tout en se nommant eux-même Eglise et réclamant l’obéissance à leur apostasie. Il ne suffit pas qu’ils soient en communion entre eux pour être l’Eglise. Comme le dit saint Théodore le Studite : «Il ne sert de rien qu’ils aient réunis des Conciles importants et très copieux, et qu’ils se soient eux-mêmes intitulés Eglise de Dieu, et qu’ils aient fait semblant de respecter les canons, alors que leur vrai mobile les anime contre les canons... Un Concile ne consiste pas dans le simple rassemblement d’évêques et de prêtres, quelque nombreux qu’ils soient -car mieux vaut un qui fait la volonté de Dieu que des milliers qui la transgressent- mais dans le pouvoir de lier et de délier au nom du Seigneur, dans la paix et la garde des canons, et non pas au petit bonheur, mais en suivant la vérité, les canons et la règle de la rigueur».
Théodoret de Cyr, au Vème siècle, écrit : «Or puisque la lumière spirituelle a dissipé ce brouillard, partout, sur la terre et la mer, habitants des îles et du continent célèbrent en commun les fêtes de notre Dieu et Sauveur et où que l’on désire porter ses pas, soit vers l’orient, soit vers l’occident, partout l’on voit la panégyrie célébrée à la même date» (PG 83, 1241). Saint Epiphane de Salamine de Chypre parlait aussi de : «garder les mêmes jours pour les agrypnies, les supplications et la concorde, pour le jeûne, l’abstinence, la tempérance...» (PG 42, 371). Et saint Constantin le Grand dans sa lettre : «... comme il est inconvenant et effroyable que les uns soient en train de jeûner, pendant que les autres festoient».
Tels sont les auteurs que l’on aurait aimé voir citer par M. Phédon Papadopoulos, puisqu’il sort d’une Ecole de théologie, au lieu de l’entendre réciter le mythe du «concile qui ne le cède que pour le nom à un concile oecuménique». Nous renvoyons au livre La Vérité sur le Calendrier de l’Eglise (Athènes, 1929) qui relate tous les abus de pouvoirs et manoeuvres de coulisse de Chrysostome Papadopoulos. Le nouveau calendrier ne s’est pas introduit dans l’Eglise par la porte des brebis, mais en passant par une porte dérobée, comme un brigand et un voleur.

Le calendrier est une tradition de l’Eglise

Les néo-calendaristes appellent le nouveau calendrier, non pas «grégorien» ou «papal», mais «julien rectifié», pour dissimuler leur innovation. Et que soutiennent certains d’entre eux ? Qu’ils n’ont pas changé la Pâque, parce qu’il existe un canon sur la date de Pâque, mais qu’ils ont changé les fêtes fixes, parce que nul canon ne les en empêchait. Cet attachement judaïque à la lettre des canons est inconnu de l’Eglise et de sa Tradition. Comme le dit saint Basile le Grand, aucun canon n’impose de faire le signe de Croix ou de se tourner vers l’orient pour prier. Pouvons-nous en déduire que ce ne sont pas des dogmes, ni des points essentiels pour le salut ? La tradition ne divise pas le ménologe d’avec la pascalie : ils forment un unique calendrier des fêtes, selon lequel l’Eglise Une fête d’une voix unanime, une fois l’an, chacune de ses fêtes.
Jérémie II écrivait au Doge de Venise, Nicolas Daponte en 1583 : «Nous ne sommes pas au-dessus des canons -beaucoup ont ici dévié de la voie droite- mais nous les accomplissons avec obéissance, utilisant dans la mesure du possible, pour l’édification, l’autorité que nous a donnée le Seigneur dans notre Eglise, qui tient des saints beaucoup de discours, de témoignages, de canons, et autres textes lus dans l’ordre durant toute l’année, et si nous rompons un maillon de cette chaîne d’or, nous porterons inutilement un coup qui ruinera l’ensemble... puisque, par la grâce de Dieu, l’ancienne et la nouvelle Rome ont jusqu’ici célébré ensemble et comme il se doit, une seule fois l’an, l’unique Christ qui a souffert une seule fois la passion, à quoi bon cette confusion et ce scandale des fameux dix jours, qui atteint le monde entier7 ?»
Depuis des siècles, nous expliquons aux Protestants que, conformément à l’Ecriture Sainte, notre tradition est de deux sortes : écrite et non écrite, et qu’il n’est pas besoin qu’une institution de l’Eglise se trouve dans l’Ecriture ou sous forme de canon pour avoir force de loi. Le Décret du VIIème Concile Oecuménique dit : «Nous gardons, sans y introduire d’innovation, toutes les traditions, écrites et non écrites, de l’Eglise qui nous ont été transmises comme des lois sacrées... Pour ceux qui osent penser ou enseigner autrement, ou selon les hérétiques impurs, rejeter les traditions de l’Eglise ou inventer quelque innovation... ou imaginer des manoeuvres et des artifices pour renverser ne serait-ce qu’une seule des traditions légitimes de l’Eglise catholique... nous ordonnons, s’ils font partie du clergé, de les déposer, et s’ils sont moines ou laïcs, de les priver de la communion». Les hérétiques d’alors disaient : «Vous adorez des planches et des couleurs. Et quel canon l’ordonne ?» «Où est-il écrit qu’on doive vénérer l’icône du Christ ?» (PG 99). Les novateurs d’aujourd’hui disent : «Vous observez les temps». La vénération des icônes n’en constituaient pas moins, avant d’avoir été codifiée, une tradition légitime de l’Eglise catholique.
Le VIIème Concile Oecuménique, sachant parfaitement cela, ajoute à son décret cette proclamation : «Nous anathématisons ceux qui ajoutent ou retranchent quelque chose à l’Eglise catholique... Si quelqu’un rejette une tradition, quelle qu’elle soit, écrite ou non écrite, de l’Eglise, anathème !» Saint Taraise, s’adressant aux empereurs, dans le même Concile, déclare : «Au lieu de paix, ils ont appelé la guerre sur le peuple, au lieu de bon grain, ils ont semé l’ivraie dans le champ de l’Eglise... Le jugement vrai et très droit de l’Eglise ne tolère qu’on introduise en elle aucune innovation, ni qu’on en ôte la moindre chose !» Telle est la différence entre le calendrier traditionnel et le nouveau : tandis que le premier est légitime, l’autre n’est qu’ivraie.
Saint Epiphane de Chypre dit : «...l’Eglise ne peut pas ne pas agir ainsi, ayant reçu cette tradition des Pères. Or qui pourrait annuler le précepte d’une mère ou la loi d’un père ? Comme il est dans Salomon : Ecoute mon fils, les paroles de ton père et ne rejette pas les préceptes de ta mère (Prov. 6, 20), montrant que l’enseignement a été donné à la fois écrit et non écrit par le Père, c’est-à-dire Dieu, le Fils Unique et le Saint Esprit, et que notre Mère l’Eglise a en elle des préceptes absolus, qui ne sauraient être annulés !» (PG 42, 516). Le calendrier est l’un de ces préceptes.
Saint Grégoire de Nysse, en effet, dit ceci : «Il suffit, pour notre démonstration, de tenir des Pères cette tradition» (PG 45, 653). Le nouveau calendrier n’est pas un précepte des Pères, il est né de l’appétit du pouvoir de Chrysostome Papadopoulos et de Mélétios Métaxakis. Comme le dit le IVème Concile Oecuménique : «Suivant en tout les décisions des saints Pères». Quel Père les nouveaux calendaristes suivent-ils ?
Le Concile Quinisexte, dans son premier canon, déclare : «Commençant avec la grâce de Dieu ces paroles sacrées, nous décidons de conserver sans innovation ni altération la foi qui nous a été transmise... car nous affirmons formellement, avec toute la force que nous pouvons, qu’on ne peut faire ni la moindre addition ni la moindre soustraction à ce qui a déjà été défini», rejoignant saint Athanase le Grand (PG 26, 593, 638).
Que M. Phédon Papadopoulos cesse donc de dire que son calendrier «julien corrigé» ne saurait être «appelé grégorien». Qu’il soit l’un ou l’autre, il innove. Du reste, comment peut-il dire que c’est, dans notre bouche, une injustice que d’appeler ce calendrier grégorien, quand les meilleures sources en Grèce, ecclésiastiques ou profanes, en font autant ? Citons simplement la grande Encyclopédie Orthodoxe Religieuse et Morale de Martin (tome 6, p. 49) et l’Histoire du Peuple Grec (tome 15, p. 260).
Que disait le Métropolite Irénée de Cassandre, en 1929, dans son Mémoire au Synode de la Sacrée Hiérarchie de l’Eglise de Grèce ? «Je considère comme un devoir sacré de dénoncer comme un acte audacieux, anticanonique et comme une plaisanterie dans des choses qui ne souffrent pas plaisanterie, la modification ou complémentation, ou rectification, ou de quelque nom qu’on veuille la nommer, du calendrier julien, qui, ne formant qu’un même tissu avec toute la vie de notre Eglise, lié à son sort pour le meilleur et pour le pire des vicissitudes qu’elle a connues, associé aux anniversaires des grands Martyrs de notre Eglise, et, d’une manière générale, à tout le cycle des fêtes de notre Sainte Eglise Orthodoxe, constitue sa marque la plus caractéristique, qui garde, comme un ange gardien, la foi, les traditions, les us et coutumes de tous ses enfants dispersés sur la face de la terre, et leur rappelle qu’en célébrant les fêtes selon lui, ils appartiennent à l’Eglise Une du Christ, la seule qui a l’antiquité pour elle et qui n’a point varié». Et le même Irénée de Cassandre confessa dans le Synode : «La question du calendrier fait partie du programme moderniste, qu’ils ont tenté, dans ces derniers temps, d’introduire dans l’Eglise autocéphale de Grèce et il convient de l’examiner comme telle».
Telles sont les paroles et la confession d’un évêque néo-calendariste, cinq ans après le Concile que M. Phédon Papadopoulos égale en autorité aux Conciles Oecuméniques ! Pour nous, nous ne savons qu’ajouter à ces paroles, sinon ceci : comme notre foi, selon l’Evangile, est morte si elle reste sans oeuvre, nous sommes tenus de confirmer notre confession par nos actes et de rompre avec les innovateurs, comme l’ordonnent les saints Pères et les canons sacrés. Si nous agissions autrement, la hiérarchie novatrice nous laisserait tranquilles et poursuivrait la réalisation de son programme moderniste. Nous sommes un obstacle pour eux, c’est pourquoi ils nous persécutent ou, quand ils ne peuvent le faire, nous appellent «schismatiques».
C’est l’opposition des «Anciens-Calendaristes» qui a empêché l’adoption de la pascalie papale, laquelle a néanmoins été admise en Finlande depuis 1917. Tous les évêques finlandais ont reçu, en récompense, des titres de Métropolites au cours de la dernière décennie. Ce n’est qu’une question de temps et de stratégie, comme le laisse clairement entendre M. Phédon Papadopoulos quand il déclare que «il est mathématiquement certain qu’il sera adopté par toutes les Eglises». C’est pourquoi ils s’efforcent d’émousser la conscience et la sensibilité orthodoxes des fidèles, réalisant peu à peu leur projet, véritable apostasie.
Le diable ne chôme jamais, mais il a trouvé dans les années 20, des hiérarques capables d’imposer le nouveau calendrier : le maçon Mélétios Métaxakis, Chrysostome Papadopoulos et Anthime de Bizyè, puis de Maronée. Ce dernier fut le théoricien du nouveau calendrier. Dans son livre La Question du Calendrier, paru à Constantinople en 1922, il déclarait que l’adoption de son système calendérique permettrait d’économiser des tonnes de papier et d’encre d’imprimerie. Il écrivait (p. 7) : «Le principal objet que vise le présent ouvrage est de démontrer que la réforme du calendrier julien s’impose nécessairement, en accord avec les résultats et affirmations de la science». Et ailleurs : «De toute nécessité, il est impératif de trouver et de mettre en pratique un autre calendrier, dans lequel chaque date du mois tombera aussi un jour fixe dans la semaine» (p. 101 et 120). Par exemple, le 25 mars sera toujours un samedi. Le même auteur nous apprend (p. 102, 106) qu’il avait présenté au Saint Synode du Patriarcat de Constantinople une suggestion pour stabiliser la date de Pâque, laquelle fut transmise au gouvernement anglais ! «Dois-je gémir sur son impiété ou détester son ignorance ?» (saint Basile le Grand, PG 31, 476).
Nos bons amis les théologiens radiophoniques nous disent qu’avec le calendrier que nous suivons, nous nous trompons de date, notre 25 Mars n’étant pas le 25 mars astronomique ! Mais peu nous chaut l’astronomie. Nous savons qu’en ouvrant nos Ménées au 25 mars, nous «résumons les temps en image, selon nos forces», comme dit saint Jean Chrysostome (PG 59, 752), afin «qu’il y ait une même symphonie et une même confession, une seule fête célébrée pour manifester l’unité de l’Eglise» (Epiphane de Chypre, PG 42, 359) et que tous les orthodoxes, de Chypre, de Grèce, d’Europe, d’Australie, d’Amérique ou de Laponie, dans le même temps -autant que le permet la sphéricité de la terre- ouvrent la bouche pour chanter d’un seul coeur : «Aujourd’hui c’est la Révélation de notre Salut...»
Ce n’est donc point nous qui nous inquiétons des temps, mais bien Monsieur Phédon Papadopoulos, selon ses propres dires. Nous savons que le temps, du fait du péché, a été soumis, comme le reste de la création, à la vanité et que, dans la forme où nous le connaissons à présent, il ne subsistera pas mais sera détruit. Basile le Grand dit : «La nature du temps qui s’écoule accompagne ce monde corruptible. Il est, en effet, étroitement lié et apparenté aux choses visibles : il s’en va conjointement aux choses qui se meurent, il accompagne dans l’existence celles qui naissent et deviennent, il partage l’attente et l’espérance de celles qui sont encore à venir» (PG 30, 232).
Notre équinoxe est conventionnelle et point astrale ; nous judaïserions si nous la changions. Quand nous parlons d’équinoxe du printemps, nous nous plaçons du point de vue de l’hémisphère nord, comme valant pour le monde entier, suivant en cela l’exemple des Pères qui ont fixé les dates de manière purement conventionnelle, de façon que la Pâque tombe entre le 22 mars et le 25 avril du calendrier julien. Sans quoi, si nous étions attachés au temps, il faudrait que nos frères d’Australie célèbrent Pâque six mois plus tard, vu que notre équinoxe de printemps correspond à celle d’automne dans l’hémisphère sud. La nature et le but du calendrier des fêtes ressort suffisamment des citations patristiques que nous avons rapportées.

Antique condamnation du nouveau calendrier

A propos des diverses condamnations dont le nouveau calendrier a fait l’objet dans l’Eglise, et qui font partie intégrante de sa tradition, les théologiens de l’émission nous disent que le moine Théoclète de Saint-Denys affirme que le Sigillion8 de 1583 a été corrompu au siècle dernier par le moine Jacob de Néa Skiti. On a déjà beaucoup écrit dans les deux sens ; mais, comme il est difficile au lecteur moyen de se rendre à l’Athos pour y vérifier les manuscrits 772 du Monastère de Saint-Pantéléimon et 285 de la Cellule de l’Hymne Acathiste, et au Sinaï, où existent d’autres manuscrits, nous rassemblons ci-après les témoignages de hiérarques anciens et d’historiens néo-calendaristes récents, qui sont aisés à vérifier en bibliothèque.
1. Le Métropolite d’Athènes Mélétios, originaire de Joannina (1703-1714), écrit dans son Histoire Ecclésiastique (t. 3, p. 402) : «Sous le patriarcat de Jérémie, un concile se tint, dans Constantinople, en 1583, alors que Silvestre d’Alexandrie se trouvait aussi dans cette ville. Ce concile condamna la calendrier innové par Grégoire de Rome. Il le refusa, malgré la demande des Latins».
2. Philarète Bapheidos, Métropolite de Didymoteichos : «Jérémie, considérant les difficultés de la mise en place de cette réforme, rejette la proposition du pape et, en commun avec Silvestre d’Alexandrie, il publie en 1583 une lettre où, définissant les quatre prescriptions du Concile de Nicée sur la date de Pâque, il montre aussi les défauts du calendrier grégorien. Cette lettre a été écrite à la suite du Concile réuni cette année-là dans Constantinople, lequel a condamné officiellement le calendrier grégorien» (Histoire Ecclésiastique, tome 3, p. 125).
3. Basile Stéphanidès, professeur d’histoire ecclésiastique, néo-calendariste, rapporte que tout effort, toute tentative faits pour changer le calendrier ont déjà été rejetés il y a six siècles, et que des anathèmes sont même venus s’ajouter à ce refus constant. «Les erreurs du calendrier julien avaient été reconnues dès la période byzantine. Nicéphore Grégoras (1324) avait proposé une rectification, qui reçut les suffrages du moine Isaac et de Matthieu Vlastaris (1371). Georges Gémiste (+1420) composa un nouveau calendrier» (Histoire Ecclésiastique, éd. Astir, Athènes, 1970, p. 762). «Ce concile -de 1593- proclama, contre les innovations de Rome, la permanence de l’attachement aux décisions des conciles oecuméniques et jeta l’anathème et l’excommunication sur ceux qui viendraient à transgresser les règles fixées par ces conciles pour la date de Pâque» (Ibid, p. 699).
4. Sur le rejet panorthodoxe du nouveau calendrier, le professeur de Mathématiques G.L. Arbanitakis, se plaçant d’un point de vue purement historique, écrit, dans la Grande Encyclopédie Hellénique (t. 12, p. 274) : «L’Eglise orthodoxe a aussitôt condamné la réforme grégorienne. Exactement en 1582, les patriarches de Constantinople, d’Alexandrie et d’Antioche écrivirent une déclaration commune contre les Latins qui avaient contraint de force les chrétiens de Palestine à embrasser leur réforme. Jérémie, Patriarche oecuménique, écrivit aux orthodoxes de Pologne, menaçant d’excommunication tous ceux qui accepteraient la réforme ; en 1593 à Constantinople, un Concile auquel prirent part les quatre patriarches et le représentant de la Russie, renouvela l’excommunication. Jusqu’à la Grande Guerre, les orthodoxes persistèrent dans leur refus».
5. Le professeur Jean Karmiris, néo-calendariste, écrit dans l’Encyclopédie de Martin (t. 6, p. 781) : «Mais Jérémie II refusa -ce calendrier- condamnant à plusieurs reprises la réforme grégorienne : par son encyclique synodale du 28 novembre 1583, rédigée en commun avec le Patriarche Silvestre ; par une autre adressée à Constantin Ostrogoski ; par sa lettre de février 1583 au prince de Venise, Nicolas Daponte ; par sa lettre aux protestants de Tübingen de septembre 1589, écrite de Moldovalaquie ; par une lettre identique adressée au Métropolite de Philadelphie, Gabriel Sévère, le 7 juillet 1590, comme par la décision du Concile réuni à Constantinople en 1593».

Contradictions de Chrysostome Papadopoulos

D’après les historiens qui ont étudié ce point, l’Archevêque d’Athènes lui-même, Chrysostome Papadopoulos, aurait voulu présenter le Sigillion de 1593 comme un faux fabriqué par les «moines de la Sainte Montagne». C’est alors qu’on lui représenta ce qu’il avait écrit de sa main lorsque, encore archimandrite, il enseignait dans l’Université d’Athènes et composait une Histoire de l’Eglise : «Le nouveau calendrier, écrivait-il, fut refusé d’une manière plus officielle encore par le Concile qui se tint à Constantinople en 1593. Ce Concile rejeta le calendrier grégorien comme un modernisme contraire aux canons et aux ordonnances de l’Eglise» (Kamaretsou, L’Agonie, p. 39). «A cause de cette lutte, le Patriarche de Jérusalem Sophronios IV partit en voyage en 1584, afin de collecter des dons puis, s’étant rendu à Constantinople cette même année, il y prit part à la délibération du Concile réuni par Jérémie II Tranos, en vue de dénoncer et rejeter le calendrier grégorien, par lequel l’Eglise latine visait à égarer les orthodoxes» (Histoire de Chrysostome Papadopoulos, p. 482).

L’attitude multiséculaire de l’Eglise

Chers frères ! Ces témoignages sont-ils des forgeries ? Comment a-t-on pu négliger ces condamnations prononcées par l’Eglise ? Depuis le rejet de la proposition de Nicéphore Grégoras (1324) jusqu’à la condamnation du projet d’Epaminondas Polydore de 1902, combien de siècles ont passé ? Et l’Eglise n’a point varié dans son refus de rectifier le calendrier des fêtes. Voilà pourquoi l’Encyclique patriarcale du 12 mai 1904, que nous citons avec la réserve qui sied9, confirme dans sa conclusion ce qui suit : «Faut-il, tout en gardant inchangé le calendrier Julien et les dates des fêtes, sauter seulement treize jours pour faire coïncider nos fêtes fixes avec celles de l’autre calendrier ? Cette solution est insensée et inutile, aucune raison d’ordre ecclésiale ou scientifique n’imposant un tel recalage, sans compter que la coïncidence ainsi obtenue ne saurait être perpétuelle, puisqu’en 2100 un nouveau décalage d’un jour réapparaîtrait. Faut-il dès lors réformer carrément le calendrier julien, comme scientifiquement incorrect, et mettre ainsi l’année usuelle plus en harmonie avec l’année tropique ? Nous jugeons cette solution prématurée, pour le moment du moins, et totalement superflue : pour nous, en effet, nous ne sommes nullement tenus, du point de vue ecclésiastique, de changer le calendrier ; quant à la science, comme certains l’assurent, elle ne s’est pas encore prononcé définitivement sur la détermination exacte de l’année tropique» (J. Karmiris, Monuments Dogmatiques et Symboliques de l’Eglise Orthodoxe, t. 2, p. 1043).
Devant cette attitude multiséculaire de l’Eglise face au changement de calendrier, et après tant de décisions conciliaires, comment peut-on encore prêcher sur les ondes que le calendrier «n’est pas dogmatisé», «n’appartient pas au culte», «n’est pas d’ordre canonique» ? Le 20 avril 1924, avec plus de sens que n’en montrent ces néo-théologiens, le Patriarche Photios d’Alexandrie écrivait à Chrysostome Papadopoulos : «Cher et très zélé frère, comment dire que cette différence sera considérée comme simplement étrangère et sans rapport aux liens et aux décisions dogmatiques et canoniques, du moment qu’elle sera cause que des peuples entiers risqueront d’être scandalisés et de s’éloigner de l’Eglise ?» Sa formation de théologien et son expérience des affaires de l’Eglise le protégeait des improvisations grossières des plus jeunes : il savait que le dogme et la vie de l’Eglise sont à jamais inséparables.

Tout est important

Que de fois, dans les vies des saints et dans les exemples de la conduite de l’Eglise, nous voyons des traits qui passeraient pour des détails aux yeux des théologiens d’aujourd’hui, mais qui étaient, pour les Pères, indissolublement liés au dogme du salut.
Dans l’Ancien Testament, pour apprendre aux hommes à marcher dans la crainte de Dieu et le respect de ses moindres commandements, nous voyons Dieu se montrer, à l’égard de son peuple «au cou raide», d’une sévérité effrayante. L’homme sorti ramasser du bois dans un jour de sabbat fut lapidé par ordre de Dieu. Il ne permit pas même à Aaron de pleurer sur ses fils mis à mort pour avoir apporté sur l’autel un feu étranger ! Uzza fut frappé pour avoir tendu la main vers l’arche qu’il voulait protéger, tandis que Dieu permit que la même arche fût ouverte par les Philistins et qu’ils y déposassent, à côté de la Loi écrite de Sa main, de la Verge d’Aaron qui avait fleuri et du Vase contenant la manne, des imitations en or des rats et des hémorroïdes dont ils avaient souffert. Saint Eléazar, maître des septs saints adolescents Maccabées, lorsque les soldats, pris de pitié, lui dirent qu’ils lui donneraient de la viande de boeuf pour sa nourriture, répondit : «Et comment les enfants d’Abraham sauront-ils que ce n’est pas du porc ?» Et, pour ne pas scandaliser les autres, il choisit la mort du martyre.
Du Nouveau Testament, quel enseignement tirons-nous ? Saint Jean Chrysostome dit de saint Jean Baptiste : «Jean n’avait point reçu l’ordre de sacrifier et ne fut pas tué pour l’avoir refusé, ni approché de force devant l’autel, ni tiré devant des idoles ; il eut la tête tranchée pour une simple parole, parce qu’il avait dit à Hérode : il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère Philippe».

S’agissant de Dieu, il n’est point de détails

Qu’avait-elle de dogmatique, l’affaire du remariage anticanonique de Constantin VI, empereur de Constantinople -au point de conduire deux fois jusqu’au schisme, de faire persécuter saint Théodore le Studite et ses moines et de créer tant de soucis à saint Taraise qui avait indirectement usé de cette économie pour lutter contre l’iconoclasme ?
Qu’avait-elle de dogmatique, la déposition de saint Jean Chrysostome ? Néanmoins, ce saint Père déclare ceci, à propos des Joannites qui, refusant de s’associer à l’injustice, avaient rompu la communion avec saint Arsace, créant un schisme et souffrant mille maux effroyables : «...préférant tout supporter et tout souffrir, plutôt que d’être mêlés à la transgression... Eux qui soutinrent les lois des Pères et les règles de l’Eglise alors qu’elles étaient attaquées... comment ne seraient-ils pas mille et mille fois dignes de figurer dans le choeur des Martyrs ?»
Qu’avait-elle de dogmatique, la coutume latine de jeûner le samedi ? Que dit, pourtant, saint Photios dans sa Lettre aux Trônes épiscopaux d’Orient : «Ils ont commencé par introduire en Bulgarie, contre les saints canons, le jeûne du samedi. Or, le moindre rejet des traditions conduit très communément au mépris total du dogme» et dans sa lettre 6 il ajoute : «... ainsi donc, celui qui inflige la plus petite modification à la foi et au culte chrétiens, dont la beauté et l’éclat passent véritablement toute chose, celui-là commet une action très laide et en reçoit aussitôt le blâme».
Qu’y a-t-il de dogmatique à emprunter, pour son usage personnel, un peu de cire ou d’huile de la réserve de l’église, ou un récipient lui appartenant ? Et pourtant les canons 72 et 73 des Apôtres punissent ces méfaits d’excommunication.
Est-ce une faute dogmatique que de jouer aux dés ? Et pourtant, le clerc qui s’y adonne encoure la déposition, selon le canon 42 des Apôtres.
Certains néo-théologiens tentent d’introduire une distinction entre les canons «dogmatiques» et ceux qui ne le seraient pas. Or les canons sont liés les uns aux autres et nous n’avons jamais reçu de l’Eglise une telle distinction, dans la mesure où tous expriment la même et unique Tradition ecclésiastique.
Est-il d’importance dogmatique que nous chantions dans la liturgie, lors de certaines fêtes du Seigneur, «Vous tous qui avez été baptisés en Christ» à la place du Trisagion, alors même que les baptêmes ne sont généralement plus célébrés lors de ces fêtes comme ils l’étaient autrefois ? Sont-ce des actes dogmatiques que d’allumer des cierges, de brûler de l’encens et, pour les prêtres, de porter la barbe et de revêtir le rasso et le camylafque (coiffe ecclésiastique) ? Qui néanmoins voudrait changer tout cet ensemble, bouleverserait de fond en comble la vie séculaire de l’Eglise10.

A propos des icônes

M. Phédon Papadopoulos nous a également accusés d’avoir des icônes occidentalisantes.
Avec nos pauvres moyens matériels, nous nous sommes efforcés d’embellir notre calendrier de cette année en l’ornant de saintes icônes pour le recueillement et l’instruction de nos fidèles : nous le distribuons gratuitement à qui le désire, comme bénédiction. Si quelqu’un y trouve une icône à l’occidentale, qu’il l’indique et nous l’enlèverons.
Je poserai à mon tour une question à M. Phédon Papadopoulos : n’y a-t-il donc aucune icône de ce genre dans vos églises et monastères ? Quelle sorte d’icône la Fraternité Zoï distribue-t-elle depuis des dizaines d’années aux enfants des écoles catéchétiques ? Est-ce de nous que les moines du Mont Athos ont appris à peindre, pour répondre au goût du public, tantôt des icônes orthodoxes, tantôt des images occidentales ? Toutes les images occidentalisantes qui sortent des presses de Grèce et qui fleurissent aux devantures des boutiques ne sont pas destinées qu’aux «Anciens Calendaristes» ! Il en existait, en Grèce, avant 1924. C’est l’inoubliable Photios Kontouglou qui a fait connaître l’oeuvre des iconographes russes, notamment d’Ouspensky, et qui est revenu à l’iconographie traditionnelle.
Notre peuple a vécu, sous la turcocratie, des siècles d’esclavage très pénibles, dans la pauvreté et l’ignorance, et il a subi l’influence de divers courants étrangers. Le petit peuple s’est efforcé de garder sa foi avec les icônes qu’il trouvait. Quand, par la grâce de Dieu, nous avons retrouvé la liberté, la hiérarchie de notre Eglise, au lieu de corriger les abus et d’instruire le peuple sur ce point, a renversé toute l’Eglise, au point même d’ajouter aux icônes occidentales le calendrier occidental et de nous faire adorer «à la franque», comme des catholiques-romains ! Citez-nous une seule encyclique pastorale de la hiérarchie apostate qui traite de la réforme de l’iconographie ? Est-ce nous qui l’aurions empêchée ?
Rien de ce qui touche à la Tradition de l’orthodoxie ne nous est indifférent. Qu’il s’agisse du Typikon, de l’iconographie sacrée, de la musique ecclésiastique, de l’architecture des églises, etc. Il n’y a point pour nous de choses petites ou grandes, premières ou secondaires, car de l’Evangile nous avons appris que «c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela !» Dès l’instant qu’une choses «est une tradition», comme le dit saint Jean Chrysostome, nous ne cherchons pas au-delà. La foi que nous avons reçue des Pères n’est pas objet d’étude pour les oiseux. Hommes faibles, toutefois, nous sommes nous aussi incapables de surmonter toujours les difficultés des temps.
Lorsque, en 1924, les orthodoxes furent chassés de leurs églises par les innovateurs, ils emportèrent avec eux les icônes qu’ils trouvaient. La hiérarchie d’alors n’avait pas décidé l’introduction d’icônes occidentales, c’est pourquoi il n’était pas nécessaire que les orthodoxes prissent position sur ce point comme ils devaient le faire pour le calendrier.
Certes, le diable ne sommeille jamais et s’efforce sans cesse de semer l’ivraie dans le champ de l’Eglise, ce qui nous oblige à une vigilance de tous les instants. Toutefois, les orthodoxes étaient alors persécutés de toutes les manières, leurs églises fermées... il y eut même des célébrations en plein air devant ces portes closes, sans icône ni rien d’autre. Même les études de théologie à l’université leur étaient interdites. Voici le communiqué officiel de la Faculté de Théologie d’Athènes en date du 10 octobre 1950 : «Il est porté à la connaissance des étudiants de l’Ecole que, selon une décision unanime de l’Ecole, prise lors de la réunion du 10 octobre 1950, ne seront pas admis à passer l’examen tous ceux qui suivent l’ancien calendrier, et donc ne se trouvent pas en relation canonique avec les Autorités Ecclésiastiques légitimes. Ceux qui se trouvaient jusqu’ici dans cette situation devront présenter à l’Ecole le libelle canonique» (Protestation du Saint Synode de l’Eglise Vrai Chrétienne Orthodoxe Grecque, octobre 1950, p.5). Il est certain que la vraie théologie ne s’apprend pas dans les universités, indépendamment de la prière, de la pénitence et de la vie sacramentelle ; mais tel était le fanatisme des nouveaux calendaristes : par le système d’échange prévu dans l’Encyclique de 1920, ils ouvraient leurs universités aux étudiants papistes et protestants et, dans le même temps, ils en fermaient l’accès aux étudiants orthodoxes et ce, dans leur propre pays ! Et ils ne rougissent pas de nous accuser calomnieusement d’avoir introduit des icônes occidentales !

Sur l’oecuménisme

Un auditeur a téléphoné pour dire qu’il pouvait montrer des milliers de photographies de liturgie et de prières communes entre les nouveaux-calendaristes et des hérétiques. «Ce sont des mythes», a rétorqué Phédon Papadopoulos : parce que quelqu’un a souri ou donné une poignée de main, nous, les Anciens Calendaristes, nous l’interpréterions par malignité comme une concélébration. En réalité, les Néo-Calendaristes n’entretiennent avec les non-orthodoxes -selon ses propres mots- qu’«un dialogue ayant pour but de les amener à la foi orthodoxe». Et s’il arrive qu’un évêque se rende chez eux à une heure de liturgie -sans, bien sûr, y prendre part- celui qui s’en scandalise doit en référer au Synode et ne pas s’instituer, à lui tout seul, juge des évêques. La mémoire de M. Phédon Papadopoulos commence, semble-t-il, à lui jouer des tours.
Citons :
1. L’Album édité par un nouveau calendariste, l’Archimandrite Athanase I. Basilopoulou, Apo ten poreian tes agapes (Du chemin de l’amour), Athènes, 1968. Le lecteur, entre autres, y verra :
- L’Archevêque anglican de Cantorbéry revêtu de tous ses ornements bénissant, depuis les Portes Saintes de l’église Sainte-Sophie de Londres, le peuple orthodoxe, en faisant le signe de croix, tandis qu’à sa gauche, le patriarche Athénagoras, avec tous ses ornements d’archevêque, trace de même le signe de croix.
- L’Archevêque catholique-romain de New York, Terence Cook, avec tous ses ornements, bénit le peuple, depuis les Portes Saintes, en l’église de la Sainte-Trinité de New-York ; à sa gauche, avec ses ornements d’archevêque, l’Archevêque Jacob ainsi que des clercs arméniens et d’autres confessions.
- A Boston, le Cardinal Cushing bénit le peuple orthodoxe avec la croix de l’Archevêque Jacob. Autour de lui, Jacob et les autres évêques, en grand appareil archiépiscopal, et parmi eux Emilien de Séleucie qui porte, en guise d’icône, une photo d’Athénagoras.
Ces exemples de photographies sont-ils des mythes ?
Quant au dialogue «pour le retour des hérétiques à la foi orthodoxe»... que dire, et par où commencer ? Voici une déclaration du Saint Synode de l’Eglise de Grèce, publiée dans le périodique Macédoine du 7 novembre 1967 : «Lors de la session du Saint Synode, a été lue la relation, envoyée par le patriarcat oecuménique, de la visite que Sa Sainteté le Patriarche Oecuménique a rendue à Sa Sainteté le Pape de Rome du 26 au 28 octobre, ainsi que les discours et déclarations échangés entre eux et d’autres dignitaires de l’Eglise de Rome. Après lecture et étude de ces documents, le Saint Synode a constaté avec une particulière satisfaction que, par la bénédiction de Dieu, cette visite et cette nouvelle rencontre des deux présidents des deux Eglises, catholique-romaine et orthodoxe, avait été réalisée selon l’attente et la prière fervente du Saint Synode et du pieux plérôme de l’Eglise. Dans le communiqué officiel publié après la rencontre, le Saint Synode a souligné en particulier que les deux chefs reconnaissent que le vrai dialogue d’amour sur lequel doivent être fondées toutes les relations entre eux et entre leurs Eglises doit être basé sur une confiance intégrale dans le seul Seigneur Jésus Christ et le respect réciproque des traditions propres de chacune des deux Eglises, et que le dialogue d’amour entre ces Eglises doit porter les fruits de la collaboration désintéressée... sur le plan communiel et spirituel dans le respect mutuel de la fidélité des chrétiens de chaque parti à l’égard de nos Eglises respectives. C’est pourquoi le Saint Synode a aussi exprimé ses voeux pour une heureuse issue de la visite de Sa Sainteté le Patriarche oecuménique Athénagoras, et son désir de toute son âme pour que le dialogue ainsi entrepris dans l’amour et le respect mutuel sur pied d’égalité entre les Eglises, soit conduit jusqu’à son terme propice pour la gloire de Notre Sainte Eglise et de son divin fondateur». Ce texte est-il mythique ? Oui, certes, quant à son contenu ; mais malheureusement non, quant à son existence historique.
Que nous apprend Théodoropoulos de l’ecclésiologie d’Athénagoras ? «Mais nous avons aussi beaucoup de différences, dites-vous. Lesquelles ? Le filioque ? Il existait depuis le septième siècle et les Eglises n’étaient point séparées. La Primauté et l’Infaillibilité ? Que nous importe ? Chaque Eglise gardera ses propres canons. Si l’Eglise catholique le souhaite, elle gardera ces deux-là... Du reste, nous nous considérons tous comme infaillibles. Dans notre travail, notre réflexion, bref, partout. Ta femme te demande combien de sel elle doit mettre dans ton pot ? Elle aussi, elle a son infaillibilité. Que le Pape ait la sienne s’il lui plaît ainsi. Nous ne cherchons pas à avoir la même chose» (Les Deux Extrêmes, p. 36).
La décision de donner la communion aux catholiques-romains, prise par le Patriarcat de Moscou et par le Métropolite de Thyatire, fut-elle mythique ?
Que nous apprend le même Théodoropoulos sur la foi de Jacob, Archevêque d’Amérique du Nord et du Sud et des deux Océans, Pacifique et Atlantique ? «Nous ne pouvons pas nous abuser nous-mêmes davantage et dire que le christianisme tel que nous l’avons conçu jusqu’à présent est réellement adapté à notre peuple... nous avons besoin d’un nouveau christianisme, entièrement fondé sur des conceptions et des termes neufs... nous ne pouvons enseigner le genre de culte que nous trouverons dans les générations futures... Nous pensons que le Mouvement Oecuménique, quoique d’origine chrétienne, doit développer un mouvement de toutes les religions, de rapprochement de l’une vers l’autre, afin que le dialogue soit vrai, car toutes les religions servent Dieu et l’homme. Il n’y a qu’un seul Dieu...» (Ibid., p. 23, 27). Du mythe, encore ? Qu’ont donc fait les poissons des Océans Atlantique et Pacifique, pour mériter un tel archevêque ?
C’est un mythe, Monsieur Papadopoulos, que l’Archevêque de Crète Eugène, à l’heure de la Divine Liturgie, dans l’église Saint-Ménas d’Hérakléion, dans laquelle il est censé concélébrer avec les anges, a pendu au cou du Cardinal Willebrands un pectoral d’évêque, tandis que le Cardinal «bénissait» et que le peuple chantait le Axios (il est digne) et Christ est ressuscité, ainsi que Beaucoup d’années au pape et à Athénagoras.
Timothée d’Arcadie a suspendu aussi un pectoral d’évêque sur la poitrine du Cardinal Carpino. Peut-on imaginer saint Athanase ou saint Cyrille passant l’insigne de leur dignité d’archevêque des orthodoxes autour du cou des ariens et des nestoriens ?
Est-ce un mythe que la réception spectaculaire du Pape par le Métropolite Damaskinos de Suisse, en 1984, dans l’église Saint-Paul du Centre Patriarcal de Chambézy, avec ornements, prières et «beaucoup d’années» ? N’a-t-il a nommé cette visite «une seconde Pentecôte» ?
Pour citer un exemple plus proche, le Patriarche Bartholomée a appelé récemment le papisme «second poumon» de l’Eglise ; et le Métropolite américain du Patriarcat d’Antioche a rendu public, dans son périodique The Word, d’avril 1992, le typicon (ordo) des prières communes, concélébrations et communion dans les sacrements entre orthodoxes et monophysites syriens. Sont-ce des mythes ?
Ce n’est là, chers frères en Christ, qu’une mince sélection de quelques actes et proclamations de l’apostasie. Il en existe des centaines d’exemples et chaque jour en ajoute de nouveaux ; mais si ceux que nous venons de mentionner ne suffisent pas à vous faire prendre conscience que notre Eglise orthodoxe traverse un orage gravissime et que chacun doit veiller pour ne pas faire naufrage, il serait superflu de vous fournir d’autres preuves. Quand un oeuf est sur la table, point n’est besoin de le manger tout entier pour savoir s’il est frais.
Nous ne parlons pas ainsi pour faire du prosélytisme. Il ne s’agit pas de vous faire abandonner vos pasteurs au profit des nôtres, comme s’il se trouvait chez nous plus de vertu. Nous sommes des pécheurs, qui avons besoin de l’hôpital du Christ.
Or, c’est justement parce que nos plaies sont purulentes que nous voulons d’un hôpital pur et sans tache. Dans certains hôpitaux d’ici-bas, on attrape parfois une maladie du fait même des intruments médicaux, couverts de microbes. De tels établissements ont pourtant un personnel en blouse blanche. Telle est l’apostasie. Comme en fait foi l’Ecriture et l’histoire de l’Eglise, c’est de l’intérieur de l’Eglise qu’elle se manifeste ; sans quoi, elle ne serait pas l’apostasie, mais simple attaque extérieure. Elle est introduite par des clercs respectables, qui jeûnent, font de longues cérémonies, de grandes panégyries, et qui ont un certain rayonnement. Sans quoi ils ne seraient pas des «imposteurs et des magiciens», égarés eux-mêmes et égarant les autres, comme le témoigne l’Ecriture prophétique.
C’est pourquoi, frères bien-aimés, saint Ignace Théophore avertit : «Tout homme qui parle contre les ordonnances -de l’Eglise- même s’il est digne de foi, qu’il jeûne, qu’il reste vierge, qu’il opère des signes, considère-le comme un loup qui, sous la peau de la brebis, massacre le troupeau». Saint Basile dit aux clercs d’aujourd’hui qui se réunissent avec les hétérodoxes pour des prières communes : «Ceux qui font semblant de confesser la vraie foi orthodoxe, mais communient avec les hétérodoxes, si, après un avertissement, ils ne cessent pas, on doit non seulement rompre la communion avec eux, mais ne plus même les nommer frères !»
Il n’est pas exact que nous devions attendre un concile pour consommer cette rupture, comme le suggère M. Phédon Papadopoulos. Les moines athonites qui moururent martyrs sous Beccos n’avaient pas attendu de concile pour rompre avec lui.
Frères bien-aimés, nous n’avons attaqué personne ; mais notre sainte foi, celle de nos pères et la vôtre aussi, a été attaquée, et nous avons répondu. Vous ne l’avez pas gardée avec assez de vigilance et l’ennemi sème l’ivraie tandis que nous dormons. C’est pourquoi nous vous disons ce que nous nous disons d’abord à nous-mêmes et que nous avons reçu du Sauveur : Veillez !
L’animateur de l’émission a dit que votre Eglise avait fait des propositions d’union que nous avons refusées. Quelles propositions ? A quoi bon s’unir dans l’apostasie ? Par contre, si votre hiérarchie revient vraiment à l’orthodoxie et rejette officiellement, publiquement, conciliairement, et dans les faits, l’erreur sous toutes ses formes, alors nous serions fous de refuser une union qui rendrait à l’Eglise toute sa gloire !
Nous ne vous demandons pas de nous suivre, mais de suivre votre foi sans la changer, votre tradition sans la modifier.
Ainsi, que Dieu soit notre Sauveur à tous, par les prières de Notre Toute Pure Souveraine, la Mère de Dieu et Toujours Vierge Marie, des Saints et Glorieux Apôtres, dont nous célébrons la mémoire en ce jour selon le calendrier des Pères et l’ordre de l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique du Christ.

Institut Saint Epiphane de Salamine
Larnaka, Chypre, 1993

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire