mardi 8 février 2011
La Lumière du Thabor n°46. Editorial.
EDITORIAL
LE DEVOIR DE VIGILANCE
Saint Ignace le Théophore écrivait aux chrétiens de Magnésie : «Ayez soin de vous affermir dans les dogmes du Seigneur et des Apôtres, afin qu’"en tout ce que vous ferez vous réussissiez" (Ps. 1, 3) de chair et d’esprit, dans la foi et la charité, dans le Fils et le Père et l’Esprit, dans le principe et dans la fin, avec votre si digne évêque, et la précieuse couronne spirituelle de votre presbyterium, et avec vos saints diacres. "Soyez soumis" à l’évêque et "les uns aux autres" (Cf saint Paul Eph. 5, 21), comme le Christ selon la chair fut soumis au Père, et les Apôtres au Christ et au Père et à l’Esprit, afin que l’union soit à la fois charnelle et spirituelle» (Epître aux Magnésiens, 13, 1).
Ces quelques lignes renferment tous les devoirs du chrétien orthodoxe vis-à-vis de la vérité qu’il confesse et vis-à-vis de la hiérarchie de l’Eglise. Le chrétien doit s’affermir dans les enseignements de la foi et obéir à la hiérarchie elle-même soumise à cet enseignement, et à elle seule. Devant les actes de certains évêques, beaucoup suggèrent, en effet : «Nous savons que certains de nos évêques transgressent ouvertement les saints canons en priant avec les non-orthodoxes ; nous avons appris que le Patriarche Bartholomée a signé une déclaration commune avec le Pape Jean-Paul II et qu’il reconnaît la foi et les sacrements de l’Eglise catholique romaine comme identiques aux nôtres, sans être désavoué par les autres patriarcats historiques ; nous connaissons les récentes Déclarations des hiérarques orthodoxes qui prétendent que les Eglises monophysites n’ont jamais été séparées de l’Eglise orthodoxe, si ce n’est extérieurement et pour de mauvais motifs, et que les Pères et les Conciles Oecuméniques se trompaient. Nous savons que tous ces actes et ces paroles s’opposent à la foi orthodoxe ; mais que pouvons-nous faire ? Nous ne sommes que des laïcs. II ne peut y avoir d’Eglise sans évêques. Nous sommes donc tenus d’obéir à la hiérarchie. N’est-ce pas Dieu qui nous l’a donnée ?»
Rien, malheureusement, n’est plus faux. Comme l’écrivait Père Patric : «Les chrétiens orthodoxes sont véritablement obligés d’obéir à des évêques orthodoxes ; mais ils ne sont pas obligés d’obéir à leurs évêques si ces derniers n’obéissent pas à la Sainte Tradition telle qu’elle est renfermée dans les Saintes Ecritures, dans les saints canons, dans la vie des saints et dans les enseignements des saints Pères. Si les évêques n’obéissent pas à l’Eglise, nous ne sommes pas obligés de leur obéir. Et, en vérité, comment peut-on demander d’obéir à la désobéissance ? Et de respecter celui qui lui-même ne respecte pas la Vérité ?
«L’Eglise orthodoxe a des critères par lesquels l’orthodoxie de tous -évêques, clercs, laïcs tout aussi bien- est évaluée. Ces critères sont la sainte Ecriture et la sainte Tradition, exprimée dans les saints canons et dans les écrits des saints de Dieu et des Pères de l’Eglise. En conséquence, il n’y a place ici ni pour l’anarchie, ni pour le despotisme ; on ne peut ni glisser dans la dictature du Pape, ni tomber dans la libre pensée protestante.
«Grâce à ces critères, les évêques orthodoxes savent exactement où ils se tiennent, et ils savent qu’ils doivent s’y tenir avec exactitude parce qu’ils auront, s’ils ne le font pas, à répondre devant Dieu et devant le peuple de Dieu.
«En effet, le jour de leur consécration épiscopale, ils font trois déclarations et promesses devant le Seigneur et devant les fidèles orthodoxes. Dans la première déclaration, le candidat récite le Credo, dans lequel, entre autres, il déclare sa foi, non dans la théorie anglicane des branches, mais dans l’Eglise indivisible, qui est ’une, sainte, catholique et apostolique’. Il professe que le Saint Esprit procède du Père, et non du Père et du Fils, comme le proclament les dénominations hérétiques.
«Dans sa seconde déclaration, il confesse la foi orthodoxe concernant la personne du Fils de Dieu, et là, il condamne les doctrines de Sabellius, Arius, Nestorius, Eutychès, Dioscore et de tous les autres monophysites et monothélites. Les Eglises monophysites actuelles condamnent aussi Eutychès, mais suivent le monophysisme modéré de Dioscore et de Sévère. Or, selon les Pères orthodoxes -Maxime le Confesseur, Sophrone de Jérusalem, Anastase le Sinaïte, Jean Damascène, Photios le Grand, Théodore le Studite, Théodose le Cénobiarque, etc- ce monophysisme modéré constitue, comme celui d’Eutychès, une hérésie.
«Dans sa troisième déclaration, le candidat à l’épiscopat confesse la foi orthodoxe sur la Sainte Trinité, et il ajoute aussi ces mots : Je crois aussi aux traditions de l’Eglise Une Sainte Catholique et Apostolique et à ce qu’elles disent concernant Dieu et les choses divines. En outre, il condamne ceux qui n’acceptent pas les saintes Icônes alors que l’Eglise les a acceptées. Et à la fin de sa confession de foi, il déclare : J’anathématise et je proclame clairement d’une voix forte : à tout hérétique, anathème, à tous les hérétiques, anathème !»
Tels sont les critères qui permettent aux évêques de savoir où ils vont, et de guider le peuple sur le chemin étroit de la foi juste, sans dévier.
Or, que font les évêques engagés dans le mouvement oecuménique ? Ils prennent le contre-pied des engagements qu’ils ont pris en recevant l’ordination épiscopale. Le mouvement oecuménique, qui se présente comme un dialogue d’amour, implique en réalité la négation de l’Eglise Une Sainte Catholique et Apostolique du Credo, le dépassement de l’Eglise orthodoxe historique. Les derniers développements de ce mouvement ne laissent aucun doute à ce sujet.
La déclaration commune signée par le Pape et le Patriarche de Constantinople en juin 1995 est éloquente : «Considérant que dans chaque Eglise locale se réalise le mystère de l’amour divin et que de cette façon l’Eglise du Christ manifeste sa présence effective en chacune d’elles, la Commission mixte a pu déclarer que nos Eglises se reconnaissent comme Eglises-soeurs, portant ensemble la responsabilité de la sauvegarde de l’unique Eglise de Dieu1...» Ici, l’Eglise orthodoxe est, tout à la fois, présentée comme distincte de l’Eglise du Christ, puisque cette dernière «manifeste sa présence» en elle, mais ne se confond pas avec elle ; et pleinement associée au catholicisme, que la Tradition orthodoxe a depuis longtemps rejeté de son sein comme non-orthodoxe.
Le Métropolite Damaskinos de Suisse, co-président de la Commission mixte du dialogue théologique avec les «Eglises orientales orthodoxes» a publié, en mars 1995, un important rapport sur ce dialogue. Les moines du Mont Athos ont rendue publique leur critique de ce texte. Ils disent notamment : «La commission affirme que les antichalcédoniens d’aujourd’hui ont la même foi christologique que les orthodoxes. Or cela ne ressort nullement des déclarations communes, qui contiennent des formules susceptibles d’une interprétation monophysite, conforme à la doctrine de Sévère, comme celle-ci : ’les natures étant distinguées l’une de l’autre uniquement dans la contemplation (te théoria mone)’. On a demandé aux non-chalcédoniens de lever l’ambiguité de ces formules, et de prouver qu’ils les comprennent bien comme les orthodoxes, mais aucune suite n’a été donnée à cette requête. En fait, les non-chalcédoniens ont condamné le monophysisme d’Eutychès -’Nous sommes d’accord pour condamner les hérésies nestorienne et eutychienne’ dit la déclaration commune- mais nullement le monophysisme modéré de Dioscore et de Sévère. Or ce dernier, selon les Pères, constitue, tout aussi bien que celui d’Eutychès, une hérésie2». Autrement dit, loin d’apporter quoi que ce soit de juste, le dialogue n’a, ici encore, abouti qu’à pervertir l’orthodoxie, par un retour à des formulations dont l’Histoire a montré le danger et l’ambiguïté.
Le plus extraordinaire est que «l’Eglise» telle qu’elle ressort de cette union avec les monophysites, se trouverait composée de deux sortes de membres. En effet, les monophysites n’acceptent pas sans réserve les sept conciles oecuméniques ; ils continuent de n’en reconnaître officiellement que trois, preuve que le prétendu accord sur la christologie n’existe pas3. Voici, en effet, le texte de la Deuxième Déclaration commune : «Les deux familles reçoivent les trois premiers conciles oecuméniques qui forment notre héritage commun. Quant aux quatre conciles ultérieurs de l’Eglise orthodoxe, les Orthodoxes affirment que, pour eux, les points 1-7 susmentionnés sont aussi l’enseignement des quatre conciles ultérieurs, alors que les Orientaux orthodoxes considèrent cette affirmation des orthodoxes comme leur propre interprétation. Dans ce sens, les Orientaux orthodoxes répondent positivement à cette affirmation». Que signifie cette dernière phrase ? De bons observateurs n’y voient qu’un refus poli de reconnaître les quatre Conciles en question4. Or le texte du Métropolite Damaskinos confirme cette dernière opinion : «La question de la proclamation formelle par les Eglises orientales orthodoxes de l’oecuménicité des IVè, Vè, VIè et VIIe conciles oecuméniques fut longuement débattue avec toutes les Eglises orthodoxes locales. Dans la perspective des deux Déclarations communes (1989, 1990) et de l’accord complet quant à la théologie des définitions de ces conciles, systématiquement analysée aussi bien dans les paragraphes afférents des deux Déclarations que dans les réserves formulées par les délégués des Eglises orientales orthodoxes, il fut considéré que la proclamation formelle de leur oecuménicité pouvait être la suite naturelle de la restauration de la pleine communion ou être évaluée dans l’avenir5».
Pour la première fois, l’Eglise compterait donc deux sortes de membres : ceux qui acceptent et confessent sans réserve les sept Conciles oecuméniques et ceux qui se demandent s’ils vont, dans l’avenir, les proclamer comme oecuméniques !
Ce sont là des nouveautés qu’aucun orthodoxe n’avait jamais prêchées. Audacieusement, le Métropolite Spyridon d’Italie, qui représentait le Patriarche de Constantinople au 32ème Congrès du clergé et des laïcs de l’Archidiocèse grec d’Amérique, n’a pas hésité à revendiquer cette dimension nouvelle : «Notre nouvel ordre spirituel commence avec chacun de ceux qui sont nés à nouveau comme partie de l’Eglise chrétienne orthodoxe oecuménique. Et vous, en Amérique, vous êtes appelés à ouvrir la route6».
Le ton du Métropolite Damaskinos de Suisse est tout aussi net : «Mais si l’Eglise est là où est l’Esprit et, à l’inverse, si l’Esprit est là où est l’Eglise, nous devons être prêts à rechercher et à reconnaître la présence de l’Esprit, c’est-à-dire de l’Eglise, en dehors de nos propres frontières canoniques par lesquelles nous identifions souvent l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique7». Tous les orthodoxes avaient pensé jusqu’ici que les «frontières canoniques» avaient été établies par l’Esprit Saint et qu’elles étaient comme la clôture qui protège la vigne du Seigneur. Aujourd’hui, hélas, s’accomplit la prophétie du Psalmiste : «Pourquoi as-tu rompu ses clôtures, en sorte que tous les passants la dépouillent ?»
Quelque fortes que se fassent, aujourd’hui, les voix des ténors de l’oecuménisme, elles ne peuvent couvrir une réalité historique toute simple, que n’importe qui peut constater : l’Eglise orthodoxe a toujours eu conscience d’elle-même, et s’est toujours considérée comme l’Eglise du Credo, fondée sur l’unité de la foi dans le Dieu-Homme. Et par Eglise, nous entendons, bien sûr, le clergé et les fidèles. Depuis près de deux millénaires, cette conscience n’a point variée. C’est elle qui a reconnu pour siens les Conciles oecuméniques et les oeuvres inspirées des Pères. C’est elle qui rejette, comme «la voix des étrangers», les étranges et contradictoires assertions des hiérarques oecuménistes.
Ainsi, aux yeux de l’Histoire, les mouvements de résistance à l’oecuménisme apparaissent de plus en plus comme la voix même de l’Eglise. Leur refus de toute communion avec les hiérarques en communion avec l’oecuménisme se fonde sur les canons de l’Eglise -notamment le canon 15 du Concile Premier-Second de Constantinople- et sur la conscience orthodoxe. Que ce soit l’Eglise des catacombes en Russie, l’Eglise des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce, ou l’Eglise des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Roumanie, leur naissance spontanée contraste avec le concert bien orchestré de l’oecuménisme. Elles sont le fruit de la réaction de la conscience orthodoxe face aux innovations. Ces Eglises peuvent produire les critères de leur orthodoxie et n’importe qui peut vérifier leur fidélité aux dogmes et aux canons.
Comment les hiérarques oecuménistes entendent-ils le «dialogue» avec ceux qui, pour motif de conscience, ne peuvent être en communion avec eux ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que la manière dont ils affrontent cette opposition n’est pas orthodoxe. Les méthodes de l’oecuménisme s’écartent de plus en plus de la clarté qui a toujours caractérisé les voies de l’Eglise du Christ. On peut énumérer trois de ces nouvelles méthodes : la révision de l’Histoire, l’ignorance pure et simple des critiques et, enfin, l’accusation de fanatisme.
Se sachant condamnés par le tribunal de l’Histoire, les oecuménistes tentent de l’infléchir. Dans une lettre au Métropolite Damaskinos de Suisse, le Patriarche Théoctiste de Roumanie déclare : «Le Saint-Synode de notre Eglise, dans sa session des 8-9 décembre 1994... a décidé de... donner à l’étude aux professeurs d’Histoire de l’Eglise Universelle et de Patrologie des Facultés de Théologie du Patriarcat Roumain, les résultats du Dialogue théologique entre l’Eglise Orthodoxe et les Eglises Orientales Orthodoxes en vue de la révision des chapitres concernant la famille des Eglises Orientales Orthodoxes8».
Il en va de même pour le Filioque : certains pseudo-historiens suggèrent que l’Orient et l’Occident auraient vécu pendant un, voire plusieurs siècles, en bonne intelligence, alors que la double procession du Saint Esprit était déjà confessée en Occident. Dès lors, il serait possible de rétablir la communion entre l’Eglise orthodoxe et le catholicisme romain, chacun gardant sa conviction sur la procession du Saint Esprit.
Malheureusement, l’Histoire, témoin fidèle, répond négativement à ces prétentions. Elle montre le fossé qui existe entre l’orthodoxie et les monophysites -et le Père Georges Florovsky, pourtant plein de sympathie pour les «Eglises Orientales Orthodoxes», n’avait pu que le reconnaître. L’Histoire prouve aussi qu’à peine l’Orient eut-il eu connaissance du Filioque, qu’il rompit la communion avec l’Occident (voir la lettre de Pierre d’Antioche et la Lettre Encyclique de saint Photios aux Patriarches Orientaux). Les oecuménistes peuvent penser que le monophysisme sévérien ou que le Filioque ne sont pas des obstacles à l’union, mais ils ne peuvent soutenir que telle est l’opinion de l’Eglise, ni appuyer cette prétention sur l’Histoire. Serions-nous à la veille d’une gigantesque entreprise de falsification ?
La seconde méthode consiste à écarter purement et simplement les objections. Le Métropolite Damaskinos, faisant état de l’opinion des autres Eglises orthodoxes concernant l’union avec les monophysites, cite un décret synodal de l’Eglise Russe, daté de décembre 1994, qui décide, notamment : «de juger que la ’Deuxième Déclaration Commune et les Propositions aux Eglises’ ne peuvent être considérées comme un texte définitif», de faire connaître son opinion sur le dialogue après plus ample information, et «ayant en esprit le besoin pour le peuple de Dieu, qui -selon le message de Patriarches d’Orient9- est le ’gardien de l’ancienne piété’, de participer à la cause de l’unité, le Synode considère que le temps est venu à ce qu’un débat sur la question soit organisé avec la participation de toute l’Eglise».
A ces décisions de l’Eglise Russe, que répond Damaskinos ? «Etant donné que ces propositions de la hiérarchie de l’Eglise de Russie se réfèrent manifestement à un stade plus ancien de la marche de ce dialogue théologique et que, lors de l’examen de la question, les propositions de la Commission théologique mixte au cours de sa dernière réunion au Centre orthodoxe (1993) n’ont pas été prises en considération, cette décision du Saint-Synode de l’Eglise russe n’ajoute rien de nouveau à l’évaluation des deux ’Déclarations théologiques’». Autrement dit, la critique des hiérarques de l’Eglise soeur de Russie, qui considèrent comme insuffisante la Deuxième Déclaration, est purement et simplement ignorée. Le Métropolite continue : «En effet, la Commission mixte avait poursuivi ses travaux par la présentation de rapports sur les conditions canoniques, théologiques et liturgiques lors de sa réunion en 1993 et ce travail se poursuit au niveau des sous-commissions ad hoc. Celles-ci ont pour principale mission de mettre en valeur les présupposés théologiques dans l’élaboration d’études vulgarisées susceptibles de mieux informer le peuple pieux et de préparer de manière responsable la conscience ecclésiale pour la réception des décisions ecclésiastiques sur la question du rétablissement de l’unité ecclésiale10».
Deux conceptions du «peuple de l’Eglise» s’affrontent ici radicalement. Pour l’Eglise orthodoxe, et selon l’Encyclique des Patriarches Orientaux, citée par le Synode russe, le peuple est le gardien de la foi, avec la hiérarchie. Pour Damaskinos, le peuple n’est pas associé aux décisions, mais c’est un inférieur qu’on «informe» après coup. Autrement dit, cet auteur accepte la doctrine catholique romaine de la distinction entre «Eglise enseignante» et «Eglise enseignée», qui n’a aucun sens dans l’orthodoxie.
Il est clair que le Métropolite Damaskinos ne veut pas donner la parole au peuple qui le réfuterait. Il préfère jeter l’Eglise aux mains des sous-commissions. Il n’y a rien là de nouveau : c’est ainsi qu’a fini le Concile de Florence, comme le rapporte son historien, Sylvestre Syropoulos : «quand les discussions eurent cessé, le synode, lui, ne fit plus rien ; tout se passa à part, en cachette et dans l’ombre. En effet, les réunions qu’aménagea l’empereur avec dix évêques se tinrent chez le pape privément et en secret. Ni nos autres évêques, ni les évêques latins ne savent ce qui s’y est dit. En outre, les réunions qu’eurent les nôtres dans les demeures impériale et patriarcale eurent lieu en chambre et ce qu’on faisait n’était pas assimilable à des actes d’un concile général ; on y échafaudait seulement des moyens et des combinaisons pour faire accepter simplement aux nôtres l’union avec les Latins11».
Le même historien a tracé un tableau des débats des conciles antérieurs. On y lit que les conciles commençaient par étudier et éclaircir à fond tous les points controversés. «Les exposés et les examens une fois rigoureusement faits, les Pères de chaque assemblée, au moment de passer à la décision, lisaient d’abord les procès-verbaux et on rappelait ce qui avait été éclairci et démontré. Ensuite on interrogeait tous les évêques dans les lieux fixés pour leurs réunions et chacun exprimait sans contrainte, en présence de toute l’assemblée, ce qu’il pensait et décidait personnellement au sujet des débats et des exposés. Et c’est ainsi que le Décret du concile était ratifié et approuvé par le consentement soit de tous les évêques présents, soit de la majorité et des plus notables d’entre les membres présents12». On voit combien les prétendus «dialogues» et «déclarations communes» s’écartent de ce modèle. Aucun accord panorthodoxe n’a eu lieu. Alors que les Pères des conciles entendaient les hérétiques, pour les oecuménistes, l’avis des autres évêques ou celui du peuple fidèle n’entre pas en ligne de compte. Il tiennent pour acquis l’accord de tous avec eux.
Et si cet accord n’existe pas ? Eh ! bien, les récalcitrants sont ou bien des ignorants incapables de voir que les schismes du passé reposaient sur des erreurs de traduction, ou bien des gens qui manquent d’amour. Ici intervient la troisième méthode nouvelle de l’oecuménisme. Le Saint-Synode de l’Eglise roumaine, dans le texte que nous avons déjà cité, n’hésite pas à décider de «prendre en considération, d’une part, le contexte spécial où avaient été prononcés les anathèmes, contexte caractérisé par la division, par l’absence de consensus dans la formule de la confession de foi, ainsi que par l’absence de charité fraternelle, et, d’autre part, l’actuel contexte où l’on discute la levée des anathèmes, contexte caractérisé par un esprit de réconciliation, de pardon réciproque et de confession commune du même contenu de la foi commune». Comme l’écrivent les moines de l’Athos, cette assertion du Synode roumain porte une injure intolérable contre le Saint Esprit, qui inspira les conciles, et contre les saints Pères, qui furent les bouches du Verbe et les cithares de l’Esprit13.
Le Patriarche Bartholomée Ier de Constantinople, invité à Zürich en juin 1995, pour l’inauguration de la nouvelle église grecque mise sous l’invocation de saint Dimitri, a déclaré qu’après la chute du communisme, un nouveau spectre menaçait l’humanité : celui du fanatisme religieux. Pour le prévenir, il a rappelé la relativité des opinions humaines : «dans de nombreux cas de désaccords, on constate finalement que les parties ont en substance, toutes deux raison». Et il a appliqué ce principe aux relations oecuméniques, rappelant le résultat du dialogue entre les orthodoxes et les Eglises orientales non-chalcédoniennes (monophysites) : «Quinze siècles durant on croyait qu’entre nous et eux il existait une grande divergence quant au dogme dit christologique, sur la relation entre la divinité et l’humanité en Christ. Cependant, par le truchement des contacts théologiques des deux parties depuis 1964, on constate qu’en réalité notre foi concernant le Christ est la même, mais les terminologies différentes en usage, ou plutôt les mauvaises traductions de la terminologie, donnaient des images déformées de la foi de l’autre». Et le patriarche d’opposer une attitude d’ouverture à une attitude «fanatique» : «Le fanatique, en tenant pour absolues ses propres convictions et les différences des autres, ne découvre que les points qui divisent les hommes et considère que celui qui n’est pas d’accord avec lui a tort en tout. Le vrai fidèle du Christ, en aimant même ses ennemis, peut comprendre la valeur relative de certaines divergences extérieures et rechercher en profondeur les points qui unissent. Certes, souvent les obstacles sont grands et les divergences réelles et essentielles. Mais cela vaut la peine d’essayer. Nous croyons en effet que la connaissance mutuelle et le dialogue sincère dans la charité peuvent donner des résultats remarquables dans le rapprochement des Eglises et la réconciliation des religions14...»
Il ressort de ces propos que celui qui n’admet pas l’union avec les monophysites est un fanatique.
Enfin, l’Eglise de Crète a franchi un pas de plus. Ses évêques ont publié une encyclique dans laquelle les Vrais Chrétiens Orthodoxes, appelés Anciens Calendaristes, sont considérés comme des schismatiques n’appartenant pas à l’Eglise orthodoxe et rangés avec les satanistes, les mormons, les témoins de Jéhovah, et autres groupes15.
Il convient pourtant de distinguer entre deux sortes opposées de fanatiques : celui qui tue et celui qui se fait tuer pour sa foi. A la seconde catégorie appartiennent tous les martyrs de l’Eglise. Certes, ils ne disaient pas aux non-orthodoxes : «Nous avons, à peu près, la même foi, vous et nous. Ce qui nous sépare est moindre que ce qui nous unit». Leur langage était direct. Et puisque l’église inaugurée à Zürich par le Patriarche de Constantinople est consacrée à saint Dimitri le Grand-Martyr, posons-nous la question : Saint Dimitri était-il «politiquement correct» ?
Ecoutons saint Grégoire Palamas parler du Grand Martyr : «Voulez-vous savoir ce que signifie la recommandation que le Seigneur donne, dans l’évangile que nous avons lu aujourd’hui, à ceux qu’il envoie au milieu des loups ? «Soyez prudents comme les serpents et candides comme les colombes». Le serpent se protège lui-même, mais détruit les autres, ayant l’instinct et la force de se défendre et de nuire. La colombe est inoffensive et sans protection. Le Seigneur conseille aux siens de n’être ni méchants comme les serpents, ni vulnérables comme les colombes, mais de joindre intelligemment, à une innocence sage et réfléchie, l’aptitude à se protéger, de manière qu’ils sachent résister pour conserver la vraie piété et la vertu, et se montrer d’une extrême douceur à l’égard de nos adversaires, jusqu’à prier pour eux. C’est ainsi qu’ils deviendront, pour ceux même que le serpent spirituel a mis à mort, guérison pour la vie. Comme les médecins, en effet, font de la chair du serpent, purgée de son venin et mêlée à certains aromates, un remède contre les morsures de serpents, ainsi celui qui, dans le temps de l’épreuve, aura mêlé la prudence et l’auto-conservation du serpent à l’innocence de la colombe, non content de se protéger lui-même du mal venant du serpent, je veux dire de la tromperie du diable, soignera encore les victimes de ses morsures, entendez, les égarés, en détruisant le venin de malice, qui est le péché et l’impiété. J’en prends à témoin le Grand Martyr Dimitri, que voici. Il a achevé la course, il a gardé la foi, il a résisté jusqu’au sang pour sauver la piété, et, en même temps, il était si loin de se défendre contre ses adversaires, qu’il priait le Seigneur pour eux, tant qu’il parvint à faire cesser la méchanceté des uns, et à transformer les autres, au point qu’il ne resta pas dans la cité la moindre relique de cette antique impiété, et qu’elle-même, cette ville dont il était natif et dans laquelle il souffrit sa mort violente, se maintint et perdura, grâce aux soins multiples qu’il déploya pour elle, grâce à tous ses bienfaits sans nombre, grâce enfin à ses prières incessantes à Dieu» (Homélie 43, sur Saint Dimitri le Grand Martyr, PG 151, 549).
Les Vrais Chrétiens Orthodoxes de nos jours, malgré toute leur faiblesse humaine, ne font rien d’autre que garder la foi traditionnelle de l’Eglise. L’accusation de fanatisme brandie contre eux prouve simplement qu’on ne peut rien leur reprocher sur l’essentiel, qui est la foi véritable. Partant de ceux qui renient l’Eglise en actes et en paroles, cette accusation rentre pour eux dans les béatitudes. Et c’est avec confiance et sérénité qu’ils y répondent par la bouche de Marc d’Ephèse. Ce dernier, en effet, ayant refusé la fausse union scellée au Concile de Florence, entendit le pape le menacer d’une condamnation conciliaire. «L’évêque d’Ephèse, écrit Sylvestre Syropoulos, fit aux paroles du pape bonne réponse. Au sujet de la condamnation dont il était menacé, il déclara que les conciles punissaient ceux qui, n’obéissant pas à l’Eglise, s’obstinaient en quelque doctrine contraire, la prêchaient et luttaient pour elle. Aussi appelait-on ces gens hérétiques et condamnait-on d’abord l’hérésie, puis ses tenants. ’Mais moi, ce n’est pas ma propre doctrine que je prêche ; je n’innove en rien. Je ne me lève pas pour défendre un dogme étranger et bâtard. Je me conserve dans la pure doctrine que l’Eglise a reçue du Christ, notre Sauveur lui-même et qu’elle a gardée jusqu’ici, doctrine que la sainte Eglise Romaine conservait également avant le schisme avec notre sainte Eglise d’Orient. Et cette doctrine sainte, vous l’avez toujours vantée dans le passé et l’avez souvent louée dans le présent concile, et il n’est personne qui puisse en quoi que ce soit porter contre elle le blâme ou l’accusation. Si donc je m’y attache et refuse de m’en écarter, comment encourrais-je la condamnation dont étaient frappés les hérétiques ? Quel est l’homme de saine raison et de piété qui ferait cela contre moi ? II faudrait d’abord condamner la doctrine que j’enseigne. Or, si celle-ci est jugée pieuse et orthodoxe, comment serais-je passible de condamnation ?» (Sylvestre Syropoulos, op. cit., p.509-511).
LE DEVOIR DE VIGILANCE
Saint Ignace le Théophore écrivait aux chrétiens de Magnésie : «Ayez soin de vous affermir dans les dogmes du Seigneur et des Apôtres, afin qu’"en tout ce que vous ferez vous réussissiez" (Ps. 1, 3) de chair et d’esprit, dans la foi et la charité, dans le Fils et le Père et l’Esprit, dans le principe et dans la fin, avec votre si digne évêque, et la précieuse couronne spirituelle de votre presbyterium, et avec vos saints diacres. "Soyez soumis" à l’évêque et "les uns aux autres" (Cf saint Paul Eph. 5, 21), comme le Christ selon la chair fut soumis au Père, et les Apôtres au Christ et au Père et à l’Esprit, afin que l’union soit à la fois charnelle et spirituelle» (Epître aux Magnésiens, 13, 1).
Ces quelques lignes renferment tous les devoirs du chrétien orthodoxe vis-à-vis de la vérité qu’il confesse et vis-à-vis de la hiérarchie de l’Eglise. Le chrétien doit s’affermir dans les enseignements de la foi et obéir à la hiérarchie elle-même soumise à cet enseignement, et à elle seule. Devant les actes de certains évêques, beaucoup suggèrent, en effet : «Nous savons que certains de nos évêques transgressent ouvertement les saints canons en priant avec les non-orthodoxes ; nous avons appris que le Patriarche Bartholomée a signé une déclaration commune avec le Pape Jean-Paul II et qu’il reconnaît la foi et les sacrements de l’Eglise catholique romaine comme identiques aux nôtres, sans être désavoué par les autres patriarcats historiques ; nous connaissons les récentes Déclarations des hiérarques orthodoxes qui prétendent que les Eglises monophysites n’ont jamais été séparées de l’Eglise orthodoxe, si ce n’est extérieurement et pour de mauvais motifs, et que les Pères et les Conciles Oecuméniques se trompaient. Nous savons que tous ces actes et ces paroles s’opposent à la foi orthodoxe ; mais que pouvons-nous faire ? Nous ne sommes que des laïcs. II ne peut y avoir d’Eglise sans évêques. Nous sommes donc tenus d’obéir à la hiérarchie. N’est-ce pas Dieu qui nous l’a donnée ?»
Rien, malheureusement, n’est plus faux. Comme l’écrivait Père Patric : «Les chrétiens orthodoxes sont véritablement obligés d’obéir à des évêques orthodoxes ; mais ils ne sont pas obligés d’obéir à leurs évêques si ces derniers n’obéissent pas à la Sainte Tradition telle qu’elle est renfermée dans les Saintes Ecritures, dans les saints canons, dans la vie des saints et dans les enseignements des saints Pères. Si les évêques n’obéissent pas à l’Eglise, nous ne sommes pas obligés de leur obéir. Et, en vérité, comment peut-on demander d’obéir à la désobéissance ? Et de respecter celui qui lui-même ne respecte pas la Vérité ?
«L’Eglise orthodoxe a des critères par lesquels l’orthodoxie de tous -évêques, clercs, laïcs tout aussi bien- est évaluée. Ces critères sont la sainte Ecriture et la sainte Tradition, exprimée dans les saints canons et dans les écrits des saints de Dieu et des Pères de l’Eglise. En conséquence, il n’y a place ici ni pour l’anarchie, ni pour le despotisme ; on ne peut ni glisser dans la dictature du Pape, ni tomber dans la libre pensée protestante.
«Grâce à ces critères, les évêques orthodoxes savent exactement où ils se tiennent, et ils savent qu’ils doivent s’y tenir avec exactitude parce qu’ils auront, s’ils ne le font pas, à répondre devant Dieu et devant le peuple de Dieu.
«En effet, le jour de leur consécration épiscopale, ils font trois déclarations et promesses devant le Seigneur et devant les fidèles orthodoxes. Dans la première déclaration, le candidat récite le Credo, dans lequel, entre autres, il déclare sa foi, non dans la théorie anglicane des branches, mais dans l’Eglise indivisible, qui est ’une, sainte, catholique et apostolique’. Il professe que le Saint Esprit procède du Père, et non du Père et du Fils, comme le proclament les dénominations hérétiques.
«Dans sa seconde déclaration, il confesse la foi orthodoxe concernant la personne du Fils de Dieu, et là, il condamne les doctrines de Sabellius, Arius, Nestorius, Eutychès, Dioscore et de tous les autres monophysites et monothélites. Les Eglises monophysites actuelles condamnent aussi Eutychès, mais suivent le monophysisme modéré de Dioscore et de Sévère. Or, selon les Pères orthodoxes -Maxime le Confesseur, Sophrone de Jérusalem, Anastase le Sinaïte, Jean Damascène, Photios le Grand, Théodore le Studite, Théodose le Cénobiarque, etc- ce monophysisme modéré constitue, comme celui d’Eutychès, une hérésie.
«Dans sa troisième déclaration, le candidat à l’épiscopat confesse la foi orthodoxe sur la Sainte Trinité, et il ajoute aussi ces mots : Je crois aussi aux traditions de l’Eglise Une Sainte Catholique et Apostolique et à ce qu’elles disent concernant Dieu et les choses divines. En outre, il condamne ceux qui n’acceptent pas les saintes Icônes alors que l’Eglise les a acceptées. Et à la fin de sa confession de foi, il déclare : J’anathématise et je proclame clairement d’une voix forte : à tout hérétique, anathème, à tous les hérétiques, anathème !»
Tels sont les critères qui permettent aux évêques de savoir où ils vont, et de guider le peuple sur le chemin étroit de la foi juste, sans dévier.
Or, que font les évêques engagés dans le mouvement oecuménique ? Ils prennent le contre-pied des engagements qu’ils ont pris en recevant l’ordination épiscopale. Le mouvement oecuménique, qui se présente comme un dialogue d’amour, implique en réalité la négation de l’Eglise Une Sainte Catholique et Apostolique du Credo, le dépassement de l’Eglise orthodoxe historique. Les derniers développements de ce mouvement ne laissent aucun doute à ce sujet.
La déclaration commune signée par le Pape et le Patriarche de Constantinople en juin 1995 est éloquente : «Considérant que dans chaque Eglise locale se réalise le mystère de l’amour divin et que de cette façon l’Eglise du Christ manifeste sa présence effective en chacune d’elles, la Commission mixte a pu déclarer que nos Eglises se reconnaissent comme Eglises-soeurs, portant ensemble la responsabilité de la sauvegarde de l’unique Eglise de Dieu1...» Ici, l’Eglise orthodoxe est, tout à la fois, présentée comme distincte de l’Eglise du Christ, puisque cette dernière «manifeste sa présence» en elle, mais ne se confond pas avec elle ; et pleinement associée au catholicisme, que la Tradition orthodoxe a depuis longtemps rejeté de son sein comme non-orthodoxe.
Le Métropolite Damaskinos de Suisse, co-président de la Commission mixte du dialogue théologique avec les «Eglises orientales orthodoxes» a publié, en mars 1995, un important rapport sur ce dialogue. Les moines du Mont Athos ont rendue publique leur critique de ce texte. Ils disent notamment : «La commission affirme que les antichalcédoniens d’aujourd’hui ont la même foi christologique que les orthodoxes. Or cela ne ressort nullement des déclarations communes, qui contiennent des formules susceptibles d’une interprétation monophysite, conforme à la doctrine de Sévère, comme celle-ci : ’les natures étant distinguées l’une de l’autre uniquement dans la contemplation (te théoria mone)’. On a demandé aux non-chalcédoniens de lever l’ambiguité de ces formules, et de prouver qu’ils les comprennent bien comme les orthodoxes, mais aucune suite n’a été donnée à cette requête. En fait, les non-chalcédoniens ont condamné le monophysisme d’Eutychès -’Nous sommes d’accord pour condamner les hérésies nestorienne et eutychienne’ dit la déclaration commune- mais nullement le monophysisme modéré de Dioscore et de Sévère. Or ce dernier, selon les Pères, constitue, tout aussi bien que celui d’Eutychès, une hérésie2». Autrement dit, loin d’apporter quoi que ce soit de juste, le dialogue n’a, ici encore, abouti qu’à pervertir l’orthodoxie, par un retour à des formulations dont l’Histoire a montré le danger et l’ambiguïté.
Le plus extraordinaire est que «l’Eglise» telle qu’elle ressort de cette union avec les monophysites, se trouverait composée de deux sortes de membres. En effet, les monophysites n’acceptent pas sans réserve les sept conciles oecuméniques ; ils continuent de n’en reconnaître officiellement que trois, preuve que le prétendu accord sur la christologie n’existe pas3. Voici, en effet, le texte de la Deuxième Déclaration commune : «Les deux familles reçoivent les trois premiers conciles oecuméniques qui forment notre héritage commun. Quant aux quatre conciles ultérieurs de l’Eglise orthodoxe, les Orthodoxes affirment que, pour eux, les points 1-7 susmentionnés sont aussi l’enseignement des quatre conciles ultérieurs, alors que les Orientaux orthodoxes considèrent cette affirmation des orthodoxes comme leur propre interprétation. Dans ce sens, les Orientaux orthodoxes répondent positivement à cette affirmation». Que signifie cette dernière phrase ? De bons observateurs n’y voient qu’un refus poli de reconnaître les quatre Conciles en question4. Or le texte du Métropolite Damaskinos confirme cette dernière opinion : «La question de la proclamation formelle par les Eglises orientales orthodoxes de l’oecuménicité des IVè, Vè, VIè et VIIe conciles oecuméniques fut longuement débattue avec toutes les Eglises orthodoxes locales. Dans la perspective des deux Déclarations communes (1989, 1990) et de l’accord complet quant à la théologie des définitions de ces conciles, systématiquement analysée aussi bien dans les paragraphes afférents des deux Déclarations que dans les réserves formulées par les délégués des Eglises orientales orthodoxes, il fut considéré que la proclamation formelle de leur oecuménicité pouvait être la suite naturelle de la restauration de la pleine communion ou être évaluée dans l’avenir5».
Pour la première fois, l’Eglise compterait donc deux sortes de membres : ceux qui acceptent et confessent sans réserve les sept Conciles oecuméniques et ceux qui se demandent s’ils vont, dans l’avenir, les proclamer comme oecuméniques !
Ce sont là des nouveautés qu’aucun orthodoxe n’avait jamais prêchées. Audacieusement, le Métropolite Spyridon d’Italie, qui représentait le Patriarche de Constantinople au 32ème Congrès du clergé et des laïcs de l’Archidiocèse grec d’Amérique, n’a pas hésité à revendiquer cette dimension nouvelle : «Notre nouvel ordre spirituel commence avec chacun de ceux qui sont nés à nouveau comme partie de l’Eglise chrétienne orthodoxe oecuménique. Et vous, en Amérique, vous êtes appelés à ouvrir la route6».
Le ton du Métropolite Damaskinos de Suisse est tout aussi net : «Mais si l’Eglise est là où est l’Esprit et, à l’inverse, si l’Esprit est là où est l’Eglise, nous devons être prêts à rechercher et à reconnaître la présence de l’Esprit, c’est-à-dire de l’Eglise, en dehors de nos propres frontières canoniques par lesquelles nous identifions souvent l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique7». Tous les orthodoxes avaient pensé jusqu’ici que les «frontières canoniques» avaient été établies par l’Esprit Saint et qu’elles étaient comme la clôture qui protège la vigne du Seigneur. Aujourd’hui, hélas, s’accomplit la prophétie du Psalmiste : «Pourquoi as-tu rompu ses clôtures, en sorte que tous les passants la dépouillent ?»
Quelque fortes que se fassent, aujourd’hui, les voix des ténors de l’oecuménisme, elles ne peuvent couvrir une réalité historique toute simple, que n’importe qui peut constater : l’Eglise orthodoxe a toujours eu conscience d’elle-même, et s’est toujours considérée comme l’Eglise du Credo, fondée sur l’unité de la foi dans le Dieu-Homme. Et par Eglise, nous entendons, bien sûr, le clergé et les fidèles. Depuis près de deux millénaires, cette conscience n’a point variée. C’est elle qui a reconnu pour siens les Conciles oecuméniques et les oeuvres inspirées des Pères. C’est elle qui rejette, comme «la voix des étrangers», les étranges et contradictoires assertions des hiérarques oecuménistes.
Ainsi, aux yeux de l’Histoire, les mouvements de résistance à l’oecuménisme apparaissent de plus en plus comme la voix même de l’Eglise. Leur refus de toute communion avec les hiérarques en communion avec l’oecuménisme se fonde sur les canons de l’Eglise -notamment le canon 15 du Concile Premier-Second de Constantinople- et sur la conscience orthodoxe. Que ce soit l’Eglise des catacombes en Russie, l’Eglise des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce, ou l’Eglise des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Roumanie, leur naissance spontanée contraste avec le concert bien orchestré de l’oecuménisme. Elles sont le fruit de la réaction de la conscience orthodoxe face aux innovations. Ces Eglises peuvent produire les critères de leur orthodoxie et n’importe qui peut vérifier leur fidélité aux dogmes et aux canons.
Comment les hiérarques oecuménistes entendent-ils le «dialogue» avec ceux qui, pour motif de conscience, ne peuvent être en communion avec eux ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que la manière dont ils affrontent cette opposition n’est pas orthodoxe. Les méthodes de l’oecuménisme s’écartent de plus en plus de la clarté qui a toujours caractérisé les voies de l’Eglise du Christ. On peut énumérer trois de ces nouvelles méthodes : la révision de l’Histoire, l’ignorance pure et simple des critiques et, enfin, l’accusation de fanatisme.
Se sachant condamnés par le tribunal de l’Histoire, les oecuménistes tentent de l’infléchir. Dans une lettre au Métropolite Damaskinos de Suisse, le Patriarche Théoctiste de Roumanie déclare : «Le Saint-Synode de notre Eglise, dans sa session des 8-9 décembre 1994... a décidé de... donner à l’étude aux professeurs d’Histoire de l’Eglise Universelle et de Patrologie des Facultés de Théologie du Patriarcat Roumain, les résultats du Dialogue théologique entre l’Eglise Orthodoxe et les Eglises Orientales Orthodoxes en vue de la révision des chapitres concernant la famille des Eglises Orientales Orthodoxes8».
Il en va de même pour le Filioque : certains pseudo-historiens suggèrent que l’Orient et l’Occident auraient vécu pendant un, voire plusieurs siècles, en bonne intelligence, alors que la double procession du Saint Esprit était déjà confessée en Occident. Dès lors, il serait possible de rétablir la communion entre l’Eglise orthodoxe et le catholicisme romain, chacun gardant sa conviction sur la procession du Saint Esprit.
Malheureusement, l’Histoire, témoin fidèle, répond négativement à ces prétentions. Elle montre le fossé qui existe entre l’orthodoxie et les monophysites -et le Père Georges Florovsky, pourtant plein de sympathie pour les «Eglises Orientales Orthodoxes», n’avait pu que le reconnaître. L’Histoire prouve aussi qu’à peine l’Orient eut-il eu connaissance du Filioque, qu’il rompit la communion avec l’Occident (voir la lettre de Pierre d’Antioche et la Lettre Encyclique de saint Photios aux Patriarches Orientaux). Les oecuménistes peuvent penser que le monophysisme sévérien ou que le Filioque ne sont pas des obstacles à l’union, mais ils ne peuvent soutenir que telle est l’opinion de l’Eglise, ni appuyer cette prétention sur l’Histoire. Serions-nous à la veille d’une gigantesque entreprise de falsification ?
La seconde méthode consiste à écarter purement et simplement les objections. Le Métropolite Damaskinos, faisant état de l’opinion des autres Eglises orthodoxes concernant l’union avec les monophysites, cite un décret synodal de l’Eglise Russe, daté de décembre 1994, qui décide, notamment : «de juger que la ’Deuxième Déclaration Commune et les Propositions aux Eglises’ ne peuvent être considérées comme un texte définitif», de faire connaître son opinion sur le dialogue après plus ample information, et «ayant en esprit le besoin pour le peuple de Dieu, qui -selon le message de Patriarches d’Orient9- est le ’gardien de l’ancienne piété’, de participer à la cause de l’unité, le Synode considère que le temps est venu à ce qu’un débat sur la question soit organisé avec la participation de toute l’Eglise».
A ces décisions de l’Eglise Russe, que répond Damaskinos ? «Etant donné que ces propositions de la hiérarchie de l’Eglise de Russie se réfèrent manifestement à un stade plus ancien de la marche de ce dialogue théologique et que, lors de l’examen de la question, les propositions de la Commission théologique mixte au cours de sa dernière réunion au Centre orthodoxe (1993) n’ont pas été prises en considération, cette décision du Saint-Synode de l’Eglise russe n’ajoute rien de nouveau à l’évaluation des deux ’Déclarations théologiques’». Autrement dit, la critique des hiérarques de l’Eglise soeur de Russie, qui considèrent comme insuffisante la Deuxième Déclaration, est purement et simplement ignorée. Le Métropolite continue : «En effet, la Commission mixte avait poursuivi ses travaux par la présentation de rapports sur les conditions canoniques, théologiques et liturgiques lors de sa réunion en 1993 et ce travail se poursuit au niveau des sous-commissions ad hoc. Celles-ci ont pour principale mission de mettre en valeur les présupposés théologiques dans l’élaboration d’études vulgarisées susceptibles de mieux informer le peuple pieux et de préparer de manière responsable la conscience ecclésiale pour la réception des décisions ecclésiastiques sur la question du rétablissement de l’unité ecclésiale10».
Deux conceptions du «peuple de l’Eglise» s’affrontent ici radicalement. Pour l’Eglise orthodoxe, et selon l’Encyclique des Patriarches Orientaux, citée par le Synode russe, le peuple est le gardien de la foi, avec la hiérarchie. Pour Damaskinos, le peuple n’est pas associé aux décisions, mais c’est un inférieur qu’on «informe» après coup. Autrement dit, cet auteur accepte la doctrine catholique romaine de la distinction entre «Eglise enseignante» et «Eglise enseignée», qui n’a aucun sens dans l’orthodoxie.
Il est clair que le Métropolite Damaskinos ne veut pas donner la parole au peuple qui le réfuterait. Il préfère jeter l’Eglise aux mains des sous-commissions. Il n’y a rien là de nouveau : c’est ainsi qu’a fini le Concile de Florence, comme le rapporte son historien, Sylvestre Syropoulos : «quand les discussions eurent cessé, le synode, lui, ne fit plus rien ; tout se passa à part, en cachette et dans l’ombre. En effet, les réunions qu’aménagea l’empereur avec dix évêques se tinrent chez le pape privément et en secret. Ni nos autres évêques, ni les évêques latins ne savent ce qui s’y est dit. En outre, les réunions qu’eurent les nôtres dans les demeures impériale et patriarcale eurent lieu en chambre et ce qu’on faisait n’était pas assimilable à des actes d’un concile général ; on y échafaudait seulement des moyens et des combinaisons pour faire accepter simplement aux nôtres l’union avec les Latins11».
Le même historien a tracé un tableau des débats des conciles antérieurs. On y lit que les conciles commençaient par étudier et éclaircir à fond tous les points controversés. «Les exposés et les examens une fois rigoureusement faits, les Pères de chaque assemblée, au moment de passer à la décision, lisaient d’abord les procès-verbaux et on rappelait ce qui avait été éclairci et démontré. Ensuite on interrogeait tous les évêques dans les lieux fixés pour leurs réunions et chacun exprimait sans contrainte, en présence de toute l’assemblée, ce qu’il pensait et décidait personnellement au sujet des débats et des exposés. Et c’est ainsi que le Décret du concile était ratifié et approuvé par le consentement soit de tous les évêques présents, soit de la majorité et des plus notables d’entre les membres présents12». On voit combien les prétendus «dialogues» et «déclarations communes» s’écartent de ce modèle. Aucun accord panorthodoxe n’a eu lieu. Alors que les Pères des conciles entendaient les hérétiques, pour les oecuménistes, l’avis des autres évêques ou celui du peuple fidèle n’entre pas en ligne de compte. Il tiennent pour acquis l’accord de tous avec eux.
Et si cet accord n’existe pas ? Eh ! bien, les récalcitrants sont ou bien des ignorants incapables de voir que les schismes du passé reposaient sur des erreurs de traduction, ou bien des gens qui manquent d’amour. Ici intervient la troisième méthode nouvelle de l’oecuménisme. Le Saint-Synode de l’Eglise roumaine, dans le texte que nous avons déjà cité, n’hésite pas à décider de «prendre en considération, d’une part, le contexte spécial où avaient été prononcés les anathèmes, contexte caractérisé par la division, par l’absence de consensus dans la formule de la confession de foi, ainsi que par l’absence de charité fraternelle, et, d’autre part, l’actuel contexte où l’on discute la levée des anathèmes, contexte caractérisé par un esprit de réconciliation, de pardon réciproque et de confession commune du même contenu de la foi commune». Comme l’écrivent les moines de l’Athos, cette assertion du Synode roumain porte une injure intolérable contre le Saint Esprit, qui inspira les conciles, et contre les saints Pères, qui furent les bouches du Verbe et les cithares de l’Esprit13.
Le Patriarche Bartholomée Ier de Constantinople, invité à Zürich en juin 1995, pour l’inauguration de la nouvelle église grecque mise sous l’invocation de saint Dimitri, a déclaré qu’après la chute du communisme, un nouveau spectre menaçait l’humanité : celui du fanatisme religieux. Pour le prévenir, il a rappelé la relativité des opinions humaines : «dans de nombreux cas de désaccords, on constate finalement que les parties ont en substance, toutes deux raison». Et il a appliqué ce principe aux relations oecuméniques, rappelant le résultat du dialogue entre les orthodoxes et les Eglises orientales non-chalcédoniennes (monophysites) : «Quinze siècles durant on croyait qu’entre nous et eux il existait une grande divergence quant au dogme dit christologique, sur la relation entre la divinité et l’humanité en Christ. Cependant, par le truchement des contacts théologiques des deux parties depuis 1964, on constate qu’en réalité notre foi concernant le Christ est la même, mais les terminologies différentes en usage, ou plutôt les mauvaises traductions de la terminologie, donnaient des images déformées de la foi de l’autre». Et le patriarche d’opposer une attitude d’ouverture à une attitude «fanatique» : «Le fanatique, en tenant pour absolues ses propres convictions et les différences des autres, ne découvre que les points qui divisent les hommes et considère que celui qui n’est pas d’accord avec lui a tort en tout. Le vrai fidèle du Christ, en aimant même ses ennemis, peut comprendre la valeur relative de certaines divergences extérieures et rechercher en profondeur les points qui unissent. Certes, souvent les obstacles sont grands et les divergences réelles et essentielles. Mais cela vaut la peine d’essayer. Nous croyons en effet que la connaissance mutuelle et le dialogue sincère dans la charité peuvent donner des résultats remarquables dans le rapprochement des Eglises et la réconciliation des religions14...»
Il ressort de ces propos que celui qui n’admet pas l’union avec les monophysites est un fanatique.
Enfin, l’Eglise de Crète a franchi un pas de plus. Ses évêques ont publié une encyclique dans laquelle les Vrais Chrétiens Orthodoxes, appelés Anciens Calendaristes, sont considérés comme des schismatiques n’appartenant pas à l’Eglise orthodoxe et rangés avec les satanistes, les mormons, les témoins de Jéhovah, et autres groupes15.
Il convient pourtant de distinguer entre deux sortes opposées de fanatiques : celui qui tue et celui qui se fait tuer pour sa foi. A la seconde catégorie appartiennent tous les martyrs de l’Eglise. Certes, ils ne disaient pas aux non-orthodoxes : «Nous avons, à peu près, la même foi, vous et nous. Ce qui nous sépare est moindre que ce qui nous unit». Leur langage était direct. Et puisque l’église inaugurée à Zürich par le Patriarche de Constantinople est consacrée à saint Dimitri le Grand-Martyr, posons-nous la question : Saint Dimitri était-il «politiquement correct» ?
Ecoutons saint Grégoire Palamas parler du Grand Martyr : «Voulez-vous savoir ce que signifie la recommandation que le Seigneur donne, dans l’évangile que nous avons lu aujourd’hui, à ceux qu’il envoie au milieu des loups ? «Soyez prudents comme les serpents et candides comme les colombes». Le serpent se protège lui-même, mais détruit les autres, ayant l’instinct et la force de se défendre et de nuire. La colombe est inoffensive et sans protection. Le Seigneur conseille aux siens de n’être ni méchants comme les serpents, ni vulnérables comme les colombes, mais de joindre intelligemment, à une innocence sage et réfléchie, l’aptitude à se protéger, de manière qu’ils sachent résister pour conserver la vraie piété et la vertu, et se montrer d’une extrême douceur à l’égard de nos adversaires, jusqu’à prier pour eux. C’est ainsi qu’ils deviendront, pour ceux même que le serpent spirituel a mis à mort, guérison pour la vie. Comme les médecins, en effet, font de la chair du serpent, purgée de son venin et mêlée à certains aromates, un remède contre les morsures de serpents, ainsi celui qui, dans le temps de l’épreuve, aura mêlé la prudence et l’auto-conservation du serpent à l’innocence de la colombe, non content de se protéger lui-même du mal venant du serpent, je veux dire de la tromperie du diable, soignera encore les victimes de ses morsures, entendez, les égarés, en détruisant le venin de malice, qui est le péché et l’impiété. J’en prends à témoin le Grand Martyr Dimitri, que voici. Il a achevé la course, il a gardé la foi, il a résisté jusqu’au sang pour sauver la piété, et, en même temps, il était si loin de se défendre contre ses adversaires, qu’il priait le Seigneur pour eux, tant qu’il parvint à faire cesser la méchanceté des uns, et à transformer les autres, au point qu’il ne resta pas dans la cité la moindre relique de cette antique impiété, et qu’elle-même, cette ville dont il était natif et dans laquelle il souffrit sa mort violente, se maintint et perdura, grâce aux soins multiples qu’il déploya pour elle, grâce à tous ses bienfaits sans nombre, grâce enfin à ses prières incessantes à Dieu» (Homélie 43, sur Saint Dimitri le Grand Martyr, PG 151, 549).
Les Vrais Chrétiens Orthodoxes de nos jours, malgré toute leur faiblesse humaine, ne font rien d’autre que garder la foi traditionnelle de l’Eglise. L’accusation de fanatisme brandie contre eux prouve simplement qu’on ne peut rien leur reprocher sur l’essentiel, qui est la foi véritable. Partant de ceux qui renient l’Eglise en actes et en paroles, cette accusation rentre pour eux dans les béatitudes. Et c’est avec confiance et sérénité qu’ils y répondent par la bouche de Marc d’Ephèse. Ce dernier, en effet, ayant refusé la fausse union scellée au Concile de Florence, entendit le pape le menacer d’une condamnation conciliaire. «L’évêque d’Ephèse, écrit Sylvestre Syropoulos, fit aux paroles du pape bonne réponse. Au sujet de la condamnation dont il était menacé, il déclara que les conciles punissaient ceux qui, n’obéissant pas à l’Eglise, s’obstinaient en quelque doctrine contraire, la prêchaient et luttaient pour elle. Aussi appelait-on ces gens hérétiques et condamnait-on d’abord l’hérésie, puis ses tenants. ’Mais moi, ce n’est pas ma propre doctrine que je prêche ; je n’innove en rien. Je ne me lève pas pour défendre un dogme étranger et bâtard. Je me conserve dans la pure doctrine que l’Eglise a reçue du Christ, notre Sauveur lui-même et qu’elle a gardée jusqu’ici, doctrine que la sainte Eglise Romaine conservait également avant le schisme avec notre sainte Eglise d’Orient. Et cette doctrine sainte, vous l’avez toujours vantée dans le passé et l’avez souvent louée dans le présent concile, et il n’est personne qui puisse en quoi que ce soit porter contre elle le blâme ou l’accusation. Si donc je m’y attache et refuse de m’en écarter, comment encourrais-je la condamnation dont étaient frappés les hérétiques ? Quel est l’homme de saine raison et de piété qui ferait cela contre moi ? II faudrait d’abord condamner la doctrine que j’enseigne. Or, si celle-ci est jugée pieuse et orthodoxe, comment serais-je passible de condamnation ?» (Sylvestre Syropoulos, op. cit., p.509-511).
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