vendredi 4 février 2011

La Lumière du Thabor n°37. Témoignages sur le Starets Ambroise.

TEMOIGNAGES SUR PERE AMBROISE


Nous continuons la série des témoignages sur Père Ambroise, dont nous avons commencé la publication dans le numéro 33 de La Lumière du Thabor, et qui se sont poursuivis dans les numéros 34 et 36. Ceux du présent numéro présentent quelques particularités. Le premier a pour auteur Monseigneur Cyprien, du monastère de Fili, en Attique. Père Ambroise l'avait connu bedeau et plein de zèle pour la foi et ils avaient, ensemble, partagés les angoisses et les espoirs des «vieux-calendaristes» au temps de la persécution des Colonels. Par la suite, toutefois, Monseigneur Cyprien adopta une ecclésiologie qui s'écarte de la voie des Pères et Père Ambroise lui avait écrit à ce sujet, ne pouvant plus être en communion avec un hiérarque qui, tout en condamnant l'innovation du nouveau calendrier, reconnaissait les Eglises dites officielles comme constituant l'orthodoxie. Ce point étant précisé, nous publions le témoignage de Monseigneur Cyprien qui révèle vénération que ce dernier a gardé pour celui qui fut, un temps, son ami et son géronda. Le deuxième témoignage a été écrit par l'enfant Photinie, très peu de temps avant son départ pour le pèlerinage en Grèce où la fiancée du Christ qu'elle était déjà a rejoint l'Epoux Céleste. Ce n'est pas l'intention d'écrire un témoignage qu'elle avait, avec l'aide de son papa, rédigé ce texte : il s'agissait d'une rédaction sur «le grand-père de vos rêves». Le troisième texte est celui du diacre Callistrate, qui a connu Père Ambroise au cours d'une brève visite que ce dernier avait rendue à son Eglise, lors d'un voyage en Grèce où Père Patric et Michel l'accompagnaient. Père Callistrate n'a vu Papouli que deux jours, mais il nous a envoyé ce poème sur Père Ambroise que nous traduit du grec et qui montre combien ces deux âmes éclairées ont été transparentes l'une pour l'autre.



MES SOUVENIRS SUR PÈRE AMBROISE
Témoignage de Monseigneur Cyprien de Fili

C'est grâce au Père Nectaire de Longovarda que j'ai fait la connaissance du Père Ambroise. C'était en 1961. Alors laïc, j'étais allé à Paros pour me confesser à mon Père spirituel, le Père Philothéos. Quand je rencontrai le Père Nectaire, il me raconta que, peu de jours auparavant, il avait été visité par un prêtre très intéressant venu de France ; il me donna son adresse et me pria de lui envoyer la vie de saint Nectaire. Et en effet, quelques jours après, je lui envoyai un paquet avec deux livres, les vies de saint Nectaire et de saint Cyprien.
Pendant ce temps, Père Ambroise avait été appelé par une dame grecque en grande détresse, qui voulait qu'il vînt chez elle dire des prières pour son fils, frappé par la magie. Il y alla, et trouva le jeune garçon dans un état terrible, replié sur soi-même et souffrant affreusement. Père Ambroise pria, bien sûr, mais il doutait en lui-même qu'une telle affection pût être le résultat de la magie. Il rentra chez lui, troublé par les souffrances de l'enfant, et se mit à prier pour lui avec douleur. A ce moment, le facteur lui apporta le paquet en provenance de la Grèce et, voyant que le livret de la vie de saint Cyprien contenait aussi les prières de l'exorcisme, il comprit que c'était la réponse à ses prières. Il retourna tout de suite chez l'enfant souffrant, et, pendant qu'il lisait les prières, l'enfant se trouva complètement guéri. C'est ainsi qu'il décida de visiter, lors de son prochain voyage en Grèce, l'inconnu qui lui avait envoyé ces livres.
Je venais de poser les premières pierres du monastère de Fili, et je travaillais encore à l'église de Sainte-Euphémie à Athènes. Ainsi, il a connu notre monastère dès le commencement, et ce fut Nectaire, de la paroisse de Paris, qui en prit les premières photographies. Après cette première rencontre, Père Ambroise est venu tous les ans, une ou deux fois par an, amenant des groupes de ses enfants spirituels de France, de toute nationalité, mais surtout des nouveau-nés dans l'orthodoxie. Il nous a encouragés dans des moments décisifs de notre vie : le passage à l'ancien calendrier en 1969 et mon sacre à l'épiscopat en 1979 ; et je lui resterai toujours obligé de ses conseils, de son encouragement et -pourquoi ne pas le dire ?- de son humour qui pouvait éclairer les ténèbres des problèmes qui semblaient des plus graves. Après la mort du Père Philothéos, il est devenu aussi mon confesseur.
Je pourrais dire de lui beaucoup de choses, mais je me limiterai à des souvenirs caractéristiques et, en premier lieu, à ce que je sais de lui comme homme de prière. Je me rappelle que, les quelques fois où nous avons dormi dans la même chambre, j'entendais comme il murmurait les mots de la prière de Jésus dans son sommeil, et j'ai pu comprendre qu'il avait reçu le don de la prière continuelle du coeur. Une autre fois, il m'a raconté qu'un jour, comme il priait, il avait senti la présence du Seigneur si proche de lui que, pendant des heures, il n'avait pu que pleurer en disant : «Mon Christ, pendant si longtemps, tu étais si proche de moi, et je ne le savais pas !»
Quand on m'a proposé de devenir évêque, je lui ai téléphoné pour prendre son avis, qui fut que je devais accepter ; et je me souviendrai toujours de son conseil quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois ensuite : «Tu as été un grand higoumène, ne deviens pas un petit évêque !»
Ses visites au monastère étaient toujours un rayon de soleil, que toute la fraternité attendait avec joie. Comme visiteur, et quoiqu'il fût un visiteur si bien aimé, il était toujours très discret et réservé dans son comportement avec les pères, et c'est avec de grandes difficultés que j'ai pu le persuader quelquefois de dire quelques paroles de prédication lors des offices. Il ne parlait jamais de lui-même et de ses travaux surhumains pour l'orthodoxie en France ; ce sont des choses que je n'ai pu apprendre que par l'intermédiaire des fidèles qu'il amenait avec lui au monastère.
J'espère que l'histoire suivante ne paraîtra pas ici hors de propos ; elle révèle certaines qualités de son âme que ceux qui ont connu Père Ambroise reconnaîtront. Nous avions été invités à dîner par une famille pieuse de Levadia. Quand la généreuse maîtresse de maison apporta le premier plat, je lui dit à mi-voix : «N'en prenez pas trop, gardez de la place pour le prochain». Il fit comme s'il n'avait pas entendu, et mangea tout ce qu'on lui servit. Avec le deuxième plat, je dis de même : «Gardez de la place ! Il y aura encore des plats !» mais, de nouveau, il semblait n'avoir rien entendu, et jusqu'à la fin du dîner, il se força à manger tout ce qu'on mettait devant lui. Après, je lui ai demandé s'il n'avait pas entendu mes conseils : «Si, mais je préférais éclater plutôt que de donner du déplaisir à l'excellente femme qui a fait tant d'effort pour nous satisfaire !»
Que le Seigneur lui accorde son repos, et qu'Il regarde ses luttes avec les ennemis visibles et invisibles de Son Eglise, ses veilles, sa pauvreté, sa négation de soi-même, ses sacrifices pour ses enfants spirituels, et la lumière qu'il a su donner dans les coeurs de tant de personnes qui l'ont connu, fût-ce pour de brefs instants.


Témoignage d'une petite fille

Le grand-père de mes rêves


Le grand-père de mes rêves, je l'ai connu, mais malheureusement, ce n'était pas mon grand-père. J'aurais tellement voulu qu'il le soit !
Il aimait beaucoup nous raconter des histoires en nous préparant des bonnes choses. Pendant que notre «grand-père», que nous avions surnommé Papouli, parlait, je le regardais et l'admirais comme la porte d'une vraie caverne de légendes et d'histoires.
Il les racontait lentement, essayant souvent de nous laisser deviner la suite, ménageant ainsi ses effets avec une grande douceur. C'était le trait dominant de son caractère et je me souviens que lorsque j'étais petite, il me pressait légèrement sa longue barbe blanche sur le visage en disant à voix presque basse : «Kouli, kouli», parce qu'il avait compris que je n'aimais pas les cris.
Lorsque nous étions tristes, ou que nous pleurions, il ne nous répondait pas, refusait de connaître la cause de notre douleur et il commençait son récit, comme s'il se le contait à lui-même, et peu à peu, nos larmes séchaient et nous en venions à oublier les raisons de nos pleurs pour suivre son histoire : «Mm, mm, disait-il, tu n'as pas pu entrer chez ces gens parce que tu n'avais pas les habits qu'il fallait... cela me rappelle l'histoire de mon vieil ami Agropoulos ; il n'avait pas pu entrer à un dîner parce qu'il n'avait pas de costume... alors il était allé en acheter un, et lors du repas avait commencé à mettre tous les plats sur son habit... Le maître de maison s'était exclamé :
- Mais, Agropoulos, vous êtes devenu fou ?
Et mon ami avait répliqué :
- Puisque c'est le costume qui est invité, je le nourris».
En entendant cette histoire, nous avions tous ri et notre chagrin s'était envolé.
Papouli avait aussi une vertu particulière, celle qui convient tout-à-fait à un grand-père : il était consolateur.


PERE AMBROISE



Mon père ! Mon père !
Char d'Israël et sa cavalerie !





J'ai repris de nouveau la plume
indigne je la tiens encore
traçant sur le papier une hymne
pour un père et pour un frère.

De toi que raconterai-je ?
que pourrai-je écrire ou dire ?
autrefois je t'avais justement comparé
à un soleil d'or scintillant

répandant toujours la lumière
issue du Soleil doré de ce monde
issue du Soleil de Justice
Notre Seigneur Jésus Christ.

Avec ton air plein de noblesse
et ton visage de douceur
tu évoquais pour nous un Père des temps anciens
et telle la fleur du lys

ta face, ta barbe, ton habit,
étaient blancs, purs et lumineux,
ton regard et ta parole
chastes, humbles et innocents.

Astre d'Anatolie, embaumant
le parfum de Byzance et d'Hellade
coureur vainqueur du marathon
sur le stade de la vertu !

Durant le cours de la Liturgie
tu apparaissais tel un feu ;
la flamme et l'ardeur de ton âme
purifiait et embrasait les coeurs.

Tes exhortations, tes conseils
et ton exemple à lui seul
ont éclairé chacun des pas,
la route et le sentier caché

de notre petite âme enfantine
de notre coeur nouveau-illuminé
que tu plaças, toi notre Père,
dans le giron de l'Eglise.

De ferveur, de lumière et de pureté
étaient ta nature et ton aspect ;
inflétrissable à jamais ta jeunesse
de coeur et d'esprit.

Comment t'oublierai-je jamais ?
Comment ne pas pleurer ton trépas ?
Tu as laissé après toi, O Père,
un souvenir candide et tendre.

Au premier jour de cette année,
déployant largement tes ailes,
tu as volé au lieu de ton désir,
où ton coeur languissais d'aller,

jusqu'à l'Epoux par toi adoré,
jusqu'au Frère tant désiré,
jusqu'à Celui que tu as servi
Notre Seigneur Jésus Christ.

Père, repose-toi maintenant ;
nous resterons, au lieu de toi,
pour guider le monde
vers la Vérité du Christ.

Nous lutterons pour raciner
la foi du Christ profondément
pour que multiplie l'Orthodoxie
et qu'elle pousse des feuilles et des branches.

Toi, inondé de Sa lumière,
envoie-nous d'en-haut ta bénédiction
jusqu'au jour où nous aussi monterons
auprès du Seul Roi et Seigneur.


Diacre Callistrate, 1992.

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