lundi 7 février 2011

La Lumière du Thabor n°42. Chronique.

POURQUOI ON NE DOIT PAS
FAIRE CONSACRER LES ICONES





Le rationalisme caractérise toutes les hérésies, et tout particulièrement l’iconoclasme. Comme la plupart d’entre elles, ce dernier ne repose pas sur une seule erreur, mais il en renferme plusieurs. Avec plus de curiosité inventive, peut-être, que d’autres hérétiques, les iconoclastes ne cessèrent, pendant plus d’un siècle, d’élaborer de nouvelles cacodoxies pour renforcer leur hérésie. Ils connaissaient évidemment l’enseignement de l’Eglise sur la vénération des icônes. Ils savaient que le culte et la vénération rendus aux icônes étaient relatifs et que, loin de s’adresser à la matière de la peinture et du bois, ils passaient, au contraire, au prototype, c’est-à-dire à la personne représentée dans l’icône. Incapables de réfuter à leur tour cette réponse orthodoxe, les iconoclastes s’efforçèrent de faire tomber l’Eglise dans un piège, qui minerait sa propre doctrine que l’honneur rendu à l’icône passe au prototype et que la bénédiction du modèle descend de même à l’adorateur par le canal de l’icône.
Les iconoclastes objectèrent que, les icônes n’étant pas bénies ni consacrées par aucun rite ni prière spécifique, elles ne devaient recevoir ni honneur ni vénération. Cette nouvelle attaque créerait, pensaient-ils, un dilemme imparable. En faisant ressortir que l’Eglise n’avaient pas de prières ou de service consécratoire pour les icônes, ils prétendaient prouver que ces dernières étaient étrangères à la tradition ecclésiastique. En conséquence, pour satisfaire à l’argument iconoclaste, les orthodoxes devaient soit renoncer tout-à-fait aux icônes, soit composer un rituel de consécration. Or, si l’Eglise avait choisi de ne pas abandonner les icônes, mais de les consacrer et de les conserver, elle aurait admis par là-même que les icônes étaient une innovation, et de surcroît, sans efficace. La consécration aurait représenté une négation de la légimité et de l’efficacité de l’icône en elle-même, ainsi que de la Croix et des saintes reliques des Saints, également impliquées dans la controverse.
L’Eglise ne renonça évidemment pas aux icônes ; mais elle ne créa pas davantage de rituel ou de formule pour les consacrer. Au contraire, le Septième Concile Oecuménique ré-affirma la foi de l’Eglise, selon laquelle la forme de la Croix et les saintes icônes sont saintes «par elles-mêmes», et «vraiment pleines de grâce et de bénédiction», et n’ont nul besoin d’être encore consacrées par les hommes. Voici les textes des iconoclastes et la réponse du Septième Concile Oecuménique à ce sujet :
Argument des iconoclastes, lu par Grégoire, évêque de Néo-Césarée : «(L’icône) ne connaît pas de prière sacrée de consécration, qui puisse l’élever du profane au sacré. Donc, elle demeure ce que l’artiste l’a faite, profane et non digne d’honneur».
Réponse du Septième Concile Oecuménique, lue par Epiphane, diacre de Catane, en Sicile : «Qu’ils écoutent la vérité. Beaucoup de choses que nous tenons pour consacrées ne reçoivent pas de prière de consécration parce que, d’elles-mêmes et du seul nom qu’elles portent, elles sont véritablement pleines de bénédiction et de grâce. C’est pourquoi nous les honorons et vénérons comme des choses saintes. Ainsi la représentation de la vivifiante Croix est vénérable, sans qu’il soit besoin de prière ou de consécration de notre part ; et il suffit que nous recevions la bénédiction par cette représentation. Et nous croyons que c’est par la vénération que nous lui rendons, et par le signe que nous en traçons sur notre front, et dans l’air avec le doigt, que les démons sont défaits. Il en va de même pour l’icône, à cause de Celui dont elle porte le nom ; et c’est au prototype que va notre vénération. Et quand nous l’honorons et le vénérons avec piété, nous avons part à sa bénédiction. De même, possédant divers vases sacrés, nous les vénérons et les embrassons aussi, confiant que nous en recevons la bénédiction» (Session 6, Mansi 13, 269 D,E).
La pratique moderne qu’on trouve dans quelques églises orthodoxes, de consacrer les icônes et les croix ou de les «apporter dans l’église» est une capitulation malheureuse devant l’esprit rationaliste de l’iconoclasme et du sacramentalisme latin. Cette pratique confirme l’idée papiste et démoniaque que les prêtres et les évêques ont le pouvoir de contredire la foi et de donner force de loi à leurs propres décisions, donc de lier et Dieu et les hommes. C’est le même genre d’esprit rationaliste qui préside à l’iconographie et aux pratiques anti-orthodoxes, aussi bien qu’à l’oecuménisme. L’étreinte du rationalisme et de la scolastique latine sur l’esprit du peuple orthodoxe et de ses pasteurs est aujourd’hui plus forte que jamais.


Réponse aux néo-calendaristes

Voici soixante-dix ans le schisme a été introduit en Grèce -le 10 mars 1924- par l’adoption du calendrier «réformé» instauré par le Patriarche de Constantinople Mélétios Métaxakis pour rapprocher l’orthodoxie des confessions occidentales. Ce calendrier hybride suit, pour l’ensemble des fêtes du cycle pascal, le calendrier orthodoxe traditionnel ou calendrier julien, et pour les fêtes fixes, le calendrier réformé par le Pape Grégoire VII ou calendrier grégorien. Les vrais orthodoxes ont refusé le nouveau calendrier et, pour cette raison, ont été appelés «anciens calendaristes» par les innovateurs. Après des années de persécution -en Grèce, sous le régime des colonels- les vrais orthodoxes peuvent désormais se faire entendre, et beaucoup de fidèles du nouveau calendrier, se rendant compte que l’innovation était un pas vers le syncrétisme oecuméniste, retournent au calendrier traditionnel ou songent à le faire. Les Eglises de Grèce, de Crète, de Chypre, inquiètes de l’hémorragie de leurs fidèles, essayent de les retenir. L’Eglise autonome de Crète a ainsi publié une encyclique condamnant «toutes les hérésies», parmi lesquelles, outre les témoins de Jéhovah et le Nouvel Age, on trouve : «les parataxes zélotes des anciens-calendaristes» ! Cette encyclique devrait, du reste, poser certaines questions du point de vue oecuméniste, puisqu’elle condamne aussi le protestantisme dont une branche, l’Eglise Evangélique Libre, entretient les meilleures relations avec les Métropolites Crétois qui la qualifient d’Eglise soeur et qui ont touché beaucoup d’argent des Evangéliques pour construire leur église de Bonn. (Agios Agathangelos, 143, mai-juin 1994).
Les nouveaux-calendaristes ont aussi organisé, notamment au Pirée et à Chypre, des émissions de radio qui, sous couleur d’information, diffusent des calomnies à l’endroit des vrais chrétiens orthodoxes. La Fondation Saint Epiphane, du nom du saint Archevêque de Salamine de Chypre, a publié deux articles, en réponse à des émissions de la station de radio chypriote «Logos», qui avaient ainsi attaqué les orthodoxes fidèles à la Tradition «anciens-calendaristes». L’intérêt de cette réponse dépasse le cadre simplement local. Elle constitue une mise au point dogmatique et historique de première importance sur cette question, dont très peu de personnes ont perçu la portée spirituelle. C’est pourquoi nous en publions ci-dessous un résumé détaillé, tout en remerciant notre ami M. Jean Dubuisson de nous avoir procuré ce texte grec, paru à Larnaka en 1993.

Que le Seigneur Dieu affermisse la foi sainte et immaculée des chrétiens pieux et orthodoxes, aux siècles des siècles.

Mardi 24 juin/ 7 juillet 1993
Nativité de saint Jean Baptiste

A propos de l’émission «A la lumière de l’orthodoxie» diffusée sur LOGOS le 30 juin du calendrier civil, sur le thème : «L’ancien et le nouveau calendrier», avec la participation de M. Phédon Papadopoulos, professeur de théologie, nous désirons faire quelques remarques, par amour de la Vérité. Certes, on ne saurait songer à reprocher à la hiérarchie néo-calendariste un souci de catéchiser ses fidèles ; mais elle devrait le faire sur d’autres bases que celles de cette émission, sans quoi elle désinforme au lieu d’aider à comprendre.
Comment les auditeurs pourraient-ils se former une idée juste des points controversés, du moment que les connaissances nécessaires, en théologie comme en histoire, leur font le plus souvent défaut ? Un seul exemple : si l’on avait eu connaissance du contenu exact de l’Encyclique de 1920 à laquelle l’orateur s’est référé au petit bonheur, comme cela l’arrangeait, la discussion aurait pris un tout autre tour ! Si la station de radio avait souhaité autre chose que de faire de la propagande à sens unique, elle se devait d’inviter des théologiens des deux côtés, et de même compétence ; alors les auditeurs auraient pu se former une idée moins imprécise de l’enjeu du débat.
Je dis «une idée moins imprécise». En effet, la question n’a rien de simple et ne saurait être réglée en une heure d’émission. A l’époque de l’iconoclasme, les adversaires des icônes soutenaient aussi devant les orthodoxes qu’il ne s’agissait que d’un changement sans caractère dogmatique -comme le prétendent aujourd’hui, pour le nouveau calendrier, ses partisans. Les iconoclastes trouvaient indignes de la haute spiritualité chrétienne la vénération de planches colorées et demandaient où cette vénération avait été prescrite. Cependant, à l’arrière-fond de ce changement d'apparence anodine, les Pères théophores surent discerner «l'hérésie et le bouleversement le plus athée qui soit».
Il est, de même, difficile à un fidèle du nouveau calendrier, de soupçonner l'ampleur de l'apostasie qu'il recèle. Et ce n'est guère des émissions du genre de celle-ci qui nous aideront ! Nous vivons assurément une époque d'indifférence religieuse : beaucoup pratiquent de façon formelle, voire ne vont fêter Pâque que pour allumer des pétards le soir de la fête. Il existe néanmoins des êtres pieux, «de vrais Israëlites, des hommes sans fraude», en grand nombre, parmi les néo-calendaristes ; mais ils ne peuvent, spirituellement, franchir les cadres que l'enseignement de leurs docteurs leur a imposés.

Les «anciens-calendaristes» font-ils de la propagande ?

Voilà pourquoi nous nous efforçons de tenir, à l'égard des néo-calendaristes, une conduite digne et cohérente. Si quelqu'un vient dans nos églises, nous ne le chassons pas : «Celui qui vient à moi, je ne le chasserai pas», ni ne refusons de prier pour lui, comme il se doit, ni de lui offrir l'hospitalité, sans viser d'autre but. Et ces choses, nous les devons à tout homme. Dieu qui fait luire son Soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, n'agit pas par prosélytisme !
Mais que le Seigneur nous garde du péché de se servir de Son Saint Corps et Sang comme d'un moyen de prosélytisme, pour faire revenir les fidèles à l'ancien calendrier ! Nous prions, certes, pour que tous -néo-calendaristes, hérétiques, schismatiques, athées, etc- reviennent à la vérité. Mais si les néo-calendaristes croient que là où ils se trouvent, ils communient au Corps et au Sang du Christ, ont leur salut assuré et que leur Eglise garde toutes les traditions sans innovation ni altération, et sans fouler aux pieds les canons, qu'ils cherchent en conscience, avec le critère de l'enseignement de l'Eglise, ce qu'ils répondront devant Dieu.
Nous ne sommes pas prêts à organiser un quelconque «tourisme ecclésiastique», pas plus que nous n'essayons de faire nombre -contrairement à ce qui a été sottement prétendu au cours de l'émission. Un seul fidèle à la loi de Dieu vaut mieux que mille transgresseurs. C'est pourquoi nous avons refusé la diffusion télévisée de nos liturgies. Pourrions-nous, à l'heure où les Séraphims se voilent la face de crainte, jeter nos Mystères en pâture à tous les compères et à toutes les commères ?
Nous croyons, selon le livre des Actes, que le Seigneur «ajoute à l'Eglise les sauvés». Notre devoir n'est pas de faire de la propagande, mais de prendre garde à nous, de crainte que nos chutes ne scandalisent certains de ceux qui cherchent sincèrement la vérité.

Réponses aux arguments néo-calendaristes

1. Les deux intervenants de l'émission -M. Papadopoulos et son interlocuteur- nous ont lancé deux accusations contradictoires :
- le premier a dit que nous mettions en avant le Mont Athos et les Eglises slaves, qui suivent l'ancien calendrier, pour paraître plus nombreux !
- le second a déclaré que nous nous glorifions d'être «le petit nombre des élus» !
Répondons-leur :
A. Premièrement, nous ne nous considérons ni comme «ancien-calendaristes», ni comme «zélotes», ni rien d'autre. Ce que nous étions jusqu'au 9 mars 1923, nous le sommes encore à présent. Le nom que nous revendiquions alors, nous le revendiquons toujours. Nous adorons le Dieu de nos pères comme nous l'adorions alors : notre calendrier n'a pas vieilli !
A causes des circonstances cependant, et comme la hiérarchie au pouvoir s'attribue le nom que nous revendiquons -celui d'orthodoxe- nous nous sommes vus contraints, pour éviter toute confusion, de faire usage d'épithètes et d'ajouts qui sont, en eux-mêmes, de purs et simples pléonasmes : «Vrai chrétien orthodoxe». Et puisque notre très doux Seigneur et Sauveur, entre autres titres, reçoit celui d’Ancien des Jours, nous acceptons nous-mêmes l’appellation d’«anciens-calendaristes», portant ainsi Son opprobre.
B. Si nous mentionnons les Slaves et l'Athos, ce n'est pas pour les tirer à nous. Que dire des milliers d'anciens-calendaristes ukrainiens que compte l'Eglise papale ? Non, si nous rappelons l'Athos et les Slaves, c'est pour manifester l'incohérence des néo-calendaristes. Car si c'est l'Eglise, comme ils le soutiennent, qui a changé le calendrier, pourquoi toute leur Eglise ne suit-elle pas le même nouveau calendrier liturgique ? Comment justifier un pareil chaos : dans la même Eglise, l’un célèbre la fête, tandis que l’autre jeûne, on célèbre deux fois l’an la Nativité du Christ qui ne s’est incarné qu’une fois, Noël tombe après la Théophanie, et autres absurdités. Si le nouveau calendrier est meilleur, puisque corrigé, pourquoi tous ne l’adoptent-ils pas, et pourquoi suivent-ils le calendrier «ancien», à l’instar des «illettrés» que nous sommes, des «schismatiques privés du sacerdoce canonique» ? Or «ce qui est ancien, ce qui a vieilli, est près de disparaître» selon l’Apôtre Paul ; quoique, pour nous, le calendrier en question ne soit nullement un calendrier ancien, mais celui de l’Eglise et des Pères.
C. Ce n’est ni le petit ni le grand nombre qui a raison, mais l’Eglise du Christ. Nous faisons tous nos efforts pour rester fidèles au canon de saint Vincent de Lérins et pour vivre ce qui a été cru «toujours, partout et par tous» dans l’Eglise. C’est pourquoi, selon ses recommandations, nous suivons les Pères et l’antiquité. Si nous sommes nombreux, nous nous réjouissons de ce que beaucoup savent la vérité ; si nous sommes peu, nous ne cessons pas de glorifier Dieu : trois hommes peuvent, selon les saints, être l’Eglise universelle ; et, comme le dit saint Maxime le Confesseur : un chrétien et Dieu, voilà la majorité !
D. A ceux qui aiment la vérité, nous disons qu’il faut être conscient de ce que l’on recherche. Les Pères disent : «Donne ton sang, tu recevras l’Esprit». Nous ne pouvons pas, d’un côté, rester attachés à nos petits plaisirs, aux biens de ce monde, et à un culte pratiqué par habitude, pour espérer, ensuite, apprendre la vérité dans un émission de télévision ! Dieu n’est pas le serviteur de nos curiosités ! Le Seigneur vient à notre recherche, en vue de notre bien éternel. Il nous a aimés le premier. Lorsque nous répondons à son amour, Il se fait connaître à nous ; et la Vérité nous libère des ténèbres. Dès lors, il devient possible de comprendre ce qu’il en est du calendrier des fêtes, quel en enjeu s’y cache, et bien d’autres choses encore.
C’est pourquoi nous disons qu’une confrontation entre des gens sérieux et informés aurait permis à l’auditeur moyen de se faire une idée moins fausse de l’enjeu spirituel ; ou tout au moins, de savoir où la chercher.

2. Prenons, par exemple, les mots de l’Apôtre Paul qui ont été cités au cours de l’émission : «Vous observez les jours et les temps» (Gal. 4, 10). Quel auditeur sait l’usage qui a été fait de cette citation par les Pères anciens ? Qui sait qu’on s’en est servi dès qu’il a été question de changer le calendrier, évidemment pour combattre l’innovation ? Il eût suffi d’admettre, dans l’émission, un ancien calendariste compétent : il aurait remis dans sa vraie lumière la parole de l’Apôtre, et fermé la bouche à M. Phédon Papadopoulos.
D’autre part, citer, comme on l’a fait, l’opinion de telle ou telle personne, ou affirmer péremptoirement que le sujet du calendrier «n’est pas dogmatique» et que «le moment où nous célébrons une fête n’a aucune importance», ce n’est pas faire de la théologie, mais enfiler des anecdotes ou des opinions personnelles au lieu de raisonner.

3. On nous a également accusé de falsification, de manière déloyale. Celui qui nous accuse ainsi devait le faire publiquement, en nous laissant la faculté de répondre. C’est pourquoi un fidèle du nouveau calendrier a téléphoné durant l’émission pour dire qu’on aurait dû permettre à «l’autre parti» de s’exprimer. Les organisateurs devaient-ils attendre ce rappel de leur devoir, et des règles démocratiques élémentaires ?
Cela dit, nous n’avons aucun goût pour la manie des dialogues et des discussions à perte de vue qui sévissent actuellement, et où chacun s’écoute parler. Peu nous importe de passer ou pas sur les ondes : nous avons besoin de pleurer nos péchés et non pas de nous donner en spectacle ! Les dialogues que les néo-calendaristes conduisent depuis de si longues années avec les papistes, les luthériens, les calvinistes et autres hérétiques ; les rencontres, symposia, prières communes et échanges d’étudiants et de théologiens -à quoi tout cela a-t-il abouti ? A-t-on jamais vu un seul hétérodoxe revenir à l’orthodoxie à la suite des milliers de dialogues, de compromissions et de transgressions des canons ? Le seul résultat a été la décadence spirituelle de l’Eglise nouvelle calendariste, qui se dégrade un peu plus chaque jour, et qui s’est mise sous l’anathème des Pères et des Canons.
Si vous le souhaitez cependant vraiment, nous pouvons tous témoigner. Chacun de nous se tient prêt à «se défendre avec douceur et crainte, devant quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous» (1 Pe 3, 15). Nous expliquerons avec patience tout ce que nous croyons et pour quelle raison nous le croyons. Ensuite, que celui qui nous interroge compare nos dires avec la Tradition de l’orthodoxie et, s’il trouve juste notre manière de faire, qu’il l’embrasse ; s’il ne la trouve pas juste, qu’il suive la Tradition ! Enfin, si quelqu’un se plaît à contester, qu’il sache, selon l’Apôtre, que nous n’avons pas cette habitude (1 Cor. 11, 16).

4. L’Encyclique de 1920. A toute personne intéressée, nous recommandons de lire la fameuse Encyclique promulguée en 1920 par le patriarcat de Constantinople1. L’Eglise papale et les Eglises protestantes y sont qualifiées de «cohéritières et concorporelles de la promesse de Dieu en Christ» : le patriarche nie donc ouvertement l’unicité et l’exclusivité de l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique, qui est l’Eglise orthodoxe, une et visible. Cette négation constitue la base de la «théorie des branches» ou de «l’Eglise invisible». L’Encyclique trace, en outre, le programme futur de l’oecuménisme, dont le premier point est le changement de calendrier, explicitement proposé comme un moyen de se rapprocher des hérésies occidentales.
De multiples hérésies se trouvent à présent liées au nouveau-calendrier. Certains demandent ce que nous ferions si les néo-calendaristes revenaient au calendrier des Pères. Nous répondons qu’un retour sincère, fût-ce sur un point mineur, serait sûrement agréable à Dieu. Toutefois, nous l’avons vu, le Pape lui-même a des milliers de fidèles qui suivent le calendrier julien. Nous ne nous battons pas pour des jours de plus ou de moins ! Nous tâchons, Dieu aidant, de garder toute la Tradition. Si l’Apôtre Jacques dit que l’observateur de la Loi, s’il transgresse un seul commandement, devient coupable de tous, à quoi servirait-il de garder un point de la Tradition comme le calendrier et de fouler le reste aux pieds ?

5. Un autre argument développé dans l’émission fut le suivant : le calendrier corrigé ne modifie rien à la date de Pâque et à toutes les fêtes du cycle pascal. C’est une erreur, et voici pourquoi. 1) Jérémie II Tranos, au XVIème siècle, avait déjà dû expliquer que le calendrier des fêtes fixes, ou Ménologe, est inséparable du cycle de Pâque ou Pascalie. Un seul maillon qui saute et la chaîne est rompue. Il est superflu de rappeler combien le cycle des Dimanches, des carêmes et des fêtes se trouve altéré. 2) Nul n’ignore que l’Eglise de Finlande a adopté la date grégorienne pour fêter Pâque, et cela depuis plus de dix ans. 3) Si les novateurs n’ont pas changé la Pascalie, ce n’est pas que l’envie leur en ait manqué. L’histoire prouve que ce qui les a retenus, c’est la crainte d’une division plus importante, car les indécis nous auraient rejoints. L’Eglise grecque, au Concile Panorthodoxe de 1923, a accepté le principe du changement de la Pascalie. 4) L’unanimité des Pères a décidé que toutes les fêtes seraient célébrées en même temps par les orthodoxes, et non pas simplement celle de Pâque ! Jérémie II écrivait que les fêtes du Seigneur qui est né, qui a été baptisé, qui s’est transfiguré et qui a souffert une seule fois, ne sauraient être fêtées deux fois l’an, comme il arrive dans l’Eglise des néo-paléo-calendaristes. Si l’Eglise est une, comment pourrait-elle fêter deux fois Noël ? L’Eglise suit en cela le même ordre qu’en ce qui concerne la Divine Liturgie, qui n’est point célébrée deux fois sur le même autel, ou par le même prêtre, au cours de la même journée. Car l’Eglise nous sanctifie par cette connaissance, que le Christ nous a sauvé par une seule Incarnation, une seule Passion, et un seul Sacrifice offert pour l’éternité, «selon l’ordre de Melchisédek».

6. Un argument politico-national a été avancé : l’existence d’un calendrier civil et d’un calendrier ecclésiastique créerait une difficulté pour la fête nationale grecque, qui tombe le 25 mars, jour de l’Annonciation. Eh ! bien, mais le journal officiel n24 du 25 janvier 1923 reproduit le décret royal du 18 janvier 1923, portant que la Fête Nationale et toutes les autres fêtes de l’Etat seront fêtées selon le calendrier julien. Admettons toutefois qu’un problème naisse de là. Devrons-nous changer la vie universelle de l’Eglise pour une fête nationale ? Devrons-nous, pour maintenir une concordance dans la célébration de notre fête nationale, renverser la Tradition de l’Eglise et nous diviser spirituellement ? Les Roumains, les Bulgares, et les autres peuples, en feront-ils autant, chacun changeant le calendrier selon sa fête nationale ? En Christ, il n’est plus «ni Hellène, ni Barbare», et l’Eglise ne connaît pas les barrières nationales.

7. Pour soutenir le droit au changement de calendrier, on a cité le cas des saints dont les fêtes tombent à des jours différents selon les endroits. Par exemple, l’Eglise Serbe fête sainte Catherine un jour plus tard que nous. Nous répondons que ces disparités ne portent pas atteinte à la vie ni à la tradition de l’Eglise. Rien n’empêche l’Eglise, réunie un jour en Concile Panorthodoxe, de remédier à ces menues divergences, dues aux malheurs des temps, à l’éloignement et à d’autres causes humaines. Cette mise à jour que nous évoquons n’a, bien entendu, rien à voir avec l’aggiornamento du calendrier des catholiques qui a consisté à retirer saint Georges, sainte Catherine, et d’autres, du calendrier des saints. Quant aux saints locaux, il est impossible, à cause de la «multitude des noms», comme le dit la Liturgie de saint Basile, de les mentionner tous dans les Ménées. En tout cas, la vie de l’Eglise n’en est pas altérée.

8. Un auditeur a téléphoné pour dire qu’avec le nouveau calendrier il était impossible que les «deux Pâques» coïncident, c’est-à-dire que tombent ensemble l’Annonciation de la Mère de Dieu et la Résurrection du Seigneur. La réponse fut que la chose est sans importance et n’empêche pas les chrétiens de goûter la joie de la Résurrection. La question n’est pas là. Il existe une prophétie faite par un saint de l’Eglise orthodoxe, qui devait se réaliser «quand les deux Pâques coïncideraient». Si le nouveau calendrier interdit cette possibilité, n’est-ce pas une preuve de son caractère erroné, étranger à la tradition et condamnable, dans la mesure où il fait mentir le saint ? L’Apôtre Paul ne disait-il pas aux Thessaloniciens : «Ne méprisez pas les prophéties» ?

9. D’autres exemples ont été cités. La fête de saint Jean Chrysostome, qui s’est endormi dans le Seigneur un 14 septembre, jour de l’Exaltation de la Croix, a été transférée au 13 novembre par l’Eglise, soucieuse d’honorer plus dignement et spécialement sa mémoire. De même, tout le corps de l’Eglise a décidé de déplacer la Transfiguration, originellement fêtée 40 jours avant le Grand Vendredi et, afin de la célébrer avec plus d’éclat, l’a placée hors du Grand Carême, au 6 août, c’est-à-dire quarante jours avant la fête de la Croix, qui est une sorte d’autre «Grand Vendredi».
Ainsi, lorsqu’il se trouve des raisons théologiques, christologiques ou liturgiques, l’Eglise dans son universalité adapte son calendrier des fêtes à ses besoins spirituels, sans se soucier d’exactitude calendérique. Quant au nouveau calendrier, à quelle fonction théologique, christologique ou liturgique répond-il ? Non seulement il n’en remplit aucune, mais il a mis sens dessus dessous l’effort séculaire de l’Eglise pour arriver à une célébration commune. Il ne faut pas confondre l’acte de l’Eglise qui, lorsque deux fêtes tombent le même jour, déplace l’une d’elles ; et l’action brouillonne de quelques uns qui, contre toute raison, toute loi et toute harmonie, bouleversent les dates au mépris de la vie de l’Eglise.

10. On a dit aussi dans l’émission que le calendrier julien vient d’Occident et que dans son développement historique, il a été corrigé par l’intercalation de quatre-vingts jours. En quoi cela nous regarde-t-il ? Répétons-le : une planche n’est qu’un morceau de bois parmi d’autres ; une fois qu’elle a reçu la forme et les couleurs qui en font l’icône du Christ, la planche sans prix ni beauté devient l’icône que nous vénérons. De même, le calendrier julien n’était qu’un calendrier comme les autres. Guidée par l’Esprit Saint qui inspirait les Pères, l’Eglise inscrivit sur ce calendrier son Ménologe, sa Pascalie et son Cycle Dominical, ses jeûnes et ses fêtes, le transformant ainsi en Calendrier des Fêtes, sacro-saint et divin, incarné dans la Tradition et la vie de l’Eglise et inséparable d’elles. L’Eglise ayant, dans des Conciles panorthodoxes, refusé, sous peine d’anathème, toute modification de ce Calendrier des Fêtes, son autorité s’en est trouvée renforcée et consacrée. Son usage multiséculaire le rend vénérable.

11. L’exemple de Paul. Un auditeur a souligné, au téléphone, que notre Christ n’a eu que douze disciples illettrés. Par ce rappel, il voulait signifier deux choses : que, lorsqu’il s’agit de la Vérité, le nombre ne fait rien à l’affaire, non plus que la sagesse de ce monde. Et qu’a répondu l’animateur de l’émission ? Que l’Apôtre Paul était professeur d’Université ! S’il avait lu attentivement l’Ecriture, il n’aurait pas parlé si à la légère. C’est pour notre instruction que le Christ notre Dieu n’a pas appelé Paul tout de suite, quoiqu’Il l’eût choisi dès le sein de sa mère. Tandis que les disciples illettrés recevaient immédiatement la grâce du Tout Saint Esprit et la toute-sagesse, Paul se noyait dans sa sagesse universitaire, jusqu’à ce que le Seigneur le réveillât sur le chemin de Damas. Ne nous a-t-Il pas ainsi montré que l’homme doit se tenir en garde devant sa propre sagesse et ses propres forces ?
Après avoir reçu la lumière d’en-haut, qui purifia, sanctifia sa science et la rendit utile, Paul écrivit des choses admirables, pleines d’esprit de pénitence et d’émotion, sur la sagesse de ce monde, la folie de la prédication et la force de l’Evangile.
Frères bien aimés, pour qui le Christ est mort, vous devez vous aussi être circonspects à l’égard de votre science universitaire, de peur qu’en étudiant trop chez les hérétiques et en vous fiant à vos propres forces, vous ne perdiez la grâce de Dieu ! Sagesse, science et connaissance sont des dons de Dieu, mais sans la purification et la sanctification de l’Esprit Saint, elles deviennent ruineuses, comme l’électricité qui éclaire et qui peut tuer. Oui, des Pères sages en tout domaine s’assemblèrent au Premier Concile Oecuménique : mais qu’aurait-il été, sans le théophore illettré qu’était saint Spyridon, et le miracle de la tuile ? Il ne savait pas lire, mais les anges concélébraient avec lui et la mort même ne put résister à son ordre. De telles choses s’apprennent-elles à l’Université ? Et que serait, sans elles, notre foi ?

12. Les nouveaux-calendaristes ont ensuite mis en doute la succession apostolique de nos évêques. Nos premiers évêques auraient été déposés par l’Eglise de Grèce, et le premier évêque ancien-calendariste, ordonné par le Synode Russe Hors Frontière de Monseigneur Philarète...
Réponse. Pour ne pas alourdir l’exposé, nous résumerons les choses ainsi. Le Révérendissime Chrysostome de Florina revint le premier au calendrier des Pères : ce fut ensuite que la Hiérarchie d’Etat le «déposa». Il n’avait jamais été déposé auparavant, et ne le fut que pour celle seule raison, son retour au calendrier. Tout homme sensé comprendra que, dans un tel cas, comme le dit saint Cyrille, «nous n’acceptons pas leur injuste décision». L’évêque Chrysostome ordonna ensuite l’évêque Matthieu Carpathakis de Vresthène. C’est de ce dernier que les anciens-calendaristes de Chypre tiennent le sacerdoce et l’épiscopat. Comment Papadopoulos peut-il dire que nous n’avons peut-être pas de sacerdoce ?
En ce qui concerne le Synode Russe Hors Frontières du Métropolite Anastase puis du Métropolite Philarète, nous pouvons dire ceci. A cause des persécutions souffertes par les Vrais Chrétiens Orthodoxes, aussi bien en Grèce qu’en Roumanie et en Russie -sujet dont l’émission n’a pas soufflé mot- les relations étaient quasiment interrompues entre nous. Les vrais chrétiens orthodoxes de Grèce n’avaient ni la possibilité d’étudier la théologie, ni celle de franchir la frontière ; la Roumanie de Ceaucescu était fermée ; les vrais chrétiens de Russie, dans les catacombes.
Néanmoins, dans une lettre que nous avons reçue du Métropolite Philarète, datée du 14 avril 1972, jour de saint Martin le Confesseur, Pape de Rome, on lit ceci sur le calendrier : «Ces condamnations n’ont jamais été révoquées par un concile ultérieur. Elles gardent leur force et s’imposent à tous les chrétiens orthodoxes. L’innovation du nouveau calendrier a provoqué le schisme dans toutes les Eglises locales qui l’ont adoptée. Ainsi la Grèce, Chypre, la Roumanie et maintenant la Bulgarie ont goûté le fruit de la désobéissance. Il est affligeant que le peuple n’ait pas pu se lever comme un seul homme et, tel une vague puissante, surmonter et refouler la marée des innovations... Notre Eglise Russe, en la personne de Monseigneur Anastase, Archevêque, puis Métropolite et Primat de notre Synode, de bienheureuse mémoire, a protesté énergiquement et radicalement contre les innovations du nouveau calendrier et des autres formes de modernisme introduites par le Patriarche Mélétios Métaxakis de triste mémoire, lors du conciliabule de Constantinople en 1923, qu’on appelle à tort «panorthodoxe», puisque ni le patriarcat d’Alexandrie, ni celui de Jérusalem, ni l’Eglise de Chypre n’y étaient représentés. La majeure partie des hiérarques de l’Eglise de Constantinople avaient refusé d’y prendre part, pour protester contre l’anticanonique élévation de Mélétios au patriarcat oecuménique, imposée de force par la puissance politique. Le Métropolite Antoine, alors primat de notre Eglise, a également protesté contre la réforme du calendrier, dans sa correspondance avec les patriarches orientaux, et il a reçu des réponses qui confirmaient sa position. Ainsi donc, gloire et honneur, selon les paroles du saint Apôtre Paul, à tous ceux qui gardent les Traditions et la Foi telles que nous les avons reçues sans ajout ni suppression, quelque calomnie ou persécution qu’il leur faille endurer». C’est sur ce texte officiel que repose notre opinion sur le Synode russe.

13. Le nombre des «parataxes» des anciens-calendaristes. Les organisateurs de l’émission n’ont pas manqué de signaler que nous sommes huit parataxes (juridictions), que nous avons trois archevêques d’Athènes, etc. Si nous voulions recenser les absurdités des hiérarchies officielles grecque ou chypriote, il faudrait un livre entier. Quand Jérôme Cotsonis s’empara, grâce aux puissants de ce monde, de l’Eglise, alors que l’Archevêque Chrysostome était encore en place, combien l’Eglise d’Etat eut-elle alors d’Archevêques d’Athènes ? Quand Mélétios Métaxakis, membre, depuis mars 1919, de la loge maçonnique Harmonie de Constantinople, chassé de la Métropole de Kition, devint Patriarche Oecuménique, n’avait-il pas déjà été déposé par l’Eglise Grecque ? Et quand l’Archevêque Macaire déposa les trois Métropolites qui l’avaient auparavant déposé lui-même, ne s’ensuivit-il pas un schisme, dont les conséquences se font encore sentir ? Soyez bien haut dans la faveur des politiques, et l’on couvrira vos fautes en oubliant les canons ; mais soyez petits, comme nous le sommes grâce à Dieu, et l’on vous montrera du doigt en citant les canons. Selon que vous serez puissants ou misérables... Toutefois, ces disputes sont-elles édifiantes ?
Certes, nous de pratiquons pas la politique de l’autruche à l’égard de nos propres faiblesses humaines. Nous essayons d’y remédier peu à peu, avec la grâce de Dieu et il faudra du temps -comme pour le schisme historique entre Paulin d’Antioche et saint Mélèce.
Enfin, à qui la responsabilité des présentes divisions incombe-t-elle ? Aurions-nous eu tant de crises, sans la maudite innovation ? N’est-ce pas l’introduction du calendrier qui a provoqué ces schismes, comme Monseigneur Philarète le disait à l’instant et comme vos historiens impartiaux l’ont eux-mêmes reconnu ?
J’entends bien : il fallait «pratiquer ceci sans omettre cela», garder la tradition orthodoxe et conserver le bon ordre de l’Eglise. Tous nos problèmes internes, cependant, ne changent rien au fait de l’innovation elle-même. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs : que l’on s’entende sur la Tradition et le calendrier qu’il convient de garder, le reste viendra ensuite.
A quoi servirait une unité extérieure et administrative, si les points les plus graves de la foi sont ébranlés ? L’Eglise du Pape jouit d’une telle unité : aussi compte-t-elle trois fois plus de membres que nous. A quoi bon pourtant ?

14. L’on nous reproche aussi d’oser, nous le petit nombre, traiter de schismatiques les orthodoxes officiels et plus nombreux. Mais n’appelons-nous pas hérétiques le Pape et ses millions de fidèles ?
Très chers frères ! si vous étudiez l’histoire, vous verrez que ce n’est pas nous, mais vos propres hiérarques et historiens, qui reconnaissent que vous avez créé un schisme dans l’Eglise.
Il ne faut pas confondre les fautes personnelles avec le changement de loi que représente le calendrier.

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