mercredi 12 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°16. Editorial.

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Editorial

LE SEPTIEME CONCILE OECUMENIQUE
ET LA SAINTE TRADITION

Trop souvent, dans la presse orthodoxe dite "traditionnelle", comme dans celle qu’on appelle "œcuméniste", on lit le fastidieux et scolaire catalogue des divergences entre l’orthodoxie et les autres confessions ; doctement, sur un ton parfois un peu "pontifiant", on distingue les "questions secondaires", des "questions essentielles" : parmi ces dernières, l’ecclésiologie et le filioque sont le plus souvent cités…

On classifie alors, on se fait une "idée" de l’Eglise, bien "méthodique", et l’on se prépare, dans le dialogue avec le catholicisme (papisme) ou l’anglicanisme, à une "riche" discussion thématique. "Vos erreurs recèlent un aspect "positif" et nos "vérités" peuvent revêtir un aspect "négatif" "

Ainsi, par esprit de système, petit à petit, avec l’assurance que donne le "fard" de l’érudition, on glisse sans y songer, "sincèrement", vers une mentalité "iconoclaste". Certes, nous ne voulons pas dire que nos "traditionnalistes" -nos semi-œcuménistes en réalité, car il n’y a pas de semi-orthodoxie- ne vénèrent pas les saintes icônes ; mais ils adoptent les arguments des iconoclastes du passé qui disaient : "Quel passage de l’Ecriture, quels conciles œcuméniques nous demandent, comme une chose nécessaire à notre salut, de vénérer les icônes ? Pourquoi se disputer sur ce qui n‘est pas "essentiel", sur ce qui est affaire de conscience personnelle ?"

Le mille deux-centième anniversaire du Vllème Concile Œcuménique, celui de Nicée II, tenu en 787, aurait pu cependant faire réfléchir nos théologiens "scolaires" qui, curieusement, oublient de citer la "théologie de l’icône", la vénération des saintes Images, dans les points de divergence "essentiels".

Que représente le Vllème Concile Œcuménique, dans la conscience orthodoxe?

A. DOGME ET VENERATION DES ICÖNES.

Le VIIème Concile Œcuménique, assemblé par la sainte Impératrice Irène, après une longue période de persécution des orthodoxes par les empereurs iconoclastes, proclama solennellement le rétablissement des Saintes Icônes.

Ce rétablissement, ce triomphe de l’orthodoxie, est depuis lors, célébré dans l’Eglise du Christ le premier Dimanche du Grand Carême.

Le fondement dogmatique de la vénération des Saintes Icônes est l‘Incarnation du Fils et Verbe de Dieu qui revêt la chair humaine dans le sein de la Vierge et Mère de Dieu : Celui qui était indescriptible se fait lui-même descriptible :

"Comment figurer l‘infigurable ? Comment dessiner ce qui n’a ni quantité, ni mesure et qui est invisible ? Comment donner une forme à ce qui est sans forme ? Comment peindre l’incorporel ? Que nous a-t-il été transmis dans le mystère ?
Eh bien ! ceci : quand tu verras l’incorporel devenir homme pourtoi, fais alors l’icône de sa forme humaine ; quand l’invisible se fera visible dans la chair, fais alors l’image à la ressemblance de celui qui s’est rendu visible ; lorsque celui qui est incorporel et sans forme, qui n’a ni quantité, ni âge, ni taille, par l’éminence de sa nature, lorsque Celui qui est en forme de Dieu prendra la forme du serviteur, et par cette limitation se revêtira de la quantité, de la mesure et du caractère du corps, alors, dessine sur ta planchette, et offre à la contemplation, Celui qui a accepté d’être vu…" (Saint Jean Damascène).

Mais si celui qui vénère l’icône du Seigneur confesse l’Incarnation du Verbe, pour les Pères du VIIème Concile Œcuménique, celui qui ne vénère pas les Saintes Icônes, rejette, par cet acte, l’Incarnation du Seigneur, il ne peut être appelé chrétien. Donnons un seul exemple pris dans la vie des saints : lorsque l’empereur Théophile, persécuteur des iconodules (ceux qui vénèrent les icônes) , demanda son avis au grand ascète loanice, le saint répondit catégoriquement : "Celui qui ne rend pas l’honneur qui leur est dû, aux icônes du Christ, de la Mère de Dieu et des saints, même si sa vie est parfaite, ne pourra être reçu dans le Royaume de Dieu" .

Une telle exigence devrait faire réfléchir, car le concile de Nicée II, en 787, n’a été véritablement reçu que par l’Eglise Orthodoxe qui, seule, rend aux Saintes Icônes l’honneur qui leur est dû :

- le protestantisme rejette toujours tous les arguments des Pères du Vllème Concile Œcuménique en faveur des icônes, dans lesquelles il voit une forme d’idolâtrie interdite par l’Ancien Testament.

- les théologiens anglicans classiques, notamment, sont très iconoclastes, et il est surprenant que cette question n’ait pas eu plus d’importance dans le dialogue anglicano-orthodoxe au XIXème siècle.

- les catholiques romains (papistes) ont une position très complexe. Lors de la grande crise iconoclaste du VIIIème siècle, la papauté qui était parfaitement orthodoxe à cette époque, lutta pour la défense des Saintes Icônes, et l’Italie du Sud accueillit une multitude de moines orthodoxes qui fuyaient la persécution. Le Pape Grégoire III fortifiait la révolte contre l’empereur iconoclaste Léon : "Ne voyez-vous pas que votre entreprise contre les images n’est que révolte et présomption..."

En revanche la position des théologiens franks fut celle d’un iconoclasme modéré : sans accepter le pur iconoclasme, au Concile de Francfort et dans les fameux livres Carolins, ils rejetèrent le Concile de Nicée II, et le fondement dogmatique de la vénération des Icônes : "On ne peut mettre l’icône au même rang que la Croix, les vases sacrés ou la Sainte Ecriture", disaient les Livres Carolins (de Charlemagne). Ainsi, "l’honneur dû aux Saintes Icônes" ne leur est pas rendu.

La position des "théologiens" de Francfort ressemble beaucoup à celle du catholique moderne : les deux conciles -le concile iconoclaste et le VIIème œcuménique- leur paraissent tout aussi absurdes l’un que l’autre ; nous ne voulons, disaient les théologiens franks, ni condamner les images, ni les adorer, et nous cassons les actes de ce "concile ridicule" (le Vllème œcuménique).
Lorsque les Franks réussirent à s’emparer de la papauté orthodoxe et à l’usurper totalement, l‘iconoclasme des Franks s’imposa à tout l’Occident -que sont devenues nos icônes dans les églises anciennes d’Occident ? Il y eut des résistances importantes à la théologie iconoclaste francque, résistances dont témoigne encore, en partie, l’art roman... mais elles n’allèrent guère au-delà du XIIème siècle : la victoire de Bernard de Clairvaux sur les "clunisiens", est la victoire de l’iconoclasme occidental le plus strict.

La papauté moderne, héritière de la théologie francque, revendiquant injustement l’autorité de la papauté orthodoxe, est donc ici en contradiction avec elle-même : d’une part, elle accepte formellement le Vllème Concile Œcuménique, reconnu par les Papes orthodoxes du Vlllème et IXème siècle ; d’autre part, poussée par sa tradition propre, médiévale et moderne, elle en rejette le fondement dogmatique.

Ce n’est pas au Vlllème siècle, ni au Xllème siècle, que le théologien catholique-romain (papiste) le plus célèbre aujourd’hui, Urs von Balthazar, peut écrire : "On ne peut pas dire gue la preuve théologique mise en avant en faveur des images soit très contraignante, ni quand on tire de la théologie trinitaire de Basile le Grand, l’affirmation du caractère image du Fils, du rapport nécessaire et de la distinction qui existe entre modèle et image... ni en disant que celui qui méprise l’image, manifeste aussi son mépris pour ce qui est représenté ; ni quand on fonde le culte des images sur l’Incarnation du Christ, qui exclue toute espèce de Docétisme... "

Après ce rejet radical de la théologie du Vllème Concile Œcuménique, l’"iconoclaste" Balthazar poursuit : "…Toutes ces raisons ne valent guère contre l’interdiction de faire des images, portée par l’Ancien Testament et jamais expressément révoquée par le Nouveau... Au contraire, l’argument de l’iconoclaste Constantin V (Copronyme), à savoir qu’une représentation purement humaine du Christ - puisque le côté divin de son être est irreprésentable- porte atteinte à la christologie et mène au nestorianisme, cet argument donne à réfléchir". Et Balthazar conclue : "L’iconoclasme apparaît comme un correctif de la théologie patristique".

Hans Urs von Balthazar présente donc deux arguments contre les icônes : celui qui se tire de l’interdit vétéro-testamentaire d’une part, et le dilemme soulevé par Constantin Copronyme d’autre part. Ici, il faut remarquer :

1. Que Moïse a reçu la défense de faire des images de Dieu, parce qu’Il ne s’était pas rendu visible, ni des créatures, de peur qu’on ne les adorât à la place du Créateur. L’icône représentant le Créateur rendu visible dans Son Incarnation, ou bien, des créatures élevées par la grâce déifiante, ne tombe sous le coup d’aucune de ces interdictions. Ceux qui croient, comme les Calvinistes, que l‘icône fait partie de ce qui est défendu dans l’Ancien Testament, prouvent qu’ils ne distinguent pas entre l’humain et le divino-humain, entre ce qui est et ce qui n’est pas. L’interdit ne s’applique pas plus aux icônes qu’il ne s’appliquait aux deux Chérubins, qui, au-dessus de l’Arche d’Alliance, obombraient de leurs ailes, le propitiatoire ( Cf Saint Jean Damascène).

2. L’Icône du Christ représente le Dieu-Homme, la "chair sainte" du Sauveur. En aucun cas, l’icône ne montre la divinité seule ou l’humanité seule, pour la raison que, ni la divinité n’est vue, ni l’humanité n’est simple, en Christ : dès l’instant…
… de l’Incarnation, la nature assumée est pénétrée des rayons de la Divinité ; de même un peintre qui représente du fer chauffé au rouge ne représente ni le fer sans le feu, ni le feu sans le fer. Ceux qui ont des yeux pour voir ne voient pas dans l’icône un "simple homme".

C’est pourquoi les diverses manifestations -colloques, rencontres, expositions- qui ont marqué l’anniversaire du Concile de Nicée II ne sont pas exemptes d’une certaine ambiguïté. L’hétérodoxe d’aujourd’hui, quoique souvent de bonne volonté, n’arrive pas à saisir "l’enjeu" réel de la querelle des icônes ; à tel point que le terme d’iconoclaste désigne, dans notre langue, celui qui s’attaque aux œuvres d’art. Or, les iconoclastes de Constantinople n’étaient pas du tout ennemis des arts, ni de la décoration des églises, pourvu qu’elle s’en tînt au monde naturel, animal, végétal, minéral. Quant aux iconophiles, ou orthodoxes, ils réprouvent tout ce que l’Occident a produit en fait d’art religieux, et ne l’admettent pas dans leurs églises. L’imbroglio est donc total, et ne peut déboucher que sur le refus protestant des images, tant qu’on en reste à la notion d’"image" et qu’on ne voit pas que c’est un type bien particulier d’"image" ou de portrait que les iconoclastes ont poursuivi de leur fureur et que les orthodoxes ont défendu jusqu’au sang.

II y a une différence capitale entre l’art pieux (ou religieux) du catholicisme (papisme) et l’icône, une différence de contenu : celui qui "écrit" l’icône, écrit les traits du Dieu-homme tels qu’ils sont ; le peintre occidental ne les peint pas tels qu’ils sont, mais représente le Christ comme un homme. II représente donc une chose qui n’existe pas : l’humanité seule. Par exemple, G. de La Tour représente le Christ enfant tenant une chandelle pour éclairer saint Joseph ; rien n’indique dans l’image qu’il s’agisse du Christ.

Des lors, comment vénérer une telle image, sans tomber dans l’idolâtrie ? - le propre de l’idole étant, selon Georges Scholarios, de représenter une chose qui n’existe pas, par opposition à l’icône qui représente ce qui est. C’est à ce type d’image "pieuse" que s’appliquerait la condamnation de l’image prononcée par von Balthazar.

La papauté actuelle est, on le voit, héritière du Concile de Francfort et des Livres Carolins, plus que du Vllème Concile Œcuménique ; que peut-elle répondre à l’Interpellation de saint Jean Damascène : "Montre-moi les Icônes que tu vénères et je te dirai ce que tu crois ".

B. LE CONCILE DE LA TRADITION.

Le fondement de la vénération des Icônes, selon les Pères du Vllème Concile Œcuménique, est aussi la Tradition, écrite et non écrite, dans laquelle il n’y a pas de "détails", ou de "questions secondaires", parce que l’Eglise est vivante. L’unité de la tradition révélée est transmise dans l’expérience des saints, des prophètes, des apôtres, des "déifiés" qui, dans le Saint Esprit, connaissent au-delà de toute intelligence, les mystères chrétiens...

Les iconoclastes rejetaient la tradition non-écrite, l’expérience de l’Eglise ; leur hérésie était la première hérésie ecclésiologique : ils arguaient, du fait qu’il n’y avait pas de décision "officielle" de l’Eglise, concernant les icônes. Ils croyaient aussi qu’il suffirait de réunir 338 évêques comme, comme au concile iconoclaste de 754…
…pour que l’iconoclasme devienne une doctrine "chrétienne" ou "orthodoxe" : leur vision de l’Eglise était déjà administrative. Les évêques, pensaient- ils , font l’Eglise -alors qu’en réalité, c’est l’Eglise qui fait les évêques ; les évêques, croyaient- ils, décident de la confession de foi -alors que c’est la confession juste de la foi de l’Eglise qui fait l’évêque.

Pour cette raison, le Vllème Concile Œcuménique de Nicée II, a dogmatisé à jamais la tradition sacrée, la tradition non-écrite : celui qui croit pouvoir discerner par lui-même ce qui est "essentiel" et "inessentiel" dans l’Eglise, est sous l’anathème de ce Concile.

Le caractère absolu de la transmission vivante de la Tradition, dans la grâce du Saint Esprit, tel est l’enseignement du VIIème Concile Œcuménique.

"Accomplissant l’ordre divin de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, nos saints Pères n’ont pas caché sous le boisseau, la lampe de la divine connaissance, qu’il leur a donnée. Ils l’ont mise sur le lampadaire de la saine doctrine, pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison, c’est-à-dire, ceux qui sont nés dans l’Eglise Catholique et qui confessent dans la piété le Seigneur, ne se heurte pas contre la pierre de la cacodoxie hérétique. Les saints Pères ont détruit l’imposture des hérétiques et coupé les membres malades et incurables. Ils ont nettoyé l’aire. Le blé, c’est-à-dire la parole qui nourrit et fortifie le cœur de l’homme, sera mis dans le grenier de l’Eglise Catholique, et la paille de la cacodoxie hérétique, sera jetée au dehors, pour être brûlée dans le feu inextinguible…

"Nous, gardant en tout, les dogmes et les prescriptions de nos Pères Théophores, nous proclamons d’une seule bouche et d’un seul cœur, sans rien ajouter, sans rien retrancher à tout ce qu’ils nous ont confié ; par eux, nous sommes confirmés, par eux nous sommes fortifiés.

"Nous confessons, comme eux, nous enseignons, comme eux, tout ce que les saints Conciles Œcuméniques ont défini et confirmé…et avec le prophète Isaïe, nous croyons que ce n’est ni un envoyé, ni un ange, mais que c’est le Seigneur Lui-même qui nous a sauvés (Isaïe 63, 9).

"Suivant le prophète et empruntant sa voix, nous aussi nous proclamons très haut : "Ce n’est ni un concile, ni la puissance impériale, ni une odieuse conjuration, qui a délivré l’Eglise des idoles, comme l’a rêvé un conciliabule judaïque qui a murmuré contre les images. C’est Dieu Lui-même qui, s’étant incarné, nous a délivrés de l’idolâtrie. A Lui la gloire, la grâce, l’action de grâces, la louange, la majesté, la rédemption…Ce que les prophètes ont vu, ce que les apôtres ont prêché, ce que l’Eglise a reçu, ce que les Docteurs ont dogmatisé…nous le pensons, nous le proclamons, et confessons le Christ, notre vrai Dieu…

"Voilà la foi des Apôtres, voilà la foi des Pères, voiulà la foi des Orthodoxes. Cette foi a affermi l’univers" (Actes du VIIème Concile Œcuménique).


C. LA CONDAMNATION DE TOUS LES HERETIQUES

Le Concile de Nicée II, c’est, enfin, le Triomphe de l’Orthodoxie et l’office du Synodicon de l’Orthodoxie, qui est lu en ce jour-là : le Synodicon glorifie, pour l’éternité, tous ceux qui ont confessé le Christ et lutté pour la vraie foi, et condamne à l’anathème éternel ceux qui ont abandonné le dépôt sacré de la Tradition : "A tous les hérétiques : Anathème ; à tous les chrétiens orthodoxes : Mémoire Eternelle !"

Certes, la mentalité d’aujourd’hui, ne comprend plus ce langage des Pères ; l’idée que le Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, et son Evangile, puissent séparer les hommes entre ceux qui le suivent et ceux qui le rejettent, est devenue insupportable ; notre époque croit que celui qui confesse l’Evangile est un fanatique. Ainsi se prépare la Grande Apostasie ; et la différence entre notre époque et celle de l’iconoclasme est que, sans doute, il n’y aura pas de retour des Eglises "officielles" à l’orthodoxie : la situation, a-t-on dit justement, est "irréversible".

En vérité, tout cela est triste, et nous sommes arrivés à l’époque de cet apologue, raconté jadis par Photios Kontoglou, au Père Pantéléïmon :

"Il était une fois, un Roi qui était juste et sage, très aimé et de grand renom. Tous le chérissaient et l’estimaient pour sa vertu et sa prudence. Tout allait donc bien dans ce Royaume, Et tous étaient heureux quand, brusquement, un jour, il arriva au palais, quelques satrapes qui dirent au Roi : " Ô Roi très-glorieux et serein, que tes années soient nombreuses ! Voici que tel jour, il va pleuvoir sur la face de la terre, une eau folle, et quiconque en boira deviendra fou lui-même. Pour cette raison, il est opportun de construire de grandes citernes et d’y accumuler beaucoup d’eau, en sorte que vous l’ayez en réserve et que, lors de la pluie d’eau folle, vous ne deveniez pas fou aussi, auquel cas, il n’y aurait plus personne pour gouverner le Royaume avec sagesse".

Le Roi entreprit donc de construire de vastes citernes couvertes, et amassa des lacs entiers. E au jour fixé, l’eau folle se mit à pleuvoir, et tomba dans les lacs, les rivières et toutes les citernes, sauf celles du Roi, et tous ceux qui burent de cette eau folle devinrent fous. Ainsi, le Roi fut le seul, avec deux ou trois courtisans, à ne pas sombrer dans la folie. Alors on put voir une chose étrange. Tandis qu’auparavant, le Roi était le meilleur, le plus juste et le plus sage pour tout le peuple ; maintenant, tout avait changé et, aux yeux du peuple, il était devenu le pire, le plus injuste et le plus fou des hommes. Car, bien évidemment, tous étant devenus fous, le Roi seul, avec deux ou trois autres, étaient restés sains d’esprit ; il s’ensuivait que le peuple – devenu fou – voyait le Roi dans une autre lumière.

Chaque jour les choses ailaient de pire en pire, quand, brusquement, un jour, parvint aux oreilles du Roi l’annonce d’un complot destiné à le tuer ou, au moins, à le détrôner et à l’envoyer en exil. En entendant cela, le Roi resta silencieux et médita pendant quelques instants ; puis il s’adressa à ses deux conseillers : "Allez chercher cette eau folle, afin que nous en buvions, et qu’ainsi toute cette affaire puisse se terminer". Ainsi, ils burent à leur tour de l’eau folle, et devinrent fous. Et tout redevint "bien" de nouveau, et le Roi fut encore "le meilleur, le plus juste, le plus sage" et chacun vécut heureux désormais.

"Voyez-vous, Père, où nous en sommes venus ? ", disait Photios, cet homme béni, au Père Pantéléïmon.
"Bienheureux ceux qui tiennent bon en ces jours-ci et ne perdent pas leur Foi et ne deviennent pas fous, comme la plupart, qui ont ployé le genou devant l’œcuménisme, et sont devenus des traîtres. Alors qu‘auparavant quelques uns d’entre nous étaient considères comme bons et saints, intelligents, prudents, illustres et sages ; maintenant, pour la seule raison que nous ne consentons pas à trahir notre Foi, nous voilà mauvais, sinistres, bigots, fous, et tutti quanti.

Parce que deux ou trois sont restés sains d’esprit au milieu de l’insanité générale, tous les montrent du doigt et disent en riant : "Voici les fadas !" Mais notre folie, Père, est bienheureuse. Bienheureux, donc, et trois fois bienheureux ceux persévèrent jusqu’à la fin et ne goûtent pas à l’eau folle de l’apostasie".

Ainsi, celui qui veut confesser la foi des Apôtres et "marcher sur les traces de nos Pères saints" ne peut pas séparer "l’essentiel" de l’"accessoire", le "principal" du "détail", le "primordial" du "secondaire". Il doit confesser le dépôt de la Foi, transmis une fois pour toute ; et ce dépôt de la fois, n’est pas un catalogue de doctrines multiples, c’est le Christ. Confessons donc, sans rien ajouter ni rien retrancher, avec les Pères du VIIème Concile Œcuménique, "ce que les prophètes ont vu, ce que les Apôtres ont prêché, ce que les Pères ont dogmatisé, ce que l’Eglise a reçu".

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