mercredi 26 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°32. Saint Ambroise de Paris.
Père Ambroise
(1917 - 1992)
O Timothée, garde le dépôt, en évitant les discours vains et profanes et les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns, qui se sont ainsi détournés de la foi (1 Tim.6,20).
Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus Christ seront persécutés. 2 Tim.3,12.
Origines
Père Ambroise est né à Smyrne, dans cette Anatolie qui avait vu fleurir les Pères du IVème siècle -saint Jean Chrysostome, saint Basile le Grand, saint Grégoire le Théologien, ces maîtres de la culture chrétienne- et avait gardé d'eux la rigueur et la douceur. Au commencement de notre siècle, en effet, quoique asservie au Turc depuis de longs siècles, la société chrétienne se maintenait en Asie Mineure, et notamment à Smyrne. Père Ambroise apprit beaucoup de sa grand-mère Argyro, de sa mère Kyriacoula et de son père Basile, qui, descendant d'un Français qui s'était fixé dans l'Orient au 18ème siècle, transmit à son fils le nom de famille français de FONTRIER. De ces parents pieux, Père Ambroise apprit la vie chrétienne. La catastrophe d'Asie Mineure força la famille à prendre le chemin de l'exil et Père Ambroise se souvenait du jour où, au milieu du sang qui coulait, son père, tenant le drapeau français, avait emmené sa famille jusqu'au consulat de France pour y demander asile.
Les survivants des massacres firent tous ce qu'avaient fait les Fontrier : ils durent quitter la terre natale si bien que, de nos jours, des sept Eglises dont saint Jean parle dans son Apocalypse, il ne subsiste rien. Smyrne est de ce nombre, et la présence chrétienne y a été presque totalement effacée. Bien des années plus tard, Père Ambroise a reçu, dans Athènes, de la bouche inspirée d'un vieillard, l'explication du dessein de Dieu qui se cache derrière la catastrophe d'Asie Mineure : «Ces Eglises martyres ont disparues, dit le vieillard, et Dieu l'a permis, parce qu'Il a voulu préserver de la souillure de l'oecuménisme les Sept Eglises de l'Apôtre Vierge».
Les réfugiés grecs se fixèrent souvent dans le midi de la France, terre anciennement colonisée par les Hellènes, et dont les petits ports ressemblent à ceux des îles d'Asie Mineure. Arrivée à Marseille avec beaucoup d'autres réfugiés, la famille mena une existence très dure, dans la plus grande pauvreté. Ils connurent la faim. Très tôt Père Ambroise fut obligé de travailler et, après la mort de son père, s'occupa de sa mère et de sa famille.
Prêtre à vingt-quatre ans
Père Ambroise devint prêtre en 1942, à l'âge de 24 ans, car le temps de la guerre rendait urgente son ordination. Il avait songé un instant à devenir musicien, car il jouait parfaitement du piano. Mais, par un accident qu'il attribua à la Providence, il eut le pouce coupé et n'envisagea plus que le service de l'autel et que le Seigneur.
Il fut d'abord prêtre d'une paroisse grecque, non loin de Marseille. Dès ce moment, il avait compris la tâche à laquelle Dieu l'appelait : faire connaître la foi orthodoxe là où il se trouvait. Le Seigneur a dit aux Apôtres : «Allez, enseignez toutes les nations». L'Eglise garde fidèlement ce commandement : chaque chrétien orthodoxe doit avoir «sa lampe allumée» et rayonner la foi autour de lui, à l'endroit qu'il habite. Père Ambroise a vécu ainsi, devenant, dans ce pays où la main de Dieu l'avait conduit, une lampe pour tous ceux qui reviennent à l'orthodoxie. La Gaule en effet, fut christianisée dès les temps apostoliques, et c'est en Gaule que naquit saint Constantin le Grand, qui fit passer l'Empire romain des ténèbres de l'idolâtrie à la lumière du Christ. Retombée dans les ténèbres à cause des hérésies, la Gaule avait besoin de nouveau d'évangélisation, pour retrouver ses racines orthodoxes.
Hésychasme
Père Ambroise vécut un certain temps à Martigues, dans un ancien blockhaus allemand désaffecté, devenu une cellule monastique. Il descendait le dimanche dire la liturgie pour sa paroisse puis remontait dans sa colline retrouver sa solitude, au milieu d'un paysage semblable à la Grèce.
Toute sa vie, il rechercha le calme et la tranquillité, pour se consacrer à la prière. La prière monologique, il l'a cherchée, interrogeant un jour un Ancien sur le sens du terme «monologique», et il obtint la réponse : la prière est dite monologique, en un seul mot, parce que, bien qu'il y ait plusieurs mots, l'esprit n'est tendu que vers le Christ ; il n'a qu'une seule idée. Devenu hésychaste, Père Ambroise a souvent parlé de la prière à ses enfants spirituels, leur expliquant notamment comment la prière descendait de l'intellect dans le coeur et comment elle devenait perpétuelle dans le coeur purifié. A la fin de sa vie, il insistait de plus en plus fréquemment dans ses sermons sur la nécessité pour tous de s'efforcer vers la prière du coeur.
C'est grâce à cette prière permanente que Père Ambroise put être guidé par Dieu, de même que tous ceux qui discernèrent clairement, dans le changement apparemment anodin du calendrier ecclésiastique, le commencement de l'hérésie la plus redoutable. Père Ambroise, qui savait que la Jérusalem céleste doit être mesurée avec le roseau parfait, le canon d'or que l'ange donne à Jean dans l'Apocalypse, connut vers 1962 l'Eglise .O.X. qu'il ne cessa dès lors d'aimer comme la seule donnant à notre époque le témoignage de l'orthodoxie véritable.
La confession de la foi
Avant de parler des paroisses fondées par Père Ambroise sur le sol de France, il faut souligner la base de tout son travail. «Nul ne peut poser d'autre fondement que celui qui existe, à savoir le Christ» dit l'Apôtre. C'est sur le roc de la vraie confession de foi, le roc du Dieu-Homme, le Christ, que Père Ambroise a bâti. Il a toujours insisté sur la nécessité impérieuse d'une confession de foi juste. Certains appelaient Père Ambroise trop rigoureux, alors qu'il était doux et n'oubliait jamais que l'Eglise se gouverne par la rigueur et par l'économie ; il répétait simplement cette parole de Marc d'Ephèse : «En matière de foi, il n'y a pas d'économie», car, ajoutait-il, si la foi est changée, à quoi s'appliquerait alors l'économie ? Il ne jugeait jamais les personnes, mais appliquait les critères que donne l'Eglise : «Comme les Prohètes ont vu, comme les Apôtres ont prêché, comme les Pères ont dogmatisé, comme l'Eglise a reçu...» ainsi nous enseignons, ainsi nous prêchons, selon le Synodicon de l'Orthodoxie. Selon ces critères des Pères et des Conciles, le patriarcat de Constantinople, disait Père Ambroise, s'est éloigné de la vraie confession de foi en adoptant le nouveau calendrier et en suivant le syncrétisme religieux de l'oecuménisme. Ceux qui ont changé le calendrier se sont placés eux-mêmes sous l'anathème du VIIème Concile Oecuménique qui condamne tous ceux qui ont innové ou qui innoveront non seulement dans le domaine du dogme, mais encore en matière de tradition ecclésiastique. Le calendrier est une tradition. L'évangile que prêche désormais le patriarcat de Constantinople diffère de celui que l'Eglise a reçu ; le syncrétisme oecuménique réduit l'orthodoxie aux dimensions d'une religion nationale, il réduit le Dieu-Homme aux dimensions d'une religion purement humaine ; de cette hérésie, le changement du calendrier est le premier symptôme manifeste.
C'est pourquoi chacun doit, disait Père Ambroise, séparer totalement ses responsabilités spirituelles et rompre toute communion avec le Patriarcat de Constantinople et avec ceux qui sont en communion avec lui.
De même pour les questions de discipline ecclésiastique. A beaucoup de personnes troublées de voir plusieurs groupes ancien-calendaristes en Grèce même, Père Ambroise répondait que le vrai chrétien possède le critère des canons de l'Eglise. «Qui, disait-il, est l'authentique archevêque d'Athènes et de Grèce, sinon Monseigneur Auxence ? Où est le synode plus grand que le sien, qui aurait reconnu un autre archevêque à sa place ? Lui seul a été reconnu par un Synode orthodoxe plus grand -les Russes du Métropolite Philarète». L'Esprit Saint n'est pas lié par des dépositions réciproques qui le plus souvent n'avaient que des motifs personnels et non ecclésiastiques. En même temps, Père Ambroise aimait tous ceux qui confessaient la foi orthodoxe et souhaitait de tout coeur l'unité des .O.X. de Grèce. Il disait même souvent que s'ils s'unissaient, l'Eglise officielle d'Etat n'existerait plus. Il avait été aussi très heureux de voir avec quel zèle missionnaire Monseigneur Auxence était venu en France.
La Mission en France
La grande oeuvre du Père Ambroise fut l'édification d'une orthodoxie française appuyée sur un authentique retour aux Pères. A Paris, il fonda la paroisse de la Sainte Trinité, contribuant souvent de ses mains à l'entretien de la chapelle et offrant tout le matériel du culte et tous les ornements de l'Eglise : encensoir, porte-cierge, veilleuses. Durant des années, il desservit, voyagant en train, la paroisse de la Sainte Trinité à Paris, celle de saint Jean le Théologien à Lyon, et celle de l'Annonciation de la Mère de Dieu, à Montpellier. Nous mentionnons ces trois églises, mais toutes les paroisses existant actuellement dans notre diocèse lui doivent, directement ou indirectement, l'existence. Il a engendré en Christ la plupart de leurs fidèles.
a) Père Ambroise a traduit les Offices de l'Eglise, confiant au professeur Jean-Joseph Bernard le soin de les mettre en musique. Cette publication liturgique, l'une des plus importantes qui aient vu le jour dans notre siècle, s'imposait pour deux raisons : la première est que, pour développer l'orthodoxie en France, il fallait s'exprimer en français et mettre à la disposition des fidèles non seulement le texte de la Sainte Liturgie, mais ceux de toutes les fêtes pour pouvoir les célébrer dans chaque paroisse. La foi orthodoxe doit imprégner la vie : les chants des Offices ne sont pas de l'art, mais une forme de prière ; ils initient à la vie en Christ. La seconde raison de cette priorité donnée à la traduction des Offices est qu'ils contiennent tous les dogmes. Par eux, les richesses de la théologie orthodoxe deviennent accessibles à tous et l'Eglise oppose ainsi sa grande voix au murmure confus des hérésies actuelles.
b) Conscient de la difficulté qu'il y a, pour les orthodoxes, à vivre en Europe, dans un monde façonné par les hétérodoxies -papisme et protestantisme- et aujourd'hui athée et hostile au Christ, Père Ambroise a consacré beaucoup de sa peine et de son temps à traduire les textes des Pères, à faire connaître la vie des saints et des confesseurs de la foi, à enseigner l'histoire de l'Eglise. Il a publié, seul, dans des conditions difficiles, la revue Cathéchèse Orthodoxe, qui a été considérée comme l'une des meilleures revues orthodoxes de langue française et qui a été ensuite relayée par La Lumière du Thabor.
Père Ambroise, par ses publications, a non seulement permis à des orthodoxes de voir clair et de rester orthodoxes, mais il a également convaincu beaucoup d'hétérodoxes de la vérité de la foi orthodoxe et de la nécessité de revenir à l'Eglise des Apôtres.
c) Outre cette oeuvre d'écriture et de traduction, Père Ambroise a peint plusieurs icônes du Seigneur et de la Mère de Dieu, ainsi que celles des iconostases. Il est aussi l'auteur de la première icône de saint Nectaire.
d) Le couronnement de cette mission vraiment apostolique a été la création du diocèse de France. Toute sa vie Père Ambroise a lutté pour la vraie foi et il souhaitait de voir un évêque de France, afin de renforcer l'Eglise .O.X. de France face aux parataxes des oecuménistes. Ce désir se réalisa lorsque Sa Béatitude l'Archevêque Auxence d'Athènes consacra Monseigneur Photios de Lyon. Le diocèse de France et d'Europe compte actuellement 9 paroisses. A tous les fidèles de ces paroisses, Père Ambroise apparaît comme véritablement égal aux Apôtres.
Charismes spirituels
Dieu avait donné au Père Ambroise de nombreux charismes spirituels... Il entendait les confessions et trouvait toujours le remède à appliquer aux blessures faites par le péché, et il revêtait ceux qui se confiaient à lui de la panoplie de la lutte contre le démon. Il avait le don de consoler et de réconforter, parfois par une seule parole. La grâce demeurait avec lui.
Il prêchait comme les Pères. Les fidèles étaient souvent suspendus à ses lèvres. Il expliquait, en suivant les commentaires des Pères, les trésors qui se cachent dans l'Evangile. Ce qu'il disait apparaissait aussi comme le fruit d'une expérience personnelle.
Intensément, il priait la Mère de Dieu et saint Nectaire. Il disait que le Seigneur nous exauce toujours quand Sa Mère intercède pour nous. Par les prières de Père Ambroise et celles de saint Nectaire, beaucoup de guérisons se sont faites.
Ses proches nous ont dit qu'il avait souvent eu une véritable diorasis, découvrant à chacun ce qui était dans son coeur. Il enseignait toujours d'une manière enjouée ; quand il avait un reproche à faire, il ne le faisait jamais directement mais toujours d'une manière symbolique, faisant prendre à chacun conscience de ses défauts, sans jamais froisser personne.
Ses derniers jours et son enterrement
Père Ambroise s'est endormi dans le Seigneur le 1er janvier 1992 (le 14 janvier du calendrier civil), le jour de la Circoncision du Seigneur et de la saint Basile.
«Servant déjà de libation» (2 Tim.4,6) par les souffrances qu'il avait endurées d'abord pour la confession de la foi, et ensuite du fait de sa maladie finale, Père Ambroise s'est endormi paisiblement. Quand je le vis dans son cercueil, je fus réconforté par son visage serein, ses membres restés souples, son repos qui illustrait l'enseignement de l'Eglise : «Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais» (Jn 11, 25-26), parce que celui qui s'endort dans le Seigneur ne voit pas la face de la mort, c'est-à-dire le diable, mais voit la face du Christ, la vie personnifiée. Oui, sa mort a été, comme le dit l'Eglise dans les Vêpres du Saint Esprit, au jour de la Pentecôte : «un passage des choses affligeantes aux choses désirables». Tous ceux qui pleuraient sentaient combien c'était sur eux-mêmes qu'ils pleuraient, s'affligeant de perdre leur père.
Père Ambroise avait prévu sa mort. Avant la Nativité du Seigneur, il avait raconté qu'il avait vu, en rêve, les prêtres porter son cercueil. La chose n'est pas normalement possible en France, puisqu'il existe des porteurs employés par les Pompes Funèbres. Or, la veille de l'enterrement, Monseigneur Photios fut avisé que tous les porteurs seraient en grève et qu'il faudrait que notre communauté se charge de les remplacer. Le rêve se réalisait.
La cérémonie de l'enterrement se déroula le vendredi 4 janvier (17 du calendrier civil), dans la piété et la dignité. Un grand nombre de fidèles se rassembla dès le matin à l'hôpital où eut lieu la mise en bière. Les jours précédents, des pannykhides avaient été célébrées auprès du corps du défunt, grâce à la bienveillance des employés de l'hôpital, respectueux à l'égard des rites de l'Eglise. Après ce dernier adieu au visage de notre père qui nous a tout appris, se déroula l'office dans l'église de la Sainte Trinité Saint Nectaire, au milieu d'une assistance nombreuse. La Mère Xénie, higoumène du monastère de Saint Jean le Théologien, était venue tout exprès d'Athènes, envoyée par Monseigneur Auxence pour le représenter, lui et son synode.
Le cortège se rendit ensuite au cimetière de Levallois, situé tout près de l'ancien domicile terrestre du Père Ambroise. Tous les fidèles, recueillis, défilèrent pour mettre les poignées de terre sur le cercueil en disant : «La terre est au Seigneur avec tout ce qu'elle renferme, l'univers et tous ses habitants». Père Ambroise repose en paix près de ses enfants. Que sa mémoire soit éternelle. Son oeuvre, Dieu voulant, continuera, grâce à l'Eglise de France et à tous ceux qui «aiment l'avènement du Seigneur Jésus Christ» (2 Tim.4,8). Père Ambroise parlait souvent de la mort et il envisageait la sienne avec discernement. Il disait qu'il ne s'inquiétait pas pour la poursuite de la mission après sa mort, parce que ses enfants spirituels plaçaient leur espérance non pas dans un homme, mais dans le Seigneur.
Que Dieu donne à tous de marcher, comme il l'a fait, jusqu'au bout, sur les traces de nos Pères saints. Et qu'Il nous fasse miséricorde. Amen.
(1917 - 1992)
O Timothée, garde le dépôt, en évitant les discours vains et profanes et les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns, qui se sont ainsi détournés de la foi (1 Tim.6,20).
Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus Christ seront persécutés. 2 Tim.3,12.
Origines
Père Ambroise est né à Smyrne, dans cette Anatolie qui avait vu fleurir les Pères du IVème siècle -saint Jean Chrysostome, saint Basile le Grand, saint Grégoire le Théologien, ces maîtres de la culture chrétienne- et avait gardé d'eux la rigueur et la douceur. Au commencement de notre siècle, en effet, quoique asservie au Turc depuis de longs siècles, la société chrétienne se maintenait en Asie Mineure, et notamment à Smyrne. Père Ambroise apprit beaucoup de sa grand-mère Argyro, de sa mère Kyriacoula et de son père Basile, qui, descendant d'un Français qui s'était fixé dans l'Orient au 18ème siècle, transmit à son fils le nom de famille français de FONTRIER. De ces parents pieux, Père Ambroise apprit la vie chrétienne. La catastrophe d'Asie Mineure força la famille à prendre le chemin de l'exil et Père Ambroise se souvenait du jour où, au milieu du sang qui coulait, son père, tenant le drapeau français, avait emmené sa famille jusqu'au consulat de France pour y demander asile.
Les survivants des massacres firent tous ce qu'avaient fait les Fontrier : ils durent quitter la terre natale si bien que, de nos jours, des sept Eglises dont saint Jean parle dans son Apocalypse, il ne subsiste rien. Smyrne est de ce nombre, et la présence chrétienne y a été presque totalement effacée. Bien des années plus tard, Père Ambroise a reçu, dans Athènes, de la bouche inspirée d'un vieillard, l'explication du dessein de Dieu qui se cache derrière la catastrophe d'Asie Mineure : «Ces Eglises martyres ont disparues, dit le vieillard, et Dieu l'a permis, parce qu'Il a voulu préserver de la souillure de l'oecuménisme les Sept Eglises de l'Apôtre Vierge».
Les réfugiés grecs se fixèrent souvent dans le midi de la France, terre anciennement colonisée par les Hellènes, et dont les petits ports ressemblent à ceux des îles d'Asie Mineure. Arrivée à Marseille avec beaucoup d'autres réfugiés, la famille mena une existence très dure, dans la plus grande pauvreté. Ils connurent la faim. Très tôt Père Ambroise fut obligé de travailler et, après la mort de son père, s'occupa de sa mère et de sa famille.
Prêtre à vingt-quatre ans
Père Ambroise devint prêtre en 1942, à l'âge de 24 ans, car le temps de la guerre rendait urgente son ordination. Il avait songé un instant à devenir musicien, car il jouait parfaitement du piano. Mais, par un accident qu'il attribua à la Providence, il eut le pouce coupé et n'envisagea plus que le service de l'autel et que le Seigneur.
Il fut d'abord prêtre d'une paroisse grecque, non loin de Marseille. Dès ce moment, il avait compris la tâche à laquelle Dieu l'appelait : faire connaître la foi orthodoxe là où il se trouvait. Le Seigneur a dit aux Apôtres : «Allez, enseignez toutes les nations». L'Eglise garde fidèlement ce commandement : chaque chrétien orthodoxe doit avoir «sa lampe allumée» et rayonner la foi autour de lui, à l'endroit qu'il habite. Père Ambroise a vécu ainsi, devenant, dans ce pays où la main de Dieu l'avait conduit, une lampe pour tous ceux qui reviennent à l'orthodoxie. La Gaule en effet, fut christianisée dès les temps apostoliques, et c'est en Gaule que naquit saint Constantin le Grand, qui fit passer l'Empire romain des ténèbres de l'idolâtrie à la lumière du Christ. Retombée dans les ténèbres à cause des hérésies, la Gaule avait besoin de nouveau d'évangélisation, pour retrouver ses racines orthodoxes.
Hésychasme
Père Ambroise vécut un certain temps à Martigues, dans un ancien blockhaus allemand désaffecté, devenu une cellule monastique. Il descendait le dimanche dire la liturgie pour sa paroisse puis remontait dans sa colline retrouver sa solitude, au milieu d'un paysage semblable à la Grèce.
Toute sa vie, il rechercha le calme et la tranquillité, pour se consacrer à la prière. La prière monologique, il l'a cherchée, interrogeant un jour un Ancien sur le sens du terme «monologique», et il obtint la réponse : la prière est dite monologique, en un seul mot, parce que, bien qu'il y ait plusieurs mots, l'esprit n'est tendu que vers le Christ ; il n'a qu'une seule idée. Devenu hésychaste, Père Ambroise a souvent parlé de la prière à ses enfants spirituels, leur expliquant notamment comment la prière descendait de l'intellect dans le coeur et comment elle devenait perpétuelle dans le coeur purifié. A la fin de sa vie, il insistait de plus en plus fréquemment dans ses sermons sur la nécessité pour tous de s'efforcer vers la prière du coeur.
C'est grâce à cette prière permanente que Père Ambroise put être guidé par Dieu, de même que tous ceux qui discernèrent clairement, dans le changement apparemment anodin du calendrier ecclésiastique, le commencement de l'hérésie la plus redoutable. Père Ambroise, qui savait que la Jérusalem céleste doit être mesurée avec le roseau parfait, le canon d'or que l'ange donne à Jean dans l'Apocalypse, connut vers 1962 l'Eglise .O.X. qu'il ne cessa dès lors d'aimer comme la seule donnant à notre époque le témoignage de l'orthodoxie véritable.
La confession de la foi
Avant de parler des paroisses fondées par Père Ambroise sur le sol de France, il faut souligner la base de tout son travail. «Nul ne peut poser d'autre fondement que celui qui existe, à savoir le Christ» dit l'Apôtre. C'est sur le roc de la vraie confession de foi, le roc du Dieu-Homme, le Christ, que Père Ambroise a bâti. Il a toujours insisté sur la nécessité impérieuse d'une confession de foi juste. Certains appelaient Père Ambroise trop rigoureux, alors qu'il était doux et n'oubliait jamais que l'Eglise se gouverne par la rigueur et par l'économie ; il répétait simplement cette parole de Marc d'Ephèse : «En matière de foi, il n'y a pas d'économie», car, ajoutait-il, si la foi est changée, à quoi s'appliquerait alors l'économie ? Il ne jugeait jamais les personnes, mais appliquait les critères que donne l'Eglise : «Comme les Prohètes ont vu, comme les Apôtres ont prêché, comme les Pères ont dogmatisé, comme l'Eglise a reçu...» ainsi nous enseignons, ainsi nous prêchons, selon le Synodicon de l'Orthodoxie. Selon ces critères des Pères et des Conciles, le patriarcat de Constantinople, disait Père Ambroise, s'est éloigné de la vraie confession de foi en adoptant le nouveau calendrier et en suivant le syncrétisme religieux de l'oecuménisme. Ceux qui ont changé le calendrier se sont placés eux-mêmes sous l'anathème du VIIème Concile Oecuménique qui condamne tous ceux qui ont innové ou qui innoveront non seulement dans le domaine du dogme, mais encore en matière de tradition ecclésiastique. Le calendrier est une tradition. L'évangile que prêche désormais le patriarcat de Constantinople diffère de celui que l'Eglise a reçu ; le syncrétisme oecuménique réduit l'orthodoxie aux dimensions d'une religion nationale, il réduit le Dieu-Homme aux dimensions d'une religion purement humaine ; de cette hérésie, le changement du calendrier est le premier symptôme manifeste.
C'est pourquoi chacun doit, disait Père Ambroise, séparer totalement ses responsabilités spirituelles et rompre toute communion avec le Patriarcat de Constantinople et avec ceux qui sont en communion avec lui.
De même pour les questions de discipline ecclésiastique. A beaucoup de personnes troublées de voir plusieurs groupes ancien-calendaristes en Grèce même, Père Ambroise répondait que le vrai chrétien possède le critère des canons de l'Eglise. «Qui, disait-il, est l'authentique archevêque d'Athènes et de Grèce, sinon Monseigneur Auxence ? Où est le synode plus grand que le sien, qui aurait reconnu un autre archevêque à sa place ? Lui seul a été reconnu par un Synode orthodoxe plus grand -les Russes du Métropolite Philarète». L'Esprit Saint n'est pas lié par des dépositions réciproques qui le plus souvent n'avaient que des motifs personnels et non ecclésiastiques. En même temps, Père Ambroise aimait tous ceux qui confessaient la foi orthodoxe et souhaitait de tout coeur l'unité des .O.X. de Grèce. Il disait même souvent que s'ils s'unissaient, l'Eglise officielle d'Etat n'existerait plus. Il avait été aussi très heureux de voir avec quel zèle missionnaire Monseigneur Auxence était venu en France.
La Mission en France
La grande oeuvre du Père Ambroise fut l'édification d'une orthodoxie française appuyée sur un authentique retour aux Pères. A Paris, il fonda la paroisse de la Sainte Trinité, contribuant souvent de ses mains à l'entretien de la chapelle et offrant tout le matériel du culte et tous les ornements de l'Eglise : encensoir, porte-cierge, veilleuses. Durant des années, il desservit, voyagant en train, la paroisse de la Sainte Trinité à Paris, celle de saint Jean le Théologien à Lyon, et celle de l'Annonciation de la Mère de Dieu, à Montpellier. Nous mentionnons ces trois églises, mais toutes les paroisses existant actuellement dans notre diocèse lui doivent, directement ou indirectement, l'existence. Il a engendré en Christ la plupart de leurs fidèles.
a) Père Ambroise a traduit les Offices de l'Eglise, confiant au professeur Jean-Joseph Bernard le soin de les mettre en musique. Cette publication liturgique, l'une des plus importantes qui aient vu le jour dans notre siècle, s'imposait pour deux raisons : la première est que, pour développer l'orthodoxie en France, il fallait s'exprimer en français et mettre à la disposition des fidèles non seulement le texte de la Sainte Liturgie, mais ceux de toutes les fêtes pour pouvoir les célébrer dans chaque paroisse. La foi orthodoxe doit imprégner la vie : les chants des Offices ne sont pas de l'art, mais une forme de prière ; ils initient à la vie en Christ. La seconde raison de cette priorité donnée à la traduction des Offices est qu'ils contiennent tous les dogmes. Par eux, les richesses de la théologie orthodoxe deviennent accessibles à tous et l'Eglise oppose ainsi sa grande voix au murmure confus des hérésies actuelles.
b) Conscient de la difficulté qu'il y a, pour les orthodoxes, à vivre en Europe, dans un monde façonné par les hétérodoxies -papisme et protestantisme- et aujourd'hui athée et hostile au Christ, Père Ambroise a consacré beaucoup de sa peine et de son temps à traduire les textes des Pères, à faire connaître la vie des saints et des confesseurs de la foi, à enseigner l'histoire de l'Eglise. Il a publié, seul, dans des conditions difficiles, la revue Cathéchèse Orthodoxe, qui a été considérée comme l'une des meilleures revues orthodoxes de langue française et qui a été ensuite relayée par La Lumière du Thabor.
Père Ambroise, par ses publications, a non seulement permis à des orthodoxes de voir clair et de rester orthodoxes, mais il a également convaincu beaucoup d'hétérodoxes de la vérité de la foi orthodoxe et de la nécessité de revenir à l'Eglise des Apôtres.
c) Outre cette oeuvre d'écriture et de traduction, Père Ambroise a peint plusieurs icônes du Seigneur et de la Mère de Dieu, ainsi que celles des iconostases. Il est aussi l'auteur de la première icône de saint Nectaire.
d) Le couronnement de cette mission vraiment apostolique a été la création du diocèse de France. Toute sa vie Père Ambroise a lutté pour la vraie foi et il souhaitait de voir un évêque de France, afin de renforcer l'Eglise .O.X. de France face aux parataxes des oecuménistes. Ce désir se réalisa lorsque Sa Béatitude l'Archevêque Auxence d'Athènes consacra Monseigneur Photios de Lyon. Le diocèse de France et d'Europe compte actuellement 9 paroisses. A tous les fidèles de ces paroisses, Père Ambroise apparaît comme véritablement égal aux Apôtres.
Charismes spirituels
Dieu avait donné au Père Ambroise de nombreux charismes spirituels... Il entendait les confessions et trouvait toujours le remède à appliquer aux blessures faites par le péché, et il revêtait ceux qui se confiaient à lui de la panoplie de la lutte contre le démon. Il avait le don de consoler et de réconforter, parfois par une seule parole. La grâce demeurait avec lui.
Il prêchait comme les Pères. Les fidèles étaient souvent suspendus à ses lèvres. Il expliquait, en suivant les commentaires des Pères, les trésors qui se cachent dans l'Evangile. Ce qu'il disait apparaissait aussi comme le fruit d'une expérience personnelle.
Intensément, il priait la Mère de Dieu et saint Nectaire. Il disait que le Seigneur nous exauce toujours quand Sa Mère intercède pour nous. Par les prières de Père Ambroise et celles de saint Nectaire, beaucoup de guérisons se sont faites.
Ses proches nous ont dit qu'il avait souvent eu une véritable diorasis, découvrant à chacun ce qui était dans son coeur. Il enseignait toujours d'une manière enjouée ; quand il avait un reproche à faire, il ne le faisait jamais directement mais toujours d'une manière symbolique, faisant prendre à chacun conscience de ses défauts, sans jamais froisser personne.
Ses derniers jours et son enterrement
Père Ambroise s'est endormi dans le Seigneur le 1er janvier 1992 (le 14 janvier du calendrier civil), le jour de la Circoncision du Seigneur et de la saint Basile.
«Servant déjà de libation» (2 Tim.4,6) par les souffrances qu'il avait endurées d'abord pour la confession de la foi, et ensuite du fait de sa maladie finale, Père Ambroise s'est endormi paisiblement. Quand je le vis dans son cercueil, je fus réconforté par son visage serein, ses membres restés souples, son repos qui illustrait l'enseignement de l'Eglise : «Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais» (Jn 11, 25-26), parce que celui qui s'endort dans le Seigneur ne voit pas la face de la mort, c'est-à-dire le diable, mais voit la face du Christ, la vie personnifiée. Oui, sa mort a été, comme le dit l'Eglise dans les Vêpres du Saint Esprit, au jour de la Pentecôte : «un passage des choses affligeantes aux choses désirables». Tous ceux qui pleuraient sentaient combien c'était sur eux-mêmes qu'ils pleuraient, s'affligeant de perdre leur père.
Père Ambroise avait prévu sa mort. Avant la Nativité du Seigneur, il avait raconté qu'il avait vu, en rêve, les prêtres porter son cercueil. La chose n'est pas normalement possible en France, puisqu'il existe des porteurs employés par les Pompes Funèbres. Or, la veille de l'enterrement, Monseigneur Photios fut avisé que tous les porteurs seraient en grève et qu'il faudrait que notre communauté se charge de les remplacer. Le rêve se réalisait.
La cérémonie de l'enterrement se déroula le vendredi 4 janvier (17 du calendrier civil), dans la piété et la dignité. Un grand nombre de fidèles se rassembla dès le matin à l'hôpital où eut lieu la mise en bière. Les jours précédents, des pannykhides avaient été célébrées auprès du corps du défunt, grâce à la bienveillance des employés de l'hôpital, respectueux à l'égard des rites de l'Eglise. Après ce dernier adieu au visage de notre père qui nous a tout appris, se déroula l'office dans l'église de la Sainte Trinité Saint Nectaire, au milieu d'une assistance nombreuse. La Mère Xénie, higoumène du monastère de Saint Jean le Théologien, était venue tout exprès d'Athènes, envoyée par Monseigneur Auxence pour le représenter, lui et son synode.
Le cortège se rendit ensuite au cimetière de Levallois, situé tout près de l'ancien domicile terrestre du Père Ambroise. Tous les fidèles, recueillis, défilèrent pour mettre les poignées de terre sur le cercueil en disant : «La terre est au Seigneur avec tout ce qu'elle renferme, l'univers et tous ses habitants». Père Ambroise repose en paix près de ses enfants. Que sa mémoire soit éternelle. Son oeuvre, Dieu voulant, continuera, grâce à l'Eglise de France et à tous ceux qui «aiment l'avènement du Seigneur Jésus Christ» (2 Tim.4,8). Père Ambroise parlait souvent de la mort et il envisageait la sienne avec discernement. Il disait qu'il ne s'inquiétait pas pour la poursuite de la mission après sa mort, parce que ses enfants spirituels plaçaient leur espérance non pas dans un homme, mais dans le Seigneur.
Que Dieu donne à tous de marcher, comme il l'a fait, jusqu'au bout, sur les traces de nos Pères saints. Et qu'Il nous fasse miséricorde. Amen.
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