jeudi 13 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°22. Chronique.

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Chronique

Le rapport de l’évêque Augustin de Florina
sur les « Vieux Calendaristes »


Le 10 mai 1989, l’évêque Augustin de Florina, de l’Eglise d’Etat grecque, à la demande de son Synode, a remis un rapport sur les « vieux calendaristes » dont l’existence et la confession de foi sont un profond remords (écharde ou épine) pour la conscience de nombreux fidèles et prêtres grecs « néo-calendaristes » : ils voient, en effet, de nombreux évêques « néo-calendaristes » accuser et condamner les V.C.O. (Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce), voire demander à l’Etat de nouvelles persécutions contre ces pieux orthodoxes, alors que dans le monde entier, les évêques « grecs » du patriarcat œcuménique sont engagés dans l’hérésie de l’œcuménisme ou dans d’autres hérésies.

Le fanatisme de certains évêques de Constantinople contre les vieux calendaristes n’a souvent d’égal que leur empressement à plaire aux cardinaux et aux autres prélats latins. Ainsi, récemment, en France, l’un de ces « évêques » a dénoncé le sacerdoce des vieux-calendaristes – parce qu’ils ne sont pas en communion avec lui – et a déclaré que ces derniers n’avaient pas la succession apostolique, tout en reconnaissant le sacerdoce des évêques et prêtres latins, avec lesquels il est peut-être déjà en communion et auxquels il reconnaît pleinement la succession apostolique (Cf. La Lumière du Thabor, N° 21).

Récemment encore, dans un célèbre institut de Théologie orthodoxe (français, Saint Serge), les professeurs ont demandé l’avis de l’archevêché catholique avant de nommer un professeur qui était un ancien prêtre latin devenu orthodoxe. Et sur la réponse négative de l’entourage d’un cardinal, ils n’ont pas osé nommer le candidat en question (serait-ce le père Placide Deseille ?) qu’ils ont renvoyé dans son monastère où il pourra réfléchir sur l’esprit uniatisant de ses pères et frères du patriarcat œcuménique.

Le Seigneur voit tout cela, et voit aussi le silence des prêtres et des fidèles qui, à une ou deux exceptions près, ne protestent pas !

Le rapport d’Augustin de Florina manifeste un certain embarras parce que cet évêque connaît parfaitement – et a dénoncé plusieurs fois – toutes les transgressions du patriarcat œcuménique, avec lequel il rompit la communion au temps du patriarche Athënagoras.

Deux aspects de son rapport sont très positifs :

A) Comme le Professeur Androutsos, comme le P. Philotheos Zervakos, et avec eux tant d’autres dans le passé, l’évêque Augustin reconnaît le caractère anticanonique du changement de calendrier accompli par l’archevêque œcuméniste Chrysostome Papadhópoulos en 1924 sous la pression de l’Etat.
Ce changement fut en effet décidé sans l’accord des autres Eglises orthodoxes – qui y étaient majoritairement opposées –, contre les règles conciliaires et canoniques, et aussi à un moment particulièrement tragique pour le peuple orthodoxe (Révolution Russe et catastrophe d’Asie Mineure). Rien ne le justifiait (le changement de calendrier), sinon la volonté de certaines puissances occultes anglo-saxonnes, d’aligner l’orthodoxie sur l’Occident.

B) L’évêque Augustin de Florina remarque très justement aussi que l’une des conséquences de la lutte des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce a été leur séparation d’avec la « redoutable servitude de l’Etat ».

En effet, à cause de sa peu canonique constitution de 1833, inspirée du modèle anglican et russe – tel qu’il existe à partir de Pierre le Grand –, l’Eglise grecque « autocéphale » n’a pas de liberté face à l’Etat. L’évêque de Florina, qui appartient à cette Eglise d’Etat, n’hésite pas à dire ceci : « Nous en sommes arrivés à être esclaves, à obéir à chaque ordre de l’Etat, qui suit des lois contraires au Christ, le Législateur Eternel ». Au contraire, les « vieux calendaristes », « sans le rechercher, ont une Eglise libre et vivante : c’est leur réussite qu’ils doivent garder comme la prunelle de l’œil ».

Ce que ne dit pas Augustin de Florina ici, c’est à quel prix cette liberté a été acquise, puisque l’Etat et son Eglise d’Etat ont persécuté avec violence les vieux-calendaristes (qui ne sont que les gardiens fidèles du seule et vrai calendrier orthodoxe : le julien), leur prenant leurs églises, interdisant l’accès de leurs prêtres dans les universités de Théologie, ne reconnaissant pas les sacrements célébrés par eux, etc. Et si la persécution a été largement réduite après la chute des colonels et avec le retour à la démocratie, elle n’a jamais totalement cessé comme le montre l’affaire de l’archimandrite Chrysostome de Spetsae (Cf La Lumière du Thabor N° 15, p. 102-105).

Après les éloges décernés aux « vieux calendaristes », le Métropolite Augustin de Florina en vient à des critiques plus ou moins fondées :

A) Il fait remarquer que l’Eglise a changé dans son histoire et peut changer les dates des fêtes, et cela indépendamment de l’exactitude des calendriers astronomiques – tous inexacts en fait. Il sous-entend que, de ce point de vue, les vieux calendaristes seraient des opposants à tout changement, des conservateurs de la lettre », etc.

En réalité, personne ne nie que l’Eglise ne puisse organiser son rythme liturgique comme elle l’entend, et c’est certainement en parfaite connaissance de cette possibilité d’adaptation liturgique que Jérémie II réunit les Conciles panorthodoxes de 1583, 1587 et 1593, qui condamnèrent l’usage du calendrier grégorien pour la célébration des fêtes de l’Eglise. Ce qui fut refusé alors, ce ne fut pas le droit qu’a l’Eglise infaillible, réunie en Concile œcuménique, de modifier les fêtes, mais le calendrier du pape Grégoire VII, qui ne satisfaisait pas les orthodoxes, ni astronomiquement, ni canoniquement – parce qu’il était contraire aux règles du Concile de Nicée sur la fixation de la règle de la Pâque –, et qui, enfin, apparaissait comme une nouvelle tentative impérialiste de la papauté contre les orthodoxes.
B) Augustin de Florina reproche ensuite aux Vrais Chrétiens Orthodoxes ce qu’il appelle leur « extrémisme », c’est-à-dire leur refus absolu d’être en communion avec l’Eglise d’Etat grecque.

A cela, il est facile, bien sûr, d’opposer l’extrémisme persécuteur de l’Eglise d’Etat, dont les évêques faisaient appel, pendant la dictature des colonels, contre les évêques et les prêtres « vieux calendaristes », ou bien, le fanatisme uniatisant des évêques de Constantinople dans la diaspora.

Plus profondément, il faut remarquer que la question du calendrier est secondaire aujourd’hui par rapport à celle de l’œcuménisme, pour les Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce. Ce n’est plus simplement l’organisation liturgique de l’Eglise que les évêques « grecs » ont modifiée, mais ce sont les Canons apostoliques qu’ils violent chaque jour sans scrupule, en priant avec les hérétiques, en prêchant « la théorie des branches », ou même, comme c’est le cas en Australie et en Angleterre, un néo-nestorianisme blasphématoire. Curieusement, ce sont les mêmes évêques qui osent parler de canonicité, alors que la canonicité repose d’abord sur le respect des dogmes et des canons ! L’« extrémisme » dénoncé par Augustin de Florina est donc seulement le devoir des vrais orthodoxes, selon les canons, de n’avoir aucune communion avec ces évêques qui transgressent la foi.

C) Augustin de Florina reproche aux V.C.O. de Grèce certaines divisions survenues dans leur sein – et à vrai dire, il n’a pas tort de dire que certains aventuriers se sont introduits dans l’Eglise grecque traditionnelle – profitant, par exemple, de la lutte des vrais confesseurs de l’orthodoxie, pour se « mitrer » et se nommer « Synode des résistants ».

Certes, c’est là un drame, mais qui n’est pas propre aux « vieux calendaristes », la plupart des Eglises étant en proie à des divisions importantes aujourd’hui ; par exemple, il y a trois ou quatre juridictions russes dans Paris.

Le vrai problème est en réalité l’afflux des « vagantes », ces faux évêques, produits marginaux du papisme, qui tentent de rentrer dans l’orthodoxie pour obtenir ainsi une sorte de reconnaissance et d’officialité. Certains de ces imposteurs ont trompé dans le passé l’Eglise V.C.O. de Grèce ; mais avec le temps, ces escrocs, présents en Italie et au Portugal ont été dénoncés et chassés du sein de l’Eglise. Seul en France demeure dans le sud-ouest un « guérisseur » que nous avons dénoncé plusieurs fois. Malheureusement, en France, en Italie et en Espagne, d’autres Eglises (Constantinople, les Serbes, les Polonais, etc.) font ou ont fait la même erreur. Le Métropolite Augustin devrait inciter ces Eglises à préserver leur troupeau de ces aventuriers qui utilisent l’Eglise mais ne la servent pas.

Enfin, dans son rapport, Monseigneur Augustin propose trois solutions possibles à une situation qu’il juge difficile :

1) Le retour de l’Eglise d’Etat au calendrier traditionnel pour que l’Eglise grecque soit fortifiée dans sa lutte contre l’œcuménisme et la papauté. Cette solution est très bonne, mais elle doit être liée à une condamnation claire et nette de la « théorie des branches » ainsi que des évêques ou des prêtres qui prient ou célèbrent avec les hétérodoxes.
2) Réunir un Concile Œcuménique pour régler la question, du calendrier et des « vieux calendaristes », mais ce concile semble difficile à réunir, vue l’influence de l’œcuménisme sur un grand nombre d’évêques. Un tel concile, dominé par les oecuménistes, conduirait, devons-nous ajouter, soit à un « brigandage » – car il serait contraire aux Conciles antérieurs –, soit à une division définitive des évêques, entre unionistes et orthodoxes – c’est-à-dire à un nouveau Concile de Florence, mais quel serait aujourd’hui le Marc d’Ephèse ?

3) La troisième solution proposée par le Métropolite Augustin est une sorte de compromis peu réaliste, les vieux calendaristes reconnaissant l’Eglise d’Etat et celle-ci autorisant un double calendrier. Solution absurde, parce qu’elle ne tient pas compte de l’hérésie de l’œcuménisme et qu’elle introduit une sorte de « haute » et de « basse » Eglise dans l’orthodoxie, à la mode anglicane.

En réalité, seule la première solution montrerait que l’Eglise d’Etat grecque cherche une solution à l’acte anticanonique de 1924 – mais, en réalité, un tel effort n’est guère à attendre d’une Eglise qui, comme le reconnaît le Métropolite Augustin de Florina, est « asservie à l’Etat ».

POURQUOI LES « VIEUX CALENDARISTES »
ne sont pas en communion avec Constantinople.

Certains de nos amis ne comprennent pas pourquoi nous ne sommes pas en communion avec Constantinople ; l’un d’entre eux nous a dit récemment que nous n’étions pas « canoniques » à cause de cela.

En réalité, parce qu’elle ne respecte pas les Canons apostoliques qui sont supérieurs aux évêques et aux synodes, c’est Constantinople qui n’est pas canonique.

L’organisation de la diaspora qui, du fait des émigrations nationales, multiplie à l’heure actuelle, arbitrairement, les évêques dans une même ville, n’est pas non plus canonique ; pas plus que le « comité interépiscopal » qui n’a pas été constitué canoniquement, et qui est surtout une façade, pour les bonnes relations avec les hétérodoxes.

Quoi qu’il en soit, nous reproduisons à l’intention de notre ami lecteur cette lettre du Père Pantéléïmon de Boston adressée à la paroisse Saint-Nectaire de Seattle, dans laquelle il trouvera résumée la position ecclésiologique des vrais chrétiens orthodoxes, les VCO :

« La Grande Eglise du Christ, comme elle se nomme elle-même, le Trône de Constantinople, a été réduite en esclavage par ses propres pasteurs, hélas, et emmenée dans une nouvelle captivité de Babylone. Le fait n’est pas sans précédent dans l’histoire de ce Siège antique et autrefois vénérable. A l’époque de saint Basile le Grand et de saint Grégoire le Théologien, il s’égara dans l’hérésie arienne. Un peu plus tard, son propre Patriarche Nestorius se fit l’auteur de l’hérésie qui porte son nom, et fut à son tour suivi par des Patriarches monophysites et monothélites. Quelques siècles plus tard, le Siège de Constantinople se trouva dans le camp des iconoclastes pendant plus d’un siècle.
Ensuite, ce fut la captivité entre les mains des Latins, lors des Fausses Unions de Lyon au XIIIème siècle et de Florence au XVème siècle, lesquelles, heureusement, furent de courte durée.

Nous n’avons donc pas été surpris, même si nous en avons éprouvé une grande affliction, de voir, en ce siècle, ce même Patriarcat manifester, dans les années 1920, des tendances innovatrices et, depuis ce temps, épouser l’hérésie de l’œcuménisme et la prêcher tête nue. Dans toutes les situations similaires, les vrais fidèles ont été ridiculisés, vilipendés, persécutés. Le clergé resté fidèle fut exilé, jeté en prison, torturé et parfois mis à mort, mais la Foi triompha, selon la promesse de Notre Sauveur.

Par conséquent, en nous séparant de l’Eglise de Constantinople, nous ne créons pas un précédent, mais nous suivons bien plutôt l’exemple légué par nos pères. Nous nous séparons de Constantinople afin de rester orthodoxes, car garder la communion avec les membres de cette Eglise, c’est la garder avec l’hérésie.

Nos adversaires, désireux de justifier leur apostasie et d’apaiser leur conscience, nous accusent de schisme. Mais nous avons la voix limpide de l’Eglise qui nous enseigne ceci :

« Quant à ceux qui, pour cause d’hérésie condamnée par les saints Synodes ou les saints Pères, rompent la communion avec leur évêque parce qu’il prêche publiquement l’hérésie et l’enseigne tête nue dans l’Eglise, ceux-là ne sont pas passibles de sanction canonique pour leur refus de communier avec ce pseudo-évêque, avant même qu’un jugement synodal ait eu lieu ; au contraire, ils sont dignes de recevoir l’honneur qui leur est dû parmi les Orthodoxes. Car ce ne sont pas des évêques, mais de faux évêques et de faux docteurs qu’ils condamnent, et loin de briser l’unité de l’Eglise par le schisme, ils font tout, au contraire, pour préserver l’Eglise des schismes et des divisions » (Canon 15 du Concile Premier-Second de Constantinople).

Nous nous sommes séparés des « faux évêques » et des « faux docteurs » qui « prêchent l’hérésie publiquement et l’enseignent tête nue dans l’Eglise ». C’est à cause de son hérésie et de son apostasie, et pour nulle autre raison, que nous avons rompu avec l’Eglise de Constantinople ; comme nous l’avons rappelé ci-dessus, nos ancêtres se sont séparés de cette Eglise à cause des hérésies christologiques – arianisme, nestorianisme, monophysisme, monothélisme –, plus tard à cause de l’iconoclasme et de l’uniatisme. De même aujourd’hui, nous avons rompu toute communion à cause de l’hérésie ecclésiologique de l’œcuménisme et du syncrétisme, « refusant de communier », selon les termes du Canon cité, avec cette Eglise « avant qu’un jugement synodal ait eu lieu ». Et il ne fait aucun doute que Constantinople « prêche publiquement l’hérésie et l’enseigne tête nue dans l’Eglise », sans vergogne. Car du fait de ses multiples et diverses innovations, à commencer par la réforme du calendrier, en continuant par la levée des anathèmes de 1054, puis, par la participation comme membre organique au Conseil Mondial des Eglises, ainsi que l’acceptation synodale de la confession blasphématoire de Thyatire, et aussi la prédication en paroles et en actes de l’hérésie de l’œcuménisme, et enfin la présence de certains de ses membres…
…– depuis le Patriarche jusqu’aux laïcs – dans des loges maçonniques, l’Eglise de Constantinople est véritablement et ouvertement dans l’hérésie et dans l’apostasie.

Nos adversaires nous disent que nous n’avons pas d’amour, que nous faisons preuve d’orgueil et de pharisaïsme. Et cependant, quel est cet amour sans la vérité qu’ils prêchent ? Parce que nous aimons notre Sauveur et notre foi, parce que nous n’aimons pas le mensonge et l’erreur, on nous accuse de manquer d’amour. N’en a-t-il pas toujours été ainsi ? Quiconque se bat pour sa foi est considéré comme orgueilleux, pharisien, manquant d’amour et de compréhension.

Mais leur amour à eux, de quelle espèce est-il ? C’est un amour vide, sentimental, irrationnel, selon la chair et non selon l’Esprit. Ce n’est pas l’amour-sacrifice de notre Sauveur qui nous a enseigné « l’obéissance jusqu’à la mort, et la mort de la Croix ». Leur amour est comme un non-voyant qui dirait à un voyant : « Tu ne m’aimes pas, car si tu m’aimais, tu te crèverais les yeux et tu deviendrais comme moi. Donc, quand tu seras aveugle toi aussi, je saurai que tu m’aimes pour de vrai ». Le malheur n’aime pas être seul. Mais l’amour véritable nous commande de garder nos yeux afin de pouvoir nous aider nous-mêmes et aider notre prochain. Voilà pourquoi nous aimons la foi comme la prunelle de nos yeux : nous l’estimons même plus précieuse que le sens de la vue et que notre propre vie.

Le monde nous en veut, parce qu’après des milliers d’années, il se trouve toujours des croyants pour accepter la foi donnée une fois pour toutes aux saints – vrais Israélites qui, du fait de leur foi, se séparent des nations ; et le monde nous engage à pervertir notre foi, à la mutiler, afin que nous nous mêlions aux nations, et que nous menions la même vie qu’elles. Ceux qui auraient dû être nos pasteurs ont rallié l’Egypte et sont devenus de nouveaux pharaons, qui emploient contre nous les arguments du Grand Inquisiteur et se font menaçants si nous n’obtempérons pas. Mais nous avons refusé d’être « appelés fils » de ces nouveaux pharaons, « aimant mieux être maltraités avec le peuple de Dieu que d’avoir pour un temps la jouissance du péché ». Nous regardons, en effet, « l’opprobre du Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l’Egypte ». C’est « par la foi » que nous avons « quitté l’Egypte, sans être effrayés de la colère du roi ; car nous nous montrons fermes, comme voyant celui qui est invisible » (Cf Hébreux 11, 24-27), notre véritable Roi.

Ils nous accusent d’être hérétiques. Or nous n’avons ni ajouté ni retranché quoi que ce soit à notre foi. Contrairement à eux, nous ne nous donnons pas pour des « réformateurs » (diorthôtai) de la foi, nous voulons simplement en être les « gardiens » (têrêtai). A. présent, ils nous menacent, nous les orthodoxes, d’un nouveau Concile Œcuménique, comme au temps du Concile de Florence, de sinistre mémoire, et ils nous rappellent les châtiments et les condamnations canoniques décidés par les Conciles Œcuméniques contre ceux qui oseraient contrevenir à leurs décrets. Mais nous répondons par la voix de notre Père dans les Saints, Marc d’Ephèse qui, dans des circonstances analogues, déclara :

« Les Conciles ont condamné ceux qui ne voulaient pas obéir à l’Eglise, et persistaient dans des opinions contraires à sa doctrine. Je n’exprime pas mes propres opinions, je n’introduis aucune nouveauté dans l’Eglise, je ne soutiens pas non plus l’erreur, quelle qu’elle soit.
Mais je préserve fermement la doctrine que l’Eglise a reçue du Christ, notre Sauveur, qu’elle a toujours gardée et continue de garder… Et qui peut parler contre cette doctrine ou la renverser ? Si je reste inébranlable dans cette confession et que je refuse de la rejeter, qui oserait me juger comme hérétique ? Vous devrez d’abord juger la doctrine que je défends ; mais si elle est unanimement acceptée comme sainte et orthodoxe, comment se pourrait-il que je passe en jugement ? »

Nos nouveaux Uniates, pseudo-évêques et faux docteurs, se sont à ce point fourvoyés hors de la saine doctrine, prisonniers qu’ils sont des latins et des protestants, qu’ils foulent aux pieds tous les canons et tous les enseignements relatifs à l’unité et à l’unicité de l’Eglise et de ses saints mystères. Et c’est nous qu’ils taxent d’hérésie, parce que nous rejetons les doctrines nouvellement introduites de la « théorie des branches » et de la présence de la grâce du sacerdoce, du saint baptême et de l’eucharistie en dehors de l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Ils sont devenus si étrangers à l’orthodoxie, et ont atteint un tel état de confusion, qu’ils vomissent le poison de leur hérésie et de leurs doctrines immondes, reçues à l’école des ténèbres et de l’impiété, comme si elles étaient l’enseignement orthodoxe, tandis qu’ils flétrissent comme hérétique la pure et saine orthodoxie.

Comme notre séparation d’avec eux trouble leur conscience, ils nous disent que nous nous sommes excommuniés nous-mêmes et placés de notre propre chef sous l’anathème en refusant la communion avec eux. « Vous n’êtes pas en communion avec l’orthodoxie mondiale » nous disent-ils.

Cet argument prouve qu’ils ont perdu la mentalité et l’ecclésiologie orthodoxes. En vérité, ils raisonnent à la manière des papistes.

Si notre évêque est orthodoxe et que nous sommes orthodoxes dans nos paroisses respectives, alors nous sommes unis avec tous les orthodoxes où qu’ils soient, passés, présents et futurs ; alors nous sommes en communion avec tous les sièges anciens et vénérables, pourvu seulement qu’ils aient gardé l’orthodoxie. Mais si d’aventure nous ne sommes pas orthodoxes dans nos paroisses locales, alors nous ne communions pas au Corps et au Sang de Notre Sauveur. Dès lors, tous les orthodoxes du monde – ou comme disent certains « l’orthodoxie mondiale » – ne sont plus rien pour nous. Si, en revanche, nous sommes orthodoxes mais que les sièges anciens et vénérables ont cessé de l’être, comme ce fut le cas à l’époque de saint Maxime le Confesseur, alors, quel profit retirerions-nous de la communion avec eux ? Si nous sommes orthodoxes et qu’ils ne le sont pas, il s’ensuit nécessairement que nous ne sommes pas en communion avec eux, et que toute communion avec eux compromettrait notre orthodoxie.

C’est pourquoi nous ne nous laissons ni intimider ni effrayer par leur argument que « nous ne sommes pas en communion avec l’orthodox.ie mondiale ». Au contraire, absolument convaincus que Constantinople et ceux qui partagent ses sentiments se trouvent dans l’hérésie et tombent sous le coup des interdictions et des anathèmes qu’ils ont la folle prétention d’avoir levés, nous répondons par la bouche de notre saint Père, saint Marc d’Ephèse, qui, peu avant sa dormition, dit, parlant du patriarche de Constantinople qui régnait alors :

« Je ne désire ni n’accepte en aucune manière et en aucun cas la communion avec lui ou avec ceux qui sont en communion avec lui, ni en cette vie, ni après ma mort, tout comme je n’accepte ni l’union, ni les dogmes latins, que lui et ses partisans ont acceptés, et pour la promotion desquels il a été nommé à la charge suprême de l’Eglise, avec pour mission de renverser les dogmes authentiques de l’Eglise. Je suis absolument convaincu que plus je m’éloigne de lui et de ses semblables, plus je m’approche de Dieu et de tous les saints ; plus je me sépare d’eux, plus je suis en union avec la vérité et avec les saints Pères et théologiens de l’Eglise. J’ai aussi la conviction que ceux qui les rejoignent se trouvent hors de la vérité et loin des bienheureux docteurs de l’Eglise. C’est pourquoi je tiens à dire que, tout comme j’ai été séparé d’eux durant ma vie, de même, à l’heure de mon exode, et aussi après ma mort, je m’abstiens de tout rapport et de toute communion avec eux. Je désire et je commande qu’aucun d’entre eux n’approche ma dépouille ou mon tombeau, et, de même, qu’aucun des nôtres ne tente de les rejoindre et de concélébrer avec eux dans un office divin, car se serait mêler ce qui ne saurait l’être. Il convient qu’ils soient totalement séparés de nous jusqu’à ce que Dieu accorde à son Eglise paix et restauration ».

Soyons donc vigilants, chrétiens bien-aimés, et fermes dans notre sainte foi. Nous sommes un peuple de pécheurs, tous tant que nous sommes, et nous confessons le Sauveur, le Fils de Dieu, venu dans le monde sauver les pécheurs dont nous sommes les premiers, mais nous n’avons ni dédain ni mépris pour notre foi et notre tradition. Nous n’avons d’autre espérance, sur la mer démontée de l’existence, que l’ancre de la foi et l’arche du salut, dont Notre Seigneur Lui-même est le pilote et le timonier. Nous adversaires veulent nous confondre et nous intimider, en nous traitant de « secte », nom que nous a donné un de leurs évêques outre-atlantique, et un de leurs éminents théologiens, de ce côté-ci de l’océan. Mais sans nous laisser intimider par leurs accusations et leurs insultes, nous nous souviendrons plutôt d’un incident semblable, survenu dans la vie de saint Paul, l’Apôtre des Gentils. Vers la fin de son séjour terrestre, lorsqu’il fut pour la dernière fois chargé de chaînes et emmené prisonnier à Rome, il demanda lui-même à parler aux chefs de la communauté juive de Rome et leur adressa ces paroles :

« Hommes frères, sans avoir rien fait contre le peuple ni contre les coutumes de nos pères, j’ai été mis en prison à Jérusalem et livré, de là, entre les mains des Romains… Voilà pourquoi j’ai demandé à vous voir et à vous parler ; car c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte cette chaîne ». Ils lui répondirent : « Nous n’avons reçu de Judée aucune lettre à ton sujet, et il n’est venu aucun frère qui ait rapporté ou dit du mal de toi. Mais nous voudrions apprendre de toi ce que tu penses, car nous savons que cette secte rencontre partout de l’opposition ». (Actes 28, 17-22)

Puissions-nous, frères et sœurs, dès à présent et au Jour du Jugement, être jugés dignes de compter parmi les membres de la secte dont saint Paul était, cette secte « qui rencontre partout de l’opposition ». Quant à nos adversaires, laissons-les appartenir à la synagogue prestigieuse et « canonique » de « l’orthodoxie mondiale ». Si Paul, cet ange dans la chair, en appartenant au Christ notre Sauveur, était un sectaire, alors cela nous est une joie et un honneur que d’être sectaires nous aussi et d’appartenir à la même secte.
Notre saint Père David, le Roi Prophète, ne s’écrie-t-il pas dans un psaume : « Je préfère être un misérable sur le seuil de la maison de mon Dieu plutôt que d’habiter sous les tentes de la méchanceté » (Ps. 83,11).

LA PAPAUTÉ, INSTITUTION FÉODALE
et le serment des évêques à leur suzerain.

Lors de la mort du pape Paul VI, le Père Ambroise Fontrier, dans la Catéchèse Orthodoxe, notait le caractère féodal de l’institution qu’il symbolisait :

« J’ai vu les cardinaux, tels des vassaux, fléchir les genoux et prêter serment d’allégeance à leur suzerain. Devant ce spectacle, j’ai compris l’étonnement des orthodoxes, quand ils vinrent à Ferrare (concile latin de Florence) au XVème siècle, pour une ultime tentative d’union et qu’ils n’y trouvèrent pas en Occident les traces de l’ancienne Eglise des Romains. On exigea d’eux le baise-pied du pape… je compris aussi que la papauté n’avait plus rien à voir avec l’Eglise du Credo, des saints Pères, de la sainte Tradition et des saints Conciles, qu’elle était devenue une institution temporelle, une forme religieuse féodale, fondée et imposée à l’Occident par les Franks après la conquête de l’Ancienne Rome et de son évêché ».

Nous rappelons ces paroles, parce que la papauté fait signer désormais à ses prêtres et à ses évêques une profession de foi comportant un serment de fidélité au pape – le suzerain universel.

Souhaitons que l’Occident fasse enfin sa « Nuit du 4 Août » spirituelle, et abolisse ce dernier donjon, ce reste attardé de la féodalité franque qu’est la papauté dans son organisation profonde.

L’ÉVOLUTION DOGMATIQUE
du patriarcat de Moscou

Les spécialistes des pays de l’Est insistent tous sur l’évolution tant politique qu’ecclésiastique du patriarcat de Moscou du fait de la perestroïka. Désormais, l’Eglise soviétique semble pouvoir regarder sa propre histoire avec une certaine honnêteté.

Chacun, bien sûr, voit cette évolution à sa façon : les partisans du compromis de 1927 avec l’Etat – les sergianistes –, expliquent que c’est grâce à l’attitude du métropolite Serge et de ses successeurs que l’Eglise a pu survivre jusqu’à sa « renaissance » d’aujourd’hui. Les adversaires du sergianisme sont divisés entre une grande majorité de l’émigration qui reconnaît de plus en plus la légitimité de l’Eglise soviétique, et un plus petit nombre qui n’accorde aucun crédit à une hiérarchie totalement asservie à l’Etat communiste.

Cette dernière tendance a pu trouver dans le dernier numéro du journal d’information Keston News des raisons supplémentaires de s’inquiéter. Il y est, en effet, annoncé que le responsable des affaires religieuses, Constantin Kharchev, dans une interview finalement non publié, a affirmé que les chefs de l’Eglise soviétique sont particulièrement réticents à appliquer la perestroïka…
… et à profiter de la nouvelle situation – ce qui confirmerait les liens des hiérarques soviétiques avec la classe communiste la plus conservatrice.

Récemment aussi, le journal Orthodox Christian Witness, reproduisait l’interview d’un ancien agent du K.G.B., transfuge passé à l’Ouest qui dénonçait les liens de cette police avec l’épiscopat soviétique.

Quoi qu’il en soit, ce qui nous frappe particulièrement, ce sont moins les changements politiques, qui sont le propre de l’Histoire, que la très rapide évolution dogmatique du patriarcat de Moscou.

Avant la dernière Guerre, et encore en 1948, malgré le sergianisme, l’Eglise soviétique gardait une position dogmatique plutôt orthodoxe, surtout hors de Russie ; en France en particulier, autour de la Confrérie Saint Photios, puis du Messager de l’Exarchat, s’était groupée une école théologique vivante et favorable au retour à la tradition patristique, dont les figures les plus connues ont été Léonid Ouspensky, Vladimir Lossky, Grégoire Krug, Eugraph Kovalevsky, etc.

Cette école était combattue par une partie de l’émigration russe qui lui reprochait son intransigeance dogmatique.

L’une des batailles les plus intéressantes de ce conflit théologique porta sur les œuvres du Père Serge Boulgakov, de l’Institut Saint-Serge à Paris. Par deux décrets, datés de septembre et de décembre 1935, le Métropolite Serge de Moscou condamnait comme hérétique et gnostique la pensée de Boulgakov. Ce dernier répondit que Serge ne comprenait pas sa pensée et qu’il attendait des jours meilleurs : « Je veux croire que ce n’est pas là le dernier mot de l’Eglise mère au sujet du travail théologique de toute ma vie. J’attends le moment où mes ouvrages seront enfin accessibles au monde orthodoxe russe, tant aux évêques qu’aux prêtres et aux fidèles ». Vers la même époque, le Synode de Karlovic condamnait aussi Boulgakov, tant par la bouche du métropolite Antoine Khrapovitzky, que par celle des évêques Théophane de Poltava, Séraphim de Bulgarie et Jean Maximovitch. En France, Lossky publiait une longue et sévère étude : La controverse sur la Sophia, qui n’a pas encore été publiée en français à ce jour.

Quant à Ouspenski, il a gardé une confession de foi très stricte jusqu’à sa mort survenue il y a peu.

Cette position était encore celle de l’Eglise soviétique au concile de 1948, où furent surtout abordées les questions ecclésiologiques, où la papauté fut dénoncée comme anti-chrétienne et le dialogue œcuménique, alors à ses débuts, vivement critiqué, etc.

Peu à peu toutefois, cette confession de foi orthodoxe fut abandonnée : l’Eglise soviétique est activement présente dans l’œcuménisme, et dans des réunions comme celle d’Assise. Certes la pression de l’Etat joue ici son rôle, mais l’évolution n’est pas seulement ecclésiologique, comme le montre très bien le n° 116 de 1988, du Messager de l’Exarchat, où sont traduits les articles de plusieurs évêques soviétiques.
Tout d’abord, les théoriciens de la sophiologie, Florenski et Boulgakov, y sont traités comme des autorités théologiques, et même Soloviev semble y être considéré avec respect. Aussi, l’évêque Vladimir de Rostov écrit : « L’ecclésiologie du Père Serge Boulgakov fait partie intégrante de son système dogmatique grandiose par la largeur de sa conception et par la profondeur de sa vision théologique et reçoit son expression la plus complète dans la troisième partie de sa grande Théologie Dogmatique ».

Le Métropolite Philarète de Kiev semble aussi admettre l’idée d’un dépassement de la théologie patristique au profit de « problèmes contemporains « (p. 15).

L’évêque Michel de Vologda soutient une théologie de la rédemption augustinienne et scolastique.

Contrairement, sur ce point, au Métropolite Serge, la théologie du très scolastique Pierre Moghila n’est guère critiquée par l’évêque Vladimir etc.

Et l’on trouverait de nombreux autres exemples.

Supposons même que l’Eglise soviétique acquière, à la faveur de la perestroïka, une certaine indépendance, la question se posera alors vivement de sa confession de foi et de l’orthodoxie de sa théologie.

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