vendredi 28 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°34. Saint grégoire Palamas. Lettre à Xénie, Moniale.

SAINT GREGOIRE PALAMAS



LETTRE A XENIA LA MONIALE



I

Pour ceux qui veulent vivre dans le silence total, la fréquentation des laïcs et même celle des moines est préjudiciable, parce que l'union permanente et plus que douce avec Dieu se trouve alors interrompue, et aussi parce que l'intellect, en qui réside le moine vrai et intérieur, se trouve scindé en deux et quelquefois même en beaucoup de morceaux. Un Ancien à qui l'on demandait pourquoi il fuyait les hommes, a répondu : «C'est parce que je ne puis être en même temps avec Dieu et avec mes semblables».
Un autre Ancien exprime la même idée et ajoute que non seulement le commerce, mais aussi la seule vue des hommes, peut nuire à la permanence du silence, chez ceux qui gardent le silence de la pensée.
On peut aller plus loin et dire encore que le fait d'attendre ou de fréquenter quelqu'un trouble l'intellection de l'âme. De même, celui qui écrit, encombre son âme de préoccupations, et s'il est un de ceux qui sont avancés et que la santé de son âme lui ait permis d'atteindre l'amour pour Dieu, son amour pour Dieu agit, certes, pendant qu'il écrit, mais de loin et confusément. S'il est de ceux que font souffrir les maladies de l'âme et les passions -comme moi en vérité-, et qui devrait crier sans cesse à Dieu : «Guéris mon âme, car j'ai péché contre toi», mieux vaut pour lui ne pas prendre la plume avant que d'être guéri, et ne pas abandonner la prière, pour vaquer, libre, à une autre occupation.
Celui qui écrit, s'entretient, en somme, en écrivant, avec des personnes absentes ; ses écrits, qui lui survivent après sa mort, touchent, avec le temps, un grand nombre de lecteurs, et parmi eux bien des indésirables.
C'est pourquoi bon nombre de grands Pères hésychastes n'ont rien voulu écrire, bien qu'ils fussent en mesure de dire des choses utiles et bienfaisantes.
Moi, si pauvre par rapport à la science des Pères, j'avais pris l'habitude d'écrire, quand cela m'était imposé. Et ceux qui ont lu, avec les yeux de l'envie, certaines de mes oeuvres, ont tout fait pour me nuire et ont détruit, en moi, toute envie d'écrire. Ces gens-là sont, selon saint Denys l'Aréopagite, pathologiquement influencés par les lettres de l'alphabet, les lignes et les syllabes sans substance, les termes indéfinis, incapables d'accéder à la partie intellective de leur âme. Il est vraiment insensé et inqualifiable de vouloir théologuer, en prêtant son attention aux seuls mots et non à l'essence et à l'objet des termes.
Je sais que c'est en toute justice que j'ai subi ces attaques, non pour n'avoir pas écrit en accord avec les Pères saints -grâce en soit rendue à mon Christ, cela apparaît dans mes écrits- mais parce que j'ai voulu traiter des sujets dont je n'étais pas digne.
Peut-être ai-je tenté, comme un autre Zan, de retenir par la parole, le char de la Vérité près de se renverser ? Toujours est-il que mon châtiment n'était pas la mesure de la colère de Dieu, mais une pédagogie bien modérée, l'effet de mon indignité ; c'est pourquoi il n'a pas été permis à mes adversaires de m'anéantir. Peut-être n'étais-je pas digne, incapable que je suis -cela va de soi- de souffrir pour la Vérité, de communier, dans la joie, aux souffrances des saints.
Quoi donc, saint Jean Chrysostome, dont le corps est resté incorruptible, qui est uni à l'Eglise céleste des Premiers-nés, qui, plus que nul autre, a écrit avec autorité et clarté, qui a été si grand, n'a-t-il pas été coupé de l'Eglise, n'a-t-il pas été exilé, accusé de partager et de propager les hérésies d'Origène ? Le coryphée des Apôtres du Seigneur ne dit-il pas que les ignorants de son temps «tordaient» pour leur propre ruine, le sens des passages difficiles des épîtres du grand Paul1 ?
Et moi, pour de petits ennuis, suscités par mes adversaires, condamnés pourtant par des Conciles, j'avais décidé de ne plus rien écrire, quand tu es venue, ô Presbytre sacrée, me prier, par tes lettres et tes suppliques et me convaincre de t'envoyer encore des homélies et des exhortations, à toi qui n'as nul besoin de cela. Par la grâce du Christ, tu possèdes, avec ton âge avancé, une grande sagesse, fruit de la lecture des préceptes sacrés de la Loi que tu as pratiquée pendant de longues années partagées entre l'obéissance et l'hésychie. Ces préceptes ont poli le vase de ton âme et l'ont rendu capable de recevoir et de garder les divines empreintes. Telle est en effet la nature de l'âme captivée par l'amour de l'enseignement spirituel et dont la Sagesse a dit : «Ceux qui me mangeront auront encore faim2». Et le Seigneur, qui met ce désir dans l'âme, a aussi dit de Marie qui avait choisi «la bonne part», qu'elle «ne lui serait jamais enlevée3».

II

Le péché et la mort de l'âme

Les paroles que je t'adresse, peut-être conviendront-elles aussi aux filles du Grand Roi4, qui vivent dans le Seigneur, sous ta conduite et ta sagesse, en particulier que tu tiens de tes origines, ô toi qui désires épouser Celui qui donne la Vie (le Christ), et que tu imites, (comme Lui qui nous a imités en prenant notre forme), en te plaçant au rang des novices, qui ont besoin d'être enseignées. Et moi, qui ne possède pas les paroles adéquates, par obéissance et faisant la volonté de Celui qui a dit de "donner à qui nous demande5" je vais, par amour du Christ, m'acquitter de ma dette.
Sache donc, o Presbytre sacrée, et que par toi, les vierges qui ont choisi de vivre selon Dieu l'apprennent aussi, que la mort existe même pour l'âme créée pour être immortelle, comme l'a dit le Théologien bien-aimé : "Tel péché conduit à la mort, tel autre ne conduit pas à la mort6".
Par mort, il entend celle de l'âme. Et le grand Paul ajoute que "l'affliction, selon le monde, engendre la mort" de l'âme7 ; et aussi : "Réveille-toi, toi qui dors ; lève-toi d'entre les morts et le Christ t'éclairera8." A quels morts ordonne-t-il de se lever? A ceux que les désirs de la chair "mobilisés contre l'âme" ont fait mourir. C'est pourquoi le Seigneur appelle morts, ceux qui vivent dans la vanité de ce monde ; il n'a pas permis au disciple qui le lui demandait, d'aller ensevelir son père, mais Il lui a dit de laisser les morts (selon l'âme) ensevelir les morts (selon le corps9).
Le Seigneur appelle donc "morts" ceux qui vivent corporellement mais dont l'âme est déjà morte ; la séparation de l'âme d'avec le corps, est la mort du corps, et la séparation de l'âme d'avec Dieu, est la mort de l'âme ; la vraie mort est donc celle de l'âme.
Dieu a parlé de cette mort, quand Il a dit à Adam, encore dans le paradis : "Le jour où tu mangeras du fruit de l'arbre interdit, tu mourras de mort10". Dès la transgression, l'âme d'Adam, séparée de Dieu, est morte, bien qu'Adam ait vécu, corporellement, jusqu'à l'âge de neuf cent trente ans11.
La mort de l'âme, due à la transgression, rend l'âme inutile ; elle fait de l'homme un maudit, elle remplit son corps de passions, de tribulations, le fait corruptible et le livre, à la fin, à la mort. Ce n'est qu'après la mort de l'homme, fruit de la transgression, qu'Adam devenu terre, a entendu ces paroles : "Que la terre soit maudite... et tu retourneras à la terre12".
Si lors du Second Avènement que nous attendons et de la Résurrection des Justes, les corps des impies et des pécheurs seront ressuscités, c'est pour être livrés à la "seconde mort13", au châtiment éternel, au ver qui ne dort jamais, aux grincements de dents, aux ténébres extérieures et palpables, à la flamme obscure et inextinguible de la géhenne du feu. Le prophète Jérémie l'a annoncé : "Les impies et les pécheurs seront brûlés ensemble et nul ne pourra éteindre14...»
Voilà la "seconde mort" que Jean nous a révélée, avec précision, dans l'Apocalypse (20,24). Ecoute ce que dit aussi le grand Paul : "Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si par l'Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez15" Rom.8,13. Par vie et par mort, il entend l'éternelle ; la vie c'est la jouissance du royaume éternel, la mort c'est le châtiment éternel.
La trangression du commandement divin, a été la cause d'une double mort : celle de l'âme et celle du corps, dans le temps présent et dans celui du châtiment qui sera sans fin.
La vraie mort, c'est quand l'âme se sépare de la grâce divine pour s'unir au péché. A cause des châtiments de la géhenne, cette mort est horrible et répugnante aux yeux de ceux qui sont sages, repoussante pour les hommes sensés. De toutes nos forces, fuyons donc cette mort.
Rejetons tout, abandonnons tout, rompons avec les relations, les oeuvres, les désirs, en un mot, avec tout ce qui nous retient sur la terre, qui nous sépare de Dieu et qui constitue cette mort.
Celui qui craint la mort éternelle et qui garde son âme exempte de tout péché, n'a pas à craindre la mort naturelle, parce que la vie de la grâce, qui est permanente en lui, ne lui sera pas ôtée lors de la mort naturelle. La mort de l'âme c'est la vraie mort et la vie de l'âme c'est la vraie vie.



III

La vie de l'âme et son union avec Dieu


La vie de l'âme, c'est son union avec Dieu. Depuis la transgression des protoplastes nos ancêtres, l'âme séparée de Dieu se meurt, mais par l'obéissance aux commandements, elle s'unit, à nouveau, à Lui et recouvre la vie. Le Seigneur l'a dit dans l'Evangile : "Les paroles que je vous dis, sont esprit et vie" Jn.6,63, et l'apôtre Pierre qui savait cela par expérience, lui a répondu : "Tu as les paroles de la vie éternelle" Jn 6,68. Pour ceux donc qui obéissent, ces paroles sont des paroles de vie, et pour les transgresseurs, le commandement de vie devient cause de mort, selon l'enseignement de Paul Rom.8,10. Les apôtres qui étaient la bonne odeur du Christ, étaient pour les indignes une odeur de mort et pour les dignes, une odeur de vie. 2Cor.2,16. Cette vie, n'est pas seulement celle de l'âme, elle est aussi celle du corps, qu'elle rendra immortel par la Résurrection ; elle ne délivre pas, simplement, de la mortalité, mais aussi de la mort "définitive", c'est-à-dire du châtiment éternel ; elle donne au corps la vie éternelle en Christ, exempte de douleur, de souffrance, de tristesse, en un mot, la vraie vie immortelle.
Comme par la transgression et le péché, la mort du corps a suivi celle de l'âme, que l'homme est retourné à la terre, pour redevenir poussière, et qu'après la mort du corps, l'âme s'est condmanée à l'Enfer, de même, après la Résurrection de l'âme, qui est le retour à Dieu, par l'obéissance aux commandements divins, viendra la résurrection du corps, qui sera, à nouveau, uni à l'âme. Cette résurrection sera suivie de la vraie incorruptibilité. Devenus spirituels de charnels qu'ils étaient, les dignes entreront dans l'éternité de Dieu pour y vivre comme les anges de Dieu.
Paul dit que "nous serons enlevés sur les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs et que nous serons ainsi avec le Seigneur" IThes.4,17. Comme pour le Fils de Dieu, qui par amour des hommes s'est fait Homme, qui est mort, que son âme s'est séparée de son Corps, sans que la Divinité le quitte (c'est elle qui a ressuscité son Corps et l'a reçu en gloire dans les cieux), il en sera de même pour ceux qui sur la terre, auront tout fait pour plaire à Dieu. Ceux qui quittent leur corps, sans s'être séparés de Dieu, le récupéreront, lors de la résurrection, ils seront avec lui près de Dieu, et pleins de joie indicible, entreront avec lui, là où "Jésus est entré pour nous en Précurseur" Hebr.6,20, pour jouir de la gloire future qui sera révélée en Christ. Ils participeront, non pas à la seule Résurrection du Seigneur, amis aussi à son Ascension et communieront à sa vie divine.
Il n'en sera pas de même, pour ceux qui sur la terre, auront vécu dans le péché, à l'heure de la mort hors de la communion avec Dieu, ils ressusciteront, eux aussi, "chacun selon son propre rang", comme Paul nous l'a enseigné.
Celui qui mortifié ici-bas, aura par la grâce de l'Esprit, les actions coupables du corps, vivra avec le Christ, éternellement, la vraie vie divine. Par contre, celui qui aura mortifié, sur la terre, la grâce du Saint Esprit, par les désirs et les passions de la chair, sera, hélas! condmané avec l'auteur et la cause du mal ; il sera livré au châtiment insupportable, inconcevable en horreur, de la "seconde mort" définitive.
Où donc a commencé la mort réelle qui a apporté à l'âme comme au corps et la mort provisoire et la mort éternelle? N'est-ce pas dans l'enceinte de l'Eden, dans le Paradis de Dieu, d'où l'homme, hélas! a été chassé, pour avoir préféré la vie qui portait la mort, la vie qui ne pouvait s'harmoniser avec les cinditions divines du Paradis?
En conséquence, la vie réelle qui a apporté à l'âme et au corps la vie vraie et immortelle, devait également commencer sur cette terre de la mort. Celui qui, dès ici-bas, n'aura pas tout fait pour acquérir cette vie en son âme, qu'il ne s'abuse pas, en croyant qu'il l'obtiendra là-haut, en espérant qu'il obtiendra lors du jugement, l'amour de Dieu pour les hommes. Ce jour là sera celui de la minifestation et de châtiment et non celui de la compassion et de la clémence ; ce sera celui de la colère, de la juste rétribution de Dieu, où son bras fort et exalté sera étendu" Is.5,25, pour frapper les rebelles. Malheur à celui qui tombera entre les mains du Dieu Vivant. Malheur à celui qui, en ce jour-là, éprouvera la colère du Seingneur, qui n'aura pas connu, dès ici-bas, par la crainte divine, la force de sa colère, qui n'aura pas acquis, par ses oeuvres, la certitude, dans l'Esprit-Saint, d'avoir obtenu l'amitié de Dieu pour les hommes, car c'est à cette fin que le temps de la vie présente nous a été donné.



IV

LA VIE PRESENTE C'EST LE TEMPS DE LA PENITENCE.


Avec la vie, Dieu nous a donné la possibilité de faire pénitence, car quel bien l'homme tirerait-il d'une vie éphémère, s'il devait, en péchant, la perdre sur le champ?
Aussi ne faut-il pas désespérer, même quand le Malin, par ses machinations diverses, conduit au désespoir, non seulement ceux qui sont indifférents ou négligents, mais quelquefois aussi, ceux qui luttent.
Tout pécheur qui veut retourner à Dieu et qui voit sa vie prolongée, peut être assuré qu'il sera bien acueilli, parce que, répétons-le, le temps de la vie présente est celui de la pénitence ; car dans la liberté du vouloir, qui coexiste, en permanence, avec la vie présente, se trouve le choix de la voie qui mène à la vie ou à la mort, décrite plus haut et chacun peut choisir à sa guise.
Il n'y a donc pas lieu de désespérer, si pour tous et en tout temps, il est possible, quand bien sûr on le veut, d'acquérir la vie éternelle. Vois-tu la grandeur de l'amour de Dieu pour les hommes? Il ne nous punit pas de suite, comme cela serait juste, dès que nous transgressons sa volonté, mais il patiente en nous offrant le temps de faire pénitence.
Pendant la durée de sa longanimité, Il nous donne, si nous le voulons bien, de devenir des fils de Dieu. Qu'entends-je par cette adoption? Nous unir à Lui, devenir un seul esprit avec lui. Quand bien même, au cours de sa longanimité, nous marcherions dans la voie contraire, préférant la mort à la vraie vie, Dieu ne nous enlèverait pas la possibilité qu'Il nous a donnée, d'être sauvés.
Non seulement, Il ne nous l'ôte pas, mais encore Il nous appelle à nouveau, Il part à notre recherche et cela du matin jusqu'au soir de la vie, pour nous ramener aux oeuvres de la vie, comme dans la parabole de la vigne. Qui donc est Celui qui nous appelle et qui nous promet un salaire comme à des ouvriers? C'est le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, le "Dieu de toute consolations" 2Cor.1,3. Quelle est la vigne où Il nous envoie travailler? C'est le Fils de Dieu qui a dit : "Je suis la vigne". Nul, en effet, ne peut aller au Christ, si le Père ne l'y appelle pas, comme Lui-même l'a dit dans l'Evangile, Jn.6,44. Qui sont les sarments? Les sarments c'est nous. ecoute encore le Même le dire : "Vous êtes les sarments et mon Père est le vigneron". Jn 15,1.
Le Père donc, par le Fils, nous réconcile avec Lui, en pardonnant nos fautes et en nous appelont, non comme des pécheurs qui agissent en insensés, mais comme des oisifs, bien que l'oisiveté soit un péché. Car nous aurons à rendre compte de toutes les vaines paroles que nous aurons dites, et que la Sainte Ecriture appelle "paroles oiseuses" Mat.12,36. Mais, comme je l'ai dit, Dieu ferme les yeux sur les péchés du passé de chacun de nous, et nous appelle sans relâche et avec insistance.
Que nous demande-t-il? De travailler dans la vigne de prendre soin des sarments, c'est-à-dire de nous mêmes. Puis, ô immensité inconcevable de son amour pour les hommes, Il nous promet une rétribution qu'Il nous accorde, même quand nous travaillons pour notre propre compte. Venez, dit-Il, recevoir la vie éternelle, que je vous offre richement. A vous qui avez désiré recevoir de moi la vie éternelle, je rétribue même la fatigue due à votre route, comme si j'étais votre débiteur personnel.
Qui ne doit pas un tribut à Celui qui l'a délivré de la mort? Qui ne manifeste pas sa reconnaissance à Celui qui lui a donné gratuitement la vie?
En outre, le Seigneur promet de payer à l'avance un salaire ineffable. Il dit, en effet : "Je suis venu pour qu'ils aient la vie, qu'ils l'aient en abondance" Jn.10,10. Quelle est cette abondance"? C'est le Christ qui vit avec eux et qui en plus en fait ses frères et ses cohéritiers. Cette "abondance", c'est également - cela est clair - le salaire qu'Il donne à ceux qui se sont hâtés d'aller travailler à sa vigne vivifiante, qui sont devenus des sarments, qui se sont fatigués qui se sont eux-mêmes cultivés.
Qu'ont-ils fait? Tout d'abord, ils ont émondé ce qui était superflu et nuisible et qui ne portait pas de fruit digne du grenier divin. Quels en sont les obstacles? La richesse, les plaisirs, la vaine gloire, tout ce qui ne dure pas et qui passe, toute passion répugnante et mauvaise de l'âme ou du corps, toute pensée orgueilleuse de l'esprit, tout ce qui frappe l'oreille ou la vue, toute parole, tout spectacle nuisible à l'âme. Car si on n'émonde pas, si on ne purifie pas, avec soin le coeur de tous ces dragons, il est impossible de produire du fruit pour la vie éternelle.



V

MARIAGE ET VIRGINITE


Ceux qui vivent dans le mariage peuvent, eux aussi, atteindre la pureté supérieure, mais, il faut le dire, avec beaucoup de difficulté. Ceux qui dès leur jeunesse, ont trouvé grâce devant Dieu, qui ont entrevu, par le regard pénétrant de l'esprit, la vie éternelle et se sont épris de ses biens, ceux-là renoncent au mariage, car, selon la parole du Seigneur, "à la résurrection, les hommes ne prendront point de femmens, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu", Mat.22,30. Donc, celui qui désire devenir ange de Dieu, semblable aux fils de la résurrection, doit se placer au-dessus de l'union des corps. D'ailleurs la cause du péché des ancêtres a été la femme. Gen.3,1.
Ceux donc qui ne veulent pas donner prise au diable, renoncent, en toute liberté, au mariage. On ne doit jamais perdre de vue, que notre corps se porte difficilement vers la vertu pour se soumettre à elle, que par sa nature même il s'y oppose, que nous l'avons toujours avec nous ; que nous arrivera-t-il, si sur la voie de la vertu, nous multiplions les embûches en nous unissant à des corps nombreux et diverss?
Comment celle qui prend mari, qui a des enfants et une famille, pourra-t-elle lutter pour acquérir la liberté de l'âme? Comment celle qui s'est chargée d'un grand foyer, pourra-t-elle prier sans tracas le Seigneur? Comment celle qui vit au sein de la multitude, jouira-t-elle de la sérénité de l'âme?
La vierge véritable, la fiancée de celui qui est vierge né de la Vierge, de l'Epous de tous ceux qui vivent la vraie virginité, évite le mariage charnel, fuit parents et amis, afin de dire avec assurance avec l'apôtre Pierre : "Voici, nous avons tout quitté pour te suivre". Lc.18,28.
Si la fiancée terrestre quitte son père et se marie pour s'attacher à un époux mortel, qu'y a-t-il alors d'anormal, qu'une vierge quitte, conformément à l'Ecriture, ses parents, pour l'Epoux qui n'est pas de ce monde et pour son Palais nuptial?
Comment celle dont la "cité" (ph.3,20, est dans les cieux, peut-elle avoir une parenté sur la terre? Comment aurait-elle un père et une mère selon la chair, des parents selon le sang, alors qu'elle n'est plus enfant de la chair mais du Saint-Esprit?
Comment la vierge qui a renoncé à tout lien charnel, qui lutte de toutes ses froces pour dominer son corps, comment après avoir renoncé à la vie selon la chair, paut-elle avoir des rapports avec d'autres corps? Si la ressemblance et la parenté créent l'amour, selon l'ancien proverbe : "ceux qui se resssemblent s'assemblent", comment la vierge retournera-t-elle à des liens charnels et se remettra--t-elle à aimer le monde? Paul, le nymphostole, le décorateur du Palais Nuptial, a dit que "l'amitié pour le monde était inimitié envers Dieu" Rom.8,6. En conséquence, la vierge risque non seulement d'être séparée de son Fiancé qui n'est pas de ce monde, et même de devenir son ennemie.
Ne t'étonne pas, ne te trouble pas, si l'Ecriture ne blâme pas les mariés qui ont souci des affaires de ce monde et non de celles de Dieu et si elle interdit, par contre, à celles qui ont promis à Dieu de rester vierges, d'entretenir des rapports avec le monde et de vivre dans le bien-être corporel. Ce que Paul dit à ceux qui sont mariés "que le temps est court ; que désormais ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas... et que ceux qui usent du monde comme n'en usant pas... ICor.7,29, est, selon moi, plus pénible que pour ceux qui luttent dans la virginité. L'expérience démontre que le jeûne et plus facile que l'abstinence d'aliments et de boissons qui procurent du plaisir.
On peut dire, en toute vérité et en toute justice, que si on veut être sauvé, on doit savoir que la vie dans la virgininté est plus bienfaisante et plus facile que dans le mariage. A celui qui ne s'intéresse pas au salut de son âme, nous n'avons rien à dire.



VI

AUCUNE PARENTE CHARNELLE
POUR LA FIANCEE DU CHRIST


Mais laissons tout cela de côté, o vierge fiancée au Christ, o sarment du Cep de la Vie, et pense à ce qui vient d'être dit plus haut. "Je suis le vrai cep et vous êtes mes sarments, a dit le Seigneur. Mon Père est le vigneron. Tout sarment qui porte du fruit en moi, Il l'émonde afin qu'il porte davantage de fruit" Jn.15,1. Tiens ces paroles pour preuve de l'amour du Christ pour toi ; Il prend soin du fruit de ta vie virginale. Réjouis-toi dans l'amour de ton Fiancé et efforce-toi de lui plaire en exécutant avec le plus grand zèle, ses commandements. L'or mêlé à l'airain est altéré, mais l'airain doré ne devient que plus beau et plus brillant. Ainsi en est-il de toi, o vierge, quand les femmes mariées envient ta vie et aiment ta vertu, c'est pour elles, une gloire et un honneur ; mais quand toi, tu envies la leur, c'est pour toi un déshonneur. Tu désires retourner dans le monde, pour partager la vie de ceux qui vivent dans le monde, toi morte au monde ; tu voudras alors ce qu'ils désirent pour eux-mêmes et leurs proches : l'abondance des biens, la richesse, le nom, la gloire et les réjouissances et, inévitablement, tu périras loin de ton Fiancé.
Dans l'Evangile, le Christ déplore tout cela, quand Il dit : "Malheur à ceux qui sont reches ; malheur à ceux qui rient, malheur aux rassasiés, malheur à ceux que les hommes honorent" Lc.6,26.
Comment les plaint-t-il? En disant qu'ils sont morts en leur âme. Quelle parenté peut-il y avoir entre la Fiancée à la Vie et les morts? Quel rapport entre ceux qui cheminent sur des coies opposées? Elle est "large et vaste" Mat.7,13, en effet, la voie qu'ils parcourent ; et s'ils ne s'arrêtent pas, quelque peu, sur le chemin glissant pour imiter quelque aspect de ta vie ascétique, ils perdront totalement leur âme.
Toi, tu entres dans la Vie par la voie, par la "porte étroite et affligée" Mat.7,13. Il est impossible de passer par la voie, par la "porte étroite et affligée", sans déposer le poids de la gloire, des plaisirs effrénés, le fardeau de l'argent et des biens.
Ne considère pas exempte d'afflictions, la voie de la vie dite large ; elle est parsemée de grands malheurs ; le Seigneur l'appelle large et spacieuse "parce que nombreux sont ceux qui la parcourent", portant sur leurs épaules tout un amas de choses matérielles. La voie qui est la tienne, o vierge, est étroite" et deux hommes ne peuvent y marcher côte à côte.
Après avoir découvert ces vérités et envié ta vie qui est au-dessus du monde, beaucoup de femmes mariées, devenues veuves, ont aussitôt renoncé au monde, pour suivre ta voie et recevoir, comme toi, la même couronne. Ce sont ces veuves que Paul recommande d'honorer, ces veuves qui persévèrent dans la prière et la supplication et qui ont mis en Dieu toute leurs espérance. ITim.5,3.
Si dans la vie monastique telle chose te paraît pénible, elle est néanmoins source de consolation et procure le Royaume des cieux et le salut. Les joies comme les afflictions du monde, sont porteuses de mort ; la tristesse du monde, dit Paul, produit la mort, tandis que la tristesse selon Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais" 2Cor.7,10.



VII

BIENHEUREUX LES PAUVRES EN ESPRIT.


Le Seigneur appelle "heureux", le contraire de ce que le monde appelle bon ; "bienheureux", dit-Il, les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux". Mat.5,3.
- Pourquoi après avoir dit : "Bienheureux les pauvres, ajoute-t-Il, en esprit?
- C'est pour montrer son estime et son amour pour la modestie de l'âme.
- Pourquoi n'a-t-Il pas dit : "Bienheureux ceux dont l'esprit est pauvre", ce qui indiquerait, également, l'idée de modestie, mais "Bienheureux les pauvres en esprit"?
- C'est pour nous apprendre que la pauvreté, dans le corps, est également bienheureuse et qu'elle nous procure le Royaume des Cieux, à condition bien entendu, qu'elle accompagne l'humilité de l'âme, qu'elle lui soit unie et qu'elle prenne sa source en elle.
En proclamant "bienheureux" les pauvres en esprit, le Seigneur a clairement indiqué la cause, la racine de la pauvreté qui fut celle des saints, c'est-à-dire leur esprit humble. Dès que l'esprit des saints reçoit la grâce de la prédication évangélique il fait jaillir de lui-même les eaux abondantes de la pauvreté spirituelle, qui arrosent "toute la face de notre terre" Gen.2,6, autrement dit l'homme extérieur, le transformant en paradis de vertus. Cette pauvreté, Dieu la proclame bienheureuse Lc.6,20. Le prophète dit que le Seigneur a donné, sur la terre, une sentence brève Is.5,23, c'est-à-dire qu'Il a révélé le pourquoi de la pauvreté volontaire aux multiples aspects ; par cette "béatitude" des pauvres en esprit, Il a indiqué et inclu, en ces quelques mots, la cause qui l'engendre et, du même coup, l'a préservée de toute falsification. Car on peut être volontairement pauvre et extérieurement humble et retenu, mais pour en tirer la vaine gloire humaine, ce qui n'est plus la pauvreté en esprit. L'hypocrisie qu'engendre l'orgueil est totalement le contraire de l'esprit de pauvreté. Celui dont l'esprit est humble, modeste, contrit, ne peut cacher la richesse de son humilité, ni l'empêcher de se manifester au dehors, parce qu'il se considère indigne de la gloire, de la richesse et du bien-être. Celui qui se considère indigne des honneurs, du bien-être corporel est vraiment et pleinement pauvre en esprit, et Dieu le proclame bienheureux. "Bienheureux les pauvres", dit Luc le divin, 6,20, sans ajouter "en esprit" ; ceux-la ont entendu, ont suivi et ont imité le Fils de Dieu qui a dit : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur et vous trouverez le repos de vos âmes" Mat.19,24 ; ceux-la sont les "cohéritiers du Christ" Rom.8,17, le "Royaume de Dieu est à eux".


VIII

LES TROIS PARTIES DE L'AME ET LES PASSIONS.


L'âme est tripartite, formée de trois forces : rationelle, irascible et concupiscible. Malade dans ses trois parties, le Chrits venu pour la guérir, a commencé par soigner la dernière, c'est-à-dire la partie concupiscible, parce que le désir non satisfait enflamme la colère, et quand l'âme souffre dans sa partie irascible et concupiscible, la pensée (dianoia) ne peut plus fonctionner sainement. Tant que la partie concupiscible n'est pas guérie, les parties irascible et rationelle ne peuvent l'être ; de même, la rationelle ne pourra fonctionner logiquement, tant que l'irascible et la concupiscible ne seront pas guéries.
Si on examine bien, on trouvera que l'amour de la possession des biens est le fruit mauvais, le premier de la partie concupiscible. L'amour des biens n'est pas engendré par le désir humain de posséder ce qui est nécessaire à la vie, ce qui est bien naturel. L'amour des biens, comme celui de l'argent, l'avarice, est engendré plus tard, à l'âge de l'enfance et ceci prouve que l'avarice n'a pas son principe dans la nature, mais bien dans la mauvaise disposition, et c'est fort justement que l'apôtre Paul appelle l'amour de l'argent, "la racine de tous les maux". ITim.6,10.
L'avarice ou amour de l'argent engendre les maux suivants : la manque de pitié, l'exploitation, le vol, l'injustice, en un mot toute sorte de cupidité que Paul appelle "deuxième idolâtrie".
Il y a d'autres maux qui bien que n'étant pas engendrés par l'amour de l'argent, par l'avarice, sont nourris par lui, existent par lui. Toutes ces passions, engendrées par l'amour de la matière sont des passions-maladies de l'âme, quand celle-ci manque d'ardeur pour les oeuvres bonnes. Ces maladies dues à la mauvaise disposition, sont plus faciles à guérir que celles qui viennent de la nature.
Le manque de foi en la Providence de Dieu, rend les maladies dues à l'amour de l'argent difficiles à rejeter ; car quiconque ne croit pas en la Providence divine, s'appuie sur l'argent. Alors qu'il entend le Seigneur dire : "Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux", il ne tient aucun compte du royaume des cieux qui est éternel et se met à désirer la richesse terrestre et instable. La nature de cette richesse est telle, que ceux qui la désirent, même quand ils ne la possèdent pas, nuisent à leur âme. Paul le dit clairement : "Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation et les pièges du diable" ITim.6,19. Même quand la richesse existe, c'est comme si elle n'était pas. Ceux qui n'ont pas la richesse et la désirent, ignorent son néant.
Ce redoutable amour de la richesse ne vient pas de l'état de pauvreté, c'est plutôt la pauvreté qui vient de l'amour de la richesse, amour engendré par la folie ; aussi le riche de l'Evangile qui voulait détruire ses greniers et en construire de plus grands, a-t-il été qualifié d'insensé par Jésus notre Maître commun Lc.12,18. En effet, est insensé et manque de sagesse, celui qui pour sa richesse inutile trahit le salut de son âme. Le Seigneur a dit : "que la vie ne dépendait pas de l'abondance des biens" Lc.12,15.



IX

L'ESPRIT DE L'AVARE EST MORT.


N'aurait-il pas mieux fait de résuire ses nécessités personnelles pour augmenter le capital d'un commerce aussi prospère que celui de la culture de ses champs? Culture qui, bien avant le temps de la moisson, avait multiplié par cent les semences confiées à la terre, réalité qui annonce, à l'avance, les bénéfices qui seront révélés au temps de la moisson. et ce qui est plus étonnant, c'est que plus le semeur est pauvre, plus ses semences augmentent.
En conséquence, ceux qui veulent s'enrichir, ne peuvent même pas dire, pour se justifier, que c'est pour de bons motifs. Ils ne croient pas en Christ qui a dit : "Cherchez d'abord le royaume et la justice de Dieu et tout cela vous sera donné de surcroit" Mat.6,33. Ils craignent la pauvreté qui leur sert de prétexte pour ne pas briser leur désir malade et corrompu de la richesse, même quand celle-ci est grande. Ils amassent sans cesse surchargent leurs épaules de fardeaux inutiles, et transportent, durant toute leur vie, un étrange sépulcre. On ensevelit les morts dans la terre commune, mais l'esprit de l'avare est déjà enseveli "vivant" sous l'or qui est aussi de la terre ; pour ceux qui possèdent l'odorat spirituel, son sépulcre sent plus mauvais que les sépulcres des morts. Plus on jette de l'or dans ce sépulcre, plus il sent mauvais, plus mauvais que les corps recouverts de terre ; la puanteur monte jusqu'au ciel, jusqu'aux anges de Dieu, jusqu'à Dieu. Ils sont haïs de Dieu à cause de leur odeur fétide, Dieu se détourne d'eux, et c'est d'eux que la psalmiste a dit : "Ils sont devenus puants à cause de leur folie". Ps.37,6.
La pauvreté volontaire qui ne cherche pas à plaire aux hommes, la pauvreté en esprit proclamée bienheureuse par le Seigneur, nous délivre de cette maladie dégoûtante et mortelle. Le moine qui souffre de la passion de l'avarice, ne peut se soumettre à l'obéissance ; s'il y persévère, il risque des maladies incurables envoyées par Dieu. Dans l'Ancien Testament, nous avons l'exemple de Guézi, et dans le Nouveau celui de Judas. Le premier fut tout entier couvert de lèpre pour que son âme inguérissable fut révélée, 4Rex.5,27 ; le second s'est pendu dans le champ du sang: "Cet homme ayant acquis un champ avec le salaire du crime est tombé, s'est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues" Act.I,18.
Si le renoncement précède la soumission, comment peut-on se soumettre, si auparavant on n'a pas renoncé à tout ? Si le fondement et le présupposé de la vie monastique c'est la non-possession, la pauvreté, comment alors le moine qui n'aura pas renoncé à l'argent, pourra-t-il livrer des combats spirituels? Comment l'impropre à l'obéissance, pourra-t-il trouver le repos dans sa cellule et se livrer à la seule prière? Le Seigneur n'a-t-Il pas dit : "Là où est ton trésor, là aussi sera ton esprit" Mat.6,2 ? Comment celui qui amasse des trésors sur la terre pourra-t-il fixer, spirituellement, ses regards sur le Christ assis "à la droite de la majesté dans les cieux?" Comment pourra-t-il hériter du Royaume auquel sa passion lui interdit de penser ? "Bienheureux, en vérité, les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux". Vois-tu combien de passions le Seigneur a extirpé, avec une seule béatitude ?

X

LES DEUX FORMES DE LA VANITE.


En signalant l'amour pour la matière, comme passion première des mauvais désirs, nous n'avons pas tout dit. Il est une autre passion que l'on doit éviter davantage et une troisième, non moins grave dans le mal. Quelle est cette seconde? L'amour de la gloire. En grandissant en âge, et avant que ne s'éveille l'amour de la chair, très tôt apparaît l'amour de la gloire, commencement de l'amour pour la chair. Je parle maintenant ce cette forme de l'amour de la gloire, qui consiste dans la beauté du corps, dans le luxe des vêtements, et que les Pères appellent la vaine gloire de ce monde. L'autre forme de cette passion, concerne les hommes vertueux, que l'ennemi manoeuvre par l'hypocrisie et l'orgueil, pour leur ravir et dissiper la richesse spirituelle qu'ils ont amassée.
Ces passions peuvent être parfaitement guéries quand la moniale pense à la gloire céleste et qu'elle se met à la désirer, tout en se considérant indigne, quand elle accepte, comme mérités et avec patience, les outrages qui lui sont faits, quand elle préfère, par dessus tout, la gloire de Dieu à la nôtre, disant avec le psalmiste "non pas à nous, non pas à nous, mais à ton Nom donne gloire" ps.113,9. Si elle découvre en elle quelque vertu, qu'elle l'attribue aussitôt à Dieu, qu'elle lui rende gloire avec reconnaissance. A la pensée qu'elle a reçu de Dieu cette vertu, comme un don, qu'elle n'a rien à elle, elle se réjouira sans tomber dans l'orgueil.
En outre, elle s'humiliera, en élevant, jour et nuit, vers Dieu, les regards de son esprit, comme "la servante qui porte ses regards sur les mains de sa maîtresse" pour parler comme le psalmiste, ps.122,2, dans la crainte d'être séparée de Celui qui seul dispense la vertu et la conserve, et de tomber dans le gouffre du mal, comme ceux qui se laissent mener par les pensées de l'orgueil et de la vaine gloire.
La guérison de ces deux passions s'obtient par l'anachorèse, l'ascèse personnelle, le séjour dans sa cellule. On doit aussi sentir la fragilité de son choix et penser qu'on est indigne de la société des autres hommes. Qu'est-ce que tout cela, si ce n'est la pauvreté en esprit que le Seigneur a proclamé bienheureuse?
Si on considère la honte qui accompagne la passion de la vaine gloire, on la fuiera de toutes ses forces. Désirer la gloire qui vient des hommes, c'est tomber dans l'obscurité, par la même voie qui mène à cette gloire. Prendre soin de son visage, se vanter de ses origines nobles, de ses beaux vêtements, etc... c'est faire preuve de puérilité d'esprit. Tout cela n'est que poussière et quoi de plus pauvre que la poussière de la terre? La moniale qui n'utilise pas son habit monastique pour se couvrir et se protéger des intempéries, et que attire la délicatesse et la somptuosité des vêtements, révèle à son entourage, la stérilité de son âme, et la conduite indécente des "courtisanes". Qu'elle écoute donc Celui qui a dit : "Ceux qui portent des habits précieux, sont dans les maisons des rois" Mat.XI,8, et "Notre cité à nous est dans les cieux" dit l'apôtre Paul aux Philippiens 3,20. N'allons pas, pour des vêtements stupides, nous faire expulser du ciel et habiter les demeures du prince des ténèbres du siècle présent.



XI

SUBTILE EST LA PASSION DE PLAIRE AUX HOMMES.


C'est pourtant ce qui arrive à tous ceux qui s'exercent aux vertus, pour la seule gloire humaine. Les appelés à la "cité des cieux", hélàs! "couchent leur gloire dans la poussière de la terre" ps.7,1, et "se revêtent de malédiction" selon David ; leur prière ne monte pas au ciel. Privés de l'amour divin qui élève au cien les bonnes actions faites sur la terre, leurs efforts spirituels restent ici-bas. Ils se donnent beaucoup de peine et ne récoltent pas de fruit, ou s'ils en récoltent, c'est celui de la confusion, de l'instabilité des pensées, de la captivité de l'intelligence et du trouble de l'âme. "Dieu dispersera les os de ceux qui plaisent aux hommes, dit David ; ils ont été confondus, car Dieu les a rejetés" ps. 52,6.
De toutes les passions qui nuisent à l'âme, celle qui nous porte à plaire aux hommes est la plus subtile. Qui lutte contre elle, ne doit pas se contenter d'en rejeter seulement les combinaisons et les consentements, mais encore considérer l'attaque de celle-ci comme un acquiescement et s'en garder autant qu'il le peut. Il évitera ainsi, de justesse, la blessure que lui ferait la flèche rapide de la pensée ; s'il est sobre, l'attaque de la pensée deviendra pour lui cause de contrition, sinon il cèdera à l'orgueil. Celui que l'orgueil précipite, se révèle difficilement. Sa chute est quasi incurable, parce que diabolique.
Précédent l'orgueil, la passion qui nous porte à plaire aux hommes est si néfaste, qu'on risque de faire naufrage loin de la foi, comme le Seigneur l'a dit : "Comment pouvez croire en moi, vous qui cherchez la gloire des hommes et non pas celle qui vient de Dieu seul?" Jn.5,44.
O homme, que t'apporte la gloire humaine? Un nom sans contenu, qui de surplus engendre l'envie, le meurtre en puissance. N'est-ce pas l'envie qui a provoqué le premier meurtre, celui d'Abel puis le déïcide, la crucifixion du Dieu-Homme?
La vaine gloire, qu'apporte-t-elle à la nature humaine? La conserve-t-elle, la garde-t-elle, la ramène-t-elle dans sa voie s'il lui advient de dévier et la soigne-t-elle? Personne, certes, ne peut soutenir cela. Je pense que cette passion qui ne porte aucun bien en elle est une déviation. en examinant, rigoureusement, la vaine gloire, on découvre en elle une foule d'absurdités ; souvent elle couvre de honte ceux qui la chérissent et met au jour leurs mobiles, malgré les philosophes païens qui croyaient que sans l'amour de la gloire, on ne pouvait rien faire de grand dans la vie. Quelle erreur! Et ils n'ont pas eu honte de soutenir de telles choses?
Nous, nous n'avons pas reçu le même enseignement. Nous avons, pour témoin de nos actes, le Nom que nous portons, qui est au-dessus de tout nom, celui du Christ, qui a chrismé, par amour et par Lui-même tout le genre humain. Nous portons nos regards sur le Christ et tout ce qui nous faisons, nous le faisons par sa force et pour Lui. "Faisant tout pour la gloire de Dieu", comme Paul le conseille, nous ne tenons absolument pas à plaire aux hommes et nous ne leur plaisons pas du tout ; le même Paul le parfait connaisseur du Christ et notre législateur, dit aussi : "Si je cherchais à plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ." Gal. 1,10.
XII

LA GLOUTONNERIE ET L'ESPRIT MALADE.


Voyons maintenant, si la troisième progéniture du désir mauvais, peut être traitée par la bienheureuse pauvreté. Le troisième rejeton de l'âme qui souffre de concupiscence c'est la gloutonnerie, qui engendre toute sorte d'impureté charnelle. Pourquoi la plaçons-nous au troisième et dernier rang, bien qu'elle soit innée en nous?
La gloutonnerie n'est pas seule innée en nous ; il y a aussi la froce naturelle d'engendre qui se manifeste même chez les enfants encore à la mamelle. Pourquoi plaçons-nous le désir charnel en dernier lieu? Parce que ces passions, naturelles chez l'homme, ne sont pas coupables ; Dieu qui est Bon les a créées, pour que par elles nous marchions dans la voie des oeuvres bonnes. En conséquence, elles ne sont pas des indices d'une âme malade, mais peuvent le devenir par l'abus et non par l'usage. Si "nous prenons soin de la chair, pour en satisfaire les convoitises", Rom.13,14, la passion devient alors mauvaise, elle devient source d'autres passions charnelles et l'amour du plaisir se transforme en maladie de l'âme.
Et l'esprit est le premier à souffrir de tout cela parce que c'est dans la pensée que les passions coupables prennent leur élan, c'est du coeur que les pensées mauvaises jaillissent, celles qui "souillent l'homme" Mat.15,19. Avant l'Evangile, la Loi de Moyse a dit : "Prends garde à toi-même, et qu'aucune parole secrète ne devienne iniquité dans ton coeur" Deut.15,9. Si l'esprit commence à se mouvoir avec malice, il introduire, en lui, des images de corps sensibles et se disposera, coupablement, envers elles. L'impreeesion des images dans l'esprit, se fait par les yeux, qui peuvent accomplir le péché de très loin, s'ils ne "voient" pas correctement ; la preuve éclatante nous est donnée par Eve notre mère originelle. Elle a tout d'abord vu que l'arbre était "beau à la vue et bon pour la connaissance" Gen.3,6 ; ensuite son coeur a consenti, puis elle a fini par touvher et à goûter à l'arbre interdit.
Nous avons donc raison de dire que l'action des passions honteuses est le résultat de l'empire exercé, sur nous, par la beauté des corps, un prélude au péché ; aussi la sagesse des Pères, recommande-t-elle "de ne pas examiner la beauté des corps des autres" Sir.9,8, et de ne pas s'éprendre de la nôtre.
Sans l'intervention passionnée, les passions naturelles, que l'on voit même chez les petits enfants, ne concourent pas au péché mais à la conservation de la vie ; elles ne sont donc pas mauvaises. Les passions de la chair deviennent coupables quand elles prennent leur source dans l'esprit malade ; c'est donc lui, en conséquence, qu'il convient de soigner le premier. Ce n'est pas en attaquant la seule flamme qu'on éteint le feu d'un incendie, mais en attaquant la matière combustible qui nourrit le feu et qui perd aussitôt de sa force. Il en est de même pour les passions impudiques. Si tu n'assèches pas leur source interne, par la prière et l'humilité, mais seulement par le jeûne et la mortification de ton corps, tu peineras en vain.



XIII

LA GUERISON PAR L'HUMILITE ET LA PRIERE.


En sanctifiant la racine par l'humilité et la prière, comme on vient de le dire, tu possèderas aussi la sanctification extérieure. C'est cela que signifient, me semble-t-il, les paroles de l'apôtre : "Tenez ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture" Eph.6,14. Un des pères disait avec une profonde sagesse, qu'il s'agissait de la partie contemplative de l'âme, qui serrait et liait le concupiscible et les passions qui sont au-dessous de la cienture. Il faut tenir son corps en brides, en rationner avec mesure la nourriture, pour qu'il ne soit pas rebelle, plus fort que l'esprit souverain, mais soumis à lui. en conséquence, rien ne guérit les passions de la chair, si ce n'est la mortification du corps et la prière faite avec humilité de coeur qui est la pauvreté en esprit appelée par le Seigneur bienheureuse Mat.5,3.
Celui qui veut amasser la richesse de la sanctification "sans laquelle personne ne verra le Seigneur" Hebr. 12,14, qu'il reste dans sa cellule dans la macération et la prière faite avec humilité, la cellule du vrai moine est le havre de la chasteté ; car tout ce qui se passe à l'extérieur, sur les places publiques et dans les panégyries est un pêle-mêle impudique, fait de spectacles et de paroles indécents qui souillent la pauvre âme du moine qui va et vient. tu peux appeler aussi le monde du vice un feu dévorant, dont la matière est faite de ceux qui y vivent et qui réduit en cendre toutes leurs vertus. Le feu qui ne consume pas se trouve au désert Ex.3,2.
Toi donc, reste dans ta cellule comme dans un désert, cachée pour un peu de temps, jusqu'à ce que passe l'hiver des passions. L'hiver une fois passé, le moine ne court plus grand risque dans le va et vient à aller et venir dans le monde. Tu seras alors vraiment pauvre en esprit, tu régneras sur tes passions et porclamée, glorieusement, bienheureuse par le Seigneur qui a dit : "Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux". Et comment ne seraient-ils pas appelés, en toute justice, bienheureux, tous ceux qui n'ont pas fondé leur espérance sur l'argent mais sur le Christ ; tous ceux qui n'ont pas cherché à plaire aux hommes mais au Christ seul ; tous ceux qui ont vécu devant Dieu dans la pauvreté volontairement et sans gloire, dans la macération et l'humilité?
Devenons donc pauvres, humbles en esprit, mortifiant notre chair, nous privant des réjouissances de la vie, afin d'obtenir le Royaume de Dieu, d'atteindre les bienheureuses espérances et d'hériter du Royaume des cieux.
Dans cette béatitude, sommaire général institué dans l'Evangile du salut, le Seigneur a non seulement inclu, en une sentence, une foule de vertus, mais aussi extirpé une foule de vices, en appelant "Bienheureux", ceux qui, par la pénitence, allaient circoncire la partie passive de leur âme. Il a aussi inclu beaucoup d'autres choses, sans rapport avec cette circoncision, mais non sans analogie avec le froid, la gelée, la neige, le givre et les vents violents ; en un mot, toutes les épreuves que les plantes subissent pendant l'hiver et l'été, dues au froid et à la chaleur et sans lesquelles aucune d'elles ne pourrait porter du fruit.




XIV

LE SENS DES EPREUVES.


Qu'est-ce donc que tout cela? Ce sont les épreuves de l'existence que l'on doit accepter avec actions de grâces, si l'on veut offrir des fruits spirituels à Celui qui cultive les esprits. Si le pépiniériste protégeait ses jeunes plants des vicissitudes des temps, en les couvrant, en les abritant et en ne les laissant pas exposés au froid et à la chaleur, il ne récolterait, malgré sa peine aucun fruit ; les plants de jeunes arbres ont besoin des intempéries des saisons. L'hiver et ses rigueurs passés, le printemps arrive, les jeunes arbustes bourgeonnent, fleurissent, donnent des feuilles puis des fruits verts, qui sous l'effet de la chaleur du soleil, grossissent, mûrissent et enfin, prêts pour être cueillis.
De même, celui qui n'aurait pas porté, avec courage, le poids écrasant des afflictions, ne pourra apporter aux pressoirs de Dieu des fruits dignes d'être serrés dans le grenier éternel, même s'il a acqui toutes les vertus. C'est par la patience dans les douleurs volontaires et involontaires, les unes venant de l'extérieur, les autres de l'intérieur, que l'homme zélé se parfait.
Ce que les plantes de la terre subissent dans les variations naturelles des temps et par l'art de cultivateur, nous aussi, sarments raisonnables du Christ, nous devons le subir volontairement, nous soumettant, avec notre libre arbitre, à Celui qui cultive nos âmes. Sans la patience dans les épreuves librement acceptées, la cacopathie volontaire, elle-même pratiquée dans l'ascèse, ne pourra nous obtenir la bénédiction divine. Notre amour pour Dieu, se prouve surtout dans l'affliction inhérente aux épreuves. Ce n'est qu'après avoir appris à supporter, volontairement, les cacopathies et s'être habituée à mépriser les plaisirs et la gloire, que l'ême pourra alors supporter les attaques indépendantes d'elle et recevoir la bénédiction divine.
Celui qui par esprit de pauvreté méprise la gloire et les voluptés et se considère débiteur des remèdes efficaces de la pénitence, doit toujours s'attendre à être affligé ; il endure toute épreuve, comme méritée et même s'en réjouit sachant qu'elle contribue à la purification de son âme. Il accueille les adversités qui l'accablent et en fait un sujet de supplication contrite et bienfaisante ; il pense que toute tentation lui apporte et concerne la santé de son âme. Non seulement il endure tout sans rancune, mais il pardonne aussi à ceux qui l'affligent, reconnaît leurs dons et prie pour eux comme s'ils étaient ses bienfaiteurs ; ses péchés lui sont pardonnés, selon la parole du Seigneur (Mat.6,14) ; le Royaume des cieux lui est donné avec la bénédiction divine et pour avoir été humble et longanime jusqu'au bout, dans l'esprit de pauvreté il est proclamé "bienheureux".
Après avoir exposé, en peu de mots, certains traits de la circoncision spirituelle, nous en ajouterons quelques autres qui concernent l'abondance des fruits qui en découle. Puis, Dieu le seul Bienheureux, fera participer à la béatitude les affligés qui auront, par leur pauvreté en esprit, acquis la richesse que personne ne pourra leur ravir, en leur disant : "Bienheureux les affligés, car ils seront consolés".



XV

L'AFFLICTION ET LA PAUVRETE EN CHRIST.


Pourquoi, demanderas-tu, le Christ a-t-il joint l'affliction à la pauvreté?
- Parce que l'affliction accompagne toujours la pauvreté. La tristesse due à la pauvreté, selon ce monde, "produit la mort de l'âme" dit l'apôtre, tandis que la tristesse qui vient de la pauvreté en Dieu, "produit une pénitence dont on ne se repend jamais pour le salut de l'âme" 2 Cor.7,10. De la pauvreté involontaire, indépendante de notre volonté, vient l'affliction, également, involontaire ; de la pauvreté volontaire, librement consentie, vient, nécessairement, l'affliction volontaire, elle aussi librement consentie. L'affliction appelée ici "Bienheureuse" est liée à la pauvreté selon Dieu, en elle, elle a sa cause et d'elle, elle dépend ; d'elle, elle tient d'être spirituelle et voulue. Voyons maintenant, comment la pauvreté bienheureuse produit l'affliction bienheureuse. Il y a quatre sortes de pauvreté spirituelle dont nous avons parlé plus haut : la pauvreté de l'esprit, la pauvreté du corps, la pauvreté dans les biens temporels et la pauvreté dans les épreuves qui frappent de l'extérieur.



XVI

L'UNITE DES DIVERSES FORMES DE LA PAUVRETE


Que personne ne pense, à la suite de l'énumération que nous venons de faire, que la pauvreté selon Dieu est divisée en son essence et en son application. Non, il y a unité profonde de ces diverses formes enfermées dans une seule béatitude, preuve évidente que c'est bien notre esprit qui est la cause et la racine de ces diverses formes. En recevant la grâce de la prédication évangélique, notre esprit devient, comme on l'a dit, une source de pauvreté qui arrose la face de notre terre Gen.2,6, c'est-à-dire la face de l'homme extérieur, faisant de lui un paradis de vertus.
Il y a donc quatre formes de pauvreté spirituelle : chacune d'elle engendre l'afflication correspondante et la consolation qui l'accompagne.
De la pauvreté du corps, volontairement humilié par la faim, la soif, la veille, la fatigue, la souffrance qui contractent les sens, vient l'afflication et jaillissent les larmes. Si, le bien-être, le relâchement, la molesse du corps engendrent souvent l'insensibilité et l'endurcissement du coeur, l'abstinence modérée et tempérée prosuit, elle, le brisement et la contrition du coeur, qui écartent toute amertume et apportent la joie pleine de douceur ; sans le brisement du coeur, a dit quelqu'un, il est impossible d'être délivré du mal.
L'âme délivrée de l'amertume du péché, par la contrition, reçoit, en retour, le contentement spirituel, cette consolation par laquelle le Seigneur proclame "bienheureux" les affligés Mat.5,14.
Jean qui a dressé, pour nous, avec ses homélies "l'Echelle Spirituelle", dit que du coeur contrit par la soif et les veilles, jaillissent les larmes et que celui qui aura subi cette épreuve, rira du rire bienheureux, qu'il sera consolé comme le Seigneur l'a promis Mat.5,4.

LA CAUSE DE L'AFFLICATION BIENHEUREUSE QUI provient de la pauvreté corporelle aimée de Dieu, est celle dont on a parlé plus haut. Maintenant, comment naissent la pensée de la crainte de Dieu et la divine humilité de l'âme? Voici :



XVII

LES PREALABLES DE LA CRAINTE DIVINE
ET DE L'HUMILITE


Le blâme de soi accompagne toujours l'humilité : au début, il conduit celle-ci à la crainte du châtiment, il met sous ses yeux les terribles tourments décrits par le Seigneur dans l'Evangile, lesquels, à l'idée qu'ils sont inimaginables, inconcevables, n'en deviennent que plus terribles et leur éternité ajoute à leur horreur. La damnation est faite de chaleur, de froid, de ténébres, de feu, de coups, de posture (stasis), de liens, de terreurs, de morsures de bêtes immortelles que l'homme, ne pourra jamais concevoir pour parler comme l'Ecriture. Icor.2,9.
Telle est l'affliction vaine, sans consolation et sans fin des damnés qui auront péché contre Dieu et qui vient de la connaissance de leurs crimes. Dans l'enfer, privés de tout espoir d'être délivrés des tourments et sauvés, le reproche permanent de leur conscience augmente la douleur de leur affliction. Et cette afflication perpértuelle, qui n'aura pas de fin, engendre une autre affliction, d'autres ténébres plus redoutables encore, des brûlures sans rosée rafraichissante qui mènent à l'abîme inexprimable de désespoir.
L'afflication n'est utile qu'ici-bas seulement, où Dieu, dans sa miséricorde, entend ceux qui pleurent. Il est descendu jusqu'à nous pour visiter les affligés et leur promettre la consolation ; le Christ n'est-il pas et ne s'appelle-t-il pas Consolateur? Jn 14,16.
As-tu compris la nature de l'afflication de l'âme qui s'est appauvrie et la consolation qui l'accompagne? Le blême de soi, à lui seul, par lui-même, pose sur la partie raisonnable de l'âme, comme un fardeau spirituel, qui la presse, la foule, pour qu'elle prosuise le vin salutaire "qui réjouit le coeur de l'homme", de notre homme intérieur ps.103,15. Et ce vin, c'est la contrition. L'affliction comprime également les passions et, après avoir déchargé l'âme du poids qui l'accablait, elle l'emplit de la joie bienheureuse. Voilà pourquoi "bienheureux les affligés, car ils seront consolés" Mat.5,4.



XVIII

L'HUMILITE ET LA PAIX DES PENSEES.


Parlons, maintenant, de la non-possession c'est-à-dire de la pauvreté dans les choses matérielles laquelle est unie à la pauvreté de l'esprit, comme on l'a dit plus haut. La pauvreté matérielle n'est agréable à Dieu, qu'unie à la pauvreté de l'esprit. Sois donc attentive, pour apprendre comment de cette pauvreté jaillissent l'afflication et la consolation qui la suit. Quand l'homme quitte le monde, abandonnant terres et argent, ou les distribuant ou encore les donnant, selon le commandement du Seigneur Lc.14,33, il se libère de tous les soucis inhérents à ces biens ; son âme revient à elle-même libre de tous les tracas extérieurs.
L'esprit libéré de toute chose sensible s'élève au-dessus du déluge de l'agitation des affaires terrestres, se tourne vers l'homme intérieur, saisit les passions de l'âme accumulées au cours de ses errements terrestres et passionnés et se presse d'aller laver ses souillures dans les larmes de l'afflication. Quand enfin, l'esprit a ôté le voile des passions qui recouvraient l'âme, celle-ci n'étant plus importunée par les sollicitations passionnées, pénétre sereine, à l'intérieur des vrais trésors, où elle prie le Père dans le secret. Et le Père donne, au début, le don de la paix des pensées, qui va être comme le vase qui contiendra d'autres dons.
Avec la paix des pensées, Dieu donne aussi, au début, l'humilité qui engendre, coordonne et parfait toutes les vertus, qui ne sont pas faites de paroles et d'attitudes que chacun peut acquérir, mais qui est un fruit de l'Esprit Bon et Divin qui la crée et la renouvelle dans nos entrailles cf.Ps.50,12.
Dans la paix et l'humilité se trouve le paradis spirituel, gardé par une clôture de sécurité et où poussent toutes les sortes d'arbres de la vraie vertu ; au milieu de ce paradis s'élèvent les palais sacrés de l'amour et dans ses propylées fleurit la joie inefable que personne ne peut nous ravir, avant-goût du siècle à venir.



XIX

LE RIRE BIENHEUREUX DE L'AME


La non-possession de biens est la mère de l'insouciance. L'insouciance devient à son tour, la mère de l'attention spirituelle et de la prière qui engendrent l'affliction et les larmes qui lavent les souillures. Les obstacles levés, la voie qui mène à la vertu devient alors facile et la paix de la conscience la suit. Alors jaillissent la joie spirituelle et le rire bienheureux de l'âme.
Les larmes de la douleur deviennent douces et les paroles de Dieu "douces au palais plus que le miel à la bouche!" ps.118,103 ; la prière suppliante se transforme en actions de grâces et la méditation de paroles divines en allégresse du coeur. Une espérance invincible les accompagne, prélude de la plénitude du goût de la bonté du Seigneur. Dès ici-bas l'âme de celui dont parle David possède une expérience partielle : "Goutez et voyez dit-il, combien le Seigneur est doux" ps.33,9. Le Seigneur est l'allégresse des justes, la joie des hommes droits, le contentement des humbles, la consolation des affligés.
- La s'arrêtent les biens de la consolation des humbles ; sont-ce là les seuls présents faits à la fiancée sacrée? Outre ces dons, l'Epoux des âmes qui soupirent après Lui, ne se manifeste-t-il pas plus clairement aux purifiés, qui se sont parfaits par la bienheureuse affliction, qui se sont parés de vertus comme des fiancées?
- Certes non.
Et maintenant, par ce qui va suivre, nous allons nous exposer aux attaques des méchants* (allusions aux luttes livrées par St. Grégoire Palamas, pour la doctrine orthodoxe de la grâce incréée.), prêts à nous dire : "Ne parle pas au Nom du Seigneur" Jér.11,21. "Si non, nous rejetterons ton nom comme infâme" Lc 6,21, et nous te couvrirons de calomnies et d'injures". Sourd à leurs cris, nous continuerons notre discours, répétant, croyant, proclamant ce que nos saints Pères nous ont appris, car c'est appuyés sur eux que nous enseignons les autres. David a dit : "J'ai cru c'est pourquoi j'ai parlé" ps.115,1 ; nous aussi nous croyons, c'est pourquoi nous parlons" 2Cor.4,13.



XX

AU-DELA DE LA PERCEPTION ET DU PERCEPTIBLE.


Toute passion honteuse, une fois chassée de l'âme où elle se tapissait, l'intellect, comme on l'a dit, revient à lui-même avec toutes les autres puissances de l'âme ; puis, après avoir orné celle-ci, par la culture des vertus, il s'élève vers ce qui est parfait, "disposé aux montées" pratiques ps. 83,6, purifié par les larmes et par l'assistance de Dieu ; ensuite il rejette hors de lui, toute notion acquise, même si celle-ci est bonne et utile à la pensée et à son bonheur. Monté au-dessus de tout ce qui est intelligible, de toute signification et imagination, il renonce à tout, par amour pour Dieu et se présente "sourd et muet" devant Dieu comme cela est écrit.
L'intellect utilise donc, en toute liberté, ces présupposés, pour sa montée ultime, pour son remodelage sublime ; puisque désormais, rien ne viendra l'importuner de l'extérieur ; la grâce qui est dans le coeur, transforme l'homme intérieur en ce qu'il y a de plus parfait, de plus merveilleux, et le fait resplendir dans la Lumière incréée.
Quand, selon le Coryphée des apôtres, le "jour paraît et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs" 2Pét.1,19, l'homme véritable du psaume 103,23 sort pour le vrai travail spirituel ; éclairé par la Lumière, il monte la voie qui mène En-Haut sur les "montagnes éternelles" ps.75,5. Et dans cette Lumière Incréée, o merveille, il devient épopte-spectateur de spectacles hypercosmiques, séparé ou non de son corps, comme cela arrive dans la montée.
Ici, l'intellect ne monte pas porté par les ailes de la pensée imaginative qui erre partout comme une aveugle, incapable de rien concevoir avec justesse hors de l'espace des choses sensibles qui ne sont plus, ni dans celui des choses intellectives hypercospiques. Mais il monte vraiment poussé par l'action indicible et la puissance de l'Esprit, là où il entend "des paroles indicibles" et voit ce qui ne peut être vu. Puis, plein d'émerveillement, il rivalise avec les Anges qui chantent sans jamais se lasser, devenu, lui aussi, vraiment ange sur la terre ; de retour de ces spectacles hypercosmiques, il invite alors toute la création à chanter des hymnes. Participant à tout le créé, il participe aussi maintenant à Dieu qui est au-dessus de tout et démontre, par cela, qu'il a vraiment été créé à "Son image et Sa ressemblance".



XXI

DANS LA LUMIERE DE LA SAINTE TRINITE.


Le divin Nil dit que "l'état vrai de l'intellect est une cime spirituelle qui ressemble à la couleur du ciel, sur laquelle cime, brille au moment de la prière, la Lumière de la Sainte Trinité Et aussi : "Celui qui veut voir son intellect à l'état originel, qu'il le libère de tout concept et il le verra alors ressembler au saphir ou à la couleur céleste". Mais il est impossible d'atteindre cet état, si l'âme n'est pas devenue impassible, et l'aide de Dieu, la grâce et l'illumination de l'Esprit lui sont nécessaires.
Saint Diadoque dit que : "la grâce sainte du baptême nous procure deux bienfaits dont l'un dépasse infiniment l'autre. Le premier, c'est la grâce qui nous renouvelle dans l'eau sanctifiée et fait briller ce qui est à l'image, en effaçant en nous, toute trace du péché. Le second bienfait, c'est la grâce qui attend, pour coopérer avec nous. Dès que l'intellect commence à goûter avec une vive sensibilité, à la bonté du Saint Esprit, nous saurons que la grâce a commencé à graver la "ressemblance" sur ce qui a été fait "à l'image". Cette sensation spirituelle nous apprendra que la "ressemblance" est en formation dans notre âme. et l'illumination que la grâce opérera, nous fera connaître que la "ressemblance" est achevée.
Le même Diadoque dit encore qu'on "ne peut acquérir l'amour spirituel, si on n'est pas éclairé par le Saint Esprit, amour qu'on ressent fortement. Si l'intellect ne reçoit pas la parfaite "ressemblance" par la Lumière divine, il pourra bien posséder toutes les autres vertus il sera néanmoins encore privé de l'amour parfait". De même entendons-nous saint Isaac le Syrien dire : "qu'au temps de la prière qui ressemble à la couleur du ciel. Cet état spirituel, la Gérousie d'Israël l'a appelé "Lieu de Dieu" quand Celui-ci est apparu sur le Mont Sinaï". Le même dit encore que "cette pureté de l'intellect est celle où se reflète, pendant la prière, la Lumière de la Sainte Trinité".



XXII

LA DEIFICATION DE LA CHAIR ET LES CHARISMES.


Mais l'intellect, intermédiaire entre la Grâce divine et la chair opaque, devenu digne de la Lumière, transmet au corps qui lui est uni, beaucoup de marques de la Beauté divine et le fortifie. Cet état engendre l'habitude divine et incomparable des vertus et le rend immobile, ou difficile à se mouvoir en le mal. Et le Verbe lui explique les raisons des êtres, révèle à l'âme purifiée les mystères de la nature et, par des raisonnements analogiques élève, jusqu'à la compréhension de tout ce qui est au-dessus de la nature, la pensée de ceux qui écoutent attentivement fidèlement, conquis par le Père du Verbe en des contacts immatériels.
D'où les divers miracles, les dons de la diorasis, de la pro-orasis et de l'exacte connaissance de ce qui se passe au loin, comme si cela se passait sous ses yeux. Et ce qui est encore plus merveilleux, c'est que l'action de la grâce, chez ces bienheureux, ne se limite pas à ces seuls charismes.
Quand on regarde dans le rayon solaire, on y perçoit des molécules qui voltigent dans l'air, bien qu'on ne les recherche pas ; de même, quand on regarde les rayons divins, on y découvre, dans la mesure de notre pureté, outre la création, tout ce qui a été et tout ce qui sera, bien que tout cela soit comme fortuit pour nous, car ce qui est important, c'est la convergence, le retour de l'intellect à lui-même, et avec lui, de toutes les forces de l'âme, dans la grâce divine. Cette unification atteinte ces bienheureux demeurent dans les conditions indispensables où la grâce les ramène à la beauté amhxanon, originelle et première. Telle est la cime sur laquelle l'affliction élève ceux qui sont humbles de coeur et pauvres en esprit. Mat.5,3.
Mais ne vivant pas ces états élevés à cause de l'indolence qui est en nous, revenons en arrière pour dire encore quelques mots sur l'affliction.



XXIII

L'AFFLICTION SPIRITUELLE


Cette affliction accompagne tous les aspects de la pauvreté involontaire et selon ce monde. Comment le pauvre qui manque d'argent, qui souffre de la faim involontaire, qu'épuise un dur travail, ne s'affligera-t-il pas? Son affliction, cependant est privée de toute consolation. Plus il souffre, plus il s'éloigne de la vraie connaissance et au lieu de soumettre à l'examen de la saine raison les plaisirs et les douleurs, il se soumet à elles. Ne raisonnant pas droitement, il augmente ses douleurs en pure perte et pour sa grande ruine, plus sa pauvreté reste injuste plus il en souffre et s'éloigne pour autant de la Vraie connaissance. en ne soumettant pas à la Saine connaissance les plaisirs et les douleurs, en ne raisonnant pas droitement sur elles, et en s'y soumettant, augmente ses douleurs en pure perte et pour sa ruine, il sera blâmé à son détriment, il smera blâmé pour n'avoir pas utilisé sa pauvreté involontaire, pour n'avoir pas cru à l'Evangile de Dieu, à tout ce qu'ont dit les Prophètes et les Apôtres instruits et envoyés pour enseigner que la richesse inépuisable s'obtenait par la pauvreté, la gloire par l'indigence, la félicité par la tempérance ; que par la persévérance dans les épreuves, par l'oppression et la tristesse, s'obtenait la délivrance des châtiments éternels et des tourments qui attendent ceux qui auront aimé la vie d'ici-bas et n'auront pas voulu entrer dans la Vie, par la porte étroite et la voie affligée. L'Apôtre Paul dit fort justement que "l'affliction selon le monde, produit la mort" 2 Cor.7,10 ; cette parole révèle qu'il y a un péché qui conduit à la mort. Si pour l'âme la vraie vie c'est la participation à la Lumière divine qui jaillit de l'affliction selon Dieu, comme les Pères l'ont dit plus haut, la mort de l'âme consistera alors en l'obscurité démoniaque qui pénètre en elle par la tristesse selon le monde.



XXIV

FRAPPONS PAR LA PRIERE


Basile le Grand dit à propos de cette obscurité, que "le péché qui tient son existence de l'absence de la vertu, laisse sur l'âme, comme une obscurité spirituelle, les empreintes de son injustice". Saint Marc l'Ascète divin dit aussi que celui qui se laisse mener par des pensées mauvaises, comment pourra-t-il déceler le péché qu'elles recouvrent, et qui comme un brouillard pénètre dans l'âme par des notions, des paroles et des actes pernicieux? Celui qui ne décèle pas le péché aux aspects variés, comment priera-t-il pour en être purifié? S'il n'est pas purifié, comment trouvera-t-il le lieu de la nature pure (de l'âme)? Et s'il ne le trouve pas, comment verra-t-il la demeure cachée où habite le Christ? Il nous faut donc, par la prière, frapper à la porte de cette demeure, insister pour y pénétrer (dans le fond du coeur), l'acquérir et surtout la garder ; car beaucoup l'ont perdue après l'avoir trouvée perdue pour n'avoir pas persévéré, pour ne s'être pas affermis dans la connaissance apparente, dans la petite expérience de cette occupation spirituelle, que l'on trouve (voit?) chez ceux qui y sont venus tard comme chez les jeunes débutants. Quant à la pratique permanente de la prière faite avec persévérance (dans le coeur), seuls les pieux et expérimentés la possèdent parmi les anciens.
Saint Macaire, céleste dans la connaissance spirituelle, dit les mêmes choses, de même que tout le choeur des saints ; comme cette obscurité est faite de tous les péchés, de même l'affliction, selon le monde, si tu l'examines, est faite elle aussi, de toutes les passions et fortifiée par elles, affliction qu'elle est, d'une certaine manière, l'image, le commencement, le prélude et les arrhes de l'affliction future qui n'aura pas de fin, partage de tous ceux qui auront refusé l'affliction proclamée "bienheureuse" par le Seigneur, Matt.5,4, qui apporte elle, la consolation pour récompense, fait fructifier les arrhes de la félicité éternelle, préserve la vertu et rend l'âme inébranlable devant le mal.



XXV

NECESSITE DE L'AFFLICTION SPIRITUELLE


Celui qui se fait pauvre pour Dieu, qui s'humilie, qui s'abaisse, qui marche vers ce qu'il y a de meilleur, s'il n'ajoute pas l'affliction bienheureuse, il changera facilement, prêt à revenir à ce qu'il avait abandonné, à désirer ce qu'il avait quitté, devenant ainsi parjure à lui-même, cf. Gal.2,18. Mais s'il reste fidèle, attentif à la pauvreté bienheureuse et crée en lui l'affliction spirituelle, il se stabilisera, ne regardera plus en arrière et ne retournera plus au mal qu'il avait laissé pour le bien. car pour l'apôtre, l'affliction selon Dieu, produit une repentance pour le salut de l'âme dont on ne se repend jamais 2 Cor.7,10 ; un dmes Pères disait : "l'affliction cultive et garde" cf. Gen2.15. En effet, l'affliction nous rend immobiles devant le mal, nous empêche de retourner à son anciens péchés, ayant fait de ceux-ci comme n'ayant jamais existé. Les péchés pour lesquels on s'afflige sont considérés par Dieu comme involontaires, et ce qui est involontaire est aussi sans responsabilité. Quiconque pleure sa pauvreté, montre qu'il n'est pas pauvre volontairement ; il tombe dans les pièges du diable avec ceux qui désirent la richesse ou la possèdent déjà ITim.6,9 ; et, s'il ne change pas rapidement d'avis, pour éviter ces pièges, il sera livré, avec les riches, au châtiment sans fin ; de même en sera-t-il pour quiconque aura péché contre Dieu. Mais celui qui en tout temps pleure ses fautes, Dieu dans sa justice jugera ses péchés comme involontaires et il pourra marcher, sans obstacle dans la voie qui mène à la vie éternelle, avec ceux qui n'auront pas péché.


XXVI

L'AFFLICTION SPIRITUELLE SOURCE DE JOIE


Le commencement de cette affliction est pénible parce que la crainte de Dieu lui est unie ; cependant elle offre l'avantage suivant : plus elle s'attarde dans l'âme, plus augmente l'amour naissant de celle-ci pour Dieu qui s'unit à elle d'une manière incompréhensible. Quand l'âme a profondément vécu l'affliction, elle goûte alors à la douceur de la consolation du Paraclet, consolation si suave, si sacrée, que ceux qui n'y ont jamais goûté, ne peuvent, absolument pas, en soupçonner l'existence. Si on ne peut parler de la douceur du miel à celui qui n'en a jamais goûté, comment décrira-t-on la joie sacrée, la grâce, la félicité dispensées par Dieu, à ceux qui n'ont jamais goûté aux biens surnaturels?
En outre, le commencement de l'affliction ressemble à l'âme qui veut se fiancer à Dieu, chose apparemment impossible. Ceux qui ont de désir impérieux qui les porte vers le Fiancé plus que pur, s'expriment d'une manière propre à l'âme qui cherche à s'unir à son Bien-Aimé absent, sans savoir s'il viendra. Si tel est le commencement de l'affliction, la fin sera l'union parfaite et finale de l'âme, dans l'innocence nuptiale avec Dieu. L'apôtre Paul, après avoir dit que l'union charnelle des époux était "un grand mystère en une seule chair", dit ensuite : "Moi je dis cela par rapport au Christ et à l'Eglise" Eph.5,32. Comme les époux qui deviennent une seule chair, de même ceux qui aiment Dieu deviennent un seul esprit avec Lui. "Celui qui s'attache au Seigneur est un seul Esprit avec Lui" ICor.6,17, dit le même apôtre.


XXVII

VENEZ... ET PLEURONS...


Où sont donc ceux qui soutiennent que la grâce qui habite les Saints de Dieu n'est pas incréée mais créée? Que ceux-là sachent qu'ils blasphèment contre le Saint-Esprit qui s'unit, qui se donne aux Saints. Nous proposerons, à propos de l'affliction, un autre exemple fort éloquent. Le commencement de l'affliction ressemble au retour du Fils Prodigue ; elle remplit d'abord de tristesse l'affligé et l'amène à répéter les paroles du Fils Prodigue : "Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, et je ne suis pas digne d'être appelé ton fils" Lc.15,21. La fin de l'affliction ressemble à la rencontre et à l'embrassade avec Dieu et Père. Devant la richesse inépuisable de la miséricorde, dans la joie de la familiarité retrouvée, le fils embrassé embrasse. Il entre dans la maison, prend part au banquet avec le Père et se délecte dans la joie céleste.
Venez, venez nous prosterner, dans la pauvreté bienheureuse et pleurer devant le Seigneur notre Dieu Ps.94,6, pour effacer nos anciennes fautes et devenir, par l'affliction, immobiles devant le mal. Approchons-nous du Paraclet pour Le supplier et Lui rendre gloire comme au Père sans commencement et au Fils Unique, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen!
en particulier que tu tiens de tes origines (II, début, p.3)

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