jeudi 13 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°22. Enjeux théologiques.

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Les enjeux théologiques
du Concile de Florence

Père Panaiotes Carras


« L’Esprit est troisième selon le rang et le nombre » (Les Latins).

« Il n’est pas permis d’assigner à l’Esprit un rang ou un numéro ; car il n’y a pas de premier, de deuxième, ni de troisième ; ni un, ni deux, ni trois ; mais UN et UN et UN, et une essence unique ! Et puisque engendrer et projeter sont des propriétés des personnes, et non de la nature, il s’ensuit que si l’Esprit Saint est projeté par le Père et le Fils, il est issu de deux hypostases, qui deviennent donc DEUX principes et DEUX causes » (Saint Marc d’Ephèse, dans les Actes Grecs, p. 351).

Dans le texte ci-après, le Père Panaiotes Carras, recteur des paroisses de Toronto au Canada, dont les lecteurs de la Lumière du Thabor ont déjà pu apprécier la science théologique dans ses articles sur saint Néophyte le Reclus (La Lumière du Thabor n° 17, p. 37-49) et sur Augustin et saint Jean Cassien (Ibid. n° 19, p. 43-55), aborde la question, importante entre toutes, du Concile de Florence.

Ce Concile a été réuni à la demande de l’empereur de Constantinople, Jean VIII Paléologue, qui souhaitait le secours militaire de l’Occident et pensait l’obtenir par une union théologique avec la papauté. L’assemblée, qui dura de 1437 à 1442, joue un grand rôle dans l’Histoire de l’Eglise et dans celle du monde, puisqu’elle fut le creuset de la Renaissance. Là s’affrontèrent deux théologies : d’un côté, celle des Pères de l’Eglise, de l’expérience déifiante, de la communion aux énergies incréées de Dieu, et dont saint Marc d’Ephèse fut le champion ; et de l’autre côté, la scolastique des Latins, philosophique et spéculative, qui nie toute relation réelle de Dieu avec le monde.

1 - La problématique historique.

Entre l’Eglise de l’Empire de Constantinople et l’Occident « catholique romain » (ou papiste), se manifeste aux XIIIème, XlVème et XVème siècles une opposition dont les racines sont profondes et à laquelle on assigne généralement des causes d’ordre politique ou nationaliste plutôt que des motifs religieux 1. C’est seulement – dit-on – à la lumière des circonstances politiques de l’époque qu’il convient d’expliquer les interminables controverses relatives au filioque ; ou, comme le dit D.J. Geanicopoulos : « II semblerait que la question du filioque, si âprement débattue à Florence, n’ait été qu’un masque, recouvrant la question vitale et sous-jacente de l’hostilité des Grecs et des Latins » 2. Cependant, un examen attentif des enjeux réels du filioque révèle que cette doctrine constitue, en réalité, la négation radicale de la sotériologie orthodoxe et de la vie sacramentelle de l’Eglise, bref, qu’elle s’oppose à la source même de la vie de l’Eglise 3.

En acceptant (définitivement) le filioque en 1014, Rome se fit le rempart de la théologie scolastique qui devait soutenir et développer une doctrine du salut contraire aux bases mêmes de la foi orthodoxe. Pour les chrétiens orthodoxes, en effet, le salut, pour l’homme, consiste à être libéré du pouvoir de la mort, par la participation à la Vie divine, à la Grâce vivifiante de Dieu, qui est Dieu lui-même.
Or, vers 1438, la théologie thomiste (venant de Thomas d’Aquin) avait développé et cultivé les conséquences doctrinales du filioque dans de telles mesures, que c’est la vie même et les structures de l’Eglise d’Occident qui en avaient été transformées. Si bien qu’à Florence, les orthodoxes se trouvèrent confrontés, non plus, comme saint Photios 4, à la seule innovation du filioque, mais à toute une armée de pratiques et de doctrines engendrées par une théologie trinitaire faussée, dont les erreurs dogmatiques avaient déjà été dénoncées par les théologiens orthodoxes, tels que Grégoire Palamas, Nil Cabasilas, Nicolas Cabasilas, Syméon de Thessalonique 5 et Joseph Bryennios 6.

Les orthodoxes n’ignoraient pas les présupposés, les fondements théoriques et les raisons d’être du filioque, tel qu’il apparaît dans la théologie latine, car Augustin d’Hippone 7 et Thomas d’Aquin 8 étaient lus et connus en Orient. L’empereur de Byzance, Jean VIII, pour ce Concile de Florence, toutefois, interdit aux orthodoxes d’entamer la moindre discussion sur les relations de l’Essence de Dieu à Ses énergies, question qui est au cœur de la controverse du filioque et de la différence entre l’Orient et l’Occident germano-franc, comme la querelle hésychaste 9 l’avait démontré.

Une chose prouve que l’on connaissait bien, du côté orthodoxe, la théologie occidentale, et que l’on voyait dans cette question de l’Essence et des Energies de Dieu, le point essentiel du débat : c’est le programme initialement fixé par l’empereur Jean VIII, qui prévoyait que les discussions « tourneraient autour des deux problèmes fondamentaux du filioque et de l’Essence et des Energies divines »10. Or, une fois les discussions commencées, Jean VIII s’efforça d’empêcher toute controverse théologique sérieuse sur ces problèmes 11. Il s’était rendu compte que le fossé qui séparait les orthodoxes des latins était trop large et trop profond pour pouvoir être comblé.

Du point de vue orthodoxe, les latins se trompaient non seulement sur le filioque et la théologie de la grâce, mais encore dans leur doctrine de l’eucharistie, de la primauté du pape, du baptême, du purgatoire, etc. Syméon de Thessalonique, dans son catalogue des erreurs latines 12, les accuse, entre autres, d’avoir interdit aux laïcs la communion au calice, supprimé la sainte chrismation qui suit le baptême, privé les petits enfants de la Sainte Communion, et de ne pas avoir de liturgies concélébrées. En outre, le même auteur jugeait choquant l’art religieux des latins, et en particulier, leurs statues pourvues de perruques et de vêtements artificiels et peintes de manière à ressembler à la vie. Mais il était encore plus perplexe devant le « drame sacré » des latins et le réalisme auquel il tendait. Ce genre théâtral des « Mystères » latins constituait, à ses yeux, une profanation parodique des choses divines. Il remarquait également que la corruption éthique et morale de l’Eglise latine provenait de son égarement dogmatique.

Aucune union réelle n’était possible à Florence. Des évêques apostasièrent l’orthodoxie, mais la plupart d’entre eux firent pénitence par la suite 13. De fait, quand, après la signature de l’union, une messe fut célébrée en l’honneur de l’événement, aucun des évêques grecs (orthodoxes) ne voulut célébrer avec les latins, malgré le vœu du pape 14 ; et il ne se trouva que trois membres de la délégation orthodoxe pour y participer à un titre quelconque 15.
Ostroumoff rapporte aussi que, sur le chemin du retour à Constantinople, les orthodoxes firent escale à Venise et le Doge exprima le désir de voir une divine liturgie grecque. « L’empereur, voulant accéder au désir du Doge, qui souhaitait voir la liturgie grecque, ne put obtenir le consentement que du seul métropolite d’Héraclée, pour une célébration dans l’église de Saint-Marc ; encore cela ne fût-il acquis qu’après maintes tractations. Le métropolite finit par accepter, mais célébra avec l’antimension des Grecs et la patène de l’Eglise grecque ; le nom du pape ne fut pas mentionné, et le Credo récité sans le filioque »16.

Les délégués orthodoxes ne rentrèrent que pour s’entendre appeler traîtres à la foi. A Constantinople, les fidèles furent avertis « de se garder des partisans de l’union comme d’un serpent » 17 ; à Moscou, Isidore de Kiev, signataire de l’union, plus tard promu cardinal, fut accusé d’hérésie et emprisonné dès son arrivée 18. Le peuple orthodoxe refusa l’union et rompit toute communion avec ceux qui l’acceptaient. Les fidèles persévérèrent dans cette attitude, jusqu’à la chute de la Ville (prise par les Turcs), événement dans lequel ils virent une manifestation de la volonté de Dieu 19. Ces fidèles hostiles à l’union n’étaient pas, tant s’en faut, une foule inculte, ignorant les enjeux du débat : ils suivaient deux des plus grands érudits de leur temps, saint Marc d’Ephèse et Gennade Scholarios, lequel devint le premier patriarche de la turcocratie, après la prise de Constantinople. Ces deux pasteurs, donc, avaient expliqué aux chrétiens la nature des événements qu’ils vivaient.

Il est essentiel de ne pas sous-estimer le rôle que ces deux guides des fidèles orthodoxes ont joué dans les années précédant la chute de Constantinople. K.G. Mamones, dans son catalogue des œuvres de saint Marc, recense cent dix titres 20 – et il ne faut pas oublier que saint Marc s’endormit dans le Seigneur à l’âge de cinquante-deux ans. Les ouvrages de Gennade, eux, ont fait l’objet d’une édition en huit volumes, due à L. Petit. A quoi s’ajoute la longue liste des écrits anti-latins alors en circulation, composés par des personnages aussi remarquables que Nil et Nicolas Cabasilas. Syropoulos attribue à Nil Cabasilas le titre de saint, et parle de Nicolas comme d’un « inspiré de Dieu »21.

Etant donné que les fidèles connaissaient parfaitement les enjeux réels du débat, nous pouvons être certains que le jugement sévère qu’ils ont porté sur la séparation, désormais acquise, des latins, n’était pas sans fondement, et nous devons faire une étude sérieuse des positions théologiques exactes qui furent si âprement défendues.

2 - Les forces en présence.

A Florence, l’essentiel du débat porta sur la canonicité et la vérité dogmatique du filioque. A. Alivizatos, toutefois, soutient, avec d’autres auteurs, que les théologiens de Byzance ont donné beaucoup trop d’importance à cette question 22. Le fait est que, dès l’époque du concile de Florence, certains avaient fait de sérieux efforts pour supprimer toute la question, en la réduisant à un théologuménon [opinion théologique individuelle sans incidence sur le dogme de l’Eglise] 23 quoique les défenseurs de cette théorie, qui étaient en même temps les chefs du mouvement anti-hésychaste (les papistes), eussent été condamnés par deux conciles 24.

Bessarion (de l’Eglise de Rome) et les autres partisans de l’union utilisèrent à Florence les travaux du patriarche latinisant Beccus (1275-1282) 25 …
…et s’efforcèrent de prouver que les expressions « du Fils » et « par le Fils » étaient équivalentes chez les Pères 26, et de convaincre ainsi les orthodoxes de ne pas se scandaliser du filioque.

La doctrine catholique-romaine (papiste) du filioque avait connu un développement dogmatique tel, qu’elle sapait les bases mêmes de la doctrine de l’Eglise sur la Sainte Trinité. Dans le système filioquiste, l’essence une et commune de la Sainte Trinité recevait le rôle de cause ; propriété qui n’appartient qu’au Père seul dans la doctrine orthodoxe. Toute la doctrine des latins se construisait autour de cette idée-mère. Par là, cette théologie du filioque s’oppose directement à la dogmatique orthodoxe, qui enseigne l’absolue incompréhensibilité de l’Essence divine et l’impossibilité d’émettre à son sujet la moindre supposition.

L’argument le plus couramment opposé par les orthodoxes aux latins était que le filioque introduisait deux sources du Saint Esprit : le Père et le Fils. Or, si les latins reconnurent bien, à Florence, par la voix de leur porte-parole, qu’ils faisaient du Fils une cause de l’Esprit, ils se refusèrent néanmoins toujours à admettre qu’ils enseignaient l’existence de deux sources. Ils soutenaient « que le Père est la cause première de l’Esprit, et que le Fils tient du Père le pouvoir de faire procéder l’Esprit, non de lui-même, mais du Père » 27. Cette doctrine qui fait de l’Essence une de la Trinité la cause ou le principe du Saint Esprit, n’était, aux yeux des orthodoxes, rien d’autre que du sabellianisme 28. Les latins, quelques années après le Concile de Florence, condamnèrent officiellement aussi bien le sabellianisme que la doctrine des deux principes dans la Trinité. Mais Scholarios nous en avertit :

« Les Monophysites [ceux qui attribuent au Christ une seule nature, la divinité ayant complètement absorbé l’humanité] ont beau assurer des millions de fois que Dieu n’a pas souffert avec la chair, ils n’en demeurent pas moins des théo-paschites [qui attribuent la souffrance à la Divinité], aussi longtemps qu’ils restent monophysites, et quand bien même ils nommeraient le Christ vrai Dieu et vrai Homme, mais tout en persistant dans le monophysisme… de même en faut-il juger ici des latins : tant qu’ils confesseront le filioque de leur Credo, même s’ils rejettent des millions de fois la Dyarchie [=les deux principes dans la Divinité] et toute doctrine sentant le sabellianisme, et autres similaires, ou quand bien même ils renonceraient ou déclareraient leur intention de renoncer à tel ou tel point de leur doctrine, en gardant le filioque : dans tous ces cas, ils resteront toujours ce qu’ils sont » 29.

Ainsi, les latins apparaissaient aux orthodoxes comme partisans du sabellianisme ou d’une dualité de principes à l’intérieur de la Divinité ; et quoique les latins eussent condamné les deux doctrines, leur théologie, comme son mode d’exposition, différaient dans une telle mesure de celle des Pères, que les orthodoxes ne pouvaient y voir qu’une hérésie.

Les latins affirmaient constamment que l’Essence de Dieu est la source ou la cause des Personnes ; à quoi les orthodoxes répondaient habituellement : « L’essence, selon l’enseignement des Docteurs de l’Eglise, n’engendre ni ne fait procéder ; ce n’est pas non plus selon l’essence commune, comme vous le prétendez, que le Père engendre et projette, et pas davantage le Fils ; mais le Père engendre et projette en vertu de Son essence propre, ou, pour mieux dire, en vertu de son attribut hypostatique propre »30.
Pour répondre à cette objection de saint Marc d’Ephèse, les latins entrèrent dans une discussion sur la substantia prima et la substantia secunda, qu’ils conduisirent en se référant à l’autorité d’Aristote 31.

Au Concile de Florence, le débat théologique sur le filioque fut surtout conduit par saint Marc Eugénicos (saint Marc d’Ephèse) et Jean de Monténégro, un dominicain.

3 - Le débat sur la question de forme.

Avant de laisser les latins leur imposer une discussion sur la théologie du filioque, les orthodoxes avaient voulu dans un premier temps limiter les discussions au problème de la légitimité du fait même de l’insertion d’une clause nouvelle dans le Credo 32. Ce débat dura environ deux mois. Les Grecs montraient, en effet, que l’insertion du filioque était contraire aux canons : « Nous disons qu’il ne saurait être permis d’ajouter au Credo, et que votre addition est impie. Nous affirmons, en outre, qu’aucune audition, de quelque type que ce soit, fût-ce d’un mot ou d’une syllabe, n’est possible dans le Credo » 33.

A quoi les Latins rétorquaient que le filioque n’était pas une addition mais une explication, n’ajoutant rien de nouveau à la doctrine antérieure : « Pour la seconde fois, nous voici devant la question de ce que vous appelez une addition et nous, une explication, laquelle n’est pas interdite par l’Eglise » 34.

Or les Grecs maintenaient qu’on ne pouvait absolument rien ajouter au Credo depuis le Concile d’Ephèse, qui en avait fait la défense formelle. Ils arguaient, en outre, du fait que le Concile avait imposé cette loi à tous, sans faire nulle exception, s’interdisant à lui-même le moindre ajout ; ainsi, Marc d’Ephèse soulignait que le terme si capital de Théotokos, Mère ou génitrice de Dieu, n’avait cependant pas été inséré dans le Credo par les Pères d’Ephèse. « Les Pères auteurs de cette défense furent aussi les premiers à s’y conformer. A leur époque, en effet, le terme de Théotokos représentait à l’évidence une exigence de la foi, à ajouter au Credo. Ils demandèrent donc de l’inclure dans la confession, mais sans le porter dans le Symbole, donnant ainsi à leurs successeurs l’exemple de ce qu’il conviendrait de faire ; ils ratifièrent ainsi la prescription qu’ils avaient édictée, quoique cette addition-là eût été des plus nécessaires » 35. Les Pères ne s’abstinrent pas seulement de toute addition relative à la Mère de Dieu ; ils renoncèrent aussi à ajouter quoi que ce soit sur les deux natures, les deux volontés et les deux énergies du Christ, toutes précisions qui eussent été, par ailleurs, très utiles pour combattre les nestoriens, les monophysites et les monothélites. Les Pères, cependant, avaient trouvé le moyen d’exprimer exactement la foi sans contrevenir aux canons : ils publièrent sur tous ces points des définitions de foi indépendantes du Credo 36.

Les latins n’en continuaient pas moins à affirmer mordicus que cette addition était une explication, et qu’elle était donc parfaitement légitime. Leur argument le plus fort reposait sur un faux, et consistait à affirmer que le Concile d’Ephèse n’avait pas été le premier à interdire toute espèce d’insertion au Credo. Comme preuve que le Concile de Nicée lui-même, le 1er Œcuménique, en avait fait autant – ce qui n’avait pas empêché le Concile suivant de compléter le Credo 37 – les latins citaient la lettre à Athanase, apocryphe attribué au Pape Libère 38. (352–366)
Bessarion fut d’avis que cet argument réduisait les orthodoxes au silence 39 ; mais nous avons des documents qui prouvent que saint Marc, dès ce moment, déclara sans détour que l’Orient n’avait rien connu d’une telle interdiction 40.

Après deux mois de discussions de cette espèce, les orthodoxes étaient prêts à abandonner le Concile et à rentrer à Constantinople. « Que gagnons-nous, disaient-ils, à discuter ainsi et à entendre ces vains discours ? Ils ne nous convaincront jamais, et nous ne les persuaderons pas non plus ; nous devrions donc regagner notre cité » 41.

Toutefois, sous la pression du Pape (Eugène IV, 1431–1447) et de l’empereur byzantin (Jean VIII, 1425-1448), qui firent beaucoup d’efforts dans ce sens, ils finirent par accepter le transfert du Concile de Ferrare à Florence, conformément au vœu du Pape, pour y entamer les discussions sur le fond de la doctrine du Filioque 42.

4 - Le filioque : le débat de fond. Les autorités.

La délégation orthodoxe savait parfaitement que les latins s’appuieraient sur les pères de leur propre tradition, non reconnus en Orient 43. Saint Marc et les autres délégués orthodoxes connaissaient les arguments des latins et leur source 44, avant même que leurs interlocuteurs ne les présentassent. Ni les citations d’Augustin 45 et de Thomas d’Aquin, ni l’usage des raisonnements scolastiques n’étaient de nature à les impressionner le moins du monde. Au reste, saint Marc donna plusieurs fois clairement à entendre qu’il pensait qu’Augustin s’était trompé 46. Plus tard, quand il publia sa Confession de foi, saint Marc y déclara : « Les paroles des pères occidentaux, qui attribuent au Fils la cause de l’Esprit, je ne les reconnais ni ne les accepte – car elles n’ont jamais été traduites en notre langue ni acceptées par les Conciles Œcuméniques » 47.

Les présupposés latins étant essentiellement augustiniens 48, la question centrale des débats florentins fut donc de savoir si l’Esprit Saint procédait de l’essence commune du Père et du Fils. Les latins ne purent citer aucun père grec enseignant expressément cette doctrine. Mais ils pensèrent trouver un appui à leur thèse dans la doctrine patristique de la communication du Saint Esprit par le Fils. A quoi les orthodoxes tentèrent de répondre en expliquant qu’il s’agissait là de la mission temporelle du Saint Esprit. Une chose, toutefois, les empêcha d’achever leurs explications : l’empereur leur avait défendu de parler des Energies incréées de Dieu et de l’action de l’Esprit Saint dans le monde.

Monténégro ouvrit les débats en déclarant que l’Esprit recevait du Fils son existence 49, proposition que saint Marc rejeta aussitôt. Pour la défendre, Monténégro cita deux textes de saint Epiphane, tirés tous deux d’une médiocre traduction latine 50.

Dans les Actes grecs du Concile, le premier passage dit : « J’appelle « Fils » celui qui est de Lui (c’est-à-dire du Père), et « Saint Esprit » celui qui est le seul à être des deux (c’est-à-dire à provenir du Père et du Fils) » 51. Le texte original toutefois, comme Pétaud et Migne le reconnaissent eux-mêmes, porte : « S’il appelle son Fils celui qui naît de Lui, l’Esprit Saint viendra-t-il des deux ? » 52

La seconde citation présentée par Monténégro était la suivante : « Et de même que nul n’a vu le Père, si ce n’est le Fils ; et que lui n’a vu le Fils, si ce n’est le Père ; de même, j’ose affirmer que personne n’a connu le Saint Esprit, sinon le Père et le Fils, duquel il reçoit et procède ; personne non plus n’a connu le Père et le Fils, sinon l’Esprit Saint, qui glorifie véritablement, qui enseigne tout, et qui (vient) du Père et du Fils » 53.

Le texte de l’édition Migne est différent ; mais il y a mieux : replacé et examiné dans son contexte, ce passage éclaire la thèse orthodoxe. Le voici :

« Or, puisque l’Esprit, comme le déclare le Seigneur « procède du Père, et est reçu par « Moi » », et que « personne ne connaît le Père, sinon le Fils, ni personne le Fils, sinon le Père », j’ose donc dire, de la même manière, que personne ne connaît l’Esprit, sinon le Père et le Fils, de qui l’Esprit procède et par qui II est reçu ; et que personne ne connaît le Père et le Fils, sinon le Saint Esprit, qui glorifie véritablement, qui enseigne tout, qui rend témoignage du Fils, qui est du Père et qui vient du Fils ; le seul guide vers la vérité, l’interprète des saintes Lois » 54.

Saint Marc contesta la validité des textes et expliqua que saint Epiphane n’avait jamais dit que l’Esprit Saint reçoit son être du Fils 55.

Il fit aussi remarquer l’usage des termes de « procéder » et de « recevoir ». Selon saint Marc, saint Epiphane emploie le verbe « procéder » pour signifier que le Saint Esprit reçoit « son existence du Père » ; tandis que le verbe « recevoir » a un autre sens : « Le bienheureux Epiphane ne dit pas que l’Esprit Saint reçoit son être du Fils, mais simplement qu’il reçoit du Fils. Il se fonde en cela sur l’Evangile, où le Seigneur déclare : « II recevra de ce qui est à moi et vous l’annoncera « (Jean 16, 15)… Si saint Epiphane avait voulu dire ce que vous lui faites dire, il aurait écrit : « Personne ne connaît le Père et le Fils, sinon l’Esprit Saint,… desquels il procède et desquels il reçoit » (au pluriel),… mais en disant « duquel il procède et duquel il reçoit », il montre qu’il ne prend pas les termes « procéder » et « recevoir » dans le même sens. « Procéder » exprime l’existence du Saint Esprit, qui lui vient du Père ; « recevoir » exprime la concorde et la symphonie du Saint Esprit avec le Père et le Fils, en vertu de laquelle le Saint Esprit annonce aux disciples la doctrine dont ils doivent être instruits et qu’il reçoit du Fils comme de sa source » 56.

Dans la suite des débats, saint Marc exprima de nouveau clairement la position orthodoxe : (après lecture du passage d’Epiphane cité ci-dessus) « Ecoute, Archevêque. Constatez, Pères, que le terme « est » (grec : esti = existe) ne figure pas dans le texte, tandis que ce père l’y voit, et le prend au sens de « tenir son être de », puisqu’il disait à l’instant : « Etant donné qu’il (l’Esprit Saint) EST (issu) du Père et du Fils ». Cependant, le « est » ne s’y trouve pas, il y a simplement écrit : « Du Père et du Fils ». Nous pouvons donc comprendre, conformément à la théologie des Pères, que l’Esprit vient « du Père » comme procédant du Père, c’est-à-dire qu’il tire de lui son existence (autre version : son être) ; qu’il vient « du Fils » dans la mesure où il est donné par le Fils et reçu par ceux qui croient en lui. Si bien que ce texte ne nous est aucunement contraire, et n’apporte rien en faveur de votre thèse » 57.

Saint Marc d’Ephèse cite encore saint Jean Chrysostome et saint Cyrille d’Alexandrie, pour démontrer que le verbe « recevoir » s’applique à l’activité du Saint Esprit dans le monde.

Monténégro néanmoins refusa l’interprétation de saint Epiphane que proposait saint Marc. Selon lui, saint Epiphane enseignait bel et bien que le Saint Esprit reçoit son être du Fils lui aussi. Alors saint Marc lui demanda s’il voulait dire par là que le Saint Esprit recevait son être des deux hypostases du Père et du Fils. Monténégro répondit :

« Nous reconnaissons que toutes les fois que nous disons que l’Esprit vient du Père, nous entendons : de sa personne, et toutes les fois que nous disons qu’il vient du Fils, nous voulons dire : de sa personne ; car l’essence du Père et du Fils est une. Comme le Père projette l’Esprit, ainsi le Fils, de la même manière, projette l’Esprit ; donc l’Esprit est projeté comme d’une seule source » 58.

5 - Le filioque, le débat de fond. La notion de personne.
Confusions des latins sur les termes patristiques.

Il convient de souligner ici que le terme latin de subsistentia, traduit comme "hypostase" par les interprètes, pouvait aisément laisser croire aux orthodoxes que les latins attribuaient deux sources au Saint Esprit. Mais pour les latins, il n’en allait pas ainsi. Dans leur idée, la source du Saint Esprit était une : c’était l’essence commune du Père et du Fils.

L’usage du terme de subsistentia nous amène en outre à comprendre pourquoi la lecture des Actes de ce Concile laisse parfois l’impression d’être en présence de deux partis parlant deux langages théologiques différents.

La théologie latine dogmatise une Trinité de personnes subsistant (existant) au sein de la nature – de l’essence – une et indivise ; autrement dit, elle réduit les personnes aux pures relations de paternité, filiation et spiration active et passive 59.

La théologie orthodoxe, pour sa part, reste fidèle aux formulations patristiques : « la seule source de la Divinité suressentielle est le Père » (saint Denys) 60 et « la seule source de la Divinité est le Père » (saint Athanase) 61.

A la suite d’Augustin, qui définissait l’essence de Dieu par la simplicité (l’unité) 62, les latins définirent Dieu comme Actus Purus 63, actus purus essendi, ou acte pur d’être. Ainsi, leur théologie devint une théologie de l’Etre, et leur Dieu fut soumis à une philosophie gouvernée par les lois et les catégories de l’être 64.

Dès lors, tout, depuis le Premier Principe jusqu’à la plus infime existence, était conçu comme déterminé par ces mêmes lois et catégories, et devenait donc matière à déduction, dans un système logique et coordonné qui, en réalité, reprenait les idées d’Aristote.

Cette théologie de l’Etre fut également mise en avant à Florence. Lorsque l’on demanda à Monténégro d’expliquer pourquoi, parlant du Filioque, il entendait les mots « de Lui », tantôt de l’hypostase-subsistentia du Père…
… et tantôt de l’essence, il répondit : « L’existence et l’essence (la définition) du Père sont la même chose. Pour cette raison, quand nous disons que l’Esprit est issu du Père, nous affirmons aussi qu’il vient de Son essence » 65.

Dans le même ordre d’idée, Monténégro affirmera que : « L’essence et la personne ou hypostase sont, objectivement, la même chose ; elles ne diffèrent que selon notre mode de compréhension, en ceci que la personne, c’est l’essence envisagée avec les attributs. Or donc, tandis que les personnes se distinguent de l’essence par une distinction de raison (de pure logique) et pour la pensée, l’essence, elle, est commune aux personnes ; mais les attributs eux, ne sont à aucun égard communs, et cela, en vertu de la relation qu’ils expriment » 66.

Désirant sauvegarder l’unité de la Trinité, les Latins faisaient, des Personnes, des relations existant à l’intérieur de l’essence (subsistentia = relation subsistante). C’est de l’essence que le Fils naît et que l’Esprit procède, quoique l’essence prise en elle-même ne soit pas la cause de la génération ni de la spiration 67. Ce sont les personnes de la Trinité qui « causent » génération et spiration : « II n’y a pas, en Dieu (in divinis) d’essence générante ou spirante ; bien plutôt, ce sont les personnes qui engendrent et spirent, de sorte qu’il s’ensuit que la cause de l’Esprit est bien la personne et non l’essence » 68.

En entendant ces derniers mots, saint Marc s’exclama : « Je ne puis accorder tes propos, qui me semblent contradictoires. Tantôt tu dis que l’Esprit vient de l’essence du Père et du Fils, laquelle est une et la même selon le nombre, tantôt, changeant d’avis, tu suis les docteurs de l’Eglise en affirmant que l’essence n’est pas par elle-même la cause des hypostases » 69.

La difficulté relevée par saint Marc gît au cœur de la théologie latine, qui réduit les personnes de la Trinité à des relations internes à l’Essence et coexistantes à elle. C’est alors l’Essence – et non l’hypostase du Père – qui devient la source de la Divinité.

En conséquence, les modes d’existence propres au Père, au Fils et au Saint Esprit perdent leur identité et ne sont plus que des relations d’opposition, à l’intérieur de l’Essence commune. En théologie thomiste, ce point s’énonce :

« Dans les créatures, les relations sont de l’ordre de l’accidentel, tandis qu’en Dieu elles sont l’essence divine même. Il s’ensuit qu’en Dieu l’essence n’est pas réellement distincte de la personne ; en revanche, les personnes sont bien réellement distinctes les unes par rapport aux autres. Car la personne, comme nous l’avons dit plus haut, signifie la relation en tant qu’elle subsiste dans la nature divine. Mais la relation, considérée par rapport à l’essence, n’en diffère que pour notre mode de penser, et non en réalité ; tandis que, considérée dans son opposition à une autre relation, elle possède une distinction réelle, en vertu de cette opposition. Ainsi il y a une essence et trois personnes » 70.
Ce type de théologie a contraint les Latins à nier toute relation réelle de Dieu avec le monde 71, et à limiter l’action de Dieu dans le monde à l’envoi d’une grâce créée. Tout ce développement dogmatique est dans le droit fil de la doctrine d’Augustin, selon laquelle « tout ce que l’on dit de Dieu se réfère à Lui soit quant à son essence, soit quant à la relation » 72.
6 - "L’ordre de nature" dans la Trinité.
Théologie eunomienne des Latins.

Les Latins avaient une approche si singulière de la théologie, qu’ils laissaient parfois les théologiens orthodoxes pantois devant leurs affirmations. Un incident tout-à-fait révélateur eut lieu au cours d’une discussion entre saint Marc et Monténégro au sujet d’un passage de saint Basile 73.

Monténégro avait déclaré qu’il existe un ordre naturel au sein de la Trinité, selon lequel le Saint Esprit occupe le troisième rang. Saint Marc dit alors que, sur ce point, la théologie latine était eunomienne 74 et il demanda à Monténégro : « Eunomius 75 était-il dans le vrai, quand il affirmait que le Saint Esprit était troisième pour le rang et la dignité ? » L’autre répondit par l’affirmative 76.

Monténégro cependant ne faisait que suivre Thomas d’Aquin, dont il exposa la théologie trinitaire afin d’expliquer pourquoi il mettait l’Esprit Saint au troisième rang selon la nature. Voici son explication : « Nous disons donc que le Fils est le « principe issu du principe », puisqu’il est Dieu issu de Dieu, et que le Père est le Principe 77. Là-dessus, Thomas d’Aquin nous enseigne que « l’ordre de nature ne signifie pas une hiérarchie de la nature elle-même, mais l’existence d’un ordonnancement des personnes divines, en fonction de leur origine naturelle »78.

L’exposé thomiste se montre, encore une fois, fidèle à Augustin, qui définissait « l’ordre de nature » en ces termes : « Ce n’est point un ordre en vertu duquel l’un serait antérieur à l’autre ; mais selon lequel l’un vient de l’autre » 79.

Les Latins prétendaient qu’ils n’assignaient pas deux origines au Saint Esprit et néanmoins, à ce point de la discussion, ils se mettaient à arguer que le Saint Esprit est au troisième rang selon la nature parce qu’il vient du Fils, lequel occupe le second rang dans l’ordre naturel parce qu’il provient du Père. Le propre du Fils, disaient les latins, est de venir d’un seul (le Père), le propre de l’Esprit, de venir de deux (le Père et le Fils) 80, car si l’Esprit ne vient pas de deux, mais du Père seul, il ne se distinguera pas du Fils. Dès lors, un orthodoxe pouvait conclure que les Latins, parlant d’un ordre de nature dans la Trinité, enseignaient deux principes du Saint Esprit, quoiqu’ils continuassent de dire que le principe du Saint Esprit est unique, parce que c’est l’Essence divine.

Voici comment saint Marc réfute Monténégro sur ce point : « Puisque tu dis que l’essence commune du Père et du Fils, laquelle est une et la même selon le nombre, est le principe et la cause du Saint Esprit, selon laquelle le Saint Esprit procède de Lui, il semble en résulter que l’essence du Saint Esprit est causée, et par là, qu’on introduit deux essences dans la Sainte Trinité, qui s’opposent l’une à l’autre comme la cause au causé. Ce qui est bien loin de la théologie des chrétiens et tout à fait étranger à elle, et qui n’a jamais été dit par aucun docteur » 81.

7 - La procession d’amour.
Confusion des personnes divines.

Selon les Latins, la relation des personnes au sein de l’essence est exprimée comme une relation d’amour.
Le Père s’aime lui-même et il aime le Fils ; et c’est en cela que consiste l’Esprit Saint, qui procède comme amour 82. Or, puisque l’Amour qui est entre le Père et le Fils est mutuel, l’Esprit (Amour) procède des deux. Ces relations ont leur origine dans l’Essence Divine, et puisque « l’on dit que l’objet aimé se trouve dans l’amant » 83, même s’il est exact que le Saint Esprit vienne aussi de l’aimé – le Fils –, il n’en tire pas moins toujours son origine de celui qui aime, c’est-à-dire du Père.

A tous les arguments mis en avant par les Latins pour démontrer que, tout en enseignant que le Saint Esprit procédait des deux – Père et Fils –, ils ne reconnaissaient néanmoins qu’une seule cause, et non deux, saint Marc répondit : « Une cause unique peut-elle résulter de deux Personnes ? N’est-ce pas là confondre les hypostases ? C’est le dogme de Sabellius » 84.

Saint Marc saisissait parfaitement le fondement du filioque, qui impliquait, selon lui, une confusion des modes d’existence, des propriétés hypostatiques. Il poursuivait :

« Si donc le Père est « seule cause de la Divinité suressentielle » (Saint Denys l’Aréopagite, Des Noms Divins, ch. 2) et par là se distingue aussi bien du Fils que de l’Esprit – car le but de l’auteur dans ce passage est précisément d’établir la propriété distinctive du Père –, dès lors, ni le Fils ne partagera avec le Père la qualité de source, ni l’Esprit non plus. Sans quoi, les personnes divines seraient confondues, et la distinction supprimée. Or il n’est permis, dit le même Père (saint Denys l’Aréopagite), ni de dissocier ce qui est uni, ni de confondre ce qui est distinct. C’est pourquoi le fait d’être source ne saurait en aucune manière appartenir au Fils » 85.

8 - La distinction de l’Essence et des Energies
à l’arrière-fond des débats de Florence.

Persuadé qu’il pourrait démontrer que les Pères orientaux eux-mêmes enseignaient la procession de l’Esprit hors du Fils, Monténégro, en s’efforçant de prouver cette thèse, donna à saint Marc l’occasion de faire la confession de foi suivante :

« Il est clair que du Fils nous recevons l’Esprit, c’est-à-dire l’Esprit d’adoption. Car le propre de Celui qui, par nature, est Fils, c’est de nous donner l’adoption filiale, selon la grâce, par l’Esprit (Ici, saint Marc cite Paul, en Galates 4, 4-7, puis continue :) Si donc, recevant l’Esprit d’adoption par le Fils, nous devenons aussi enfants adoptifs du Père, de l’Esprit, nous ne recevons pas d’autres choses que cet Esprit même » 86.

En entendant cela, Monténégro, qui était au courant de la doctrine orthodoxe, manoeuvra pour amener saint Marc à exposer la doctrine des énergies incréées de Dieu. Pour finir, il l’interrogea sans détours : « Je te demande, Révérend Père, si cet Esprit qui est répandu par le Fils est Créateur ou créature. Car il n’y a que deux choses dans le tout : le Créateur et les créatures ; et le Saint Esprit est Créateur, mais ses énergies (ses opérations) sont des créatures. Cet Esprit Saint que Dieu a répandu abondamment sur nous par Jésus Christ, est-il bien une créature ? » 87.

Monténégro eut beau répéter sa question, saint Marc ne répondit rien alors. Les Actes nous apprennent que « l’Empereur, craignant que ce débat ne nous entraîne à disputer d’un autre dogme, et à soulever la question du créé et de l’incréé, ce qu’il ne voulait pas, fit suspendre la discussion sur ce sujet » 88.
Le lecteur des Actes se rend aisément compte que cet échange de propos, dans sa brièveté, est néanmoins terriblement révélateur, et que c’est saint Marc qui a tout fait pour le provoquer. Si, dans ses autres réponses à Monténégro, il se montrait toujours concis et réservé, ici, il a manifestement voulu mettre en lumière la doctrine orthodoxe de la grâce. Il réussit, en effet, à glisser un dernier mot sur le sujet avant que l’Empereur ne fermât définitivement la séance. Saint Marc exprima alors d’une manière claire et directe ce qui, à ses yeux, constituait le fondement de l’hérésie latine :

« C’est sur ce point que nous différons. Dis-nous donc, (Monténégro) ce qui te permet d’affirmer que l’Esprit reçoit son existence du Fils, et que nous recevons, de l’Esprit, des créatures » 89.

Saint Marc percevait très bien qu’on ne pouvait apprécier exactement la doctrine du filioque qu’à la lumière de la doctrine orthodoxe de l’Essence et des Energies de Dieu. Il avait une connaissance approfondie d’Augustin d’Hippone et de Thomas d’Aquin, et avant son voyage à Florence, avait composé, entre autres ouvrages, toute une collection de chapitres dirigés contre l’hérésie d’Akyndinos et de ses partisans, où il traitait de la distinction entre l’Essence et les Energies ainsi que des fruits de l’Esprit 90.

Les discussions de Florence fournissent encore une autre preuve de la connaissance que saint Marc avait de la théologie scolastique. Quand Monténégro, pour défendre la doctrine d’un ordre de nature au sein de la Trinité, recourut à une analogie entre les étoiles et la Trinité, saint Marc l’interrompit et demanda : « Tu prétends exposer les choses de la foi et les réalités divines en partant de choses et d’exemples créés ? » Monténégro répondit : « Oui, les exemples créés sont un déploiement de l’incréé. Dans les réalités humaines et les êtres, nous voyons des figures de l’incompréhensible et de l’inconcevable » 91. Comme le vit bien saint Marc, c’était là confesser une doctrine de l’analogie de l’être (analogia entis), étrangère à la théologie des Pères, pour qui il n’existe aucune analogie entre le créé et l’incréé.

La controverse filioquiste se trouvait impliquée dans la question de l’Essence et des Energies, et ne peut réellement être comprise qu’à la lumière de la doctrine orthodoxe sur ce dernier sujet. C’est une fausse conception théologique de l’essence et de l’activité de Dieu qui a permis au filioque de trouver place dans le Credo latin. Saint Marc, parfait connaisseur de la doctrine de l’Essence et des Energies divines, était à même de percevoir exactement le fondement du filioque. Il succédait à Joseph Bryennios 92, lui-même ancien disciple de saint Grégoire Palamas 93. Quoique durant les discussions sur le filioque au Concile de Florence, saint Marc n’ait jamais eu l’occasion d’exposer la doctrine orthodoxe de la grâce, il infléchit néanmoins les débats de manière à pouvoir, à un moment donné, expliciter la doctrine des Energies incréées 94 et, à deux reprises, parler de l’action du Saint Esprit dans le monde 95.

Sa dernière allusion à l’activité du Saint Esprit dans le monde se fonde sur saint Grégoire de Nazianze, qui déclare : « Le Saint Esprit est envoyé, dans l’économie du salut, mais il vient par sa volonté souveraine » 96. L’Esprit est envoyé dans le monde par le Fils et révélé au genre humain par le Fils 97.

Ce n’est pas seulement au cours des discussions en séance publique du Concile de Florence, que saint Marc montra clairement que l’erreur essentielle de la théologie latine réside dans sa conception de l’Essence et des Energies divines. Il avait remis aux Latins trois mémoires sur le Purgatoire 98, dans lesquels il critiquait la doctrine de la vision béatifique 99 et la gnoséologie (théorie de la connaissance) des Latins 100.

9 – Conclusion

A. La doctrine « catholique-romaine » (papiste) du filioque, non seulement confond (fait la confusion) les hypostases de la Sainte Trinité, mais nie aussi toute réelle activité et présence du Saint Esprit dans le monde. Selon les Saintes Ecritures et les enseignements des Saints Pères, si nous n’acquérons pas le Saint Esprit dans cette vie-ci, nous ne sommes pas sauvés. Saint Marc d’Ephèse, tout comme les autres pères qui ont lutté contre les faux enseignements du filioque étaient capables de discerner les dangers cachés sous la formule « et du Fils ».

B. Nous avons beaucoup d’enseignements à tirer du Concile de Florence – et surtout de nos jours, où l’on s’apprête à convoquer un nouveau concile de Florence, sous la houlette des hiérarques pseudo-orthodoxes qui siègent maintenant sur les trônes de Moscou et de Constantinople. Ces faux pasteurs ont déjà adopté la doctrine du filioque, et cherchent à présent à lui donner une apparence d’orthodoxie en convoquant un nouveau Concile de Florence. Nous croyons toutefois que leurs efforts n’aboutiront pas et qu’il leur arrivera comme aux « latinisants » d’autrefois, qui ne portèrent pas de fruits : ils ne parviendront pas à noyer la vérité dans le déluge du mensonge.

1 D.J. Geanicopoulos, « The Council of Florence (1438-1439) and the Problem of Union Between the Greek and Latin Churches », Church History, XXIV (1955), N° 4, p. 324-346 ; J. Gill, The Council of Florence, Cambridge 1959, p. 1-15 ; Runciman, The Eastem Schism, Oxford 1955, p. 160-Kl ; A. alivizatos, Economie, Athènes 1949, p. 97 (en grec).

2 Geanicopoulos, op. cit., p. 333.

3 Nicolas Cabasilas, De la Vie en Christ, P.G. 150, 521,

4 Sur saint Photios, les innovations qu’il affronta et sa réfutation du filioque, voir ses Œuvres Trinitaires I, éd. Fraternité Saint Grégoire Palamas, Paris 1989.

5 S. Upson, « Simeon Archbishop of Thessalonika », St. Vladimir’s Seminary Quarterly, II, 1958, N° 4, p. 14-15.

6 A. Schmemann, « St. Mark of Ephesus ant the Theological Conflicts in Byzantium », St. Vladimir’s Seminary Quarterly, I, 1957, N° l, p. 16.

7 J. Romanides, « Notes on the Palamite Controversy and Related Topics », Greek Orthodox Theological Review, VI (1960-1961), N° 2, p. 203.

8 Les œuvres majeures de Thomas d’Aquin avaient été traduites par Démétrius Cyndonès et son frère dans le courant du XlVème siècle, cf. P. Sherrard, The Greek East and the Latin West, London 1959, p. 120.

9 Dans son essence, la querelle hésychaste est un conflit entre la théologie orthodoxe et la théologie latine. Voir J. Romanides, op. cit., p. 194-205. C.K Mamones note, elle aussi, que : « Tous les ennemis des hésychastes étaient des adeptes de la théologie scolastique de l’Occident ». Cf. K.G. Mamones, « Marc Eugénicos ; sa vie et ses ouvrages », Theologia, 25, 1955, p. 384 (en grec). Krumbacher signale aussi que des passages entiers du livre d’Akindynos Sur l’Essence et l’Energie sont une traduction littérale du De Veritate Catholicae Fidei Contra Gentiles de Thomas d’Aquin. K. Krumbacher, Histoire de la Littérature Byzantine, Athènes 1897, vol. 1, p. 195 (en grec).

10 A. Schmemann, Op. cit., p. 16-17.

11 I.N. Ostroumoff, The History of the Council of Florence, London 1861, p. 46.

12 Migne, PG 155, 97-123.

13 Hormis, bien sûr, Bessarion, Isidore et Dorothée.

14 I.N. Ostroumoff, op. cit., p. 156.

15 Ils portèrent l’eau et la serviette destinées au lavement des mains du pape. Voir J. Gill, op. cit., p. 293-294.

16 I.N. Ostroumoff, op. cit., p. 166.

17 I. Sevenko, « Intellectual Repercussions of the Council of Florence », Church History, XXIV (1955), N° 4, p. 299.

18 M. Cherniavsky, « The Reception of the Council of Florence in Moscow », Church History, XXIV (1955), N° 4, p. 348.

19 Migne, PG 157, 1058.

20 K.G. Mamones, op. cit., p. 553-563.

21 I. Sevenko, op. cit., p. 314.

22 A. Alivizatos, op. cit., p. 97.

23 J. Romanides, op. cit., p. 190-191.

24 Synodes de Constantinople tenus en 1341 et 1351.

25 D.S. Balanos, Ecrivains Ecclésiastiques Byzantins, Athènes 1951, p. 133-135 (en grec).

26 J. Gill, op. cit., p. 249.

27 J. Gill Actorum Graeconm Concilii Florentini, Rome 1953, p. 290.

28 Doctrine hérétique de l’Africain Sabellius (même siècle), selon lequel les trois Personnes de la Sainte Trinité ne sont que les trois masques d’un même être, qui se manifeste successivement, de l’Ancien au Nouveau Testament et à ce qui suit, comme Père, Fils et Saint Esprit. Voir l’article du Père Ambroise Fontrier, dans La Lumière du Thabor n° 5, p. 1-44.

29 G. Scholarios, Contre L’Union de Florence, ed L. Petit, « Œuvres complètes de Gennade Scholarios », Paris 1930, t. III, p. 155-156.

30 Actorum Graecorum, p. 287-288 (je souligne).

31 Ibid., p. 288. « Et, en ce qui concerne les différents sens du terme d’essence, quelqu’un (Aristote) en a parlé dans le Cinquième livre de la Métaphysique ».

32 I.N. Ostroumoff, op. cit., p. 62-87. Gill, op. cit., p. 147-148.

33 Actorum Graecorum, p. 47. Cette impossibilité de rien ajouter au Credo résulte d’une interdiction expresse du IIIème Concile Œcuménique (Ephèse, 431), qui a voulu, par là, empêcher la mise en circulation de Credos hérétiques, qu’on aurait eu du mal à distinguer des authentiques, si plusieurs textes différents avaient été reconnus comme pourvus de la même autorité dans l’Eglise. C’est pourquoi on interdit tout ajout matériel, fût-ce d’une doctrine exacte.

34 Ibid., p. 101. 56

35 Ibid., p. 145.

36 Ibid., p. 148.

37 Le Concile de Nicée (325, 1er Œcuménique) avait simplement dit dans son Credo : « Je crois en l’Esprit Saint ». A cause des pneumatomaques, qui faisaient de l’Esprit Saint une créature, le Concile de Constantinople, tenu en 381, ajouta au Credo du Concile de Nicée les articles du Saint Esprit, et toute la fin du Credo, jusqu’à l’Amen final. C’est ce Credo que le Concile d’Ephèse, en 431, devait décréter intouchable, Credo désormais connu sous le nom le « Symbole de Nicée » ou « de Nicée-Constanlinople ».

38 Migne, PG 28, 1469-1471.

39 J. Gill, op. cit. p. 169-179 ; N. Ostroumoff, op. cil. p. 84-91.

40 Ibid., p. 162.

41 Actorum Graecorum, p. 217.

42 J. Gill, op. cit. p. 169-179 ; N. Ostroumoff, op. cit. p, 84-91.
43 N. Ostroumoff, op. cit. p. 86.

44 Saint Marc avait lu en grec le De Trinitate d’Augustin. Cf L. Petit, Documents relatifs au Concile de Florence, « Patrologia Orientalis » vol. 15, p. 73.

45 J. Gill, op. cit., p. 216.

46 N. Ostroumoff, op. cit., p. 52 et 55 ; Patrologia Orientalis vol. 15, p. 4-8, 49, 67, 88-91, 121-122.

47 Cité dans J. Gill, op. cit. p. 226.

48 Monténégro, qui ouvrit la discussion sur le fond de la doctrine, cita deux fois Augustin dans son exorde. Actorum Graecorum, p. 250 et suiv.

49 Actorum Graecorum, p. 255-256.

50 N. ostroumoff, op. cit., p. 93.

51 Actorum Graecorum, p. 256.

52 Epiphane.- Ancoratus 71 ; Migne, PG 43, 148.

53 Actorum Graecorum, p. 256. Epiphane. Ancoratus, 71.

54 migne, PG 43, 153.

55 Le sophisme de Jean de Monténégro consiste à prendre l’expression « reçoit du Fils » au sens de : « l’Esprit reçoit son être du Fils ». Saint Marc reprochera en ces termes aux latins leur usage abusif de certains textes : « Comment pouvez-vous considérer comme exprimé ce qui n’est pas dit ? C’est ce que vous faites ailleurs aussi. Quand vous entendez que « l’Esprit issu du Père et du Fils », vous ajoutez « est », et « tient son être ». Et Lorsque vous entendez dire que l’Esprit « reçoit du Fils », vous comprenez « reçoit son être ». C’est faire une pétition de principe, ce qui est bien la pire méthode pour démontrer quelque chose » (Actorum Graecorum, p. 320).

56 Actorum Graecorum, p. 257. Saint Marc donne ici l’interprétation patristique de ce verset de saint Jean (16, 15).

57 Ibid., p. 271.

58 ibid., p. 261.

59 Spiration active : production de l’Esprit par le Père et le Fils, selon les latins ; spiration passive : procession du Saint Esprit.
Remarque sur le terme de « personne ».

Dans la théologie orthodoxe, le terme de personne a le sens d’individu, d’hypostase, d’être concret autonome.
Les Personnes de la Sainte Trinité se différencient par leur attribut hypostatique.

Dire que le caractère hypostatique du Fils est la naissance hors du Père, c’est définir le mode d’existence propre du Fils : il reçoit du Père l’essence divine, par génération. Dès lors, le Fils ne peut être source d’une personne divine, parce que son mode d’existence, son idiome, sa propriété, consiste non à communiquer l’essence divine, mais à la recevoir par génération. Au contraire, le Père a pour attribut propre d’être inengendré, c’est-à-dire, source des autres personnes divines : du Fils par génération, du Saint Esprit par procession. Enfin, l’idiome du Saint Esprit, c’est de procéder du Père.

Les termes de « génération » et de « procession », dénotent schématiquement les « modes d’existence » des deux Personnes divines, Fils et Saint Esprit. Nous savons que ces modes d’existence diffèrent, mais nous ignorons comment ils diffèrent, selon l’enseignement constant des Pères de l’Eglise.

En revanche, le terme de personne prend, dans la doctrine philosophique des latins, un sens radicalement étranger au sens courant – et au sens patristique : en Dieu, pour le théologien thomiste, la personne EST la relation, alors qu’elle signifie au contraire quelque chose d’absolu dans le cas de l’homme ou de l’ange (cf. la Somme Théologique de Thomas d’Aquin, Ia, Q. 40, et Q. 29, art. 4, Resp. et ad 4).

La paternité EST la personne du Père, la filiation celle du Fils, la procession celle du Saint Esprit (Q. 30 art. 2 ad 1). Les personnes sont des vis-à-vis, qui n’existent que dans l’opposition à leur corrélatif : le Père n’est Père que dans la mesure où il s’oppose au Fils. Le Fils n’est Fis que dans son rapport au Père ; en dehors de ce rapport, il n’existe pas comme Fils, ni même comme personne (cf. Thomas d’Aquin, De Potentia Q. 2, art. 4) ; il ne se distingue plus du Père, et c’est pourquoi il est, avec le Père, une seule source du Saint Esprit.

Le Saint Esprit existe vis-à-vis d’un « spirateur » unique, qui est le Père et le Fils spirants. « Les personnes sont UN, (ne font qu’un) là où il n’y a pas la relation d’opposition » (Jean de Monténégro, Actorum Graecorum p. 281) ; par rapport au Saint Esprit, Père et Fils sont indistincts (la spiration des scolastiques n’est pas une propriété personnelle : Somme Théologique, la Q. 29 art. 4).

Ce système est contraire à l’enseignement de l’Ecriture, des Pères et des Conciles.

60 Ibid., p. 368.

61 Ibid., p. 323.

62 Augustin, De Trinitate, trad. anglo-américaine : On the Holy Trinity, « Nicene and Post-Nicene Fathers », Grand Rapids, 1956, 1st séries, vol. 3, p. 99-101.

63 Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia, Q. 19, art. 1 ; Q. 54, art. 3 ; Q. 79, art. 2 ; Q. 90, art. 1.

64 Au contraire, selon les Pères, Dieu est au-delà de tout, même de tout concept d’être. En aucune façon il ne se limite à « l’Etre Suprême », à un « super­étant ». Il transcende infiniment même l’être.

65 Actorum Graecorum, p. 265. (C’est moi qui souligne)

66 Ibid., p. 266.

67 On ne peut pas dire que l’essence engendre (« essentia generat »), parce que l’acte requiert un sujet réel, une personne ; mais, selon les latins, on peut dire que l’essence divine est le principe par lequel l’engendrant (le Père) engendre (Somme Théologique, la Q. 41 art. 5 ad 1 : essentia divina est principiitm quo generans generat), ce qui est absolument contraire à l’enseignement des Pères, comme le dit Marc d’Ephèse (voir texte cité ci-dessus, note 28).

68 Ibid., p. 281.

69 Ibid.

70 Somme Théologique, Ia, Q. 39, art. 1. (C’est nous qui soulignons).

71 Somme Théologique, Ia, Q.13, art. 7. Comme les latins n’admettent pas l’existence des énergies divines incréées, leur Dieu n’est que pure essence. Tout rapport réel de Dieu avec le monde signifierait donc un épanchement de l’essence divine dans le monde, autrement dit le panthéisme. Pour se garder du panthéisme, ils disent donc que Dieu n’a aucune relation réelle avec sa créature, qu’il n’est pas affecté par elle, pas plus que la lumière n’est affectée par les yeux. Par conséquent, le dualisme créateur/créature n’est pas comblé, l’homme n’est pas déifié, ne devient pas dieu, mais seulement semblable à Dieu, à une distance toujours infinie. Ce qui est contraire à tout l’enseignement des Pères orthodoxes : « Réjouis-toi, dieu après Dieu, seconde après la Trinité… » chante saint André de Crète à la Mère de Dieu.

72 Augustin, Op. cit., p. 88-89.

73 Actorum Graecorwn, p. 286-339.

74 Ibid., p. 315.

75 Eunomius : hérétique du IVème siècle, pour lequel l’Esprit Saint était une créature du Fils, une troisième nature au sein de la Trinité : la première (le Père) créant la seconde (le Fils) et la seconde la troisième.

76 Ibid.

77 Ibid, p. 308.

78 Somme Théologique, Ia, Q. 42, art. 3 ad 3 (souligné par nous). Quoique la Sainte Trinité soit de toute éternité et qu’il ne puisse y avoir de chronologie dans les personnes divines, il y a donc néanmoins…
… pour les latins, un ordre logique « selon l’origine » : la procession du Saint Esprit suppose les deux autres Personnes, donc il est au troisième rang après elles.

Les Pères orthodoxes enseignent au contraire que le Fils et l’Esprit sortent HAMA = ensemble, simultanément, d’un seul et même élan hors du Père, l’un par génération, l’autre par procession. La procession de l’Esprit n’est pas subordonnée mais coordonnée à la génération du Fils. La Sainte Trinité co-existe dans l’égalité absolue : « De toute éternité le Père engendre le Fils Roi et le Saint Esprit est dans le Père glorifié avec le Fils… »

79 Cité dans la Somme Théologique Ia, Q. 42, art. 3 Resp.

80 Somme Théologique Ia, Q. 36, art. 2, ad. 7.

81 Actorum Graecorum, p. 287.

82 Ibid., Q. 37, art. 1 et 2 ; Q. 41, art. 2, ad 3.

83 Ibid., Q. 37, art. 1.

84 Actorum Graecorum, p. 352 (nous soulignons). Voir note 39 : par rapport au Saint Esprit, le Père et le Fils ne font qu’un, ils sont totalement indistincts, ils n’ont pas de relation personnelle au Saint Esprit.

85 Ibid., p. 368.

86 Ibid., p. 342 (nous soulignons).

87 Ibid., p 345.

88 Ibid., p. 346.

89 Ibid., p. 348.

90 K.G. Mamones, op. cit., p. 536.

91 Actorum Graecorum, p.388-389.

92 Bryennios connaissait très bien lui aussi Thomas d’Aquin et la théologie occidentale. Cf. le Dictionnaire de Théologie Catholique, Paris 1905, vol. 2, 1158-1159.

93 A, Schmemann, Op. Cit., p. 16.

94 Actorum Graecorum, p. 345.

95 Ibid., p. 257-258 et 364.

96 Ibid., p. 365.

97 Ibid., p. 367.

98 Des discussions privées sur le Purgatoire s’étaient déroulées à Ferrare, alors qu’on attendait l’ouverture officielle des travaux du Concile, sous la présidence de l’Empereur et du Pape réunis. Cf. J. Gill, Op. cit., p. 85-130. N. Ostroumoff, Op. cit., p. 40-64.

99 Patrologia Orientalis, vol. 15, p. 157.

100 Ibid., p. 161.

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