samedi 22 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°31. Kalomiros : Ecclésiologie (2).

ALEXANDRE KALOMIROS



ECCLESIOLOGIE


Nous publions ici la suite du texte de Kalomiros commencé dans le numéro précédent et qui est une réponse à l'Archimandrite Ephiphanios Theodoropoulos qui avait écrit contre les vieux-calendaristes et soutenu l'Eglise d'Etat, néo-calendariste et oecuméniste.




L' excommunication des Orthodoxes par l'Eglise d'Etat innovatrice ne rappelle-t-elle pas l'anciennne excommunication de l'Eglise Orthodoxe par les Papistes en 1054 ? N'accusaient-ils pas, eux aussi, les Orthodoxes d'insoumission à l'Eglise, c'est-à-dire au Pape et à ses cardinaux, et ne traitaient-ils pas les Orthodoxes de rebelles au pouvoir ecclésiastique ? N'avaient-ils pas avec eux la puissance temporelle et n'étaient-ils pas, eux aussi, des innovateurs qui souffraient d'une vieille maladie quant à la foi, une maladie qui s'aggravait avec le temps ?
Cette excommunication des Orthodoxes ne rappelle-t-elle pas celle que lancèrent les 340 évêques iconoclastes réunis en «concile oecuménique» en 754 ? A cette époque, les Orthodoxes refusèrent de se soumettre, non pas à 70 évêques seulement comme ce fut le cas des Paléo-Calendaristes, mais à 340 évêques réunis en concile «oecuménique» officiel, qui les traitèrent de fanatiques donnant de l'importance à des choses insignifiantes comme les icônes et suscitant des schismes dans l'Eglise et ne mentionnant pas, aux offices, les évêques innovateurs et en rompant la communion avec eux. En ce temps là, il y avait des «doctes» qui disaient aux Orthodoxes : «Vous voulez vénérer les icônes ? Nous ne vous en empêchons pas, seulement suspendez-les un peu plus haut. Nous vous demandons une seule chose : mentionnez aux offices les évêques de l'Eglise officielle et, moi, à mon tour, je placerai des icônes dans l'église où je célèbre, parce que, dans ma paroisse, beaucoup ont la nostalgie de la sympathique coutume des icônes, sans pour cela susciter des schismes dans l'Eglise». Avec quelle facilité nous oublions l'Histoire ou plutôt nous la lisons sans chercher à nous mettre à la place de ceux dont elle parle.
Ainsi donc les Paléo-Calendaristes ont été anathématisés par les oecuménistes pleins d'amour qui ne voulaient pas célébrer les fêtes seuls, mais en compagnie des hérétiques d'Occident. Quelle joie, quelle gloire pour ces nouveaux confesseurs de la foi, proclamés «bienheureux» par le Seigneur : «Bienheureux serez-vous lorsque les hommes vous haïront, lorsqu'on vous chassera, qu'on vous outragera et qu'on rejettera votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'Homme ! Réjouissez-vous en ce jour-là et soyez dans l'allégresse car votre récompense sera grande dans les cieux ; car c'est ainsi que leurs pères traitèrent mes prophètes» (Luc 6, 22).

«Il fallait autrefois fuir et redouter l'anathème, lorsque qu'il était lancé par les messagers de la vraie piété contre les séides de l'impiété, écrit le grand saint Photios. Mais depuis que, dans leur folie, ces prétentieux ont osé, sans rougir, sans se démonter, contre toute loi divine et humaine, et même contre toute raison, grecque ou barbare, rétorquer leur propre anathème contre les défenseurs de l'Orthodoxie ; depuis qu'ils se sont piqués de faire passer leur barbare énormité pour norme -anormale !- de l'Eglise, du même coup, le redoutable anathème, terme ultime de tout châtiment envisageable, n'a plus été que fable ou jeu d'enfant ou, pour mieux dire, il est même devenu désirable pour les fidèles. En effet, ce n'est sûrement pas une sentence éhontée des ennemis de la vérité, qui doit faire craindre les peines de justice, surtout celles de l'Eglise, mais c'est la culpabilité de ceux qui les souffrent ; si bien que l'innocence se rit des punitions décrétées par ces gens-là : elle fait justement retomber sur eux la condamnation et la transforme, pour leur victime, en couronnes inflétrissables et en gloire éternelle. Voilà pourquoi tout fidèle pieux et saint préfère dix mille fois se faire couvrir de boue par ces homme étrangers au Christ, plutôt que de prendre part, dans l'éclat des propos flatteurs, à leurs oeuvres mauvaises, ennemies de Dieu et haineuses pour le Christ» (Lettre à Ignace, Métropolite de Claudiopolis). Il dit encore : «Tout concile hérétique et toute assemblée des iconomaques nous ont anathématisés il y a de cela de longues années ; et non seulement nous-mêmes, mais encore notre père et notre oncle, qui furent des confesseurs du Christ et la gloire des hiérarques ; mais, par cet anathème passé contre nous, ils nous ont élevé au trône patriarcal, quoique malgré eux. Qu'ils nous anathématisent donc aussi, leurs émules d'aujourd'hui, qui méprisent les commandements du Seigneur, qui ouvrent toute grande la porte et frayent la voie à toute espèce d'impiété : de la sorte, ils nous feront eux-mêmes, malgré notre paresse, monter de la terre au royaume des Cieux !» (Lettre à Grégoire le diacre et cartulaire, 64).


Là où deux ou trois

Le sacerdoce des Paléo-Calendaristes, écrivent nos ennemis, vient des ex-évêques Chrysostome de Florina et Germain de Démétriade ; ceux-ci, jusqu'en 1935, c'est-à-dire onze après le changement de calendrier, étaient dans le schisme, c'est-à-dire dans l'Eglise Grecque (d'Etat)... Ces deux évêques étaient donc privés de la grâce.

Il faut admirer ici la mentalité procédurière dans toute sa splendeur. Pour ces gens-là, tout est anathématisé ! Leurs solutions sont toutes rationalistes ! Leur conception de l'Eglise, mécanique : «Certes, continuent-ils, quand un clerc schismatique ou hérétique retourne à l'Orthodoxie, il est admis, souvent sans réordination, par simple décision synodale. Oui, d'accord ! Par quelle décision synodale la culpabilité de leur schisme a été levée ? Quel synode les a réhabilités, les deux évêques précités ?». Mais ces braves gens ne pensent-ils pas que si, par supposition, après l'introduction du calendrier papal toutes les Eglises officielles sont mortes spirituellement -hypothèse qui respire un rationalisme extrême- en tel cas, Eglise, Concile, Evêques sont ceux qui restent fidèles à l'Orthodoxie, même s'il ne se trouve parmi eux aucun ordonné ? «Quand bien même très peu resteraient fidèles à l'Orthodoxie et à la piété, ceux-là seraient et l'Eglise et l'autorité, et la garde des institutions ecclésiastiques reposeraient sur eux» dit saint Nicéphore le Confesseur. Et saint Théodore le Studite écrit à l'Higoumène Théophile : «Afin de n'être pas condamnés par la sentence du Seigneur, ne dressons pas de barrières à l'Eglise de Dieu, laquelle peut être formée même par trois Orthodoxes, selon les Saints». Le Seigneur dit : «Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux», sentence beaucoup plus forte que n'importe quel concile. Lui seul peut restaurer dans le sacerdoce tous les évêques déchus mais qui ont fait pénitence. Ces choses sont simples et bien connues des Orthodoxes, mais difficiles à comprendre pour les rationalistes de mentalité papiste.


Depuis 1920

La maladie des Néo-Calendaristes est la pire des hérésies à laquelle l'Eglise s'est trouvée confrontée ; c'est un état que l'on pourrait appeler de beaucoup de noms : «Oecuménisme», «Syncrétisme», «Agnosticisme», «Indifférence religieuse», «Sécularisme». La toxine qui a empoisonné les Néo-Calendaristes, c'est l'esprit de ce monde. Certains symptômes de la maladie sont : l'unité fériale avec les hérétiques d'Occident, l'esprit anti-monastique, le refus de l'autorité des Pères -torpillée magistralement dans les écoles de théologie-, la prédication du social, la mise soignée et mondaine des prêtres, l'accord officiel et la tolérance à l'égard de l'essentiel de la doctrine et des oeuvres d'Athénagoras et de Dimitri, la renchérissement de la prédication oecuméniste et sa promotion au titre de pan-religion, tant par le synode que par les évêques isolés et le silence des autres, etc...Comme les Occidentaux de l'époque de Photios, les Néo-Calendaristes contemporains portent sur leurs épaules une foule de maux. La maladie de l'Occident était une maladie ancienne mais mortelle. En Occident, la mort arrivait doucement, doucement ; le poison du rationalisme pénétrait, peu à peu, les cellules de ce membre de l'Eglise du Christ. Qui peut dire avec précision quand la maladie de l'Occident a commencé ? En cherchant bien, on peut remonter jusqu'à Augustin et même avant. Qui peut dire quand l'Occident est mort définitivement ? Ceux qui ont une mentalité papiste diront, hésitants, au moment où le concile de Constantinople, en 1054, a excommunié le papisme. Peut-être diront-ils aussi que la mort est arrivée quand parvinrent les lettres des autres patriarcats qui donnaient leur accord à l'excommunication lancée par Constantinople ? Et quand arrivèrent ces lettres, ou quand furent prises les décisions des autres patriarcats ? Les choses sont bien embrouillées. En tout cas, d'une manière ou d'une autre, en situant la mort des Occidentaux après l'excommunication lancée par Constantinople, ils admettent qu'avant cette excommunication l'Eglise des Latins était une Eglise vivante. Si Rome, premier siège de l'Eglise, était une Eglise vivante avant son excommunication par le concile de Constantinople, alors cette Eglise primatiale et vivante, ayant, la première, excommunié l'Eglise Orthodoxe, a fait de cette dernière, par l'excommunication et l'anathème, une Eglise morte, avant que celle-ci ait eu le temps d'anathématiser l'Occident hérétique et...peut-être l'Eglise du Christ serait aujourd'hui l'Eglise hérétique du Pape !
Voilà où aboutit l'ecclésiologie des apologètes du Néo-Calendarisme. Ce qui est arrivé avec la chrétienté d'Occident arrive aussi, avec le Néo-Calendarisme, à notre époque. L'Occident était malade depuis des siècles et personne ne peut dire quand il est mort spirituellement. Les Néo-Calendaristes étaient malades depuis des décennies et personne ne peut dire, exactement, quand ils sont morts sacramentellement et spirituellement. Théoclète Pharmakidès a, peut-être, été le premier microbe. Mais la maladie a commencé par la publication, en 1920, de la première confession hérétique officielle du Patriarcat de Constantinople, Encyclique à toutes les Eglises du Christ. Pour la première fois, un Patriarcat Orthodoxe ébranlait l'article du Symbole de la Foi "en l'Eglise une", et proclamait, officiellement, sa foi en plusieurs Eglises. Pour la première fois, un Patriarcat Orthodoxe confessait, publiquement, de la façon la plus officielle, que l'Eglise du Christ n'était pas une, connue sous le nom d'Orthodoxe, mais qu'Eglises du Christ étaient toutes les hérésies qui sont sur la face de la terre. Le pire, c'est que cette confession hérétique des oecuménistes de Constantinople, les Eglises locales l'ont admise, sans protester, sans dégager leur responsabilité. Tel a été le commencement de l'hérésie de l'oecuménisme en 1920. Pendant quatre ans personne ne réagit, pas même ceux qui devaient devenir les Paléo-Calendaristes. Ceci montre fort clairement combien sont rationalistes ceux qui définissent, avec des chronologies, des dates, des heures, des minutes et des secondes, le moment du départ de la grâce de chez les Néo-Calendaristes. Un de ceux-ci écrit : L'Eglise des Néo-Calendaristes, disent nos adversaires, a été schismatique par le changement de calendrier et en conséquence, elle a perdu sur le champ, c'est-à-dire en 1924, la grâce des sacrements. En effet, l'Eglise de Grèce, comme toutes les autres Eglises orthodoxes, avait admis, dès 1920, sans protester, l'hérésie de l'Oecuménisme. Quand il y a hérésie, comment pouvons-nous parler de schisme ? Le changement de calendrier était la simple application d'une décision prise en 1920. L'Encyclique de 1920 disait clairement : Cette amitié et la bonne disposition des uns envers les autres peuvent être exposées et indiquées, en particulier, selon nous, comme suit : 1 Par l'adoption d'un calendrier unique pour la célébration simultanée des grandes fêtes chrétiennes par toutes les Eglises. Cette proposition fut acceptée en 1920. Seule son application attendit pendant quatre ans; et c'est elle qui devait réveiller les Orthodoxes. Ce n'est que peu à peu que les Orthodoxes devaient prendre conscience de l'hérésie de l'Oecuménisme, au fur et à mesure qu'elle se manifestait et progressait. La responsabilité des Néo-Calendaristes grandissait elle aussi, au fur et à mesure de cette prise de conscience, jusqu'au jour de la levée réciproque des anathèmes qui les déconcerta.
Combien de temps a-t-il fallu à la semence de l'hérésie des Latins pour devenir cet arbre redoutable que nous voyons aujourd'hui ? Et aussi, combien de temps a-t-il fallu pour qu'advienne le schisme entre l'Orient et l'Occident ? Les historiens écrivent : Ainsi le schisme qui sépara l'Eglise d'Occident d'avec l'Orient, commencé sous Photios, se termina sous Michel Cérulaire en 1054. Il lui fallut donc deux siècles pour se réaliser. Dans cette attente, l'Eglise Occidentale était virtuellement hérétique bien avant Photios. Cependant, sous Photios et peut-être même après lui, il y a eu des moments de sursauts car il se trouvait, en Occident, des hommes de qualité. Quand l'Occident est-il mort définitivement ? Qui peut le dire ? Mais à quoi bon le savoir ? L'Occident était malade, c'était un bateau qui prenait l'eau et qui sombrait. Malheur à celui qui voit le navire où il se trouve sombrer et qui reste immobile et ne se hâte pas de sauter dans les canots de sauvetage.
Aujourd'hui, chez les Néo-Calendaristes, la semence de l'hérésie a germé, elle est devenue une plante que même les plus désorientés voient. Aucun d'eux ne peut faire semblant de l'ignorer. Tous les Néo-Calendaristes savent aujourd'hui qu'ils sont membres d'une «Eglise» hérétique.
Le fait que l'Eglise Orthodoxe ait toléré le Pape et ses cacodoxies pendant des siècles avant 1054, avant l'excommunication définitive de Rome, comme l'écrivent les apologètes du Néo-Calendarisme, ne signifie nullement que l'Occident n'était pas, pendant tout ce laps de temps, malade, moribond ; pas plus qu'il ne signifie que la mort est venue au moment de l'excommunication. L'excommunication officielle a été le certificat de décès, certificat qui est délivré après la mort. Ce n'est pas le certificat qui amène la mort ; d'ailleurs, cet acte peut tarder ou ne jamais être délivré. Que ne soient pas scandalisés ceux qui nous entendent dire, d'une part, que les Néo-Calendaristes sont hérétiques et, de l'autre, qu'il y avait chez eux la grâce des sacrements, grâce qui devait se retirer au fur et à mesure que la maladie s'aggravait, les plongeant, de plus en plus, dans l'hérésie ; qu'ils ne considèrent pas non plus contradictoires les affirmations des Paléo-Calendaristes qui, en 1937, admettaient la présence de la grâce dans l'Eglise Néo-Calendariste et, en 1950, la niaient, voyant les Néo-Calendaristes persécuter sauvagement et sans pitié l'Eglise du Christ. N'a-t-on pas vu les mêmes choses sous Photios ? En 867, le concile de Constantinople exclut le Pape et ceux qui communiaient avec lui, et, en 879, un nouveau concile de l'Eglise Orthodoxe, assemblé dans l'Eglise de Sainte-Sophie, confirma les décisions du précédent. Et pourtant, bon nombre de témoignages, révèlent qu'après ces événements, les Orthodoxes continuèrent de reconnaître, pendant un certain temps encore, des îlots de grâce dans le monde occidental.


L'important, c'est la prise de conscience

Les sacrements de l'Eglise et tout ce qui concerne la grâce de Dieu sont au-dessus de tout concept et de toute intelligence. Ne mêlons pas note pensée orgueilleuse et rationaliste à notre prétention de comprendre les jugements de Dieu qui sont inaccessibles aux hommes et aux anges. L'hérésie, c'est la négation de la grâce illuminative de Dieu, un aveuglement volontaire, un état qui ne se concilie pas avec la présence du Saint Esprit. Il n'y a ni grâce, ni sacrements chez les hérétiques. Etre hérétique signifie avoir chassé loin de soi l'énergie divine. Etre hérétique, c'est la preuve qu'on ne possède pas l'Esprit Saint. Sans l'Esprit Saint, pouvons-nous parler de sacrements ? Comme la sainteté, le péché connaît, lui aussi, des degrés. L'hérésie est, certes, le plus grave de tous les péchés qui mènent à la mort parce qu'elle rend l'homme étranger à l'Eglise. Veillons à ne pas schématiser en rationalistes les choses, les enfermant dans le moule de notre compréhension limitée et pécheresse. Il se peut que quelqu'un prêche une terrible hérésie, sans être réellement hérétique, parce qu'il le fait par ignorance ; mais, dès qu'on lui démontre que ce n'est pas là la pensée de l'Eglise, il se rétracte immédiatement. On peut également communier avec des hérétiques, en ignorant qu'ils le sont. Quand les judaïsants circoncisaient les chrétiens venus du paganisme, leur acte était une hérésie, parce qu'ils croyaient la circoncision indispensable au salut, et retournaient ainsi à la servitude de la Loi dont le Christ nous a délivrés. L'Apôtre Paul qui a frappé cette hérésie de toutes les forces de son âme n'a pas hésité à circoncire lui-même des disciples à lui, pour ne pas scandaliser et nuire à l'Evangile.
Au siècle dernier, la jeune Eglise du Japon demanda à sa Mère l'Eglise russe de l'autoriser à changer le calendrier. L'autorisation lui fut accordée, sans qu'aucune Eglise n'y ait fait d'objection, justifiée qu'elle était par des nécessités missionnaires ; certaines grandes fêtes chrétiennes devaient être célébrées le même jour que les fêtes païennes nippones. N'en fut-il pas de même, aux premiers siècles du christianisme, quand l'Eglise décida se faire coïncider ses fêtes avec les grandes fêtes païennes. Cela était d'une grande importance missionnaire, c'était une contre-attaque de l'Eglise qui chassait les démons au moment où ils faisaient de grands dégats. La fête de la Nativité, par exemple, devait être célébrée le même jour que la fête païenne de la naissance du soleil. Nous avons donc deux Eglises qui ont changé le calendrier férial. L'Eglise du Japon et l'Eglise de la Grèce. Mais quelle différence entre ces deux changements ! Le premier fut fait pour faciliter la propagation de l'Orthodoxie dans un pays païen, le second pour faciliter la pénétration des hérésies occidentales dans un pays orthodoxe pour la gloire de l'oecuménisme. Le même acte fut d'une part constructif, de l'autre destructif.
(...) Le plus rationaliste des hommes conviendra que le même péché commis envers une autre personne n'a pas, pour autant, la même signification. Le même acte peut, sous certaines conditions, être péché ou vertu. Frapper quelqu'un est pour tous un péché, mais quand le Christ frappe les marchands dans le Temple, est-ce un péché ? Quand l'ascète du désert, dont parle le Gérondikon, dit des mensonges aux brigands pour sauver celui qu'ils pourchassaient, a-t-il fait un péché ?
Le discernement est la première des vertus, le gouvernail de la vie en Christ. L'introduction du nouveau calendrier férial est une hérésie, parce qu'il est le premier acte de l'oecuménisme, et aucun homme sérieux ne peut douter que l'oecuménisme est une hérésie. Il ne te suffit pas de communier avec des hérétiques pour être co-responsable avec eux, tu dois aussi savoir qu'ils sont des hérétiques. S'ils te trompent en se présentant comme des Orthodoxes, et provoquent de la confusion et du trouble dans l'Eglise, alors ta responsabilité est atténuée. Pouvons-nous qualifier de co-responsables des innovateurs oecuménistes les bons lévites de 1924 qui continuèrent, après le changement de calendrier, de commémorer leurs évêques ? Les Oecuménistes aujourd'hui savent fort bien qu'ils communient avec le «syncrétisme le plus abject», tandis que les précédents ne l'avaient pas compris. Certes, tous les prêtres de l'Eglise de Grèce n'étaient pas tous de bons lévites ; beaucoup d'entre eux étaient pleins de malice, ils savaient ce qui se tramait et étaient consentants. Il serait cependant injuste de dire que tous étaient malicieux et savaient.
On peut dire que le mal est le mal, qu'on le sache ou non. Cela est vrai. Mais nous ne devons pas oublier ce que dit l'Ecriture : «Ceux qui savent recevront beaucoup de coups, et ceux qui ne savent pas en recevront moins». Rappelons-nous cet Ancien, dont parle le Gérondikon, qui fréquentait l'église des Ariens, qui était simple et n'avait pas compris qu'ils étaient hérétiques. Dieu n'en tint pas compte, et lui donna, à la fin de sa vie, de connaître la vérité et de se joindre aux Orthodoxes. Serions-nous plus royalistes que le roi, et de quel droit condamnerions-nous ceux que Dieu ne condamne pas ?


La schématisation

Il est donc très rationaliste de dire que l'Eglise de Grèce, par le changement du calendrier en 1924, a été privée sur le champ de la grâce de Dieu. Ce sont là des schématisations qui satisfont le cerveau étroit et fournissent des solutions faciles, mais non des solutions justes, à nos problèmes. Si Dieu agissait selon les vues des rationalistes, l'Eglise aurait été privée de la grâce depuis les premiers siècles. Au cours de son histoire, l'Eglise a connu tant de bouleversements que personne, avec son cerveau humain, ne peut en trouver le milieu ni la fin.
Que les Néo-Calendaristes disent donc ce qu'ils veulent. Le Métropolite de Florina n'a pas été privé de la grâce et n'avait besoin de personne pour lui restituer la grâce de l'épiscopat, soi-disant perdue, parce qu'il ne s'était jamais identifié en substance à l'hérésie. Dès qu'il s'aperçut, avec certitude, de ce que les innovateurs avaient fait dans l'Eglise de Grèce, il rompit toute communion avec eux. Ceux qui, aujourd'hui, ont besoin d'une restauration de leur sacerdoce, c'est bien ceux qui communient avec le "syncrétisme le plus abject". Dieu voit la nature des choses et non la lettre de la Loi. En outre, pour eux aussi et pour leurs semblables, il y a l'économie de l'Eglise (...)

Le reste de la grâce

Mais le pharisaïsme des partisans du Néo-Calendarisme atteint les plus hauts sommets, quand il parle des ordinations des évêques actuels des Paléo-Calendaristes. Le pacte de tous les évêques de l'Eglise Néo-Calendariste avec le syncrétisme maçonnique de l'Oecuménisme ne les dérange pas. Pas plus que ne les dérange le fait que la plupart des évêques Néo-Calendaristes soient aujourd'hui simoniaques et adultères, et même la mutation qui jadis les troubla ne semble plus les impressionner. Une seule chose leur semble absolument inacceptable : l'évêque des Paléo-Calendaristes a été ordonné par deux évêques. Ils déchirent leurs vêtements et crient : qu'avons-nous besoin de témoins, «l'ordination d'un évêque, par deux évêques, est anticanonique». «Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme de la menthe, de l'aneth, et du cumin, et que vous laissez ce qui est le plus important dans la Loi, le jugement, la miséricorde et la foi. Guides aveugles ! qui filtrez le moustique et avalez le chameau...»
Avec la même méthode, et en appliquant la rigueur, on peut démontrer que tous les évêques de Grèce sont anticanoniques. S'il y a anticanonicité dans les ordinations des Paléo-Calendaristes, elles ont été dictées par l'impitoyable nécessité des temps. Mais quelle nécessité a dicté les terribles et impitoyables ordinations anti-canoniques d'évêques néo-calendaristes ? D'ailleurs, les mêmes admettent la nature dogmatique de l'ordination des Paléo-Calendaristes, puisqu'ils disent qu'une chose est l'anti-canonicité et, une autre, la nature dogmatique d'une ordination. Pourquoi alors continuent-ils à discuter de la canonicité ou de l'anticanonicité des ordinations des Paléo-Calendaristes ? Si, forcés par la nécessité, les Paléo-Calendaristes ont transgressé des canons dans leurs ordinations, ils ont cependant gardé la Foi, tandis que les Néo-Calendaristes, qui ont foulé la Foi et les canons, devraient être les derniers à avoir le droit de parler de transgression des canons. Des hommes qui ordonnent des évêques malgré le peuple qui crie "Indigne", alors que la foule à l'extérieur conspue consécrateurs et consacrés, ont bien du culot à juger les ordinations des Néo-Calendaristes.
La non-mention, sur l'acte d'ordination, du nom de l'évêque roumain Théophile qui a assisté Séraphim, lors de l'ordination d'Akkakios, fut un acte louable d'intelligence qui visait à ne pas scandaliser ceux des Paléo-Calendaristes qui n'auraient pu discerner entre le Néo-Calendarisme de l'Eglise d'Etat et l'admission, par économie et par souci missionnaire, des Roumains Néo-Calendaristes par l'Eglise Russe Paléo-Calendariste de la diaspora. Comme nous l'avons dit, l'Eglise Russe de la diaspora a reçu dans son sein les émigrés roumains de Théophile, sans poser la condition d'un retour au calendrier férial orthodoxe, agissant ainsi avec une vraie sagesse apostolique, pour ne pas les choquer dès le début et les laisser se perdre dans la Babylone américaine de la Nouvelle Religion.
Le fait que l'ordination ait été faite à l'insu du Synode, seul un homme de mauvaise foi pourrait la qualifier de méprisante. Séraphim a fait autre chose que «d'écrire sous ses vieilles chaussures le président de son propre synode et de ses membres». Bien au contraire, connaissant la position difficile du Synode Russe à cette époque, il a voulu le libérer de toute responsabilité et éviter ainsi la fureur de l'Eglise d'Etat grecque contre le Synode et son troupeau, en la détournant sur lui uniquement. S'il n'y avait pas eu, chez Séraphim, le souci de couvrir le Synode, il n'aurait pas mentionné sur l'acte de l'ordination que celle-ci «avait été faite à l'insu du Synode».
Bien que non sollicité, le Synode approuva cette ordination dans le fait qu'il ne prit aucune sanction à l'encontre de Séraphim. Au lieu de sanctions, on vit venir en Grèce un autre hiérarque du Synode Russe de la diaspora, l'Archevêque Léonty du Chili, et consacrer avec Akkakios, les autres évêques des Vrais Chrétiens Orthodoxes de Grèce. Aucune sanction ne fut prise à son encontre par le Synode. D'ailleurs, le Synode Russe de la diaspora devait révéler son approbation par la reconnaissance officielle de ces ordinations.
Les Néo-Calendaristes disent encore que l'ordination des Evêques Vrais Orthodoxes de Grèce est extra-territoriale, parce que faite par des évêques d'Amérique, chose interdite par les canons. Le Saint Synode de l'Eglise de Grèce, écrivent-ils, s'interdit de consacrer un évêque ou un autre clerc pour l'Eglise de Chypre ou de Crète, de Serbie, de Bulgarie, etc. Nous sommes d'accord que de tels actes sont interdits quand les Eglises de Crète, de Chypre, de Serbie, de Bulgarie, etc., sont en tout orthodoxes. Mais, supposons que l'Eglise de Chypre devienne hérétique, serait-il alors toujours interdit par les canons, à l'Eglise de Grèce, d'ordonner pour les quelques Orthodoxes de Chypre, un ou deux évêques ? Ne serait-ce pas une indifférence coupable que de ne pas en ordonner ? Quand Constantinople envoya des évêques pour faire paître le troupeau de Russie, ces évêques-là étaient-ils extra-territoriaux ? Si le changement de calendrier n'avait pas été fait en Grèce, si l'Eglise d'Etat ne s'était pas engagée dans la voie de l'oecuménisme, si elle était restée vraiment orthodoxe, alors les ordinations d'évêques grecs par des Russes d'Amérique auraient été, en vérité, extra-territoriales, voire anticanoniques. Mais, à présent, elles ne peuvent être qualifiées ni d'extra-territoriales, ni d'anticanoniques, mais bien de salutaires. Ainsi a été sauvegardé en Grèce le reste de la grâce, le peuple élu des Paléo-Calendaristes comme jadis Israël, malgré ses mesquineries, ses vices, fut le pont de la vérité sur lequel devaient passer tous ceux qui, dans ce pays, honorent encore Dieu pour traverser le torrent impétueux de l'épreuve présente.


La falsification de l'histoire

Mais les Néo-Calendaristes n'ont même pas respecté l'Histoire et leur impiété est allée jusqu'à calomnier l'Eglise qui durant de longs siècles a toléré le Pape et ses cacodoxies. Voici ce que l'un d'eux écrit : N'oublie pas que la Primauté et le Filioque du Pape ne sont apparus ni en 1054, quand Rome a été rejetée, ni en 1053, ni en 1052. Pendant de longs siècles, ces choses-là furent enseignées en Occident. Et, pourtant, l'Eglise, usant d'économie, tolérait et le Pape et ses cacodoxies. Oui, Photios le grand lui-même a toléré pendant longtemps, non seulement la commémoraison du Pape cacodoxe aux dyptiques, mais aussi il écrivit, en 885, à propos du Pape Jean VIII, mort depuis trois ans : "Notre cher Jean, esprit viril, viril dans sa piété...Cet évêque de Rome, plein de grâce" (Mystagogie, chap. 89). Oh ! si, en ce temps-là, avaient vécu certains super-zélotes et super-orthodoxes, ils n'auraient pas hésité, à la suite de ces expressions de politesse à jeter à la face de cet homme saint l'insulte de traître.
Personne ne contestera que les cacodoxies du papisme sont apparues bien avant 1054. Le mensonge effronté et malin, c'est que l'Eglise aurait toléré les cacodoxies ; on n'en croit pas ses yeux en lisant cela. Photios le grand, le propagateur de la condamnation du Papisme, la cause première du rejet des Latins cacodoxes par l'Eglise, est présenté ici comme ayant toléré la cacodoxie !
Ce Néo-Calendariste, ennemi de l'Orthodoxie, exploite ici une idée erronée très répandue selon laquelle le schisme daterait de 1054. Le concile qui a condamné le papisme et les cacodoxies de l'Occident, le concile officiel, avec les légats de tous les patriarches, n'a pas été convoqué à Constantinople sous Michel Cérulaire en 1054, mais sous Photios en 867.
En effet, écrit le professeur et académicien Balanos, c'est dans l'été de l'année 867 que le concile s'est réuni à Constantinople, en présence des légats patriarcaux, et qu'il a anathématisé le pape Nicolas et les missionnaires papistes envoyés en Bulgarie... Ainsi fut consommé le schisme entre les deux Eglises (Article Photios Ier., dans Grande Encyclopédie Grecque). Le même écrit, dans cet article : Le nom de Photios s'immortalisa surtout parce qu'il fut lié, indissolublement, au schisme des Eglises.
Le schisme ne s'est donc pas fait en 1054, mais en 867, dès que les diverses cacodoxies qui, jusque là, étaient de simples tendances théologiques du monde occidental, prirent forme concrète dans la personne du pape Nicolas Ier. L'Eglise n'a jamais toléré, pendant aucun intervalle de temps, le Papisme cacodoxe, mais elle l'a frappé à la tête dès qu'il a voulu lever son front sinistre. Le Papisme cacodoxe fut condamné sous Photios une fois pour toutes et jamais il n'y eut ni ne saurait y avoir levée de cette condamnation. Il y eut, seulement, des confirmations et des renouvellements de l'anathème lancé sous Photios. Si, après 867, il y eut des périodes de réconciliation avec Rome, cela n'est pas dû à une quelconque tolérance de l'Eglise envers ses cacodoxies, mais, au contraire, au fait qu'à certaines périodes Rome rejetait ces cacodoxies et le Pape apparaissait alors avec le visage de l'ancien évêque orthodoxe. C'est précisément ce qui est arrivé en 872 quand monta, sur le trône de Rome, le pape Jean VIII. De ce que Jean VIII était, durant sa vie, orthodoxe comme Léon III, nous avons un témoignage irréfutable, écrit le Métropolite de la Pentapole, Nectaire, dans son livre Etude historique sur les causes du schisme (vol.I, p. 290). De ce que le pape Jean VIII était orthodoxe et gardien du Symbole sacré des Pères de Nicée, c'est-à-dire du dépôt commun des chrétiens et l'émule de Léon III, le bienheureux, nous avons quatre témoignages irréfutables (cf. Encyclique de l'Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique de 1863, p. 96-108), écrit le même saint à la page 296 de son livre ci-dessus. Ce pape fut si haï par les impitoyables Latins pour son orthodoxie qu'ils le traitèrent d'efféminé, et ainsi fut créé le mythe de la papesse Jeanne (cf. Grande Encyclopédie Grecque, art. Jean VIII, pape de Rome).
En effet, ce pape Jean VIII de Rome envoya trois légats à Constantinople pour participer au Concile Oecuménique de 879, et en approuva les décisions. Ce concile qui se tint sous la présidence de Photios anathématisa celui qui oserait ajouter quoi que ce fût au Symbole de la Foi. Ainsi furent anathématisés tous les Latins, les tenants de l'hérésie du Filioque, ennnemis de Photios et de Jean VIII. En outre, ce concile et les légats du pape Jean placèrent sur pied d'égalité Photios et le Pape et acclamèrent d'abord Photios et ensuite le Pape. Procope de Césarée s'écria : C'est à lui (Photios), en vérité, que devrait revenir l'épistasie du monde entier, et les légats du pape, non seulement ne protestèrent pas, mais applaudirent le discours : Nous aussi, qui habitons les confins du monde, nous approuvons tout cela. Autrement dit, ils admirent Photios comme supérieur à leur pape. Ainsi tant l'hérésie du Filioque que l'hérésie de la primauté du Pape furent-elles condamnées par le concile et le Pape Jean confirma ces décisions.
Puisque par le concile de 867, le pape Jean a officiellement condamné les cacodoxies des Latins, il ne pouvait être sous le coup de la condamnation du Papisme cacodoxe comme Nicolas, son prédécesseur, et son Credo était orthodoxe. Où voit-on la tolérance de la cacodoxie, que le très sage apologète du Néo-Calendarisme attribue à Photios et à l'Eglise ?
Le texte de Photios qui parle de Jean, le docteur néo-calendariste le cite avec arrière-pensée, gravement mutilé ; car, s'il l'avait cité intégralement, il serait clairement apparu que Photios écrivit élogieusement sur Jean, non par politesse mondaine, et couvrant sa cacodoxie, mais parce qu'il considérait, sincèrement, Jean comme un combattant courageux de l'Orthodoxie, et son allié dans la lutte pour la vérité. Voici le texte, sans coupures : Vint alors mon cher Jean -je l'appelle ainsi, car il m'est cher à plus d'un titre, notamment pour avoir, plus que nul autre, embrassé ma cause- notre Jean, donc, esprit viril, viril dans la piété, viril aussi dans son ardeur à haïr et à terrasser toute injustice et toute hérésie...cet évêque de Rome, plein de grâce (Mystagogie, ch. 89).
Qui doutera, après cela, de la mauvaise foi de l'apologète coryphée bien connu du Néo-Calendarisme ? Toute la phrase : Viril dans son ardeur à haïr et à terrasser toute injustice et toute hérésie, il l'a supprimée pour fabriquer son argument que, soi-disant, Photios louait Jean et l'appelait pieux, sachant fort bien qu'il était cacodoxe. En lisant le texte de Photios sans la coupure, on est indigné et on se demande comment l'Eglise et l'Histoire ont pu donner le titre de «grand» à un homme qui par «politesse» mondaine oubliait tout ce qu'il avait dit et écrit, dans le passé, contre la cacodoxie papiste et appelait «viril», «pieux» et «plein de grâce», le pape de Rome, impie et cacodoxe. «Ne vous troublez pas, nous dit le Néo-Calendariste ennemi de l'Orthodoxie, l'Eglise s'est toujours comportée ainsi, usant d'économie...Tous ceux qui s'indignent de cette hypocrisie sont des SUPER-Zélotes et des SUPER-Orthodoxes».
Malgré tout ce que peut dire cet apologète du Néo- Calendarisme pour rabaisser Photios le grand au niveau sous-marin de ses amis évêques, ce texte qu'il a mutilé existe et crie. Photios le grand loue bien Jean pour sa haine de l'impiété et pour sa force à terrasser la cacodoxie, ce que tous ses contemporains savaient fort bien.
L'orthodoxie du pape Jean a provoqué un si grand bouleversement dans le camp cacodoxe latin que, pendant des siècles, ce pape fut l'épicentre de la haine des défenseurs du papisme cacodoxe. Pour comprendre combien fut grande l'humiliation que ce concile infligea à l'orgueil et à l'arrogance papale, et combien fut grande et mortelle la blessure faite à l'hérésie, songe à la lutte, à l'embarras, aux contradictions au sein même du camp des défenseurs du papisme, [lesquels] peu s'en fallut qu'ils affirmassent, avec serment, que cette lettre du pape Jean à Photios était fausse...les uns trouvaient dans cet acte de Jean le comble de l'impiété...pour s'être accordé avec les schismatiques ; les autres affirmaient que tout ce qu'il avait fait de sa propre initiative n'était que lâcheté ; mou de caractère et craignant les Grecs qui n'avaient rien de terrible, il fut vaincu par Photios. Ainsi fut-il appelé Jeanne, au lieu de Jean, d'où le mythe de la papesse Jeanne qui se répandit parmi les papistes (Elie Tantalidès, Réfutation des Papistes,2,243). Donc, il n'y eut jamais, chez Photios, de «tolérance» de la cacodoxie.


Jamais il n'y eut de «tolérance»

Peut-être même l'audacieux Néo-Calendariste rétorquera-t-il que la cacodoxie du papisme était bien antérieure à Photios et que l'Eglise -usant d'économie- la tolérait. Il est connu, en effet, que beaucoup d'érudits ont décelé les germes de l'hérésie du Filioque chez Augustin, le docteur des Occidentaux. Déjà, aux IVè et Vè siècles, on voit chez les théologiens latins des discussions autour de cette idée. Le Filioque fit son apparition, pour la première fois, en Espagne, en particulier aux conciles de Tolède en 547 et 589. C'était une extension rationaliste, dont les mobiles étaient au départ orthodoxes, durant la lutte contre l'Arianisme. D'Espagne, le Filioque passa, peu après 767, dans le credo de l'Etat frank et commença à prendre des dimensions dangereuses chez les théologiens de Charlemagne, mais il demeurait toujours une tendance théologique, sans caractère officiel. Quand Charlemagne demanda au Pape Léon III (816) d'ajouter au Credo de la foi le Filioque, le Pape refusa l'addition et fit placer, dans l'église de saint Pierre, deux plaques en argent, sur lesquelles étaient gravé le symbole de la foi, en grec et en latin, sans le Filioque.
Quant à la primauté du Pape, elle se formait au fur et à mesure de la perte de l'importance de Rome, et elle atteint son développement définitif au milieu du IXè siècle, par les Constitutions pseudo-Isidoriennes. Le premier anathématisé par Photios fut le Pape de Rome Nicolas Ier qui voulut appliquer ces Constitutions. Le professeur de l'Université d'Athènes, Basile Stéphanidès, dans son Histoire de l'Eglise, écrit : La lutte de Rome pour la domination du monde a commencé par Nicolas Ier (858-867). Selon ses contemporains, Nicoals se fit lui-même empereur du monde entier. Ainsi s'explique, plus clairement encore, pourquoi le schisme a commencé par lui (p. 345).
Lorsque Nicolas voulut soumettre la Bulgarie à l'Eglise de Rome, l'addition du Filioque n'avait pas encore été faite au Symbole. Malgré cela, Nicolas introduisit, officiellement, cette doctrine du Filioque dans l'Eglise de Bulgarie. Dans son Histoire de l'Eglise, B. Stéphanidès écrit : La doctrine du Filioque, introduite dans l'Eglise bulgare, officiellement, cessait d'être, dans les relations entre les Eglises d'Occident et d'Orient, une question de tendance théologique ; désormais, elle se présentait comme un dogme ecclésiastique. C'est pourquoi Photios le premier combattit cette doctrine comme hérétique...Par l'intervention de Nicolas Ier dans l'Eglise bulgare, la primauté papale quitta sa forme théorique et vague qu'elle avait eue jusque-là et prit une forme pratique et bien définie (p. 354).
On voit donc et très nettement qu'il n'y a jamais eu de tolérance dans l'Eglise envers «le Pape et ses cacodoxies». Dès que ses cacodoxies, qui circulaient comme tendance théologique en Occident, prirent une forme dogmatique concrète, sous Nicolas Ier, l'Eglise les a frappées d'anathème au concile de 867. Quand à nouveau, les cacodoxies de Rome furent stoppées, par le Pape Jean VIII, Photios n'avait aucune raison de ne pas rétablir ses relations avec une Eglise dont il voyait le Primat haïr et terrasser "l'injustice et l'hérésie".


Même pas sur les dyptiques

Le Papisme cacodoxe fut condamné, officiellement, dès son apparition, et jamais il n'y eut de levée de cette condamnation du Papisme cacodoxe. Le Papisme a été condamné une fois pour toutes en 867. En 879, les relations furent rétablies entre l'Eglise Orthodoxe et Rome, mais non avec la Rome papiste. L'Orthodoxie ne baissa pas pavillon. Le Pape avait changé. Le cacodoxe était mort et un orthodoxe avait pris sa place. Jean VIII rejeta les erreurs de Nicolas Ier et signa sa condamnation, par ses légats, en 879. Jamais il n'y eut d'économie envers la cacodoxie. Il n'y eut que les sauts de Rome, passant de la cacodoxie à l'orthodoxie et vice-versa, qui firent que l'Eglise d'Orient fut tantôt amicale, tantôt ennemie envers Rome, jusqu'en 1054, où Rome fut définitivement installée dans la cacodoxie.
En substance, l'apologète du Néo-Calendarisme n'a rien fait d'autre que de répéter les arguments d'Athénagoras qui disait qu'avant 1054, il y avait communion Orient-Occident, malgré les divergences dogmatiques. Mais il est connu qu'il n'y avait pas de communion avant 1054, et que le nom même du Pape ne figurait plus aux dyptiques. Plus d'un siècle avant 1054, vers 906, le Patriarche de Constantinople Nicolas le Mystique dit dans ses lettres (53 & 54) à Jean X de Rome que le nom du Pape ne figurait pas sur les dyptiques de l'Eglise de Constantinople. Donc, vingt ans après le Pape orthodoxe Jean VIII, le nom du Pape était déjà effacé des dyptiques.
Mais celui qui veut mieux mesurer l'étendue de la ruse historique de ces hommes-là et qui veut voir de quelle espèce fut la fameuse tolérance de l'Eglise Orthodoxe envers le Papisme cacodoxe, qu'il lise l'anathème déposé par Humbert et les autres légats du Pape sur l'autel de Sainte Sophie, un samedi de juillet 1054. Quelles causes étaient mentionnées dans cet anathème ? D'après les légats papistes, les Orthodoxes sont dignes d'anathème, parce qu'entre autres, ils rebaptisent les Latins, ne considèrent comme valides que leurs seuls sacrements, portant barbe et cheveux et n'admettent pas à la communion les clercs qui font le contraire (Stéphanidès,Hist.Eccl., p.378).

Epilogue

Plus le temps passe, plus tous ceux qui deviennent, volontairement, aveugles, sont sans défense. L'Eglise du Christ a toujours été le petit troupeau méprisé, persécuté, pauvre, sans gloire ni sagesse de ce monde. «Il n'y a pas [parmi vous] beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens bien nés. Mais ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages». Dieu n'a pas utilisé la sagesse des sages et des intelligents de ce siècle, si ce n'est pour les pousser à l'orgueil qui méprise le petit nombre qui sauvegarde la Vérité. Cette séparation en Néo-Calendaristes et Paléo-Calendaristes est salutaire pour l'Eglise. Le grand nombre qui porte l'esprit du monde restera Néo-Calendariste, épurant ainsi l'Eglise du Christ de tous ceux qui sont «chrétiens» tout simplement pour être nés en pays orthodoxe. Dans l'Eglise du Christ trouveront refuge le petit nombre qui ont l'esprit des pêcheurs de la Galilée. De nos jours, nous sommes les témoins d'un événement historique : la vraie Eglise du Christ en Grèce, en Russie, dans le monde entier, a échappé à l'étreinte asphyxiante du monde qui a toujours été ennemi de Dieu. Prise à l'hameçon des pouvoirs et des autorités qui, au cours de ces derniers siècles, lui ont offert leur amitié tyrannique, elle s'en est échappée ensanglantée, blessée, porteuse de la dérision du Christ et des stigmates de Son Corps, mais toujours vivante et combative. Quant au monde, après avoir secoué les pouvoirs théocratiques d'un passé lointain, et jeté le masque et les apparences, il marchera, le mors aux dents, sur la voie de la dernière apostasie. Ce monde pressera dans ses bras tous ceux qui, en réalité, sont siens, même s'ils portent le nom de chrétiens orthodoxes, laïcs, moines, prêtres et évêques, et les absorbera, peu à peu, avec une méthode diabolique.
Des hommes, et ils sont nombreux, à l'esprit de ce monde se trouvent même chez les Paléo-Calendaristes. Dès qu'ils s'apercevront qu'ils ont perdu le sein douillet de ce monde, ils cesseront d'être orthodoxes et retourneront à «leurs vomissures». Et d'autres, également nombreux Néo-Calendaristes, qui étouffent aujourd'hui sous les imposantes coupoles de l'Eglise «sécuralisée», trouveront le chemin en retournant à l'Eglise humble, pauvre, méprisée des pêcheurs de la Galilée. Il y aura de nouveaux engagements. Mais l'Eglise restera ce qu'elle a toujours été, jusqu'au jour terrible et glorieux du Seigneur.

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