jeudi 13 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°22. Editorial.

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Editorial


Les fils d’Eli

Saint Jean Chrysostome, dans son Traité du Sacerdoce, énumère les vertus dont le ministre des redoutables mystères doit être paré et les résume toutes dans cette exigence : « Il ne doit avoir qu’une seule chose devant les yeux : l’édification de l’Eglise, ne déviant jamais de ce but, ni par haine, ni par amour ».

Si redoutable est cette charge, que ceux qui ne respectent pas scrupuleusement les saints canons et les divins enseignements de l’Eglise ne menacent pas seulement le salut de leur propre âme, mais encore le salut de l’âme des fidèles que le Bon Berger leur a confiés. C’est pourquoi saint Jean Chrysostome avertit que Dieu réserve aux supérieurs des châtiments plus sévères qu’aux subordonnés, selon la parole du prophète Amos : « je vous ai distingués de toutes les tribus de la terre ; c’est pour cela que je me vengerai de toutes vos impiétés » (Amos 3, 2).

L’Ancien Testament abonde en exemples de cette vengeance divine, encourue par les prêtres et sacrificateurs qui exercèrent de façon impie leur charge sacerdotale. Nul exemple n’est cependant plus susceptible d’inspirer la crainte de Dieu que celui des fils d’Eli1, que rapporte le Premier Livre des Rois.

Le sacrificateur Eli avait deux fils, également prêtres du Temple, Hophni et Phinées, qui détournaient à leur profit les dons du peuple et couchaient avec les filles d’Israël, « hommes pervers qui ne connaissaient point le Seigneur « (1 Samuel 2, 12). Apprenant ces méfaits, leur père vint auprès d’eux et leur fit ces reproches : « Non, mes enfants, ce que j’entends dire n’est pas bon ; vous faites pécher le peuple du Seigneur. Si un homme pèche contre un autre homme, Dieu le jugera ; mais s’il pèche contre le Seigneur, qui intercédera pour lui ? » (1 Samuel 2, 22-25).

Mais ils ne l’écoutèrent pas. Eli, cependant, ne fit rien pour mettre un terme à ces mauvaises actions. Aussi fut-il condamné par le Seigneur pour avoir préféré ses enfants à Dieu : « Pourquoi foulez-vous aux pieds mes sacrifices et mes offrandes que j’ai ordonné de faire dans ma demeure ? Et d’où vient que tu honores tes fils plus que moi, afin de vous engraisser des prémices de toutes les offrandes d’Israël, mon peuple ? (…) Voici, le temps arrive où je retrancherai ton bras et le bras de ta maison de ton père, en sorte qu’il n’y aura plus de vieillard dans ta maison. Je laisserai subsister auprès de mon autel l’un des tiens, afin de consumer tes yeux et d’attrister ton âme ; mais tous ceux de ta maison mourront dans la force de l’âge. Et tu auras pour signe ce qui arrivera à tes deux fils Hophni et Phinées : ils mourront tous les deux le même jour. Je m’établirai un sacrificateur fidèle qui agira selon mon cœur et mon âme « (1 Samuel 2, 29 ; 31 ; 33-36).

Israël était alors en guerre contre ses nombreux ennemis ; lors d’un combat à Ében-Ézer, les Philistins tuèrent trente quatre mille hommes, dont les deux fils d’Eli, et emportèrent captive l’Arche de l’Alliance, qui fut sept mois entre leurs mains. Tout cela arriva parce que le peuple d’Israël et ses prêtres étaient impurs et infidèles.
La Sainte Ecriture ajoute « qu’en ces jours-là, la parole du Seigneur était rare et les visions n’étaient pas fréquentes » (1 Samuel 3,1).

Ne pouvons-nous pas dire qu’en nos jours également, à cause de l’iniquité et de l’impiété des clercs qui foulent aux pieds les saints canons et les dogmes de l’Eglise Orthodoxe, la parole du Seigneur se fait rare, et les visions peu fréquentes ? Sont-ils saints et déifiés comme les Prophètes et les Pères, ces évêques et ces prêtres qui, aujourd’hui, abolissent les règles et les principes de foi les plus anciens de notre Tradition, changent le calendrier, prient avec les hétérodoxes, combattent le monachisme et cessent de confesser l’Eglise orthodoxe comme Une, Sainte, Catholique, et Apostolique, et la seule Arche du Salut ? Comment pourrait-on voir dans cette négation de l’essence même de la foi orthodoxe, qu’est l’œcuménisme, les fruits de la parole prophétique et de la vision de Dieu ?

Les sacrifices d’encens et de viande de l’Ancien Testament n’étaient que les ombres des biens à venir, les figures de la Sainte Eucharistie. Si donc les ministres de la Loi, qui n’était pas parfaite – car « la Loi n’a rien amené à la perfection » (Hébreux 7,19) – ont été jugés avec tant de sévérité, à plus forte raison, les ministres de la Nouvelle Alliance ne seront-ils pas jugés avec une sévérité plus grande ? Car le jugement est proportionné à la dignité de la fonction, et le sacerdoce des chrétiens infiniment supérieur au sacerdoce lévitique.

Que Dieu nous donne de ne pas suivre les pratiques de ces nouveaux fils d’Eli que sont les évêques corrupteurs de la foi orthodoxe, mais d’écouter les sacrificateurs fidèles dont le Seigneur pourra dire au jour du Jugement qu’ils auront agi « selon mon cœur et mon âme ».

1 Il s’agit d’Eli le grand-prêtre, non du prophète Elie.

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