samedi 22 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°31. Moine Isaac : Sur les Monophysites.

MOINE ISAAC (Jordanville)



SUR L'ACCORD AVEC LES MONOPHYSITES

Commentaire sur les recommandations récentes de la
Commission bilatérale pour le dialogue théologique
entre l'Eglise Orthodoxe et les Eglises d'Orient




La troisième réunion de la Commission Bilatérale pour le Dialogue Théologique entre l'Eglise Orthodoxe et les Eglises d'Orient ou Eglises Monophysites s'est tenu au siège du Patriarcat Oecuménique à Chambésy (Suisse), du 23 au 28 septembre 1990. La Commission s'est réunie sous la présidence du Métropolite de Suisse, Damascinos. Les trente-quatre membres de la Commission venaient des Eglises de Chypre, Tchécoslovaquie, Egypte, Ethiopie, Finlande, Grèce, Etats-Unis, Liban, Pologne, Suisse, Syrie, Royaume-Uni, Union Soviétique (Eglises de Russie, de Géorgie et d'Arménie) et de Yougoslavie.
Comme le Métropolite Damascinos l'a affirmé dans son discours d'ouverture, l'objectif de la Commission est de restaurer une complète communion ecclésiale entre l'Eglise Orthodoxe et les Eglises Monophysites de Syrie, d'Egypte, d'Ethiopie, d'Arménie et de Malabar (Inde). Les membres de la Commission considèrent que cet objectif peut désormais être atteint, à la suite des accords passés entre les deux Eglises sur l'enseignement christologique, tels qu'ils ont été résumés dans la «Première déclaration commune» de la Commission (Monastère d'Anba Bishoy, 1989). Les causes de la rupture originelle entre les Eglises Orthodoxes et les Monophysites sont décrits, par la Commission, comme liés, «de façon indissoluble à un désaccord d'ordre théologique portant sur la compréhension et sur l'interprétation» de la définition dogmatique du Concile de Chalcédoine (451). La Commission est arrivée à la conclusion que ce désaccord n'existe plus et que, dans les faits, les Orthodoxes et les Monophysites sont «en accord total sur les points essentiels de la foi». En conséquence, la Seconde Déclaration Commune ne voit plus aucun obstacle à l'union des Orthodoxes et des Monophysites et se donne pour tâche de mettre en place les mesures pratiques nécessaires pour que l'union devienne effective. La «Seconde Déclaration Commune» est un document succinct que nous reproduisons intégralement ci-dessous. Elle appartient au genre désormais usuel des «Déclarations communes», familier à tous ceux qui ont suivi le mouvement oecuméniste depuis une trentaine d'années. Toutes ces déclarations ont une caractéristique commune : elles mettent l'accent sur ce que les différentes parties ont en commun et elles ignorent ou repoussent comme étrangères au débat toutes les différences, grandes ou petites, n'hésitant pas à falsifier la vérité. Cette Deuxième Déclaration en est une parfaite illustration.


DEUXIEME DECLARATION COMMUNE
ET RECOMMANDATIONS AUX EGLISES

La première Déclaration commune sur la Christologie, adoptée par la Commission Mixte de Dialogue Théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes, lors de notre rencontre historique au monastère Anba Bishoy, en Egypte, du 20 au 24 juin 1989, constitue la base de cette deuxième Déclaration commune sur les affirmations suivantes concernant notre foi commune et de son interprétation ainsi que des recommandations quant aux mesures à prendre pour la communion de nos deux Eglises en Jésus-Christ notre Seigneur qui a prié pour «que tous soient un».
1) Les deux familles sont d'accord de condamner l'hérésie eutychienne. Toutes les deux confessent le Logos, la deuxième Personne de la Sainte Trinité, seul à être né du Père avant les siècles et consubstantiel à Lui. Il s'est incarné et est né de la Vierge Marie, la Théotokos ; pleinement consubstantiel à nous, homme parfait avec une âme, un corps et une intelligence (noûs). Il a été crucifié, est mort, fut enterré et ressuscita des morts le troisième jour, monta vers le Père céleste, où Il est assis à la droite du même Père comme Seigneur de toute la Création. A la Pentecôte, par la venue de l'Esprit Saint, Il manifesta l'Eglise comme Son Corps. Nous attendons sa deuxième venue dans la plénitude de Sa gloire, conformément aux Ecritures.

La Commission a choisi d'appeler l'Eglise Orthodoxe et les Eglises Monophysites, «deux familles». Ce terme doit immédiatement éveiller l'attention de toux ceux qui sont attachés à la foi orthodoxe véritable - la «foi vraie». L'accent émotif attaché à ce terme de «deux familles» et les implications inconscientes qu'il véhicule sont trompeuses, c'est pourquoi il est totalement inadmissible. Aucun des membres de la Commission, constituée de quelques-uns des plus éminents théologiens de l'époque, ne peut ignorer la «théorie des branches» qui fut condamnée de façon si décisive au siècle dernier, en particulier par le théologien Alexis Khomiakhov. N'y a-t-il personne pour se souvenir de son avertissement -«l'Eglise est Une» ? Que les Anglicans, les Catholiques Romains, ne sont pas d'autres «branches» d'un même arbre, et que si, d'aventure, l'Eglise était réduite à une poignée d'hommes, elle n'en serait pas moins une, quelque soit le nombre des schismatiques et des hérétiques qui suivent leur propre route. Telle est la doctrine qui a été clairement réaffirmée au siècle dernier. L'Eglise est Une parce qu'elle est le Corps du Christ, et que le Christ est Un et ne peut être divisé. Cela, après tout, devrait être aisé à comprendre pour les Monophysites, car c'est sur le principe de l'unité de la Personne du Christ qu'ils ont rompu la communion avec le reste de l'Eglise. Et les voilà qui maintenant parlent de deux familles, deux branches, deux Corps du Christ ! Non, cela n'est pas possible ! Il n'y a qu'une seule «famille» et ceux qui sont séparés de famille unique sont des prodigues et, tel le fils prodigue, ils doivent retourner à leur famille.
Les paragraphes 2 à 7 de la Déclaration constituent une exposition de la foi qui semble indiquer que la rupture de la communion entre Orthodoxes et Monophysites est, en apparence du moins, fondée sur la crainte injustifiée des Monophysites que la définition de la foi de Chalcédoine allait faire tomber l'Eglise dans le nestorianisme, mais qu'il est aujourd'hui possible aux deux parties de se mettre d'accord sur la nature du Christ.


2) Les deux familles condamnent l'hérésie nestorienne de Théodoret de Cyr. Elles sont d'accord qu'il n'est pas suffisant de dire simplement que le Christ est consubstantiel à Son Père et à nous, Dieu par nature et Homme par nature ; il faut affirmer également que le Logos, lequel est Dieu par nature, devint Homme par nature, par Son incarnation dans la plénitude du temps.
3) Les deux familles acceptent que l'Hypostase du Logos devint composite (sunthetos) en unissant à Sa nature divine incréée avec Sa volonté et Son énergie naturelles, qu'Il a en commun avec le Père et le Saint-Esprit, la nature humaine créée qu'Il assuma par l'incarnation et fit sienne avec sa volonté et son énergie naturelles.
4) Les deux familles acceptent que les natures, avec leurs propres énergies et volontés, sont unies hypostatiquement et naturellement sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, et qu'elles sont distinguées seulement dans la pensée (têi theoriai monei).
5) Les deux familles acceptent que Celui qui veut et agit est toujours l'unique Hypostase du Logos incarné.
6) Les deux familles acceptent de rejeter les interprétations de conciles qui ne sont pas pleinement en accord avec le Horos du IIIè Concile oecuménique et la lettre (433) de Cyrille d'Alexandrie à Jean d'Antioche.
7) Les Orthodoxes acceptent que les Orientaux orthodoxes continuent à maintenir leur terminologie cyrillienne traditionnelle «une nature du Logos incarnée» (mia physis toû Theoû Logou sesarkoméne), puisqu'ils reconnaissent la double consubstantialité du Logos niée par Eutychès. Les Orthodoxes utilisent aussi cette terminologie. Les Orientaux orthodoxes acceptent que les Orthodoxes emploient, à juste titre, la formule des deux natures, puisqu'ils reconnaissent que la distinction est «uniquement en pensée» (têi theoriai monei). Cyrille interpréta correctement cet usage dans sa lettre à Jean d'Antioche et dans ses lettres à Acacius de Melitène (P.G. 77, 184-201), à Euloge (P.G. 77, 224-228), et à Succensus (P.G. 77, 228-245).

Quel fut le fondement du schisme qui a duré 1400 années ? Il est né des enseignements de Nestorius, évêque de Constantinople, qui, le jour de Noël de l'an 428, commença une série d'homélies sur l'exactitude, qu'il contestait, du nom de la Sainte Vierge Marie «Théotokos» (Mère de Dieu), mettant l'accent sur la différence entre la Divinité et l'Humanité de Jésus : Jésus-Dieu et Jésus-Homme. Saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, condamna Nestorius comme hérétique parce qu'il niait que l'enfant de Marie fût Dieu et qu'il divisait le Christ en deux personnes, le Fils de Dieu et le Fils de l'homme. A cause de l'ambiguïté attachée aux termes (nature, personne), la formule traditionnelle «en deux natures», utilisée dans la définition de Chalcédoine et dans le Tome de saint Léon fut, par la suite, qualifiée de «nestorienne» par les Alexandrins. Ils préféraient se fonder sur la terminologie de saint Cyrille «une nature du Dieu-Verbe incarnée», signifiant par là que le Verbe n'a pas cessé d'être Lui-même en se faisant homme, et que, par ailleurs, Son existence humaine fut véritable et complète. Le Logos est, pour Saint Cyrille, la seule hypostase du Christ, c'est-à-dire la réalité sous-jacente de l'homme Jésus. C'est ce qu'il entendait par «union hypostatique» et par «une nature», et non pas deux natures indépendantes qui se mêleraient ou se confondraient. Il soulignait, en outre, que la chair revêtue par le Verbe était un être humain complet avec une âme et un esprit. «Ainsi, en tant qu'homme, Il mangeait..., en tant que Dieu, Il nourrissait cinq mille hommes de cinq pains. En tant qu'homme, Il est véritablement mort, et en tant que Dieu, Il a ressuscité Son corps».
Toutefois, à Constantinople, un moine, du nom d'Eutychès, excita l'ardeur de la controverse, en professant une forme à ce point exagérée de l'enseignement de saint Cyrille que la dispute échappa à tout contrôle et impliqua jusqu'aux autorités civiles. Dans son zèle anti-nestorien, Eutychès se mit à dire qu'en Christ la Divinité et l'humanité étaient «mêlées et confondues». Ce qui supposait qu'avant l'Incarnation, il y avait deux natures, mais qu'après il n'y en avait plus qu'une. Dioscore, le neveu de saint Cyrille et son successeur sur le trône patriarcal, soutint d'abord Eutychès. Il ne cessa, par la suite, d'être imprégné de cette hérésie, et bien qu'il la reniât vigoureusement, il fut finalement condamné et contraint à l'exil par le concile de Chalcédoine. Rome avait traditionnellement soutenu Alexandrie face au pouvoir grandissant du siège de Constantinople qui avait reçu la primauté d'honneur en 381. Cependant les espoirs que Dioscore mettait dans le soutien de Rome furent balayés lorsque le pape Léon dénonca fermement, dans son Tome, les enseignements d'Eutychès.
Ce Tome était un résumé de la doctrine chrétienne sur la «nature» du Christ, il réhabilitait la formule ancienne «deux natures en une personne». Il contient les affirmations importantes suivantes :
a) Le Christ est le véritable Fils de Dieu, néanmoins, Il est né selon une véritable naissance humaine.
b) Les deux natures de la Divinité et de l'humanité se réunissent en Lui et demeurent, sans se confondre, dans Sa Personne une.
c) Chaque nature conserve, ainsi, sa sphère d'action propre.
d) Les propriétés de chaque nature sont à la disposition de la Personne une.
e) Prétendre qu'il aurait deux natures avant l'union est aussi absurde que de dire qu'il n'y en a plus qu'une après.
Dioscore réussit toutefois, grâce à son influence auprès des autorités, à faire convoquer une concile à Ephèse en 449. Les délégués du pape apportèrent le Tome de Léon à Flavien, patriarche de Constantinople, afin qu'il fût présenté devant le concile. Toutefois, Dioscore, qui présidait, fit disparaître le Tome qui ne fut jamais lu. Eutychès qui avait été déposé, fut rétabli et ce fut Flavien qu'on déposa. Après avoir été condamné par le concile, Flavien fut traité comme un vulgaire criminel, emmené en prison par les deux diacres de Dioscore, Pierre (qui devint évêque monophysite d'Alexandrie) et Harpocratios, un troisième moine le traita si brutalement qu'il mourut quatre jours plus tard. Dioscore, fort du soutien de l'empereur Théodose, pensa alors pouvoir excommunier le pape Léon lui-même. Quelques mois plus tard, toutefois, la situation changea dramatiquement, lorsque l'empereur mourut des suites d'une chute de cheval (450).
L'impératrice Pulchérie, épouse du nouvel empereur Marcian, revint sur la politique menée par son frère et, la même année, un synode tenu à Constantinople condamna Eutychès. Les nouveaux dirigeants étaient déterminés à faire cesser la controverse théologique qui avait menaçé la paix en Orient depuis si longtemps. L'année suivante, en 451, se réunit à Chalcédoine, le plus important concile de l'histoire ; y assistèrent entre 520 et 630 évêques. Les partisans de Dioscore n'étaient plus alors qu'au nombre de douze ; il fut condamné et envoyé en exil, où il mourut trois ans plus tard. Le concile accepta le Tome de Léon comme dogme et, pour mettre fin à l'eutychianisme, la formule «en deux natures» fut inclue dans la définition de la foi qui résumait les décisions christologiques du concile. Ne furent pas rejetées, à Chalcédoine, les formules alexandrines sur l'unité de la personne du Christ, qui étaient celles de saint Cyrille et qui furent déclarées de fide par le concile, mais leur mésinterprétation par Eutychès.
Toutefois, les Monophysites continuaient à prétendre que Chalcédoine avait laissé la porte ouverte à la doctrine blasphématoire de Nestorius sur les «deux Fils» et ils se déclarèrent décidés à maintenir ce qu'ils considéraient être les anciens principes de l'orthodoxie alexandrine. Ils ne voulaient pas accepter que le concile s'était contenté de protéger ces formules contre toute fausse interprétation, sans nullement contester leur orthodoxie.
Par contre, du point de vue politique, Chalcédoine fut un échec. Dans son zèle pour l'uniformité, l'empereur Marcien n'avait pas compté avec l'esprit de nationalisme qui allait apparaître comme une des principales causes de la dislocation future de la Chrétienté en Orient. Tandis que les cités grecques approuvaient les décisions du concile, les peuples d'Egypte et de Syrie, qui n'avaient d'autre moyen d'exprimer leurs sentiments nationaux qu'à travers les controverses théologiques, se révoltaient contre ce qu'ils considéraient être une tentative de Constantinople d'helléniser les peuples dominés. Un siècle plus tard, après que l'Eglise d'Orient eût connu une longue période de luttes intestines, les Monophysites décidèrent de se séparer et de se constituer en communautés autonomes, dénonçant la doctrine des «deux natures» en partie parce que c'était celle du gouvernement. Sous l'épiscopat de Jacob Baradeus (542-578), le monophysitisme se propagea dans le sud et l'est de l'Empire, mais les Monophysites étaient fort divisés entre eux. Rien qu'en Egypte, il y avait à la fin du VIè siècle au moins vingt secte monophysites.


8) Les deux familles recoivent les trois premiers conciles oecuméniques qui forment notre héritage commun. Quant aux quatre conciles ultérieurs de l'Eglise orthodoxe, les Orthodoxes affirment que, pour eux, les points 1-7 susmentionnés sont aussi l'enseignement de des quatre conciles ultérieurs, alors que les Orientaux orthodoxes considèrent cette affirmation des orthodoxes comme leur propre interprétation. Dans ce sens, les Orientaux orthodoxes répondent positivement à cette affirmation.
Par rapport à l'enseignement du VIIè concile oecuménique de l'Eglise orthodoxe, les Orientaux orthodoxes acceptent que la théologie et la pratique de la vénération des icônes enseignées par ce concile sont en accord fondamental avec l'enseignement et la pratique des Orientaux orthodoxes depuis les temps anciens, bien avant la convocation du concile, et qu'à cet égard il n'y a pas de désaccord entre nous.

Que signifie cette «réponse positive» des Orthodoxes orientaux à propos des IVè, Vè, VIè et VIIè conciles oecuméniques ? Ils «répondent positivement» à l'assurance donnée par les Orthodoxes selon laquelle les doctrines des quatre conciles qui ont suivi le IIIè concile oecuménique ne modifient en rien la doctrine énonçée à Nicée. Mais, à l'évidence, cela n'est pas suffisant ! Il s'agit simplement pour les Orientaux de refuser poliment de reconnaître les quatre conciles postérieurs à Nicée comme des conciles oecuméniques.
L'évêque Kallistos Ware, dans son livre L'Eglise orthodoxe, dit : «Les définitions doctrinales des conciles oecuméniques sont infaillibles. La définition de la foi établie par les sept conciles constitue, avec le Bible, une autorité permanente et irrévocable». Dans la grande diversité de l'Eglise Orthodoxe, la reconnaissance des sept conciles oecuméniques constitue le principe de son unité interne et permet à l'Eglise de perpétuer sa foi. Quiconque n'accepte pas les sept conciles ne peut être orthodoxe.
Les Monophysites refusèrent de reconnaître la définition de la foi établie par l'acte final du concile de Chalcédoine, car elle ouvrait, selon leur opinion, les portes au nestorianisme. Quinze cent années ont démontré que cette crainte était sans fondement. Si les Monophysites désirent vraiment l'union pour de bonnes raisons, ils devraient aussi bien être capables de transformer leur «réponse positive» en reconnaissance positive du concile de Chalcédoine et de tous les autres conciles oecuméniques. S'ils ne le font pas, quelles sont les implications pour les Orthodoxes ? Cela signifie qu'en condamnant les Monophysites, les conciles oecuméniques «peuvent se tromper et se sont trompés en effet» (comme le prétendent les Protestants). Cela signifie, de plus, que les conciles postérieurs à Nicée, qui sont considérés comme oecuméniques par les Orthodoxes, furent en fait des conciles locaux dont les décisions n'engageraient pas l'Eglise tout entière, et n'auraient pas de caractère infaillible. Cela reviendrait à mettre en cause la nature conciliaire de l'Eglise orthodoxe dans son ensemble, annoncant en fait la fin de l'orthodoxie.


9) A la lumière de notre déclaration commune sur la Christologie et des affirmations communes susmentionnées, nous avons maintenant clairement compris que nos deux familles ont toujours loyalement gardé la même et authentique foi christologique orthodoxe, et ont maintenu la continuité ininterrompue de la tradition apostolique, bien qu'elles aient pu utiliser des termes christologiques de manière différente. C'est cette foi commune et cette loyauté continuelle à la tradition apostolique qui doivent être la base de notre unité et communion.

C'est vrai, nous l'avons vu, les divergences théologiques qui ébranlèrent l'Eglise, à l'époque du concile de Chalcédoine, étaient principalement dues à des manques de compréhension et d'exposition, et aussi, souvent, à la résolution de ne pas chercher à comprendre la position des autres. Nous avons vu aussi, qu'aujourd'hui, ces divergences sont considérées dans un esprit de conciliation et ne devraient ne plus être cause de divisions. Mais parler, à propos des Monophysites, de «loyauté continuelle à la tradition apostolique» revient à nier la réalité. Ecoutons encore l'évêque Kallistos Ware : «La tradition chrétienne est la foi que Jésus Christ transmit aux Apôtres et qui, depuis le temps des Apôtres, fut passée de générations en générations au sein de l'Eglise ... Avec d'autres éléments, il faut citer, en premier lieu, la Bible, le Credo (de Nicée) et les définitions doctrinales des conciles oecuméniques. Les Orthodoxes les acceptent comme des vérités absolues et inaltérables qui ne peuvent être ni annulées, ni révisées».

10) Les deux familles acceptent que tous les anathèmes et les condamnations du passé qui maintenant nous divisent doivent être levés par les Eglises pour que le dernier obstacle à la pleine unité et communion de nos deux familles puisse être ôté par la grâce et la puissance de Dieu. Les deux familles acceptent que la levée des anathèmes et des condamnations sera basée sur le fait que les conciles et les pères précédemment anathématisés ou condamnés ne sont pas hérétiques.

Dioscore ne méritait-il pas l'anathème ? Les 630 Pères à Chalcédoine se sont-ils tous trompés en condamnant cet homme qui plongea l'Eglise dans les plus grands troubles, à commencer par son attitude tyrannique au second concile d'Ephèse qu'il présida en 449 ? Il était, après tout, leur contemporain et beaucoup le connaissaient personnellement ? Qu'a-t-il légué au Christianisme en Orient ? Les conflits qu'il attisa et propagea ont eu pour effet d'affaiblir la structure de l'Etat byzantin, en en faisant une proie facile pour les agresseurs barbares qui devaient bientôt venir. Sont tombés successivement : l'Egypte, la Palestine, la Syrie, l'Asie Mineure et même la Grèce. Les régions que le Christ et saint Paul ont parcourues et où ils ont enseigné ; les endroits où les disciples étaient chez eux ; l'Egypte, elle-même, le berceau du monachisme ; Jérusalem, la cité sainte, tout cela fut perdu avec les innombrables âmes en Christ. Dioscore n'est pas sans responsabilité dans ce désastre. Gardons néanmoins à l'esprit le fait que, malgré le caractère tragique du désastre, là ne fut pas la raison de la condamnation et de l'anathématisation de Dioscore. Il fut anathématisé à cause de la nature hérétique de ses conceptions christologiques. Il fut condamné pour avoir soutenu l'hérésie d'Eutychès. Ce serait pure hypocrisie de lever l'anathème qui fut jeté sur cet homme !


Recommandations. - Nous recommandons donc à nos deux Eglises les démarches pratiques suivantes :
A. Les Orthodoxes devront lever tous les anathèmes et les condamnations contre tous les conciles et les Pères orientaux qu'ils ont prononcés dans le passé.
B. Les Orthodoxes orientaux devront simultanément lever tous les anathèmes et les condamnations contre tous les conciles et les Pères orthodoxes qu'ils ont prononcés dans le passé.
C. La manière selon laquelle les anathèmes auront à être levés doit être décidée par les Eglises individuellement.

Il semble que le prix à payer aux Eglises Monophysites pour qu'elles acceptent l'unité consiste à lever les anathèmes jetés sur eux par le IVè concile oecuménique et par ceux qui suivirent. Il ne semble pas qu'on ait vu se manifester le moindre souci, ni la moindre tristesse, à l'endroit de ce schisme qui a duré si longtemps. Les Monophysites prétendent être traités, non seulement comme s'ils avaient également droit au titre d'Orthodoxes, mais aussi, d'une certaine manière, comme si ils avaient eu raison d'être restés séparés si longtemps. De plus, le Patriarcat Oecuménique qui orchestra le Dialogue a depuis longtemps perdu tout droit à déterminer, par lui-même, ce qui est hérétique et ce qui ne l'est pas. L'Eglise en Grèce, impliquée dans cette affaire, connaît la désunion et le déclin spirituel. Même les moines du Mont Athos, sur lesquels on pouvait compter autrefois pour assurer la défense spirituelle de l'Orthodoxie, semblent être davantage préoccupés par des sujets de bien moindre gravité que cette très sérieuse menace qui pèse sur la foi.
Même les fidèles qui autrefois constituaient le dernier rempart de la défense de l'orthodoxie sont si anesthésiés par le matérialisme occidental et par l'incroyance qu'ils n'ont pratiquement pas réagi face à la crise. Il y en a même qui affirment que la Dialogue actuel avec les Monophysites n'est qu'une répétition générale avant l'union avec la Papauté. Ceux qui veulent l'union avec Rome cherchent à évaluer à quel point les fidèles sont devenus indifférents à la vraie foi, à quel point l'épiscopat, infiltré par des éléments étrangers à l'orthodoxie, s'est fait subjuguer par le mouvement «Un seul monde, une seule foi», ce qui devrait leur permettre de mener leurs plans à terme.
Il importe que tout chrétien orthodoxe soit particulièrement vigilant aujourd'hui. L'Eglise est dans un tel désarroi, tant de hiérarques travaillent activement à détruire la foi, qu'il n'est sûrement pas opportun de s'engager dans des négociations qui peuvent avoir des conséquences déterminantes et définitives pour toute la Chrétienté orthodoxe.
L'unité avec les Monophysites est quelque chose que nous aimerions tous voir se réaliser. Cette unité, toutefois, nous ne devons pas la désirer au point de renoncer à notre foi pour l'atteindre ! L'orthodoxie est ce que son nom signifie, «la foi droite». Les Monophysites se sont éloignés de cette «foi droite» et si leur désir d'union n'est pas fondé sur le désir de rétablir «la foi droite», alors c'est qu'il est fondé sur des motifs fallacieux et doit être rejeté. Pour rétablir la «foi droite», il est essentiel de commencer par reconnaître l'erreur. Il ne s'agit nullement d'humilier. Il s'agit de clarifier, pour les Orthodoxes comme pour les Monophysites, quelles sont les vérités éternelles que les Orthodoxes ont préservées et que les Monophysites semblent vouloir réaffirmer aujourd'hui.
La reconnaissance des erreurs passées doit être suivie de l'acceptation inconditionnelle des sept conciles oecuméniques. Le fait que certains de ces conciles ont prononcé des anathèmes que les Monophysites ont du mal à accepter constitue le prix à payer pour l'unité. A l'évidence, si leurs motifs sont purs, et s'ils désirent vraiment la vérité, une telle difficulté doit être de peu de poids en comparaison des bénéfices du rétablissement de la «foi droite». Toute autre fondation de l'unité serait fatale à l'Orthodoxie et amenerait à son terme le processus de subversion engagé depuis le début du siècle avec l'adoption du nouveau calendrier en 1924.
Les Orthodoxes sont à la croisée des chemins. Cela n'est pas sans importance, ni sans signification. Cela concerne tout chrétien orthodoxe. Le Destructeur, l'Ennemi de l'Eglise, trouve une arme redoutable dans l'apathie qui nous paralyse tous en ce siècle. Ce sont les fidèles qui constitueront le rempart ultime de l'Eglise. Informez-vous de tout ce qui touche à l'Eglise et faites entendre votre voix quand vous jugez que c'est nécessaire. La voix de la sainte Tradition qui nous est conservée dans Le pré spirituel de Jean Moschus confirme ces conclusions. On y lit ceci : «Un jour, un moine nommé Théophane, alla voir l'Ancien Kyriakos... (il lui dit que dans son pays il fréquente des Nestoriens) L'Ancien se met à tenter de convaincre le moine son erreur et à le prier de renoncer à cette hérésie mortelle et de s'unir à l'Eglise Catholique et Apostolique.
- Il est impossible d'être sauvé (hors de la foi droite). (le moine écoute et l'Ancien lui offre sa cellule en disant :)
- J'espère que Dieu, dans Sa grande pitié, te révélera la vérité.
Laissant le moine dans sa grotte, l'Ancien se mit en route pour la Mer Morte, tout en priant pour lui.
Le lendemain, vers la neuvième heure, le moine vit apparaître un être étrange qui lui dit : "Viens chercher la vérité". S'emparant de lui, il le conduisit en un lieu sinistre et nauséabond d'où les flammes jaillissaient et là, il lui montra Nestorius et Théodore (de Mopsueste), Eutychès et Apollinaire, Evagre et Didyme, Dioscore et Sévère, Arius et Origène et d'autres encore. Les désignant, il dit au moine : "Voilà le lieu où sont les hérétiques, ceux qui enseignent des doctrines erronées sur la Mère de Dieu, comme tous ceux qui suivent leurs enseignements. Si tu ne veux pas connaître la même punition, retourne dans la sainte Eglise catholique et apostolique à laquelle appartient l'Ancien qui t'instruit. Je t'avertis, quiconque ferait toutes les oeuvres de charité, mais ne professerait pas la foi droite, celui-là ira dans ce lieu que tu as vu".
Ayant entendu ces paroles, le moine revint à lui-même. Lorsque l'Ancien s'en retourna, il lui raconta tout ce qu'il avait vu et immédiatement il retourna à la sainte Eglise catholique et apostolique. Il vécut au monastère de Kalamon, pendant plusieurs années, avant de s'y endormir en paix».

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