dimanche 23 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°31. Chronique.

CHRONIQUE



EN SERBIE


La Serbie vit des heures tragiques. Cet été, après cinq années d'attente d'une autorisation officielle, les Serbes ont pu, enfin, enterrer les dépouilles de leurs parents tués par les soldats croates du gouvernement pro-nazi des oustachis d'Ante Pavelic, qui avaient jeté leurs «ennemis», vivants ou morts, dans des gouffres profonds. L'ouverture de ces fosses, la collecte des ossements, que certains objets ont parfois permis d'identifier, et l'inhumation orthodoxe, se sont déroulées dans la piété. Le nouveau patriarche Paul a pu célébrer cette émouvante cérémonie. Mais, en même temps, à nouveau, dans une guerre sanglante, mouraient des Serbes qui veulent éviter de se retrouver enclavés dans un Etat Croate indépendant qui refuse toujours -comme les Turcs nient le génocide des Arméniens- de reconnaître les atrocités commises il y a une génération autour de ces lieux mêmes où s'affrontent à nouveau les deux communautés. Or le caractère de Génocide des atrocités commises pendant la dernière guerre par les Oustachis ne saurait être mis en doute comme l'a fait l'actuel chef de la Croatie. Nous renvoyons sur ce point aux deux livres de B.Miljus, La Révolution Yougoslave (Lausanne) et Assassins au nom de Dieu (Lausanne, 1991 et Paris, 1951, sous le pseudonyme d'Hervé Laurière). L'Europe est assez indifférente, et même hostile, aux Serbes, oubliant qu'elle est -et en particulier la France- en partie responsable de la création de la Yougoslavie. L'Allemagne et le Vatican, qui ont été les principaux soutiens du très nazi Etat oustachi pendant la Seconde guerre mondiale, ont de nouveau, sans mémoire et sans honte, pris parti pour une Croatie où de nombreux mercenaires défenseurs de «l'Occident chrétien» viennent s'engager.
Soulignant l'appui de l'extrême droite internationale à la Croatie, le Monde du 13 septembre 1991 a d'ailleurs consacré un article aux Français de la légion noire : «...on entre dans la cantine du quartier général de la légion noire, une maison de retraite réquisitionnée. Au mur, deux portraits côte à côte : l'un du Président Tudjman et l'autre d'Ante Pavelic. A peine étions-nous entrés dans la pièce que Mladen a ordonné à l'un de ses hommes de le décrocher. Stéphane, lui, ne trouve rien à redire aux oustachis, au contraire, il les trouve bien». Fin Août, on entendait aussi à la radio que des armes venues d'Afrique du Sud avaient été saisies. Le Pape Jean-Paul II a, lui aussi, comme la presse allemande, apporté son soutien public aux Croates, dont il avait déjà loué la fidélité au Saint-Siège lors de son Encyclique sur les saints Cyrille et Méthode. La déclaration du Pape a paru si partisane qu'un ministre et député italien, M.Michelis, a déclaré que Jean-Paul II était entre les mains du «hobby» croate et voulait faire renaître les guerres de religions entre orthodoxes et catholiques. L'épiscopat catholique soutient d'ailleurs unanimement l'épiscopat croate engagé activement dans le conflit comme le fut jadis Mgr Stepinac...
Souhaitons que cette tragédie qui touche à nouveau leur peuple sera l'occasion pour les hiérarques serbes de suivre les recommandations du Patriarcat de Jérusalem, et d'interrompre le dialogue oecuménique avec Rome ainsi qu'avec le Conseil Oecuménique des Eglises.


UN NOUVEAU PATRIARCHE DE CONSTANTINOPLE

Le Patriarche Dimitrios I, successeur d'Athénagoras, est mort après avoir accompli ce qu'il avait promis lors de son intronisation : continuer l'oeuvre de son prédécesseur et l'étendre même aux religions non chrétiennes. L'histoire retiendra surtout qu'il a été le premier patriarche de Constantinople à se rendre à Rome et à y participer à la messe du Pape Jean Paul II. Dimitri y avait assisté avec l'étole et l'omophore, et son diacre avait célébré les prières. Même si l'un et l'autre n'étaient pas allés jusqu'à communier, cette participation, faite contre les canons apostoliques, à la prière d'une Eglise hétérodoxe, avait suscité en Grèce et au Mont Athos des réactions dont la Lumière du Thabor avait publié alors des extraits.
La fin de règne du Patriarche Dimitri a été marquée par le conflit ouvert avec le patriarcat de Jérusalem (voir prochain numéro de La Lumière du Thabor). Le Patriarche Diodore de Jérusalem ne s'est d'ailleurs pas rendu aux obsèques de celui de Constantinople.
Le nouveau Patriarche Bartholomée, enfant spirituel du Métropolite Méliton de Chalcédoine, a été l'organisateur de la visite du Patriarche Dimitri à Rome (voir le livre Protestations Orthodoxes, Fraternité Saint-Grégoire-Palamas, Paris, 1988) -une Rome où l'on s'est certainement réjoui de son élection. Selon le journal Le Monde, il a reçu une partie de sa formation à Rome, à la Grégorienne, en «Droit Canon», et il parle plusieurs langues, dont le latin. Le jour de son intronisation, le Patriarche Bartholomée a affirmé vouloir poursuivre l'oeuvre du Patriarche Athénagoras. Il a aussi insisté sur la nécessité de faire le plus rapidement possible l'union avec les monophysites (voir Dossier ci-dessous).


CONDITIONS POSEES PAR L'ERHF
au Patriarcat de Moscou

Le Patriarche Alexis II de Moscou, recevant les représentants de la faculté des Ecoles de Théologie de Moscou, mentionne les conditions demandées par l'Eglise Russe Hors Frontières pour une union entre les deux Eglises. Elles seront au nombre de quatre :
1) Le rejet de la déclaration du Métropolite Serge.
2) La canonisation des Nouveaux-Martyrs.
3) L'arrêt de toutes les relations oecuméniques.
4) Une pénitence publique de chaque évêque de la hiérarchie séparatiste.

Laissons momentanément les points 1, 2 et 4. Quelle est la réponse du Patriarche Alexis au troisième point ? La voici :

«Pour parler franc, tous les contacts inter-Eglises que nous avons eus, nous ont aidé à survivre. Serait-il honnête de dire aujourd'hui que maintenant que nous avons la perestroïka, nous n'avons plus du tout besoin des chrétiens d'Occident ? Pourquoi devrions-nous répondre par un refus catégorique aux offres spontanées de secours charitable, d'aide à l'édition, d'approvisionnent en médicaments, etc. ? Dans le monde sécularisé d'aujourd'hui, il est important pour les chrétiens de se rencontrer et de se considérer les uns les autres comme des frères et des soeurs à qui nous exprimons le point de vue orthodoxe» (The Journal of the Moscow Patriarchate 4, 1991, p.40).
Cette réponse est surprenante, sentimentale si l'on veut, mais pas du tout conforme à la tradition dogmatique et canonique de l'Eglise orthodoxe. Les relations oecuméniques étaient-elles donc fondées sur l'aide morale et matérielle du COE, sur l'envoi de livres et de médicaments ? Depuis quand prie-t-on avec des hétérodoxes parce qu'ils vous font des cadeaux ? Chacun sait d'ailleurs que cela ne correspond pas à la vérité : Staline a envoyé l'Eglise soviétique dans le COE pour éviter une condamnation du communisme par cette institution après la Seconde guerre mondiale.
D'autre part, l'orthodoxie n'est pas un point de vue, mais l'Eglise une du Christ. Son «point de vue», c'est la foi des Prophètes, des Apôtres et des Saints, et il est connu de tous -à condition que les évêques, les prêtres, les «théologiens» le confessent publiquement et appellent à la pénitence ceux qui sont séparés de la foi orthodoxe. Or, où est le hiérarque orthodoxe qui, dans le dialogue oecuménique, a agi ainsi ? Où ont conduit plus de soixante ans de participation orthodoxe aux réunions de Genève, sinon à des négations de plus en plus grandes de l'unicité de l'Eglise, et même de la vérité absolue de l'Evangile (voir «Les Evêques du Nouvel Age», La Lumière du Thabor n29, 1991, p.60-79).

La participation au dialogue oecuménique est non seulement un reste de la période de compromission de l'Eglise soviétique, mais surtout une trahison des canons apostoliques et conciliaires de l'Eglise orthodoxe. Cette dernière raison devrait suffire au Patriarche Alexis.


APPEL DU PATRIARCHE DE ROUMANIE

Selon le journal serbe Politika, le Patriarche Théoctiste, de l'Eglise orthodoxe roumaine, aurait déclaré «la guerre sainte» au Pape Jean-Paul II, accusé d'étendre le catholicisme en Europe de l'Est, au détriment de l'Eglise orthodoxe. Ce sont les troubles de Transylvanie qui sont à l'origine de la déclaration du Patriarche, qui a constaté la violence des conflits entre uniates et orthodoxes. Les uniates de cette région, en effet, pénètrent par la force dans les églises et les pillent ; parfois les offices sont interrompus.
Qui sont ces uniates, catholiques romains de rite oriental ? Des Hongrois, une petite partie des Roumains, et des Ukrainiens, sont des uniates. Leurs églises existent en Roumanie depuis le XIVème siècle. En l'absence de statistiques officielles, leur nombre est difficile à déterminer et les chiffres manipulés de tout côté.
Le problème religieux, en Roumanie, découle directement de la chute du régime de Ceaucescu. Le nouveau pouvoir a, dès son installation, proclamé la liberté religieuse et garanti l'égalité des confessions devant la loi.
Parmi les grands bénéficiaires de ces mesures sont les uniates, qui veulent tirer le maximum d'avantages de la situation nouvelle. En effet, le régime communiste avait déclaré les uniates hors la loi, pourchassant leurs prêtres comme des agents de l'Occident, et confisquant les bâtiments au profit de l'Eglise orthodoxe, majoritaire dans le pays. Le résultat est que, maintenant qu'ils sont reconnus par la loi, les uniates réclament que l'Etat leur rende leurs lieux de culte et autres propriétés. Le président roumain a promis que le problème serait résolu ; à plusieurs endroits, des églises sont en chantier. Dans un village, les uniates sont rentrés manu militari dans une église qui leur avait appartenu ; à Saton Maré, au nord-ouest du pays, ils ont occupés les bureaux de l'administration locale jusqu'à ce qu'on leur restitue leurs biens, nationalisés en 1948.
Depuis la normalisation des relations entre la Roumanie et le Saint Siège, Jean-Paul II a consacré quatre évêques pour les uniates de Roumanie. Ce sont ces prélats qui ont pris la tête des conflits avec les orthodoxes. Ces derniers affirment que les conflits ne sont pas provoqués à cause des biens confisqués, mais visent à créer une situation tendue de haines "nationalistes". Les conflits religieux, en effet, apparaissent là où les relations entre Roumains et Hongrois sont perturbées.

Le Patriarche Théoctiste accuse explicitement le Pape de se mêler aux affaires roumaines en soutenant l'agressité des uniates. Ce patriarche vient d'envoyer à tous les patriarcats et aux orthodoxes du monde entier une lettre demandant l'arrêt de toute collaboration avec les catholiques-romains. Une «guerre sainte» s'ouvre, qui va probablement se propager à l'intérieur des communautés de la diaspora, notamment en Europe.

Politika, le 22 mai 1991.

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