vendredi 14 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°28. Chronique.

CHRONIQUE



Serbie

Election du Patriarche Paul



'Eglise serbe a élu un nouveau patriarche début décembre, le patriarche Germain ne pouvant plus, depuis au moins un an, exercer ses fonctions. Le nouveau patriarche, âgé de plus de soixante-seize ans, était jusqu'à présent évêque du Kossovo, région où les conflits entre les Serbes et les Albanais ont produit de nombreux incidents. Le Patriarche Paul est considéré en Serbie comme un homme de prière et un martyr, parce qu'il a souffert de nombreuses violences, jet de pierres, etc... Il devient patriarche à un moment particulièrement critique de l'histoire de la Serbie, non seulement au Kossovo, mais aussi en Croatie, où de nouvelles menaces de persécutions pèsent sur les Serbes.
A ce propos a éclaté une «polémique» dans le journal catholique La Croix, qui avait publié un article minimisant les persécutions déclenchées en Croatie pendant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide dont furent victimes alors les Serbes. Cet article provoqua les réactions de pieux Serbes, et Marco Marcovic réussit ainsi à publier une réponse que voici :

«Fondé en 1941 par les troupes d'occupation italo-allemandes, après l'effondrement de la Yougoslavie, le prétendu "Etat indépendant de Croatie" était une contradiction dans les termes. c'est sur le territoire de ce monstre juridique que son chef, le terroriste Pavelic1, organisa un monde concentrationnaire, en tout point conforme au régime et aux camps nazis. Après les atrocités commises en Allemagne, le génocide perpétré en Croatie contre les Serbes, les juifs et les tziganes fut sûrement le crime raciste le plus odieux commis en Europe au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais, à ce propos, il y a lieu d'éviter la confusion entre les victimes du génocide et les morts de la guerre civile qui sévissait en même temps en Yougoslavie entre les oustachis de Pavelic, les partisans de Tito et les tchetnicks du général Mikhailovic.
Autrement dit, il ne faut pas mélanger les victimes civiles innocentes martyrisées et tuées pour leur appartenance nationale ou religieuse avec les soldats et les maquisards armés tombés au combat ou massacrés dans une guerre où il n'y avait pas de prisonniers.
Donc, lorsqu'on parle des victimes du génocide commis dans l'Etat indépendant de Croatie -à savoir ceux qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs, tziganes ou serbes- on compte environ 30 000 juifs, 40 000 tziganes et au moins 700 000 Serbes. En 1943, le cardinal Tisserant reprochait à Rusinovic, représentant de Pavelic au Vatican, 350 000 victimes serbes. Mais, par la suite, on a retrouvé dans les archives allemandes la lettre du général SS Ernst Fick à Heinrich Himmler, datant de 1944, où il est question de 600 000 à 700 000 Serbes exécutés.
D'après les spécialistes, ce chiffre doit être retenu rien que pour le camp de Jasenovac, sans parler d'autres crimes (Rev. Athanase Jevtic, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe). De toute façon, on est désormais obligé de considérer le nombre de 700 000 victimes serbes comme un minimum au-dessous duquel on ne peut pas descendre.
La ruse des oustachis consistait à présenter leurs victimes civiles serbes comme des communistes. Cependant, en 1941, le Parti communiste yougoslave comptait environ 8000 membres et 30 000 membres des jeunesses communistes. Comment, du jour au lendemain, seraient-ils devenus vingt fois plus nombreux ?
En fait, les victimes privilégiées des oustachis étaient les membres du clergé orthodoxe, en commençant par l'exécution de quatre évêques orthodoxes serbes se trouvant sur le territoire de Pavelic (NN. SS. Platon, Petar, Sava et Dositej). Ce dernier, métropolite de Zagreb, devenu fou sous les tortures, fut renvoyé à Belgrade, où il mourut des suites de son martyre. A ceux-là il faut ajouter les prêtres serbes et leurs familles, sauvagement assassinés par centaines.
L'évocation a posteriori de la prétendue «résistance croate» n'y change rien. Car ou bien il s'agit de la résistance communiste menée par Tito et alors il faut l'appeler par son nom. Or elle n'a jamais été croate mais yougoslave et les Serbes n'y ont pas été «minoritaires», puisqu'ils ont souvent été obligés d'y adhérer pour éviter le génocide.
Ou bien c'est une pure invention, car aucune autre résistance croate n'a jamais existé dans l'Etat de Pavelic. Si le savant dominicain fait allusion aux unités de «Domobrans» -comparables aux troupes régulières- qui se sont rendues à Tito quelques mois avant la fin de la guerre, elles n'avaient nullement «résisté» à Pavelic mais avaient combattu auparavant sous son commandement. Autant dire que l'armée allemande avait opposé une résistance aux troupes SS.
«Celui qui a péché, c'est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père», disait le prophète Ezéchiel. A condition que le fils se désolidarise des actes condamnables de son père, qu'il désapprouve ses crimes. Mais les Croates d'aujourd'hui, dès qu'ils quittent leur pays, célèbrent tous les ans la création de l'Etat de Pavelic, traitent les Serbes de «serbo-communistes» et les accusent d'hégémonisme. A ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1945 Tito avait si bien démembré la Serbie que le peuple serbe, largement majoritaire en Yougoslavie, s'était trouvé minoritaire dans toutes les Républiques et territoires autonomes, hormis la «petite Serbie».
Il est vrai que la Croatie actuelle ne regroupe pas tous les Croates non plus. Mais, désormais, les Croates exigent l'indépendance de leur République et cela semble normal. Les Serbes n'ont qu'à en faire autant. Ce qui échappe aux Occidentaux, c'est que la «petite Serbie» n'a sur son territoire aucun Croate, alors que la «petite Croatie» garderait plusieurs centaines de milliers de Serbes. Et il s'agit justement de la population qui a le plus souffert du génocide.
Hélas, de nombreux signes précurseurs montrent que les Serbes en Croatie courent le risque de subir le même sort que leurs ancêtres sous Pavelic. La langue de cette République est proclamée «croate», elle ne saurait plus être serbo-croate et encore moins serbe. L'alphabet latin est officialisé aux dépens de l'alphabet cyrillique. Il existe des projets de séparer les orthodoxes, en Croatie, de leur Eglise mère en Serbie, comme pendant la dernière guerre mondiale. Le slogan du général croate Tudjman, «le fusil croate sur l'épaule croate», signifie que les Serbes doivent être soit croatisés, soit considérés comme des citoyens de seconde zone.
Jusqu'au moment propice où la situation politique permettra une nouvelle extermination. D'ailleurs, certains leaders serbes ont déjà été arbitrairement arrêtés (Jovan Opacic) et la presse a noté les violences commises contre des touristes serbes.
Une fois de plus, l'expérience nous prouve que ce n'est pas en falsifiant l'histoire et en occultant les crimes du passé qu'on prépare un meilleur avenir».

Récemment les orthodoxes serbes des régions de Knin et de Petringa ont publiquement dénoncé les violences exercées par les Croates, à l'égard notamment du clergé, dans une déclaration signée par des évêques orthodoxes, des prêtres et un grand nombre de fidèles. Ces tensions ont conduit à l'interruption du dialogue catholico-orthodoxe en Yougoslavie. On ne voit plus très bien quel est le sens de ce dialogue aujourd'hui ; le peuple orthodoxe serbe n'y semble guère favorable dans son ensemble. De même, l'appartenance de l'Eglise orthodoxe serbe à la Tour de Babel religieuse du Conseil Oecuménique des Eglises devrait être reléguée dans les accessoires imposés à l'Eglise par le régime communiste.
Mentionnons la parution du livre du Père Athanase Jevtitch sur Jasenovac, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe, et la traduction française du livre du même Père Athanase sur le Kossovo, intitulé Dossier Kosovo, à paraître dans les semaines qui viennent, dans la Collection «La Lumière du Thabor», aux éditions L'Age d'Homme, Lausanne. Enfin vient de paraître un important recueil : Le Kosovo-Métohija dans l'Histoire serbe, ouvrage collectif, composé par Radovan Samardzic, Atanasije Jevtic, et al., traduit du serbo-croate par Dejan M. Babic, L'Age d'Homme, 1990, 352 p. Nous en rendrons compte longuement dans les notes de lecture du prochain numéro de La Lumière du Thabor.


LA CHUTE DU PATRIARCAT
d'Alexandrie

Chacun sait qu'il n'y a malheureusement plus beaucoup d'orthodoxes à Alexandrie et en Egypte. Malheureusement aussi le Patriarche d'un troupeau fantôme, Parthenios III, qui passe la plus grande partie de l'année à Athènes, multiplie les reniements de la foi orthodoxe et invente -dans le silence général des autres Eglises orthodoxes qui ne protestent pas- l'anti-confession de la foi.
Il vient de déclarer en effet : «Pour moi, la question de savoir si l'Islam est une religion inspirée ne se pose pas -elle l'est bien sûr... Et Mahomet, qui est-il pour nous ? A-t-il agi contre la volonté de Dieu ? Mahomet est un homme de Dieu, qui a fait des Arabes du désert des hommes qui croient en un seul Dieu, des hommes qui prient, qui jeûnent, qui aiment leur prochain, qui travaillent pour le bien. Et ceci est une bonne chose».
Mais, cher antipatriarche Parthenios, les multitudes que l'Islam, dans ses conquêtes -si aimantes, si pleines d'amour pour le prochain !- a arrachées à la foi de l'Evangile, pourquoi n'en dis-tu rien ? Les Nouveaux Martyrs de la Romiosynie, souvent anciens chrétiens convertis à l'Islam par leur faiblesse ou par la force, à quoi leur servait-il, ensuite, de confesser le Christ et d'être sauvagement martyrisés, si Mahomet était véritablement un homme de Dieu inspiré...
Dis-nous la vérité : que tu cherches à plaire aux puissants du jour qui, en Egypte aujourd'hui, sont musulmans et antichrétiens comme le prouvent les récentes persécutions contre les Coptes.
Du reste, si les Coptes anti-chalcédoniens sont en accord sur la foi avec les orthodoxes, comme l'ont prétendu, curieusement, les membres de la communion mixte du dialogue théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes -en fait monophysites-, quelle est l'utilité d'un patriarche «orthodoxe» doublant un patriarche «monophysite» ? Retire-toi et laisse le patriarche «copte» qui, du moins, a un troupeau, prendre ta place ! Tu aurais au moins évité d'aller à Rome au mois de septembre 1990 chez le Pape, te ridiculiser complètement en te prétendant le successeur de saint Athanase le Grand et du saint Apôtre Marc, et en oubliant qu'au Concile de Florence saint Marc d'Ephèse représentait l'Eglise d'Alexandrie !


DEVELOPPEMENT DU DIOCESE
de Monseigneur Photios

Comme le Patriarcat d'Alexandrie, l'Eglise de Constantinople et d'autres Eglises orthodoxes reconnaissent Rome comme «Eglise soeur», et pleinement comme «Eglise», on ne voit pas pourquoi ces Eglises orthodoxes -notamment celle de Constantinople- laissent se développer sous leur omophore des paroisses ou des monastères de convertis du catholicisme à l'orthodoxie. Si l'Eglise de Rome est «Eglise», elle est l'Eglise «locale» de l'Europe de l'Ouest, et si elle est l'Eglise locale, toute constitution de paroisses orthodoxes françaises en dehors d'elle est «anticanonique».
Inversement, si la papauté a fait dévier l'Occident de la vraie foi, il n'est pas possible d'accepter Rome ni les orthodoxes qui sont en communion de prière ou en communion «morale» -sinon secrète- avec le Vatican.
C'est pour cette raison que l'Eglise des vrais chrétiens orthodoxes de Grèce, sous l'homophore de Monseigneur Auxence -c'est-à-dire l'Eglise de Grèce qui n'a aucune communion avec le Patriarcat de Constantinople et ceux qui tolèrent l'hérésie des branches professée par ce patriarcat- a eu souci de donner un évêque vraiment orthodoxe à tous ceux qui, en France et dans les pays voisins d'Europe, refuseront non seulement en théorie, mais en acte, la théorie des branches.
Monseigneur Photios, évêque de Lyon, travaille donc dans la vigne du Seigneur, pour cette lourde tâche. L'été dernier, il a visité, outre les paroisses de Lyon, Paris, Montpellier, celles de Dinan, Pau, Toulouse, Langon et Zürich.
Le dimanche 22 octobre / 4 novembre de cette année, jour de saint Abercius, il a ordonné le diacre Timothée au sacerdoce, pour l'Eglise de la Sainte Trinité-Saint Nectaire. La liturgie pontificale était concélébrée autour de Monseigneur Photios par les Pères Ambroise, Patric, Philarète, Cyprien et Nectaire. Plusieurs fidèles de province étaient, à cette occasion, venus à Paris, et les agapes qui suivirent la cérémonie, furent pour eux l'occasion de lier ou de renouer connaissance entre frères orthodoxes que les distances et les temps peuvent séparer, mais non le coeur.
Le dimanche 12/25 novembre, jour de saint Jean l'Aumônier, Monseigneur Photios a ordonné, dans son église cathédrale de Lyon, un diacre, Maxime de Zürich, et un sous-diacre, Daniel de Gênes. Tous deux ont construit une chapelle dans leurs villes respectives. L'office était concélébré, autour de l'évêque, par Père Patric, Père Nectaire et Père Timothée. De plusieurs régions de France et d'Europe, et même d'Amérique, étaient venus des fidèles, pour se réjouir de l'affermissement de l'Eglise orthodoxe. Anne-Marie de Lyon reçut chez elle, le samedi soir, les fidèles venus de loin ; et le dimanche, après la cérémonie, dans la salle de réunion attenante à l'église, les agapes furent organisées par tous. Cette journée fut, pour tous les participants, pleine de promesse, dans la joie de voir des ouvriers du Seigneur envoyés à la moisson ; mais elle fut aussi, pour ceux qui, depuis des années, «travaillent, chantent, offrent des fruits et font le bien» dans l'Eglise de Lyon, devenue centre du diocèse, comme un couronnement et une récompense de leurs efforts.


DEUX FIGURES PATRISTIQUES
ALEXANDRE KALOMIROS
et LA MERE EUPRAXIA

Au mois d'août dernier, avant le carême de la Mère de Dieu, ont quitté ce monde le théologien laïc Alexandre Kalomiros et la Mère Eupraxia, fille spirituelle du Père Jérôme d'Egine qui mena l'ascèse bénie avec le saint géronda originaire de Cappadoce. Essayons de décrire ces deux figures patristiques.


Alexandre Kalomiros

Il n'y a plus guère, aujourd'hui, de théologiens qui confessent la foi : tous se prennent pour des «analystes», des spécialistes, qui parlent des Pères de façon doctorale et pontifiante, en faisant l'état de la critique, comme d'autres le font honorablement pour Platon et pour Kant. Certains, ce faisant, commettent des contresens, -comme d'autres se trompent sur Platon ou Kant- tandis que quelques uns exposent le vrai sentiment des Pères : toutefois, les premiers comme les seconds «manquent le but quant à la foi». Car les Pères, lorsqu'ils parlaient, ne le faisaient pas pour «analyser», pour convaincre les savants étrangers, les biologistes anglais ou les herméneutes allemands ; ils ouvraient la bouche «remplie de l'Esprit» pour prêcher l'Evangile à temps et à contretemps, pour en montrer à tous le caractère vivant et nécessaire au salut, pour confesser qu'en dehors du Christ et de son Eglise, il n'y a, sur terre, que des morts qui enterrent des morts.
Alexandre Kalomiros était un théologien à la façon des Pères ; non à la façon de ceux qui se prennent pour des professeurs selon le monde. Jeune homme, il avait voulu entreprendre des études de théologie, mais il avait dû obéir à son père et étudier la médecine ; et il était devenu un grand chirurgien. Cependant, son intérêt pour l'Eglise et la théologie ne faiblissait pas ; lorsqu'Athénagoras commença à professer la «théorie des branches2», Alexandre Kalomiros réagit en publiant un petit livre intitulé Contre la Fausse Union, qui fut traduit dans plusieurs langues3. Dans une lettre introductive, l'iconographe et écrivain, l'inoubliable Photios Kontoglou présentait Kalomiros comme lui seul savait le faire :

«Oui, en vérité, grand est le mystère de la piété, comme le dit le bienheureux Apôtre Paul. La piété et la foi, étant des mystères, portent des fruits que le savoir ne donne pas.
L'auteur du présent ouvrage n'est pas un théologien formé dans les écoles où l'on étudie l'inétudiable -la théologie. Il a étudié la médecine, qui peut être étudiée parce qu'elle est une connaissance mondaine, un savoir humain. C'est de la Tradition qu'il a tiré sa foi orthodoxe et sa piété. Il les a reçues de la manière dont, comme il le dit lui-même, foi et piété se transmettent : de maître à disciple, de parent à enfant, d'ancien à fils spirituel, de chrétien à chrétien. Pour cette raison, il est quelqu'un qui expérimente les choses divines, et non quelqu'un qui s'en instruit scolairement, ayant la foi, non la science, pour guide. Il marche par la foi et non par la vue, comme dit encore l'Apôtre Paul. Et c'est pourquoi son livre est rude ; il ne s'embarrasse pas des compromis qui révèlent une foi médiocre, ni des accommodements dont on use pour ne pas froisser l'adversaire, ni d'aucune fausse charité. L'amour de la vérité ne souffre aucun partage. Son livre est rude et abrupt, quoique l'auteur soit personnellement doux, affable, humble, modeste et pacifique. Mais la foi lui donne le glaive de l'Esprit ; et cet homme affable, humble et sensible, plein d'amour, apparaît rude et brusque. Saint Jean le Théologien, le disciple de l'amour, ne semble-t-il pas plus rude et plus brusque que les autres apôtres et prédicateurs de l'Evangile, tel qu'il se révèle dans sa première épître et dans l'Apocalypse ?
L'auteur de ce livre est une jeune homme. Mais que personne ne méprise sa jeunesse. J'ai fait connaissance avec lui, spirituellement, alors qu'il étudiait la médecine en Suisse et que nous publiions le périodique Kibotos (L'Arche). Il m'écrivit alors une lettre sur quelques articles sataniques publiés par un catholique dans le journal Le Courrier, et nous demanda de protéger notre foi orthodoxe contre les pièges des hérétiques. Par la suite, il m'écrivit un grand nombre de lettres, et jusqu'à aujourd'hui ce qu'il m'écrit est toujours instructif et profitable, et exhale le doux parfum de la foi profonde et de l'amour de notre sainte Tradition. C'est pourquoi je l'ai instamment prié d'écrire quelque chose de plus développé, sur les sujets qu'il esquissait brièvement dans ses lettres. Je l'ai aussi pressé, connaissant sa modestie, de consentir à les faire imprimer en livre. Il a fini par accepter et ce petit livre est le premier qu'il a envoyé à l'éditeur, Alexandre Papademetriou, qui a accepté avec joie de le publier.
Nous sommes conscients que ce livre, écrit "avec beaucoup d'intelligence", sera condamné par beaucoup comme primaire et brutal, car dans nos temps hypocrites, on ne considère comme vraiment chrétiens que ceux qui n'ont pas dans leur coeur le feu de la foi, en particulier de la foi orthodoxe, c'est-à-dire de la vraie foi ; et c'est pourquoi ces "chrétiens authentiques" sont tièdes, non-spirituels, diplomates, accommodants, comme beaucoup de théologiens professionnels d'aujourd'hui. Le monde a appris à regarder ces personnes comme des chrétiens bons et indulgents, tandis qu'il déteste ceux qui sont comme l'auteur de ce livre, je veux dire, "fervents d'esprit", et les proclame fanatiques, intolérants, superstitieux, esprits étroits, adorateurs de formes vides. Hélas ! Aujourd'hui, les théologiens ont fini par devenir des disputeurs de ce siècle. Les gens qui s'occupent de religion écrivent des tonnes de livres, épais et volumineux, remplis de cette fameuse "science théologique" qui, vu sa méthode d'investigation des questions religieuses, n'est rien d'autre que la connaissance selon ce monde, que l'Apôtre Paul appelle vaine illusion et tromperie subtile. Le Saint Evangile, qui est la simplicité même, est disséqué, examiné, et démembré en fonction des systèmes philosophiques de la "vaine illusion". Confusion, complication, théories embrouillant l'esprit, "folles recherches, généalogies, disputes sur la loi", boue qui trouble l'eau claire jaillissant dans la vie éternelle, toutes ces choses sont écrites au nom de Celui qui est venu dans le monde pour sauver la brebis perdue -l'homme de la vaine science- du fardeau de son intelligence pécheresse, et qui a crié : "Venez à moi, vous tous qui êtes chargés sous le poids de la sagesse folle et sans but". Des montagnes d'articles sont écrites au nom du Christ et de son Evangile, que le coeur le plus simple expérimente ; tandis que ceux qui écrivent ces livres innombrables ont erré de tout côté dans le dédale et les ténèbres de leur propre sagesse, loin du Christ qu'ils ont oublié, ayant sombré dans les vanités de leur intellect. Leur coeur ne sent plus le souffle venu de Dieu ; ils sont mortifiés et asséchés par leur sagesse prétentieuse qui leur vaut les honneurs de ce monde.
C'est eux que l'Apôtre Paul, cette bouche divine, a en vue lorsqu'il écrit : "Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais il se donneront des monceaux de docteurs selon leurs propres désirs, flattant leur oreille ; et ils détourneront l'oreille de la vérité et se tourneront vers des fables" (2 Tim. 4, 3-4). "Ils se donneront des monceaux de docteurs" : ils produiront au jour une multitude de docteurs, et prendront plaisir à les entendre, parce que cette sagesse vide flattera leurs oreilles. Et pour ne pas entendre la vérité, la simple vérité de la religion, ils se boucheront les oreilles, mais ils auront envie qu'on leur raconte des fables, c'est-à-dire des théories et des imaginations vides de sens. Ne voyons-nous pas, aujourd'hui, ces "monceaux" de docteurs qui, avec leurs discours, flattent les oreilles des étudiants et des autres fidèles ?
Ainsi, le livre de Kalomiros irritera ces esprits qui ont réduit la religion du Christ à un système de savoir humain -à un rationalisme- et qui détestent et tournent en dérision toute "doctrine saine" qui constitue, à leurs yeux, une conception primaire de la religion, farcie des superstitions de la tradition. De fait, que peut représenter, pour eux, un texte écrit par un homme comme Kalomiros, qui n'a jamais été dans une grande école et n'a pas étudié à l'étranger ?
Mais, bienheureusement, Kalomiros a bu à la source de l'eau vive, il s'est abreuvé à la Tradition et a étudié les Pères jour et nuit. Ayant la foi pour guide, il est devenu "théodidacte" (enseigné par Dieu). Le Christ dit : "Quand le bon pasteur fait sortir ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix" (Jn 10, 4). Ce qui veut dire : "Mes disciples écoutent Mes paroles avec un esprit de simplicité, et les reçoivent dans leur coeur sans les faire passer par leurs intellects compliqués ni en faire des théories ; ils les acceptent avec la foi comme les brebis innocentes qui entendent la voix du berger et courent auprès de lui". C'est la foi qui ouvre la bouche du croyant et sa prédication ouvre le coeur des chrétiens, selon les paroles du Christ qui a dit : "Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein" (Jn 7, 38).
Les hommes de la "sagesse folle" qui enseignent "avec les paroles persuasives de la sagesse humaine" n'acceptent pas les vrais prédicateurs de l'Evangile, et cela, parce les vrais prédicateurs ne se conforment pas au monde, mais sont "transformés par le renouvellement de leur intelligence" (Rom. 12, 2).
Ils trouveront donc beaucoup de choses à condamner dans ce livre. Ils condamneront chez l'auteur l'absence de cette affabilité hypocrite qu'ils ont à l'égard des hérétiques, quoique l'auteur ne montre nulle insolence, mais a seulement le courage d'un soldat du Christ et se règle sur les paroles de l'Apôtre Paul qui déclare : "Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d'amour et de sagesse" (2 Tim. 1, 7).
Une autre tare qu'ils y trouveront, c'est que ce message est imprégné d'affliction selon le Christ, de "deuil joyeux", au lieu qu'ils sont, eux, optimistes, l'esprit tourné vers les choses de ce monde. Mais qu'ils voient ce que dit l'Apôtre Paul : "La tristesse en Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort" (2 Cor. 7, 10). La tristesse que traverse l'homme qui croit en Dieu est une tristesse adoucie par l'espérance, et c'est pourquoi il s'agit d'un chagrin joyeux, d'un "deuil joyeux" qui, par la repentance, le conduit au salut de l'âme.
Je félicite ce jeune homme digne de bénédiction, qui a écrit un livre si édifiant, un livre qui respire l'esprit de la vraie orthodoxie. Et je louange et glorifie le nom tout-honorable du Seigneur, qui donne à son Eglise orthodoxe des joyaux tels que celui-ci, brillant dans les ténèbres de l'erreur et de la déchéance. Que Notre Seigneur Dieu miséricordieux soit béni et glorifié, Lui qui raffermit la foi orthodoxe avec les pierres que les bâtisseurs ont rejetées».

Kalomiros devait ensuite rompre la communion avec l'Eglise officielle grecque, contaminée par les doctrines de l'oecuménisme et surtout par la communion avec les défenseurs les plus fanatiques e la théorie des branches. Il appliquait ainsi le canon 15 du Concile Premier-Second et les préceptes de la tradition patristique.
Refusant avec rigueur toute tolérance à l'égard de l'icône dite de «la Trinité» -où l'on voit à la façon occidentale Dieu le Père représenté anthropomorphiquement avec une longue barbe blanche- il devait suivre ensuite, avec la paroisse dont il faisait partie à Thessalonique, la voie du zélotisme. Lorsqu'après la mort du Métropolite Philarète, l'Eglise Russe Hors Frontières se mit à reconnaître comme «plérôme de l'Eglise» ceux que trois ans auparavant elle avait anathématisés avec la théorie des branches, la paroisse de Thessalonique resta fidèle et cohérente en quittant le Synode russe devenu infidèle à sa confession de foi officielle antérieure.
Les Pères disent que l'homme, pour être parfait, doit avoir les cheveux blancs -la sagesse- du vieillard et le regard du jeune homme -seuls les pécheurs vieillissent. Kalomiros était parfois extrême, sa fougue était celle d'un théologien qui ignore l'académisme, mais il était pieux, croyant, honnête et disait la vérité. Que sa mémoire soit éternelle !


La Mère Eupraxia

Une femme vaillante, qui la trouvera ?
Elle a plus de valeur que les pierres de grand prix.


Nous nous souvenons encore du jour où Père Ambroise, il y a trois ans de cela, est rentré tout enthousiasmé de Grèce parce qu'il avait rencontré celle qu'il croyait endormie depuis longtemps dans le Seigneur, la moniale du Père Jérôme d'Egine, celle qui avait lutté avec lui dans l'ascèse pendant tant d'années, la Mère Eupraxia. Entre deux avions, celui de Paris et celui qui partait pour Chios, Père Ambroise, à Athènes, avait été conduit chez une pieuse fidèle, Styliani, fille spirituelle du Père Jérôme et de la Mère Eupraxia, où il avait pu voir la gérondissa presque centenaire, mais parfaitement lucide, et ne manquant pas un seul tropaire des offices sur lesquels toute sa vie elle avait usé ses yeux.
La Mère Eupraxia lui avait raconté qu'elle était née dans le Pont Euxin, avait vécu les massacres d'Asie Mineure et l'exil avec sa famille très pieuse. Son frère était le Père Arsénios, le co-lutteur du Père Joseph le spéléote. Tous deux étaient devenus moine et moniale très jeunes, repectant absolument toutes les règles de l'Eglise et imitant les grands ascètes du temps jadis. Telle elle était encore maintenant, remplie de la grâce de Dieu.
Quand nous avons entendu ce récit, nous avons tous désiré la voir et nous y sommes allés selon nos possibilités : le Père Patric en octobre, puis le Père Joseph -maintenant l'évêque Photios- en février, ont fait la même expérience d'une rencontre avec cette moniale centenaire, assise sur son lit, la tête sur le coeur, priant sans cesse et expliquant aux visiteurs : «Une maison a une fondation : la fondation, c'est la foi ; mais le toit qui protège la maison, c'est l'amour», ou bien : «Je n'ai plus mes jambes aujourd'hui, mais si je le pouvais, j'irais avec l'archevêque Auxence pour les défilés, et je crierai de toutes mes forces : Mon Christ, mon Christ». Ou encore : «Toujours se demander ce que dit l'Eglise, ce qu'enseigne l'Eglise ; non pas ce que dit Un tel ou Un tel ; mais : Que dit l'Eglise ? -C'est là ce que disait mon géronda».
Une autre fois, elle racontait que, cette année-là, au moment du mnémosyno (service célébré à la mémoire des défunts) du Père Jérôme, pour la première fois, elles n'avaient pu, Styliani et elle, se rendre à Egine et qu'elles avaient refusé l'offre d'un membre de la famille qui proposait de faire l'office avec beaucoup de monde dans une église de l'Etat (nouveau calendariste) : elles avaient fait l'office toutes seules comme elles avaient pu, chez elles, «la grâce de Dieu suppléant à nos faiblesses». La nuit suivante, le Père Jérôme était apparu en rêve à la Mère Eupraxia, lui disant qu'elles avaient bien fait, que c'était comme cela qu'il fallait faire.

Chez Styliani, autour de la Mère Eupraxia, c'était tout un petit monde spirituel qui butinait, semblable aux femmes pieuses qui suivaient le Papa Planas : ici, c'étaient Irène, une voisine, Marie, que nous appelons la Canebière, parce qu'elle a été élevée en France et qu'elle a gardé l'accent de Marseille, même en grec, disciple, elle aussi du Père Jérôme, Mère Nectarie, sa soeur, du monastère de Choropi, Aphrodite, Antigone, Ismini et d'autres encore... Chacune est un trésor de piété et de vérité.
Lors de l'ordination du Père Philarète, la pieuse Styliani et sa mère Eupraxia demandèrent, au téléphone, la date exacte de la célébration, afin de pouvoir, au même moment, faire monter leurs prières vers Dieu ; et elles souhaitèrent au nouvel ordonné les meilleures choses que l'on puisse souhaiter à un prêtre, c'est-à-dire, une confession de foi toujours intègre et le secours du Seigneur pour une vie droite.
Ensuite, nous avons appris que Styliani, dégagée des obligations sociales qui la retenaient jusque là, allait à son tour devenir moniale sous le nom d'Eupraxia et qu'avec la gérondissa Eupraxia, elles voulaient s'en retourner à Egine, dans l'ermitage du Père Jérôme. C'est là que nous les avons trouvées, au coeur de l'été, aux alentours de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. Nous avons célébré la liturgie dans la petite église construite par les mains du Père Jérôme et celles de la Mère Eupraxia, et nous avons entendu les récits qu'elle faisait aux enfants qui nous accompagnaient : comment, après la dormition du Père Jérôme, jalouse des exploits, qu'elle avait entendu raconter, de Photinie l'ermite, la Mère Eupraxia s'était elle aussi enfermée, au grand désarroi de ses proches, pour mener, en ville, la même vie que sainte Photinie l'ermite.
La gérondissa avait sans cesse à la bouche des mots comme : «Le Dieu Tout-Bon, comme le veut le Dieu Très-Bon» ou bien : «Je prierai notre Souveraine, notre Toute-Sainte» ; ce n'était pas un discours, c'était comme le parfum exhalé par son âme, des mots qui fleurissaient sa bouche, l'amour qu'elle portait à son Seigneur et à la Très-Sainte Mère de Dieu. La photographie qui accompagne cet article date de cette rencontre.
Une chose unit toutes ces figures si différentes, de Marie Charitou, d'Aphroditi, de Mère Nectarie, de Mère Eupraxia l'Ancienne et de Mère Eupraxia la Nouvelle, sa disciple : c'est la rigueur, et l'on pourrait la sainte intransigeance de la foi. Aucun fanatisme chez ces femmes qui ont placé l'abnégation et le service d'autrui au centre de leur vie, qui font des kilomètres, le jour où vous arrivez, pour vous accueillir, et le jour de votre départ, pour vous apporter tous les cadeaux qu'elles ont pu trouver ; mais l'amour exclusif de la foi pour laquelle le Christ est mort et par laquelle Il donne la vie. C'est ainsi que la Mère Eupraxia se souvenait que le Père Jérôme, prophétisant les choses qui adviendraient dans l'Eglise, lui avait dit un jour : «Lorsque certains évêques se sépareront de lui, tu resteras avec l'archevêque Auxence». Elle rappelait l'amour du Père Jérôme pour l'archevêque Auxence, qui était venu le voir, et aussi pour le Métropolite Chrysostome de Florina qui l'avait également visité à Egine.






























Mère Eupraxia l'Ancienne et Mère Eupraxia la Nouvelle,
entourées de Monseigneur Photios, du Père Patric et du Père Philarète.
Sur la situation ecclésiastique, Mère Eupraxia disait qu'on était comme à l'époque du prophète Elie et que, s'il y avait peu de zélotes, Dieu pouvait en faire surgir...
Mère Eupraxia racontait aussi que lorsqu'elle avait appris que son neveu selon le monde, le Père Charalambos, homme simple et pieux, lui aussi disciple du Père Joseph le spéléote, s'était fait abuser par des athonites plus rusés que lui, qui lui avaient offert d'être higoumène du monastère de Saint-Denys, l'un des plus grands de l'Athos, à condition qu'il mentionnât le Patriarche Dimitri dans la liturgie, alors, elle lui avait écrit qu'il avait mal agi, car c'était en vain qu'on luttait si l'on mentionnait un patriarche qui n'était plus orthodoxe.
Lors de la consécration de Monseigneur Photios à Athènes, un groupe de fidèles venus de Toulouse, de Pau et de Dinan put se rendre à l'ermitage d'Egine. La Mère Eupraxia trouva la force de les accueillir et de les enseigner. Les images qu'elle employa furent simples et éloquentes : montrant les doigts de sa main, elle disait, en prenant ensemble l'index et le majeur : «Dieu et toi», puis, passant la main sur les autres doigts : «Tout le reste, qui vient après». Elle indiquait ainsi que l'âme soucieuse de Dieu met Dieu et son propre salut au centre de sa vie, et ne se laisse pas distraire par le monde.

Puis, Père Ambroise était encore allé célébrer la liturgie à Egine et Père Patric, en février dernier, rendit visite à la gérondissa Eupraxia, craignant de ne plus la revoir en ce monde.
La veille de sa dormition, la Mère Eupraxia vit en rêve le Père Jérôme, bien habillé, prêt pour célébrer la liturgie et elle dit ensuite à sa disciple, la nouvelle Eupraxia, qu'il allait sûrement arriver quelque chose.
Le lendemain, elle s'endormait dans le Seigneur.
Le Père Mélétios Zeugolis, rendant hommage, dans le Phare de l'orthodoxie, à la Mère Eupraxia, lui dédie le verset de l'Ecriture que nous avons cité en tête de cet article. Il souligne le rayonnement que, du fond de sa solitude ascétique, elle a exercé sur les âmes pieuses. Son petit ermitage est devenu le «foyer spirituel et sacré où beaucoup d'âmes ont été nourries au lait du Seigneur...»
Comme l'avait dit le Professeur Mouratidès, la Mère Eupraxia était la tradition vivante. Que sa mémoire soit éternelle !

NOTES DE LECTURE


Deux ouvrages sur l'histoire de la musique religieuse russe :

- V. Morosan, Choral Performance in Pre-Revolutionary Russia, U.M.I. Research Press, Ann Arbor, Michigan, 1986.
- N.P. Brill, History of Russian Church Music 988-1917, Illinois State University, Normal, Illinois, 1982.

Bien que son titre évoque une étude du chant choral russe en général, le premier ouvrage concerne surtout la musique religieuse. Mise à part une cinquantaine de pages contenant des notes et références bibliographiques, l'étude de Morosan comporte deux parties principales : l'une retrace l'histoire du chant choral en Russie depuis la monophonie originelle ; l'autre, consacrée au dix-neuvième siècle et au début du vingtième, analyse de façon très détaillée les techniques du chant choral, les différentes écoles et les styles des principaux compositeurs. La seconde partie rassemble certainement des archives précieuses pour le spécialiste, mais ne suscite pas de commentaires. La première partie est particulièrement intéressante par ses deux premiers chapitres qui éclairent très bien l'évolution du chant choral depuis les origines jusqu'à Bortniansky (1825), période généralement présentée succinctement. Le troisième chapitre, intitulé «L'émergence du style choral national», dénonce l'italianisme de Bortniansky, le rôle néfaste de ses dispositions sur la créativité de ses successeurs, le germanisme de Lvov et Bakhmetev, avec des mots très durs sur Lvov et la pauvreté de ses harmonisations des chants liturgiques ; l'apparition du Choeur d'Arkhangelsky (dont plus d'une composition semble pourtant bien influencée par les chorals de Bach) est, au contraire, saluée avec enthousiasme ainsi que les oeuvres religieuses des grands compositeurs de réputation internationale.
Cette appréciation semble reposer davantage sur les critères de «nationalisme musical» et de valeur artistique que sur la «qualité liturgique» : la plupart des oeuvres des grands compositeurs portent la mention «pour le concert» et, en revanche, les travaux des musicologues russes sur les chants liturgiques des origines, bien que signalés avec beaucoup de louanges, n'occupent qu'une demi-page dans l'ouvrage et aucune mention n'est faite des tentatives de reconstitution.
Le livre de N.P. Brill, au contraire, bien que suivant un plan analogue à celui de Morosan, aborde le même sujet mais dans un esprit nettement plus liturgique : les origines sont plus développées et les biographies accordent une place sensiblement égale aux grands auteurs et aux compositeurs de notoriété limitée aux milieux religieux : il en résulte des appréciations assez différentes.

Jean-Joseph Bernard


Selected Byzantine Hymns, Holy Transfiguration Monastery, Brookline, USA, 1986.

Il s'agit d'une sélection d'hymnes byzantines en version anglaise, avec notations musicales modernes. Les chants du commun liturgique se limitent à trois extraits des vêpres et un des matines, mais une très large place est faite au Grand Carême, à la Semaine Sainte et à Pâques. La présentation matérielle est bonne et la transcription musicale aussi fidèle que possible à la notation byzantine originale ; cependant, malgré tout le soin et l'attention qui ont manifestement été apportés à cette réalisation, celle-ci fait apparaître la difficulté d'interprétation, en une langue différente, de ces mélodies étroitement attachées à la rythmique et aux mots des vers grecs ; il en résulte, d'une part, une très grande difficulté de traduction pour faire correspondre l'accentuation des mots et des notes, les transcriptions les plus faciles étant celles des vocalises sur une seule syllabe, pourvu qu'elle soit accentuée ; mais, d'autre part, les mélodies traditionnelles grecques sont modales et font intervenir des intervalles qui ne peuvent être représentés qu'approximativement dans les échelles musicales occidentales.
En conclusion, il nous semble difficile, à des chanteurs n'ayant jamais pratiqué ou au moins longuement écouté les modes byzantins, de les restituer avec exactitude à partir de cet ouvrage ; mais il était certainement nécessaire aux communautés grecques établies en pays anglophones où elles ne disposent pas toujours de chantres formés à lire la notation byzantine. Pour les traductions en de nouvelles langues «liturgiques», qui doivent être impérativement d'une fidélité rigoureuse, un tel livre présente l'intérêt de fournir des bases à l'élaboration d'un style musical approprié à chacune d'elles, au prix de modifications importantes des structures mélodiques, travail qu'ont fait les Eglises slaves à partir des mêmes modes byzantins.

J.J. Bernard


























CHRONIQUE



Serbie

Election du Patriarche Paul



'Eglise serbe a élu un nouveau patriarche début décembre, le patriarche Germain ne pouvant plus, depuis au moins un an, exercer ses fonctions. Le nouveau patriarche, âgé de plus de soixante-seize ans, était jusqu'à présent évêque du Kossovo, région où les conflits entre les Serbes et les Albanais ont produit de nombreux incidents. Le Patriarche Paul est considéré en Serbie comme un homme de prière et un martyr, parce qu'il a souffert de nombreuses violences, jet de pierres, etc... Il devient patriarche à un moment particulièrement critique de l'histoire de la Serbie, non seulement au Kossovo, mais aussi en Croatie, où de nouvelles menaces de persécutions pèsent sur les Serbes.
A ce propos a éclaté une «polémique» dans le journal catholique La Croix, qui avait publié un article minimisant les persécutions déclenchées en Croatie pendant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide dont furent victimes alors les Serbes. Cet article provoqua les réactions de pieux Serbes, et Marco Marcovic réussit ainsi à publier une réponse que voici :

«Fondé en 1941 par les troupes d'occupation italo-allemandes, après l'effondrement de la Yougoslavie, le prétendu "Etat indépendant de Croatie" était une contradiction dans les termes. c'est sur le territoire de ce monstre juridique que son chef, le terroriste Pavelic1, organisa un monde concentrationnaire, en tout point conforme au régime et aux camps nazis. Après les atrocités commises en Allemagne, le génocide perpétré en Croatie contre les Serbes, les juifs et les tziganes fut sûrement le crime raciste le plus odieux commis en Europe au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais, à ce propos, il y a lieu d'éviter la confusion entre les victimes du génocide et les morts de la guerre civile qui sévissait en même temps en Yougoslavie entre les oustachis de Pavelic, les partisans de Tito et les tchetnicks du général Mikhailovic.
Autrement dit, il ne faut pas mélanger les victimes civiles innocentes martyrisées et tuées pour leur appartenance nationale ou religieuse avec les soldats et les maquisards armés tombés au combat ou massacrés dans une guerre où il n'y avait pas de prisonniers.
Donc, lorsqu'on parle des victimes du génocide commis dans l'Etat indépendant de Croatie -à savoir ceux qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs, tziganes ou serbes- on compte environ 30 000 juifs, 40 000 tziganes et au moins 700 000 Serbes. En 1943, le cardinal Tisserant reprochait à Rusinovic, représentant de Pavelic au Vatican, 350 000 victimes serbes. Mais, par la suite, on a retrouvé dans les archives allemandes la lettre du général SS Ernst Fick à Heinrich Himmler, datant de 1944, où il est question de 600 000 à 700 000 Serbes exécutés.
D'après les spécialistes, ce chiffre doit être retenu rien que pour le camp de Jasenovac, sans parler d'autres crimes (Rev. Athanase Jevtic, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe). De toute façon, on est désormais obligé de considérer le nombre de 700 000 victimes serbes comme un minimum au-dessous duquel on ne peut pas descendre.
La ruse des oustachis consistait à présenter leurs victimes civiles serbes comme des communistes. Cependant, en 1941, le Parti communiste yougoslave comptait environ 8000 membres et 30 000 membres des jeunesses communistes. Comment, du jour au lendemain, seraient-ils devenus vingt fois plus nombreux ?
En fait, les victimes privilégiées des oustachis étaient les membres du clergé orthodoxe, en commençant par l'exécution de quatre évêques orthodoxes serbes se trouvant sur le territoire de Pavelic (NN. SS. Platon, Petar, Sava et Dositej). Ce dernier, métropolite de Zagreb, devenu fou sous les tortures, fut renvoyé à Belgrade, où il mourut des suites de son martyre. A ceux-là il faut ajouter les prêtres serbes et leurs familles, sauvagement assassinés par centaines.
L'évocation a posteriori de la prétendue «résistance croate» n'y change rien. Car ou bien il s'agit de la résistance communiste menée par Tito et alors il faut l'appeler par son nom. Or elle n'a jamais été croate mais yougoslave et les Serbes n'y ont pas été «minoritaires», puisqu'ils ont souvent été obligés d'y adhérer pour éviter le génocide.
Ou bien c'est une pure invention, car aucune autre résistance croate n'a jamais existé dans l'Etat de Pavelic. Si le savant dominicain fait allusion aux unités de «Domobrans» -comparables aux troupes régulières- qui se sont rendues à Tito quelques mois avant la fin de la guerre, elles n'avaient nullement «résisté» à Pavelic mais avaient combattu auparavant sous son commandement. Autant dire que l'armée allemande avait opposé une résistance aux troupes SS.
«Celui qui a péché, c'est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père», disait le prophète Ezéchiel. A condition que le fils se désolidarise des actes condamnables de son père, qu'il désapprouve ses crimes. Mais les Croates d'aujourd'hui, dès qu'ils quittent leur pays, célèbrent tous les ans la création de l'Etat de Pavelic, traitent les Serbes de «serbo-communistes» et les accusent d'hégémonisme. A ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1945 Tito avait si bien démembré la Serbie que le peuple serbe, largement majoritaire en Yougoslavie, s'était trouvé minoritaire dans toutes les Républiques et territoires autonomes, hormis la «petite Serbie».
Il est vrai que la Croatie actuelle ne regroupe pas tous les Croates non plus. Mais, désormais, les Croates exigent l'indépendance de leur République et cela semble normal. Les Serbes n'ont qu'à en faire autant. Ce qui échappe aux Occidentaux, c'est que la «petite Serbie» n'a sur son territoire aucun Croate, alors que la «petite Croatie» garderait plusieurs centaines de milliers de Serbes. Et il s'agit justement de la population qui a le plus souffert du génocide.
Hélas, de nombreux signes précurseurs montrent que les Serbes en Croatie courent le risque de subir le même sort que leurs ancêtres sous Pavelic. La langue de cette République est proclamée «croate», elle ne saurait plus être serbo-croate et encore moins serbe. L'alphabet latin est officialisé aux dépens de l'alphabet cyrillique. Il existe des projets de séparer les orthodoxes, en Croatie, de leur Eglise mère en Serbie, comme pendant la dernière guerre mondiale. Le slogan du général croate Tudjman, «le fusil croate sur l'épaule croate», signifie que les Serbes doivent être soit croatisés, soit considérés comme des citoyens de seconde zone.
Jusqu'au moment propice où la situation politique permettra une nouvelle extermination. D'ailleurs, certains leaders serbes ont déjà été arbitrairement arrêtés (Jovan Opacic) et la presse a noté les violences commises contre des touristes serbes.
Une fois de plus, l'expérience nous prouve que ce n'est pas en falsifiant l'histoire et en occultant les crimes du passé qu'on prépare un meilleur avenir».

Récemment les orthodoxes serbes des régions de Knin et de Petringa ont publiquement dénoncé les violences exercées par les Croates, à l'égard notamment du clergé, dans une déclaration signée par des évêques orthodoxes, des prêtres et un grand nombre de fidèles. Ces tensions ont conduit à l'interruption du dialogue catholico-orthodoxe en Yougoslavie. On ne voit plus très bien quel est le sens de ce dialogue aujourd'hui ; le peuple orthodoxe serbe n'y semble guère favorable dans son ensemble. De même, l'appartenance de l'Eglise orthodoxe serbe à la Tour de Babel religieuse du Conseil Oecuménique des Eglises devrait être reléguée dans les accessoires imposés à l'Eglise par le régime communiste.
Mentionnons la parution du livre du Père Athanase Jevtitch sur Jasenovac, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe, et la traduction française du livre du même Père Athanase sur le Kossovo, intitulé Dossier Kosovo, à paraître dans les semaines qui viennent, dans la Collection «La Lumière du Thabor», aux éditions L'Age d'Homme, Lausanne. Enfin vient de paraître un important recueil : Le Kosovo-Métohija dans l'Histoire serbe, ouvrage collectif, composé par Radovan Samardzic, Atanasije Jevtic, et al., traduit du serbo-croate par Dejan M. Babic, L'Age d'Homme, 1990, 352 p. Nous en rendrons compte longuement dans les notes de lecture du prochain numéro de La Lumière du Thabor.


LA CHUTE DU PATRIARCAT
d'Alexandrie

Chacun sait qu'il n'y a malheureusement plus beaucoup d'orthodoxes à Alexandrie et en Egypte. Malheureusement aussi le Patriarche d'un troupeau fantôme, Parthenios III, qui passe la plus grande partie de l'année à Athènes, multiplie les reniements de la foi orthodoxe et invente -dans le silence général des autres Eglises orthodoxes qui ne protestent pas- l'anti-confession de la foi.
Il vient de déclarer en effet : «Pour moi, la question de savoir si l'Islam est une religion inspirée ne se pose pas -elle l'est bien sûr... Et Mahomet, qui est-il pour nous ? A-t-il agi contre la volonté de Dieu ? Mahomet est un homme de Dieu, qui a fait des Arabes du désert des hommes qui croient en un seul Dieu, des hommes qui prient, qui jeûnent, qui aiment leur prochain, qui travaillent pour le bien. Et ceci est une bonne chose».
Mais, cher antipatriarche Parthenios, les multitudes que l'Islam, dans ses conquêtes -si aimantes, si pleines d'amour pour le prochain !- a arrachées à la foi de l'Evangile, pourquoi n'en dis-tu rien ? Les Nouveaux Martyrs de la Romiosynie, souvent anciens chrétiens convertis à l'Islam par leur faiblesse ou par la force, à quoi leur servait-il, ensuite, de confesser le Christ et d'être sauvagement martyrisés, si Mahomet était véritablement un homme de Dieu inspiré...
Dis-nous la vérité : que tu cherches à plaire aux puissants du jour qui, en Egypte aujourd'hui, sont musulmans et antichrétiens comme le prouvent les récentes persécutions contre les Coptes.
Du reste, si les Coptes anti-chalcédoniens sont en accord sur la foi avec les orthodoxes, comme l'ont prétendu, curieusement, les membres de la communion mixte du dialogue théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes -en fait monophysites-, quelle est l'utilité d'un patriarche «orthodoxe» doublant un patriarche «monophysite» ? Retire-toi et laisse le patriarche «copte» qui, du moins, a un troupeau, prendre ta place ! Tu aurais au moins évité d'aller à Rome au mois de septembre 1990 chez le Pape, te ridiculiser complètement en te prétendant le successeur de saint Athanase le Grand et du saint Apôtre Marc, et en oubliant qu'au Concile de Florence saint Marc d'Ephèse représentait l'Eglise d'Alexandrie !


DEVELOPPEMENT DU DIOCESE
de Monseigneur Photios

Comme le Patriarcat d'Alexandrie, l'Eglise de Constantinople et d'autres Eglises orthodoxes reconnaissent Rome comme «Eglise soeur», et pleinement comme «Eglise», on ne voit pas pourquoi ces Eglises orthodoxes -notamment celle de Constantinople- laissent se développer sous leur omophore des paroisses ou des monastères de convertis du catholicisme à l'orthodoxie. Si l'Eglise de Rome est «Eglise», elle est l'Eglise «locale» de l'Europe de l'Ouest, et si elle est l'Eglise locale, toute constitution de paroisses orthodoxes françaises en dehors d'elle est «anticanonique».
Inversement, si la papauté a fait dévier l'Occident de la vraie foi, il n'est pas possible d'accepter Rome ni les orthodoxes qui sont en communion de prière ou en communion «morale» -sinon secrète- avec le Vatican.
C'est pour cette raison que l'Eglise des vrais chrétiens orthodoxes de Grèce, sous l'homophore de Monseigneur Auxence -c'est-à-dire l'Eglise de Grèce qui n'a aucune communion avec le Patriarcat de Constantinople et ceux qui tolèrent l'hérésie des branches professée par ce patriarcat- a eu souci de donner un évêque vraiment orthodoxe à tous ceux qui, en France et dans les pays voisins d'Europe, refuseront non seulement en théorie, mais en acte, la théorie des branches.
Monseigneur Photios, évêque de Lyon, travaille donc dans la vigne du Seigneur, pour cette lourde tâche. L'été dernier, il a visité, outre les paroisses de Lyon, Paris, Montpellier, celles de Dinan, Pau, Toulouse, Langon et Zürich.
Le dimanche 22 octobre / 4 novembre de cette année, jour de saint Abercius, il a ordonné le diacre Timothée au sacerdoce, pour l'Eglise de la Sainte Trinité-Saint Nectaire. La liturgie pontificale était concélébrée autour de Monseigneur Photios par les Pères Ambroise, Patric, Philarète, Cyprien et Nectaire. Plusieurs fidèles de province étaient, à cette occasion, venus à Paris, et les agapes qui suivirent la cérémonie, furent pour eux l'occasion de lier ou de renouer connaissance entre frères orthodoxes que les distances et les temps peuvent séparer, mais non le coeur.
Le dimanche 12/25 novembre, jour de saint Jean l'Aumônier, Monseigneur Photios a ordonné, dans son église cathédrale de Lyon, un diacre, Maxime de Zürich, et un sous-diacre, Daniel de Gênes. Tous deux ont construit une chapelle dans leurs villes respectives. L'office était concélébré, autour de l'évêque, par Père Patric, Père Nectaire et Père Timothée. De plusieurs régions de France et d'Europe, et même d'Amérique, étaient venus des fidèles, pour se réjouir de l'affermissement de l'Eglise orthodoxe. Anne-Marie de Lyon reçut chez elle, le samedi soir, les fidèles venus de loin ; et le dimanche, après la cérémonie, dans la salle de réunion attenante à l'église, les agapes furent organisées par tous. Cette journée fut, pour tous les participants, pleine de promesse, dans la joie de voir des ouvriers du Seigneur envoyés à la moisson ; mais elle fut aussi, pour ceux qui, depuis des années, «travaillent, chantent, offrent des fruits et font le bien» dans l'Eglise de Lyon, devenue centre du diocèse, comme un couronnement et une récompense de leurs efforts.


DEUX FIGURES PATRISTIQUES
ALEXANDRE KALOMIROS
et LA MERE EUPRAXIA

Au mois d'août dernier, avant le carême de la Mère de Dieu, ont quitté ce monde le théologien laïc Alexandre Kalomiros et la Mère Eupraxia, fille spirituelle du Père Jérôme d'Egine qui mena l'ascèse bénie avec le saint géronda originaire de Cappadoce. Essayons de décrire ces deux figures patristiques.


Alexandre Kalomiros

Il n'y a plus guère, aujourd'hui, de théologiens qui confessent la foi : tous se prennent pour des «analystes», des spécialistes, qui parlent des Pères de façon doctorale et pontifiante, en faisant l'état de la critique, comme d'autres le font honorablement pour Platon et pour Kant. Certains, ce faisant, commettent des contresens, -comme d'autres se trompent sur Platon ou Kant- tandis que quelques uns exposent le vrai sentiment des Pères : toutefois, les premiers comme les seconds «manquent le but quant à la foi». Car les Pères, lorsqu'ils parlaient, ne le faisaient pas pour «analyser», pour convaincre les savants étrangers, les biologistes anglais ou les herméneutes allemands ; ils ouvraient la bouche «remplie de l'Esprit» pour prêcher l'Evangile à temps et à contretemps, pour en montrer à tous le caractère vivant et nécessaire au salut, pour confesser qu'en dehors du Christ et de son Eglise, il n'y a, sur terre, que des morts qui enterrent des morts.
Alexandre Kalomiros était un théologien à la façon des Pères ; non à la façon de ceux qui se prennent pour des professeurs selon le monde. Jeune homme, il avait voulu entreprendre des études de théologie, mais il avait dû obéir à son père et étudier la médecine ; et il était devenu un grand chirurgien. Cependant, son intérêt pour l'Eglise et la théologie ne faiblissait pas ; lorsqu'Athénagoras commença à professer la «théorie des branches2», Alexandre Kalomiros réagit en publiant un petit livre intitulé Contre la Fausse Union, qui fut traduit dans plusieurs langues3. Dans une lettre introductive, l'iconographe et écrivain, l'inoubliable Photios Kontoglou présentait Kalomiros comme lui seul savait le faire :

«Oui, en vérité, grand est le mystère de la piété, comme le dit le bienheureux Apôtre Paul. La piété et la foi, étant des mystères, portent des fruits que le savoir ne donne pas.
L'auteur du présent ouvrage n'est pas un théologien formé dans les écoles où l'on étudie l'inétudiable -la théologie. Il a étudié la médecine, qui peut être étudiée parce qu'elle est une connaissance mondaine, un savoir humain. C'est de la Tradition qu'il a tiré sa foi orthodoxe et sa piété. Il les a reçues de la manière dont, comme il le dit lui-même, foi et piété se transmettent : de maître à disciple, de parent à enfant, d'ancien à fils spirituel, de chrétien à chrétien. Pour cette raison, il est quelqu'un qui expérimente les choses divines, et non quelqu'un qui s'en instruit scolairement, ayant la foi, non la science, pour guide. Il marche par la foi et non par la vue, comme dit encore l'Apôtre Paul. Et c'est pourquoi son livre est rude ; il ne s'embarrasse pas des compromis qui révèlent une foi médiocre, ni des accommodements dont on use pour ne pas froisser l'adversaire, ni d'aucune fausse charité. L'amour de la vérité ne souffre aucun partage. Son livre est rude et abrupt, quoique l'auteur soit personnellement doux, affable, humble, modeste et pacifique. Mais la foi lui donne le glaive de l'Esprit ; et cet homme affable, humble et sensible, plein d'amour, apparaît rude et brusque. Saint Jean le Théologien, le disciple de l'amour, ne semble-t-il pas plus rude et plus brusque que les autres apôtres et prédicateurs de l'Evangile, tel qu'il se révèle dans sa première épître et dans l'Apocalypse ?
L'auteur de ce livre est une jeune homme. Mais que personne ne méprise sa jeunesse. J'ai fait connaissance avec lui, spirituellement, alors qu'il étudiait la médecine en Suisse et que nous publiions le périodique Kibotos (L'Arche). Il m'écrivit alors une lettre sur quelques articles sataniques publiés par un catholique dans le journal Le Courrier, et nous demanda de protéger notre foi orthodoxe contre les pièges des hérétiques. Par la suite, il m'écrivit un grand nombre de lettres, et jusqu'à aujourd'hui ce qu'il m'écrit est toujours instructif et profitable, et exhale le doux parfum de la foi profonde et de l'amour de notre sainte Tradition. C'est pourquoi je l'ai instamment prié d'écrire quelque chose de plus développé, sur les sujets qu'il esquissait brièvement dans ses lettres. Je l'ai aussi pressé, connaissant sa modestie, de consentir à les faire imprimer en livre. Il a fini par accepter et ce petit livre est le premier qu'il a envoyé à l'éditeur, Alexandre Papademetriou, qui a accepté avec joie de le publier.
Nous sommes conscients que ce livre, écrit "avec beaucoup d'intelligence", sera condamné par beaucoup comme primaire et brutal, car dans nos temps hypocrites, on ne considère comme vraiment chrétiens que ceux qui n'ont pas dans leur coeur le feu de la foi, en particulier de la foi orthodoxe, c'est-à-dire de la vraie foi ; et c'est pourquoi ces "chrétiens authentiques" sont tièdes, non-spirituels, diplomates, accommodants, comme beaucoup de théologiens professionnels d'aujourd'hui. Le monde a appris à regarder ces personnes comme des chrétiens bons et indulgents, tandis qu'il déteste ceux qui sont comme l'auteur de ce livre, je veux dire, "fervents d'esprit", et les proclame fanatiques, intolérants, superstitieux, esprits étroits, adorateurs de formes vides. Hélas ! Aujourd'hui, les théologiens ont fini par devenir des disputeurs de ce siècle. Les gens qui s'occupent de religion écrivent des tonnes de livres, épais et volumineux, remplis de cette fameuse "science théologique" qui, vu sa méthode d'investigation des questions religieuses, n'est rien d'autre que la connaissance selon ce monde, que l'Apôtre Paul appelle vaine illusion et tromperie subtile. Le Saint Evangile, qui est la simplicité même, est disséqué, examiné, et démembré en fonction des systèmes philosophiques de la "vaine illusion". Confusion, complication, théories embrouillant l'esprit, "folles recherches, généalogies, disputes sur la loi", boue qui trouble l'eau claire jaillissant dans la vie éternelle, toutes ces choses sont écrites au nom de Celui qui est venu dans le monde pour sauver la brebis perdue -l'homme de la vaine science- du fardeau de son intelligence pécheresse, et qui a crié : "Venez à moi, vous tous qui êtes chargés sous le poids de la sagesse folle et sans but". Des montagnes d'articles sont écrites au nom du Christ et de son Evangile, que le coeur le plus simple expérimente ; tandis que ceux qui écrivent ces livres innombrables ont erré de tout côté dans le dédale et les ténèbres de leur propre sagesse, loin du Christ qu'ils ont oublié, ayant sombré dans les vanités de leur intellect. Leur coeur ne sent plus le souffle venu de Dieu ; ils sont mortifiés et asséchés par leur sagesse prétentieuse qui leur vaut les honneurs de ce monde.
C'est eux que l'Apôtre Paul, cette bouche divine, a en vue lorsqu'il écrit : "Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais il se donneront des monceaux de docteurs selon leurs propres désirs, flattant leur oreille ; et ils détourneront l'oreille de la vérité et se tourneront vers des fables" (2 Tim. 4, 3-4). "Ils se donneront des monceaux de docteurs" : ils produiront au jour une multitude de docteurs, et prendront plaisir à les entendre, parce que cette sagesse vide flattera leurs oreilles. Et pour ne pas entendre la vérité, la simple vérité de la religion, ils se boucheront les oreilles, mais ils auront envie qu'on leur raconte des fables, c'est-à-dire des théories et des imaginations vides de sens. Ne voyons-nous pas, aujourd'hui, ces "monceaux" de docteurs qui, avec leurs discours, flattent les oreilles des étudiants et des autres fidèles ?
Ainsi, le livre de Kalomiros irritera ces esprits qui ont réduit la religion du Christ à un système de savoir humain -à un rationalisme- et qui détestent et tournent en dérision toute "doctrine saine" qui constitue, à leurs yeux, une conception primaire de la religion, farcie des superstitions de la tradition. De fait, que peut représenter, pour eux, un texte écrit par un homme comme Kalomiros, qui n'a jamais été dans une grande école et n'a pas étudié à l'étranger ?
Mais, bienheureusement, Kalomiros a bu à la source de l'eau vive, il s'est abreuvé à la Tradition et a étudié les Pères jour et nuit. Ayant la foi pour guide, il est devenu "théodidacte" (enseigné par Dieu). Le Christ dit : "Quand le bon pasteur fait sortir ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix" (Jn 10, 4). Ce qui veut dire : "Mes disciples écoutent Mes paroles avec un esprit de simplicité, et les reçoivent dans leur coeur sans les faire passer par leurs intellects compliqués ni en faire des théories ; ils les acceptent avec la foi comme les brebis innocentes qui entendent la voix du berger et courent auprès de lui". C'est la foi qui ouvre la bouche du croyant et sa prédication ouvre le coeur des chrétiens, selon les paroles du Christ qui a dit : "Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein" (Jn 7, 38).
Les hommes de la "sagesse folle" qui enseignent "avec les paroles persuasives de la sagesse humaine" n'acceptent pas les vrais prédicateurs de l'Evangile, et cela, parce les vrais prédicateurs ne se conforment pas au monde, mais sont "transformés par le renouvellement de leur intelligence" (Rom. 12, 2).
Ils trouveront donc beaucoup de choses à condamner dans ce livre. Ils condamneront chez l'auteur l'absence de cette affabilité hypocrite qu'ils ont à l'égard des hérétiques, quoique l'auteur ne montre nulle insolence, mais a seulement le courage d'un soldat du Christ et se règle sur les paroles de l'Apôtre Paul qui déclare : "Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d'amour et de sagesse" (2 Tim. 1, 7).
Une autre tare qu'ils y trouveront, c'est que ce message est imprégné d'affliction selon le Christ, de "deuil joyeux", au lieu qu'ils sont, eux, optimistes, l'esprit tourné vers les choses de ce monde. Mais qu'ils voient ce que dit l'Apôtre Paul : "La tristesse en Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort" (2 Cor. 7, 10). La tristesse que traverse l'homme qui croit en Dieu est une tristesse adoucie par l'espérance, et c'est pourquoi il s'agit d'un chagrin joyeux, d'un "deuil joyeux" qui, par la repentance, le conduit au salut de l'âme.
Je félicite ce jeune homme digne de bénédiction, qui a écrit un livre si édifiant, un livre qui respire l'esprit de la vraie orthodoxie. Et je louange et glorifie le nom tout-honorable du Seigneur, qui donne à son Eglise orthodoxe des joyaux tels que celui-ci, brillant dans les ténèbres de l'erreur et de la déchéance. Que Notre Seigneur Dieu miséricordieux soit béni et glorifié, Lui qui raffermit la foi orthodoxe avec les pierres que les bâtisseurs ont rejetées».

Kalomiros devait ensuite rompre la communion avec l'Eglise officielle grecque, contaminée par les doctrines de l'oecuménisme et surtout par la communion avec les défenseurs les plus fanatiques e la théorie des branches. Il appliquait ainsi le canon 15 du Concile Premier-Second et les préceptes de la tradition patristique.
Refusant avec rigueur toute tolérance à l'égard de l'icône dite de «la Trinité» -où l'on voit à la façon occidentale Dieu le Père représenté anthropomorphiquement avec une longue barbe blanche- il devait suivre ensuite, avec la paroisse dont il faisait partie à Thessalonique, la voie du zélotisme. Lorsqu'après la mort du Métropolite Philarète, l'Eglise Russe Hors Frontières se mit à reconnaître comme «plérôme de l'Eglise» ceux que trois ans auparavant elle avait anathématisés avec la théorie des branches, la paroisse de Thessalonique resta fidèle et cohérente en quittant le Synode russe devenu infidèle à sa confession de foi officielle antérieure.
Les Pères disent que l'homme, pour être parfait, doit avoir les cheveux blancs -la sagesse- du vieillard et le regard du jeune homme -seuls les pécheurs vieillissent. Kalomiros était parfois extrême, sa fougue était celle d'un théologien qui ignore l'académisme, mais il était pieux, croyant, honnête et disait la vérité. Que sa mémoire soit éternelle !


La Mère Eupraxia

Une femme vaillante, qui la trouvera ?
Elle a plus de valeur que les pierres de grand prix.


Nous nous souvenons encore du jour où Père Ambroise, il y a trois ans de cela, est rentré tout enthousiasmé de Grèce parce qu'il avait rencontré celle qu'il croyait endormie depuis longtemps dans le Seigneur, la moniale du Père Jérôme d'Egine, celle qui avait lutté avec lui dans l'ascèse pendant tant d'années, la Mère Eupraxia. Entre deux avions, celui de Paris et celui qui partait pour Chios, Père Ambroise, à Athènes, avait été conduit chez une pieuse fidèle, Styliani, fille spirituelle du Père Jérôme et de la Mère Eupraxia, où il avait pu voir la gérondissa presque centenaire, mais parfaitement lucide, et ne manquant pas un seul tropaire des offices sur lesquels toute sa vie elle avait usé ses yeux.
La Mère Eupraxia lui avait raconté qu'elle était née dans le Pont Euxin, avait vécu les massacres d'Asie Mineure et l'exil avec sa famille très pieuse. Son frère était le Père Arsénios, le co-lutteur du Père Joseph le spéléote. Tous deux étaient devenus moine et moniale très jeunes, repectant absolument toutes les règles de l'Eglise et imitant les grands ascètes du temps jadis. Telle elle était encore maintenant, remplie de la grâce de Dieu.
Quand nous avons entendu ce récit, nous avons tous désiré la voir et nous y sommes allés selon nos possibilités : le Père Patric en octobre, puis le Père Joseph -maintenant l'évêque Photios- en février, ont fait la même expérience d'une rencontre avec cette moniale centenaire, assise sur son lit, la tête sur le coeur, priant sans cesse et expliquant aux visiteurs : «Une maison a une fondation : la fondation, c'est la foi ; mais le toit qui protège la maison, c'est l'amour», ou bien : «Je n'ai plus mes jambes aujourd'hui, mais si je le pouvais, j'irais avec l'archevêque Auxence pour les défilés, et je crierai de toutes mes forces : Mon Christ, mon Christ». Ou encore : «Toujours se demander ce que dit l'Eglise, ce qu'enseigne l'Eglise ; non pas ce que dit Un tel ou Un tel ; mais : Que dit l'Eglise ? -C'est là ce que disait mon géronda».
Une autre fois, elle racontait que, cette année-là, au moment du mnémosyno (service célébré à la mémoire des défunts) du Père Jérôme, pour la première fois, elles n'avaient pu, Styliani et elle, se rendre à Egine et qu'elles avaient refusé l'offre d'un membre de la famille qui proposait de faire l'office avec beaucoup de monde dans une église de l'Etat (nouveau calendariste) : elles avaient fait l'office toutes seules comme elles avaient pu, chez elles, «la grâce de Dieu suppléant à nos faiblesses». La nuit suivante, le Père Jérôme était apparu en rêve à la Mère Eupraxia, lui disant qu'elles avaient bien fait, que c'était comme cela qu'il fallait faire.

Chez Styliani, autour de la Mère Eupraxia, c'était tout un petit monde spirituel qui butinait, semblable aux femmes pieuses qui suivaient le Papa Planas : ici, c'étaient Irène, une voisine, Marie, que nous appelons la Canebière, parce qu'elle a été élevée en France et qu'elle a gardé l'accent de Marseille, même en grec, disciple, elle aussi du Père Jérôme, Mère Nectarie, sa soeur, du monastère de Choropi, Aphrodite, Antigone, Ismini et d'autres encore... Chacune est un trésor de piété et de vérité.
Lors de l'ordination du Père Philarète, la pieuse Styliani et sa mère Eupraxia demandèrent, au téléphone, la date exacte de la célébration, afin de pouvoir, au même moment, faire monter leurs prières vers Dieu ; et elles souhaitèrent au nouvel ordonné les meilleures choses que l'on puisse souhaiter à un prêtre, c'est-à-dire, une confession de foi toujours intègre et le secours du Seigneur pour une vie droite.
Ensuite, nous avons appris que Styliani, dégagée des obligations sociales qui la retenaient jusque là, allait à son tour devenir moniale sous le nom d'Eupraxia et qu'avec la gérondissa Eupraxia, elles voulaient s'en retourner à Egine, dans l'ermitage du Père Jérôme. C'est là que nous les avons trouvées, au coeur de l'été, aux alentours de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. Nous avons célébré la liturgie dans la petite église construite par les mains du Père Jérôme et celles de la Mère Eupraxia, et nous avons entendu les récits qu'elle faisait aux enfants qui nous accompagnaient : comment, après la dormition du Père Jérôme, jalouse des exploits, qu'elle avait entendu raconter, de Photinie l'ermite, la Mère Eupraxia s'était elle aussi enfermée, au grand désarroi de ses proches, pour mener, en ville, la même vie que sainte Photinie l'ermite.
La gérondissa avait sans cesse à la bouche des mots comme : «Le Dieu Tout-Bon, comme le veut le Dieu Très-Bon» ou bien : «Je prierai notre Souveraine, notre Toute-Sainte» ; ce n'était pas un discours, c'était comme le parfum exhalé par son âme, des mots qui fleurissaient sa bouche, l'amour qu'elle portait à son Seigneur et à la Très-Sainte Mère de Dieu. La photographie qui accompagne cet article date de cette rencontre.
Une chose unit toutes ces figures si différentes, de Marie Charitou, d'Aphroditi, de Mère Nectarie, de Mère Eupraxia l'Ancienne et de Mère Eupraxia la Nouvelle, sa disciple : c'est la rigueur, et l'on pourrait la sainte intransigeance de la foi. Aucun fanatisme chez ces femmes qui ont placé l'abnégation et le service d'autrui au centre de leur vie, qui font des kilomètres, le jour où vous arrivez, pour vous accueillir, et le jour de votre départ, pour vous apporter tous les cadeaux qu'elles ont pu trouver ; mais l'amour exclusif de la foi pour laquelle le Christ est mort et par laquelle Il donne la vie. C'est ainsi que la Mère Eupraxia se souvenait que le Père Jérôme, prophétisant les choses qui adviendraient dans l'Eglise, lui avait dit un jour : «Lorsque certains évêques se sépareront de lui, tu resteras avec l'archevêque Auxence». Elle rappelait l'amour du Père Jérôme pour l'archevêque Auxence, qui était venu le voir, et aussi pour le Métropolite Chrysostome de Florina qui l'avait également visité à Egine.






























Mère Eupraxia l'Ancienne et Mère Eupraxia la Nouvelle,
entourées de Monseigneur Photios, du Père Patric et du Père Philarète.
Sur la situation ecclésiastique, Mère Eupraxia disait qu'on était comme à l'époque du prophète Elie et que, s'il y avait peu de zélotes, Dieu pouvait en faire surgir...
Mère Eupraxia racontait aussi que lorsqu'elle avait appris que son neveu selon le monde, le Père Charalambos, homme simple et pieux, lui aussi disciple du Père Joseph le spéléote, s'était fait abuser par des athonites plus rusés que lui, qui lui avaient offert d'être higoumène du monastère de Saint-Denys, l'un des plus grands de l'Athos, à condition qu'il mentionnât le Patriarche Dimitri dans la liturgie, alors, elle lui avait écrit qu'il avait mal agi, car c'était en vain qu'on luttait si l'on mentionnait un patriarche qui n'était plus orthodoxe.
Lors de la consécration de Monseigneur Photios à Athènes, un groupe de fidèles venus de Toulouse, de Pau et de Dinan put se rendre à l'ermitage d'Egine. La Mère Eupraxia trouva la force de les accueillir et de les enseigner. Les images qu'elle employa furent simples et éloquentes : montrant les doigts de sa main, elle disait, en prenant ensemble l'index et le majeur : «Dieu et toi», puis, passant la main sur les autres doigts : «Tout le reste, qui vient après». Elle indiquait ainsi que l'âme soucieuse de Dieu met Dieu et son propre salut au centre de sa vie, et ne se laisse pas distraire par le monde.

Puis, Père Ambroise était encore allé célébrer la liturgie à Egine et Père Patric, en février dernier, rendit visite à la gérondissa Eupraxia, craignant de ne plus la revoir en ce monde.
La veille de sa dormition, la Mère Eupraxia vit en rêve le Père Jérôme, bien habillé, prêt pour célébrer la liturgie et elle dit ensuite à sa disciple, la nouvelle Eupraxia, qu'il allait sûrement arriver quelque chose.
Le lendemain, elle s'endormait dans le Seigneur.
Le Père Mélétios Zeugolis, rendant hommage, dans le Phare de l'orthodoxie, à la Mère Eupraxia, lui dédie le verset de l'Ecriture que nous avons cité en tête de cet article. Il souligne le rayonnement que, du fond de sa solitude ascétique, elle a exercé sur les âmes pieuses. Son petit ermitage est devenu le «foyer spirituel et sacré où beaucoup d'âmes ont été nourries au lait du Seigneur...»
Comme l'avait dit le Professeur Mouratidès, la Mère Eupraxia était la tradition vivante. Que sa mémoire soit éternelle !

NOTES DE LECTURE


Deux ouvrages sur l'histoire de la musique religieuse russe :

- V. Morosan, Choral Performance in Pre-Revolutionary Russia, U.M.I. Research Press, Ann Arbor, Michigan, 1986.
- N.P. Brill, History of Russian Church Music 988-1917, Illinois State University, Normal, Illinois, 1982.

Bien que son titre évoque une étude du chant choral russe en général, le premier ouvrage concerne surtout la musique religieuse. Mise à part une cinquantaine de pages contenant des notes et références bibliographiques, l'étude de Morosan comporte deux parties principales : l'une retrace l'histoire du chant choral en Russie depuis la monophonie originelle ; l'autre, consacrée au dix-neuvième siècle et au début du vingtième, analyse de façon très détaillée les techniques du chant choral, les différentes écoles et les styles des principaux compositeurs. La seconde partie rassemble certainement des archives précieuses pour le spécialiste, mais ne suscite pas de commentaires. La première partie est particulièrement intéressante par ses deux premiers chapitres qui éclairent très bien l'évolution du chant choral depuis les origines jusqu'à Bortniansky (1825), période généralement présentée succinctement. Le troisième chapitre, intitulé «L'émergence du style choral national», dénonce l'italianisme de Bortniansky, le rôle néfaste de ses dispositions sur la créativité de ses successeurs, le germanisme de Lvov et Bakhmetev, avec des mots très durs sur Lvov et la pauvreté de ses harmonisations des chants liturgiques ; l'apparition du Choeur d'Arkhangelsky (dont plus d'une composition semble pourtant bien influencée par les chorals de Bach) est, au contraire, saluée avec enthousiasme ainsi que les oeuvres religieuses des grands compositeurs de réputation internationale.
Cette appréciation semble reposer davantage sur les critères de «nationalisme musical» et de valeur artistique que sur la «qualité liturgique» : la plupart des oeuvres des grands compositeurs portent la mention «pour le concert» et, en revanche, les travaux des musicologues russes sur les chants liturgiques des origines, bien que signalés avec beaucoup de louanges, n'occupent qu'une demi-page dans l'ouvrage et aucune mention n'est faite des tentatives de reconstitution.
Le livre de N.P. Brill, au contraire, bien que suivant un plan analogue à celui de Morosan, aborde le même sujet mais dans un esprit nettement plus liturgique : les origines sont plus développées et les biographies accordent une place sensiblement égale aux grands auteurs et aux compositeurs de notoriété limitée aux milieux religieux : il en résulte des appréciations assez différentes.

Jean-Joseph Bernard


Selected Byzantine Hymns, Holy Transfiguration Monastery, Brookline, USA, 1986.

Il s'agit d'une sélection d'hymnes byzantines en version anglaise, avec notations musicales modernes. Les chants du commun liturgique se limitent à trois extraits des vêpres et un des matines, mais une très large place est faite au Grand Carême, à la Semaine Sainte et à Pâques. La présentation matérielle est bonne et la transcription musicale aussi fidèle que possible à la notation byzantine originale ; cependant, malgré tout le soin et l'attention qui ont manifestement été apportés à cette réalisation, celle-ci fait apparaître la difficulté d'interprétation, en une langue différente, de ces mélodies étroitement attachées à la rythmique et aux mots des vers grecs ; il en résulte, d'une part, une très grande difficulté de traduction pour faire correspondre l'accentuation des mots et des notes, les transcriptions les plus faciles étant celles des vocalises sur une seule syllabe, pourvu qu'elle soit accentuée ; mais, d'autre part, les mélodies traditionnelles grecques sont modales et font intervenir des intervalles qui ne peuvent être représentés qu'approximativement dans les échelles musicales occidentales.
En conclusion, il nous semble difficile, à des chanteurs n'ayant jamais pratiqué ou au moins longuement écouté les modes byzantins, de les restituer avec exactitude à partir de cet ouvrage ; mais il était certainement nécessaire aux communautés grecques établies en pays anglophones où elles ne disposent pas toujours de chantres formés à lire la notation byzantine. Pour les traductions en de nouvelles langues «liturgiques», qui doivent être impérativement d'une fidélité rigoureuse, un tel livre présente l'intérêt de fournir des bases à l'élaboration d'un style musical approprié à chacune d'elles, au prix de modifications importantes des structures mélodiques, travail qu'ont fait les Eglises slaves à partir des mêmes modes byzantins.

J.J. Bernard


















CHRONIQUE



Serbie

Election du Patriarche Paul



'Eglise serbe a élu un nouveau patriarche début décembre, le patriarche Germain ne pouvant plus, depuis au moins un an, exercer ses fonctions. Le nouveau patriarche, âgé de plus de soixante-seize ans, était jusqu'à présent évêque du Kossovo, région où les conflits entre les Serbes et les Albanais ont produit de nombreux incidents. Le Patriarche Paul est considéré en Serbie comme un homme de prière et un martyr, parce qu'il a souffert de nombreuses violences, jet de pierres, etc... Il devient patriarche à un moment particulièrement critique de l'histoire de la Serbie, non seulement au Kossovo, mais aussi en Croatie, où de nouvelles menaces de persécutions pèsent sur les Serbes.
A ce propos a éclaté une «polémique» dans le journal catholique La Croix, qui avait publié un article minimisant les persécutions déclenchées en Croatie pendant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide dont furent victimes alors les Serbes. Cet article provoqua les réactions de pieux Serbes, et Marco Marcovic réussit ainsi à publier une réponse que voici :

«Fondé en 1941 par les troupes d'occupation italo-allemandes, après l'effondrement de la Yougoslavie, le prétendu "Etat indépendant de Croatie" était une contradiction dans les termes. c'est sur le territoire de ce monstre juridique que son chef, le terroriste Pavelic1, organisa un monde concentrationnaire, en tout point conforme au régime et aux camps nazis. Après les atrocités commises en Allemagne, le génocide perpétré en Croatie contre les Serbes, les juifs et les tziganes fut sûrement le crime raciste le plus odieux commis en Europe au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais, à ce propos, il y a lieu d'éviter la confusion entre les victimes du génocide et les morts de la guerre civile qui sévissait en même temps en Yougoslavie entre les oustachis de Pavelic, les partisans de Tito et les tchetnicks du général Mikhailovic.
Autrement dit, il ne faut pas mélanger les victimes civiles innocentes martyrisées et tuées pour leur appartenance nationale ou religieuse avec les soldats et les maquisards armés tombés au combat ou massacrés dans une guerre où il n'y avait pas de prisonniers.
Donc, lorsqu'on parle des victimes du génocide commis dans l'Etat indépendant de Croatie -à savoir ceux qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs, tziganes ou serbes- on compte environ 30 000 juifs, 40 000 tziganes et au moins 700 000 Serbes. En 1943, le cardinal Tisserant reprochait à Rusinovic, représentant de Pavelic au Vatican, 350 000 victimes serbes. Mais, par la suite, on a retrouvé dans les archives allemandes la lettre du général SS Ernst Fick à Heinrich Himmler, datant de 1944, où il est question de 600 000 à 700 000 Serbes exécutés.
D'après les spécialistes, ce chiffre doit être retenu rien que pour le camp de Jasenovac, sans parler d'autres crimes (Rev. Athanase Jevtic, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe). De toute façon, on est désormais obligé de considérer le nombre de 700 000 victimes serbes comme un minimum au-dessous duquel on ne peut pas descendre.
La ruse des oustachis consistait à présenter leurs victimes civiles serbes comme des communistes. Cependant, en 1941, le Parti communiste yougoslave comptait environ 8000 membres et 30 000 membres des jeunesses communistes. Comment, du jour au lendemain, seraient-ils devenus vingt fois plus nombreux ?
En fait, les victimes privilégiées des oustachis étaient les membres du clergé orthodoxe, en commençant par l'exécution de quatre évêques orthodoxes serbes se trouvant sur le territoire de Pavelic (NN. SS. Platon, Petar, Sava et Dositej). Ce dernier, métropolite de Zagreb, devenu fou sous les tortures, fut renvoyé à Belgrade, où il mourut des suites de son martyre. A ceux-là il faut ajouter les prêtres serbes et leurs familles, sauvagement assassinés par centaines.
L'évocation a posteriori de la prétendue «résistance croate» n'y change rien. Car ou bien il s'agit de la résistance communiste menée par Tito et alors il faut l'appeler par son nom. Or elle n'a jamais été croate mais yougoslave et les Serbes n'y ont pas été «minoritaires», puisqu'ils ont souvent été obligés d'y adhérer pour éviter le génocide.
Ou bien c'est une pure invention, car aucune autre résistance croate n'a jamais existé dans l'Etat de Pavelic. Si le savant dominicain fait allusion aux unités de «Domobrans» -comparables aux troupes régulières- qui se sont rendues à Tito quelques mois avant la fin de la guerre, elles n'avaient nullement «résisté» à Pavelic mais avaient combattu auparavant sous son commandement. Autant dire que l'armée allemande avait opposé une résistance aux troupes SS.
«Celui qui a péché, c'est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père», disait le prophète Ezéchiel. A condition que le fils se désolidarise des actes condamnables de son père, qu'il désapprouve ses crimes. Mais les Croates d'aujourd'hui, dès qu'ils quittent leur pays, célèbrent tous les ans la création de l'Etat de Pavelic, traitent les Serbes de «serbo-communistes» et les accusent d'hégémonisme. A ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1945 Tito avait si bien démembré la Serbie que le peuple serbe, largement majoritaire en Yougoslavie, s'était trouvé minoritaire dans toutes les Républiques et territoires autonomes, hormis la «petite Serbie».
Il est vrai que la Croatie actuelle ne regroupe pas tous les Croates non plus. Mais, désormais, les Croates exigent l'indépendance de leur République et cela semble normal. Les Serbes n'ont qu'à en faire autant. Ce qui échappe aux Occidentaux, c'est que la «petite Serbie» n'a sur son territoire aucun Croate, alors que la «petite Croatie» garderait plusieurs centaines de milliers de Serbes. Et il s'agit justement de la population qui a le plus souffert du génocide.
Hélas, de nombreux signes précurseurs montrent que les Serbes en Croatie courent le risque de subir le même sort que leurs ancêtres sous Pavelic. La langue de cette République est proclamée «croate», elle ne saurait plus être serbo-croate et encore moins serbe. L'alphabet latin est officialisé aux dépens de l'alphabet cyrillique. Il existe des projets de séparer les orthodoxes, en Croatie, de leur Eglise mère en Serbie, comme pendant la dernière guerre mondiale. Le slogan du général croate Tudjman, «le fusil croate sur l'épaule croate», signifie que les Serbes doivent être soit croatisés, soit considérés comme des citoyens de seconde zone.
Jusqu'au moment propice où la situation politique permettra une nouvelle extermination. D'ailleurs, certains leaders serbes ont déjà été arbitrairement arrêtés (Jovan Opacic) et la presse a noté les violences commises contre des touristes serbes.
Une fois de plus, l'expérience nous prouve que ce n'est pas en falsifiant l'histoire et en occultant les crimes du passé qu'on prépare un meilleur avenir».

Récemment les orthodoxes serbes des régions de Knin et de Petringa ont publiquement dénoncé les violences exercées par les Croates, à l'égard notamment du clergé, dans une déclaration signée par des évêques orthodoxes, des prêtres et un grand nombre de fidèles. Ces tensions ont conduit à l'interruption du dialogue catholico-orthodoxe en Yougoslavie. On ne voit plus très bien quel est le sens de ce dialogue aujourd'hui ; le peuple orthodoxe serbe n'y semble guère favorable dans son ensemble. De même, l'appartenance de l'Eglise orthodoxe serbe à la Tour de Babel religieuse du Conseil Oecuménique des Eglises devrait être reléguée dans les accessoires imposés à l'Eglise par le régime communiste.
Mentionnons la parution du livre du Père Athanase Jevtitch sur Jasenovac, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe, et la traduction française du livre du même Père Athanase sur le Kossovo, intitulé Dossier Kosovo, à paraître dans les semaines qui viennent, dans la Collection «La Lumière du Thabor», aux éditions L'Age d'Homme, Lausanne. Enfin vient de paraître un important recueil : Le Kosovo-Métohija dans l'Histoire serbe, ouvrage collectif, composé par Radovan Samardzic, Atanasije Jevtic, et al., traduit du serbo-croate par Dejan M. Babic, L'Age d'Homme, 1990, 352 p. Nous en rendrons compte longuement dans les notes de lecture du prochain numéro de La Lumière du Thabor.


LA CHUTE DU PATRIARCAT
d'Alexandrie

Chacun sait qu'il n'y a malheureusement plus beaucoup d'orthodoxes à Alexandrie et en Egypte. Malheureusement aussi le Patriarche d'un troupeau fantôme, Parthenios III, qui passe la plus grande partie de l'année à Athènes, multiplie les reniements de la foi orthodoxe et invente -dans le silence général des autres Eglises orthodoxes qui ne protestent pas- l'anti-confession de la foi.
Il vient de déclarer en effet : «Pour moi, la question de savoir si l'Islam est une religion inspirée ne se pose pas -elle l'est bien sûr... Et Mahomet, qui est-il pour nous ? A-t-il agi contre la volonté de Dieu ? Mahomet est un homme de Dieu, qui a fait des Arabes du désert des hommes qui croient en un seul Dieu, des hommes qui prient, qui jeûnent, qui aiment leur prochain, qui travaillent pour le bien. Et ceci est une bonne chose».
Mais, cher antipatriarche Parthenios, les multitudes que l'Islam, dans ses conquêtes -si aimantes, si pleines d'amour pour le prochain !- a arrachées à la foi de l'Evangile, pourquoi n'en dis-tu rien ? Les Nouveaux Martyrs de la Romiosynie, souvent anciens chrétiens convertis à l'Islam par leur faiblesse ou par la force, à quoi leur servait-il, ensuite, de confesser le Christ et d'être sauvagement martyrisés, si Mahomet était véritablement un homme de Dieu inspiré...
Dis-nous la vérité : que tu cherches à plaire aux puissants du jour qui, en Egypte aujourd'hui, sont musulmans et antichrétiens comme le prouvent les récentes persécutions contre les Coptes.
Du reste, si les Coptes anti-chalcédoniens sont en accord sur la foi avec les orthodoxes, comme l'ont prétendu, curieusement, les membres de la communion mixte du dialogue théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes -en fait monophysites-, quelle est l'utilité d'un patriarche «orthodoxe» doublant un patriarche «monophysite» ? Retire-toi et laisse le patriarche «copte» qui, du moins, a un troupeau, prendre ta place ! Tu aurais au moins évité d'aller à Rome au mois de septembre 1990 chez le Pape, te ridiculiser complètement en te prétendant le successeur de saint Athanase le Grand et du saint Apôtre Marc, et en oubliant qu'au Concile de Florence saint Marc d'Ephèse représentait l'Eglise d'Alexandrie !


DEVELOPPEMENT DU DIOCESE
de Monseigneur Photios

Comme le Patriarcat d'Alexandrie, l'Eglise de Constantinople et d'autres Eglises orthodoxes reconnaissent Rome comme «Eglise soeur», et pleinement comme «Eglise», on ne voit pas pourquoi ces Eglises orthodoxes -notamment celle de Constantinople- laissent se développer sous leur omophore des paroisses ou des monastères de convertis du catholicisme à l'orthodoxie. Si l'Eglise de Rome est «Eglise», elle est l'Eglise «locale» de l'Europe de l'Ouest, et si elle est l'Eglise locale, toute constitution de paroisses orthodoxes françaises en dehors d'elle est «anticanonique».
Inversement, si la papauté a fait dévier l'Occident de la vraie foi, il n'est pas possible d'accepter Rome ni les orthodoxes qui sont en communion de prière ou en communion «morale» -sinon secrète- avec le Vatican.
C'est pour cette raison que l'Eglise des vrais chrétiens orthodoxes de Grèce, sous l'homophore de Monseigneur Auxence -c'est-à-dire l'Eglise de Grèce qui n'a aucune communion avec le Patriarcat de Constantinople et ceux qui tolèrent l'hérésie des branches professée par ce patriarcat- a eu souci de donner un évêque vraiment orthodoxe à tous ceux qui, en France et dans les pays voisins d'Europe, refuseront non seulement en théorie, mais en acte, la théorie des branches.
Monseigneur Photios, évêque de Lyon, travaille donc dans la vigne du Seigneur, pour cette lourde tâche. L'été dernier, il a visité, outre les paroisses de Lyon, Paris, Montpellier, celles de Dinan, Pau, Toulouse, Langon et Zürich.
Le dimanche 22 octobre / 4 novembre de cette année, jour de saint Abercius, il a ordonné le diacre Timothée au sacerdoce, pour l'Eglise de la Sainte Trinité-Saint Nectaire. La liturgie pontificale était concélébrée autour de Monseigneur Photios par les Pères Ambroise, Patric, Philarète, Cyprien et Nectaire. Plusieurs fidèles de province étaient, à cette occasion, venus à Paris, et les agapes qui suivirent la cérémonie, furent pour eux l'occasion de lier ou de renouer connaissance entre frères orthodoxes que les distances et les temps peuvent séparer, mais non le coeur.
Le dimanche 12/25 novembre, jour de saint Jean l'Aumônier, Monseigneur Photios a ordonné, dans son église cathédrale de Lyon, un diacre, Maxime de Zürich, et un sous-diacre, Daniel de Gênes. Tous deux ont construit une chapelle dans leurs villes respectives. L'office était concélébré, autour de l'évêque, par Père Patric, Père Nectaire et Père Timothée. De plusieurs régions de France et d'Europe, et même d'Amérique, étaient venus des fidèles, pour se réjouir de l'affermissement de l'Eglise orthodoxe. Anne-Marie de Lyon reçut chez elle, le samedi soir, les fidèles venus de loin ; et le dimanche, après la cérémonie, dans la salle de réunion attenante à l'église, les agapes furent organisées par tous. Cette journée fut, pour tous les participants, pleine de promesse, dans la joie de voir des ouvriers du Seigneur envoyés à la moisson ; mais elle fut aussi, pour ceux qui, depuis des années, «travaillent, chantent, offrent des fruits et font le bien» dans l'Eglise de Lyon, devenue centre du diocèse, comme un couronnement et une récompense de leurs efforts.


DEUX FIGURES PATRISTIQUES
ALEXANDRE KALOMIROS
et LA MERE EUPRAXIA

Au mois d'août dernier, avant le carême de la Mère de Dieu, ont quitté ce monde le théologien laïc Alexandre Kalomiros et la Mère Eupraxia, fille spirituelle du Père Jérôme d'Egine qui mena l'ascèse bénie avec le saint géronda originaire de Cappadoce. Essayons de décrire ces deux figures patristiques.


Alexandre Kalomiros

Il n'y a plus guère, aujourd'hui, de théologiens qui confessent la foi : tous se prennent pour des «analystes», des spécialistes, qui parlent des Pères de façon doctorale et pontifiante, en faisant l'état de la critique, comme d'autres le font honorablement pour Platon et pour Kant. Certains, ce faisant, commettent des contresens, -comme d'autres se trompent sur Platon ou Kant- tandis que quelques uns exposent le vrai sentiment des Pères : toutefois, les premiers comme les seconds «manquent le but quant à la foi». Car les Pères, lorsqu'ils parlaient, ne le faisaient pas pour «analyser», pour convaincre les savants étrangers, les biologistes anglais ou les herméneutes allemands ; ils ouvraient la bouche «remplie de l'Esprit» pour prêcher l'Evangile à temps et à contretemps, pour en montrer à tous le caractère vivant et nécessaire au salut, pour confesser qu'en dehors du Christ et de son Eglise, il n'y a, sur terre, que des morts qui enterrent des morts.
Alexandre Kalomiros était un théologien à la façon des Pères ; non à la façon de ceux qui se prennent pour des professeurs selon le monde. Jeune homme, il avait voulu entreprendre des études de théologie, mais il avait dû obéir à son père et étudier la médecine ; et il était devenu un grand chirurgien. Cependant, son intérêt pour l'Eglise et la théologie ne faiblissait pas ; lorsqu'Athénagoras commença à professer la «théorie des branches2», Alexandre Kalomiros réagit en publiant un petit livre intitulé Contre la Fausse Union, qui fut traduit dans plusieurs langues3. Dans une lettre introductive, l'iconographe et écrivain, l'inoubliable Photios Kontoglou présentait Kalomiros comme lui seul savait le faire :

«Oui, en vérité, grand est le mystère de la piété, comme le dit le bienheureux Apôtre Paul. La piété et la foi, étant des mystères, portent des fruits que le savoir ne donne pas.
L'auteur du présent ouvrage n'est pas un théologien formé dans les écoles où l'on étudie l'inétudiable -la théologie. Il a étudié la médecine, qui peut être étudiée parce qu'elle est une connaissance mondaine, un savoir humain. C'est de la Tradition qu'il a tiré sa foi orthodoxe et sa piété. Il les a reçues de la manière dont, comme il le dit lui-même, foi et piété se transmettent : de maître à disciple, de parent à enfant, d'ancien à fils spirituel, de chrétien à chrétien. Pour cette raison, il est quelqu'un qui expérimente les choses divines, et non quelqu'un qui s'en instruit scolairement, ayant la foi, non la science, pour guide. Il marche par la foi et non par la vue, comme dit encore l'Apôtre Paul. Et c'est pourquoi son livre est rude ; il ne s'embarrasse pas des compromis qui révèlent une foi médiocre, ni des accommodements dont on use pour ne pas froisser l'adversaire, ni d'aucune fausse charité. L'amour de la vérité ne souffre aucun partage. Son livre est rude et abrupt, quoique l'auteur soit personnellement doux, affable, humble, modeste et pacifique. Mais la foi lui donne le glaive de l'Esprit ; et cet homme affable, humble et sensible, plein d'amour, apparaît rude et brusque. Saint Jean le Théologien, le disciple de l'amour, ne semble-t-il pas plus rude et plus brusque que les autres apôtres et prédicateurs de l'Evangile, tel qu'il se révèle dans sa première épître et dans l'Apocalypse ?
L'auteur de ce livre est une jeune homme. Mais que personne ne méprise sa jeunesse. J'ai fait connaissance avec lui, spirituellement, alors qu'il étudiait la médecine en Suisse et que nous publiions le périodique Kibotos (L'Arche). Il m'écrivit alors une lettre sur quelques articles sataniques publiés par un catholique dans le journal Le Courrier, et nous demanda de protéger notre foi orthodoxe contre les pièges des hérétiques. Par la suite, il m'écrivit un grand nombre de lettres, et jusqu'à aujourd'hui ce qu'il m'écrit est toujours instructif et profitable, et exhale le doux parfum de la foi profonde et de l'amour de notre sainte Tradition. C'est pourquoi je l'ai instamment prié d'écrire quelque chose de plus développé, sur les sujets qu'il esquissait brièvement dans ses lettres. Je l'ai aussi pressé, connaissant sa modestie, de consentir à les faire imprimer en livre. Il a fini par accepter et ce petit livre est le premier qu'il a envoyé à l'éditeur, Alexandre Papademetriou, qui a accepté avec joie de le publier.
Nous sommes conscients que ce livre, écrit "avec beaucoup d'intelligence", sera condamné par beaucoup comme primaire et brutal, car dans nos temps hypocrites, on ne considère comme vraiment chrétiens que ceux qui n'ont pas dans leur coeur le feu de la foi, en particulier de la foi orthodoxe, c'est-à-dire de la vraie foi ; et c'est pourquoi ces "chrétiens authentiques" sont tièdes, non-spirituels, diplomates, accommodants, comme beaucoup de théologiens professionnels d'aujourd'hui. Le monde a appris à regarder ces personnes comme des chrétiens bons et indulgents, tandis qu'il déteste ceux qui sont comme l'auteur de ce livre, je veux dire, "fervents d'esprit", et les proclame fanatiques, intolérants, superstitieux, esprits étroits, adorateurs de formes vides. Hélas ! Aujourd'hui, les théologiens ont fini par devenir des disputeurs de ce siècle. Les gens qui s'occupent de religion écrivent des tonnes de livres, épais et volumineux, remplis de cette fameuse "science théologique" qui, vu sa méthode d'investigation des questions religieuses, n'est rien d'autre que la connaissance selon ce monde, que l'Apôtre Paul appelle vaine illusion et tromperie subtile. Le Saint Evangile, qui est la simplicité même, est disséqué, examiné, et démembré en fonction des systèmes philosophiques de la "vaine illusion". Confusion, complication, théories embrouillant l'esprit, "folles recherches, généalogies, disputes sur la loi", boue qui trouble l'eau claire jaillissant dans la vie éternelle, toutes ces choses sont écrites au nom de Celui qui est venu dans le monde pour sauver la brebis perdue -l'homme de la vaine science- du fardeau de son intelligence pécheresse, et qui a crié : "Venez à moi, vous tous qui êtes chargés sous le poids de la sagesse folle et sans but". Des montagnes d'articles sont écrites au nom du Christ et de son Evangile, que le coeur le plus simple expérimente ; tandis que ceux qui écrivent ces livres innombrables ont erré de tout côté dans le dédale et les ténèbres de leur propre sagesse, loin du Christ qu'ils ont oublié, ayant sombré dans les vanités de leur intellect. Leur coeur ne sent plus le souffle venu de Dieu ; ils sont mortifiés et asséchés par leur sagesse prétentieuse qui leur vaut les honneurs de ce monde.
C'est eux que l'Apôtre Paul, cette bouche divine, a en vue lorsqu'il écrit : "Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais il se donneront des monceaux de docteurs selon leurs propres désirs, flattant leur oreille ; et ils détourneront l'oreille de la vérité et se tourneront vers des fables" (2 Tim. 4, 3-4). "Ils se donneront des monceaux de docteurs" : ils produiront au jour une multitude de docteurs, et prendront plaisir à les entendre, parce que cette sagesse vide flattera leurs oreilles. Et pour ne pas entendre la vérité, la simple vérité de la religion, ils se boucheront les oreilles, mais ils auront envie qu'on leur raconte des fables, c'est-à-dire des théories et des imaginations vides de sens. Ne voyons-nous pas, aujourd'hui, ces "monceaux" de docteurs qui, avec leurs discours, flattent les oreilles des étudiants et des autres fidèles ?
Ainsi, le livre de Kalomiros irritera ces esprits qui ont réduit la religion du Christ à un système de savoir humain -à un rationalisme- et qui détestent et tournent en dérision toute "doctrine saine" qui constitue, à leurs yeux, une conception primaire de la religion, farcie des superstitions de la tradition. De fait, que peut représenter, pour eux, un texte écrit par un homme comme Kalomiros, qui n'a jamais été dans une grande école et n'a pas étudié à l'étranger ?
Mais, bienheureusement, Kalomiros a bu à la source de l'eau vive, il s'est abreuvé à la Tradition et a étudié les Pères jour et nuit. Ayant la foi pour guide, il est devenu "théodidacte" (enseigné par Dieu). Le Christ dit : "Quand le bon pasteur fait sortir ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix" (Jn 10, 4). Ce qui veut dire : "Mes disciples écoutent Mes paroles avec un esprit de simplicité, et les reçoivent dans leur coeur sans les faire passer par leurs intellects compliqués ni en faire des théories ; ils les acceptent avec la foi comme les brebis innocentes qui entendent la voix du berger et courent auprès de lui". C'est la foi qui ouvre la bouche du croyant et sa prédication ouvre le coeur des chrétiens, selon les paroles du Christ qui a dit : "Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein" (Jn 7, 38).
Les hommes de la "sagesse folle" qui enseignent "avec les paroles persuasives de la sagesse humaine" n'acceptent pas les vrais prédicateurs de l'Evangile, et cela, parce les vrais prédicateurs ne se conforment pas au monde, mais sont "transformés par le renouvellement de leur intelligence" (Rom. 12, 2).
Ils trouveront donc beaucoup de choses à condamner dans ce livre. Ils condamneront chez l'auteur l'absence de cette affabilité hypocrite qu'ils ont à l'égard des hérétiques, quoique l'auteur ne montre nulle insolence, mais a seulement le courage d'un soldat du Christ et se règle sur les paroles de l'Apôtre Paul qui déclare : "Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d'amour et de sagesse" (2 Tim. 1, 7).
Une autre tare qu'ils y trouveront, c'est que ce message est imprégné d'affliction selon le Christ, de "deuil joyeux", au lieu qu'ils sont, eux, optimistes, l'esprit tourné vers les choses de ce monde. Mais qu'ils voient ce que dit l'Apôtre Paul : "La tristesse en Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort" (2 Cor. 7, 10). La tristesse que traverse l'homme qui croit en Dieu est une tristesse adoucie par l'espérance, et c'est pourquoi il s'agit d'un chagrin joyeux, d'un "deuil joyeux" qui, par la repentance, le conduit au salut de l'âme.
Je félicite ce jeune homme digne de bénédiction, qui a écrit un livre si édifiant, un livre qui respire l'esprit de la vraie orthodoxie. Et je louange et glorifie le nom tout-honorable du Seigneur, qui donne à son Eglise orthodoxe des joyaux tels que celui-ci, brillant dans les ténèbres de l'erreur et de la déchéance. Que Notre Seigneur Dieu miséricordieux soit béni et glorifié, Lui qui raffermit la foi orthodoxe avec les pierres que les bâtisseurs ont rejetées».

Kalomiros devait ensuite rompre la communion avec l'Eglise officielle grecque, contaminée par les doctrines de l'oecuménisme et surtout par la communion avec les défenseurs les plus fanatiques e la théorie des branches. Il appliquait ainsi le canon 15 du Concile Premier-Second et les préceptes de la tradition patristique.
Refusant avec rigueur toute tolérance à l'égard de l'icône dite de «la Trinité» -où l'on voit à la façon occidentale Dieu le Père représenté anthropomorphiquement avec une longue barbe blanche- il devait suivre ensuite, avec la paroisse dont il faisait partie à Thessalonique, la voie du zélotisme. Lorsqu'après la mort du Métropolite Philarète, l'Eglise Russe Hors Frontières se mit à reconnaître comme «plérôme de l'Eglise» ceux que trois ans auparavant elle avait anathématisés avec la théorie des branches, la paroisse de Thessalonique resta fidèle et cohérente en quittant le Synode russe devenu infidèle à sa confession de foi officielle antérieure.
Les Pères disent que l'homme, pour être parfait, doit avoir les cheveux blancs -la sagesse- du vieillard et le regard du jeune homme -seuls les pécheurs vieillissent. Kalomiros était parfois extrême, sa fougue était celle d'un théologien qui ignore l'académisme, mais il était pieux, croyant, honnête et disait la vérité. Que sa mémoire soit éternelle !


La Mère Eupraxia

Une femme vaillante, qui la trouvera ?
Elle a plus de valeur que les pierres de grand prix.


Nous nous souvenons encore du jour où Père Ambroise, il y a trois ans de cela, est rentré tout enthousiasmé de Grèce parce qu'il avait rencontré celle qu'il croyait endormie depuis longtemps dans le Seigneur, la moniale du Père Jérôme d'Egine, celle qui avait lutté avec lui dans l'ascèse pendant tant d'années, la Mère Eupraxia. Entre deux avions, celui de Paris et celui qui partait pour Chios, Père Ambroise, à Athènes, avait été conduit chez une pieuse fidèle, Styliani, fille spirituelle du Père Jérôme et de la Mère Eupraxia, où il avait pu voir la gérondissa presque centenaire, mais parfaitement lucide, et ne manquant pas un seul tropaire des offices sur lesquels toute sa vie elle avait usé ses yeux.
La Mère Eupraxia lui avait raconté qu'elle était née dans le Pont Euxin, avait vécu les massacres d'Asie Mineure et l'exil avec sa famille très pieuse. Son frère était le Père Arsénios, le co-lutteur du Père Joseph le spéléote. Tous deux étaient devenus moine et moniale très jeunes, repectant absolument toutes les règles de l'Eglise et imitant les grands ascètes du temps jadis. Telle elle était encore maintenant, remplie de la grâce de Dieu.
Quand nous avons entendu ce récit, nous avons tous désiré la voir et nous y sommes allés selon nos possibilités : le Père Patric en octobre, puis le Père Joseph -maintenant l'évêque Photios- en février, ont fait la même expérience d'une rencontre avec cette moniale centenaire, assise sur son lit, la tête sur le coeur, priant sans cesse et expliquant aux visiteurs : «Une maison a une fondation : la fondation, c'est la foi ; mais le toit qui protège la maison, c'est l'amour», ou bien : «Je n'ai plus mes jambes aujourd'hui, mais si je le pouvais, j'irais avec l'archevêque Auxence pour les défilés, et je crierai de toutes mes forces : Mon Christ, mon Christ». Ou encore : «Toujours se demander ce que dit l'Eglise, ce qu'enseigne l'Eglise ; non pas ce que dit Un tel ou Un tel ; mais : Que dit l'Eglise ? -C'est là ce que disait mon géronda».
Une autre fois, elle racontait que, cette année-là, au moment du mnémosyno (service célébré à la mémoire des défunts) du Père Jérôme, pour la première fois, elles n'avaient pu, Styliani et elle, se rendre à Egine et qu'elles avaient refusé l'offre d'un membre de la famille qui proposait de faire l'office avec beaucoup de monde dans une église de l'Etat (nouveau calendariste) : elles avaient fait l'office toutes seules comme elles avaient pu, chez elles, «la grâce de Dieu suppléant à nos faiblesses». La nuit suivante, le Père Jérôme était apparu en rêve à la Mère Eupraxia, lui disant qu'elles avaient bien fait, que c'était comme cela qu'il fallait faire.

Chez Styliani, autour de la Mère Eupraxia, c'était tout un petit monde spirituel qui butinait, semblable aux femmes pieuses qui suivaient le Papa Planas : ici, c'étaient Irène, une voisine, Marie, que nous appelons la Canebière, parce qu'elle a été élevée en France et qu'elle a gardé l'accent de Marseille, même en grec, disciple, elle aussi du Père Jérôme, Mère Nectarie, sa soeur, du monastère de Choropi, Aphrodite, Antigone, Ismini et d'autres encore... Chacune est un trésor de piété et de vérité.
Lors de l'ordination du Père Philarète, la pieuse Styliani et sa mère Eupraxia demandèrent, au téléphone, la date exacte de la célébration, afin de pouvoir, au même moment, faire monter leurs prières vers Dieu ; et elles souhaitèrent au nouvel ordonné les meilleures choses que l'on puisse souhaiter à un prêtre, c'est-à-dire, une confession de foi toujours intègre et le secours du Seigneur pour une vie droite.
Ensuite, nous avons appris que Styliani, dégagée des obligations sociales qui la retenaient jusque là, allait à son tour devenir moniale sous le nom d'Eupraxia et qu'avec la gérondissa Eupraxia, elles voulaient s'en retourner à Egine, dans l'ermitage du Père Jérôme. C'est là que nous les avons trouvées, au coeur de l'été, aux alentours de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. Nous avons célébré la liturgie dans la petite église construite par les mains du Père Jérôme et celles de la Mère Eupraxia, et nous avons entendu les récits qu'elle faisait aux enfants qui nous accompagnaient : comment, après la dormition du Père Jérôme, jalouse des exploits, qu'elle avait entendu raconter, de Photinie l'ermite, la Mère Eupraxia s'était elle aussi enfermée, au grand désarroi de ses proches, pour mener, en ville, la même vie que sainte Photinie l'ermite.
La gérondissa avait sans cesse à la bouche des mots comme : «Le Dieu Tout-Bon, comme le veut le Dieu Très-Bon» ou bien : «Je prierai notre Souveraine, notre Toute-Sainte» ; ce n'était pas un discours, c'était comme le parfum exhalé par son âme, des mots qui fleurissaient sa bouche, l'amour qu'elle portait à son Seigneur et à la Très-Sainte Mère de Dieu. La photographie qui accompagne cet article date de cette rencontre.
Une chose unit toutes ces figures si différentes, de Marie Charitou, d'Aphroditi, de Mère Nectarie, de Mère Eupraxia l'Ancienne et de Mère Eupraxia la Nouvelle, sa disciple : c'est la rigueur, et l'on pourrait la sainte intransigeance de la foi. Aucun fanatisme chez ces femmes qui ont placé l'abnégation et le service d'autrui au centre de leur vie, qui font des kilomètres, le jour où vous arrivez, pour vous accueillir, et le jour de votre départ, pour vous apporter tous les cadeaux qu'elles ont pu trouver ; mais l'amour exclusif de la foi pour laquelle le Christ est mort et par laquelle Il donne la vie. C'est ainsi que la Mère Eupraxia se souvenait que le Père Jérôme, prophétisant les choses qui adviendraient dans l'Eglise, lui avait dit un jour : «Lorsque certains évêques se sépareront de lui, tu resteras avec l'archevêque Auxence». Elle rappelait l'amour du Père Jérôme pour l'archevêque Auxence, qui était venu le voir, et aussi pour le Métropolite Chrysostome de Florina qui l'avait également visité à Egine.






























Mère Eupraxia l'Ancienne et Mère Eupraxia la Nouvelle,
entourées de Monseigneur Photios, du Père Patric et du Père Philarète.
Sur la situation ecclésiastique, Mère Eupraxia disait qu'on était comme à l'époque du prophète Elie et que, s'il y avait peu de zélotes, Dieu pouvait en faire surgir...
Mère Eupraxia racontait aussi que lorsqu'elle avait appris que son neveu selon le monde, le Père Charalambos, homme simple et pieux, lui aussi disciple du Père Joseph le spéléote, s'était fait abuser par des athonites plus rusés que lui, qui lui avaient offert d'être higoumène du monastère de Saint-Denys, l'un des plus grands de l'Athos, à condition qu'il mentionnât le Patriarche Dimitri dans la liturgie, alors, elle lui avait écrit qu'il avait mal agi, car c'était en vain qu'on luttait si l'on mentionnait un patriarche qui n'était plus orthodoxe.
Lors de la consécration de Monseigneur Photios à Athènes, un groupe de fidèles venus de Toulouse, de Pau et de Dinan put se rendre à l'ermitage d'Egine. La Mère Eupraxia trouva la force de les accueillir et de les enseigner. Les images qu'elle employa furent simples et éloquentes : montrant les doigts de sa main, elle disait, en prenant ensemble l'index et le majeur : «Dieu et toi», puis, passant la main sur les autres doigts : «Tout le reste, qui vient après». Elle indiquait ainsi que l'âme soucieuse de Dieu met Dieu et son propre salut au centre de sa vie, et ne se laisse pas distraire par le monde.

Puis, Père Ambroise était encore allé célébrer la liturgie à Egine et Père Patric, en février dernier, rendit visite à la gérondissa Eupraxia, craignant de ne plus la revoir en ce monde.
La veille de sa dormition, la Mère Eupraxia vit en rêve le Père Jérôme, bien habillé, prêt pour célébrer la liturgie et elle dit ensuite à sa disciple, la nouvelle Eupraxia, qu'il allait sûrement arriver quelque chose.
Le lendemain, elle s'endormait dans le Seigneur.
Le Père Mélétios Zeugolis, rendant hommage, dans le Phare de l'orthodoxie, à la Mère Eupraxia, lui dédie le verset de l'Ecriture que nous avons cité en tête de cet article. Il souligne le rayonnement que, du fond de sa solitude ascétique, elle a exercé sur les âmes pieuses. Son petit ermitage est devenu le «foyer spirituel et sacré où beaucoup d'âmes ont été nourries au lait du Seigneur...»
Comme l'avait dit le Professeur Mouratidès, la Mère Eupraxia était la tradition vivante. Que sa mémoire soit éternelle !

NOTES DE LECTURE


Deux ouvrages sur l'histoire de la musique religieuse russe :

- V. Morosan, Choral Performance in Pre-Revolutionary Russia, U.M.I. Research Press, Ann Arbor, Michigan, 1986.
- N.P. Brill, History of Russian Church Music 988-1917, Illinois State University, Normal, Illinois, 1982.

Bien que son titre évoque une étude du chant choral russe en général, le premier ouvrage concerne surtout la musique religieuse. Mise à part une cinquantaine de pages contenant des notes et références bibliographiques, l'étude de Morosan comporte deux parties principales : l'une retrace l'histoire du chant choral en Russie depuis la monophonie originelle ; l'autre, consacrée au dix-neuvième siècle et au début du vingtième, analyse de façon très détaillée les techniques du chant choral, les différentes écoles et les styles des principaux compositeurs. La seconde partie rassemble certainement des archives précieuses pour le spécialiste, mais ne suscite pas de commentaires. La première partie est particulièrement intéressante par ses deux premiers chapitres qui éclairent très bien l'évolution du chant choral depuis les origines jusqu'à Bortniansky (1825), période généralement présentée succinctement. Le troisième chapitre, intitulé «L'émergence du style choral national», dénonce l'italianisme de Bortniansky, le rôle néfaste de ses dispositions sur la créativité de ses successeurs, le germanisme de Lvov et Bakhmetev, avec des mots très durs sur Lvov et la pauvreté de ses harmonisations des chants liturgiques ; l'apparition du Choeur d'Arkhangelsky (dont plus d'une composition semble pourtant bien influencée par les chorals de Bach) est, au contraire, saluée avec enthousiasme ainsi que les oeuvres religieuses des grands compositeurs de réputation internationale.
Cette appréciation semble reposer davantage sur les critères de «nationalisme musical» et de valeur artistique que sur la «qualité liturgique» : la plupart des oeuvres des grands compositeurs portent la mention «pour le concert» et, en revanche, les travaux des musicologues russes sur les chants liturgiques des origines, bien que signalés avec beaucoup de louanges, n'occupent qu'une demi-page dans l'ouvrage et aucune mention n'est faite des tentatives de reconstitution.
Le livre de N.P. Brill, au contraire, bien que suivant un plan analogue à celui de Morosan, aborde le même sujet mais dans un esprit nettement plus liturgique : les origines sont plus développées et les biographies accordent une place sensiblement égale aux grands auteurs et aux compositeurs de notoriété limitée aux milieux religieux : il en résulte des appréciations assez différentes.

Jean-Joseph Bernard


Selected Byzantine Hymns, Holy Transfiguration Monastery, Brookline, USA, 1986.

Il s'agit d'une sélection d'hymnes byzantines en version anglaise, avec notations musicales modernes. Les chants du commun liturgique se limitent à trois extraits des vêpres et un des matines, mais une très large place est faite au Grand Carême, à la Semaine Sainte et à Pâques. La présentation matérielle est bonne et la transcription musicale aussi fidèle que possible à la notation byzantine originale ; cependant, malgré tout le soin et l'attention qui ont manifestement été apportés à cette réalisation, celle-ci fait apparaître la difficulté d'interprétation, en une langue différente, de ces mélodies étroitement attachées à la rythmique et aux mots des vers grecs ; il en résulte, d'une part, une très grande difficulté de traduction pour faire correspondre l'accentuation des mots et des notes, les transcriptions les plus faciles étant celles des vocalises sur une seule syllabe, pourvu qu'elle soit accentuée ; mais, d'autre part, les mélodies traditionnelles grecques sont modales et font intervenir des intervalles qui ne peuvent être représentés qu'approximativement dans les échelles musicales occidentales.
En conclusion, il nous semble difficile, à des chanteurs n'ayant jamais pratiqué ou au moins longuement écouté les modes byzantins, de les restituer avec exactitude à partir de cet ouvrage ; mais il était certainement nécessaire aux communautés grecques établies en pays anglophones où elles ne disposent pas toujours de chantres formés à lire la notation byzantine. Pour les traductions en de nouvelles langues «liturgiques», qui doivent être impérativement d'une fidélité rigoureuse, un tel livre présente l'intérêt de fournir des bases à l'élaboration d'un style musical approprié à chacune d'elles, au prix de modifications importantes des structures mélodiques, travail qu'ont fait les Eglises slaves à partir des mêmes modes byzantins.

J.J. Bernard


















CHRONIQUE



Serbie

Election du Patriarche Paul



'Eglise serbe a élu un nouveau patriarche début décembre, le patriarche Germain ne pouvant plus, depuis au moins un an, exercer ses fonctions. Le nouveau patriarche, âgé de plus de soixante-seize ans, était jusqu'à présent évêque du Kossovo, région où les conflits entre les Serbes et les Albanais ont produit de nombreux incidents. Le Patriarche Paul est considéré en Serbie comme un homme de prière et un martyr, parce qu'il a souffert de nombreuses violences, jet de pierres, etc... Il devient patriarche à un moment particulièrement critique de l'histoire de la Serbie, non seulement au Kossovo, mais aussi en Croatie, où de nouvelles menaces de persécutions pèsent sur les Serbes.
A ce propos a éclaté une «polémique» dans le journal catholique La Croix, qui avait publié un article minimisant les persécutions déclenchées en Croatie pendant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide dont furent victimes alors les Serbes. Cet article provoqua les réactions de pieux Serbes, et Marco Marcovic réussit ainsi à publier une réponse que voici :

«Fondé en 1941 par les troupes d'occupation italo-allemandes, après l'effondrement de la Yougoslavie, le prétendu "Etat indépendant de Croatie" était une contradiction dans les termes. c'est sur le territoire de ce monstre juridique que son chef, le terroriste Pavelic1, organisa un monde concentrationnaire, en tout point conforme au régime et aux camps nazis. Après les atrocités commises en Allemagne, le génocide perpétré en Croatie contre les Serbes, les juifs et les tziganes fut sûrement le crime raciste le plus odieux commis en Europe au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais, à ce propos, il y a lieu d'éviter la confusion entre les victimes du génocide et les morts de la guerre civile qui sévissait en même temps en Yougoslavie entre les oustachis de Pavelic, les partisans de Tito et les tchetnicks du général Mikhailovic.
Autrement dit, il ne faut pas mélanger les victimes civiles innocentes martyrisées et tuées pour leur appartenance nationale ou religieuse avec les soldats et les maquisards armés tombés au combat ou massacrés dans une guerre où il n'y avait pas de prisonniers.
Donc, lorsqu'on parle des victimes du génocide commis dans l'Etat indépendant de Croatie -à savoir ceux qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs, tziganes ou serbes- on compte environ 30 000 juifs, 40 000 tziganes et au moins 700 000 Serbes. En 1943, le cardinal Tisserant reprochait à Rusinovic, représentant de Pavelic au Vatican, 350 000 victimes serbes. Mais, par la suite, on a retrouvé dans les archives allemandes la lettre du général SS Ernst Fick à Heinrich Himmler, datant de 1944, où il est question de 600 000 à 700 000 Serbes exécutés.
D'après les spécialistes, ce chiffre doit être retenu rien que pour le camp de Jasenovac, sans parler d'autres crimes (Rev. Athanase Jevtic, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe). De toute façon, on est désormais obligé de considérer le nombre de 700 000 victimes serbes comme un minimum au-dessous duquel on ne peut pas descendre.
La ruse des oustachis consistait à présenter leurs victimes civiles serbes comme des communistes. Cependant, en 1941, le Parti communiste yougoslave comptait environ 8000 membres et 30 000 membres des jeunesses communistes. Comment, du jour au lendemain, seraient-ils devenus vingt fois plus nombreux ?
En fait, les victimes privilégiées des oustachis étaient les membres du clergé orthodoxe, en commençant par l'exécution de quatre évêques orthodoxes serbes se trouvant sur le territoire de Pavelic (NN. SS. Platon, Petar, Sava et Dositej). Ce dernier, métropolite de Zagreb, devenu fou sous les tortures, fut renvoyé à Belgrade, où il mourut des suites de son martyre. A ceux-là il faut ajouter les prêtres serbes et leurs familles, sauvagement assassinés par centaines.
L'évocation a posteriori de la prétendue «résistance croate» n'y change rien. Car ou bien il s'agit de la résistance communiste menée par Tito et alors il faut l'appeler par son nom. Or elle n'a jamais été croate mais yougoslave et les Serbes n'y ont pas été «minoritaires», puisqu'ils ont souvent été obligés d'y adhérer pour éviter le génocide.
Ou bien c'est une pure invention, car aucune autre résistance croate n'a jamais existé dans l'Etat de Pavelic. Si le savant dominicain fait allusion aux unités de «Domobrans» -comparables aux troupes régulières- qui se sont rendues à Tito quelques mois avant la fin de la guerre, elles n'avaient nullement «résisté» à Pavelic mais avaient combattu auparavant sous son commandement. Autant dire que l'armée allemande avait opposé une résistance aux troupes SS.
«Celui qui a péché, c'est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père», disait le prophète Ezéchiel. A condition que le fils se désolidarise des actes condamnables de son père, qu'il désapprouve ses crimes. Mais les Croates d'aujourd'hui, dès qu'ils quittent leur pays, célèbrent tous les ans la création de l'Etat de Pavelic, traitent les Serbes de «serbo-communistes» et les accusent d'hégémonisme. A ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1945 Tito avait si bien démembré la Serbie que le peuple serbe, largement majoritaire en Yougoslavie, s'était trouvé minoritaire dans toutes les Républiques et territoires autonomes, hormis la «petite Serbie».
Il est vrai que la Croatie actuelle ne regroupe pas tous les Croates non plus. Mais, désormais, les Croates exigent l'indépendance de leur République et cela semble normal. Les Serbes n'ont qu'à en faire autant. Ce qui échappe aux Occidentaux, c'est que la «petite Serbie» n'a sur son territoire aucun Croate, alors que la «petite Croatie» garderait plusieurs centaines de milliers de Serbes. Et il s'agit justement de la population qui a le plus souffert du génocide.
Hélas, de nombreux signes précurseurs montrent que les Serbes en Croatie courent le risque de subir le même sort que leurs ancêtres sous Pavelic. La langue de cette République est proclamée «croate», elle ne saurait plus être serbo-croate et encore moins serbe. L'alphabet latin est officialisé aux dépens de l'alphabet cyrillique. Il existe des projets de séparer les orthodoxes, en Croatie, de leur Eglise mère en Serbie, comme pendant la dernière guerre mondiale. Le slogan du général croate Tudjman, «le fusil croate sur l'épaule croate», signifie que les Serbes doivent être soit croatisés, soit considérés comme des citoyens de seconde zone.
Jusqu'au moment propice où la situation politique permettra une nouvelle extermination. D'ailleurs, certains leaders serbes ont déjà été arbitrairement arrêtés (Jovan Opacic) et la presse a noté les violences commises contre des touristes serbes.
Une fois de plus, l'expérience nous prouve que ce n'est pas en falsifiant l'histoire et en occultant les crimes du passé qu'on prépare un meilleur avenir».

Récemment les orthodoxes serbes des régions de Knin et de Petringa ont publiquement dénoncé les violences exercées par les Croates, à l'égard notamment du clergé, dans une déclaration signée par des évêques orthodoxes, des prêtres et un grand nombre de fidèles. Ces tensions ont conduit à l'interruption du dialogue catholico-orthodoxe en Yougoslavie. On ne voit plus très bien quel est le sens de ce dialogue aujourd'hui ; le peuple orthodoxe serbe n'y semble guère favorable dans son ensemble. De même, l'appartenance de l'Eglise orthodoxe serbe à la Tour de Babel religieuse du Conseil Oecuménique des Eglises devrait être reléguée dans les accessoires imposés à l'Eglise par le régime communiste.
Mentionnons la parution du livre du Père Athanase Jevtitch sur Jasenovac, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe, et la traduction française du livre du même Père Athanase sur le Kossovo, intitulé Dossier Kosovo, à paraître dans les semaines qui viennent, dans la Collection «La Lumière du Thabor», aux éditions L'Age d'Homme, Lausanne. Enfin vient de paraître un important recueil : Le Kosovo-Métohija dans l'Histoire serbe, ouvrage collectif, composé par Radovan Samardzic, Atanasije Jevtic, et al., traduit du serbo-croate par Dejan M. Babic, L'Age d'Homme, 1990, 352 p. Nous en rendrons compte longuement dans les notes de lecture du prochain numéro de La Lumière du Thabor.


LA CHUTE DU PATRIARCAT
d'Alexandrie

Chacun sait qu'il n'y a malheureusement plus beaucoup d'orthodoxes à Alexandrie et en Egypte. Malheureusement aussi le Patriarche d'un troupeau fantôme, Parthenios III, qui passe la plus grande partie de l'année à Athènes, multiplie les reniements de la foi orthodoxe et invente -dans le silence général des autres Eglises orthodoxes qui ne protestent pas- l'anti-confession de la foi.
Il vient de déclarer en effet : «Pour moi, la question de savoir si l'Islam est une religion inspirée ne se pose pas -elle l'est bien sûr... Et Mahomet, qui est-il pour nous ? A-t-il agi contre la volonté de Dieu ? Mahomet est un homme de Dieu, qui a fait des Arabes du désert des hommes qui croient en un seul Dieu, des hommes qui prient, qui jeûnent, qui aiment leur prochain, qui travaillent pour le bien. Et ceci est une bonne chose».
Mais, cher antipatriarche Parthenios, les multitudes que l'Islam, dans ses conquêtes -si aimantes, si pleines d'amour pour le prochain !- a arrachées à la foi de l'Evangile, pourquoi n'en dis-tu rien ? Les Nouveaux Martyrs de la Romiosynie, souvent anciens chrétiens convertis à l'Islam par leur faiblesse ou par la force, à quoi leur servait-il, ensuite, de confesser le Christ et d'être sauvagement martyrisés, si Mahomet était véritablement un homme de Dieu inspiré...
Dis-nous la vérité : que tu cherches à plaire aux puissants du jour qui, en Egypte aujourd'hui, sont musulmans et antichrétiens comme le prouvent les récentes persécutions contre les Coptes.
Du reste, si les Coptes anti-chalcédoniens sont en accord sur la foi avec les orthodoxes, comme l'ont prétendu, curieusement, les membres de la communion mixte du dialogue théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes -en fait monophysites-, quelle est l'utilité d'un patriarche «orthodoxe» doublant un patriarche «monophysite» ? Retire-toi et laisse le patriarche «copte» qui, du moins, a un troupeau, prendre ta place ! Tu aurais au moins évité d'aller à Rome au mois de septembre 1990 chez le Pape, te ridiculiser complètement en te prétendant le successeur de saint Athanase le Grand et du saint Apôtre Marc, et en oubliant qu'au Concile de Florence saint Marc d'Ephèse représentait l'Eglise d'Alexandrie !


DEVELOPPEMENT DU DIOCESE
de Monseigneur Photios

Comme le Patriarcat d'Alexandrie, l'Eglise de Constantinople et d'autres Eglises orthodoxes reconnaissent Rome comme «Eglise soeur», et pleinement comme «Eglise», on ne voit pas pourquoi ces Eglises orthodoxes -notamment celle de Constantinople- laissent se développer sous leur omophore des paroisses ou des monastères de convertis du catholicisme à l'orthodoxie. Si l'Eglise de Rome est «Eglise», elle est l'Eglise «locale» de l'Europe de l'Ouest, et si elle est l'Eglise locale, toute constitution de paroisses orthodoxes françaises en dehors d'elle est «anticanonique».
Inversement, si la papauté a fait dévier l'Occident de la vraie foi, il n'est pas possible d'accepter Rome ni les orthodoxes qui sont en communion de prière ou en communion «morale» -sinon secrète- avec le Vatican.
C'est pour cette raison que l'Eglise des vrais chrétiens orthodoxes de Grèce, sous l'homophore de Monseigneur Auxence -c'est-à-dire l'Eglise de Grèce qui n'a aucune communion avec le Patriarcat de Constantinople et ceux qui tolèrent l'hérésie des branches professée par ce patriarcat- a eu souci de donner un évêque vraiment orthodoxe à tous ceux qui, en France et dans les pays voisins d'Europe, refuseront non seulement en théorie, mais en acte, la théorie des branches.
Monseigneur Photios, évêque de Lyon, travaille donc dans la vigne du Seigneur, pour cette lourde tâche. L'été dernier, il a visité, outre les paroisses de Lyon, Paris, Montpellier, celles de Dinan, Pau, Toulouse, Langon et Zürich.
Le dimanche 22 octobre / 4 novembre de cette année, jour de saint Abercius, il a ordonné le diacre Timothée au sacerdoce, pour l'Eglise de la Sainte Trinité-Saint Nectaire. La liturgie pontificale était concélébrée autour de Monseigneur Photios par les Pères Ambroise, Patric, Philarète, Cyprien et Nectaire. Plusieurs fidèles de province étaient, à cette occasion, venus à Paris, et les agapes qui suivirent la cérémonie, furent pour eux l'occasion de lier ou de renouer connaissance entre frères orthodoxes que les distances et les temps peuvent séparer, mais non le coeur.
Le dimanche 12/25 novembre, jour de saint Jean l'Aumônier, Monseigneur Photios a ordonné, dans son église cathédrale de Lyon, un diacre, Maxime de Zürich, et un sous-diacre, Daniel de Gênes. Tous deux ont construit une chapelle dans leurs villes respectives. L'office était concélébré, autour de l'évêque, par Père Patric, Père Nectaire et Père Timothée. De plusieurs régions de France et d'Europe, et même d'Amérique, étaient venus des fidèles, pour se réjouir de l'affermissement de l'Eglise orthodoxe. Anne-Marie de Lyon reçut chez elle, le samedi soir, les fidèles venus de loin ; et le dimanche, après la cérémonie, dans la salle de réunion attenante à l'église, les agapes furent organisées par tous. Cette journée fut, pour tous les participants, pleine de promesse, dans la joie de voir des ouvriers du Seigneur envoyés à la moisson ; mais elle fut aussi, pour ceux qui, depuis des années, «travaillent, chantent, offrent des fruits et font le bien» dans l'Eglise de Lyon, devenue centre du diocèse, comme un couronnement et une récompense de leurs efforts.


DEUX FIGURES PATRISTIQUES
ALEXANDRE KALOMIROS
et LA MERE EUPRAXIA

Au mois d'août dernier, avant le carême de la Mère de Dieu, ont quitté ce monde le théologien laïc Alexandre Kalomiros et la Mère Eupraxia, fille spirituelle du Père Jérôme d'Egine qui mena l'ascèse bénie avec le saint géronda originaire de Cappadoce. Essayons de décrire ces deux figures patristiques.


Alexandre Kalomiros

Il n'y a plus guère, aujourd'hui, de théologiens qui confessent la foi : tous se prennent pour des «analystes», des spécialistes, qui parlent des Pères de façon doctorale et pontifiante, en faisant l'état de la critique, comme d'autres le font honorablement pour Platon et pour Kant. Certains, ce faisant, commettent des contresens, -comme d'autres se trompent sur Platon ou Kant- tandis que quelques uns exposent le vrai sentiment des Pères : toutefois, les premiers comme les seconds «manquent le but quant à la foi». Car les Pères, lorsqu'ils parlaient, ne le faisaient pas pour «analyser», pour convaincre les savants étrangers, les biologistes anglais ou les herméneutes allemands ; ils ouvraient la bouche «remplie de l'Esprit» pour prêcher l'Evangile à temps et à contretemps, pour en montrer à tous le caractère vivant et nécessaire au salut, pour confesser qu'en dehors du Christ et de son Eglise, il n'y a, sur terre, que des morts qui enterrent des morts.
Alexandre Kalomiros était un théologien à la façon des Pères ; non à la façon de ceux qui se prennent pour des professeurs selon le monde. Jeune homme, il avait voulu entreprendre des études de théologie, mais il avait dû obéir à son père et étudier la médecine ; et il était devenu un grand chirurgien. Cependant, son intérêt pour l'Eglise et la théologie ne faiblissait pas ; lorsqu'Athénagoras commença à professer la «théorie des branches2», Alexandre Kalomiros réagit en publiant un petit livre intitulé Contre la Fausse Union, qui fut traduit dans plusieurs langues3. Dans une lettre introductive, l'iconographe et écrivain, l'inoubliable Photios Kontoglou présentait Kalomiros comme lui seul savait le faire :

«Oui, en vérité, grand est le mystère de la piété, comme le dit le bienheureux Apôtre Paul. La piété et la foi, étant des mystères, portent des fruits que le savoir ne donne pas.
L'auteur du présent ouvrage n'est pas un théologien formé dans les écoles où l'on étudie l'inétudiable -la théologie. Il a étudié la médecine, qui peut être étudiée parce qu'elle est une connaissance mondaine, un savoir humain. C'est de la Tradition qu'il a tiré sa foi orthodoxe et sa piété. Il les a reçues de la manière dont, comme il le dit lui-même, foi et piété se transmettent : de maître à disciple, de parent à enfant, d'ancien à fils spirituel, de chrétien à chrétien. Pour cette raison, il est quelqu'un qui expérimente les choses divines, et non quelqu'un qui s'en instruit scolairement, ayant la foi, non la science, pour guide. Il marche par la foi et non par la vue, comme dit encore l'Apôtre Paul. Et c'est pourquoi son livre est rude ; il ne s'embarrasse pas des compromis qui révèlent une foi médiocre, ni des accommodements dont on use pour ne pas froisser l'adversaire, ni d'aucune fausse charité. L'amour de la vérité ne souffre aucun partage. Son livre est rude et abrupt, quoique l'auteur soit personnellement doux, affable, humble, modeste et pacifique. Mais la foi lui donne le glaive de l'Esprit ; et cet homme affable, humble et sensible, plein d'amour, apparaît rude et brusque. Saint Jean le Théologien, le disciple de l'amour, ne semble-t-il pas plus rude et plus brusque que les autres apôtres et prédicateurs de l'Evangile, tel qu'il se révèle dans sa première épître et dans l'Apocalypse ?
L'auteur de ce livre est une jeune homme. Mais que personne ne méprise sa jeunesse. J'ai fait connaissance avec lui, spirituellement, alors qu'il étudiait la médecine en Suisse et que nous publiions le périodique Kibotos (L'Arche). Il m'écrivit alors une lettre sur quelques articles sataniques publiés par un catholique dans le journal Le Courrier, et nous demanda de protéger notre foi orthodoxe contre les pièges des hérétiques. Par la suite, il m'écrivit un grand nombre de lettres, et jusqu'à aujourd'hui ce qu'il m'écrit est toujours instructif et profitable, et exhale le doux parfum de la foi profonde et de l'amour de notre sainte Tradition. C'est pourquoi je l'ai instamment prié d'écrire quelque chose de plus développé, sur les sujets qu'il esquissait brièvement dans ses lettres. Je l'ai aussi pressé, connaissant sa modestie, de consentir à les faire imprimer en livre. Il a fini par accepter et ce petit livre est le premier qu'il a envoyé à l'éditeur, Alexandre Papademetriou, qui a accepté avec joie de le publier.
Nous sommes conscients que ce livre, écrit "avec beaucoup d'intelligence", sera condamné par beaucoup comme primaire et brutal, car dans nos temps hypocrites, on ne considère comme vraiment chrétiens que ceux qui n'ont pas dans leur coeur le feu de la foi, en particulier de la foi orthodoxe, c'est-à-dire de la vraie foi ; et c'est pourquoi ces "chrétiens authentiques" sont tièdes, non-spirituels, diplomates, accommodants, comme beaucoup de théologiens professionnels d'aujourd'hui. Le monde a appris à regarder ces personnes comme des chrétiens bons et indulgents, tandis qu'il déteste ceux qui sont comme l'auteur de ce livre, je veux dire, "fervents d'esprit", et les proclame fanatiques, intolérants, superstitieux, esprits étroits, adorateurs de formes vides. Hélas ! Aujourd'hui, les théologiens ont fini par devenir des disputeurs de ce siècle. Les gens qui s'occupent de religion écrivent des tonnes de livres, épais et volumineux, remplis de cette fameuse "science théologique" qui, vu sa méthode d'investigation des questions religieuses, n'est rien d'autre que la connaissance selon ce monde, que l'Apôtre Paul appelle vaine illusion et tromperie subtile. Le Saint Evangile, qui est la simplicité même, est disséqué, examiné, et démembré en fonction des systèmes philosophiques de la "vaine illusion". Confusion, complication, théories embrouillant l'esprit, "folles recherches, généalogies, disputes sur la loi", boue qui trouble l'eau claire jaillissant dans la vie éternelle, toutes ces choses sont écrites au nom de Celui qui est venu dans le monde pour sauver la brebis perdue -l'homme de la vaine science- du fardeau de son intelligence pécheresse, et qui a crié : "Venez à moi, vous tous qui êtes chargés sous le poids de la sagesse folle et sans but". Des montagnes d'articles sont écrites au nom du Christ et de son Evangile, que le coeur le plus simple expérimente ; tandis que ceux qui écrivent ces livres innombrables ont erré de tout côté dans le dédale et les ténèbres de leur propre sagesse, loin du Christ qu'ils ont oublié, ayant sombré dans les vanités de leur intellect. Leur coeur ne sent plus le souffle venu de Dieu ; ils sont mortifiés et asséchés par leur sagesse prétentieuse qui leur vaut les honneurs de ce monde.
C'est eux que l'Apôtre Paul, cette bouche divine, a en vue lorsqu'il écrit : "Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais il se donneront des monceaux de docteurs selon leurs propres désirs, flattant leur oreille ; et ils détourneront l'oreille de la vérité et se tourneront vers des fables" (2 Tim. 4, 3-4). "Ils se donneront des monceaux de docteurs" : ils produiront au jour une multitude de docteurs, et prendront plaisir à les entendre, parce que cette sagesse vide flattera leurs oreilles. Et pour ne pas entendre la vérité, la simple vérité de la religion, ils se boucheront les oreilles, mais ils auront envie qu'on leur raconte des fables, c'est-à-dire des théories et des imaginations vides de sens. Ne voyons-nous pas, aujourd'hui, ces "monceaux" de docteurs qui, avec leurs discours, flattent les oreilles des étudiants et des autres fidèles ?
Ainsi, le livre de Kalomiros irritera ces esprits qui ont réduit la religion du Christ à un système de savoir humain -à un rationalisme- et qui détestent et tournent en dérision toute "doctrine saine" qui constitue, à leurs yeux, une conception primaire de la religion, farcie des superstitions de la tradition. De fait, que peut représenter, pour eux, un texte écrit par un homme comme Kalomiros, qui n'a jamais été dans une grande école et n'a pas étudié à l'étranger ?
Mais, bienheureusement, Kalomiros a bu à la source de l'eau vive, il s'est abreuvé à la Tradition et a étudié les Pères jour et nuit. Ayant la foi pour guide, il est devenu "théodidacte" (enseigné par Dieu). Le Christ dit : "Quand le bon pasteur fait sortir ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix" (Jn 10, 4). Ce qui veut dire : "Mes disciples écoutent Mes paroles avec un esprit de simplicité, et les reçoivent dans leur coeur sans les faire passer par leurs intellects compliqués ni en faire des théories ; ils les acceptent avec la foi comme les brebis innocentes qui entendent la voix du berger et courent auprès de lui". C'est la foi qui ouvre la bouche du croyant et sa prédication ouvre le coeur des chrétiens, selon les paroles du Christ qui a dit : "Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein" (Jn 7, 38).
Les hommes de la "sagesse folle" qui enseignent "avec les paroles persuasives de la sagesse humaine" n'acceptent pas les vrais prédicateurs de l'Evangile, et cela, parce les vrais prédicateurs ne se conforment pas au monde, mais sont "transformés par le renouvellement de leur intelligence" (Rom. 12, 2).
Ils trouveront donc beaucoup de choses à condamner dans ce livre. Ils condamneront chez l'auteur l'absence de cette affabilité hypocrite qu'ils ont à l'égard des hérétiques, quoique l'auteur ne montre nulle insolence, mais a seulement le courage d'un soldat du Christ et se règle sur les paroles de l'Apôtre Paul qui déclare : "Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d'amour et de sagesse" (2 Tim. 1, 7).
Une autre tare qu'ils y trouveront, c'est que ce message est imprégné d'affliction selon le Christ, de "deuil joyeux", au lieu qu'ils sont, eux, optimistes, l'esprit tourné vers les choses de ce monde. Mais qu'ils voient ce que dit l'Apôtre Paul : "La tristesse en Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort" (2 Cor. 7, 10). La tristesse que traverse l'homme qui croit en Dieu est une tristesse adoucie par l'espérance, et c'est pourquoi il s'agit d'un chagrin joyeux, d'un "deuil joyeux" qui, par la repentance, le conduit au salut de l'âme.
Je félicite ce jeune homme digne de bénédiction, qui a écrit un livre si édifiant, un livre qui respire l'esprit de la vraie orthodoxie. Et je louange et glorifie le nom tout-honorable du Seigneur, qui donne à son Eglise orthodoxe des joyaux tels que celui-ci, brillant dans les ténèbres de l'erreur et de la déchéance. Que Notre Seigneur Dieu miséricordieux soit béni et glorifié, Lui qui raffermit la foi orthodoxe avec les pierres que les bâtisseurs ont rejetées».

Kalomiros devait ensuite rompre la communion avec l'Eglise officielle grecque, contaminée par les doctrines de l'oecuménisme et surtout par la communion avec les défenseurs les plus fanatiques e la théorie des branches. Il appliquait ainsi le canon 15 du Concile Premier-Second et les préceptes de la tradition patristique.
Refusant avec rigueur toute tolérance à l'égard de l'icône dite de «la Trinité» -où l'on voit à la façon occidentale Dieu le Père représenté anthropomorphiquement avec une longue barbe blanche- il devait suivre ensuite, avec la paroisse dont il faisait partie à Thessalonique, la voie du zélotisme. Lorsqu'après la mort du Métropolite Philarète, l'Eglise Russe Hors Frontières se mit à reconnaître comme «plérôme de l'Eglise» ceux que trois ans auparavant elle avait anathématisés avec la théorie des branches, la paroisse de Thessalonique resta fidèle et cohérente en quittant le Synode russe devenu infidèle à sa confession de foi officielle antérieure.
Les Pères disent que l'homme, pour être parfait, doit avoir les cheveux blancs -la sagesse- du vieillard et le regard du jeune homme -seuls les pécheurs vieillissent. Kalomiros était parfois extrême, sa fougue était celle d'un théologien qui ignore l'académisme, mais il était pieux, croyant, honnête et disait la vérité. Que sa mémoire soit éternelle !


La Mère Eupraxia

Une femme vaillante, qui la trouvera ?
Elle a plus de valeur que les pierres de grand prix.


Nous nous souvenons encore du jour où Père Ambroise, il y a trois ans de cela, est rentré tout enthousiasmé de Grèce parce qu'il avait rencontré celle qu'il croyait endormie depuis longtemps dans le Seigneur, la moniale du Père Jérôme d'Egine, celle qui avait lutté avec lui dans l'ascèse pendant tant d'années, la Mère Eupraxia. Entre deux avions, celui de Paris et celui qui partait pour Chios, Père Ambroise, à Athènes, avait été conduit chez une pieuse fidèle, Styliani, fille spirituelle du Père Jérôme et de la Mère Eupraxia, où il avait pu voir la gérondissa presque centenaire, mais parfaitement lucide, et ne manquant pas un seul tropaire des offices sur lesquels toute sa vie elle avait usé ses yeux.
La Mère Eupraxia lui avait raconté qu'elle était née dans le Pont Euxin, avait vécu les massacres d'Asie Mineure et l'exil avec sa famille très pieuse. Son frère était le Père Arsénios, le co-lutteur du Père Joseph le spéléote. Tous deux étaient devenus moine et moniale très jeunes, repectant absolument toutes les règles de l'Eglise et imitant les grands ascètes du temps jadis. Telle elle était encore maintenant, remplie de la grâce de Dieu.
Quand nous avons entendu ce récit, nous avons tous désiré la voir et nous y sommes allés selon nos possibilités : le Père Patric en octobre, puis le Père Joseph -maintenant l'évêque Photios- en février, ont fait la même expérience d'une rencontre avec cette moniale centenaire, assise sur son lit, la tête sur le coeur, priant sans cesse et expliquant aux visiteurs : «Une maison a une fondation : la fondation, c'est la foi ; mais le toit qui protège la maison, c'est l'amour», ou bien : «Je n'ai plus mes jambes aujourd'hui, mais si je le pouvais, j'irais avec l'archevêque Auxence pour les défilés, et je crierai de toutes mes forces : Mon Christ, mon Christ». Ou encore : «Toujours se demander ce que dit l'Eglise, ce qu'enseigne l'Eglise ; non pas ce que dit Un tel ou Un tel ; mais : Que dit l'Eglise ? -C'est là ce que disait mon géronda».
Une autre fois, elle racontait que, cette année-là, au moment du mnémosyno (service célébré à la mémoire des défunts) du Père Jérôme, pour la première fois, elles n'avaient pu, Styliani et elle, se rendre à Egine et qu'elles avaient refusé l'offre d'un membre de la famille qui proposait de faire l'office avec beaucoup de monde dans une église de l'Etat (nouveau calendariste) : elles avaient fait l'office toutes seules comme elles avaient pu, chez elles, «la grâce de Dieu suppléant à nos faiblesses». La nuit suivante, le Père Jérôme était apparu en rêve à la Mère Eupraxia, lui disant qu'elles avaient bien fait, que c'était comme cela qu'il fallait faire.

Chez Styliani, autour de la Mère Eupraxia, c'était tout un petit monde spirituel qui butinait, semblable aux femmes pieuses qui suivaient le Papa Planas : ici, c'étaient Irène, une voisine, Marie, que nous appelons la Canebière, parce qu'elle a été élevée en France et qu'elle a gardé l'accent de Marseille, même en grec, disciple, elle aussi du Père Jérôme, Mère Nectarie, sa soeur, du monastère de Choropi, Aphrodite, Antigone, Ismini et d'autres encore... Chacune est un trésor de piété et de vérité.
Lors de l'ordination du Père Philarète, la pieuse Styliani et sa mère Eupraxia demandèrent, au téléphone, la date exacte de la célébration, afin de pouvoir, au même moment, faire monter leurs prières vers Dieu ; et elles souhaitèrent au nouvel ordonné les meilleures choses que l'on puisse souhaiter à un prêtre, c'est-à-dire, une confession de foi toujours intègre et le secours du Seigneur pour une vie droite.
Ensuite, nous avons appris que Styliani, dégagée des obligations sociales qui la retenaient jusque là, allait à son tour devenir moniale sous le nom d'Eupraxia et qu'avec la gérondissa Eupraxia, elles voulaient s'en retourner à Egine, dans l'ermitage du Père Jérôme. C'est là que nous les avons trouvées, au coeur de l'été, aux alentours de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. Nous avons célébré la liturgie dans la petite église construite par les mains du Père Jérôme et celles de la Mère Eupraxia, et nous avons entendu les récits qu'elle faisait aux enfants qui nous accompagnaient : comment, après la dormition du Père Jérôme, jalouse des exploits, qu'elle avait entendu raconter, de Photinie l'ermite, la Mère Eupraxia s'était elle aussi enfermée, au grand désarroi de ses proches, pour mener, en ville, la même vie que sainte Photinie l'ermite.
La gérondissa avait sans cesse à la bouche des mots comme : «Le Dieu Tout-Bon, comme le veut le Dieu Très-Bon» ou bien : «Je prierai notre Souveraine, notre Toute-Sainte» ; ce n'était pas un discours, c'était comme le parfum exhalé par son âme, des mots qui fleurissaient sa bouche, l'amour qu'elle portait à son Seigneur et à la Très-Sainte Mère de Dieu. La photographie qui accompagne cet article date de cette rencontre.
Une chose unit toutes ces figures si différentes, de Marie Charitou, d'Aphroditi, de Mère Nectarie, de Mère Eupraxia l'Ancienne et de Mère Eupraxia la Nouvelle, sa disciple : c'est la rigueur, et l'on pourrait la sainte intransigeance de la foi. Aucun fanatisme chez ces femmes qui ont placé l'abnégation et le service d'autrui au centre de leur vie, qui font des kilomètres, le jour où vous arrivez, pour vous accueillir, et le jour de votre départ, pour vous apporter tous les cadeaux qu'elles ont pu trouver ; mais l'amour exclusif de la foi pour laquelle le Christ est mort et par laquelle Il donne la vie. C'est ainsi que la Mère Eupraxia se souvenait que le Père Jérôme, prophétisant les choses qui adviendraient dans l'Eglise, lui avait dit un jour : «Lorsque certains évêques se sépareront de lui, tu resteras avec l'archevêque Auxence». Elle rappelait l'amour du Père Jérôme pour l'archevêque Auxence, qui était venu le voir, et aussi pour le Métropolite Chrysostome de Florina qui l'avait également visité à Egine.






























Mère Eupraxia l'Ancienne et Mère Eupraxia la Nouvelle,
entourées de Monseigneur Photios, du Père Patric et du Père Philarète.
Sur la situation ecclésiastique, Mère Eupraxia disait qu'on était comme à l'époque du prophète Elie et que, s'il y avait peu de zélotes, Dieu pouvait en faire surgir...
Mère Eupraxia racontait aussi que lorsqu'elle avait appris que son neveu selon le monde, le Père Charalambos, homme simple et pieux, lui aussi disciple du Père Joseph le spéléote, s'était fait abuser par des athonites plus rusés que lui, qui lui avaient offert d'être higoumène du monastère de Saint-Denys, l'un des plus grands de l'Athos, à condition qu'il mentionnât le Patriarche Dimitri dans la liturgie, alors, elle lui avait écrit qu'il avait mal agi, car c'était en vain qu'on luttait si l'on mentionnait un patriarche qui n'était plus orthodoxe.
Lors de la consécration de Monseigneur Photios à Athènes, un groupe de fidèles venus de Toulouse, de Pau et de Dinan put se rendre à l'ermitage d'Egine. La Mère Eupraxia trouva la force de les accueillir et de les enseigner. Les images qu'elle employa furent simples et éloquentes : montrant les doigts de sa main, elle disait, en prenant ensemble l'index et le majeur : «Dieu et toi», puis, passant la main sur les autres doigts : «Tout le reste, qui vient après». Elle indiquait ainsi que l'âme soucieuse de Dieu met Dieu et son propre salut au centre de sa vie, et ne se laisse pas distraire par le monde.

Puis, Père Ambroise était encore allé célébrer la liturgie à Egine et Père Patric, en février dernier, rendit visite à la gérondissa Eupraxia, craignant de ne plus la revoir en ce monde.
La veille de sa dormition, la Mère Eupraxia vit en rêve le Père Jérôme, bien habillé, prêt pour célébrer la liturgie et elle dit ensuite à sa disciple, la nouvelle Eupraxia, qu'il allait sûrement arriver quelque chose.
Le lendemain, elle s'endormait dans le Seigneur.
Le Père Mélétios Zeugolis, rendant hommage, dans le Phare de l'orthodoxie, à la Mère Eupraxia, lui dédie le verset de l'Ecriture que nous avons cité en tête de cet article. Il souligne le rayonnement que, du fond de sa solitude ascétique, elle a exercé sur les âmes pieuses. Son petit ermitage est devenu le «foyer spirituel et sacré où beaucoup d'âmes ont été nourries au lait du Seigneur...»
Comme l'avait dit le Professeur Mouratidès, la Mère Eupraxia était la tradition vivante. Que sa mémoire soit éternelle !

NOTES DE LECTURE


Deux ouvrages sur l'histoire de la musique religieuse russe :

- V. Morosan, Choral Performance in Pre-Revolutionary Russia, U.M.I. Research Press, Ann Arbor, Michigan, 1986.
- N.P. Brill, History of Russian Church Music 988-1917, Illinois State University, Normal, Illinois, 1982.

Bien que son titre évoque une étude du chant choral russe en général, le premier ouvrage concerne surtout la musique religieuse. Mise à part une cinquantaine de pages contenant des notes et références bibliographiques, l'étude de Morosan comporte deux parties principales : l'une retrace l'histoire du chant choral en Russie depuis la monophonie originelle ; l'autre, consacrée au dix-neuvième siècle et au début du vingtième, analyse de façon très détaillée les techniques du chant choral, les différentes écoles et les styles des principaux compositeurs. La seconde partie rassemble certainement des archives précieuses pour le spécialiste, mais ne suscite pas de commentaires. La première partie est particulièrement intéressante par ses deux premiers chapitres qui éclairent très bien l'évolution du chant choral depuis les origines jusqu'à Bortniansky (1825), période généralement présentée succinctement. Le troisième chapitre, intitulé «L'émergence du style choral national», dénonce l'italianisme de Bortniansky, le rôle néfaste de ses dispositions sur la créativité de ses successeurs, le germanisme de Lvov et Bakhmetev, avec des mots très durs sur Lvov et la pauvreté de ses harmonisations des chants liturgiques ; l'apparition du Choeur d'Arkhangelsky (dont plus d'une composition semble pourtant bien influencée par les chorals de Bach) est, au contraire, saluée avec enthousiasme ainsi que les oeuvres religieuses des grands compositeurs de réputation internationale.
Cette appréciation semble reposer davantage sur les critères de «nationalisme musical» et de valeur artistique que sur la «qualité liturgique» : la plupart des oeuvres des grands compositeurs portent la mention «pour le concert» et, en revanche, les travaux des musicologues russes sur les chants liturgiques des origines, bien que signalés avec beaucoup de louanges, n'occupent qu'une demi-page dans l'ouvrage et aucune mention n'est faite des tentatives de reconstitution.
Le livre de N.P. Brill, au contraire, bien que suivant un plan analogue à celui de Morosan, aborde le même sujet mais dans un esprit nettement plus liturgique : les origines sont plus développées et les biographies accordent une place sensiblement égale aux grands auteurs et aux compositeurs de notoriété limitée aux milieux religieux : il en résulte des appréciations assez différentes.

Jean-Joseph Bernard


Selected Byzantine Hymns, Holy Transfiguration Monastery, Brookline, USA, 1986.

Il s'agit d'une sélection d'hymnes byzantines en version anglaise, avec notations musicales modernes. Les chants du commun liturgique se limitent à trois extraits des vêpres et un des matines, mais une très large place est faite au Grand Carême, à la Semaine Sainte et à Pâques. La présentation matérielle est bonne et la transcription musicale aussi fidèle que possible à la notation byzantine originale ; cependant, malgré tout le soin et l'attention qui ont manifestement été apportés à cette réalisation, celle-ci fait apparaître la difficulté d'interprétation, en une langue différente, de ces mélodies étroitement attachées à la rythmique et aux mots des vers grecs ; il en résulte, d'une part, une très grande difficulté de traduction pour faire correspondre l'accentuation des mots et des notes, les transcriptions les plus faciles étant celles des vocalises sur une seule syllabe, pourvu qu'elle soit accentuée ; mais, d'autre part, les mélodies traditionnelles grecques sont modales et font intervenir des intervalles qui ne peuvent être représentés qu'approximativement dans les échelles musicales occidentales.
En conclusion, il nous semble difficile, à des chanteurs n'ayant jamais pratiqué ou au moins longuement écouté les modes byzantins, de les restituer avec exactitude à partir de cet ouvrage ; mais il était certainement nécessaire aux communautés grecques établies en pays anglophones où elles ne disposent pas toujours de chantres formés à lire la notation byzantine. Pour les traductions en de nouvelles langues «liturgiques», qui doivent être impérativement d'une fidélité rigoureuse, un tel livre présente l'intérêt de fournir des bases à l'élaboration d'un style musical approprié à chacune d'elles, au prix de modifications importantes des structures mélodiques, travail qu'ont fait les Eglises slaves à partir des mêmes modes byzantins.

J.J. Bernard

















CHRONIQUE



Serbie

Election du Patriarche Paul



'Eglise serbe a élu un nouveau patriarche début décembre, le patriarche Germain ne pouvant plus, depuis au moins un an, exercer ses fonctions. Le nouveau patriarche, âgé de plus de soixante-seize ans, était jusqu'à présent évêque du Kossovo, région où les conflits entre les Serbes et les Albanais ont produit de nombreux incidents. Le Patriarche Paul est considéré en Serbie comme un homme de prière et un martyr, parce qu'il a souffert de nombreuses violences, jet de pierres, etc... Il devient patriarche à un moment particulièrement critique de l'histoire de la Serbie, non seulement au Kossovo, mais aussi en Croatie, où de nouvelles menaces de persécutions pèsent sur les Serbes.
A ce propos a éclaté une «polémique» dans le journal catholique La Croix, qui avait publié un article minimisant les persécutions déclenchées en Croatie pendant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide dont furent victimes alors les Serbes. Cet article provoqua les réactions de pieux Serbes, et Marco Marcovic réussit ainsi à publier une réponse que voici :

«Fondé en 1941 par les troupes d'occupation italo-allemandes, après l'effondrement de la Yougoslavie, le prétendu "Etat indépendant de Croatie" était une contradiction dans les termes. c'est sur le territoire de ce monstre juridique que son chef, le terroriste Pavelic1, organisa un monde concentrationnaire, en tout point conforme au régime et aux camps nazis. Après les atrocités commises en Allemagne, le génocide perpétré en Croatie contre les Serbes, les juifs et les tziganes fut sûrement le crime raciste le plus odieux commis en Europe au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais, à ce propos, il y a lieu d'éviter la confusion entre les victimes du génocide et les morts de la guerre civile qui sévissait en même temps en Yougoslavie entre les oustachis de Pavelic, les partisans de Tito et les tchetnicks du général Mikhailovic.
Autrement dit, il ne faut pas mélanger les victimes civiles innocentes martyrisées et tuées pour leur appartenance nationale ou religieuse avec les soldats et les maquisards armés tombés au combat ou massacrés dans une guerre où il n'y avait pas de prisonniers.
Donc, lorsqu'on parle des victimes du génocide commis dans l'Etat indépendant de Croatie -à savoir ceux qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs, tziganes ou serbes- on compte environ 30 000 juifs, 40 000 tziganes et au moins 700 000 Serbes. En 1943, le cardinal Tisserant reprochait à Rusinovic, représentant de Pavelic au Vatican, 350 000 victimes serbes. Mais, par la suite, on a retrouvé dans les archives allemandes la lettre du général SS Ernst Fick à Heinrich Himmler, datant de 1944, où il est question de 600 000 à 700 000 Serbes exécutés.
D'après les spécialistes, ce chiffre doit être retenu rien que pour le camp de Jasenovac, sans parler d'autres crimes (Rev. Athanase Jevtic, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe). De toute façon, on est désormais obligé de considérer le nombre de 700 000 victimes serbes comme un minimum au-dessous duquel on ne peut pas descendre.
La ruse des oustachis consistait à présenter leurs victimes civiles serbes comme des communistes. Cependant, en 1941, le Parti communiste yougoslave comptait environ 8000 membres et 30 000 membres des jeunesses communistes. Comment, du jour au lendemain, seraient-ils devenus vingt fois plus nombreux ?
En fait, les victimes privilégiées des oustachis étaient les membres du clergé orthodoxe, en commençant par l'exécution de quatre évêques orthodoxes serbes se trouvant sur le territoire de Pavelic (NN. SS. Platon, Petar, Sava et Dositej). Ce dernier, métropolite de Zagreb, devenu fou sous les tortures, fut renvoyé à Belgrade, où il mourut des suites de son martyre. A ceux-là il faut ajouter les prêtres serbes et leurs familles, sauvagement assassinés par centaines.
L'évocation a posteriori de la prétendue «résistance croate» n'y change rien. Car ou bien il s'agit de la résistance communiste menée par Tito et alors il faut l'appeler par son nom. Or elle n'a jamais été croate mais yougoslave et les Serbes n'y ont pas été «minoritaires», puisqu'ils ont souvent été obligés d'y adhérer pour éviter le génocide.
Ou bien c'est une pure invention, car aucune autre résistance croate n'a jamais existé dans l'Etat de Pavelic. Si le savant dominicain fait allusion aux unités de «Domobrans» -comparables aux troupes régulières- qui se sont rendues à Tito quelques mois avant la fin de la guerre, elles n'avaient nullement «résisté» à Pavelic mais avaient combattu auparavant sous son commandement. Autant dire que l'armée allemande avait opposé une résistance aux troupes SS.
«Celui qui a péché, c'est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père», disait le prophète Ezéchiel. A condition que le fils se désolidarise des actes condamnables de son père, qu'il désapprouve ses crimes. Mais les Croates d'aujourd'hui, dès qu'ils quittent leur pays, célèbrent tous les ans la création de l'Etat de Pavelic, traitent les Serbes de «serbo-communistes» et les accusent d'hégémonisme. A ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1945 Tito avait si bien démembré la Serbie que le peuple serbe, largement majoritaire en Yougoslavie, s'était trouvé minoritaire dans toutes les Républiques et territoires autonomes, hormis la «petite Serbie».
Il est vrai que la Croatie actuelle ne regroupe pas tous les Croates non plus. Mais, désormais, les Croates exigent l'indépendance de leur République et cela semble normal. Les Serbes n'ont qu'à en faire autant. Ce qui échappe aux Occidentaux, c'est que la «petite Serbie» n'a sur son territoire aucun Croate, alors que la «petite Croatie» garderait plusieurs centaines de milliers de Serbes. Et il s'agit justement de la population qui a le plus souffert du génocide.
Hélas, de nombreux signes précurseurs montrent que les Serbes en Croatie courent le risque de subir le même sort que leurs ancêtres sous Pavelic. La langue de cette République est proclamée «croate», elle ne saurait plus être serbo-croate et encore moins serbe. L'alphabet latin est officialisé aux dépens de l'alphabet cyrillique. Il existe des projets de séparer les orthodoxes, en Croatie, de leur Eglise mère en Serbie, comme pendant la dernière guerre mondiale. Le slogan du général croate Tudjman, «le fusil croate sur l'épaule croate», signifie que les Serbes doivent être soit croatisés, soit considérés comme des citoyens de seconde zone.
Jusqu'au moment propice où la situation politique permettra une nouvelle extermination. D'ailleurs, certains leaders serbes ont déjà été arbitrairement arrêtés (Jovan Opacic) et la presse a noté les violences commises contre des touristes serbes.
Une fois de plus, l'expérience nous prouve que ce n'est pas en falsifiant l'histoire et en occultant les crimes du passé qu'on prépare un meilleur avenir».

Récemment les orthodoxes serbes des régions de Knin et de Petringa ont publiquement dénoncé les violences exercées par les Croates, à l'égard notamment du clergé, dans une déclaration signée par des évêques orthodoxes, des prêtres et un grand nombre de fidèles. Ces tensions ont conduit à l'interruption du dialogue catholico-orthodoxe en Yougoslavie. On ne voit plus très bien quel est le sens de ce dialogue aujourd'hui ; le peuple orthodoxe serbe n'y semble guère favorable dans son ensemble. De même, l'appartenance de l'Eglise orthodoxe serbe à la Tour de Babel religieuse du Conseil Oecuménique des Eglises devrait être reléguée dans les accessoires imposés à l'Eglise par le régime communiste.
Mentionnons la parution du livre du Père Athanase Jevtitch sur Jasenovac, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe, et la traduction française du livre du même Père Athanase sur le Kossovo, intitulé Dossier Kosovo, à paraître dans les semaines qui viennent, dans la Collection «La Lumière du Thabor», aux éditions L'Age d'Homme, Lausanne. Enfin vient de paraître un important recueil : Le Kosovo-Métohija dans l'Histoire serbe, ouvrage collectif, composé par Radovan Samardzic, Atanasije Jevtic, et al., traduit du serbo-croate par Dejan M. Babic, L'Age d'Homme, 1990, 352 p. Nous en rendrons compte longuement dans les notes de lecture du prochain numéro de La Lumière du Thabor.


LA CHUTE DU PATRIARCAT
d'Alexandrie

Chacun sait qu'il n'y a malheureusement plus beaucoup d'orthodoxes à Alexandrie et en Egypte. Malheureusement aussi le Patriarche d'un troupeau fantôme, Parthenios III, qui passe la plus grande partie de l'année à Athènes, multiplie les reniements de la foi orthodoxe et invente -dans le silence général des autres Eglises orthodoxes qui ne protestent pas- l'anti-confession de la foi.
Il vient de déclarer en effet : «Pour moi, la question de savoir si l'Islam est une religion inspirée ne se pose pas -elle l'est bien sûr... Et Mahomet, qui est-il pour nous ? A-t-il agi contre la volonté de Dieu ? Mahomet est un homme de Dieu, qui a fait des Arabes du désert des hommes qui croient en un seul Dieu, des hommes qui prient, qui jeûnent, qui aiment leur prochain, qui travaillent pour le bien. Et ceci est une bonne chose».
Mais, cher antipatriarche Parthenios, les multitudes que l'Islam, dans ses conquêtes -si aimantes, si pleines d'amour pour le prochain !- a arrachées à la foi de l'Evangile, pourquoi n'en dis-tu rien ? Les Nouveaux Martyrs de la Romiosynie, souvent anciens chrétiens convertis à l'Islam par leur faiblesse ou par la force, à quoi leur servait-il, ensuite, de confesser le Christ et d'être sauvagement martyrisés, si Mahomet était véritablement un homme de Dieu inspiré...
Dis-nous la vérité : que tu cherches à plaire aux puissants du jour qui, en Egypte aujourd'hui, sont musulmans et antichrétiens comme le prouvent les récentes persécutions contre les Coptes.
Du reste, si les Coptes anti-chalcédoniens sont en accord sur la foi avec les orthodoxes, comme l'ont prétendu, curieusement, les membres de la communion mixte du dialogue théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes -en fait monophysites-, quelle est l'utilité d'un patriarche «orthodoxe» doublant un patriarche «monophysite» ? Retire-toi et laisse le patriarche «copte» qui, du moins, a un troupeau, prendre ta place ! Tu aurais au moins évité d'aller à Rome au mois de septembre 1990 chez le Pape, te ridiculiser complètement en te prétendant le successeur de saint Athanase le Grand et du saint Apôtre Marc, et en oubliant qu'au Concile de Florence saint Marc d'Ephèse représentait l'Eglise d'Alexandrie !


DEVELOPPEMENT DU DIOCESE
de Monseigneur Photios

Comme le Patriarcat d'Alexandrie, l'Eglise de Constantinople et d'autres Eglises orthodoxes reconnaissent Rome comme «Eglise soeur», et pleinement comme «Eglise», on ne voit pas pourquoi ces Eglises orthodoxes -notamment celle de Constantinople- laissent se développer sous leur omophore des paroisses ou des monastères de convertis du catholicisme à l'orthodoxie. Si l'Eglise de Rome est «Eglise», elle est l'Eglise «locale» de l'Europe de l'Ouest, et si elle est l'Eglise locale, toute constitution de paroisses orthodoxes françaises en dehors d'elle est «anticanonique».
Inversement, si la papauté a fait dévier l'Occident de la vraie foi, il n'est pas possible d'accepter Rome ni les orthodoxes qui sont en communion de prière ou en communion «morale» -sinon secrète- avec le Vatican.
C'est pour cette raison que l'Eglise des vrais chrétiens orthodoxes de Grèce, sous l'homophore de Monseigneur Auxence -c'est-à-dire l'Eglise de Grèce qui n'a aucune communion avec le Patriarcat de Constantinople et ceux qui tolèrent l'hérésie des branches professée par ce patriarcat- a eu souci de donner un évêque vraiment orthodoxe à tous ceux qui, en France et dans les pays voisins d'Europe, refuseront non seulement en théorie, mais en acte, la théorie des branches.
Monseigneur Photios, évêque de Lyon, travaille donc dans la vigne du Seigneur, pour cette lourde tâche. L'été dernier, il a visité, outre les paroisses de Lyon, Paris, Montpellier, celles de Dinan, Pau, Toulouse, Langon et Zürich.
Le dimanche 22 octobre / 4 novembre de cette année, jour de saint Abercius, il a ordonné le diacre Timothée au sacerdoce, pour l'Eglise de la Sainte Trinité-Saint Nectaire. La liturgie pontificale était concélébrée autour de Monseigneur Photios par les Pères Ambroise, Patric, Philarète, Cyprien et Nectaire. Plusieurs fidèles de province étaient, à cette occasion, venus à Paris, et les agapes qui suivirent la cérémonie, furent pour eux l'occasion de lier ou de renouer connaissance entre frères orthodoxes que les distances et les temps peuvent séparer, mais non le coeur.
Le dimanche 12/25 novembre, jour de saint Jean l'Aumônier, Monseigneur Photios a ordonné, dans son église cathédrale de Lyon, un diacre, Maxime de Zürich, et un sous-diacre, Daniel de Gênes. Tous deux ont construit une chapelle dans leurs villes respectives. L'office était concélébré, autour de l'évêque, par Père Patric, Père Nectaire et Père Timothée. De plusieurs régions de France et d'Europe, et même d'Amérique, étaient venus des fidèles, pour se réjouir de l'affermissement de l'Eglise orthodoxe. Anne-Marie de Lyon reçut chez elle, le samedi soir, les fidèles venus de loin ; et le dimanche, après la cérémonie, dans la salle de réunion attenante à l'église, les agapes furent organisées par tous. Cette journée fut, pour tous les participants, pleine de promesse, dans la joie de voir des ouvriers du Seigneur envoyés à la moisson ; mais elle fut aussi, pour ceux qui, depuis des années, «travaillent, chantent, offrent des fruits et font le bien» dans l'Eglise de Lyon, devenue centre du diocèse, comme un couronnement et une récompense de leurs efforts.


DEUX FIGURES PATRISTIQUES
ALEXANDRE KALOMIROS
et LA MERE EUPRAXIA

Au mois d'août dernier, avant le carême de la Mère de Dieu, ont quitté ce monde le théologien laïc Alexandre Kalomiros et la Mère Eupraxia, fille spirituelle du Père Jérôme d'Egine qui mena l'ascèse bénie avec le saint géronda originaire de Cappadoce. Essayons de décrire ces deux figures patristiques.


Alexandre Kalomiros

Il n'y a plus guère, aujourd'hui, de théologiens qui confessent la foi : tous se prennent pour des «analystes», des spécialistes, qui parlent des Pères de façon doctorale et pontifiante, en faisant l'état de la critique, comme d'autres le font honorablement pour Platon et pour Kant. Certains, ce faisant, commettent des contresens, -comme d'autres se trompent sur Platon ou Kant- tandis que quelques uns exposent le vrai sentiment des Pères : toutefois, les premiers comme les seconds «manquent le but quant à la foi». Car les Pères, lorsqu'ils parlaient, ne le faisaient pas pour «analyser», pour convaincre les savants étrangers, les biologistes anglais ou les herméneutes allemands ; ils ouvraient la bouche «remplie de l'Esprit» pour prêcher l'Evangile à temps et à contretemps, pour en montrer à tous le caractère vivant et nécessaire au salut, pour confesser qu'en dehors du Christ et de son Eglise, il n'y a, sur terre, que des morts qui enterrent des morts.
Alexandre Kalomiros était un théologien à la façon des Pères ; non à la façon de ceux qui se prennent pour des professeurs selon le monde. Jeune homme, il avait voulu entreprendre des études de théologie, mais il avait dû obéir à son père et étudier la médecine ; et il était devenu un grand chirurgien. Cependant, son intérêt pour l'Eglise et la théologie ne faiblissait pas ; lorsqu'Athénagoras commença à professer la «théorie des branches2», Alexandre Kalomiros réagit en publiant un petit livre intitulé Contre la Fausse Union, qui fut traduit dans plusieurs langues3. Dans une lettre introductive, l'iconographe et écrivain, l'inoubliable Photios Kontoglou présentait Kalomiros comme lui seul savait le faire :

«Oui, en vérité, grand est le mystère de la piété, comme le dit le bienheureux Apôtre Paul. La piété et la foi, étant des mystères, portent des fruits que le savoir ne donne pas.
L'auteur du présent ouvrage n'est pas un théologien formé dans les écoles où l'on étudie l'inétudiable -la théologie. Il a étudié la médecine, qui peut être étudiée parce qu'elle est une connaissance mondaine, un savoir humain. C'est de la Tradition qu'il a tiré sa foi orthodoxe et sa piété. Il les a reçues de la manière dont, comme il le dit lui-même, foi et piété se transmettent : de maître à disciple, de parent à enfant, d'ancien à fils spirituel, de chrétien à chrétien. Pour cette raison, il est quelqu'un qui expérimente les choses divines, et non quelqu'un qui s'en instruit scolairement, ayant la foi, non la science, pour guide. Il marche par la foi et non par la vue, comme dit encore l'Apôtre Paul. Et c'est pourquoi son livre est rude ; il ne s'embarrasse pas des compromis qui révèlent une foi médiocre, ni des accommodements dont on use pour ne pas froisser l'adversaire, ni d'aucune fausse charité. L'amour de la vérité ne souffre aucun partage. Son livre est rude et abrupt, quoique l'auteur soit personnellement doux, affable, humble, modeste et pacifique. Mais la foi lui donne le glaive de l'Esprit ; et cet homme affable, humble et sensible, plein d'amour, apparaît rude et brusque. Saint Jean le Théologien, le disciple de l'amour, ne semble-t-il pas plus rude et plus brusque que les autres apôtres et prédicateurs de l'Evangile, tel qu'il se révèle dans sa première épître et dans l'Apocalypse ?
L'auteur de ce livre est une jeune homme. Mais que personne ne méprise sa jeunesse. J'ai fait connaissance avec lui, spirituellement, alors qu'il étudiait la médecine en Suisse et que nous publiions le périodique Kibotos (L'Arche). Il m'écrivit alors une lettre sur quelques articles sataniques publiés par un catholique dans le journal Le Courrier, et nous demanda de protéger notre foi orthodoxe contre les pièges des hérétiques. Par la suite, il m'écrivit un grand nombre de lettres, et jusqu'à aujourd'hui ce qu'il m'écrit est toujours instructif et profitable, et exhale le doux parfum de la foi profonde et de l'amour de notre sainte Tradition. C'est pourquoi je l'ai instamment prié d'écrire quelque chose de plus développé, sur les sujets qu'il esquissait brièvement dans ses lettres. Je l'ai aussi pressé, connaissant sa modestie, de consentir à les faire imprimer en livre. Il a fini par accepter et ce petit livre est le premier qu'il a envoyé à l'éditeur, Alexandre Papademetriou, qui a accepté avec joie de le publier.
Nous sommes conscients que ce livre, écrit "avec beaucoup d'intelligence", sera condamné par beaucoup comme primaire et brutal, car dans nos temps hypocrites, on ne considère comme vraiment chrétiens que ceux qui n'ont pas dans leur coeur le feu de la foi, en particulier de la foi orthodoxe, c'est-à-dire de la vraie foi ; et c'est pourquoi ces "chrétiens authentiques" sont tièdes, non-spirituels, diplomates, accommodants, comme beaucoup de théologiens professionnels d'aujourd'hui. Le monde a appris à regarder ces personnes comme des chrétiens bons et indulgents, tandis qu'il déteste ceux qui sont comme l'auteur de ce livre, je veux dire, "fervents d'esprit", et les proclame fanatiques, intolérants, superstitieux, esprits étroits, adorateurs de formes vides. Hélas ! Aujourd'hui, les théologiens ont fini par devenir des disputeurs de ce siècle. Les gens qui s'occupent de religion écrivent des tonnes de livres, épais et volumineux, remplis de cette fameuse "science théologique" qui, vu sa méthode d'investigation des questions religieuses, n'est rien d'autre que la connaissance selon ce monde, que l'Apôtre Paul appelle vaine illusion et tromperie subtile. Le Saint Evangile, qui est la simplicité même, est disséqué, examiné, et démembré en fonction des systèmes philosophiques de la "vaine illusion". Confusion, complication, théories embrouillant l'esprit, "folles recherches, généalogies, disputes sur la loi", boue qui trouble l'eau claire jaillissant dans la vie éternelle, toutes ces choses sont écrites au nom de Celui qui est venu dans le monde pour sauver la brebis perdue -l'homme de la vaine science- du fardeau de son intelligence pécheresse, et qui a crié : "Venez à moi, vous tous qui êtes chargés sous le poids de la sagesse folle et sans but". Des montagnes d'articles sont écrites au nom du Christ et de son Evangile, que le coeur le plus simple expérimente ; tandis que ceux qui écrivent ces livres innombrables ont erré de tout côté dans le dédale et les ténèbres de leur propre sagesse, loin du Christ qu'ils ont oublié, ayant sombré dans les vanités de leur intellect. Leur coeur ne sent plus le souffle venu de Dieu ; ils sont mortifiés et asséchés par leur sagesse prétentieuse qui leur vaut les honneurs de ce monde.
C'est eux que l'Apôtre Paul, cette bouche divine, a en vue lorsqu'il écrit : "Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais il se donneront des monceaux de docteurs selon leurs propres désirs, flattant leur oreille ; et ils détourneront l'oreille de la vérité et se tourneront vers des fables" (2 Tim. 4, 3-4). "Ils se donneront des monceaux de docteurs" : ils produiront au jour une multitude de docteurs, et prendront plaisir à les entendre, parce que cette sagesse vide flattera leurs oreilles. Et pour ne pas entendre la vérité, la simple vérité de la religion, ils se boucheront les oreilles, mais ils auront envie qu'on leur raconte des fables, c'est-à-dire des théories et des imaginations vides de sens. Ne voyons-nous pas, aujourd'hui, ces "monceaux" de docteurs qui, avec leurs discours, flattent les oreilles des étudiants et des autres fidèles ?
Ainsi, le livre de Kalomiros irritera ces esprits qui ont réduit la religion du Christ à un système de savoir humain -à un rationalisme- et qui détestent et tournent en dérision toute "doctrine saine" qui constitue, à leurs yeux, une conception primaire de la religion, farcie des superstitions de la tradition. De fait, que peut représenter, pour eux, un texte écrit par un homme comme Kalomiros, qui n'a jamais été dans une grande école et n'a pas étudié à l'étranger ?
Mais, bienheureusement, Kalomiros a bu à la source de l'eau vive, il s'est abreuvé à la Tradition et a étudié les Pères jour et nuit. Ayant la foi pour guide, il est devenu "théodidacte" (enseigné par Dieu). Le Christ dit : "Quand le bon pasteur fait sortir ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix" (Jn 10, 4). Ce qui veut dire : "Mes disciples écoutent Mes paroles avec un esprit de simplicité, et les reçoivent dans leur coeur sans les faire passer par leurs intellects compliqués ni en faire des théories ; ils les acceptent avec la foi comme les brebis innocentes qui entendent la voix du berger et courent auprès de lui". C'est la foi qui ouvre la bouche du croyant et sa prédication ouvre le coeur des chrétiens, selon les paroles du Christ qui a dit : "Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein" (Jn 7, 38).
Les hommes de la "sagesse folle" qui enseignent "avec les paroles persuasives de la sagesse humaine" n'acceptent pas les vrais prédicateurs de l'Evangile, et cela, parce les vrais prédicateurs ne se conforment pas au monde, mais sont "transformés par le renouvellement de leur intelligence" (Rom. 12, 2).
Ils trouveront donc beaucoup de choses à condamner dans ce livre. Ils condamneront chez l'auteur l'absence de cette affabilité hypocrite qu'ils ont à l'égard des hérétiques, quoique l'auteur ne montre nulle insolence, mais a seulement le courage d'un soldat du Christ et se règle sur les paroles de l'Apôtre Paul qui déclare : "Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d'amour et de sagesse" (2 Tim. 1, 7).
Une autre tare qu'ils y trouveront, c'est que ce message est imprégné d'affliction selon le Christ, de "deuil joyeux", au lieu qu'ils sont, eux, optimistes, l'esprit tourné vers les choses de ce monde. Mais qu'ils voient ce que dit l'Apôtre Paul : "La tristesse en Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort" (2 Cor. 7, 10). La tristesse que traverse l'homme qui croit en Dieu est une tristesse adoucie par l'espérance, et c'est pourquoi il s'agit d'un chagrin joyeux, d'un "deuil joyeux" qui, par la repentance, le conduit au salut de l'âme.
Je félicite ce jeune homme digne de bénédiction, qui a écrit un livre si édifiant, un livre qui respire l'esprit de la vraie orthodoxie. Et je louange et glorifie le nom tout-honorable du Seigneur, qui donne à son Eglise orthodoxe des joyaux tels que celui-ci, brillant dans les ténèbres de l'erreur et de la déchéance. Que Notre Seigneur Dieu miséricordieux soit béni et glorifié, Lui qui raffermit la foi orthodoxe avec les pierres que les bâtisseurs ont rejetées».

Kalomiros devait ensuite rompre la communion avec l'Eglise officielle grecque, contaminée par les doctrines de l'oecuménisme et surtout par la communion avec les défenseurs les plus fanatiques e la théorie des branches. Il appliquait ainsi le canon 15 du Concile Premier-Second et les préceptes de la tradition patristique.
Refusant avec rigueur toute tolérance à l'égard de l'icône dite de «la Trinité» -où l'on voit à la façon occidentale Dieu le Père représenté anthropomorphiquement avec une longue barbe blanche- il devait suivre ensuite, avec la paroisse dont il faisait partie à Thessalonique, la voie du zélotisme. Lorsqu'après la mort du Métropolite Philarète, l'Eglise Russe Hors Frontières se mit à reconnaître comme «plérôme de l'Eglise» ceux que trois ans auparavant elle avait anathématisés avec la théorie des branches, la paroisse de Thessalonique resta fidèle et cohérente en quittant le Synode russe devenu infidèle à sa confession de foi officielle antérieure.
Les Pères disent que l'homme, pour être parfait, doit avoir les cheveux blancs -la sagesse- du vieillard et le regard du jeune homme -seuls les pécheurs vieillissent. Kalomiros était parfois extrême, sa fougue était celle d'un théologien qui ignore l'académisme, mais il était pieux, croyant, honnête et disait la vérité. Que sa mémoire soit éternelle !


La Mère Eupraxia

Une femme vaillante, qui la trouvera ?
Elle a plus de valeur que les pierres de grand prix.


Nous nous souvenons encore du jour où Père Ambroise, il y a trois ans de cela, est rentré tout enthousiasmé de Grèce parce qu'il avait rencontré celle qu'il croyait endormie depuis longtemps dans le Seigneur, la moniale du Père Jérôme d'Egine, celle qui avait lutté avec lui dans l'ascèse pendant tant d'années, la Mère Eupraxia. Entre deux avions, celui de Paris et celui qui partait pour Chios, Père Ambroise, à Athènes, avait été conduit chez une pieuse fidèle, Styliani, fille spirituelle du Père Jérôme et de la Mère Eupraxia, où il avait pu voir la gérondissa presque centenaire, mais parfaitement lucide, et ne manquant pas un seul tropaire des offices sur lesquels toute sa vie elle avait usé ses yeux.
La Mère Eupraxia lui avait raconté qu'elle était née dans le Pont Euxin, avait vécu les massacres d'Asie Mineure et l'exil avec sa famille très pieuse. Son frère était le Père Arsénios, le co-lutteur du Père Joseph le spéléote. Tous deux étaient devenus moine et moniale très jeunes, repectant absolument toutes les règles de l'Eglise et imitant les grands ascètes du temps jadis. Telle elle était encore maintenant, remplie de la grâce de Dieu.
Quand nous avons entendu ce récit, nous avons tous désiré la voir et nous y sommes allés selon nos possibilités : le Père Patric en octobre, puis le Père Joseph -maintenant l'évêque Photios- en février, ont fait la même expérience d'une rencontre avec cette moniale centenaire, assise sur son lit, la tête sur le coeur, priant sans cesse et expliquant aux visiteurs : «Une maison a une fondation : la fondation, c'est la foi ; mais le toit qui protège la maison, c'est l'amour», ou bien : «Je n'ai plus mes jambes aujourd'hui, mais si je le pouvais, j'irais avec l'archevêque Auxence pour les défilés, et je crierai de toutes mes forces : Mon Christ, mon Christ». Ou encore : «Toujours se demander ce que dit l'Eglise, ce qu'enseigne l'Eglise ; non pas ce que dit Un tel ou Un tel ; mais : Que dit l'Eglise ? -C'est là ce que disait mon géronda».
Une autre fois, elle racontait que, cette année-là, au moment du mnémosyno (service célébré à la mémoire des défunts) du Père Jérôme, pour la première fois, elles n'avaient pu, Styliani et elle, se rendre à Egine et qu'elles avaient refusé l'offre d'un membre de la famille qui proposait de faire l'office avec beaucoup de monde dans une église de l'Etat (nouveau calendariste) : elles avaient fait l'office toutes seules comme elles avaient pu, chez elles, «la grâce de Dieu suppléant à nos faiblesses». La nuit suivante, le Père Jérôme était apparu en rêve à la Mère Eupraxia, lui disant qu'elles avaient bien fait, que c'était comme cela qu'il fallait faire.

Chez Styliani, autour de la Mère Eupraxia, c'était tout un petit monde spirituel qui butinait, semblable aux femmes pieuses qui suivaient le Papa Planas : ici, c'étaient Irène, une voisine, Marie, que nous appelons la Canebière, parce qu'elle a été élevée en France et qu'elle a gardé l'accent de Marseille, même en grec, disciple, elle aussi du Père Jérôme, Mère Nectarie, sa soeur, du monastère de Choropi, Aphrodite, Antigone, Ismini et d'autres encore... Chacune est un trésor de piété et de vérité.
Lors de l'ordination du Père Philarète, la pieuse Styliani et sa mère Eupraxia demandèrent, au téléphone, la date exacte de la célébration, afin de pouvoir, au même moment, faire monter leurs prières vers Dieu ; et elles souhaitèrent au nouvel ordonné les meilleures choses que l'on puisse souhaiter à un prêtre, c'est-à-dire, une confession de foi toujours intègre et le secours du Seigneur pour une vie droite.
Ensuite, nous avons appris que Styliani, dégagée des obligations sociales qui la retenaient jusque là, allait à son tour devenir moniale sous le nom d'Eupraxia et qu'avec la gérondissa Eupraxia, elles voulaient s'en retourner à Egine, dans l'ermitage du Père Jérôme. C'est là que nous les avons trouvées, au coeur de l'été, aux alentours de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. Nous avons célébré la liturgie dans la petite église construite par les mains du Père Jérôme et celles de la Mère Eupraxia, et nous avons entendu les récits qu'elle faisait aux enfants qui nous accompagnaient : comment, après la dormition du Père Jérôme, jalouse des exploits, qu'elle avait entendu raconter, de Photinie l'ermite, la Mère Eupraxia s'était elle aussi enfermée, au grand désarroi de ses proches, pour mener, en ville, la même vie que sainte Photinie l'ermite.
La gérondissa avait sans cesse à la bouche des mots comme : «Le Dieu Tout-Bon, comme le veut le Dieu Très-Bon» ou bien : «Je prierai notre Souveraine, notre Toute-Sainte» ; ce n'était pas un discours, c'était comme le parfum exhalé par son âme, des mots qui fleurissaient sa bouche, l'amour qu'elle portait à son Seigneur et à la Très-Sainte Mère de Dieu. La photographie qui accompagne cet article date de cette rencontre.
Une chose unit toutes ces figures si différentes, de Marie Charitou, d'Aphroditi, de Mère Nectarie, de Mère Eupraxia l'Ancienne et de Mère Eupraxia la Nouvelle, sa disciple : c'est la rigueur, et l'on pourrait la sainte intransigeance de la foi. Aucun fanatisme chez ces femmes qui ont placé l'abnégation et le service d'autrui au centre de leur vie, qui font des kilomètres, le jour où vous arrivez, pour vous accueillir, et le jour de votre départ, pour vous apporter tous les cadeaux qu'elles ont pu trouver ; mais l'amour exclusif de la foi pour laquelle le Christ est mort et par laquelle Il donne la vie. C'est ainsi que la Mère Eupraxia se souvenait que le Père Jérôme, prophétisant les choses qui adviendraient dans l'Eglise, lui avait dit un jour : «Lorsque certains évêques se sépareront de lui, tu resteras avec l'archevêque Auxence». Elle rappelait l'amour du Père Jérôme pour l'archevêque Auxence, qui était venu le voir, et aussi pour le Métropolite Chrysostome de Florina qui l'avait également visité à Egine.






























Mère Eupraxia l'Ancienne et Mère Eupraxia la Nouvelle,
entourées de Monseigneur Photios, du Père Patric et du Père Philarète.
Sur la situation ecclésiastique, Mère Eupraxia disait qu'on était comme à l'époque du prophète Elie et que, s'il y avait peu de zélotes, Dieu pouvait en faire surgir...
Mère Eupraxia racontait aussi que lorsqu'elle avait appris que son neveu selon le monde, le Père Charalambos, homme simple et pieux, lui aussi disciple du Père Joseph le spéléote, s'était fait abuser par des athonites plus rusés que lui, qui lui avaient offert d'être higoumène du monastère de Saint-Denys, l'un des plus grands de l'Athos, à condition qu'il mentionnât le Patriarche Dimitri dans la liturgie, alors, elle lui avait écrit qu'il avait mal agi, car c'était en vain qu'on luttait si l'on mentionnait un patriarche qui n'était plus orthodoxe.
Lors de la consécration de Monseigneur Photios à Athènes, un groupe de fidèles venus de Toulouse, de Pau et de Dinan put se rendre à l'ermitage d'Egine. La Mère Eupraxia trouva la force de les accueillir et de les enseigner. Les images qu'elle employa furent simples et éloquentes : montrant les doigts de sa main, elle disait, en prenant ensemble l'index et le majeur : «Dieu et toi», puis, passant la main sur les autres doigts : «Tout le reste, qui vient après». Elle indiquait ainsi que l'âme soucieuse de Dieu met Dieu et son propre salut au centre de sa vie, et ne se laisse pas distraire par le monde.

Puis, Père Ambroise était encore allé célébrer la liturgie à Egine et Père Patric, en février dernier, rendit visite à la gérondissa Eupraxia, craignant de ne plus la revoir en ce monde.
La veille de sa dormition, la Mère Eupraxia vit en rêve le Père Jérôme, bien habillé, prêt pour célébrer la liturgie et elle dit ensuite à sa disciple, la nouvelle Eupraxia, qu'il allait sûrement arriver quelque chose.
Le lendemain, elle s'endormait dans le Seigneur.
Le Père Mélétios Zeugolis, rendant hommage, dans le Phare de l'orthodoxie, à la Mère Eupraxia, lui dédie le verset de l'Ecriture que nous avons cité en tête de cet article. Il souligne le rayonnement que, du fond de sa solitude ascétique, elle a exercé sur les âmes pieuses. Son petit ermitage est devenu le «foyer spirituel et sacré où beaucoup d'âmes ont été nourries au lait du Seigneur...»
Comme l'avait dit le Professeur Mouratidès, la Mère Eupraxia était la tradition vivante. Que sa mémoire soit éternelle !

NOTES DE LECTURE


Deux ouvrages sur l'histoire de la musique religieuse russe :

- V. Morosan, Choral Performance in Pre-Revolutionary Russia, U.M.I. Research Press, Ann Arbor, Michigan, 1986.
- N.P. Brill, History of Russian Church Music 988-1917, Illinois State University, Normal, Illinois, 1982.

Bien que son titre évoque une étude du chant choral russe en général, le premier ouvrage concerne surtout la musique religieuse. Mise à part une cinquantaine de pages contenant des notes et références bibliographiques, l'étude de Morosan comporte deux parties principales : l'une retrace l'histoire du chant choral en Russie depuis la monophonie originelle ; l'autre, consacrée au dix-neuvième siècle et au début du vingtième, analyse de façon très détaillée les techniques du chant choral, les différentes écoles et les styles des principaux compositeurs. La seconde partie rassemble certainement des archives précieuses pour le spécialiste, mais ne suscite pas de commentaires. La première partie est particulièrement intéressante par ses deux premiers chapitres qui éclairent très bien l'évolution du chant choral depuis les origines jusqu'à Bortniansky (1825), période généralement présentée succinctement. Le troisième chapitre, intitulé «L'émergence du style choral national», dénonce l'italianisme de Bortniansky, le rôle néfaste de ses dispositions sur la créativité de ses successeurs, le germanisme de Lvov et Bakhmetev, avec des mots très durs sur Lvov et la pauvreté de ses harmonisations des chants liturgiques ; l'apparition du Choeur d'Arkhangelsky (dont plus d'une composition semble pourtant bien influencée par les chorals de Bach) est, au contraire, saluée avec enthousiasme ainsi que les oeuvres religieuses des grands compositeurs de réputation internationale.
Cette appréciation semble reposer davantage sur les critères de «nationalisme musical» et de valeur artistique que sur la «qualité liturgique» : la plupart des oeuvres des grands compositeurs portent la mention «pour le concert» et, en revanche, les travaux des musicologues russes sur les chants liturgiques des origines, bien que signalés avec beaucoup de louanges, n'occupent qu'une demi-page dans l'ouvrage et aucune mention n'est faite des tentatives de reconstitution.
Le livre de N.P. Brill, au contraire, bien que suivant un plan analogue à celui de Morosan, aborde le même sujet mais dans un esprit nettement plus liturgique : les origines sont plus développées et les biographies accordent une place sensiblement égale aux grands auteurs et aux compositeurs de notoriété limitée aux milieux religieux : il en résulte des appréciations assez différentes.

Jean-Joseph Bernard


Selected Byzantine Hymns, Holy Transfiguration Monastery, Brookline, USA, 1986.

Il s'agit d'une sélection d'hymnes byzantines en version anglaise, avec notations musicales modernes. Les chants du commun liturgique se limitent à trois extraits des vêpres et un des matines, mais une très large place est faite au Grand Carême, à la Semaine Sainte et à Pâques. La présentation matérielle est bonne et la transcription musicale aussi fidèle que possible à la notation byzantine originale ; cependant, malgré tout le soin et l'attention qui ont manifestement été apportés à cette réalisation, celle-ci fait apparaître la difficulté d'interprétation, en une langue différente, de ces mélodies étroitement attachées à la rythmique et aux mots des vers grecs ; il en résulte, d'une part, une très grande difficulté de traduction pour faire correspondre l'accentuation des mots et des notes, les transcriptions les plus faciles étant celles des vocalises sur une seule syllabe, pourvu qu'elle soit accentuée ; mais, d'autre part, les mélodies traditionnelles grecques sont modales et font intervenir des intervalles qui ne peuvent être représentés qu'approximativement dans les échelles musicales occidentales.
En conclusion, il nous semble difficile, à des chanteurs n'ayant jamais pratiqué ou au moins longuement écouté les modes byzantins, de les restituer avec exactitude à partir de cet ouvrage ; mais il était certainement nécessaire aux communautés grecques établies en pays anglophones où elles ne disposent pas toujours de chantres formés à lire la notation byzantine. Pour les traductions en de nouvelles langues «liturgiques», qui doivent être impérativement d'une fidélité rigoureuse, un tel livre présente l'intérêt de fournir des bases à l'élaboration d'un style musical approprié à chacune d'elles, au prix de modifications importantes des structures mélodiques, travail qu'ont fait les Eglises slaves à partir des mêmes modes byzantins.


J.J. Bernard
















CHRONIQUE



Serbie

Election du Patriarche Paul



'Eglise serbe a élu un nouveau patriarche début décembre, le patriarche Germain ne pouvant plus, depuis au moins un an, exercer ses fonctions. Le nouveau patriarche, âgé de plus de soixante-seize ans, était jusqu'à présent évêque du Kossovo, région où les conflits entre les Serbes et les Albanais ont produit de nombreux incidents. Le Patriarche Paul est considéré en Serbie comme un homme de prière et un martyr, parce qu'il a souffert de nombreuses violences, jet de pierres, etc... Il devient patriarche à un moment particulièrement critique de l'histoire de la Serbie, non seulement au Kossovo, mais aussi en Croatie, où de nouvelles menaces de persécutions pèsent sur les Serbes.
A ce propos a éclaté une «polémique» dans le journal catholique La Croix, qui avait publié un article minimisant les persécutions déclenchées en Croatie pendant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide dont furent victimes alors les Serbes. Cet article provoqua les réactions de pieux Serbes, et Marco Marcovic réussit ainsi à publier une réponse que voici :

«Fondé en 1941 par les troupes d'occupation italo-allemandes, après l'effondrement de la Yougoslavie, le prétendu "Etat indépendant de Croatie" était une contradiction dans les termes. c'est sur le territoire de ce monstre juridique que son chef, le terroriste Pavelic1, organisa un monde concentrationnaire, en tout point conforme au régime et aux camps nazis. Après les atrocités commises en Allemagne, le génocide perpétré en Croatie contre les Serbes, les juifs et les tziganes fut sûrement le crime raciste le plus odieux commis en Europe au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais, à ce propos, il y a lieu d'éviter la confusion entre les victimes du génocide et les morts de la guerre civile qui sévissait en même temps en Yougoslavie entre les oustachis de Pavelic, les partisans de Tito et les tchetnicks du général Mikhailovic.
Autrement dit, il ne faut pas mélanger les victimes civiles innocentes martyrisées et tuées pour leur appartenance nationale ou religieuse avec les soldats et les maquisards armés tombés au combat ou massacrés dans une guerre où il n'y avait pas de prisonniers.
Donc, lorsqu'on parle des victimes du génocide commis dans l'Etat indépendant de Croatie -à savoir ceux qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs, tziganes ou serbes- on compte environ 30 000 juifs, 40 000 tziganes et au moins 700 000 Serbes. En 1943, le cardinal Tisserant reprochait à Rusinovic, représentant de Pavelic au Vatican, 350 000 victimes serbes. Mais, par la suite, on a retrouvé dans les archives allemandes la lettre du général SS Ernst Fick à Heinrich Himmler, datant de 1944, où il est question de 600 000 à 700 000 Serbes exécutés.
D'après les spécialistes, ce chiffre doit être retenu rien que pour le camp de Jasenovac, sans parler d'autres crimes (Rev. Athanase Jevtic, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe). De toute façon, on est désormais obligé de considérer le nombre de 700 000 victimes serbes comme un minimum au-dessous duquel on ne peut pas descendre.
La ruse des oustachis consistait à présenter leurs victimes civiles serbes comme des communistes. Cependant, en 1941, le Parti communiste yougoslave comptait environ 8000 membres et 30 000 membres des jeunesses communistes. Comment, du jour au lendemain, seraient-ils devenus vingt fois plus nombreux ?
En fait, les victimes privilégiées des oustachis étaient les membres du clergé orthodoxe, en commençant par l'exécution de quatre évêques orthodoxes serbes se trouvant sur le territoire de Pavelic (NN. SS. Platon, Petar, Sava et Dositej). Ce dernier, métropolite de Zagreb, devenu fou sous les tortures, fut renvoyé à Belgrade, où il mourut des suites de son martyre. A ceux-là il faut ajouter les prêtres serbes et leurs familles, sauvagement assassinés par centaines.
L'évocation a posteriori de la prétendue «résistance croate» n'y change rien. Car ou bien il s'agit de la résistance communiste menée par Tito et alors il faut l'appeler par son nom. Or elle n'a jamais été croate mais yougoslave et les Serbes n'y ont pas été «minoritaires», puisqu'ils ont souvent été obligés d'y adhérer pour éviter le génocide.
Ou bien c'est une pure invention, car aucune autre résistance croate n'a jamais existé dans l'Etat de Pavelic. Si le savant dominicain fait allusion aux unités de «Domobrans» -comparables aux troupes régulières- qui se sont rendues à Tito quelques mois avant la fin de la guerre, elles n'avaient nullement «résisté» à Pavelic mais avaient combattu auparavant sous son commandement. Autant dire que l'armée allemande avait opposé une résistance aux troupes SS.
«Celui qui a péché, c'est lui qui mourra ! Un fils ne portera pas la faute de son père», disait le prophète Ezéchiel. A condition que le fils se désolidarise des actes condamnables de son père, qu'il désapprouve ses crimes. Mais les Croates d'aujourd'hui, dès qu'ils quittent leur pays, célèbrent tous les ans la création de l'Etat de Pavelic, traitent les Serbes de «serbo-communistes» et les accusent d'hégémonisme. A ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1945 Tito avait si bien démembré la Serbie que le peuple serbe, largement majoritaire en Yougoslavie, s'était trouvé minoritaire dans toutes les Républiques et territoires autonomes, hormis la «petite Serbie».
Il est vrai que la Croatie actuelle ne regroupe pas tous les Croates non plus. Mais, désormais, les Croates exigent l'indépendance de leur République et cela semble normal. Les Serbes n'ont qu'à en faire autant. Ce qui échappe aux Occidentaux, c'est que la «petite Serbie» n'a sur son territoire aucun Croate, alors que la «petite Croatie» garderait plusieurs centaines de milliers de Serbes. Et il s'agit justement de la population qui a le plus souffert du génocide.
Hélas, de nombreux signes précurseurs montrent que les Serbes en Croatie courent le risque de subir le même sort que leurs ancêtres sous Pavelic. La langue de cette République est proclamée «croate», elle ne saurait plus être serbo-croate et encore moins serbe. L'alphabet latin est officialisé aux dépens de l'alphabet cyrillique. Il existe des projets de séparer les orthodoxes, en Croatie, de leur Eglise mère en Serbie, comme pendant la dernière guerre mondiale. Le slogan du général croate Tudjman, «le fusil croate sur l'épaule croate», signifie que les Serbes doivent être soit croatisés, soit considérés comme des citoyens de seconde zone.
Jusqu'au moment propice où la situation politique permettra une nouvelle extermination. D'ailleurs, certains leaders serbes ont déjà été arbitrairement arrêtés (Jovan Opacic) et la presse a noté les violences commises contre des touristes serbes.
Une fois de plus, l'expérience nous prouve que ce n'est pas en falsifiant l'histoire et en occultant les crimes du passé qu'on prépare un meilleur avenir».

Récemment les orthodoxes serbes des régions de Knin et de Petringa ont publiquement dénoncé les violences exercées par les Croates, à l'égard notamment du clergé, dans une déclaration signée par des évêques orthodoxes, des prêtres et un grand nombre de fidèles. Ces tensions ont conduit à l'interruption du dialogue catholico-orthodoxe en Yougoslavie. On ne voit plus très bien quel est le sens de ce dialogue aujourd'hui ; le peuple orthodoxe serbe n'y semble guère favorable dans son ensemble. De même, l'appartenance de l'Eglise orthodoxe serbe à la Tour de Babel religieuse du Conseil Oecuménique des Eglises devrait être reléguée dans les accessoires imposés à l'Eglise par le régime communiste.
Mentionnons la parution du livre du Père Athanase Jevtitch sur Jasenovac, Le grand martyre de Jasenovac, Belgrade, 1990, en serbe, et la traduction française du livre du même Père Athanase sur le Kossovo, intitulé Dossier Kosovo, à paraître dans les semaines qui viennent, dans la Collection «La Lumière du Thabor», aux éditions L'Age d'Homme, Lausanne. Enfin vient de paraître un important recueil : Le Kosovo-Métohija dans l'Histoire serbe, ouvrage collectif, composé par Radovan Samardzic, Atanasije Jevtic, et al., traduit du serbo-croate par Dejan M. Babic, L'Age d'Homme, 1990, 352 p. Nous en rendrons compte longuement dans les notes de lecture du prochain numéro de La Lumière du Thabor.


LA CHUTE DU PATRIARCAT
d'Alexandrie

Chacun sait qu'il n'y a malheureusement plus beaucoup d'orthodoxes à Alexandrie et en Egypte. Malheureusement aussi le Patriarche d'un troupeau fantôme, Parthenios III, qui passe la plus grande partie de l'année à Athènes, multiplie les reniements de la foi orthodoxe et invente -dans le silence général des autres Eglises orthodoxes qui ne protestent pas- l'anti-confession de la foi.
Il vient de déclarer en effet : «Pour moi, la question de savoir si l'Islam est une religion inspirée ne se pose pas -elle l'est bien sûr... Et Mahomet, qui est-il pour nous ? A-t-il agi contre la volonté de Dieu ? Mahomet est un homme de Dieu, qui a fait des Arabes du désert des hommes qui croient en un seul Dieu, des hommes qui prient, qui jeûnent, qui aiment leur prochain, qui travaillent pour le bien. Et ceci est une bonne chose».
Mais, cher antipatriarche Parthenios, les multitudes que l'Islam, dans ses conquêtes -si aimantes, si pleines d'amour pour le prochain !- a arrachées à la foi de l'Evangile, pourquoi n'en dis-tu rien ? Les Nouveaux Martyrs de la Romiosynie, souvent anciens chrétiens convertis à l'Islam par leur faiblesse ou par la force, à quoi leur servait-il, ensuite, de confesser le Christ et d'être sauvagement martyrisés, si Mahomet était véritablement un homme de Dieu inspiré...
Dis-nous la vérité : que tu cherches à plaire aux puissants du jour qui, en Egypte aujourd'hui, sont musulmans et antichrétiens comme le prouvent les récentes persécutions contre les Coptes.
Du reste, si les Coptes anti-chalcédoniens sont en accord sur la foi avec les orthodoxes, comme l'ont prétendu, curieusement, les membres de la communion mixte du dialogue théologique entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises orientales orthodoxes -en fait monophysites-, quelle est l'utilité d'un patriarche «orthodoxe» doublant un patriarche «monophysite» ? Retire-toi et laisse le patriarche «copte» qui, du moins, a un troupeau, prendre ta place ! Tu aurais au moins évité d'aller à Rome au mois de septembre 1990 chez le Pape, te ridiculiser complètement en te prétendant le successeur de saint Athanase le Grand et du saint Apôtre Marc, et en oubliant qu'au Concile de Florence saint Marc d'Ephèse représentait l'Eglise d'Alexandrie !


DEVELOPPEMENT DU DIOCESE
de Monseigneur Photios

Comme le Patriarcat d'Alexandrie, l'Eglise de Constantinople et d'autres Eglises orthodoxes reconnaissent Rome comme «Eglise soeur», et pleinement comme «Eglise», on ne voit pas pourquoi ces Eglises orthodoxes -notamment celle de Constantinople- laissent se développer sous leur omophore des paroisses ou des monastères de convertis du catholicisme à l'orthodoxie. Si l'Eglise de Rome est «Eglise», elle est l'Eglise «locale» de l'Europe de l'Ouest, et si elle est l'Eglise locale, toute constitution de paroisses orthodoxes françaises en dehors d'elle est «anticanonique».
Inversement, si la papauté a fait dévier l'Occident de la vraie foi, il n'est pas possible d'accepter Rome ni les orthodoxes qui sont en communion de prière ou en communion «morale» -sinon secrète- avec le Vatican.
C'est pour cette raison que l'Eglise des vrais chrétiens orthodoxes de Grèce, sous l'homophore de Monseigneur Auxence -c'est-à-dire l'Eglise de Grèce qui n'a aucune communion avec le Patriarcat de Constantinople et ceux qui tolèrent l'hérésie des branches professée par ce patriarcat- a eu souci de donner un évêque vraiment orthodoxe à tous ceux qui, en France et dans les pays voisins d'Europe, refuseront non seulement en théorie, mais en acte, la théorie des branches.
Monseigneur Photios, évêque de Lyon, travaille donc dans la vigne du Seigneur, pour cette lourde tâche. L'été dernier, il a visité, outre les paroisses de Lyon, Paris, Montpellier, celles de Dinan, Pau, Toulouse, Langon et Zürich.
Le dimanche 22 octobre / 4 novembre de cette année, jour de saint Abercius, il a ordonné le diacre Timothée au sacerdoce, pour l'Eglise de la Sainte Trinité-Saint Nectaire. La liturgie pontificale était concélébrée autour de Monseigneur Photios par les Pères Ambroise, Patric, Philarète, Cyprien et Nectaire. Plusieurs fidèles de province étaient, à cette occasion, venus à Paris, et les agapes qui suivirent la cérémonie, furent pour eux l'occasion de lier ou de renouer connaissance entre frères orthodoxes que les distances et les temps peuvent séparer, mais non le coeur.
Le dimanche 12/25 novembre, jour de saint Jean l'Aumônier, Monseigneur Photios a ordonné, dans son église cathédrale de Lyon, un diacre, Maxime de Zürich, et un sous-diacre, Daniel de Gênes. Tous deux ont construit une chapelle dans leurs villes respectives. L'office était concélébré, autour de l'évêque, par Père Patric, Père Nectaire et Père Timothée. De plusieurs régions de France et d'Europe, et même d'Amérique, étaient venus des fidèles, pour se réjouir de l'affermissement de l'Eglise orthodoxe. Anne-Marie de Lyon reçut chez elle, le samedi soir, les fidèles venus de loin ; et le dimanche, après la cérémonie, dans la salle de réunion attenante à l'église, les agapes furent organisées par tous. Cette journée fut, pour tous les participants, pleine de promesse, dans la joie de voir des ouvriers du Seigneur envoyés à la moisson ; mais elle fut aussi, pour ceux qui, depuis des années, «travaillent, chantent, offrent des fruits et font le bien» dans l'Eglise de Lyon, devenue centre du diocèse, comme un couronnement et une récompense de leurs efforts.


DEUX FIGURES PATRISTIQUES
ALEXANDRE KALOMIROS
et LA MERE EUPRAXIA

Au mois d'août dernier, avant le carême de la Mère de Dieu, ont quitté ce monde le théologien laïc Alexandre Kalomiros et la Mère Eupraxia, fille spirituelle du Père Jérôme d'Egine qui mena l'ascèse bénie avec le saint géronda originaire de Cappadoce. Essayons de décrire ces deux figures patristiques.


Alexandre Kalomiros

Il n'y a plus guère, aujourd'hui, de théologiens qui confessent la foi : tous se prennent pour des «analystes», des spécialistes, qui parlent des Pères de façon doctorale et pontifiante, en faisant l'état de la critique, comme d'autres le font honorablement pour Platon et pour Kant. Certains, ce faisant, commettent des contresens, -comme d'autres se trompent sur Platon ou Kant- tandis que quelques uns exposent le vrai sentiment des Pères : toutefois, les premiers comme les seconds «manquent le but quant à la foi». Car les Pères, lorsqu'ils parlaient, ne le faisaient pas pour «analyser», pour convaincre les savants étrangers, les biologistes anglais ou les herméneutes allemands ; ils ouvraient la bouche «remplie de l'Esprit» pour prêcher l'Evangile à temps et à contretemps, pour en montrer à tous le caractère vivant et nécessaire au salut, pour confesser qu'en dehors du Christ et de son Eglise, il n'y a, sur terre, que des morts qui enterrent des morts.
Alexandre Kalomiros était un théologien à la façon des Pères ; non à la façon de ceux qui se prennent pour des professeurs selon le monde. Jeune homme, il avait voulu entreprendre des études de théologie, mais il avait dû obéir à son père et étudier la médecine ; et il était devenu un grand chirurgien. Cependant, son intérêt pour l'Eglise et la théologie ne faiblissait pas ; lorsqu'Athénagoras commença à professer la «théorie des branches2», Alexandre Kalomiros réagit en publiant un petit livre intitulé Contre la Fausse Union, qui fut traduit dans plusieurs langues3. Dans une lettre introductive, l'iconographe et écrivain, l'inoubliable Photios Kontoglou présentait Kalomiros comme lui seul savait le faire :

«Oui, en vérité, grand est le mystère de la piété, comme le dit le bienheureux Apôtre Paul. La piété et la foi, étant des mystères, portent des fruits que le savoir ne donne pas.
L'auteur du présent ouvrage n'est pas un théologien formé dans les écoles où l'on étudie l'inétudiable -la théologie. Il a étudié la médecine, qui peut être étudiée parce qu'elle est une connaissance mondaine, un savoir humain. C'est de la Tradition qu'il a tiré sa foi orthodoxe et sa piété. Il les a reçues de la manière dont, comme il le dit lui-même, foi et piété se transmettent : de maître à disciple, de parent à enfant, d'ancien à fils spirituel, de chrétien à chrétien. Pour cette raison, il est quelqu'un qui expérimente les choses divines, et non quelqu'un qui s'en instruit scolairement, ayant la foi, non la science, pour guide. Il marche par la foi et non par la vue, comme dit encore l'Apôtre Paul. Et c'est pourquoi son livre est rude ; il ne s'embarrasse pas des compromis qui révèlent une foi médiocre, ni des accommodements dont on use pour ne pas froisser l'adversaire, ni d'aucune fausse charité. L'amour de la vérité ne souffre aucun partage. Son livre est rude et abrupt, quoique l'auteur soit personnellement doux, affable, humble, modeste et pacifique. Mais la foi lui donne le glaive de l'Esprit ; et cet homme affable, humble et sensible, plein d'amour, apparaît rude et brusque. Saint Jean le Théologien, le disciple de l'amour, ne semble-t-il pas plus rude et plus brusque que les autres apôtres et prédicateurs de l'Evangile, tel qu'il se révèle dans sa première épître et dans l'Apocalypse ?
L'auteur de ce livre est une jeune homme. Mais que personne ne méprise sa jeunesse. J'ai fait connaissance avec lui, spirituellement, alors qu'il étudiait la médecine en Suisse et que nous publiions le périodique Kibotos (L'Arche). Il m'écrivit alors une lettre sur quelques articles sataniques publiés par un catholique dans le journal Le Courrier, et nous demanda de protéger notre foi orthodoxe contre les pièges des hérétiques. Par la suite, il m'écrivit un grand nombre de lettres, et jusqu'à aujourd'hui ce qu'il m'écrit est toujours instructif et profitable, et exhale le doux parfum de la foi profonde et de l'amour de notre sainte Tradition. C'est pourquoi je l'ai instamment prié d'écrire quelque chose de plus développé, sur les sujets qu'il esquissait brièvement dans ses lettres. Je l'ai aussi pressé, connaissant sa modestie, de consentir à les faire imprimer en livre. Il a fini par accepter et ce petit livre est le premier qu'il a envoyé à l'éditeur, Alexandre Papademetriou, qui a accepté avec joie de le publier.
Nous sommes conscients que ce livre, écrit "avec beaucoup d'intelligence", sera condamné par beaucoup comme primaire et brutal, car dans nos temps hypocrites, on ne considère comme vraiment chrétiens que ceux qui n'ont pas dans leur coeur le feu de la foi, en particulier de la foi orthodoxe, c'est-à-dire de la vraie foi ; et c'est pourquoi ces "chrétiens authentiques" sont tièdes, non-spirituels, diplomates, accommodants, comme beaucoup de théologiens professionnels d'aujourd'hui. Le monde a appris à regarder ces personnes comme des chrétiens bons et indulgents, tandis qu'il déteste ceux qui sont comme l'auteur de ce livre, je veux dire, "fervents d'esprit", et les proclame fanatiques, intolérants, superstitieux, esprits étroits, adorateurs de formes vides. Hélas ! Aujourd'hui, les théologiens ont fini par devenir des disputeurs de ce siècle. Les gens qui s'occupent de religion écrivent des tonnes de livres, épais et volumineux, remplis de cette fameuse "science théologique" qui, vu sa méthode d'investigation des questions religieuses, n'est rien d'autre que la connaissance selon ce monde, que l'Apôtre Paul appelle vaine illusion et tromperie subtile. Le Saint Evangile, qui est la simplicité même, est disséqué, examiné, et démembré en fonction des systèmes philosophiques de la "vaine illusion". Confusion, complication, théories embrouillant l'esprit, "folles recherches, généalogies, disputes sur la loi", boue qui trouble l'eau claire jaillissant dans la vie éternelle, toutes ces choses sont écrites au nom de Celui qui est venu dans le monde pour sauver la brebis perdue -l'homme de la vaine science- du fardeau de son intelligence pécheresse, et qui a crié : "Venez à moi, vous tous qui êtes chargés sous le poids de la sagesse folle et sans but". Des montagnes d'articles sont écrites au nom du Christ et de son Evangile, que le coeur le plus simple expérimente ; tandis que ceux qui écrivent ces livres innombrables ont erré de tout côté dans le dédale et les ténèbres de leur propre sagesse, loin du Christ qu'ils ont oublié, ayant sombré dans les vanités de leur intellect. Leur coeur ne sent plus le souffle venu de Dieu ; ils sont mortifiés et asséchés par leur sagesse prétentieuse qui leur vaut les honneurs de ce monde.
C'est eux que l'Apôtre Paul, cette bouche divine, a en vue lorsqu'il écrit : "Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais il se donneront des monceaux de docteurs selon leurs propres désirs, flattant leur oreille ; et ils détourneront l'oreille de la vérité et se tourneront vers des fables" (2 Tim. 4, 3-4). "Ils se donneront des monceaux de docteurs" : ils produiront au jour une multitude de docteurs, et prendront plaisir à les entendre, parce que cette sagesse vide flattera leurs oreilles. Et pour ne pas entendre la vérité, la simple vérité de la religion, ils se boucheront les oreilles, mais ils auront envie qu'on leur raconte des fables, c'est-à-dire des théories et des imaginations vides de sens. Ne voyons-nous pas, aujourd'hui, ces "monceaux" de docteurs qui, avec leurs discours, flattent les oreilles des étudiants et des autres fidèles ?
Ainsi, le livre de Kalomiros irritera ces esprits qui ont réduit la religion du Christ à un système de savoir humain -à un rationalisme- et qui détestent et tournent en dérision toute "doctrine saine" qui constitue, à leurs yeux, une conception primaire de la religion, farcie des superstitions de la tradition. De fait, que peut représenter, pour eux, un texte écrit par un homme comme Kalomiros, qui n'a jamais été dans une grande école et n'a pas étudié à l'étranger ?
Mais, bienheureusement, Kalomiros a bu à la source de l'eau vive, il s'est abreuvé à la Tradition et a étudié les Pères jour et nuit. Ayant la foi pour guide, il est devenu "théodidacte" (enseigné par Dieu). Le Christ dit : "Quand le bon pasteur fait sortir ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix" (Jn 10, 4). Ce qui veut dire : "Mes disciples écoutent Mes paroles avec un esprit de simplicité, et les reçoivent dans leur coeur sans les faire passer par leurs intellects compliqués ni en faire des théories ; ils les acceptent avec la foi comme les brebis innocentes qui entendent la voix du berger et courent auprès de lui". C'est la foi qui ouvre la bouche du croyant et sa prédication ouvre le coeur des chrétiens, selon les paroles du Christ qui a dit : "Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein" (Jn 7, 38).
Les hommes de la "sagesse folle" qui enseignent "avec les paroles persuasives de la sagesse humaine" n'acceptent pas les vrais prédicateurs de l'Evangile, et cela, parce les vrais prédicateurs ne se conforment pas au monde, mais sont "transformés par le renouvellement de leur intelligence" (Rom. 12, 2).
Ils trouveront donc beaucoup de choses à condamner dans ce livre. Ils condamneront chez l'auteur l'absence de cette affabilité hypocrite qu'ils ont à l'égard des hérétiques, quoique l'auteur ne montre nulle insolence, mais a seulement le courage d'un soldat du Christ et se règle sur les paroles de l'Apôtre Paul qui déclare : "Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d'amour et de sagesse" (2 Tim. 1, 7).
Une autre tare qu'ils y trouveront, c'est que ce message est imprégné d'affliction selon le Christ, de "deuil joyeux", au lieu qu'ils sont, eux, optimistes, l'esprit tourné vers les choses de ce monde. Mais qu'ils voient ce que dit l'Apôtre Paul : "La tristesse en Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort" (2 Cor. 7, 10). La tristesse que traverse l'homme qui croit en Dieu est une tristesse adoucie par l'espérance, et c'est pourquoi il s'agit d'un chagrin joyeux, d'un "deuil joyeux" qui, par la repentance, le conduit au salut de l'âme.
Je félicite ce jeune homme digne de bénédiction, qui a écrit un livre si édifiant, un livre qui respire l'esprit de la vraie orthodoxie. Et je louange et glorifie le nom tout-honorable du Seigneur, qui donne à son Eglise orthodoxe des joyaux tels que celui-ci, brillant dans les ténèbres de l'erreur et de la déchéance. Que Notre Seigneur Dieu miséricordieux soit béni et glorifié, Lui qui raffermit la foi orthodoxe avec les pierres que les bâtisseurs ont rejetées».

Kalomiros devait ensuite rompre la communion avec l'Eglise officielle grecque, contaminée par les doctrines de l'oecuménisme et surtout par la communion avec les défenseurs les plus fanatiques e la théorie des branches. Il appliquait ainsi le canon 15 du Concile Premier-Second et les préceptes de la tradition patristique.
Refusant avec rigueur toute tolérance à l'égard de l'icône dite de «la Trinité» -où l'on voit à la façon occidentale Dieu le Père représenté anthropomorphiquement avec une longue barbe blanche- il devait suivre ensuite, avec la paroisse dont il faisait partie à Thessalonique, la voie du zélotisme. Lorsqu'après la mort du Métropolite Philarète, l'Eglise Russe Hors Frontières se mit à reconnaître comme «plérôme de l'Eglise» ceux que trois ans auparavant elle avait anathématisés avec la théorie des branches, la paroisse de Thessalonique resta fidèle et cohérente en quittant le Synode russe devenu infidèle à sa confession de foi officielle antérieure.
Les Pères disent que l'homme, pour être parfait, doit avoir les cheveux blancs -la sagesse- du vieillard et le regard du jeune homme -seuls les pécheurs vieillissent. Kalomiros était parfois extrême, sa fougue était celle d'un théologien qui ignore l'académisme, mais il était pieux, croyant, honnête et disait la vérité. Que sa mémoire soit éternelle !


La Mère Eupraxia

Une femme vaillante, qui la trouvera ?
Elle a plus de valeur que les pierres de grand prix.


Nous nous souvenons encore du jour où Père Ambroise, il y a trois ans de cela, est rentré tout enthousiasmé de Grèce parce qu'il avait rencontré celle qu'il croyait endormie depuis longtemps dans le Seigneur, la moniale du Père Jérôme d'Egine, celle qui avait lutté avec lui dans l'ascèse pendant tant d'années, la Mère Eupraxia. Entre deux avions, celui de Paris et celui qui partait pour Chios, Père Ambroise, à Athènes, avait été conduit chez une pieuse fidèle, Styliani, fille spirituelle du Père Jérôme et de la Mère Eupraxia, où il avait pu voir la gérondissa presque centenaire, mais parfaitement lucide, et ne manquant pas un seul tropaire des offices sur lesquels toute sa vie elle avait usé ses yeux.
La Mère Eupraxia lui avait raconté qu'elle était née dans le Pont Euxin, avait vécu les massacres d'Asie Mineure et l'exil avec sa famille très pieuse. Son frère était le Père Arsénios, le co-lutteur du Père Joseph le spéléote. Tous deux étaient devenus moine et moniale très jeunes, repectant absolument toutes les règles de l'Eglise et imitant les grands ascètes du temps jadis. Telle elle était encore maintenant, remplie de la grâce de Dieu.
Quand nous avons entendu ce récit, nous avons tous désiré la voir et nous y sommes allés selon nos possibilités : le Père Patric en octobre, puis le Père Joseph -maintenant l'évêque Photios- en février, ont fait la même expérience d'une rencontre avec cette moniale centenaire, assise sur son lit, la tête sur le coeur, priant sans cesse et expliquant aux visiteurs : «Une maison a une fondation : la fondation, c'est la foi ; mais le toit qui protège la maison, c'est l'amour», ou bien : «Je n'ai plus mes jambes aujourd'hui, mais si je le pouvais, j'irais avec l'archevêque Auxence pour les défilés, et je crierai de toutes mes forces : Mon Christ, mon Christ». Ou encore : «Toujours se demander ce que dit l'Eglise, ce qu'enseigne l'Eglise ; non pas ce que dit Un tel ou Un tel ; mais : Que dit l'Eglise ? -C'est là ce que disait mon géronda».
Une autre fois, elle racontait que, cette année-là, au moment du mnémosyno (service célébré à la mémoire des défunts) du Père Jérôme, pour la première fois, elles n'avaient pu, Styliani et elle, se rendre à Egine et qu'elles avaient refusé l'offre d'un membre de la famille qui proposait de faire l'office avec beaucoup de monde dans une église de l'Etat (nouveau calendariste) : elles avaient fait l'office toutes seules comme elles avaient pu, chez elles, «la grâce de Dieu suppléant à nos faiblesses». La nuit suivante, le Père Jérôme était apparu en rêve à la Mère Eupraxia, lui disant qu'elles avaient bien fait, que c'était comme cela qu'il fallait faire.

Chez Styliani, autour de la Mère Eupraxia, c'était tout un petit monde spirituel qui butinait, semblable aux femmes pieuses qui suivaient le Papa Planas : ici, c'étaient Irène, une voisine, Marie, que nous appelons la Canebière, parce qu'elle a été élevée en France et qu'elle a gardé l'accent de Marseille, même en grec, disciple, elle aussi du Père Jérôme, Mère Nectarie, sa soeur, du monastère de Choropi, Aphrodite, Antigone, Ismini et d'autres encore... Chacune est un trésor de piété et de vérité.
Lors de l'ordination du Père Philarète, la pieuse Styliani et sa mère Eupraxia demandèrent, au téléphone, la date exacte de la célébration, afin de pouvoir, au même moment, faire monter leurs prières vers Dieu ; et elles souhaitèrent au nouvel ordonné les meilleures choses que l'on puisse souhaiter à un prêtre, c'est-à-dire, une confession de foi toujours intègre et le secours du Seigneur pour une vie droite.
Ensuite, nous avons appris que Styliani, dégagée des obligations sociales qui la retenaient jusque là, allait à son tour devenir moniale sous le nom d'Eupraxia et qu'avec la gérondissa Eupraxia, elles voulaient s'en retourner à Egine, dans l'ermitage du Père Jérôme. C'est là que nous les avons trouvées, au coeur de l'été, aux alentours de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu. Nous avons célébré la liturgie dans la petite église construite par les mains du Père Jérôme et celles de la Mère Eupraxia, et nous avons entendu les récits qu'elle faisait aux enfants qui nous accompagnaient : comment, après la dormition du Père Jérôme, jalouse des exploits, qu'elle avait entendu raconter, de Photinie l'ermite, la Mère Eupraxia s'était elle aussi enfermée, au grand désarroi de ses proches, pour mener, en ville, la même vie que sainte Photinie l'ermite.
La gérondissa avait sans cesse à la bouche des mots comme : «Le Dieu Tout-Bon, comme le veut le Dieu Très-Bon» ou bien : «Je prierai notre Souveraine, notre Toute-Sainte» ; ce n'était pas un discours, c'était comme le parfum exhalé par son âme, des mots qui fleurissaient sa bouche, l'amour qu'elle portait à son Seigneur et à la Très-Sainte Mère de Dieu. La photographie qui accompagne cet article date de cette rencontre.
Une chose unit toutes ces figures si différentes, de Marie Charitou, d'Aphroditi, de Mère Nectarie, de Mère Eupraxia l'Ancienne et de Mère Eupraxia la Nouvelle, sa disciple : c'est la rigueur, et l'on pourrait la sainte intransigeance de la foi. Aucun fanatisme chez ces femmes qui ont placé l'abnégation et le service d'autrui au centre de leur vie, qui font des kilomètres, le jour où vous arrivez, pour vous accueillir, et le jour de votre départ, pour vous apporter tous les cadeaux qu'elles ont pu trouver ; mais l'amour exclusif de la foi pour laquelle le Christ est mort et par laquelle Il donne la vie. C'est ainsi que la Mère Eupraxia se souvenait que le Père Jérôme, prophétisant les choses qui adviendraient dans l'Eglise, lui avait dit un jour : «Lorsque certains évêques se sépareront de lui, tu resteras avec l'archevêque Auxence». Elle rappelait l'amour du Père Jérôme pour l'archevêque Auxence, qui était venu le voir, et aussi pour le Métropolite Chrysostome de Florina qui l'avait également visité à Egine.






























Mère Eupraxia l'Ancienne et Mère Eupraxia la Nouvelle,
entourées de Monseigneur Photios, du Père Patric et du Père Philarète.
Sur la situation ecclésiastique, Mère Eupraxia disait qu'on était comme à l'époque du prophète Elie et que, s'il y avait peu de zélotes, Dieu pouvait en faire surgir...
Mère Eupraxia racontait aussi que lorsqu'elle avait appris que son neveu selon le monde, le Père Charalambos, homme simple et pieux, lui aussi disciple du Père Joseph le spéléote, s'était fait abuser par des athonites plus rusés que lui, qui lui avaient offert d'être higoumène du monastère de Saint-Denys, l'un des plus grands de l'Athos, à condition qu'il mentionnât le Patriarche Dimitri dans la liturgie, alors, elle lui avait écrit qu'il avait mal agi, car c'était en vain qu'on luttait si l'on mentionnait un patriarche qui n'était plus orthodoxe.
Lors de la consécration de Monseigneur Photios à Athènes, un groupe de fidèles venus de Toulouse, de Pau et de Dinan put se rendre à l'ermitage d'Egine. La Mère Eupraxia trouva la force de les accueillir et de les enseigner. Les images qu'elle employa furent simples et éloquentes : montrant les doigts de sa main, elle disait, en prenant ensemble l'index et le majeur : «Dieu et toi», puis, passant la main sur les autres doigts : «Tout le reste, qui vient après». Elle indiquait ainsi que l'âme soucieuse de Dieu met Dieu et son propre salut au centre de sa vie, et ne se laisse pas distraire par le monde.

Puis, Père Ambroise était encore allé célébrer la liturgie à Egine et Père Patric, en février dernier, rendit visite à la gérondissa Eupraxia, craignant de ne plus la revoir en ce monde.
La veille de sa dormition, la Mère Eupraxia vit en rêve le Père Jérôme, bien habillé, prêt pour célébrer la liturgie et elle dit ensuite à sa disciple, la nouvelle Eupraxia, qu'il allait sûrement arriver quelque chose.
Le lendemain, elle s'endormait dans le Seigneur.
Le Père Mélétios Zeugolis, rendant hommage, dans le Phare de l'orthodoxie, à la Mère Eupraxia, lui dédie le verset de l'Ecriture que nous avons cité en tête de cet article. Il souligne le rayonnement que, du fond de sa solitude ascétique, elle a exercé sur les âmes pieuses. Son petit ermitage est devenu le «foyer spirituel et sacré où beaucoup d'âmes ont été nourries au lait du Seigneur...»
Comme l'avait dit le Professeur Mouratidès, la Mère Eupraxia était la tradition vivante. Que sa mémoire soit éternelle !

NOTES DE LECTURE


Deux ouvrages sur l'histoire de la musique religieuse russe :

- V. Morosan, Choral Performance in Pre-Revolutionary Russia, U.M.I. Research Press, Ann Arbor, Michigan, 1986.
- N.P. Brill, History of Russian Church Music 988-1917, Illinois State University, Normal, Illinois, 1982.

Bien que son titre évoque une étude du chant choral russe en général, le premier ouvrage concerne surtout la musique religieuse. Mise à part une cinquantaine de pages contenant des notes et références bibliographiques, l'étude de Morosan comporte deux parties principales : l'une retrace l'histoire du chant choral en Russie depuis la monophonie originelle ; l'autre, consacrée au dix-neuvième siècle et au début du vingtième, analyse de façon très détaillée les techniques du chant choral, les différentes écoles et les styles des principaux compositeurs. La seconde partie rassemble certainement des archives précieuses pour le spécialiste, mais ne suscite pas de commentaires. La première partie est particulièrement intéressante par ses deux premiers chapitres qui éclairent très bien l'évolution du chant choral depuis les origines jusqu'à Bortniansky (1825), période généralement présentée succinctement. Le troisième chapitre, intitulé «L'émergence du style choral national», dénonce l'italianisme de Bortniansky, le rôle néfaste de ses dispositions sur la créativité de ses successeurs, le germanisme de Lvov et Bakhmetev, avec des mots très durs sur Lvov et la pauvreté de ses harmonisations des chants liturgiques ; l'apparition du Choeur d'Arkhangelsky (dont plus d'une composition semble pourtant bien influencée par les chorals de Bach) est, au contraire, saluée avec enthousiasme ainsi que les oeuvres religieuses des grands compositeurs de réputation internationale.
Cette appréciation semble reposer davantage sur les critères de «nationalisme musical» et de valeur artistique que sur la «qualité liturgique» : la plupart des oeuvres des grands compositeurs portent la mention «pour le concert» et, en revanche, les travaux des musicologues russes sur les chants liturgiques des origines, bien que signalés avec beaucoup de louanges, n'occupent qu'une demi-page dans l'ouvrage et aucune mention n'est faite des tentatives de reconstitution.
Le livre de N.P. Brill, au contraire, bien que suivant un plan analogue à celui de Morosan, aborde le même sujet mais dans un esprit nettement plus liturgique : les origines sont plus développées et les biographies accordent une place sensiblement égale aux grands auteurs et aux compositeurs de notoriété limitée aux milieux religieux : il en résulte des appréciations assez différentes.

Jean-Joseph Bernard


Selected Byzantine Hymns, Holy Transfiguration Monastery, Brookline, USA, 1986.

Il s'agit d'une sélection d'hymnes byzantines en version anglaise, avec notations musicales modernes. Les chants du commun liturgique se limitent à trois extraits des vêpres et un des matines, mais une très large place est faite au Grand Carême, à la Semaine Sainte et à Pâques. La présentation matérielle est bonne et la transcription musicale aussi fidèle que possible à la notation byzantine originale ; cependant, malgré tout le soin et l'attention qui ont manifestement été apportés à cette réalisation, celle-ci fait apparaître la difficulté d'interprétation, en une langue différente, de ces mélodies étroitement attachées à la rythmique et aux mots des vers grecs ; il en résulte, d'une part, une très grande difficulté de traduction pour faire correspondre l'accentuation des mots et des notes, les transcriptions les plus faciles étant celles des vocalises sur une seule syllabe, pourvu qu'elle soit accentuée ; mais, d'autre part, les mélodies traditionnelles grecques sont modales et font intervenir des intervalles qui ne peuvent être représentés qu'approximativement dans les échelles musicales occidentales.
En conclusion, il nous semble difficile, à des chanteurs n'ayant jamais pratiqué ou au moins longuement écouté les modes byzantins, de les restituer avec exactitude à partir de cet ouvrage ; mais il était certainement nécessaire aux communautés grecques établies en pays anglophones où elles ne disposent pas toujours de chantres formés à lire la notation byzantine. Pour les traductions en de nouvelles langues «liturgiques», qui doivent être impérativement d'une fidélité rigoureuse, un tel livre présente l'intérêt de fournir des bases à l'élaboration d'un style musical approprié à chacune d'elles, au prix de modifications importantes des structures mélodiques, travail qu'ont fait les Eglises slaves à partir des mêmes modes byzantins.


J.J. Bernard

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