vendredi 7 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°10. Editorial.
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Editorial
Je confesse un seul Baptême
Par le Baptême, notre nature malade est régénérée, renouvelée en Christ, en sa Mort et sa Résurrection que figure la triple immersion dans les eaux baptismales : « Enseveli dans les eaux, écrit saint Cyrille de Jérusalem, tu ressuscites marchant dans une vie renouvelée ».
Par le Baptême, nous entrons dans l’Eglise du Christ, et cette cérémonie, dit le Grand Denys de l’Aréopage, « inculque à l’initié, par ses saintes instructions, les préceptes d’une vie sainte, en même temps que par la purification physique de l’eau, elle lui enseigne de façon plus corporelle à se purifier de toute malice en menant une vie vertueuse et toute en Dieu ».
Le Baptême a toujours intrigué la pensée rationaliste qui a essayé de le réduire à un simple rite extérieur, à un symbole dénué de sanctification réelle. Mais cette réduction que l’on trouve dans la théologie protestante a été préparée bien avant par la théologie latino-francque des sacrements, qui a cherché le sens propre, l’« essence », la raison formelle, si l’on peut dire, du Baptême. Cette théologie latine qui numérote, classe et définit les mystères chrétiens dans un ordre satisfaisant pour la logique humaine, est passée en Russie au XVIIIème siècle, où elle a influencé les « Dogmatiques » orthodoxes.
Le résultat a été que certains théologiens ont commencé à reconnaître comme valide, le Baptême chez les hétérodoxes, sans pour cela reconnaître les hétérodoxes comme l’Eglise. Il y avait donc une théologie du Baptême et une théologie de l’Eglise : le Baptême était une chose, et l’Eglise une autre. De là on a déduit bientôt qu’il y avait une Eglise invisible des baptisés et une Eglise orthodoxe visible, et enfin, qu’il y avait tous les baptisés – d’un côté - mais plus du tout d’Eglise Orthodoxe, de l’autre.
Aujourd’hui, du fait de cette maladie que l’on nomme désormais « œcuménisme », la situation est devenue si confuse que les idées les plus fausses et les plus absurdes circulent sur la théologie orthodoxe du Baptême. Nous avons relevé quatre erreurs principales, qui sont un véritable renversement de la tradition patristique orthodoxe :
1ère erreur : Les fidèles orthodoxes, comme les hétérodoxes, catholiques-romains (papistes) ou protestants, acceptent identiquement le Baptême, ils en ont la même idée. Seuls quelques protestants le rejettent mais ils sont minoritaires.
2ème erreur : L’usage de l’« économie » dans l’Eglise Orthodoxe, à l’égard des hétérodoxes, c’est-à-dire leur réception sans Baptême, par la chrismation seule ou même par l’eucharistie serait la preuve que l’Eglise Orthodoxe reconnaît le Baptême protestant ou romain. Puisqu’ils sont déjà baptisés, les orthodoxes ne doivent pas les rebaptiser, mais les recevoir par la chrismation.
3ème erreur : Il n’y a pas de doctrine claire dans l’Eglise Orthodoxe quant à la réalité du Baptême donné hors de l’Eglise. Cette thèse a été résumée ainsi : « Il y a toujours eu des opinions divergentes sur la valeur des sacrements conférés en dehors des limites canoniques de l’Eglise ».
4ème erreur, d’ordre surtout historique : Il y aurait une doctrine russe et une doctrine grecque. La tradition grecque serait sévère et rigoriste, et la tradition russe serait plus douce, plus miséricordieuse. Ces deux traditions seraient toutes deux acceptables, mais la seconde, bien sûr, devrait être considérée comme supérieure moralement à la première.
Nous allons répondre maintenant à ces quatre erreurs.
Sur la 1ère erreur
À propos du Baptême, les orthodoxes, les protestants et les catholiques romains, même s’ils prononcent les mêmes mots, ne mettent absolument pas, sous ces mots, la même réalité, ni la même doctrine.
A. Pour les orthodoxes, le Baptême est tout d’abord, conformément à la tradition et à l’étymologie, une immersion : « Celui qui est immergé dans les eaux et baptisé est entièrement recouvert d’eau » (Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses Baptismales 17, 14).
Cette immersion est une figure de la mort et de la résurrection : « Le Baptême est une figure de la mort du Christ, car les trois immersions signifient les trois jours passés par le Seigneur dans le tombeau » (Jean Damascène, Exposition de la Foi Orthodoxe, 4, 9) ; « Comme s’il s’agissait d’un tombeau, le vieil homme est enseveli dans les eaux et y descendant, il est entièrement caché » (Saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Jean 25, 2).
Or, en Occident, depuis la fin du XIVème siècle, le Baptême n’est plus un Baptême au sens étymologique, mais une aspersion, et la tradition ancienne du Baptême, supprimée sans raison. On peut lire les détails de cette altération historique dans P.W. Guettée, « La Papauté Hérétique », p. 122 et suivantes.
Or, lorsque saint Basile le Grand au Vème siècle traite de la réception des différents groupes d’Ariens dans l’Eglise, il évoque cette question de la « forme » du Baptême ; ceux qui ont la forme du Baptême orthodoxe, c’est-à-dire la triple immersion au nom des trois hypostases de la Sainte Trinité, ne seront pas rebaptisés ; en revanche, ceux qui n’ont pas cette forme devront être baptisés par l’Eglise Orthodoxe. Saint Basile compare la forme du Baptême à un vase dont le contenu est l’Esprit Saint. Ainsi, quand le vase existe, il est facile de le remplir ; mais là où il n’y a pas de vase, que pourrait-on bien « valider » ?
Pour cette raison, de nombreux théologiens orthodoxes ont considéré que les Occidentaux, qui n’ont plus depuis longtemps le « vase », la « forme » qui est la triple immersion, doivent être reçus par le Baptême. Suivant en cela saint Basile ; et saint Nicodème de l’Athos, qui fait autorité dans l’Eglise Orthodoxe, affirme dans son Pidalion ou Commentaire des Canons, que "recevoir" les Latins par la chrismation seule n’est pas une "économie", mais une transgression des règles de l’Eglise.
B. La doctrine du Baptême n’est pas non plus la même chez les orthodoxes et chez les hétérodoxes : ces derniers diffèrent aussi entre eux sur cette importante question.
Pour les protestants, en général, le Baptême est un simple signe extérieur et symbolique qui manifeste une réalité intérieure déjà existante.
Pour les catholiques-romains (papistes), le Baptême est principalement la suppression du péché originel, c’est-à-dire de la CULPABILITE d’Adam transmise à chaque homme. Par cette suppression, la colère de Dieu est satisfaite, comme elle l’a été par la mort sur la Croix de son Fils. Cette suppression de la culpabilité étant réelle, la théologie catholique romaine diffère profondément de la théologie protestante sur ce point.
Mais dans les deux cas (protestantisme et papisme), le Baptême n’est nullement la destruction ontologique, en l’homme, du principe de la mort, par l’action vivifiante et réelle de Dieu. Il ressort clairement de l’office orthodoxe du Baptême et de la bénédiction des eaux, que dans ce mystère, Dieu ne "remet" pas une faute de façon juridique ou morale, mais régénère notre nature « usée par le péché », la refaçonne et la recrée dans l’eau par son énergie incréée, son effusion sanctifiante.
Sans la théologie patristique de la rédemption et sans la doctrine orthodoxe de la grâce incréée, le Baptême ne peut se comprendre. Or, sur ces deux sujets de la Rédemption et de la Grâce, l’Occident a suivi Augustin d’Hippone, qui raisonne à partir de la transmission de la culpabilité adamique (péché originel) et qui affirme que la grâce est créée, donc extérieure à la divinité. Mais comment notre nature pourrait-elle être régénérée par une grâce créée ? Comment pourrait-elle devenir capable de déification sans l’énergie divine ? L’Occident ne répond pas.
Aucun « dialogue » sérieux sur la question du Baptême ne pourra être sérieusement envisagé si l’on ne reconnaît pas que les présupposés théologiques des conceptions orthodoxe, protestante et catholique-romaine sont opposés ; la conception orthodoxe repose sur la théologie patristique de la Rédemption et de la Grâce, la conception catholique et la conception protestante sont fondées, mais de façons contraires, sur la théologie augustinienne.
Sur la 2ème erreur
Les canons sont la mesure parfaite, la Règle d’Or dont parle l’Apocalypse (21, 15) et qui sert à mesurer la Nouvelle Création, la Jérusalem Céleste qui est l’Eglise du Christ. Appliquer les Canons, c’est user de rigueur ou, selon le vocabulaire orthodoxe, d’« acribie ». C’est aussi, pour les évêques et les prêtres, se conformer à l’enseignement apostolique, atteindre le salut et garantir la paix de l’Eglise et des fidèles. Mais il existe des situations particulières ou des circonstances difficiles dans lesquelles l’Eglise, qui a le souci du salut de tous les hommes, peut tempérer ou dépasser ses propres règles. Ce second mode de « gouvernement » ecclésiastique s’appelle « l’économie ». A ce propos, il convient de noter trois points fondamentaux.
A. L’économie n’est jamais une reconnaissance de ce qui est hors de l’Eglise ; elle procède d’une concession faite par l’Eglise, et non pas d’une analyse dogmatique du contenu des hérésies.
C’est pour cette raison que la pratique, dans l’administration du Baptême, variait, dans l’Orthodoxie, d’une Eglise locale à l’autre, sans que l’unité de l’Eglise en fût rompue.
Donnons un exemple : on dit parfois qu’il convient de baptiser les hérétiques qui reviennent à l’Eglise, mais qu’il suffit seulement de donner la chrismation aux schismatiques. Cela est faux ; tous les Pères affirment, unanimement, que la grâce n’existe pas plus dans le schisme que dans l’hérésie. Le Baptême, la chrismation, sont les voies que l’Eglise choisit pour réunir à elle ceux qui sont hors de sa communion. Ils ne prouvent rien sur la nature de la séparation : dogmatique (hérésie) ou disciplinaire (schisme).
Ainsi, dans l’Encyclique que nous publions dans ce numéro 10 de « La Lumière du Thabor », saint Marc d’Ephèse dit clairement que les Latins sont reçus par la CHRISMATION parce qu’ils sont HERETIQUES : « Pourquoi chrismons-nous les latins qui viennent à l’orthodoxie ? N’est-ce pas, à l’évidence, parce qu’ils sont hérétiques ? » D’autres Pères, en des temps et des lieux différents, ont décidé de les recevoir par le Baptême. Mais il n’y a pas de contradiction, puisque les Pères orthodoxes sont d’accord pour juger hérétiques les dogmes des latins : « Nous nous sommes détournés des Latins comme on se détourne des hérétiques et c’est pour cela que nous sommes aujourd’hui séparés d’eux » dit encore saint Marc d’Ephèse.
B. L’usage de l’économie est une chose grave.
Le prêtre ou l’évêque qui use d’économie aura personnellement à en rendre compte devant le Seigneur. En ce sens, l’économie n’est jamais un droit, ni un usage autorisé par la coutume.
La querelle du IIIème siècle entre le pape Stéphane (Etienne) et saint Cyprien illustre ce point. Elle portait sur les raisons d’appliquer l’économie de l’Eglise aux Novatiens. Pour Stéphane, l’économie était justifiée, alors que pour saint Cyprien, dans ce cas précis, elle ne l’était pas. C’est ainsi que trois Conciles locaux, destinés à rappeler la règle apostolique, se réunirent à Carthage. Toutefois, dans ce différend entre Cyprien et Stéphane, la communion des Eglises n’a pas été rompue, parce que l’unité de foi demeurait.
Aujourd’hui, certains tentent de faire passer l’économie, c’est-à-dire la réception des hétérodoxes par la chrismation, pour un droit fondé sur une tradition ancienne. Cela est contraire à l’idée même d’économie.
C. L’économie est passagère.
Les prêtres l’appliquent dans des situations difficiles ou tragiques, comme lorsqu’il existe une menace de persécutions, ou pour des raisons matérielles, quand des peuples entiers reviennent à l’orthodoxie, ou encore dans des cas strictement individuels. De ce fait, toute spéculation sur les raisons « dogmatiques » de l’économie est une contradiction.
Sur ce point, comme sur les autres, nous renvoyons le lecteur à l’admirable « Lettre sur l’Unité de l’Eglise » du Nouveau Martyr Hilarion Troïtsky, récemment publiée en français par la Fraternité Orthodoxe Saint Grégoire Palamas.
Sur la 3ème erreur
L’idée qu’il y aurait dans l’Eglise, deux doctrines extrêmes quant au mode de réception des catholiques romains (papistes) dans l’orthodoxie – entre lesquelles différentes conceptions intermédiaires sont possibles –, cette idée a été récemment défendue par un canoniste du Patriarcat de Moscou, Pierre l’Huillier (Cf Le Messager Orthodoxe n°82). Cette théorie provient d’une confusion entre la doctrine orthodoxe exposée, entre autres, par saint Cyprien, et les idées d’Augustin d’Hippone sur la même question. Voyons ces deux doctrines.
Les déclarations de saint Cyprien, selon lesquelles il n’existe aucun Baptême hors de l’Eglise, ne lui sont pas propres et elles ont été ratifiées par trois conciles locaux, tenus, nous l’avons vu, en Afrique ; lors du premier en 255, on décréta que personne ne pouvait être baptisé hors de l’Eglise, puisque l’Eglise ne reconnaît qu’un seul Baptême. En 258, deux autres conciles carthaginois réunirent 71, puis 84 évêques de la Numidie et de l’Afrique : on confirma le concile de 255 en déclarant que le Baptême donné chez les hérétiques n’était pas un Baptême. Une lettre canonique fut envoyée aux principaux sièges épiscopaux ; cette lettre, qui affirme la nécessité de baptiser les hérétiques qui viennent à l’Eglise, fut ratifiée par le Deuxième Canon du VIème Concile Œcuménique. Dans ses écrits canoniques et ses autres ouvrages, saint Basile le Grand se réfère aussi aux Conciles assemblés sous saint Cyprien ; ils font autorité dans l’Eglise et résument son enseignement.
Tout au contraire, les idées d’Augustin d’Hippone sur le baptême sont le fruit de spéculations philosophiques et n’ont trouvé place dans aucun concile local ou œcuménique ; c’est en vain qu’on en chercherait trace dans les recueils canoniques.
A vrai dire, les conceptions d’Augustin sur cette question sont, pour le moins, contradictoires. Les hérétiques et les schismatiques ont, selon lui, le Baptême, mais ils n’ont en rien l’Eglise et sont hors de l’Eglise. Ils sont baptisés, mais, à leur sortie des eaux baptismales, ils sont damnés parce qu’ils demeurent dans le schisme, hors de l’amour et de la communion ecclésiale. L’invocation de la Sainte Trinité en fait des chrétiens, mais pour leur perte : « Chez ceux qu’ils baptisent, les donatistes guérissent la blessure de l’idolâtrie ou de l’infidélité, mais ils leur infligent une blessure plus grave encore, celle du schisme. Les idolâtres, en effet, dans le peuple de Dieu, c’est le glaive qui les fit périr ; quant aux schismatiques, la terre s’ouvrit pour les engloutir ».
Par cette idée, les catholiques (papistes) ont justifié la persécution des protestants : ils avaient le baptême, mais non la charité ; il fallait donc les forcer à avoir cette dernière !
L’erreur d’Augustin, comme celle des oecuménistes aujourd’hui, c’est de vouloir trouver un sens dogmatique à l’ECONOMIE de l’Eglise, alors qu’il ne s’agit que d’un usage passager et rendu nécessaire par les circonstances.
Cette idée blasphématoire d’un baptême pour la damnation n’a jamais été une idée patristique ; et si elle est apparue en Russie au XVIIIème siècle, sous l’influence de la théologie latine, elle n’a rien d’orthodoxe. La thèse augustinienne a eu une certaine audience en Russie au XIXème siècle, et en 1903, le Saint Synode de l’Eglise Russe pouvait à la fois considérer les Latins comme APOSTATS et comme ayant la SUCCESSION APOSTOLIQUE. Toutefois, outre que l’on ne voit pas comment on pourrait à la fois être chrétien et apostat, il s’agit là d’une conception très récente et qui n’a jamais fait autorité pour toute l’Eglise.
Sur la 4ème erreur
La thèse d’une opposition constante entre la rigueur grecque et l’économie russe, n’a pas de fondement historique. Elle a été inventée au XIXème siècle par l’écrivain anglican W. Palmer pour justifier son refus de devenir orthodoxe. Voyons brièvement pourquoi l’étude impartiale de l’histoire la rend inacceptable.
Jusqu’au XIIème siècle, la pratique grecque et russe était généralement de baptiser les Latins.
Au XVème siècle, le patriarcat de Constantinople décida de les chrismer, c’est-à-dire de les recevoir comme on recevait les hérétiques anciens : macédoniens, ariens… Le Concile de Constantinople de 1484 confirma cette décision.
Au XVIème siècle, les russes baptisaient les Latins et en 1520 un concile présidé par le Patriarche Philarète de Moscou confirma cet usage. En 1667, un autre concile tenu à Moscou, dans la période troublée du conflit avec les Vieux-Croyants, changea la pratique russe et décida que les Latins seraient reçus par la chrismation. Cet usage ne fut cependant pas appliqué partout et au début du XVIIIème siècle, on continuait de rebaptiser les hétérodoxes.
Vers le milieu du XVIIIème siècle, la pratique changea de nouveau en Grèce, et le Tome des patriarches orientaux, réunis en concile en 1756, demanda le retour au Baptême pour les Latins. Ce Concile fut présidé par le Patriarche Cyrille V de Constantinople et sa décision n’a jamais été révoquée jusqu’à ce jour dans l’Eglise grecque. Le Pidalion de saint Nicodème de l’Athos suit la même règle.
A la fin du XVIIIème siècle, la théologie russe subit l’influence latine et pour la première fois la question fut posée en terme de reconnaissance du Baptême des hérétiques. Cependant, à la fin du XIXème siècle, un mouvement de retour à la tradition commença à s’opérer sous la direction du Métropolite Antoine Khrapovitzky. La « Lettre sur l’Unité de l’Eglise », de Monseigneur Hilarion, montre que certains hiérarques étaient favorables à la règle du baptême des hétérodoxes.
Aujourd’hui, l’Eglise russe de Moscou supprime généralement la chrismation des hétérodoxes et les reçoit par la communion, ou par un nouveau rite de "crachement" sur l’occident. L’Eglise russe Hors Frontières (ERHF), pour éviter les confusions dues à l’œcuménisme, est revenue officiellement, en 1971, à la règle du Baptême des hétérodoxes. L’Eglise de Constantinople de la diaspora reçoit par la chrismation.
Le Mont Athos reçoit par le Baptême comme l’Eglise de Grèce, de même que le patriarcat de Jérusalem. Le patriarcat d’Antioche, au contraire, applique des économies « extrêmes ».
Pierre l’Huillier conclut, de la variété des usages, que l’Eglise n’a pas de discipline fixée. Mais sa méthode est fausse ; elle consiste, au lieu de partir de l’intérieur, c’est-à-dire de la doctrine de l’Eglise sur le Baptême, à collectionner une série de faits qui ne prouvent rien.
En réalité, aujourd’hui, la séparation n’est plus entre ceux qui appliquent l’économie et ceux qui s’en tiennent à la rigueur ; mais la ligne frontière passe entre ceux qui reconnaissent les sacrements des hétérodoxes et ceux qui, fidèles à la Tradition, affirment qu’il n’y a pas d’ « Eglise » hors de l’Eglise du Christ.
Le problème si mal posé par les « Dogmatiques » du XIXème siècle, qui traitaient des Sacrements indépendamment de l’Eglise, doit être renversé. L’Eglise orthodoxe est le seul mystère ; elle seule peut conférer les sacrements, parce qu’en elle réside la plénitude du Saint Esprit ; elle est, en ce sens, le seul sacrement. Celui qui ne confesse pas que l’Eglise Orthodoxe est l’Eglise une et unique du Christ, ne peut parler ni de Baptême ni d’économie, car il n’y a pas d’économie possible là où la règle est refusée ou niée. Et si la foi orthodoxe manque, l’économie n’a plus d’appui.
Il ne peut donc y avoir de discussions abstraites, scolaires, sur les rites des hétérodoxes, et ceux qui ne sont pas fidèles aux rites et aux règles orthodoxes n’ont aucune autorité pour enseigner « Nous croyons, écrit saint Grégoire de Nysse, que notre participation aux rites et aux symboles des mystères affermit notre salut ; pour les dogmes, en effet, ceux qui sont au-dehors de l’Eglise en dissertent aussi, et souvent avec bonheur. Mais comme ils négligent et dédaignent la participation aux symboles et aux rites mystiques, dont dépend toute la force du christianisme, comment ne seraient-ils pas, en fait, des persécuteurs de la foi, conduisant leurs sectateurs à la transgression du christianisme ? Car la tradition des saints mystères est elle-même une Loi. Ceux donc qui, dans les actes, renient la foi et bafouent les rites, que font-ils, sinon transgresser les dogmes du salut ? »
Les questions que nous avons évoquées ici furent un jour posées à l’admirable théologien laïc grec Alexandre Kalomiros. Nous résumons ci-dessous sa réponse, car jamais nous n’aurions pu nous exprimer d’une façon aussi claire et précise :
« L’Eglise, le Corps du Christ, est un organisme divino-humain, et donc la source de toute grâce, qu’elle offre librement, sans aucune restriction possible autre que notre volonté propre. Elle est toute-puissante et libre, comme le Christ qui est sa tête. Sa puissance bienfaisante, la grâce divine, ne peut être limitée par rien. Mais les hommes sont des êtres matériels et pour s’unir à nous, et par nous à toute la création, Dieu est devenu homme, prenant sur lui la matière. Et c’est par cette matière que nous sommes unis à lui et sauvés. Ce sont les mystères de l’Eglise, ses actes matériels, qui nous transmettent la grâce divine et nous unissent à Dieu. L’Eglise tout entière est un mystère donnant la grâce de mille manières que Dieu seul connaît. Il est rationaliste de dire que l’Eglise a sept mystères. Elle en sept mille et davantage, à l’infini...
…Les sept mystères que nous connaissons et que nous nommons sont sept manières fondamentales de recevoir la grâce : mais ce ne sont pas les seules. Nous sommes des êtres matériels et nous avons besoin de moyens matériels pour nous unir à Dieu, de moyens palpables. Leur existence montre l’amour de Dieu pour nous et la connaissance qu’il a de notre nature et de nos besoins. Ces moyens sont faits pour nous, non pas nous pour eux...
…Le Baptême est la porte d’entrée palpable de l’Eglise, par laquelle nous entrons dans le mystère du Christ. Toutefois, ceux qui ne peuvent pas le recevoir, non à cause de leur refus, mais à cause d’empêchements extérieurs qui ne dépendent pas de leur volonté, ne seront pas perdus. L’Eglise a d’autres moyens pour leur accorder sa grâce. C’est alors l’Eglise qui accorde la grâce, mais par des moyens que nous ne connaissons pas. Tous ceux qui désirent Dieu dans le fond de leur cœur seront unis à Lui par la grâce de son Eglise et par des moyens et des manières que seul Dieu connaît...
…Pourtant, ce n’est que l’Eglise qui peut donner la grâce. Hors de l’Eglise, il n’y a pas de grâce, il n’y a pas d’union avec Dieu, il n’y a pas de salut. L’Eglise est un mystère que nous ne pouvons pas fixer dans le temps ou dans l’espace ; nous ne pouvons décrire comment elle agit et sauve le monde. Nous connaissons certaines choses, mais non pas toutes. Une des choses que nous connaissons d’Elle, c’est qu’elle est le domaine de la Vérité. Qu’elle existe là où la Vérité existe, et n’existe pas où la Vérité n’existe pas. Ce fait est le fondement de toute connaissance sur l’Eglise, le commencement de sa compréhension. L’Eglise est libre et toute-puissante et n’est pas limitée par les moyens qu’elle offre aux hommes pour s’unir à Dieu. Mais il est une chose qu’elle ne peut pas faire : Elle ne peut pas se renier Elle-même, Elle ne peut pas exister ni agir là où la Vérité n’existe pas. L’hérésie et le mensonge constituent le domaine situé hors de l’Eglise, domaine créé par la volonté libre et intime des êtres logiques (raisonnables) que Dieu, dans son amour profond envers ses créatures, respecte absolument...
…Les hérétiques (Catholiques Romains, Protestants, etc.) en restant librement hors de l’Eglise, ne peuvent pas participer à la grâce qui émane de l’Eglise, car ils la nient librement. Quand l’homme ne veut pas de Dieu, Dieu ne s’impose pas à lui de force. Il est donc ridicule de se demander si les hérétiques ont des mystères. Ceux qui le font ne comprennent rien du mystère divino-humain qu’est l’Eglise. Et s’ils n’ont pas de mystères, ils n’ont bien sûr pas de Baptême. Non parce qu’ils n’ont pas la triple immersion complète, ni parce qu’ils n’invoquent pas la Sainte Trinité, ni pour toute autre raison de ce genre ; mais parce que hors de l’Eglise, il n’y a pas de grâce, même si toutes les formes extérieures sont correctes...
…L’Eglise pourtant, voulant sauver tous les hommes et faciliter leur chemin de retour vers la Vérité, qui est Dieu Lui-même, souvent ne les baptise pas, appliquant ce qui s’appelle « l’économie » ; alors agit la force mystérieuse que possède l’Eglise d’accorder la grâce par des manières autres que celles que nous connaissons, ou à travers d’autres mystères, comme dans ce cas la chrismation. Ainsi, les hérétiques qui sont revenus à l’Eglise en deviennent de véritables membres et reçoivent la grâce de Dieu dans sa plénitude, sans être jamais baptisés. L’Eglise est toute-puissante et peut sauver les hommes n’importe comment...
…N’oublions pas tous les martyrs qui sont des saints de l’Eglise et ont trouvé la mort pour le Christ avant d’avoir été baptisés. Le Sabbat a été fait pour l’homme, non pas l’homme pour le Sabbat...
…Malgré tout cela, pourtant, les évêques qui auront à décider dans chaque cas s’ils appliquent l’exactitude (acribie) ou l’économie, porteront une grave responsabilité. Une fausse décision peut faire du mal, non pas seulement à ceux qui seront alors reçus dans l’Eglise, mais aussi à tout le monde, donnant des impressions fausses ou rendant plus difficile le retour des hérétiques. Et bien entendu, les temps ne sont pas les mêmes et ce qui était correct à l’époque de saint Marc d’Ephèse, par exemple, peut être complètement faux aujourd’hui. La question n’est pas de savoir seulement si les hérétiques d’alors avaient ou non la triple immersion complète. Les critères sont multiples. Du reste, immersion ou non, le « Baptême » hérétique est également inexistant. Enfin, la faute des évêques d’une époque ne doit pas être perpétuée à toutes les époques. Par leur décision sur la façon de recevoir les hérétiques, les évêques de chaque époque sont jugés : ils montrent ce qu’ils ont dans le cœur, l’amour du Christ ou l’amour du monde. Mais ce n’est pas à nous de juger les évêques des époques passées ni de dire s’ils ont employé justement l’économie ou là rigueur. Nous n’avons, du reste, pas assez de critères historiques pour le faire. Pour nous, nous devons voir ce qui doit être appliqué aujourd’hui dans les conditions historiques de notre temps...
…Dans les conditions présentes, l’application de l’économie serait à mon avis néfaste, car elle renforcerait la fausse impression qui existe actuellement, à cause de l’œcuménisme, à savoir que les hérétiques ont des mystères et sont baptisés. Ce serait un crime contre la Vérité, un soutien apporté à L’œcuménisme – l’hérésie par excellence de notre époque –, la destruction d’âmes humaines qui, recevant la fausse impression qu’elles sont bien là où elles sont, ne chercheront pas leur salut dans l’Eglise. Etant donné la mentalité actuelle, seul le Baptême des hérétiques revenant à l’Orthodoxie peut montrer à tout le monde ce que l’Eglise pense de leur hérésie car les gens ne savent pas que la chrismation, elle aussi, prouve que l’Eglise les considère comme hérétiques et ne possédant pas les mystères...
…Une autre raison pour laquelle nous devons aujourd’hui appliquer la rigueur et baptiser les hérétiques est la crise de conscience et la crise psychologique que nous provoquons tôt ou tard chez ceux qui sont reçus par la seule chrismation. Ces personnes sont en général aujourd’hui des gens très cultivés qui cherchent la vérité et qui étudient beaucoup. Il arrive un jour ou l’autre qu’ils comprennent plus à fond que l’« Eglise » qu’ils ont quittée n’avait pas la grâce de Dieu et ne les avait pas baptisées. Ils comprennent aussi, de plus en plus, l’importance et la place cardinale du Baptême dans le salut de l’homme… Un pasteur vraiment sage ne devrait jamais provoquer une telle crise chez des brebis qui désirent sincèrement le salut. Ces gens risquent d’ailleurs de considérer par la suite l’acte de les recevoir sans Baptême comme un piège cruel… La nature humaine demande des choses palpables et matérielles et Dieu les a données aux hommes. Qui sommes-nous pour les priver de ces dons ? »
Editorial
Je confesse un seul Baptême
Par le Baptême, notre nature malade est régénérée, renouvelée en Christ, en sa Mort et sa Résurrection que figure la triple immersion dans les eaux baptismales : « Enseveli dans les eaux, écrit saint Cyrille de Jérusalem, tu ressuscites marchant dans une vie renouvelée ».
Par le Baptême, nous entrons dans l’Eglise du Christ, et cette cérémonie, dit le Grand Denys de l’Aréopage, « inculque à l’initié, par ses saintes instructions, les préceptes d’une vie sainte, en même temps que par la purification physique de l’eau, elle lui enseigne de façon plus corporelle à se purifier de toute malice en menant une vie vertueuse et toute en Dieu ».
Le Baptême a toujours intrigué la pensée rationaliste qui a essayé de le réduire à un simple rite extérieur, à un symbole dénué de sanctification réelle. Mais cette réduction que l’on trouve dans la théologie protestante a été préparée bien avant par la théologie latino-francque des sacrements, qui a cherché le sens propre, l’« essence », la raison formelle, si l’on peut dire, du Baptême. Cette théologie latine qui numérote, classe et définit les mystères chrétiens dans un ordre satisfaisant pour la logique humaine, est passée en Russie au XVIIIème siècle, où elle a influencé les « Dogmatiques » orthodoxes.
Le résultat a été que certains théologiens ont commencé à reconnaître comme valide, le Baptême chez les hétérodoxes, sans pour cela reconnaître les hétérodoxes comme l’Eglise. Il y avait donc une théologie du Baptême et une théologie de l’Eglise : le Baptême était une chose, et l’Eglise une autre. De là on a déduit bientôt qu’il y avait une Eglise invisible des baptisés et une Eglise orthodoxe visible, et enfin, qu’il y avait tous les baptisés – d’un côté - mais plus du tout d’Eglise Orthodoxe, de l’autre.
Aujourd’hui, du fait de cette maladie que l’on nomme désormais « œcuménisme », la situation est devenue si confuse que les idées les plus fausses et les plus absurdes circulent sur la théologie orthodoxe du Baptême. Nous avons relevé quatre erreurs principales, qui sont un véritable renversement de la tradition patristique orthodoxe :
1ère erreur : Les fidèles orthodoxes, comme les hétérodoxes, catholiques-romains (papistes) ou protestants, acceptent identiquement le Baptême, ils en ont la même idée. Seuls quelques protestants le rejettent mais ils sont minoritaires.
2ème erreur : L’usage de l’« économie » dans l’Eglise Orthodoxe, à l’égard des hétérodoxes, c’est-à-dire leur réception sans Baptême, par la chrismation seule ou même par l’eucharistie serait la preuve que l’Eglise Orthodoxe reconnaît le Baptême protestant ou romain. Puisqu’ils sont déjà baptisés, les orthodoxes ne doivent pas les rebaptiser, mais les recevoir par la chrismation.
3ème erreur : Il n’y a pas de doctrine claire dans l’Eglise Orthodoxe quant à la réalité du Baptême donné hors de l’Eglise. Cette thèse a été résumée ainsi : « Il y a toujours eu des opinions divergentes sur la valeur des sacrements conférés en dehors des limites canoniques de l’Eglise ».
4ème erreur, d’ordre surtout historique : Il y aurait une doctrine russe et une doctrine grecque. La tradition grecque serait sévère et rigoriste, et la tradition russe serait plus douce, plus miséricordieuse. Ces deux traditions seraient toutes deux acceptables, mais la seconde, bien sûr, devrait être considérée comme supérieure moralement à la première.
Nous allons répondre maintenant à ces quatre erreurs.
Sur la 1ère erreur
À propos du Baptême, les orthodoxes, les protestants et les catholiques romains, même s’ils prononcent les mêmes mots, ne mettent absolument pas, sous ces mots, la même réalité, ni la même doctrine.
A. Pour les orthodoxes, le Baptême est tout d’abord, conformément à la tradition et à l’étymologie, une immersion : « Celui qui est immergé dans les eaux et baptisé est entièrement recouvert d’eau » (Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses Baptismales 17, 14).
Cette immersion est une figure de la mort et de la résurrection : « Le Baptême est une figure de la mort du Christ, car les trois immersions signifient les trois jours passés par le Seigneur dans le tombeau » (Jean Damascène, Exposition de la Foi Orthodoxe, 4, 9) ; « Comme s’il s’agissait d’un tombeau, le vieil homme est enseveli dans les eaux et y descendant, il est entièrement caché » (Saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Jean 25, 2).
Or, en Occident, depuis la fin du XIVème siècle, le Baptême n’est plus un Baptême au sens étymologique, mais une aspersion, et la tradition ancienne du Baptême, supprimée sans raison. On peut lire les détails de cette altération historique dans P.W. Guettée, « La Papauté Hérétique », p. 122 et suivantes.
Or, lorsque saint Basile le Grand au Vème siècle traite de la réception des différents groupes d’Ariens dans l’Eglise, il évoque cette question de la « forme » du Baptême ; ceux qui ont la forme du Baptême orthodoxe, c’est-à-dire la triple immersion au nom des trois hypostases de la Sainte Trinité, ne seront pas rebaptisés ; en revanche, ceux qui n’ont pas cette forme devront être baptisés par l’Eglise Orthodoxe. Saint Basile compare la forme du Baptême à un vase dont le contenu est l’Esprit Saint. Ainsi, quand le vase existe, il est facile de le remplir ; mais là où il n’y a pas de vase, que pourrait-on bien « valider » ?
Pour cette raison, de nombreux théologiens orthodoxes ont considéré que les Occidentaux, qui n’ont plus depuis longtemps le « vase », la « forme » qui est la triple immersion, doivent être reçus par le Baptême. Suivant en cela saint Basile ; et saint Nicodème de l’Athos, qui fait autorité dans l’Eglise Orthodoxe, affirme dans son Pidalion ou Commentaire des Canons, que "recevoir" les Latins par la chrismation seule n’est pas une "économie", mais une transgression des règles de l’Eglise.
B. La doctrine du Baptême n’est pas non plus la même chez les orthodoxes et chez les hétérodoxes : ces derniers diffèrent aussi entre eux sur cette importante question.
Pour les protestants, en général, le Baptême est un simple signe extérieur et symbolique qui manifeste une réalité intérieure déjà existante.
Pour les catholiques-romains (papistes), le Baptême est principalement la suppression du péché originel, c’est-à-dire de la CULPABILITE d’Adam transmise à chaque homme. Par cette suppression, la colère de Dieu est satisfaite, comme elle l’a été par la mort sur la Croix de son Fils. Cette suppression de la culpabilité étant réelle, la théologie catholique romaine diffère profondément de la théologie protestante sur ce point.
Mais dans les deux cas (protestantisme et papisme), le Baptême n’est nullement la destruction ontologique, en l’homme, du principe de la mort, par l’action vivifiante et réelle de Dieu. Il ressort clairement de l’office orthodoxe du Baptême et de la bénédiction des eaux, que dans ce mystère, Dieu ne "remet" pas une faute de façon juridique ou morale, mais régénère notre nature « usée par le péché », la refaçonne et la recrée dans l’eau par son énergie incréée, son effusion sanctifiante.
Sans la théologie patristique de la rédemption et sans la doctrine orthodoxe de la grâce incréée, le Baptême ne peut se comprendre. Or, sur ces deux sujets de la Rédemption et de la Grâce, l’Occident a suivi Augustin d’Hippone, qui raisonne à partir de la transmission de la culpabilité adamique (péché originel) et qui affirme que la grâce est créée, donc extérieure à la divinité. Mais comment notre nature pourrait-elle être régénérée par une grâce créée ? Comment pourrait-elle devenir capable de déification sans l’énergie divine ? L’Occident ne répond pas.
Aucun « dialogue » sérieux sur la question du Baptême ne pourra être sérieusement envisagé si l’on ne reconnaît pas que les présupposés théologiques des conceptions orthodoxe, protestante et catholique-romaine sont opposés ; la conception orthodoxe repose sur la théologie patristique de la Rédemption et de la Grâce, la conception catholique et la conception protestante sont fondées, mais de façons contraires, sur la théologie augustinienne.
Sur la 2ème erreur
Les canons sont la mesure parfaite, la Règle d’Or dont parle l’Apocalypse (21, 15) et qui sert à mesurer la Nouvelle Création, la Jérusalem Céleste qui est l’Eglise du Christ. Appliquer les Canons, c’est user de rigueur ou, selon le vocabulaire orthodoxe, d’« acribie ». C’est aussi, pour les évêques et les prêtres, se conformer à l’enseignement apostolique, atteindre le salut et garantir la paix de l’Eglise et des fidèles. Mais il existe des situations particulières ou des circonstances difficiles dans lesquelles l’Eglise, qui a le souci du salut de tous les hommes, peut tempérer ou dépasser ses propres règles. Ce second mode de « gouvernement » ecclésiastique s’appelle « l’économie ». A ce propos, il convient de noter trois points fondamentaux.
A. L’économie n’est jamais une reconnaissance de ce qui est hors de l’Eglise ; elle procède d’une concession faite par l’Eglise, et non pas d’une analyse dogmatique du contenu des hérésies.
C’est pour cette raison que la pratique, dans l’administration du Baptême, variait, dans l’Orthodoxie, d’une Eglise locale à l’autre, sans que l’unité de l’Eglise en fût rompue.
Donnons un exemple : on dit parfois qu’il convient de baptiser les hérétiques qui reviennent à l’Eglise, mais qu’il suffit seulement de donner la chrismation aux schismatiques. Cela est faux ; tous les Pères affirment, unanimement, que la grâce n’existe pas plus dans le schisme que dans l’hérésie. Le Baptême, la chrismation, sont les voies que l’Eglise choisit pour réunir à elle ceux qui sont hors de sa communion. Ils ne prouvent rien sur la nature de la séparation : dogmatique (hérésie) ou disciplinaire (schisme).
Ainsi, dans l’Encyclique que nous publions dans ce numéro 10 de « La Lumière du Thabor », saint Marc d’Ephèse dit clairement que les Latins sont reçus par la CHRISMATION parce qu’ils sont HERETIQUES : « Pourquoi chrismons-nous les latins qui viennent à l’orthodoxie ? N’est-ce pas, à l’évidence, parce qu’ils sont hérétiques ? » D’autres Pères, en des temps et des lieux différents, ont décidé de les recevoir par le Baptême. Mais il n’y a pas de contradiction, puisque les Pères orthodoxes sont d’accord pour juger hérétiques les dogmes des latins : « Nous nous sommes détournés des Latins comme on se détourne des hérétiques et c’est pour cela que nous sommes aujourd’hui séparés d’eux » dit encore saint Marc d’Ephèse.
B. L’usage de l’économie est une chose grave.
Le prêtre ou l’évêque qui use d’économie aura personnellement à en rendre compte devant le Seigneur. En ce sens, l’économie n’est jamais un droit, ni un usage autorisé par la coutume.
La querelle du IIIème siècle entre le pape Stéphane (Etienne) et saint Cyprien illustre ce point. Elle portait sur les raisons d’appliquer l’économie de l’Eglise aux Novatiens. Pour Stéphane, l’économie était justifiée, alors que pour saint Cyprien, dans ce cas précis, elle ne l’était pas. C’est ainsi que trois Conciles locaux, destinés à rappeler la règle apostolique, se réunirent à Carthage. Toutefois, dans ce différend entre Cyprien et Stéphane, la communion des Eglises n’a pas été rompue, parce que l’unité de foi demeurait.
Aujourd’hui, certains tentent de faire passer l’économie, c’est-à-dire la réception des hétérodoxes par la chrismation, pour un droit fondé sur une tradition ancienne. Cela est contraire à l’idée même d’économie.
C. L’économie est passagère.
Les prêtres l’appliquent dans des situations difficiles ou tragiques, comme lorsqu’il existe une menace de persécutions, ou pour des raisons matérielles, quand des peuples entiers reviennent à l’orthodoxie, ou encore dans des cas strictement individuels. De ce fait, toute spéculation sur les raisons « dogmatiques » de l’économie est une contradiction.
Sur ce point, comme sur les autres, nous renvoyons le lecteur à l’admirable « Lettre sur l’Unité de l’Eglise » du Nouveau Martyr Hilarion Troïtsky, récemment publiée en français par la Fraternité Orthodoxe Saint Grégoire Palamas.
Sur la 3ème erreur
L’idée qu’il y aurait dans l’Eglise, deux doctrines extrêmes quant au mode de réception des catholiques romains (papistes) dans l’orthodoxie – entre lesquelles différentes conceptions intermédiaires sont possibles –, cette idée a été récemment défendue par un canoniste du Patriarcat de Moscou, Pierre l’Huillier (Cf Le Messager Orthodoxe n°82). Cette théorie provient d’une confusion entre la doctrine orthodoxe exposée, entre autres, par saint Cyprien, et les idées d’Augustin d’Hippone sur la même question. Voyons ces deux doctrines.
Les déclarations de saint Cyprien, selon lesquelles il n’existe aucun Baptême hors de l’Eglise, ne lui sont pas propres et elles ont été ratifiées par trois conciles locaux, tenus, nous l’avons vu, en Afrique ; lors du premier en 255, on décréta que personne ne pouvait être baptisé hors de l’Eglise, puisque l’Eglise ne reconnaît qu’un seul Baptême. En 258, deux autres conciles carthaginois réunirent 71, puis 84 évêques de la Numidie et de l’Afrique : on confirma le concile de 255 en déclarant que le Baptême donné chez les hérétiques n’était pas un Baptême. Une lettre canonique fut envoyée aux principaux sièges épiscopaux ; cette lettre, qui affirme la nécessité de baptiser les hérétiques qui viennent à l’Eglise, fut ratifiée par le Deuxième Canon du VIème Concile Œcuménique. Dans ses écrits canoniques et ses autres ouvrages, saint Basile le Grand se réfère aussi aux Conciles assemblés sous saint Cyprien ; ils font autorité dans l’Eglise et résument son enseignement.
Tout au contraire, les idées d’Augustin d’Hippone sur le baptême sont le fruit de spéculations philosophiques et n’ont trouvé place dans aucun concile local ou œcuménique ; c’est en vain qu’on en chercherait trace dans les recueils canoniques.
A vrai dire, les conceptions d’Augustin sur cette question sont, pour le moins, contradictoires. Les hérétiques et les schismatiques ont, selon lui, le Baptême, mais ils n’ont en rien l’Eglise et sont hors de l’Eglise. Ils sont baptisés, mais, à leur sortie des eaux baptismales, ils sont damnés parce qu’ils demeurent dans le schisme, hors de l’amour et de la communion ecclésiale. L’invocation de la Sainte Trinité en fait des chrétiens, mais pour leur perte : « Chez ceux qu’ils baptisent, les donatistes guérissent la blessure de l’idolâtrie ou de l’infidélité, mais ils leur infligent une blessure plus grave encore, celle du schisme. Les idolâtres, en effet, dans le peuple de Dieu, c’est le glaive qui les fit périr ; quant aux schismatiques, la terre s’ouvrit pour les engloutir ».
Par cette idée, les catholiques (papistes) ont justifié la persécution des protestants : ils avaient le baptême, mais non la charité ; il fallait donc les forcer à avoir cette dernière !
L’erreur d’Augustin, comme celle des oecuménistes aujourd’hui, c’est de vouloir trouver un sens dogmatique à l’ECONOMIE de l’Eglise, alors qu’il ne s’agit que d’un usage passager et rendu nécessaire par les circonstances.
Cette idée blasphématoire d’un baptême pour la damnation n’a jamais été une idée patristique ; et si elle est apparue en Russie au XVIIIème siècle, sous l’influence de la théologie latine, elle n’a rien d’orthodoxe. La thèse augustinienne a eu une certaine audience en Russie au XIXème siècle, et en 1903, le Saint Synode de l’Eglise Russe pouvait à la fois considérer les Latins comme APOSTATS et comme ayant la SUCCESSION APOSTOLIQUE. Toutefois, outre que l’on ne voit pas comment on pourrait à la fois être chrétien et apostat, il s’agit là d’une conception très récente et qui n’a jamais fait autorité pour toute l’Eglise.
Sur la 4ème erreur
La thèse d’une opposition constante entre la rigueur grecque et l’économie russe, n’a pas de fondement historique. Elle a été inventée au XIXème siècle par l’écrivain anglican W. Palmer pour justifier son refus de devenir orthodoxe. Voyons brièvement pourquoi l’étude impartiale de l’histoire la rend inacceptable.
Jusqu’au XIIème siècle, la pratique grecque et russe était généralement de baptiser les Latins.
Au XVème siècle, le patriarcat de Constantinople décida de les chrismer, c’est-à-dire de les recevoir comme on recevait les hérétiques anciens : macédoniens, ariens… Le Concile de Constantinople de 1484 confirma cette décision.
Au XVIème siècle, les russes baptisaient les Latins et en 1520 un concile présidé par le Patriarche Philarète de Moscou confirma cet usage. En 1667, un autre concile tenu à Moscou, dans la période troublée du conflit avec les Vieux-Croyants, changea la pratique russe et décida que les Latins seraient reçus par la chrismation. Cet usage ne fut cependant pas appliqué partout et au début du XVIIIème siècle, on continuait de rebaptiser les hétérodoxes.
Vers le milieu du XVIIIème siècle, la pratique changea de nouveau en Grèce, et le Tome des patriarches orientaux, réunis en concile en 1756, demanda le retour au Baptême pour les Latins. Ce Concile fut présidé par le Patriarche Cyrille V de Constantinople et sa décision n’a jamais été révoquée jusqu’à ce jour dans l’Eglise grecque. Le Pidalion de saint Nicodème de l’Athos suit la même règle.
A la fin du XVIIIème siècle, la théologie russe subit l’influence latine et pour la première fois la question fut posée en terme de reconnaissance du Baptême des hérétiques. Cependant, à la fin du XIXème siècle, un mouvement de retour à la tradition commença à s’opérer sous la direction du Métropolite Antoine Khrapovitzky. La « Lettre sur l’Unité de l’Eglise », de Monseigneur Hilarion, montre que certains hiérarques étaient favorables à la règle du baptême des hétérodoxes.
Aujourd’hui, l’Eglise russe de Moscou supprime généralement la chrismation des hétérodoxes et les reçoit par la communion, ou par un nouveau rite de "crachement" sur l’occident. L’Eglise russe Hors Frontières (ERHF), pour éviter les confusions dues à l’œcuménisme, est revenue officiellement, en 1971, à la règle du Baptême des hétérodoxes. L’Eglise de Constantinople de la diaspora reçoit par la chrismation.
Le Mont Athos reçoit par le Baptême comme l’Eglise de Grèce, de même que le patriarcat de Jérusalem. Le patriarcat d’Antioche, au contraire, applique des économies « extrêmes ».
Pierre l’Huillier conclut, de la variété des usages, que l’Eglise n’a pas de discipline fixée. Mais sa méthode est fausse ; elle consiste, au lieu de partir de l’intérieur, c’est-à-dire de la doctrine de l’Eglise sur le Baptême, à collectionner une série de faits qui ne prouvent rien.
En réalité, aujourd’hui, la séparation n’est plus entre ceux qui appliquent l’économie et ceux qui s’en tiennent à la rigueur ; mais la ligne frontière passe entre ceux qui reconnaissent les sacrements des hétérodoxes et ceux qui, fidèles à la Tradition, affirment qu’il n’y a pas d’ « Eglise » hors de l’Eglise du Christ.
Le problème si mal posé par les « Dogmatiques » du XIXème siècle, qui traitaient des Sacrements indépendamment de l’Eglise, doit être renversé. L’Eglise orthodoxe est le seul mystère ; elle seule peut conférer les sacrements, parce qu’en elle réside la plénitude du Saint Esprit ; elle est, en ce sens, le seul sacrement. Celui qui ne confesse pas que l’Eglise Orthodoxe est l’Eglise une et unique du Christ, ne peut parler ni de Baptême ni d’économie, car il n’y a pas d’économie possible là où la règle est refusée ou niée. Et si la foi orthodoxe manque, l’économie n’a plus d’appui.
Il ne peut donc y avoir de discussions abstraites, scolaires, sur les rites des hétérodoxes, et ceux qui ne sont pas fidèles aux rites et aux règles orthodoxes n’ont aucune autorité pour enseigner « Nous croyons, écrit saint Grégoire de Nysse, que notre participation aux rites et aux symboles des mystères affermit notre salut ; pour les dogmes, en effet, ceux qui sont au-dehors de l’Eglise en dissertent aussi, et souvent avec bonheur. Mais comme ils négligent et dédaignent la participation aux symboles et aux rites mystiques, dont dépend toute la force du christianisme, comment ne seraient-ils pas, en fait, des persécuteurs de la foi, conduisant leurs sectateurs à la transgression du christianisme ? Car la tradition des saints mystères est elle-même une Loi. Ceux donc qui, dans les actes, renient la foi et bafouent les rites, que font-ils, sinon transgresser les dogmes du salut ? »
Les questions que nous avons évoquées ici furent un jour posées à l’admirable théologien laïc grec Alexandre Kalomiros. Nous résumons ci-dessous sa réponse, car jamais nous n’aurions pu nous exprimer d’une façon aussi claire et précise :
« L’Eglise, le Corps du Christ, est un organisme divino-humain, et donc la source de toute grâce, qu’elle offre librement, sans aucune restriction possible autre que notre volonté propre. Elle est toute-puissante et libre, comme le Christ qui est sa tête. Sa puissance bienfaisante, la grâce divine, ne peut être limitée par rien. Mais les hommes sont des êtres matériels et pour s’unir à nous, et par nous à toute la création, Dieu est devenu homme, prenant sur lui la matière. Et c’est par cette matière que nous sommes unis à lui et sauvés. Ce sont les mystères de l’Eglise, ses actes matériels, qui nous transmettent la grâce divine et nous unissent à Dieu. L’Eglise tout entière est un mystère donnant la grâce de mille manières que Dieu seul connaît. Il est rationaliste de dire que l’Eglise a sept mystères. Elle en sept mille et davantage, à l’infini...
…Les sept mystères que nous connaissons et que nous nommons sont sept manières fondamentales de recevoir la grâce : mais ce ne sont pas les seules. Nous sommes des êtres matériels et nous avons besoin de moyens matériels pour nous unir à Dieu, de moyens palpables. Leur existence montre l’amour de Dieu pour nous et la connaissance qu’il a de notre nature et de nos besoins. Ces moyens sont faits pour nous, non pas nous pour eux...
…Le Baptême est la porte d’entrée palpable de l’Eglise, par laquelle nous entrons dans le mystère du Christ. Toutefois, ceux qui ne peuvent pas le recevoir, non à cause de leur refus, mais à cause d’empêchements extérieurs qui ne dépendent pas de leur volonté, ne seront pas perdus. L’Eglise a d’autres moyens pour leur accorder sa grâce. C’est alors l’Eglise qui accorde la grâce, mais par des moyens que nous ne connaissons pas. Tous ceux qui désirent Dieu dans le fond de leur cœur seront unis à Lui par la grâce de son Eglise et par des moyens et des manières que seul Dieu connaît...
…Pourtant, ce n’est que l’Eglise qui peut donner la grâce. Hors de l’Eglise, il n’y a pas de grâce, il n’y a pas d’union avec Dieu, il n’y a pas de salut. L’Eglise est un mystère que nous ne pouvons pas fixer dans le temps ou dans l’espace ; nous ne pouvons décrire comment elle agit et sauve le monde. Nous connaissons certaines choses, mais non pas toutes. Une des choses que nous connaissons d’Elle, c’est qu’elle est le domaine de la Vérité. Qu’elle existe là où la Vérité existe, et n’existe pas où la Vérité n’existe pas. Ce fait est le fondement de toute connaissance sur l’Eglise, le commencement de sa compréhension. L’Eglise est libre et toute-puissante et n’est pas limitée par les moyens qu’elle offre aux hommes pour s’unir à Dieu. Mais il est une chose qu’elle ne peut pas faire : Elle ne peut pas se renier Elle-même, Elle ne peut pas exister ni agir là où la Vérité n’existe pas. L’hérésie et le mensonge constituent le domaine situé hors de l’Eglise, domaine créé par la volonté libre et intime des êtres logiques (raisonnables) que Dieu, dans son amour profond envers ses créatures, respecte absolument...
…Les hérétiques (Catholiques Romains, Protestants, etc.) en restant librement hors de l’Eglise, ne peuvent pas participer à la grâce qui émane de l’Eglise, car ils la nient librement. Quand l’homme ne veut pas de Dieu, Dieu ne s’impose pas à lui de force. Il est donc ridicule de se demander si les hérétiques ont des mystères. Ceux qui le font ne comprennent rien du mystère divino-humain qu’est l’Eglise. Et s’ils n’ont pas de mystères, ils n’ont bien sûr pas de Baptême. Non parce qu’ils n’ont pas la triple immersion complète, ni parce qu’ils n’invoquent pas la Sainte Trinité, ni pour toute autre raison de ce genre ; mais parce que hors de l’Eglise, il n’y a pas de grâce, même si toutes les formes extérieures sont correctes...
…L’Eglise pourtant, voulant sauver tous les hommes et faciliter leur chemin de retour vers la Vérité, qui est Dieu Lui-même, souvent ne les baptise pas, appliquant ce qui s’appelle « l’économie » ; alors agit la force mystérieuse que possède l’Eglise d’accorder la grâce par des manières autres que celles que nous connaissons, ou à travers d’autres mystères, comme dans ce cas la chrismation. Ainsi, les hérétiques qui sont revenus à l’Eglise en deviennent de véritables membres et reçoivent la grâce de Dieu dans sa plénitude, sans être jamais baptisés. L’Eglise est toute-puissante et peut sauver les hommes n’importe comment...
…N’oublions pas tous les martyrs qui sont des saints de l’Eglise et ont trouvé la mort pour le Christ avant d’avoir été baptisés. Le Sabbat a été fait pour l’homme, non pas l’homme pour le Sabbat...
…Malgré tout cela, pourtant, les évêques qui auront à décider dans chaque cas s’ils appliquent l’exactitude (acribie) ou l’économie, porteront une grave responsabilité. Une fausse décision peut faire du mal, non pas seulement à ceux qui seront alors reçus dans l’Eglise, mais aussi à tout le monde, donnant des impressions fausses ou rendant plus difficile le retour des hérétiques. Et bien entendu, les temps ne sont pas les mêmes et ce qui était correct à l’époque de saint Marc d’Ephèse, par exemple, peut être complètement faux aujourd’hui. La question n’est pas de savoir seulement si les hérétiques d’alors avaient ou non la triple immersion complète. Les critères sont multiples. Du reste, immersion ou non, le « Baptême » hérétique est également inexistant. Enfin, la faute des évêques d’une époque ne doit pas être perpétuée à toutes les époques. Par leur décision sur la façon de recevoir les hérétiques, les évêques de chaque époque sont jugés : ils montrent ce qu’ils ont dans le cœur, l’amour du Christ ou l’amour du monde. Mais ce n’est pas à nous de juger les évêques des époques passées ni de dire s’ils ont employé justement l’économie ou là rigueur. Nous n’avons, du reste, pas assez de critères historiques pour le faire. Pour nous, nous devons voir ce qui doit être appliqué aujourd’hui dans les conditions historiques de notre temps...
…Dans les conditions présentes, l’application de l’économie serait à mon avis néfaste, car elle renforcerait la fausse impression qui existe actuellement, à cause de l’œcuménisme, à savoir que les hérétiques ont des mystères et sont baptisés. Ce serait un crime contre la Vérité, un soutien apporté à L’œcuménisme – l’hérésie par excellence de notre époque –, la destruction d’âmes humaines qui, recevant la fausse impression qu’elles sont bien là où elles sont, ne chercheront pas leur salut dans l’Eglise. Etant donné la mentalité actuelle, seul le Baptême des hérétiques revenant à l’Orthodoxie peut montrer à tout le monde ce que l’Eglise pense de leur hérésie car les gens ne savent pas que la chrismation, elle aussi, prouve que l’Eglise les considère comme hérétiques et ne possédant pas les mystères...
…Une autre raison pour laquelle nous devons aujourd’hui appliquer la rigueur et baptiser les hérétiques est la crise de conscience et la crise psychologique que nous provoquons tôt ou tard chez ceux qui sont reçus par la seule chrismation. Ces personnes sont en général aujourd’hui des gens très cultivés qui cherchent la vérité et qui étudient beaucoup. Il arrive un jour ou l’autre qu’ils comprennent plus à fond que l’« Eglise » qu’ils ont quittée n’avait pas la grâce de Dieu et ne les avait pas baptisées. Ils comprennent aussi, de plus en plus, l’importance et la place cardinale du Baptême dans le salut de l’homme… Un pasteur vraiment sage ne devrait jamais provoquer une telle crise chez des brebis qui désirent sincèrement le salut. Ces gens risquent d’ailleurs de considérer par la suite l’acte de les recevoir sans Baptême comme un piège cruel… La nature humaine demande des choses palpables et matérielles et Dieu les a données aux hommes. Qui sommes-nous pour les priver de ces dons ? »
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