mercredi 12 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°14. Editorial.

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EDITORIAL


QUELQUES MODESTES PENSEES
SUR L’UNION DES EGLISES

Ces réflexions d’Alexandre Kalomiros ont été écrites il y a plusieurs lustres pour les fidèles orthodoxes d’Hellade, mais elles s’adressent, à part quelques détails locaux, à tout fidèle orthodoxe.

LA VOIE DE LA CONNAISSANCE

L‘Athéisme, comme la Réforme peuvent se dresser aujourd’hui, contre l’Orthodoxie ; mais leur attaque est fondée sur une méprise. Ils frappent l’Orthodoxie, parce qu’ils la regardent avec leurs propres critères, avec leur propre mentalité et la considèrent comme une variante du Catholicisme (papisme).

Et cela n’est pas dû à une mauvaise disposition, mais à une totale incapacité de juger avec d’autres critères et de penser avec une autre mentalité.

Le Catholicisme, le Protestantisme et l’Athéisme, se trouvent au même niveau. Ils sont les produits de la même mentalité ; tous les trois sont des systèmes philosophiques, des produits du rationalisme, c’est-à-dire la règle qui fait de la raison humaine le fondement de la certitude, la mesure de la Vérité, la voie de la connaissance.

Le fidèle orthodoxe se trouve sur un autre niveau et sa mentalité est toute différente. Pour lui, la philosophie est une voie sans issue qui n’a jamais mené à la certitude, à la vérité, à la connaissance. Le fidèle orthodoxe respecte la raison humaine, plus que n’importe qui et jamais il ne la transgresse ; elle est, pour lui, un instrument utile pour dépister le mensonge, pour découvrir l’erreur, mais jamais suffisante pour donner la certitude, éclairer, montrer la Vérité et mener à la connaissance.

La Connaissance, c’est la vision de Dieu et de sa création, dans le cœur purifié par la grâce divine et par les prières de l’homme : "Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu".

La Vérité n’est pas une série de définitions mais Dieu Lui-Même, concrètement révélé dans la Personne du Christ qui a dit : "Je suis la Vérité".

La certitude n’est pas un harmonieux assemblage intellectuel, mais un profond sentiment du cœur. Elle vient en l’homme, à la suite de la vision intérieure, et la chaleur de la Grâce divine l’accompagne. Jamais l’harmonieux assemblage intellectuel issu d’une mise en ordre rationnelle n’est suivi de ce sentiment.

La Philosophie se caractérise par la schématisation. La pensée humaine ne peut accepter la réalité telle qu’elle se donne. Elle la change d’abord en symboles qu’elle examine ensuite.
Ces symboles imitent schématiquement de la réalité. Or, les schémas sont loin de la réalité, comme un poisson peint d’un poisson vivant. La "vérité" du philosophe est une suite de schémas et d’images. Ces schémas présentent un grand avantage : compréhensibles, ils sont à la mesure de l’homme et satisfont sa pensée. Ils recèlent, cependant, un grand inconvénient : celui de n’avoir aucun rapport avec la réalité vivante.

La réalité vivante n’entre pas dans les moules de la pensée humaine ; elle est un état au-dessus de la raison. La philosophie, c’est la tentative de changer, de soumettre à la raison ce qui est au-dessus de la raison, et cela est une contrefaçon, une imposture. Voilà pourquoi l’Orthodoxie rejette la philosophie et ne l’admet pas comme une voie pouvant mener à la Connaissance.

La seule vois qui mène à la Connaissance, c’est la pureté du cœur ; elle seule permet l’habitation de la Sainte Trinite en l’homme. Ainsi Dieu seul, et avec lui toute la création est connu sans être schématise. Celui qui "EST" se fait connaître, sans devenir compréhensible ; II se fait connaître sans pour cela s’amoindrir, pour être contenu dans les limites étouffantes de la pensée humaine. Ainsi l’intellect humain, vivant et informel, entre en contact avec le Dieu vivant et informel.

La Connaissance c’est le contact vivant de l’amour réciproque entre l’homme, son Créateur et sa Création.

L’expérience de la Connaissance est quelque chose qui ne peut être exprimé par des paroles humaines. Quand l’Apôtre Paul a connu, il a dit avoir entendu des paroles ineffables, des choses que l’homme ne pouvait exprimer.

Telle est la très profonde théologie chrétienne : inexprimable. Les dogmes sont des formulations auxiliaires, ils ne sont pas la connaissance réelle ; ils sont des guides et des garde-fous. On peut posséder la Connaissance sans connaitre les dogmes comme on peut, également, connaître tous les dogmes et les admettre, sans pour cela posséder la Connaissance. C’est pour cette raison, qu’au-delà de la théologie cataphatique ou positive, les Pères ont placé le profond mystère de la théologie apophatique ou négative, où aucune définition n’a de place, où l’intelligence se tait immobile, où le cœur ouvre sa porte pour accueillir le Grand Visiteur, "qui se tient à la porte et qui frappe" et où l’intellect voit Celui qui "EST".

Que personne n’aille croire que tout cela est vrai pour la connaissance surnaturelle seulement, qui est un mouvement de Dieu vers l’homme.

L’homme ne peut rien connaître avec la logique et il ne peut être sûr de rien, ni de lui-même, ni du monde, ni des choses courantes et quotidiennes.

Qui, en vérité, s’attendait à entendre le syllogisme de Descartes : "Je pense, donc je suis", pour s’assurer qu’il existait vraiment ? Qui s’attendait, à ce que les philosophes lui prouvent que le monde qui l’environne était réel pour y croire ? D’ailleurs une telle preuve n’a jamais été fournie et ne le sera jamais, et tous ceux qui s’occupent de philosophie le savent bien.

Jamais personne n’a pu vraiment démontrer par la logique, que, tant nous-mêmes que nos pensées, et le monde qui nous environne, n’étaient pas imaginaires, un phantasme. Même si quelqu’un le démontrait logiquement -ce qui est impossible- la démonstration logique ne pourrait convaincre personne.

Si nous sommes certains d’exister, si nous sommes certains que nos amis ne sont pas nos propres prolongements, mais qu’ils existent réellement, nous ne devons pas cela aux démonstrations des philosophes, mais à la connaissance intérieure, à un sens intérieur, qui sans syllogismes, sans démonstrations, nous assure de toute chose.

La connaissance naturelle, la connaissance du cœur et non du cerveau, est le fondement solide de chaque pensée. Sur elle, la logique peut construire sans craindre la démolition ; sans elle, la logique construit sur le sable.

Cette connaissance naturelle conduit l’homme sur la voie de l’Evangile qui lui fait discerner la Vérité et le mensonge, le bien et le mal. Elle est le premier degré qui élève l’homme jusqu’au trône de Dieu. Quand l’homme, de son libre vouloir, a gravi cette première marche de la connaissance naturelle, alors Dieu se penche sur lui et lui révèle la connaissance céleste des mystères "que l’homme ne peut narrer".

La prédication des Apôtres et des Pères, les prophètes et l’Evangile, les paroles du Christ Lui-Même, s’adressent à la connaissance naturelle de l’homme, c’est le domaine des dogmes, le domaine de la théologie positive ou cataphatique ; c’est la crèche où naît la foi. Le commencement de la foi, c’est quand le cœur sent que dans ce petit livre qu’on appelle Evangile, parle la Vérité, que dans l’église où se rassemblent des hommes pauvres mais fidèles, Dieu descend et habite parmi eux. C’est quand la crainte t’envahit, parce que la terre que tu foules a été étalée par la main de Dieu, parce que la mer que tu contemples est grande et vaste, parce que tu marches, parce que tu respires, et quand commencent à couler de tes yeux tes larmes, des larmes de repentir, des larmes d’amour, des larmes de joie et quand tu sens les premières caresses des ineffables mystères.

La connaissance naturelle se trouve chez tous les hommes mais elle n’est pas pure chez tous. L’amour du plaisir possède la force de l’obscurcir. Les passions sont comme un brouillard, c’est pourquoi peu d’hommes trouvent le chemin de la Vérité. Combien ne se sont-ils pas égarés dans le dédale de la philosophie, cherchant un peu de lumière qu’ils ne verront jamais ?

Dans ce dédale, il n’y a plus d’importance à être chrétien ou athée, protestant ou catholique (papiste), platonicien ou aristotélicien. Il y a un point commun chez tous ces hommes : l’obscurité. Celui qui pénètre dans l’antre du rationalisme, cesse de voir. Quel que soit son vêtement, il prend la même couleur obscure. Quand ils discutent, ils se comprennent très bien l’un l’autre, parce qu’ils emploient tous les mêmes définitions : celles de l’obscurité. Et il leur est impossible de comprendre ceux qui se trouvent hors du dédale et qui voient la lumière. Tout ce que peuvent leur dire ceux du dehors, ils le saisissent d’après leurs propres définitions reçues et ils ne voient pas en quoi ils peuvent les dépasser.


LES MYSTERES REDOUTABLES

La discussion entre l’athéisme et la catholicisme (papisme) est possible ; ils discutent sur le même palier philosophique avec des arguments du même ordre.

Mais la discussion de l’Athéisme avec l’Orthodoxie est impossible parce que l’Orthodoxie parle une langue totalement incompréhensible pour l’Athéisme. L’Orthodoxie comprend certes, admirablement, la langue de l’Athéisme, mais si elle se sert de cette langue elle cesse d’être l’Orthodoxie.

Prenons, par exemple, la discussion sur l’homme. Le Catholicisme (papisme), admet que l’homme est forme d’âme et de corps. L’Athéisme n’admet pas l’existence de l’âme et enseigne que l’homme est seulement corps. Cette négation est une réponse à la conception catholique de l’homme.

Dans leur effort pour exprimer en un simple schéma le profond mystère de la nature humaine, les catholiques romains ont emprunté les conceptions helléniques sur l’âme et le corps qui étaient admirablement schématiques et ont défini l’âme et le corps de manière que les deux fussent parfaitement compréhensibles. Comme les Anciens, ils ont décrit l’âme comme indépendante, comme une entité auto-existante, qui était l’homme principal et ils ont ravalé le corps au niveau d’un poids inutile qui, comme le croyaient les hellènes, emprisonnait l’âme et ne la laissait pas se développer librement.

Le mystère de l’être humain fut rabaissé au niveau simpliste des définitions philosophiques où l’Athéisme devait le trouver, et commencer à le discuter, puisque lui aussi se mouvait au niveau des définitions philosophiques. Ainsi commençait un croisement interminable d’arguments philosophico-scientifiques, qui se poursuivra jusqu’à la fin du monde et, naturellement, sans rien prouver, la démonstration étant cherchée dans le cercle de la logique pure et non dans les thèmes qui la dépassent ; et son importance est toute auxiliaire, car, seule, elle ne peut conduire ni à la connaissance, ni à la certitude.

Comment l’Orthodoxie aurait-elle participé à une discussion d’une naïveté enfantine, sans descendre elle-même au même niveau de simplisme ? L’Orthodoxie se refuse de définir, philosophiquement, la nature humaine, le corps et l’âme. Elle sait fort bien que l’homme n’est pas seulement ce qu’il paraît ; elle sait fort bien, également, qu’elle ne peut décrire et définir l’âme, qu’elle ne peut considérer le corps et la matière comme des choses pouvant être comprises par le cerveau humain. Le cerveau humain, même s’il analyse autant qu’il le peut les êtres (le cerveau humain aura beau analyser les êtres, il ne pourra saisir gue les schémas qu’il fabriquera lui-même et nullement leur essence). Voici ce que saint Grégoire de Nysse dit de l’homme : "II me semble que la création de l’homme est quelque chose de redoutable et de très difficile à expliquer ; elle rassemble en elle tant de mystères et de secrets de Dieu".

L’Orthodoxie utilise les termes de "corps", "âme", "chair", "matière", "esprit", sans entendre toujours, par le même mot, les mêmes choses. Elle utilise les termes du lexique humain, parce qu’elle doit s’exprimer.
Mais elle ne consent jamais à enfermer, dans les limites étroites d’un concept humain, tout un mystère, que les anges eux-mêmes ne peuvent contenir, pas plus qu’elle n’accepte d’enfermer l’homme dans les compartiments étanches du corps et de l’âme, ni comme certains hérétiques modernes, corps, âme, esprit. Elle ne donne pas non plus à la chair une valeur vile, mais souvent elle parle de la chair comme si elle était toute la nature humaine : "Et le Verbe s’est fait chair".

L’Orthodoxie est une vie vécue, une suite de contacts ontologiques et non pas une suite de raisonnements humains. Elle a certes ses propres raisonnements, qui sont plus que logiques, mais ils ne sont que des auxiliaires seulement. Ses fondements ne sont pas des fondements de syllogismes et des théorèmes philosophiques, mais des expériences de l’action divine dans les cœurs purs des saints. Comment l’athéisme peut-il discuter avec elle ?

LA LUMIERE

Et pourtant on a vu des "orthodoxes" discuter avec l’Athéisme et avec la philosophie. Des savants des diverses organisations religieuses de notre pays s’efforcent depuis des années, de démontrer que "la science admet l’existence de Dieu" ; mais ce qu’ils ont démontré, par toutes leurs discussions, c’est leur grand attachement à la science et à la philosophie et leur grande ignorance de l’Orthodoxie. Exemples vivants de l’européanisation de notre pays, ils n’ont voulu ni pu puiser, dans l’Orthodoxie, la force de réduire au silence toute philosophie, et sont restés, malgré leur orthodoxie théorique, de vrais occidentaux.

L’Orthodoxie possède la force de démontrer logiquement aux philosophes que la philosophie, (si elle veut rester logique avec pour seule ressource la raison), ne peut aboutir qu’à l’agnosticisme, c’est-à-dire à la négation de toute connaissance. Tout autre argument d’elle est absurde ; bien que logique apparemment, il est fondé néanmoins sur l’imagination.

Pour la connaissance, il n’y a qu’un seul chemin, celui tracé par Dieu au cours des siècles, qui n’est pas un chemin fait de raisonnements, mais de vie ; la vérité n’est pas un système de théories philosophiques, mais une Personne : "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie" .

Pour parcourir cette voie, il ne suffit pas de dire qu’on croit et qu’on est chrétien : "Ce n’est pas celui qui me dit : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des Cieux". Une autre chose est nécessaire, c’est la lutte de toute la vie du chrétien, pour la pureté du cœur, qui le rend digne de recevoir l’illumination du Saint-Esprit. Pour l’acquisition de cette pureté du cœur, dont le but est de faire habiter en l’homme la Sainte Trinité, sont livrées toutes les luttes morales et ascétiques du christianisme. "Celui qui m’aime gardera ma parole et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure en lui".

Ce contact direct avec la Sainte Trinite, cette union avec la divinité, cette vision de Dieu, c’est la Connaissance. Elle seule illumine l’homme ; elle seule lui fait comprendre Dieu et sa créature, elle seule lui fait pénétrer les raisons des êtres, et lui apprend ce qu’est l’homme, au-delà des apparences et loin des définitions philosophiques.
Face à cette Connaissance, que peuvent dire les philosophes et les athées ? La nier ? Ils ne le peuvent. L’aveugle qui n’a jamais vu la lumière peut certes nier l’existence de la lumière, mais sa négation ne fera transpirer l’oreille d’aucun voyant.

Celui qui voit ne peut prouver à l’aveugle l’existence de la lumière. Si l‘aveugle est bien disposé, il croira celui qui voit et ira, en courant, se prosterner devant le Christ et le prier de lui donner Sa lumière. S’il ne le croit pas, il restera aveugle à jamais et personne ne pourra lui faire mesurer l’immensité de sa misère.

Tels sont les rapports de l’Orthodoxie avec les philosophes, rapports d’un voyant avec des aveugles. Celui qui voit ne peut discuter avec des aveugles de la beauté du monde, des couleurs, de la lumière ; de même, le fidèle orthodoxe ne peut discuter avec les philosophes sur la magnificence de la Connaissance.

La Connaissance est quelque chose qu’on doit gouter pour la sentir. Sans images adéquates, on ne peut ni parler, ni transmettre ce qu’on dit. Tout dialogue entre orthodoxes et rationalistes doit-il être interrompu ? Certes non ! Le dialogue doit continuer, puisque aveugles et voyants vivent ensemble. Les aveugles parleront toujours en aveugle. Ce qui importe, c’est que les voyants ne parlent pas comme des aveugles, afin que les aveugles découvrent leur cécité. Ceux qui voient doivent continuer à parler en voyants, même s’ils ne doivent pas être compris. Ils pourront, au moins, se comprendre entre eux, et peut-être, qui sait, certains aveugles, les entendant, découvriront-ils que sans l’œil, personne ne peut connaitre la lumière.

LE SALUT

Bon nombre d’"orthodoxes", aveugles parmi des aveugles, prennent part, avec joie, aux discussions entre catholiques (papistes) et protestants.

Prenons, par exemple, les discussions sur la justification : l’homme est-il sauvé par la foi ou par les bonnes œuvres ?

Les catholiques enseignent que l’homme est sauvé par la quantité et la qualité des bonnes œuvres, qu’il présentera à la fin de sa vie. II fut même un temps, où les Papes proclamaient que les bonnes œuvres des saints dépassaient le nombre nécessaire à leur salut et que les récompenses de leurs mérites surérogatoires pouvaient être attribuées aux pécheurs, si bien entendu, ces derniers donnaient la contre-partie.

Les Protestants, rejetant la thèse des catholiques, enseignaient que les œuvres n’avaient aucune importance, car "l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi", et que seule la foi sauvait l‘homme. Et cette dispute se continue jusqu’à nos jours, avec des arguments qui se multiplient, sans convaincre personne, tournant dans le cercle vicieux des concepts anthropopathes si propres au rationalisme.

Quelle est la position des "orthodoxes" face à cette dispute des occidentaux ? Un sentiment d’infériorité et une désorientation règnent chez nos théologiens, qui restent admiratifs et en extase devant le complexité des syllogismes de leurs confrères occidentaux. Ils ne savent que dire, et blâment, dans leur for intérieur, l’Orthodoxie qui n’a pas pris de position claire sur ce problème.
Les uns s’allient aux catholiques, avec certaines réserves, les autres tâchent de concilier les deux points de vue. Les Apôtres et les Pères ne viennent pas à leur secours ; ils paraissent se contredire entre eux et avec eux-mêmes. C’est à une telle obscurité que conduit le rationalisme ! Comment les rationalistes peuvent-ils comprendre les Apôtres et les Pères qui n’étaient pas des rationalistes et dont la langue est étrangère ä ces derniers ?

Pour les rationalistes, la Sainte Ecriture, qui est le Livre le plus simple qui soit au monde, est plein de contradictions. Pour eux, chaque mot, chaque expression n’a qu’un seul et unique sens défini à l’avance. L’Apôtre Paul a-t-il raison en enseignant que la justification vient de la foi, ou l’Apôtre Jacques qui écrit : "Quel intérêt, frère, si tu dis avoir la foi et n’en as pas les œuvres ? La foi peut-elle te sauver ?... Les démons aussi croient et ils tremblent". Beaucoup de théologiens ont qualifie l’épitre de Jacques de "paille" et indigne d’être comptée parmi les livres du Nouveau-Testament. Mais l’Apôtre Paul lui-même, paraît se contredire, quand il parle d’une justification par la foi et d’une où "chacun recevra selon ses œuvres". Apres cela certains protestants ont commence à parler de deux "justifications".

La pensée des Apôtres et des Pères, si claire et si simple, se trouve obscurcie et dans un épais brouillard entre les mains des théologiens protestants ; ils veulent un christianisme qui soit un système ; pour eux, chaque chose doit être à sa place et bien ordonnée. Dans l’étroitesse de leur pensée, toute antithèse est une contradiction, bien que la réalité soit pleine d’antithèses. Ce n’est qu’après avoir admis les antithèses, telles qu’elles sont, sans chercher à les aplanir, qu’on approche la Vérité.

Les orthodoxes devraient rendre gloire ä Dieu de ce que jamais un tel problème ne s’est posé dans l’Eglise Orthodoxe. La dispute sur la justification, qui se déroule depuis des siècles en Occident est sans contenu. Le salut n’est pas la récompense pour la foi, pour une œuvre, pour un bienfait ; le salut n’est pas une récompense, pas plus que la perdition n’est une punition. Cette conception, comme toutes les conceptions rationalistes sont anthropopathes ; elle est le prolongement, dans le monde spirituel, de tout ce qui se passe dans la vie quotidienne des hommes, dans la société, où une bonne parole ou une bonne œuvre est récompensée, où une mauvaise œuvre est punie par les lois décrétées par les hommes.

Comme les Hellènes de l’antiquité, les Occidentaux ont fait un Dieu à l’Image des hommes. Ils le voient comme un Juge qui condamne et punit, d’après des lois en vigueur. Mais la Justice de Dieu n’a pas un sens vengeur et juridique. Dieu ne punit pas pour satisfaire sa Justice ; c’est là une doctrine anti-chretienne. Dieu ne punit jamais personne, Il ne fait qu’instruire, comme un père qui châtie ses entrants pour les éduquer ; même la géhenne n’est pas un lieu de punition, mais un lieu d’exil volontaire loin de la présence de Dieu ; c’est l’état d’un aveuglement volontaire, un lieu qui ne reçoit jamais les rayons du Soleil. Dieu est Juste, c’est-à-dire Bon, c’est pourquoi Il ne côtoie pas et ne communique pas avec les injustes, c’est-ä-dire avec les méchants, non parce qu’Il ne veut pas s’approcher des pécheurs, mais parce que les méchants se détournent de la Justice de Dieu et ne veulent aucun contact avec Lui. "Ce n’est pas Dieu qui hait, c’est nous qui haïssons. Dieu ne hait jamais", dit saint Jean Chrysostome.

Le salut, comme la Connaissance, c’est une question de rapports avec Dieu. Les œuvres, la foi, les vertus et les douleurs, ouvrent au Seigneur la porte de notre cœur. Ce qui procure le salut, ce ne sont pas les œuvres, la foi, les vertus ou les souffrances, ni tout cela à la fois ; car on peut avoir tout cela et ne pas goûter aux arrhes de l’Esprit, ne pas avoir la Sainte Trinite demeurant en nous. Le salut, comme la Connaissance, c’est l’homme vivifié par la grâce de Dieu, c’est la vision de Dieu dont les cœurs purs sont dignes dès la vie présente, selon la mesure de leur pureté et non la récompense forcée des peines et des labeurs qui, peut-être, n’ont pas du tout purifié le cœur, ni le couronnement d’une foi intellectuelle qui peut n’avoir pas change la vie de l’homme.

LE GRAND ABÎME

Le Catholicisme, le Protestantisme et l’Athéisme, comme d’ailleurs toutes les philosophies, parlent la même langue ; l’un comprend les arguments de l’autre et, malgré toute leur opposition, ils s’entendent. L’Orthodoxie, un grand abîme la sépare de tous ces systèmes, parce qu’elle est essentiellement différente.

Toutes les cacodoxies de l’Occident et le desséchement de sa spiritualité, ont eu, pou conséquence fondamentale, le rationalisme. Les Européens jugent les choses célestes avec des mesures terrestres et vivent la religion dans les perspectives et avec les critères de cette vie. On pourrait multiplier les exemples et en remplir des livres entiers. Mais les deux exemples que nous venons de donner suffisent, pour comprendre que la différence entre L’Eglise Orthodoxe et les Eglises d’Occident n’est pas une différence de caractère mais de nature.

Même en supposant, chez les Occidentaux, la meilleure des dispositions, pour approcher l’Orthodoxie et la vivre, cette disposition ne suffit pas pour les rendre capables de sentir et de vivre l’Orthodoxie. Tant d’années d’apostasie n’ont pas passé sans laisser de traces dans les âmes ; l’empreinte est si profonde, qu’elle ne peut être effacée que dans les cœurs humbles, par la grâce de Dieu seulement...

Beaucoup ont pris le nom d’orthodoxes, ces derniers temps en Europe, et ont été chrismés du Saint Chrême de l’Eglise Orthodoxe, mais peu le sont devenus vraiment. La plupart ont embrassé l’orthodoxie gnosiologiquement, envoûtés par la richesse des connaissances qu’elle leur offrait et séduits par un aspect du christianisme vu pour la première fois, qui comblait l’abîme creusé, dans leur cerveau, par le christianisme rétréci de l’Occident. Mais avant même d’avoir communié, avant d’avoir pleuré leurs péchés, avant même d’avoir demandé dans le silence et l’ascèse, la grâce du Christ, ils ont considéré comme un devoir impérieux de prêcher l’Orthodoxie aux orthodoxes. Scandalisés par l’ignorance des orthodoxes dans les questions théoriques, où eux-mêmes excellaient, ils ont méprisé le peuple orthodoxe, qui vivait, naturellement, l’Orthodoxie de ses Pères et était prêt à mourir pour elle. Mais Dieu n’habite pas le cœur des orgueilleux. Leur formation théorique ne les a pas gardés de l’égarement et ils sont revenus, à leurs premières œuvres.

Pour comprendre les Saints et les Peres de l’Eglise, il ne suffit pas de les lire simplement. Les Saints ont parlé et écrit après avoir vécu les mystères de Dieu, dont ils avaient une expérience personnelle.
Pour comprendre les Saints et les Pères, il faut avoir atteint soi-même, par son goût, son odorat, sa vue, personnels, un certain degré d’initiation aux mystères divins.

On peut lire les livres des Saints, être formé intellectuellement par eux, sans pour cela avoir goûté, ne fût-ce que très peu, à ce qu’ils ont goûté avant d’écrire leur propre expérience. Pour comprendre substantiellement et non pas intellectuellement les saints, il faut avoir goûté et vécu dans le milieu chaleureux de l‘Orthodoxie, avoir grandi en lui, goûté à l’ascèse, à la douleur, à l’effort pour la perfection chrétienne. On doit se baisser profondément pour franchir la porte basse et étroite qui mène au Royaume des cieux, s’humilier, se décharger des fardeaux des biens de ce monde, détacher son cœur de tout ce que les hommes regardent comme grand et digne d’intérêt, avoir versé des larmes de repentir pour la vanité dans laquelle on a vécu, des larmes d’ardente supplication au Seigneur, pour qu’il te tire des ténèbres et fasse descendre, dans le cœur, le rayon du Saint Esprit.

II faut toute une cosmogenèse dans le cœur pour pouvoir sentir quelque peu l’Orthodoxie. Comment s’humilier et devenir simple comme l’enfant, quand, dès le berceau, on a respiré l’air desséché du rationalisme et adoré, comme une idole, l’intelligence humaine ? Comment éviter les écueils des tracas, quand on a appris, dès son enfance, à courir après ce que les hommes appellent "grand", ce qui est une "abomination devant Dieu", quand on a appris à regarder comme "omphaloscope" (celui qui regarde son nombril) le retour de l’homme à l’intérieur de lui-même ?

Qu’ont fait le Catholicisme (papisme) et le Protestantisme, en vérité, pour protéger le monde du tourbillon sans fin qui l’a emporté ? N’est-ce pas la religion de l’Occident qui a poussé les hommes à courir essoufflés vers ce que le Christ a proclamé vanité ? Le monachisme, ce coeur de la religion, a été supprimé ou changé en "ordres" actifs dont l’action et la pensée avaient pour mission de servir le bonheur terrestre des hommes, et la connaissance selon ce monde "proclamée folle par Dieu". L’Occident a fait, de la politique, un champ d’action influençant ainsi des royaumes et versant le sang pour acquérir la puissance et l’argent.

II a utilisé les "missions" comme appât, pour soumettre les peuples de couleur, sous la domination inhumaine de l’Europe. II a cherché le confort et le bien-être et enseigne que la richesse était un don de Dieu. II a donné à la doctrine chrétienne un but d’utilité sociale, faisant croire aux hommes que le Christ était un maître moral qui s’intéressait par-dessus-tout au bon fonctionnement de la société, et que l’Eglise était la gardienne, par excellence, des lois humaines, et la théoricienne de la police. L’Occident a créé le modèle du chrétien pharisien, du citoyen bon et fidèle, qui a l’impression d’avoir atteint la perfection, pour n’avoir nui à personne, ou encore, parce qu’il a donne de l’argent aux œuvres de bienfaisance. Comment une civilisation régie par la quête du bien-être humain, caractérisée par l’orgueil luciférien pour les exploits de sa science, peut-elle produire des hommes humbles, des hommes qui soupirent avec douleur et larmes après la lumière céleste ?

Comment une civilisation en mouvement perpétuel, tournée vers l’extérieur, peut-elle donner les hommes penchés sur les profondeurs de leur coeur pour trouver, dans le silence et l’immobilité de leur "trésor", la "perle précieuse", -ce qui serait un miracle rare et inappréciable.
Si pour un individu, il est difficile de goûter à l’Orthodoxie, comment l’Eglise Catholique (papiste) tout entière ou les Eglises Protestantes groupées pourront-elles y goûter ? La grande majorité des Occidentaux ignorent l’existence même de l’Orthodoxie. Comment est-il alors possible qu’à la suite d’une ou de plusieurs conférences de représentants des diverses Eglises, des groupes d’âmes, depuis des siècles dans l’obscurité, retournent à la Vérité ?

Tous ceux qui parlent d’union des Eglises se conduisent comme des politiciens et des chefs de nations, qui mènent les masses à la guerre ou à la paix, oubliant que l’on ne va pas au Christ et à Son Eglise en masse mais en personnes libres...

L’Orthodoxie n’est pas seulement une série de dogmes, ni un ensemble de coutumes, mais quelque chose de plus profond et de plus substantiel ; elle est une orientation de vie et de pensée, un souffle, le souffle de la tradition, que l’on ne reçoit pas par les livres, mais qui se transmet d’un être vivant à un autre être vivant, de père à fils, de mère à fille, de frère à frère, d’ami à ami, de prêtre à prêtre, de moine à moine, de père spirituel à fils spirituel, "non par l’encre et le papier", mais de bouche à bouche, d’âme à âme, dans l’atmosphère du Saint- Esprit, avec le temps, peu à peu, selon la lenteur de la croissance d’un organisme.

Ceux qui parlent "d’union" ne sont pas des naïfs. Ils savent très bien que les catholiques (papistes) et les protestants ne deviendront pas, en corps, orthodoxes ; mais cela ne les tracasse pas ; ils ne s’intéressent pas au retour des brebis égarées de la bergerie du Christ ; ils spéculent plutôt sur un compromis et se contenteront d’un accord formel ; d’ailleurs, depuis longtemps, ils ont cesse d’être orthodoxes. Ils ne s’intéressent nullement à la Vérité, ni à la vie en Christ. En eux, agit déjà le mystère de l‘Anti-Christ, et ils se retiennent jusqu’à ce qu’il soit accompli !

LE DECLIN

Pauvre peuple orthodoxe ! Toi qui as donné tant de Pères et tant de Saints à l’Eglise du Christ, toi qui as éclairé tant de peuples barbares et en as fait des enfants de Dieu, toi qui as arrosé des rochers avec les larmes de la contrition et de l’humilité et as planté sur eux le jardin de l’Orthodoxie, toi qui par tes prières as fait marcher Dieu sur la terre, comment portes-tu tes regards vers le couchant, où le soleil ne se lève pas, et tombes-tu servilement sur tes genoux pour adorer, ô vieux serviteur de Dieu, ceux qui servent l’Héosphore ?

Les prodiges et les exploits du "Progrès" t’ont si étonné, que te voilà prêt à te prosterner pour adorer cette statue de bois doré mais creuse ? Ne vois-tu pas les ténèbres qui se cachent derrière la pyrotechnique ? Ne vois-tu pas le désespoir de la mort caché sous son sourire artificiel ? Ne vois-tu pas l’indigence sous l’opulence apparente ? Qu’envies-tu ? La puissance papale ? Mais la puissance de Dieu qui a garde, inaltérée, ta foi, jusqu’à présent, l’as-tu oubliée ?

Que désires-tu ? La Connaissance ? Oui, la Connaissance tu dois la désirer, parce qu’elle a commencé à te manquer, à te manquer dangereusement. Mais là où tu la cherches, la Connaissance n’existe pas, il n’y a que des succédanés de la Connaissance, que sont ces philosophies et ces théologies scientifiques, qui ont rempli ton estomac sans te nourrir…
…parce qu’elles ne portent pas en elles la vie ; elles sont des lettres mortes, elles sont l’étude de l’ombre des êtres et non l’étude de Dieu et de sa création, une étude de l’idée que l’on se fait de Dieu et de sa créature, l’étude des schémas conçus par notre intelligence.

Si tu as désiré le bien-être, séduit par les promesses de confort et de plaisir de l’Europe, va alors à elle, elle te donnera vraiment le confort et les plaisirs, et avec eux le vide et la mort, la mort à laquelle elle goûte aujourd’hui.

LE SOMMET DE LA TOUR

Ne nous trompons pas, le peuple hellène, comme les autres peuples d’ailleurs, va poursuivre sa route et sa route sera celle de la masse. La route de la masse est toujours plus facile et mène toujours au repos et au plaisir. Nous aurons beau faire et dire, nous n’obtiendrons rien, au point où se trouve le monde, le mal est irréversible.

Le plus tragique, c’est que le mal passe pour être le bien aux yeux des hommes. La condamnation, qui n’est pas imposée par Dieu mais à laquelle l’homme se livre tout seul, ne sera pas une catastrophe, un désastre, comme on l’imagine. La mort du corps aurait été, au fond, un moindre mal pour l’humanité. Ce qui va arriver sera quelque chose de beaucoup plus dur, de beaucoup plus inhumain que ce qu’on imagine. Ce sera le chef d’œuvre de l’imagination diabolique, la plus grande moquerie jamais vue jusqu’ici. La catastrophe vers laquelle l’humanité se dirige passera pour une grande réussite, elle sera le sommet de la Tour de Babel, le couronnement de l’orgueil humain.

La catastrophe sera l’achèvement des désirs des masses, où baigneront passions et vices libres et sans entraves. Ce sera le vide parfait du cœur, c’est-à-dire la mort spirituelle et éternelle.

Dans le cœur des hommes, il n’y a plus de place pour Dieu "A cause du progrès croissant de l’iniquité, la charité d’un grand nombre se refroidira" (Mattieu24, 12). La source de la vie n’aura plus de place dans la masse des hommes. L’Evangile aura été prêché à toute l’humanité en "témoignage parmi les hommes". Tous l’auront entendu et presque tous l’auront rejeté.

Dans le luxe des villes, au milieu des inventions du cerveau humain, des signes et des prodiges que fera l’Anti-Christ, circuleront des êtres humains, sans vie, des morts qui croiront vivre la vie la plus intense qui ne fut jamais, mais qui, en vérité, mordront avec fureur leur propre chair...

LA CIVILISATION

Quel rapport a le christianisme avec la civilisation ? Quel rapport peut avoir la religion qui dit : "Nous n’avons pas de cité permanente ici-bas, mais nous attendons celle qui doit venir" avec la civilisation, c’est-à-dire l’effort des hommes pour s’installer, le plus confortablement possible, dans la cite terrestre ?

Et pourtant, si l’on prête attention aux déclarations et aux aspirations de la majorité des "chrétiens" on découvrira que ce qu’ils cherchent, ce qu’ils désirent, ce n’est pas tant la gloire de Dieu, de l’Eglise, que celle de la civilisation.

Le monde aime ces "chrétiens" et il les admet, parce que ses ambitions sont les mêmes. Les autres, tous ceux qui parlent de monachisme, d’ascèse, de prière, dont le pain quotidien c’est le regard fixé sur la cite future, le monde les hait, parce qu’il sait qu’ils ne sont pas à lui. II qualifie les premiers de "vrais hommes religieux", les seconds, de "dévots", de "fanatiques", de "négateurs de la vie".

Il y a une étonnante parenté de voie entre les "orthodoxes" qui parlent de civilisation et les papistes ; même mentalité, mêmes ambitions, même indifférence envers la Vérité et la vie mystique. Leur "christianisme" est une couverture, une cosmothéorie pour remplir leurs vides et rendre le plus confortable possible la vie terrestre.

Ce ces "chrétiens-là", il y en aura toujours, toujours prêts aux compromis, pour avoir la multitude avec eux.

Ils sont optimistes pour l’avenir de l’humanité et ils ont raison ; les uns et les autres travaillent à l’édification de la civilisation qui se construit tous les jours et de mieux en mieux, à leur grande joie. Ce sera une civilisation qui respectera les valeurs et les valeurs seront valeurs, parce que précieuses pour la civilisation. Seulement, ces valeurs ne pourront empêcher la mort de remplir les cœurs des hommes, parce que les valeurs sont des sacrifices offerts à l’idole "homme" et non un culte rendu à Dieu.

LA VOIE DIFFICILE

Tout ce qui est écrit ici, ne s’adresse pas au monde, ni à ces "chrétiens", mais aux quelques élus, qui eux aussi, risquent d’être égarés lors de la fin des temps.

Dans les organisations chrétiennes, chez les catholiques et les protestants, il y a des âmes qui désirent vraiment Dieu, et qui aspirent à la cité permanente, mais leur contexte et leurs maîtres ne leur permettent pas de trouver la voie que désire leur cœur…Que ces quelques élus fassent très attention. Le diable n’agit pas toujours en diable ; dans la plupart des cas il se présente en ange de lumière. II prêche un "christianisme" à peine différent du vrai, et avec ce piège, il prend dans ses filets beaucoup plus d’hommes qu’il ne gagnerait en déchaînant toute une armée d’athées ou de Dioclétiens.

II qualifie les fideles, d’intolérants, d’étroits d’esprit, de fanatiques, de formalistes, et suscite de cette manière, contre l’Eglise du Christ, la plus terrible des persécutions. Les hommes craignent davantage les qualificatifs qui rabaissent leur honneur et leur réputation que le glaive des persécuteurs. Très peu sont ceux qui peuvent accepter d’être traités d’imbéciles. Pourtant, dans le monde d’aujourd’hui, tout vrai chrétien ne peut éviter d’être qualifié d’imbécile ou d’étroit d’esprit. Peu ont le courage d’envisager une telle perspective qui approche le martyre. C’est pourquoi le grand nombre préférera toujours la voie facile des compromis et proclame cela avec fanatisme.

Jamais les païens n’ont haïs les chrétiens comme le fait aujourd’hui le monde "chrétien". La tolérance formelle trompe. Le monde ne tolère que les "chrétiens" qui marchent avec lui, ceux qui appliquent un "christianisme" social et se soucient d’être toujours à la page. Ceux qui refusent d’altérer leur foi, il les déteste. Cette haine du monde est un critère pour savoir si nous sommes de vrais chrétiens. "S’ils m’ont haï, ils vous haïront aussi".

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