mercredi 5 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°9. La panhérésie de l'oecuménisme.

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LA PANHERESIE DE L’OECUMENISME

Métropolite Vitaly


L’œcuménisme est l’hérésie des hérésies ; jus­qu’à présent, dans l’histoire de l’Eglise, chaque hérésie s’efforçait de se substituer à la véritable Eglise. Or le mouvement œcuménique, ayant réuni en lui toutes les hérésies, invite ces dernières, toutes ensemble, à se considérer comme l’unique Eglise authentique. Là, se réunissent l’ancien arianisme, les hérésies monophysites, monothélites, iconoclastes, pélagiennes et tout simplement les différents fanatismes apparaissant sous les diffé­rentes appellations des sectes modernes pour monter à l’assaut de l’Eglise.

Ce phénomène a incontestablement un caractère apocalyptique. Le diable a combattu tour à tour la Vérité du Christ en suivant presque fidèlement l’ordre établi dans le Symbole de la Foi de Nicée et il s’est attaqué au dernier article, le plus important, le plus vital du Symbole : « Je crois en l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique ». Nous disons le plus important, parce que toutes les vérités énoncées dans le symbole obtiennent vie, se réalisent dans l’Eglise du Christ, qui nous donne non seulement l’Enseignement orthodoxe authentique, mais également la force sacrée de réaliser toutes ces vérités dans l’Eglise et par l’Eglise, et de vivre par elles. L’Eglise, comme le dit l’archevê­que Hilarion dans son ouvrage « Il n’y a pas de christianisme sans Eglise » n’est pas un rêve de l’Eglise, mais la vie en Christ.

L’œcuménisme s’efforçant d’abattre les frontières de l’Eglise du Christ n’a, quant à lui, aucune frontière. On parle déjà de l’union non seulement de tous les chrétiens entre eux, de l’union avec le judaïsme, mais on laisse même entendre que tous ceux qui habitent la terre sont membres de l’E­glise. Karl Barth annonce la mort prochaine du « Corpus Christianum » et dit que nous sommes entrés dans l’époque de la fin des temps, du développement de la dernière phase de l’histoire définissant les rapports entre Dieu et l’homme, et qui se terminera non par le Jugement Redoutable comme nous l’ensei­gne l’Eglise Orthodoxe, mais par la réconciliation complète de Dieu avec toutes les créatures.

Si nous jetons un regard sur la vie intérieure de toutes les Eglises protestantes et si nous essayons de regarder la part qui y revient à l’œcuménisme, nous constaterons aussitôt l’existence de deux courants de pensée et de vie. La grande majorité des communautés protestantes est représentée par des gens qui ont, par la force du temps, abandonné leurs doctrines hérétiques, et qui, ne pouvant plus trouver dans leur milieu le stimulant qui donnerait de nouveau une force de concentration, s’abandon­nent à l’œcuménisme. Ils sont complètement indif­férents aux conceptions qui furent les leurs en d’autres temps et qui avaient été défendues par les souffrances et le sang versé ; ils représentent une énorme masse de gens indifférents au Christ. Le phénomène contraire se remarque quelquefois, mais il est rare, presque individuel ; il s’agit de quel­ques rares unités dans le monde protestant, agis­sant par instinct de conservation et ne voulant pas encore se voir fondre dans l’énorme masse dévitali­sée et se transformer en cadavre de ce qui était autrefois le christianisme occidental.
A l’égard de ces derniers, les sages de l’œcuménisme utilisent la tactique subtile des pêcheurs, donnant quelques libertés aux communautés qui en sont éprises pour mieux ensuite les tirer vers le rivage mortel de l’œcuménisme.

Nous, orthodoxes, nous considérons comme plus près de nous ceux de ces chrétiens qui, tout en profes­sant l’erreur, gardent pour leur foi erronée une flamme et certains signes de vie.

Théologiquement, l’œcuménisme ne résiste à aucune critique, car il évite toute dogmatique propre. Il se développe non pas en profondeur, mais en surface, se présentant en couches successives d’héré­sies anciennes. Il est, de plus, soutenu par une force souple et occulte, demeurant elle-même dans l’ombre. Il est également couvert par une énorme puissance matérielle, poursuivant une politique financière rusée, dispensant adroitement son aide, ou faisant basculer de son côté le plateau de la balance de quelque conscience hésitante ou sensible.

Par sa structure externe, le Conseil Œcuménique des Eglises (COE) ressemble beaucoup à l’organisation actu­elle des Nations Unies dirigée par son secrétaire général. Sans vouloir prédire l’échéance des temps, qui demeure dans la main de Dieu, on peut toutefois augurer que l’Anti-Christ présidera dans les deux organisations, mais que, par l’esprit il se rappro­chera davantage du Conseil Œcuménique des Eglises.

RESOLUTIONS

L’œcuménisme se trouve maintenant aux portes mêmes de notre Eglise. Toutes les Eglises Orthodoxes locales en sont devenues membres, la dernière en date à avoir adhéré au mouvement étant l’Eglise serbe qui y est entrée en 1968. Si, jusqu’à ce jour, l’œcuménisme n’a pas représenté pour nous un danger, la situation maintenant a changé quelque peu, et d’abord, du fait que notre Eglise demeure la seule, dans le monde entier, à n’avoir pas rejoint le Conseil Œcuménique des Eglises, et il est à prévoir que des moyens spéciaux et une tacti­que spéciale seront employés à notre égard ; nous devons être prêts à une telle éventualité. Il est indiscutable qu’une violente attaque sera menée contre la masse de nos croyants et que de nom­breuses âmes capituleront, les unes séduites par l’idée de l’Union et par crainte de l’isolement, les autres tentées par des avantages, par une si­tuation meilleure, en un mot, par le veau d’or…

Si l’œcuménisme entreprend de compléter ses rangs avec nos chrétiens orthodoxes à la suite de leur indifférence aux vérités de notre enseignement, nous serons les seuls coupables de cette indiffé­rence. C’est délibérément que les Saints Pères placèrent dans la Divine Liturgie, ainsi que dans les autres services quotidiens, le Symbole de Foi de Nicée-Constantinople en tant que prière ; c’est afin de lier à notre âme de manière réelle l’ensei­gnement de la Foi Orthodoxe exprimé dans sa pléni­tude sous une forme idéalement concise et parfaite, et de faire en sorte que le Symbole de la Foi soit la vie, et non une matière d’enseignement abstrait. Les Saints Pères nous enseignent de cette façon que notre communion avec le Seigneur-Dieu peut se réa­liser uniquement dans la prière.
Que pour tout ce qui a trait au Seigneur Dieu, nous ne devons pas seulement raisonner avec notre intellect, mais que nous devons l’approcher avec toutes les forces de notre âme, avec l’esprit, le cœur et la volonté, en prière et avec foi.

Le Symbole de la Foi n’est pas une déclaration faite par nous sur notre manière de croire, ce n’est pas un mémorandum de la foi ; il est une œuvre de prière réunissant toutes les forces de notre âme.

Il est temps d’introduire l’esprit de prière dans tous nos manuels de théologie dogmatique, de l’ajouter aux traits caractéristiques, essentiels, des dogmes chrétiens orthodoxes que sont la Théolo­gie, la Révélation divine et la nature de l’Eglise, afin de lier ceux-ci directement à notre âme. La théologie dogmatique de l’archimandrite Sylvestre pèche précisément dans sa définition du dogme par son caractère intellectuel.

Lorsque les Saints Pères nous proposent leur ensei­gnement, ils le font dans la plénitude de leur vie, toute imprégnée de prière. Tous leurs écrits sont les fruits de la prière et de la contemplation et non pas des syllogismes intellectuels, produits d’un esprit analytique. L’étude purement spécula­tive du dogme que l’on pratiquait dans nos sémi­naires et nos académies dissimule un orgueil subtil mêlé à une pointe de blasphème. Je me souviens de l’exclamation d’un des disciples du Métropolite Antoine Khrapovitzky, après un exposé très inspiré du grand maître sur le dogme de la Sainte Trinité :

« Vladika, après votre explication du dogme, on veut pleurer de componction ».

Guidé par l’intellect seul, on peut arriver au blasphème, et en se servant uniquement de lui dans l’examen des saintes vérités, on peut se retrouver à la même table que les protestants dans leur « dialogue avec Dieu ».

Animés par la force de la prière, notre foi en la vérité dogmatique est pour nous la source authenti­que de la force morale procédant de chaque dogme. Cela est vrai à tel point que si nous croyons, en prière, en la toute puissance de Dieu, nous rece­vons par la miséricorde divine et en réponse à notre supplication, la puissance de Dieu dans la mesure qui nous est accessible. Si nous croyons, en prière, en l’omniscience de Dieu, nous recevons, selon l’accueil miséricordieux que Dieu réserve à notre supplication, et selon le degré de notre purification, la connaissance, la sagesse et le jugement. Ainsi recevons-nous, en prière, les dons du Saint-Esprit, à partir de chaque vérité dogmati­que. En d’autres termes, de l’exactitude des efforts dans la foi et dans la prière dépend la vie exacte, la vie en Christ, la vie dans l’Eglise !

C’est en esprit de prière, également, que nous manifestons notre foi en l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique ; et pourtant nous soute­nons, par ailleurs, avec légèreté que les autres Eglises ont également les saints sacrements de l’Eucharistie et du Baptême. Où est alors notre foi en l’Eglise Une, c’est à dire en l’Eglise Unique, exceptionnelle, gardienne exclusive de tous les sacrements ? Mais je veux présenter ici le point suivant de la résolution :

Nous devons nous libérer définitivement d’un certain œcuménisme scolastique qui a profondément pénétré dans nos esprits – mais, Dieu soit loué, dans nos esprits seulement. Je dis qu’il est seule­ment scolastique et mental, parce qu’il ne viendrait pas à l’idée d’un orthodoxe, sain d’esprit, de recevoir la communion dans une église protestan­te ou catholique, et ceci, parce qu’il sait de tout son être, il sait organiquement, par une connais­sance intérieure infaillible, qu’il n’y a pas de Sainte Communion ailleurs que dans l’Eglise du Christ.

Cette question est cependant loin d’être si facile lorsqu’il s’agit de notre classe de penseurs intel­lectuels. Il y règne une telle discordance, une telle diversité et variété d’erreurs, que l’on peut dire sans ambages qu’il n’y a pas deux personnes qui pensent la même chose. On peut y rencontrer, côto­yant les dames émotives qui accrochent près de l’icône de saint Séraphim de Sarov une image de la catholique sainte Thérèse, des pratiquants du yoga convaincus d’accomplir par là même des exploits chrétiens ; les uns pensent que, dans toutes les confessions chrétiennes, les sacrements sont va­lides ; les autres font certaines réserves et pré­tendent que l’on peut admettre le sacrement du baptême, mais non pas celui de l’Eucharistie ! Il n’est pas possible d’énumérer tous ces errements ; c’est une véritable marmite de sorcière pour opi­nions. Le plus tragique, c’est que ces erreurs, du fait de nos vieilles conceptions scolastiques, sont partagées par certains membres du clergé. Ceux-ci ont complètement oublié la sentence patristique selon laquelle : « La communion avec les hérétiques est la nourriture des démons » !

Or, s’il n’y a pas de Sainte Communion, il ne peut y avoir absolument aucun sacrement, parce que le Saint Esprit est présent dans tous les sacrements en vertu de l’Incarnation du Fils de Dieu, de sa nature divino-humaine et le Saint Sacrement des Sacrements, l’Eucharistie, est le Sacrement de la Divino-humanité !

Actuellement, nous devrions adopter la position la plus intransigeante, la plus fidèle aux principes de l’Orthodoxie. Il y a Dieu, il y a son Eglise, Une, Seule, Sainte, Apostolique et il y a l’ensem­ble de la race humaine, toute appelée à Dieu par sa sainte Eglise. Toutes les autres religions, soi-disant chrétiennes, monothéistes ou païennes, toutes, sans la moindre exception, que ce soit le Catholicisme (papisme), le Protestantisme, l’Islam ou le Bouddhisme, toutes sont des obstacles placés par le démon entre l’Eglise du Christ et l’ensemble de la race humaine. C’est seulement dans le cadre des relations personnelles avec les personnes d’autres croyances, en raison de l’économie ecclésiale, en raison, tout simplement de notre culture et de notre sens critique, que nous pouvons considérer certains d’entre eux comme plus aptes à devenir orthodoxes, et d’autres comme en étant plus éloi­gnés ; mais d’une manière fondamentale, il faut les considérer comme appartenant à l’erreur, comme n’ayant rien de commun avec la vérité.

Il serait opportun de rappeler ici la vision de saint Macaire d’Egypte : le démon venait tenter les frères ; il portait sur lui une grande quantité de récipients de toutes sortes. Le saint lui demanda : « Où vas-tu ? » Satan répondit : « Je vais visiter les frères ». Mais pourquoi portes-tu ces récipients ? lui demanda à nouveau le saint. Le démon répondit : « Je porte là la nourriture aux frères ». L’Ancien demanda : « Et tout cela est plein de nourriture ? » « Oui », répon­dit Satan, « si le contenu de l’un ne plaît pas à un frère, je lui en donnerai d’un autre ; et s’il en est de même avec ce dernier, je lui en proposerai d’un autre encore ».
Ainsi en est-il de ces religions qui ont accepté la nourriture du démon : ici, on trouve dans un récipient la fine séduction de François d’Assise, dans le récipient voisin le nirvana, dans tel autre Mahomet, Luther, Calvin, Henri VIII, avec la nourriture correspondante à leurs goûts.

Comment pouvons-nous lutter avec succès contre l’œcuménisme, si nous sommes nous-mêmes divisés dans nos idées, si nous n’avons pas une conception orthodoxe pure et nette, si nous ne sentons pas la Sainte exclusivité, l’Unicité de la Sainte Eglise Orthodoxe ?

En ce qui concerne l’éducation de notre jeunesse, de telles attitudes ne peuvent produire qu’un effet particulièrement désastreux sur les jeunes âmes. Il faut se rendre à l’évidence que le manque de succès que nous essuyons dans notre travail avec la jeu­nesse est imputable à cinquante pour cent à cette incertitude coupable à l’égard de la Vérité. Les sentiments propres à la jeunesse sont l’héroïsme, la sincérité et l’aspiration à la vérité ; la jeunesse ne pourra jamais être satisfaite par l’idée que des fragments de vérité soient éparpillés d’un bout à l’autre de toutes les religions.

Finalement, comme dernier point de la résolution, il faut indiquer la nécessité d’effectuer, le Di­manche de l’Orthodoxie, dans toutes les cathédrales de notre Eglise, l’office du Triomphe de l’Orthodo­xie. Cet office touche toujours profondément les fidèles et leur inspire le sens réel de la Sainteté et de l’Immuabilité de l’Eglise Orthodoxe. Au cours de ce service, les visages de tous les fidèles sont animés d’une sorte de joie palpitante au pressenti­ment du triomphe final de l’Eglise du Christ sur le mal. Je me permettrais moi-même d’appeler cet office le sacrement du renouvellement spirituel, le sacrement de l’affirmation dans la Vérité.

Pour conclure mon exposé, je voudrais souligner que la description du mouvement œcuménique telle que je l’ai faite, sous des couleurs si peu attrayan­tes, est due à ce que j’ai toujours essayé de traiter cette question actuelle, diabolique, brû­lante comme un feu dévorant, du point de vue des principes intransigeants de l’Orthodoxie. Les re­présentants de l’œcuménisme, quelle que puisse être la nocivité de leurs idées, demeurent cepen­dant des gens faibles et limités et il se peut que ce que Satan hait le plus, ce soit précisément ce genre d’esclaves qui lui sont le plus soumis, car leur nature humaine limitée est une offense faite à l’orgueil sans borne de Satan ; c’est le rappel des limites du maléfice diabolique.

Ne désirant pas nuire un seul instant par mon rapport à l’œuvre d’amour, je considère que nous devons avoir une position de principe excluant tout compromis vis-à-vis de l’œcuménisme, ce mal qui est le plus actuel, mais dans les rencontres per­sonnelles qui demeurent inévitables, nous devons toujours être d’authentiques disciples du Fils de Dieu, le Dieu d’amour.

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