mercredi 12 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°15. L'Hymne Acathiste à la Mère de Dieu.
1
L’hymne acathiste à la Mère de Dieu
Le Samedi de !a Cinquième Semaine
du Grand Carême, nous célébrons l’Hymne Acathiste
en l’honneur de Notre Très Sainte Souveraine
Marie la Toujours Vierge et Mère de Dieu,
pour la remercier du miracle extraordinaire
qu’elle fit pour Constantinople.
La Ville chante en
des hymnes nocturnes
sa gratitude envers Celle qui veille sur elle
pendant les combats.
Nous les chrétiens, nous devons, sans jamais nous lasser, louanger Notre Souveraine la Mère de Dieu et la remercier pour les bienfaits dont elle a comblé le genre humain, en donnant un Corps au Verbe Dieu, et aussi, en ce jour, pour le miracle extraordinaire qu’elle a fait pour Constantinople. C’est pourquoi les pères de l’Eglise ont ordonné, non pas aux seuls de Constantinople, mais aussi à tous les orthodoxes de l’univers, de commémorer, avec des actions de grâces, ce miracle ; car, elle peut en effet, délivrer de tout ennemi visible et invisible les chrétiens qui l’invoquent avec foi. Aussi, toute l’Eglise des Orthodoxes célèbre-t-elle, en cette nuit, cette action de grâces, pour la Toute-Sainte Mère de Dieu et la remercier pour tous les bienfaits qu’elle a répandus sur les chrétiens.
Maintenanti, il nous faut raconter, d’après le synaxaire, comment s’est fait cet extraordinaire miracle. Au temps de l’Empereur de Constantinople la Nouvelle Rome, Héraclius, qui a régné de 610 à 641, Chosroès II, Empereur de Perse, plaça à la tête d’une de ses trois puissantes armées, Sarbare, un de ses généraux, et lui confia la mission d’aller conquérir, ravager et dévaster toutes les contrées d’Anatolie qui relevaient de Constantinople, et d’emmener captifs, tous les habitants. Ce même Chosroès avait fait, dans le passé, une même campagne au cours de laquelle il emporta de Jérusalem la Croix du Seigneur, ce qui affligea le peuple chrétien, et fit plus de cent mille prisonniers qu’il vendit aux impies qui les exterminèrent. Sarbare dévasta donc toute l’Anatolie et massacra les populations chrétiennes sans défense sur son passage. A cette époque, la puissance des chrétiens avait été affaiblie par le sauvage tyran Phocas l’usurpateur, porté au trône impérial par une sédition militaire. Phocas fit tuer Maurice, l’Empereur légitime, régna pendant huit ans, de 602 à 610, puis fut lui-même détrôné et condamné à mort.
Sarbare s’empara de Chrysopole appelée aussi Scoutare et dressa son camp en Anatolie, dans la ville de Chalcédoine, située à l’entrée du Bosphore de Thrace. Dans cette ville avait eu lieu, en 451, le IVème Concile Œcuménique qui condamna l’hérésie du Monophysitisme, et confessa qu’en Jésus-Christ s’étaient unies, inséparables et sans confusion, deux natures, la divine et l’humaine, en la seule et unique Personne de Jésus-Christ notre Seigneur, vrai Dieu et vrai Homme.
Là, Sarbare prépara le siège de Constantinople qu’il voulait conquérir à tout prix, et dont il atteignit les environs en Mai 626. Devant cette situation, l’Empereur Héraclius qui avait succédé, depuis peu, à l’usurpateur Phocas, ne pouvant s’opposer à Sarbare, à cause de son armée affaiblie et du mauvais état du trésor impérial. Il prit, sous promesse de les restituer plus beaux et plus nombreux, les vases sacrés d’or et d’argent des églises, les fit fondre et frappa monnaie pour redresser ses finances.
Puis, plein de tristesse, il quitta le palais impérial pour le Pont-Euxin – ancien nom de la Mer Noire, qui signifie Mer Hospitalière. Là, il rassembla une petite armée de chrétiens et, à l’insu des Perses, marcha sur leur pays et commença la conquête des terres de Chosroès, dans la pensée que ce dernier, à l’annonce de la nouvelle, prendrait peur et rappellerait Sarbare et son armée. Et Héraclius conquit les terres perses.
Le roi de Mysie (Valaques) et de Scythie (Tartares) Chagan, apprenant l’absence de l’Empereur, mit à exécution son ancien projet de s’emparer, lui aussi, de Constantinople. Il marcha sur la Ville, par terre, avec son infanterie et sa cavalerie, et par mer, avec sa flotte de monoxyles, navires faits d’une seule pièce de bois. Devant ces menaces venues de toutes parts, le peuple de Constantinople, effrayé, fut consolé et rassuré par Serge son patriarche (610 à 638). « Mes enfants, prenez courage, leur disait-il, mettons toute notre espérance en Dieu seul ; levons nos mains et portons nos regards, et de toute notre âme, vers Lui. Lui seul peut écarter les malheurs qui nous menacent et nous encerclent, et anéantir, rapidement, les desseins des barbares ». Et les habitants de la Ville remirent alors toute leur espérance entre les mains de la Mère de Dieu et celles du Christ qui naquit d’Elle, sans semence, et attendirent la manifestation de la bonté de Dieu ; leur espérance ne tut pas trompée, comme on va le voir.
Le patrice Bônos, audacieux, intelligent et pieux, qui jouissait de la confiance de l’Empereur, le remplaça et fit tout ce qui était en son pouvoir pour protéger et défendre Constantinople ; Dieu n’aime pas voir les hommes passifs et les bras croisés ; Il secourt ceux qui coopèrent avec Lui à leur salut, qui mettent en Lui leur espérance. N’est-ce pas Dieu, qui au temps de Jésus de Navé, s’empara de la ville de Aï, comme le rapporte le Livre de Josué aux chapitres VII et VIII ? N’est-ce pas Dieu qui, par Gédéon, ses cruches et ses torches, vainquit les Madianites, comme cela est écrit dans le Livre des Juges, au chapitre VI, 15-23 ? Bônos prépara et organisa la Ville pour la guerre et la résistance. De son côté, le Patriarche Serge, à qui l’Empereur avait dit : « Entre les mains de Dieu, de sa Mère et les tiennes, je remets cette Ville et mon fils », encourageait les défenseurs, en portant, en procession, sur les remparts, l’Icône de la Mère de Dieu tenant dans ses bras le Sauveur ; ce spectacle remplissait de terreur les barbares. C’était le mois de Juillet 626.
Quelques jours après, le Patriarche vit, du haut des remparts, d’un côté, Sarbare et les Perses, allumer des feux, incendier les environs de Chalcédoine, massacrer les populations ou les emmener captives, et de l’autre, les Scythes faisant pire que les Perses. Il prit, cette fois, l’Icône de Notre Seigneur Jésus-Christ, non faite de main d’homme, c’est-à-dire le voile de sa Sainte Face, la ceinture précieuse de la Mère de Dieu et les porta, en procession, sur les remparts de la Ville, où il pria avec larmes et foi :
« Que Dieu se lève et que ses ennemis se dispersent, qu’ils fuient devant sa Face comme se dissipe la fumée, comme la cire qui fond au feu » (Ps. 67, 2). Après trois jours d’incendies et de massacres, Chagan assiégea la Ville. Son armée était si bien équipée et si nombreuse qu’on pouvait compter dix Scythes pour un chrétien. Mais notre Souveraine, la Mère de Dieu, le Suprême Stratège, qui combat toujours en première ligne, lorsque les chrétiens sont en péril, toujours prompte à secourir ceux qui l’Invoquent avec foi, fit ceci : elle fortifia et encouragea les soldats qui sortirent de la Ville, du côté de la Fontaine de la Source d’Or, par la Porte de Sélybrie, et battirent Chagan ; et ce fut là le signe du commencement de la défaite de celui-ci, comme on va le voir.
Encouragés par cette victoire, les Constantinopolitains sortirent tous les jours, avec la Mère de Dieu en tête, la force invincible, et rentrèrent chaque jour vainqueurs des Scythes et de leurs ruses. Le Patriarche et le peuple jugèrent bon d’envoyer une ambassade avec des présents à Chagan, pour lui proposer la paix. Chagan, vraie bête sauvage et non homme, prit les présents mais refusa la paix. Il renvoya les ambassadeurs les mains vides, en leur disant : « Ne vous égarez pas, en mettant votre confiance en votre Dieu ; demain je vais m’emparer de votre Ville et la détruire. Par bonté, je vous autorise à sortir tous, nus, pour aller où vous voudrez. Allez et n’attendez rien d’autre de moi ».
En entendant ces paroles, rapportées par leurs ambassadeurs, les Constantinopolitains gémirent de tout leur cœur. Elevant leurs mains au ciel, ils prièrent en larmes, Dieu, et lui dirent : « Seigneur notre Dieu, tu es notre secours invincible dans les adversités ; toi seul résiste aux orgueilleux, ta force est imbattable et ton règne indestructible. Tu as entendu les paroles de ce barbare qui a refusé la paix et qui t’a insulté, Ô Maitre de l’univers. Délivre ta Ville et ton héritage, arrachés au diable au prix de ton Sang précieux. Seigneur, sauve ce peuple élu qui invoque ton Nom, afin que les nations ne disent pas : où est leur Dieu ? » Ainsi pria le peuple de la Ville.
Chagan, de son côté, proposa aux Perses d’unir leur armée à la sienne, de former un front commun et puissant et de s’emparer, enfin, de la Ville. Mais Dieu déjoua ce dessein. Il fit souffler la tempête qui engloutit les Perses qui s’apprêtaient à débarquer sur les côtes de la Ville.
Chagan, voyant ses projets voués à l’échec, rassembla son armée et décida d’attaquer le jour même, par terre et par mer. Pendant les préparatifs, il prit ses meilleurs cavaliers et parcourut la côte depuis Galata jusqu’à la Mer Noire, pour montrer aux Perses sa force et son armée. Sarbare fit la même chose du côté oriental et ces deux bêtes sauvages se jetèrent sur la Ville comme sur une proie prête à tomber.
Mais qui dira les merveilles de Dieu qui se firent alors ? Qui racontera, comme il convient, le secours que les Constantinopolitains reçurent de la Mère de Dieu notre Souveraine ? Chagan avait envahi, avec ses monoxyles, le Golfe de la Corne qui s’étend du détroit du Chasseur jusqu’au Pont-Bas; Il voulait s’emparer de la Ville par terre et par mer. Du côté terre, ses pertes furent considérables, un vrai désastre, les Scythes n’arrivaient par à brûler leurs morts. Sur la mer, tous les monoxyles furent engloutis devant l’Eglise des Blachernes qui se trouve au-dessus du « Chasseur ». Une grande tempête souffla dont les tourbillons brisèrent les monoxyles qui disparurent dans le fond des eaux. Vraiment, un si grand et si étrange miracle ne s’était jamais vu. Les vagues s’élevaient, hautes comme des montagnes et comme des bêtes furieuses, se jetaient sur les ennemis de la Mère de Dieu, engloutissant les Scythes, comme jadis les Egyptiens, qui poursuivaient Israël, furent engloutis dans la Mer Rouge. Ainsi, la Mère de Dieu combattit pour sa Ville et vainquit, du côté de la mer, sans bataille, ses ennemis ; elle engloutit, sous les eaux, ceux qui attaquaient son héritage et délivra les chrétiens qui avaient mis, en Elle, toute leur espérance ; et Chagan se frappa la poitrine, à la vue du désastre étalé sous ses yeux.
Les chrétiens, fortifiés par Dieu, confiants en la Mère de Dieu, sortirent de la Ville et, femmes et enfants, se jetèrent sur les Scythes leurs ennemis. Les paroles de Moyse le Grand s’accomplirent, une fois encore, car un seul homme mettait en fuite mille, et deux hommes mettaient en fuite des myriades. Telle fut la force donnée par la Mère de Dieu aux chrétiens effrayés, telle fut la défaite qu’elle infligea aux Scythes orgueilleux. Pendant la nuit qui suivit, le reste des barbares leva le siège, rassembla monoxyles, xylocastres, palissades de bois, échelles, et les brûla. Et le Patriarche Serge, au milieu de son peuple, éleva, avec lui, les mains au ciel et, en larmes, remercia le Seigneur : « Ta droite s’est glorifiée dans sa force, ta main droite, Seigneur, a écrasé l’ennemi. Par la grandeur de ta gloire, tu as brisé tes adversaires » (Exode XV, 6).
Chagan, naguère puissant, retourna chez lui, confus et honteux, suivi des débris de son armée. Voyant la défaite de Chagan et craignant de subir le même sort, Sarbare prit, lui aussi, la fuite. Siroès, fils de Chosroès, se dressa contre son père, leva une armée qui le proclama Empereur, assassina son père et fit la paix avec Héraclius.
Héraclius rentra en vainqueur et en triomphe à Constantinople, avec la Croix du Christ qu’il ramena. La Toute-Sainte Mère de Dieu, la dispensatrice de la bonté divine, le secours infaillible des chrétiens, avait montré sa puissance, sauvant tous ceux qui avaient fait d’elle leur refuge. Les chrétiens, reconnaissants, passèrent alors la nuit à chanter l’Office à la Mère de Dieu qu’on appelle ACATHISTE (debout), ils le chantèrent en entier, comme on chante des stichères. Depuis, dans chaque pays, dans chaque ville orthodoxe, cet Office est célébré.
Plus tard, la Mère de Dieu devait délivrer d’autres périls sa Ville de Constantinople. En 672, soit quarante six ans après, sous l’Empereur Constantin Pogonate qui régna de 668 à 685, les Agaréniens, les descendants d’Agar la servante d’Abraham, attaquèrent la Ville par la mer, avec une puissante flotte, jetèrent l’ancre au lieu appelé « Hepta-Coulades » et livrèrent bataille aux Constantinopolitains, depuis le printemps jusqu’à l’automne, puis se retirèrent à Cyzique, ville de la Propontide, pour y passer l’hiver. Au printemps, à nouveau, ils revinrent guerroyer et repartirent, en automne, toujours pour Cyzique. Cette guerre dura sept ans. Voyant qu’ils n’obtenaient rien (bon nombre d’entre eux et des plus vaillants avaient péri avec leur flotte), ils regagnèrent les régions de Sylée de Perge, près de Pamphylie, entre Rhodes et Chypre, où ils disparurent dans une grande tempête que fit souffler la colère de Dieu.
Toutes les fois que ces impies s’attaquaient à la Ville, ils retournaient chez eux, les mains pleines de honte et de confusion.
Une autre fois, c’était la troisième, les Agaréniens, après avoir refait leurs forces, conquirent l’Empire Perse, puis l’Egypte, la Lybie, la Berberie et la Tunisie, et promirent aux chrétiens de ces pays de les laisser libres de pratiquer leur foi, promesse qu’ils ne tinrent pas et firent ainsi, beaucoup de Nouveaux-Martyrs. Ils conquirent aussi les Indes, l’Ethiopie, toute l’Afrique du Nord, l’Espagne et d’autres peuples. Mais Constantinople les obsédait, ils y revinrent. A cette époque, Léon l’Isaurien était Empereur ; il régna de 717 à 741 et fut le premier empereur Iconomaque. Il craignit les Agaréniens et leur promit tribut, mais eux, exigèrent que leurs hommes fussent placés comme sentinelles de la Ville, tant ils avaient confiance en la puissance de leur armée et de leur flotte qui, selon les chronographes, comptait à cette époque plus de 1800 bâtiments.
Les Agaréniens mouillèrent leur flotte près de Constantinople, ne firent pas la guerre, mais au contraire, ils vécurent en paix, comme s’ils étaient chez eux, tranquilles, construisant des maisons, des fermes, cultivant des champs, en attendant de s’installer dans la Ville. Tout cela fut l’effet de la prévoyance de la Mère de Dieu ; Elle les occupa ainsi, pour qu’ils ne pussent nuire à son peuple et à son héritage.
Pendant ce temps, le peuple pieux de Constantinople pleurait, priait, suppliait Dieu et portait, en procession, sur les remparts, le bois de la vénérable et vivifiante Croix et l’Icône de la Mère de Dieu qu’on appelle Hodighitria (qui montre le chemin) : « Lève-toi, Seigneur, ne couvre pas de honte ton peuple jusqu’a la fin. Car voici que tes ennemis sont puissants et que ceux qui te haïssent relèvent la tête. Ne livre pas ton héritage à la dérision ; que les nations infidèles ne dominent pas et qu’elles ne disent pas : « Où est leur Dieu ? » Qu’elles sachent que ton Nom est le Seigneur Jésus Christ, pour la gloire de Dieu le Père. Amen ! »
Pendant que le peuple priait, un athée agarénien qui blasphémait contre la Ville, en l’appelant Constance, et contre la Grande Eglise de Sainte Sophie, en l’appelant Sophie, tomba dans un ravin avec sa monture ; de même un des docteurs de leur loi (hodja) dégringola, du haut de son perchoir, et expira. Après tout cela, les Agaréniens décidèrent de former deux groupes, l’un se dirigerait vers la Bulgarie et l’autre livrerait bataille pour s’emparer de la Ville. La première armée fut vaincue par les Bulgares, qui tuèrent plus de vingt mille hommes, et le reste regagna sa terre, couvert de honte.
L’armée qui devait s’emparer de la Ville rassembla sa flotte dans le Golfe de la Corne, du côté de l’église des Blachernes, mais elle n’y parvint pas, les Constantinopolitains avaient tendu des chaines, depuis Galata jusqu’au Palais Impérial, qui les empêchèrent de passer. Leur plan ayant échoué, les Agaréniens se dirigèrent alors sur Sosthénion, vers les ports de saint Phocas, des Incorporels et de Néochorion qui ne purent contenir l’immense flotte qui devait hiverner. Une grande tempête souffla alors, et tous les bâtiments se brisèrent, avec fracas, les uns contre les autres et les chrétiens détruisirent le reste.
Une grande famine affligea les Constantinopolitains et le petit nombre des assiégeants, qui manquèrent du nécessaire, mangèrent la chair des animaux crevés. Beaucoup d’Agaréniens se livrèrent aux Constantinopolitains et leur demandèrent refuge, et ceux qui fuirent vers leur pays furent engloutis dans la Mer Egée, sous une pluie de grêle dont les grêlons ovoïdes…
– chacun pesait plusieurs centaines de grammes – faisaient bouillir la mer et l’écume et fondre l’enduit de goudron des navires. Treize bâtiments échappèrent au naufrage et revinrent chez eux. Les îles et les rivages du sud de Callipole jusqu’au Mont Athos furent remplis de cadavres agaréniens.
Nous les chrétiens, nous devons raconter ces choses aux générations qui suivent, en répétant les paroles de David : « C’est Toi, Seigneur, qui a brisé les têtes des dragons dans les eaux » (Ps. 73, 13), et avec Mariam, la sœur de Moyse le Grand : « Chantons le Seigneur, qui s’est couvert de gloire » (Ex.15, 21).
Les miracles de Dieu notre Maître et Souverain de gloire, et ceux de la Mère de Dieu, que nous venons de raconter, nous émerveillent et nous ne trouvons pas de parole capable de les louanger. Quelle langue, en vérité, peut louer, dignement, la Vierge Mère de Dieu ? Comment chanter sa grâce indicible ? Comment glorifier la source qui a fait sourdre l’Amour pour les hommes ? Comment la remercier ? Remercions-là, en rendant grâces à son Fils Unique, par nos œuvres plus que par nos chants, par la vraie charité qui est la tête de la Loi et des Prophètes, par la pratique de tous les commandements, en un mot, par tout ce qui orne l’homme et le fait image de Dieu.
« Ô Mère de Dieu, dont l’amitié pour les humains est naturelle, jamais tu n’as cessé de prendre soin de nous et de nous combler de tes bienfaits. Tu nous sauves, tu nous gardes, tu nous protèges contre les dangers et tu nous délivres des épreuves. Nous te remercions et proclamons tes bienfaits ; nous magnifions ta prévoyance, nous célébrons ta protection, nous glorifions ton secours et nous commémorons tes miracles qui nous ont délivrés des périls et des malheurs. Nous t’offrons nos louanges qui n’égalent, certes pas, tes bienfaits. Ô Mère accueille les balbutiements de tes enfants. Dans les périls, nous appelons ton secours rapide, nous demandons ta bonté. Fais cesser les scandales, dissipe la nuée du péché qui nous obscurcit et nous empêche de nous voir les uns les autres, de reconnaître les nôtres, d’être bienveillants pour nos concitoyens. Qui sommes-nous pour désirer cela ? Les fils du même Esprit, des serviteurs du Christ, qui partagent la même foi, le même baptême, la même Sainte Eglise, la même communion.
Mère de Dieu, notre Souveraine, nous implorons ta miséricorde, prends pitié de ton peuple et de ton héritage et supplie notre Dieu, né de toi, de venir à notre aide, car nous sommes exposés à de grands périls. Prie-le de nous délivrer des malheurs et des épreuves sans nombre. Tu vois, Ô Souveraine, les maux qui nous encerclent. Lève-toi et ne nous abandonne pas jusqu’à la fin.
Pourquoi nous abandonnerais-tu et te détournerais-tu de notre indigence et de notre affliction ? Dissipe, nous t’en supplions, les craintes et les menaces qui nous environnent. Fais cesser les scandales des chrétiens et les guerres. Apaise la colère de Dieu envers nous. Donne la paix et la tranquillité à tes serviteurs. Multiplie, comme dans le passé, tes bienfaits et nous, nous proclamerons à jamais tes merveilles et te glorifierons ».
Le Kondak de l’Hymne Acathiste, que nous chantons aux liturgies du Grand Carême, résume toute l’histoire de la Ville, que nous venons – bien que faiblement – de décrire :
A Toi le Suprême Stratège,
Le prix de la victoire.
Moi, ta ville libérée des dangers.
Je t’offre l’action de grâce,
Ô Mère de Dieu.
Toi, dont la force est invincible,
Délivre-moi de tout péril,
Moi qui t’acclame en criant :
Salut, Epouse Inépousée ! ii
L’HYNNE ACATHISTE est la délicate expression de l’amour, nourri pour la Vierge, la Mère de Dieu, par le cœur orthodoxe, de son admiration pour son extraordinaire pureté, pour son extraordinaire humilité, ornements de la Toujours-Vierge, qui ont fait descendre Dieu sur terre. Ce poème admirable, divin, sublime, chef-d’œuvre de la foi orthodoxe, a jailli du fond de l’âme déifiée du poète. Des significations théologiques élevées, fruits de la contemplation du Mystère de l’Economie Divine trouvent leur expression, dans une langue inimitable, majestueuse et simple. Les termes, choisis avec soin, tels des pierres précieuses, des joyaux assemblés avec art, font naître, dans l’âme des fidèles, le sentiment de l’harmonie, de la sérénité et de la paix du cœur purifié.
Une riche imagination, une abondance d’images donnent l’impression d’avoir, sous les yeux, des tableaux admirables, des icônes, telles que celles que nous reproduisons, au-dessus de chaque Ikos, où l’iconographe a exprimé, par les lignes et les couleurs (couleurs que nous n’avons pu, malheureusement, reproduire, pour des raisons techniques), ce que le poète sacré a exprimé par l’art des mots.
L’HYMNE ACATHISTE est la gloire de la civilisation orthodoxe, reflet de la Jérusalem céleste, image terrestre du ciel. Il faut, pour comprendre cette civilisation, devenir étranger à ce monde et porter au ciel notre esprit… Pour n’avoir pas fait cette ascèse, tous ceux qui ont voulu s’occuper de l’Histoire de la VILLE, sont restés au bas de ses murailles.
Ce Poèmeiii est composé d’un préambule et de vingt-quatre ikos qui se succèdent, selon l’ordre des lettres de l’alphabet grec. Le préambule qui le précède, appelé aussi Apolytikion, est autonome, par sa forme et son rythme, et chanté sur le quatrième ton plagal ou ton 8. Le voici :
Quand l’Ange prit connaissance
De l’ordre mystérieux,
L’Incorporel se pressa
Vers la maison de Joseph
Et dit à la Vierge :
« Celui qui incline les cieux
« Et descend sur la terre,
« Va, pleinement et sans changer,
« Être contenu en toi.
« Je le vois, dans ton sein,
« Prenant la forme de l’esclave
« Et saisi d’effroi, je te crie :
« Réjouis-toi, Epouse Inépousée ! »
Les vingt-quatre ikos sont indépendants du préambule. Pour ne pas incommoder le lecteur par des termes techniques difficiles, nous avons réparti les vingt-quatre ikos en douze chants, incluant dans chaque chant, deux ikos. Voici, pour exemple, la structure du premier chant :
L’ANGE PROTOSTATE, ENVOYE DU HAUT DES CIEUX, POUR DIRE A LA MÈRE DE DIEU « REJOUIS-TOI », S’ARRETA INTERDIT, EN TE VOYANT, SEIGNEUR, PRENDRE CHAIR. ET, DE SA VOIX INCORPORELLE, IL LUI CLAMA :
Réjouis-toi !
Par toi, la joie va resplendir,
Réjouis-toi !
Par toi, la malédiction va finir.
…/…
Après douze salutations, le poète conclue par l’acclamation :
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
Et termine ce premier chant par l’ikos suivant :
LA SAINTE, QUI SE SAIT PURE, DIT AVEC ASSURANCE A GABRIEL : « TES PAROLES ETRANGES SONT, POUR MON AME, DIFFICILES A COMPRENDRE. CAR, SANS SEMENCE, COMMENT PEUX-TU PARLER DE CONCEPTION ET D’ENFANTEMENT ET T’ECRIER :
Et l’hymnode conclut par l’acclamation : ALLELUIA !
Les douze chants sont construits sur le même type.
Composée pour la fête de l’Annonciation, qui est, pour saint Jean Chrysostome, la « Métropole des Fêtes », et pour saint Photios, le « Commencement de toutes les Fêtes », cette hymne n’est plus chantée aujourd’hui, mais déclamée solennellement. Incorporée dans un canon aux neuf odes, il forme un Office de Matines complet.
Son auteur s’est inspiré de l’Evangile selon saint Luc, chapitre l, versets 26 à 56, où l’Annonciation de la Mère de Dieu est exposée dans le message apporté, à la Vierge, par l’Archange Gabriel : la conception sans semence du Verbe Dieu ; en Elle Dieu va se faire Homme. Dans la première partie du poème, qui comprend les chants I à VI, figurent les événements qui vont de l’Annonciation à la Nativité, et dans la seconde, qui comprend les chants VII à XII, sont énumérés les bienfaits salutaires dont l’humanité a été comblée, et les remerciements, les hymnes de reconnaissance, de gratitude, adressées au Seigneur et à la Mère de Dieu.
Dans les chants I et II, l’hymnode raconte la salutation de Gabriel, l’Ange Protostate, à Marie ; la conception du Sauveur ; l’étonnement de la Vierge, à l’audition de l’étrange nouvelle : « Comment d’un sein innocent un fils peut-il naître ? Explique-toi » ; la « puissance du Très-Haut couvrit alors, de son ombre, celle qui devait concevoir sans époux ».
Dans le chant III, Marie « serrant Dieu dans son sein… » rend visite à Elisabeth sa cousine ; Joseph « agité par la tempête intérieure du doute… » est à la joie, quand il apprend que Marie a conçu par l’Esprit Saint.
Au chant IV, la Nativité du Seigneur est évoquée : « En entendant les anges chanter la venue du Christ dans la chair… », et les Mages guidés par l’astre, se mettent en route.
Au chant V, arrivent les Mages, « les fils de la Chaldée, avec leurs présents… » qui, « devenus prédicateurs théophores… » retournent à Babylone où ils prêchent le Christ.
Le chant VI raconte la fuite en Egypte, où « va luire la lumière de la vérité… » ; le retour en Palestine et la rencontre avec le vieillard Syméon : « Sur le point de quitter ce monde illusoire… ».
A partir du chant VII, l’auteur énumère les bienfaits apportés à l’humanité, par la venue du Christ. Il commence par le miracle de la re-création du monde, de la nouvelle création : « Le Créateur montre à ses créatures sa nouvelle création… » ; puis il invite les hommes à se détourner du monde et à porter leurs regards au ciel : « Après avoir vu cette étrange naissance, devenons étrangers à ce monde… »
Le chant VIII nous introduit dans les profondeurs de la théologie du Verbe de Dieu venu sur la terre, sans quitter les cieux : « Le Verbe infini est apparu, tout entier, ici-bas, sans quitter les cieux… » ; descente divine qui a étonné : « Toute la nature angélique… »
Au chant IX, entrent en scène les rationalistes, ceux qui cherchent à comprendre, par leur seule raison, le mystère : comment une vierge peut accoucher et rester vierge. « Les rhéteurs éloquents, ô Mère de Dieu, sont devant toi, muets… » ; mais Dieu, « Voulant sauver le monde… » descend dans le cosmos, se rend visible, palpable, Dieu-Homme historique.
Du chant X : « Vierge, Mère de Dieu, tu es le rempart des vierges… » au chant XII : « Ô Mère de Dieu, louée par-dessus tout… », le poète, au comble de l’enthousiasme et de l’émerveillement, louange la Mère de Dieu, Celle qui a accueilli, dans son sein, le Créateur du ciel et de la terre ; quand bien même, dit-il, nos louanges seraient aussi nombreuses que le sable de la mer, elles ne suffiraient pas à remercier ce « Flambeau lumineux qui éclaire les ténèbres… », qui conduit – chant XI – les hommes débiteurs de Dieu, depuis la transgression d’Adam, qui les conduit au Christ, qui annule leurs dettes.
L’hymnode termine son œuvre par le chant XII, où il célèbre l’Enfant et la Mère de Dieu, devenue Temple Vivant, vrai Saint des saints, et supplie la Toute-Sainte d’agréer son offrande et de délivrer des dangers et des périls tous ceux qui la célèbrent.
L’AUTEUR
Depuis des siècles, les érudits cherchent à savoir, sans tomber d’accord, qui est l’auteur de cette Hymne. Les uns l’attribuent à Apollinaire, évêque de Laodicée de Syrie au IVème siècle ; les autres à Serge, patriarche de Constantinople de 610 à 638, pendant les événements décrits plus haut ; d’autres à saint Photios, patriarche de Constantinople au IXème siècle ; d’autres à Georges de Pisidie, d’autres, enfin, à saint Romanos ou Romain le Mélode.
Apollinaire, qui a vécu au IVème siècle, ne peut être l’auteur de cette Hymne, parce que l’Hymnographie chrétienne n’avait pas encore atteint le haut niveau qu’elle connaîtra plus tard ; il ignorait la fête de l’Annonciation, pour laquelle l’Hymne a été composée. Comme hérétique, ni lui, ni son œuvre n’auraient été dignes d’un si grand honneur. Quant à Serge le patriarche, il n’est pas connu comme poète et mélode ; certains lui attribuent la paternité du Kondak : « A TOI LE SUPREME STATEGE… », mais Serge est, certainement, celui qui a institué l’office d’actions de grâces, chanté debout, pendant toute la nuit, en ce temps-là, en l’Eglise de la Mère de Dieu des Blachernes. Serge est tombé, dans la suite, dans l’hérésie monothélite. Le saint Patriarche Photios ne peut être considéré comme l’auteur, parce que, de son temps, seul le canon aux neuf odes était en usage. Georges de Pisidie, lui, utilise le mètre iambique ; le mètre tonique, qui caractérise l’Acathiste, lui était inconnu.
Le genre de la poésie liturgique représenté par l’Hymne Acathiste, est un KONDAK, genre qui devait atteindre son apogée aux VIème et VIIème siècles, pour connaître ensuite le déclin et céder sa place au Canon à neuf odes, qui le remplacera définitivement, à partir du IXème siècle.
Il est donc vraisemblable, selon beaucoup d’érudits, que l’auteur de l’Hymne soit Romanos le Mélode, fêté le 1er Octobre. Saint Romanos est, sans conteste, le plus extraordinaire, le plus remarquable mélode de la seconde période de l’Hymnographie chrétienne.
Pour son œuvre d’hymnographe, Romanos a utilisé l’Ancien et le Nouveau Testament, les synaxaires anciens, les martyrologes, et les événements historiques, comme la construction de Sainte Sophie, le tremblement de terre de la Ville, etc.
Son style est populaire. Son talent de conteur lui permet d’exprimer des vérités dogmatiques supérieures. Sa langue est simple. Il se distingue, par sa manière de s’exprimer, de conter, de représenter. Il utilise le dialogue, le questionnaire. Il personnifie, présente les Personnes divines pensant à la manière des hommes, etc. Romanos apparaît dans son œuvre, comme un homme fort, fidèle, plein d’un monde de beauté…
De la vie de ce Poète, nous ne savons pas grand chose. Des indications puisées dans le Canon de sa fête, composé par Théophane (778-845), dans le Synaxaire, dans une Hymne en son honneur, dans le Ménologe de l’Empereur Basile II, permettent de dire que Romanos est né à Emesse, ville de Syrie. Quand ? On l’ignore. D’après l’acrostiche d’un Kondak dédié à Tous les Saints : « Louange de Romanos D. » on pense qu’il a été diacre à Beyrouth, ville qu’il a quittée pour Constantinople. D’après le Ménologe de Basile II, Romanos serait venu à Constantinople sous l’Empereur Anastase 1er qui régna de 491 à 518.
Il habita l’église de la Mère de Dieu de Kyrou et se rendait, chaque jour, aux Offices nocturnes célébrés en l’Eglise de la Mère de Dieu des Blachernes. Une fois, pendant son sommeil, il vit en songe la Mère de Dieu lui donner un livre et lui dire : « Prends ce livre et mange-le ». Romanos obéit, prit le livre et l’avala. C’était la fête de la Nativité du Seigneur. Réveillé, il glorifia Dieu ; puis monta à l’ambon et improvisa le célèbre Kondak de la Nativité : « La Vierge, aujourd’hui, met au monde l’Eternel et la terre offre une grotte à l’Inaccessible. Les anges et les pasteurs Le louent et les mages avec l’étoile s’avancent. Car tu es né pour nous, petit enfant, Dieu éternel ! »
Saint Romanos le Mélode a quitté ce monde et nul ne sait le jour de son départ pour les cieux. Mais son œuvre qui compte plus de mille Kondaks, demeure et le rend présent parmi les hommes. Que par ses prières, Dieu nous soit propice !
Chant 1 :
L’ANGE PROTOSTATE, ENVOYE DU HAUT DES CIEUX, POUR DIRE A LA MERE DE DIEU : « REJOUIS-TOI ! », S’ARRETA INTERDIT, EN TE VOYANT, SEIGNEUR, PRENDRE CHAIR. ET DE SA VOIX INCORPORELLE, IL LUI CLAMA :
Réjoui-toi !
Par toi, la joie va resplendir…
Les anges sont des esprits liturges (Hébreux 1, 14), des serviteurs des volontés divines, du dessein de l’Economie de Dieu pour les hommes. Leur œuvre est liturgique et doxologique (Ps. 102, 20 – 148, 2 – Ez. 3, 12 – Is. 6, 2 – Lc. 2, 4 – Apoc. 4, 8 – 7, 12).
L’archange Gabriel est l’ange extraordinaire de la bonté, de la miséricorde de Dieu, et la miséricorde divine c’est la venue du Christ. Trois sont les œuvres les plus grandes de Dieu : la création du monde spirituel, la création du monde sensible et l’économie de l’Incarnation du Verbe de Dieu. Michel et Gabriel ont été les serviteurs éminents de ces trois œuvres de Dieu… A Gabriel fut confié le mystère de l’économie de l’Incarnation… Il a apporté à de nombreuses femmes, avant comme après la Loi, des messages pleins de joie, l’annonce de la fin de leur stérilité… Il a instruit le prophète Daniel sur la Nativité, la Crucifixion du Christ et sur le temps de l’accomplissement de ces événements (Dan. 8, 16 à 9, 21)… Gabriel signifie, en hébreu, « dieu-homme ».iv
Le « Protostate » c’est le premier, celui qui se tient le plus près de Dieu, à la première place. Nous avons gardé le terme grec.
Quand donc la plénitude des temps fût là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu (Luc 1, 26), pour annoncer à Marie la Vierge de Nazareth, le message plein de joie pour le monde : le Fils et Verbe de Dieu allait devenir Homme en elle. L’humanité, et en particulier le peuple élu, avaient déjà été préparés par Dieu pour accueillir le Messie, le Verbe de Dieu fait Homme.
Cette « plénitude des temps », dans le sens de la possibilité de recevoir, d’accueillir le Fils de Dieu, avait un lieu et ce lieu Lumineux était la Vierge.
A Nazareth se trouvait la demeure du Fils éternel : Marie, la seule en mesure de donner au Fils une chair éclatante de lumière. A Nazareth se trouvait la possibilité, pour la terre, de recevoir le ciel, la possibilité pour l’Histoire de recevoir l’Eternel, Celui qui est sans commencement. En Marie la Vierge, la créature acceptait, librement, le dessein libre, rédempteur et salutaire du Créateur.
Là, la liberté illimitée rencontrait la liberté limitée ; la Vierge était le lieu tout rempli de lumière. En elle, ces deux libertés devaient se conjuguer harmonieusement, pour l’accomplissement du miracle infini, du mystère insaisissable de la bienveillance divine envers les hommes. Dans la personne de la jeune vierge Miriam, qui révélait la nature dans ses dimensions réelles, la créature était prête à recevoir son Seigneur et Créateur.
Dans les demeures de Mariam, l’ange intimidé par la lumière qui y resplendissait, lui transmit la salutation céleste. De cette salutation jaillit l’étincelle immatérielle de l’Esprit, le feu de la divinité qui entoura la Vierge et embrasa son sein qui devait contenir Dieu et où devait se former le Corps du Verbe Incorporel.
Alors que retentissait sa voix, le liturge incorporel voyait l’auteur incorporel et créateur de l’univers prendre un corps dans la Vierge. Le prodige était grand, infini dans ses dimensions divino-humaines, et difficile à porter pour cet esprit en forme divine. L’étonnement de l’ange était juste, à la mesure de l’immensité du miracle qui s’accomplissait. Son cri de gloire, plein de joie, exprima son émerveillement, son extase spirituelle et il clama à la Mère de Dieu ces paroles que l’hymnode met dans sa bouche :
Réjouis-toi !
Par toi, la joie va resplendir,
Réjouis-toi !
Par toi, la malédiction va finir.
Réjouis-toi !
Par toi, Adam déchu va être rappelé,
Réjouis-toi !
Par toi, Eve de ses larmes va être délivrée…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
LA SAINTE, QUI SE SAIT PURE, DIT AVEC ASSURANCE A GABRIEL : « TES PAROLES ETRANGES SONT, POUR MON AME, DIFFICILES A COMPRENDRE. CAR, SANS SEMENCE, COMMENT PEUX-TU PARLER DE CONCEPTION, D’ENFANTEMENT, ET T’ECRIER : ALLELUIA !
En entendant la nouvelle de ce miracle surnaturel, Marie est troublée, bouleversée. Pure et vraie créature de Dieu, elle a un cœur bien disposé et pondéré. Le sentimentalisme maladif et les oscillations psychiques sont étrangères à son caractère aimable et calme. En elle, rien d’excessif. Bien que porteuse du péché d’Adam, son cœur, cependant, enivre de grâce, se tourne en toute liberté vers Dieu. Avec amour et grande humilité, elle tisse sa tunique spirituelle. En entendant le message de l’ange, la jeune et vertueuse vierge, réagit avec un certain trouble, bien naturel en un tel cas exceptionnel, mais aussi avec dignité et gravité.
Les paroles de l’ange lui paraissent étranges et difficiles à comprendre ; il lui parle, à elle qui est vierge et innocente, de conception et d’enfantement. Comment est-il possible, sans rapports conjugaux, de concevoir et de mettre au monde un Fils ? (Luc. 1, 34). Quel sens pouvait avoir, pour elle, une conception sans semence et un enfantement ? La nature toute Innocente est vraiment troublée ! La raison naturelle et sans malice s’étonne devant l’étrange nouvelle. Mais la Vierge n’est pas effrayée pour autant. Sûre d’elle-même et de son innocence, elle devient audacieuse et demande à l’ange des explications.
Elle n’est pas incrédule comme Zacharie (Luc 1, 18) qui reçut, par l’ange, un message analogue. Elle veut savoir, elle veut être instruite. Elle cherche à se situer, avec juste raison, dans le mystère annoncé par l’ange. Et quand l’ange lui donne les explications, la sainte s’ouvre, dans l’obéissance et l’humilité, au mystère du dessein divin (Lc. 1, 38). Ô bienheureuse et sainte obéissance qui a effacé la désobéissance d’Eve notre Mère originelle dans l’Eden. Ô humilité et modestie qui ont détruit le fol orgueil et la fièvre ardente du maudit (serpent) de l’Eden !
Le OUI de la Vierge a effacé le NON de la transgression ancestrale. Le consentement de la Sainte, donné en toute humilité, a effacé l’apostasie inconsidérée d’Adam. La vertu de la Jeune Vierge a détruit la honte de la désobéissance adamique. Le OUI de la Vierge représente le OUI de l’humanité écrasée, l’adhésion libre au dessein rédempteur de Dieu, l’indispensable coopération humaine à la réalisation de l’ineffable miracle. L’humanité, dans la personne de la très digne jeune vierge, ouvre librement ses portes à son Créateur infiniment bon. La présence de la Vierge, en tant que possibilité créée pour l’accomplissement du dessein incréé de Dieu, c’est l’approbation de la décision divine infinie, de rappeler celui qui tomba dans le champ de la mort et dans l’abîme de la corruption.
Le grand miracle de la Vierge, fruit doux et agréable du dessein de Dieu, gardé secret depuis des siècles, de rappeler celui qui avait chuté, constitue l’hymne la plus excellente à la bonté de Dieu, à la toute sagesse divine, à sa toute-puissance, qui triomphe des artifices de l’ennemi (Col. 2, 15) réduit en poussière par ce miracle incompréhensible. L’Epouse Inépousée est à la joie et « l’ALLELUIA ! » jaillit non plus des seules lèvres angéliques, mais aussi de la bouche de la créature délivrée, faisant trembler le ciel et la terre et montant comme le pieux encens doxologique, jusqu’au trône du Très-Haut.
L’ALLELUIA, hymne triomphale de la création à la Majesté infinie et à la bonté divine, exprime la joie qui est en la Vierge et par la Vierge. En elle et par elle, la nature vêtue des ornements de fête de l’allégresse, rejetant la tristesse et les douleurs de la mort, se consume en doxologie et louange, la cause de la joie : le miracle et le mystère divin du Christ. L’ALLELUIA de la créature, c’est l’attitude de glorification digne de son Créateur et Rédempteur. C’est l’exclamation de la créature délivrée dans le calme qui succéda aux tumultes et aux troubles du péché, à la tempête déchaînée qui précéda la venue du Puissant !
Chant 2 :
VOULANT CONNAITRE L’INCONNAISSABLE, LA VIERGE DIT HARDIMENT AU MESSAGER : « COMMENT, D’UN SEIN INNOCENT, UN FILS PEUT-IL NAITRE ? EXPLIQUE-TOI ». ET L’ANGE, REMPLI DE CRAINTE, REPONDIT :
Réjouis-toi !
Initiée au dessein ineffable…
Dans cet ikos, on retrouve le même sujet que dans le précédent. La Vierge désire pénétrer, autant qu’elle le peut, l’ineffable mystère. Elle veut comprendre la connaissance qui n’est pas connaissable, la connaissance qui est au-delà des capacités cognitives de l’être humain. Elle veut comprendre le dessein inconnaissable de Dieu. Ce désir de la Vierge n’est pas une simple curiosité, due à la nécessité naturelle de connaître ; ce désir est plutôt une nécessité existentielle de son être déiforme.
Puisque Dieu l’appelle à participer à une œuvre si sublime et plus que divine, l’humble et jeune Vierge cherche à se situer, clairement, pleinement, consciemment, dans ce mystère. Libre de tout asservissement passionnel, elle cherche une orientation libre, une ouverture libre, une élévation libre dans le miracle qu’on lui annonce. Aussi pose-t-elle cette question sage au messager : Comment d’un sein innocent un Fils peut-il naître ? Comment le processus naturel de l’enfantement et les lois naturelles de la procréation peuvent-ils être dépassés ? Comment enfanterai-je un Fils sans le concours d’un homme ? Et l’ange donne à la question judicieuse, la réponse qui satisfait complètement l’humble et jeune Vierge. Lui, rempli de crainte, louange l’Inépousée et lui chante :
Réjouis-toi !
Initiée au dessein ineffable,
Réjouis-toi !
Silence du mystère de foi.
Réjouis-toi !
Commencement des merveilles du Christ,
Réjouis-toi :
Résumé des dogmes…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
ALORS, LA PUISSANCE DU TRES-HAUT COUVRIT DE SON OMBRE CELLE QUI DEVAIT CONCEVOIR SANS EPOUX. SON SEIN FECONDE DEVINT UNE PRAIRIE DE DELICES, POUR CEUX QUI VEULENT RECOLTER LE SALUT EN CHANTANT : ALLELUIA !
Après le Dialogue entre la Vierge et l’ange, l’Esprit Saint couvrit de son ombre l’enfant divine Mariam, et elle conçut en elle le Dieu-Homme. La jeune Vierge qui n’avait pas connu le mariage devint Mère du Verbe infini ! Le Saint-Esprit suppléa à l’union naturelle et créa, dans son sang Innocent, la chair immaculée de son Fils et Sauveur. Le sein virginal devint le lieu de l’Incontenable, le temple du Roi de Gloire. Elle devint la prairie des délices où poussent les fleurs du Paradis. D’elle devait pousser l’arbre de la vie, la nourriture de la création entière. Vers la prairie des délices allaient se presser tous ceux qui voulaient le salut.
L’épi de la vie, mûr et plein, serait généreusement offert, dans le champ de la Toujours-Vierge, à tous ceux qui le mangeraient pour nourrir leur corps et fortifier leur âme, en plein milieu de l’empire de la mort, avec courage et audace. Le blé du Verbe chasse la nécrose de la vie, détruit les cavernes obscures de la mort, chasse la faim de l’esprit, la faim qui mène à la mort.
Seuls récoltent le salut ceux qui crient dans le champ de la Vierge ALLELUIA ! Ceux qui montent, librement, vers la table qui nourrit l’âme, qui reçoivent le pain de vie. Seuls ceux qui craignent Dieu et sont disposés à Lui rendre gloire se pressent vers le champ de la vie et mangent le pain du Royaume. L’ALLELUIA est le chant épithalame de ceux qui se sont parés. Les cœurs stériles et les esprits inféconds n’ont aucun accès au champ de la vie. Dans le champ du péché, ils se nourrissent, servilement, des carouges de la corruption (Lc. 15, 16). Le blé de la vie leur reste étranger et inaccessible. La douceur de la Vierge ne pénètre pas leur cœur endurci par le péché. Etouffés par la mauvaise odeur de la mort, ils ne peuvent sentir les vagues du parfum indicible qu’exhale le parfum de la vie !
Chant 3 :
SERRANT DIEU DANS SON SEIN, LA VIERGE S’EN FUT ALORS CHEZ ELISABETH. L’ENFANT DE CELLE-CI LA RECONNUT A SON SALUT. IL TRESSAILLIT DE JOIE ET CHANTA AINSI A LA MÈRE DE DIEU :
Réjouis-toi !
Sarment au bourgeon inflétrissable…
Dans, le récit de l’Incarnation divine, d’autres personnages sont introduits : la joie indicible de la Vierge qui se mêle dans sa poitrine et remue les profondeurs de son âme veut se communiquer, s’extérioriser. Le grand secret cherche à se communiquer, la joie céleste à être participée. La communion c’est l’embrasement des cœurs, l’incendie dans le creuset de l’amour. La Vierge cherche un être humain, pour lui communiquer sa fierté et sa joie, son allégresse secrète et le frémissement sacré de son cœur. Le péché n’est pas seul à lier ensemble les hommes entre eux et à les unir au géniteur de la corruption. Il y a la vie, qui lie, elle aussi, les êtres ensemble, dans le corps mystique du Royaume. Une personne allait, dignement, prendre part à la joie de la Vierge : sa cousine Elisabeth.
Cette femme vertueuse portait déjà en elle le fruit agréable à la bienveillance divine (Lc. 1, 13). Déjà, dans son sein, gesticulait le Précurseur du Christ (Lc. 1, 13). La Mère de celui qui sera le plus grand de ceux qui naissent de femmes (Matth. 11, 11 – Lc. 7, 28), avancée en âge, la stérile selon la nature, se cachait pudiquement (Lc. 1, 24) et gardait, loin de tous, son secret extraordinaire. Mais le temps de la communication et de la révélation était venu. L’une à l’autre, les deux Mères se confièrent leur joie, se communiquèrent leur secrète allégresse. Elisabeth fut remplie du Saint Esprit dès la salutation de la Mère de son Seigneur et Dieu. Sa langue se mut pour louer le mystère du Christ qui s’accomplissait sous ses yeux (Lc. 1, 41) et l’enfant Jean qu’elle portait en elle, bondit d’allégresse dans le sein de sa pudique mère (Lc. 1, 41).
Le serviteur reconnut son Maître, le prophète son Seigneur de gloire, le précurseur de son divin Roi, l’ami de l’époux céleste ; l’illustre escorte du Royaume, dans la personne du fils de Zacharie ! Jean salue le Christ, comme ange précédant le Messie déjà présent dans le monde ; comme beau sarment de la vigne divine, il salue la grappe céleste de la vie. Déjà le précurseur prenait sa charge, ses devoirs, sa mission d’avant-coureur du prince du Royaume. Déjà la lampe éclairait les chemins que le rejeton de la Vierge devait parcourir. L’enfant Jean bondit dans le sein de sa mère comme pour chanter et saluer la Mère de Dieu, la Mère de son Seigneur, de son Dieu !
Réjouis-toi !
Sarment au bourgeon inflétrissable,
Réjouis-toi !
Terre du fruit inaltérable…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
AGITE PAR LA TEMPETE INTERIEURE DU DOUTE, LE CHASTE JOSEPH FUT TROUBLE. TE SACHANT VIERGE, IL TE CRUT INFIDELE. MAIS EN APPRENANT, Ô TRES-PURE, QUE TU AVAIS CONCU PAR L’ESPRIT-SAINT, IL S’ECRIA : ALLELUIA !
Le mélode introduit, une fois de plus, dans le récit de l’Incarnation, une nouvelle personne, le chaste Joseph. Le surnom de « chaste » indique à l’avance le caractère sacré de la personne du saint. D’ailleurs, le fiancé de la Sainte devait être digne d’elle en tout. Israélite bon, vertueux, chaste, il appartenait aux quelques élus qui vivaient dans l’attente de la venue du Messie (Mc. 15, 43 – Lc. 2, 35). Homme modeste, il était le protecteur de la Vierge dans les nombreuses vicissitudes de la vie de celle-ci, dans l’évolution de son divin mystère. Le fiancé n’était pas le mari. Aux fiançailles n’avait pas succédé le mariage. Mais, tout à coup, le Juste découvrit, stupéfait, la grossesse de sa fiancée ; constatation particulièrement pénible.
Son âme fut justement troublée. Une tempête de doutes se leva, à juste titre, dans son cœur. Le vertige s’empara de son esprit. Comment la Vierge, la jeune fille modeste et intelligente, qui n’avait pas connu, jusqu’ici, le mariage, était-elle enceinte du fruit de la vie ? Joseph la crut infidèle et voulut renvoyer en secret sa fiancée (Matth. 1, 19). Telles étaient les pensées de son cœur, ses doutes, ses soupçons que l’intervention de l’ange devait dissiper. L’ange qui avait instruit, au début, la Vierge sur la magnificence de son Enfant conçu sans époux, le même instruit Joseph sur la grossesse étrange de sa jeune fiancée (Matth. 1, 20). Le bon Joseph se soumit aussitôt à la volonté bonne de Dieu. Il fléchit avec piété le genou devant le Très-Haut. Son cœur et son esprit s’ouvrirent au mystère divin, l’homme bienheureux se mit à la disposition de la volonté divine. La louange et la glorification qu’il adressa au Seigneur furent le débordement de son âme vertueuse, lorsqu’il apprit de l’ange que Marie avait conçu, par l’Esprit Saint, le Fils de Dieu ! Et lui aussi, à son tour, s’écria : ALLELUIA !
Chant 4 :
EN ENTENDANT LES ANGES CHANTER LA VENUE DU CHRIST DANS LA CHAIR, LES PATRES COURURENT A LUI, COMME VERS LEUR PASTEUR. ILS VIRENT L’AGNEAU SANS TACHE PAITRE SUR LE SEIN DE MARIE QU’ILS CHANTERENT :
Réjouis-toi !
Mère de l’Agneau et Pasteur…
Dans le récit de l’Incarnation du Verbe, les bergers sont des figures nobles (Lc. 2, 8). Etres humbles, ils vivaient dans le désert de la nature et dans la présence mystique de la lumière du Verbe. Ils n’étaient pas des sages ni des lettrés selon ce monde, mais en eux brûlait le brandon de la sagesse mystérieuse de Dieu. Dans le cœur de ces ignorants et illettrés, la sagesse surnaturelle qui vient d’En-Haut était écrite par le doigt de l’Esprit (Jac. 3, 15). A eux fut donné le grand privilège d’entendre, les premiers, le message joyeux de la naissance du Sauveur. Fermes aux bruits de ce monde agité, ils entendirent la voix immatérielle des anges qui chantaient, allégrement, l’événement.
Leurs yeux s’ouvrirent à la lumière immatérielle qui éclairait les cieux et les confins du monde. Ô âmes bienheureuses et modestes ! Vêtues de la pure lumière intérieure, portées par l’aile de l’humilité, sur le chemin céleste, vous laissez les sages de ce monde, chargés du fard et de l’éclat de la sagesse terrestre, ramper dans l’obscurité de la raison et des sens, pour vous élever dans les sphères photoïdes de l’Esprit, dans les espaces lumineux et immatériels des mystères vivifiants. Votre intelligence libre de toute imagination du prince maudit (le diable), se meut dans le rayonnement de l’énergie incréée de Dieu, dans la clarté ineffable et bienheureuse de la gloire bienheureuse du Dieu Trinité !
Porteurs de la joie de la divine nouvelle, les bergers coururent voir, de leurs yeux, le miracle, se pressèrent vers le Christ comme vers leur Pasteur, qu’ils trouvèrent couché dans la crèche, agneau pur et sans tache, paissant sur le sein de celle qui ne connut pas le mariage. Ô scène vraiment aimable qui enchante le cœur ! Ô crèche sacrée qui reçut Dieu ! Endroit sans honneur et désert de la terre ! Quel honneur ce fut, pour toi, d’héberger en toi l’auteur de l’univers ! Ô terre humble, combien ont du envier ta gloire et ton éclat ! Ô terre sacrée, prélude à la terre des humbles et des doux !
Bienheureux les esprits accordés ensemble dans l’humilité, à la gloire du signe divin, vibrant sous les ondulations du message incorruptible et vivifiant ! Crèche, animaux, bergers, sans dignité et méprisés du monde (I Cor. 1, 28), forment le cadre lumineux de l’aurore, l’humble ornement du signe où s’est accompli, sur la terre, le dessein rédempteur de Dieu, la naissance dans la chair du Verbe du Père !
L’âme dans l’allégresse, les bergers chantèrent la Mère de Dieu et saluèrent sa grandeur divine et indicible :
Réjouis-toi !
Mère de l’Agneau et Pasteur,
Réjouis-toi !
Bercail de brebis raisonnables…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
LES MAGES QUI VIRENT L’ASTRE, FURENT PAR SON ECLAT, CONDUITS SUR LE CHEMIN DIVIN. L’AYANT PRIS POUR FLAMBEAU, IL CHERCHERENT LE GRAND ROI ET, PARVENUS A L’INACCESSIBLE, ILS CHANTERENT AVEC JOIE : ALLELUIA !
En Orient, les Mages étaient des sages, des prêtres de la religion astrologique des Babyloniens. Adonnés à l’astrologie, ils étudiaient la course et le mouvement des astres. Tout à coup, ils virent dans le ciel une étoile étrangev, nouvellement apparue. Expérimentés dans les choses du ciel, certainement éclairés par l’Esprit de Dieu, ils comprirent tout de suite qu’une chose inhabituelle arrivait, qu’un roi grand et puissant était né. Poussés par le désir de voir et de connaître ce roi nouvellement né, de trouver et d’adorer ce roi puissant, ils délaissèrent leurs occupations et leurs affaires, et entreprirent le voyage long et pénible.
Et les mages furent guidés par l’étoile qui leur indiquait le chemin divin, l’itinéraire tracé sur l’ordre divin qui menait jusqu’à l’Enfant nouveau-né. Suivant l’éclat de l’astre, ils parvinrent, après bien des vicissitudes réglées par l’économie divine et toute sage de Dieu, jusqu’au Dieu inaccessible pour l’adorer, l’âme contrite, et chanter son immense bonté et sa bienveillance pour les hommes. L’ALLELUIA des Mages, hommes nobles et sages, est la démonstration de l’écho universel du mystère divin du Christ et de sa force régénératrice, qu’il peut exercer, non seulement sur les âmes d’hommes simples et illettrés, mais aussi sur les esprits sages et cultivés quand ceux-ci s’ouvrent, librement, avec piété et humilité, au miracle incompréhensible de la bonté et de la bénédiction divines.
Chant 5 :
LES FILS DE LA CHALDEE VIRENT, DANS LES BRAS DE LA VIERGE, CELUI QUI FORMA L’HOMME DE SES MAINS. SOUS L’ASPECT DE L’ESCLAVE, ILS RECONNURENT LE MAITRE QU’ILS S’EMPRESSERENT D’ADORER EN LUI OFFRANT LEURS PRESENTS. ET A LA TOUTE BENIE, ILS CLAMÈRENT :
Réjouis-toi !
Mère de l’Astre sans déclin…
Arrivés au terme de leur lointain et pénible voyage, les mages furent dignes de voir de leurs yeux, dans les bras de la Vierge, celui qui créa les hommes de ses propres mains. Les yeux de leur âme saisirent, par la foi, la dignité royale de l’Enfant qui avait revêtu l’humble forme du serviteur ! Dans leurs cœurs naïfs, fut révélé, par la grâce, le mystère indicible de l’abaissement divin du Verbe. Sous l’humble aspect du serviteur, se révélait à eux, dans la chair, le Fils de Dieu. Les dons offerts à l’Enfant (l’or, l’encens, la myrrhe, Matth. 2, 11)vi exprimaient leur profonde piété envers le Fils de Dieu fait Homme, et annonçaient, en même temps, l’œuvre rédemptrice du Sauveur. Leur bouche s’ouvrit pour glorifier et louanger la grandeur divine de la Vierge :
Réjouis-toi !
Mère de l’Astre sans déclin,
Réjouis-toi !
Aurore du Jour Mystique…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
DEVENUS PREDICATEURS THEOPHORES, LES MAGES RETOURNERENT A BABYLONE. ILS Y ACCOMPLIRENT TON ORACLE ET TE PRECHERENT A TOUS, Ö CHRIST, LAISSANT HERODE L’INSENSE QUI NE SUT PAS CHANTER : ALLELUIA !
Après avoir adoré le Roi nouveau-né, les Mages s’en retournèrent à Babylone (Matth. 2, 1). Le mélode dit qu’ils devinrent prédicateurs théophores et prêchèrent à tous le Christ. Ils avaient vu la lumière céleste et voulaient la transmettre à d’autres âmes. Ils ne voulaient pas garder, pour eux seuls, jalousement, le trésor de la grâce, mais désiraient que d’autres y participent. L’amour véritable est toujours communion (I Cor. 13, 1). L’amour de la Sainte Trinité est communion ; il unit les Personnes divines, hypostasie les êtres, lie et garde la création, accomplit l’économie, rassemble l’Eglise, prépare le royaume.
Anti-communion, sont le mensonge et le péché (Jac. 3, 14) ; produits du père de l’iniquité, ils fleurissent par la haine et la méchanceté inhumaines. C’est dans les liens de cette haine des êtres que se trouvait enchaîné Hérode, nature inhumaine et odieuse ; son envie et sa méchanceté atteignirent leur sommet, quand il apprit des Mages que le Roi des Juifs était né sur la terre (Matth. 2, 3). Son cœur sanguinaire se troubla ; le Roi nouveau-né pourrait s’emparer de son trône. Il décida alors de supprimer l’Enfant ! Malin par nature, il tenta, en rusant, de s’informer auprès des Mages où se trouvait le Roi nouveau-né.
L’intervention de Dieu rendit vains ses projets meurtriers. Les Mages avertis par l’ange (Matth. 2, 12) s’en retournèrent chez eux, par un autre chemin, après avoir adoré l’Enfant; et laissèrent Hérode l’insensé, l’âme enténébrée par la méchanceté démoniaque. Vaincu par la force d’En-Haut, le méchant prince inventa d’autres issues monstrueuses. Dans l’espoir d’éliminer le nouveau Roi, il ordonna le massacre de tous les enfants de Bethléem et des environs, depuis l’âge de deux ans, et au-dessous, d’après la date que lui avaient donnée les Mages (Matth. 2, 16). Et le premier sang des martyrs coula dans les jointures et les fondations de l’Eglise, sang qui annonça celui que l’Innocent et Immaculé devait verser, sur la Croix, pour le salut du monde (Rom. 3, 25 – Eph. l, 7 –Col. l, 20). Solidaires, par le sacrifice de leur sang, les martyrs embellissent l’Eglise, renversent les murailles de l’ennemi, et teignent les demeures pneumatophores du Royaume.
Chant 6 :
TU AS FAIT LUIRE EN EGYPTE LA LUMIERE DE TA VERITE ET CHASSE LES TENEBRES DU MENSONGE. DEVANT TA PUISSANCE, Ô SAUVEUR, LES IDOLES S’ECROULERENT ET LES DELIVRES CRIERENT A LA MÈRE DE DIEU :
Réjouis-toi !
Redressement des hommes…
L’Egypte accueillit le Roi des Juifs fuyant la terre natale. Joseph, averti par l’ange, quitta la Judée et s’installa, provisoirement, en Egypte avec sa famille : Hérode cherchait à tuer l’enfant (Matth. 2, 13). La vie du Seigneur suit l’ordre naturel et le cours des choses de ce monde ; elle n’est pas un spectre de l’Histoire.
L’entrée du Seigneur sur la scène historique de ce monde est réelle et vraie. La vie du Dieu-Homme éclaire et purifie l’Histoire ; elle ne la violente pas ni ne la supprime. Le miracle de l’irruption de Dieu dans l’Histoire se révèle vrai, chaque fois que le cours des choses de la terre change, conformément au dessein de Dieu concernant les êtres et l’homme en particulier.
Les événements eux-mêmes ne sont nullement violentés mais dirigés par Dieu, de manière à servir, même négativement, les desseins prééternels du Très-Haut. Le Dieu-Homme quitte la Judée et n’use pas de la force de sa puissance qui pourrait détruire le prince féroce. Les lois de l’Histoire se déroulent d’une manière régulière et naturelle.
L’Enfant divin suit la voie qu’aurait suivie n’importe quel autre enfant, dans la même situation. Le Sauveur est Homme authentique et vrai ; il n’est pas un surhomme qui se jouerait de la nature, de l’histoire et des lois du déroulement historique de la vie. Le prince de l’Histoire se soumet, volontairement, aux lois naturelles, pour sanctifier et renouveler l’Histoire de l’intérieur. Il n’est pas un faiseur de miracles, outrecuidant, insolent, hautain, un magicien ou un charlatan prestidigitateur, dans le champ historique de la vie, mais le sobre réformateur. Pour notre hymnode, l’Egypte qui a accueilli le Roi de la vie, a reçu en Lui, la lumière de la vérité, l’éclat de la religion unique, réelle et vraie ; devant la force de la présence du Roi Très-Haut, les idoles démoniaques corruptrices furent renversées et brisées. Devant la connaissance de Dieu, la connaissance démoniaque s’écroula. Tous ceux qui furent délivrés du piège redoutable de l’idolâtrie célébrèrent, par leurs chants, les magnificences de la jeune Vierge des cieux :
Réjouis-toi !
Redressement des hommes,
Réjouis-toi !
Chute des démons.
Réjouis-toi !
Tu as foulé l’artifice de l’imposture,
Réjouis-toi !
Tu as démasqué la ruse de l’idolâtrie…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
SUR LE POINT DE QUITTER CE MONDE ILLUSOIRE, SYMEON TE RECUT, NOURRISSON, DANS SES BRAS. IL RECONNUT EN TOI, LE DIEU PARFAIT ET, TOUT REMPLI DE TON INEFFABLE SAGESSE, IL S’ECRIA : ALLELUIA !
Dans le récit du divin miracle chrétien, le vieillard Siméon est une figure noble. A la jonction des temps, il a terminé une époque qui avait vécu dans le rêve et la douce attente du Messie. La grâce de Dieu avait fait ce vieillard digne de voir, dans les derniers moments de sa vie, l’heureux accomplissement du divin mystère du Messie. L’Esprit l’avait averti qu’il ne mourrait pas avant que d’avoir tenu, dans ses bras, le libérateur du monde. Et l’oracle de l’Esprit s’accomplit. Siméon a non seulement vu le Messie nouveau-né, mais encore il l’a tenu dans ses bras, l’a béni et a prophétisé la gloire et la grandeur de son œuvre rédemptrice.
Le cas du juste Siméon est très caractéristique. L’illusion du siècle présent (l Jn. 2, 16) n’a nullement atteint la limpidité de son âme, il a vécu dans l’attente du salut d’Israël. Son désir irrésistible fut de voir le Salut de Dieu. Sa vie n’avait pas eu d’autre sens. Son vieux et vénérable cœur ployait sous le poids des années. Dieu avait exaucé son noble désir.
Il fut digne de tenir dans ses bras le Fils de Dieu, de devenir l’Initiateur du mystère Inconcevable, de connaitre Dieu sous le voile de la chair humaine. Avec les bergers et les mages, Siméon a été le commencement de la récolte de l’Esprit, de la nouvelle plantation du ciel, du champ de la grâce de Dieu.
Ô cœurs bienheureux, esprits porteurs de Dieu et saints ! Votre Pénétration du mystère divin est simple et inépuisable ! Vous n’avez pas eu besoin du manteau des sages de ce monde, ni du glaive de la force des puissants. Vous n’avez pas eu besoin du fard et des ornements de ce siècle et du vêtement déchiré du monde ! Mais seulement de quelques gouttes de l’huile de l’Esprit, de quelques soupirs dans le silence de son indicible présence, des ailes de l’amour et de l’humilité, pour parcourir les cieux, franchir l’infini, pénétrer dans l’immensité divine ! Cœurs purs de toute souillure (Matth. 5, 8), vous verrez Dieu et brillerez comme le soleil dans le Royaume des cieux, en criant : ALLELUIA !
Chant 7 :
LE CREATEUR MONTRE A SES CREATURES, SA NOUVELLE CREATION. IL NAIT D’UN SEIN NON ENSEMENCE QU’IL LAISSE VIERGE, AFIN QUE, CONTEMPLANT LA MERVEILLE, NOUS CHANTIONS EN DISANT :
Réjouis-toi !
Fleur incorruptible…
En scène, entre maintenant le peuple sauvé, l’humanité délivrée. En s’incarnant, le Seigneur a fait une nouvelle création ; il a renouvelé la nature corrompue, il a reconstruit et recréé l’homme. La divine bienveillance a englouti, dans l’immense océan, la vétusté du péché (Lc. 2, 4).
Le Sauveur a renouvelé les prémices de ce renouvellement dans le miracle de la Vierge. Dans son sein qui reçut Dieu, ont été abolies les lois de la conception voluptueuse et celles de l’enfantement dans la douleur. L’accouplement humain indispensable à toute procréation naturelle a disparu pour la Vierge. La jeune Vierge Epouse de Dieu a conçu étant vierge et enfanté tout en restant Vierge, vierge à jamais. Le miracle de la virginité de Marie est le sceau du nouvel ordre, de la nouvelle création accomplie dans le sein qui contint Dieu. Enfantement nouveau et paradoxal, création nouvelle et incorruptible, mode nouveau de conception et de gestation ! La Vierge, bien que Mère réelle, diffère des autres Mères, en elle seule s’est accompli l’indicible miracle, elle seule a été la Mère du Fils de Dieu fait Homme. Mère nouvelle et étrange, elle introduit dans le « nouveau » la création et la vie nouvelle, les nouveaux cieux et la nouvelle terre commencent dans le miracle nouveau de la Vierge-Mère.
Sa beauté de Vierge-Mère-Vierge est au cœur même du miracle du salut ; ceux qui rejettent ce miracle n’ont rien compris à la vigueur et à la force vivifiante du mystère du Christ.
Ceux qui voient, dans la foi, le miracle de la Vierge, éclatent en des hymnes et louangent sa grandeur christologique et sotériologique, dont le Très-Haut l’a comblée :
Réjouis-toi !
Fleur incorruptible,
Réjouis-toi !
Couronne de la chasteté.
Réjouis-toi !
Figure éblouissante de la Résurrection,
Réjouis-toi !
Manifestation de la vie angélique…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
APRÈS AVOIR VU CETTE ETRANGE NAISSANCE, DEVENONS ETRANGERS A CE MONDE ET PORTONS AU CIEL NOTRE ESPRIT. LE DIEU SUPREME EST APPARU SUR LA TERRE, HOMME HUMBLE, POUR AMENER EN HAUT CEUX QUI CLAMENT : ALLELUIA !
Chose étrange, en vérité, que l’accouchement de la Vierge et l’Enfant mis au monde, par-delà les lois de la nature, indiciblement né d’elle sans père et du Père sans mère, double rejeton céleste et terrestre à la fois. Dieu dans la forme humaine et Homme-Dieu porté dans des bras.
Mystère vraiment étrange et paradoxal ! Kénose, dépouillement du Verbe infini, se faisant semblable à la créature terrestre. Le reflet de Dieu le Père sous le boisseau de la pauvreté et de l’humilité humaines ! Etrange, en vérité, la venue sur la terre du Dieu très sage. Pour quel but, ce prodige étrange et paradoxal ? Pour le poète sacré, l’humble venue de Dieu sur la terre visait à élever l’homme déchu dans la sphère de l’immense bonté de sa bénédiction. Dieu s’est fait Homme, dans l’humilité, pour que l’homme devienne dieu en gloire. Dieu s’est revêtu de la chair de la créature pour que la créature revête la splendeur du créateur.
Dieu est descendu sur la terre, pour que la terre monte au ciel. L’Infini descend pour que le limité remonte. Dieu s’est fait Homme pour l’homme pour que l’homme devienne dieu pour Dieu. Cependant cette élévation n’est pas un procédé magique et mécanique. Rien de magique et de mécanique, dans l’espace libre de la bonté et de l’action de la Trinité. L’énergie sanctifiante agit toujours dans le champ de la nature.
L’aveugle fatalité et la magie sont indignes de la dignité et de la puissance du Verbe de Vie, de l’espace personnel et libre de la Trinité. Espace libre du côté de Dieu, libre aussi du côté de l’homme. Dieu s’est fait Homme par amour et liberté extrêmes. Librement Il entreprend, en Lui, la Rédemption du déchu ; l’homme n’est pas délivré, magiquement, par l’Incarnation de son Créateur.
Certes, la nature humaine du Christ a été déifiée, par le concours incompréhensible de la nature divine, cependant l’appropriation de cette œuvre de déification offerte, en puissance, dans le Sauveur, à tous les hommes, est une œuvre libre et personnelle de chacun.
L’homme doit vouloir et œuvrer pour son salut (Matth. 16, 24 – 19, 17). C’est pour cela que l’hymnode sacré nous exhorte, après avoir vu cet étrange enfantement de la Vierge, à devenir étrangers au monde et à porter au ciel notre esprit.
Le monde, avec ses cris et ses charmes trompeurs, avec son bruit et son tumulte est, la plupart du temps, impropre a l’élévation déifiante de l’homme (l Jn. 2, 16). En lui (le monde), les élans nobles de l’âme sont noyés et les élévations et les émotions de l’esprit submergées. L’homme doit se décoller de la vanité du corruptible, se libérer de tout ce qui est trompeur et illusoire dans la vie présente. L’esprit doit se transporter au ciel et son cœur se transplanter dans la vie immatérielle du Royaume.
Vivant en ce monde, l’homme doit se sentir étranger et de passage sur la terre (Heb. 11, 13), son esprit tourné vers la patrie dont Dieu est l’architecte et le constructeur (Heb. 11, 10). Ainsi prédisposé, le fidèle doit s’efforcer, par des labeurs pénibles, d’atteindre la déification : se purifier de toute passion, de tout élan insensé, consumer par le feu de la grâce les semences et les épines du péché, profondément enracinées dans sa nature et embellir son être avec les vertus qui mènent au ciel, réalisées par la force sanctifiante de l’Esprit. Celui qui chaque jour se parfait atteindra l’union intérieure la plus profonde avec le Christ, dans le Corps très pur de l’Eglise, ressemblera, spirituellement à Dieu (l Jn. 3, 2), deviendra fils de Dieu (Matth. 5, 9 – Lc. 6, 35 – Gal. 3, 26) et dieu par la grâce !
Chant 8 :
LE VERBE INFINI EST APPARU TOUT ENTIER ICI-BAS, SANS QUITTER LES CIEUX. DANS SON ABAISSEMENT DIVIN ET SANS CHANGER DE LIEU, IL S’EST FAIT L’ENFANT DE LA VIERGE DIVINE QUI ENTENDIT CES PAROLES :
Réjouis-toi !
Demeure du Dieu incontenable…
Le Mystère christologique, en son fondement, est, pour la raison humaine, antinomique. Deux natures, totales et parfaites, dans une seule personne, unies sans confusion, sont une dimension inconcevable pour l’expérience humaine.
L’intelligence humaine est impuissante à concevoir l’unité de la Personne composée du Christ, garantie dans l’unique Personne du Seigneur, par l’échange des idiomes des deux natures. Par la seule lumière et par la force de sa nature limitée, l’homme ne peut s’élever jusqu’au mystère non dévoilé du Fils et Verbe de Dieu. Le divin mystère antinomique transcende, d’une façon absolue, toute saisie et certitude humaines. Bien que le Verbe fût tout entier ici-bas, en son essence, son hypostase et son énergie incréée, il n’était nullement absent du ciel. Porté dans le sein de la Vierge, il n’était aucunement absent du sein paternel, ni séparé de la compénétration amoureuse des deux autres Personnes dans la Trinité.
Simultanément, le même était dans la Vierge et dans le sein du Père ; Dieu avant l’Incarnation et le même Dieu après l’Incarnation, parce que dans l’indicible mystère christologique, nous n’avons pas un transfert, un déplacement local, mais abaissement divin. L’espace n’existe pas pour le Dieu incorporel, qui remplit tout lieu bien qu’il soit au-delà de tout lieu. L’Incarnation divine s’accomplit non en un transfert local, mais en l’infini abaissement de Dieu, par la bienveillance de la volonté sans limite de la Trinité, par la force de Dieu tout-puissant et tout-sage.
Et le mystère se réalise dans la suprême gestation. Dieu uni à l’homme dès le premier instant est ensuite mis au monde par la Mère de Dieu ; il sort d’elle, Dieu porteur de la chair. La rupture nestorienne de la Personne Une du Christ n’est pas une subtilité de langage, un simple verbiage théologique, mais le rejet du fait lui-même de l’Incarnation divine, une destruction manifeste du mystère christologique et, par extension, le rejet de l’œuvre rédemptrice du Christ. Le nestorianisme sape l’Incarnation, se moque de la Mère de Dieu, détruit les fondements christologiques de la foi. C’est seulement par la foi pure et sans mélange, éclairé par la lumière mystique de la tradition mystérielle dans l’Eglise, que l’homme peut s’élever jusqu’au fait salutaire de la foi, dans le lieu antinomique du miracle Trinitaire et christologique !
Réjouis-toi !
Demeure du Dieu incontenable,
Réjouis-toi !
Porte du Mystère sacré.
Réjouis-toi !
Sujet de doute pour l’infidèle,
Réjouis-toi !
Fierté incontestable pour le croyant…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
TOUTE LA NATURE ANGELIQUE EST EMERVEILLEE DEVANT LA GRAND’ŒUVRE DE TON INCARNATION. ELLE A VU, EN EFFET, LE DIEU INACCESSIBLE, DEVENIR HOMME ACCESSIBLE A TOUS, VIVRE AVEC NOUS QUI CHANTONS : ALLELUIA !
Dans le récit poétique de l’Incarnation rédemptrice du Christ, prennent place les anges ; ils sont frappés d’admiration, à la vue de Dieu devenant Homme. Bien qu’initiés à la sagesse de Dieu, la kénose, le dépouillement antinomique de Dieu les remplit d’étonnement. Leur nature intellective ne peut comprendre comment l’incontenable est contenu et l’Inconcevable conçu ; comment l’Eternel est enfanté par une femme ; le créateur du temps entre dans le temps ; l’illimité se limite, l’indépendant s’assujettit.
Leur étonnement atteindra son point culminant quand ils verront leur Créateur, sans aspect, mort, déshonoré, déposé dans un étroit tombeau. L’extrême abaissement de Dieu est vraiment un grand mystère ! Un mystère inaccessible à ces esprits, qui pourtant scintillent dans la lumière inabordable de la divinité… Seul l’ALLELUIA ! des âmes humbles et innocentes peut conduire à accepter, dans la foi, ce redoutable et divin mystère. Que la raison sceptique écume d’orgueil et de présomption ! Que l’être sans racine et desséché crache sur le ciel ! Sa force luciférienne est impuissante à toucher les franges du miracle qui dépasse la raison. Son bâton n’a pas la force de frapper à la grande porte du mystère impensable.
Cet être s’asphyxiera, s’épuisera dans les pauvres éléments de cette vie éphémère ; sans souffle, il mourra de la froideur glaciale du désespoir, sans Dieu ! Bienheureux, en vérité, les pauvres, car le royaume des cieux est à eux (Lc. 6, 20 – Matth. 5, 3).
Chant 9 :
LES RHETEURS ELOQUENTS, Ô MÈRE DE DIEU, SONT DEVANT TOI MUETS, COMME DES POISSONS, INCAPABLES DE DIRE COMMENT TU AS PU ENFANTER TOUT EN RESTANT VIERGE. NOUS, ADMIRANT LE MYSTERE, NOUS CHANTONS AVEC FOI :
Réjouis-toi !
Ecrin de la Sagesse de Dieu…
La Mère de Dieu, météore lumineux, se trouve hors de la portée des jumelles naturelles de l’esprit. Avec elles, l’homme ne peut étudier que les choses naturelles de ce monde. S’il peut scruter, dans l’univers physique, la sagesse infinie de Dieu, il ne peut, cependant, par ses seules forces naturelles, pénétrer l’essence du mystère divin. C’est pourquoi, devant le miracle christologique, les sages de ce monde restent muets et sidérés. Leur langue éloquente ne peut adresser, ne fut-ce qu’une parole, à la pure Mère de Dieu. La corde vocale de leur raison ne peut entonner aucun chant à sa louange. Les figures de rhétorique, l’art de parler, peuvent avec talent décrire les choses et les états du monde physique et ceux de la vie, mais non pas le contenu du mystère divin et transcendant.
C’est pourquoi la langue humaine est incapable d’expliquer comment Marie a conçu et enfanté tout en restant vierge et vierge à jamais. Par contre, les croyants admirant le prodige chantent les grandeurs de l’innocente Mère de Dieu. Le cœur émerveillé et l’esprit bien disposé à la doxologie sont la vraie attitude devant le miracle infini de Dieu. L’émerveillement comme élévation et vision mystique, comme humble soumission et adhésion, comme ouverture, dans l’amour, de tout être à la grandeur infinie et à l’éclat indicible de la sagesse de Dieu, comme adoration doxologique dans le recueillement de la créature, forme le lieu privilégié de la rencontre mystérielle avec son Créateur, de son union, dans la grâce, avec sa racine et sa source métaphysiques. En vérité, Dieu est admirable dans ses saints ! (Ps. 4, 4).
Réjouis-toi !
Ecrin de la Sagesse de Dieu,
Réjouis-toi !
Trésor de sa Providence.
Réjouis-toi !
Tu démontres la folie des philosophes,
Réjouis-toi !
Tu prouves l’ignorance des penseurs…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
VOULANT SAUVER LE MONDE, L’ARTISTE DU COSMOS EST DESCENDU LIBREMENT VERS LUI. POUR NOUS, LE DIEU ET PASTEUR S’EST FAIT HOMME, SEMBLABLE A NOUS, POUR NOUS APPELER A SA RESSEMBLANCE. C’EST POURQUOI IL ENTEND CE CHANT : ALLELUIA !
Le présent ikos est, du point de vue christologique, d’une très grande profondeur. Le salut du monde a été le but immédiat de la divine Incarnation du Verbe. Telle a été la volonté de l’Artiste du Cosmos depuis le commencement. Le péché a été un élément étranger à la force créatrice de Dieu, un corpuscule étranger et hostile, une invention postérieure, un accident.
Le péché n’a pas de fondement ontologique dans la création ; il est un parasite, substantifié dans le lieu logique de l’auto-détermination des êtres libres ; ses supports essentiels et ontologiques sont inexistants ; il n’a aucune raison d’être dans le dessein illimité de Dieu. Dans ce dessein, seuls existent prééternellement les raisons des essences et des êtres possibles, naturels et logiques, portés, dans l’éternelle puissance et l’énergie du Verbe ; réalisés dans le temps, ils sont tenus ensemble, dans la même puissance du Verbe, qui les maintient fortement en elle, dans l’ordre naturel de l’univers.
Le Verbe est l’artiste de tout. Rien n’est hors de Lui, rien n’est contre lui. La création est douée de raison, en ce sens qu’elle est portée dans le rayon créateur du Verbe, qu’elle participe ou plutôt qu’elle est le résultat de la puissance douée de raison et toute-sage de Dieu. Le monde, en tant qu’ornement réel, sur qui se reflètent la bonté et la sagesse de Dieu, est très bon, et proclame les perfections du Verbe infini. Aucun panthéisme dans cette « panlogie » portée dans le rayon créateur de Dieu, œuvre de la libre énergie de la Trinité. Les raisons des créatures dans le Verbe et le Verbe (l’énergie du Verbe) dans les créatures !
Cependant, la présence du péché, introduite de force, dans la création, apporte la désagrégation des créatures, la déviation de leur ordre moral et naturel. Elle a traumatisé la marche normale et le mouvement de la nature ; elle a menacé d’exterminer l’ordre « juste » des êtres ; elle a aussi menacé les hommes de nécrose totale et de mort spirituelle éternelle. Pour faire face à une telle éventualité, le Verbe, l’Artiste du cosmos, est entré dans l’espace limité de la créature, dominée par la force destructrice du péché. Il est venu de Lui-même, libre de toute nécessité, de sa propre volonté et de son libre mouvement. Il est venu dans le monde pour y accomplir le dessein éternel et salutaire de la Sainte Trinité, Il est venu pour arracher de la créature l’élément étranger et nuisible de la corruption, le corps du péché et de la mort, qu’il a condamné dans sa propre chair (Rom. 8, 3).
Il est descendu sur la terre et s’est fait Homme semblable à nous (Phil. 2, 7), dans sa nature humaine totale et intégrale, afin de la purifier de l’intérieur, consumer l’herbe, la plante sauvage, déraciner en elle les semences étrangères de la corruption et de la mort. Il s’est fait Homme pour libérer l’homme, le sauver et pour le mener, sûrement, dans le lieu de la lumière et de la liberté, où règne le Verbe, dans l’ordre naturel et sa vérité, comme créature libre et logique. Il a appelé, ainsi, au salut, son semblable à lui ressembler, apportant la vraie guérison de la nature, la vraie délivrance du déchu libéré de l’ennemi. L’homme est sauvé par l’Homme en Dieu ou encore Dieu sauve l’homme par l’Homme dans le Dieu-Homme. Le malade a été assumé, pour que sa maladie, le péché de sa nature qui menait à la mort, fut détruite, car « ce qui n’est pas assumé n’est pas guéri » (Saint Grégoire de Nazianze Epit. 101).
Chant 10 :
VIERGE MÈRE DE DIEU, TU ES LE REMPART DES VIERGES, ET DE TOUS CEUX QUI ACCOURENT A TOI. LE CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE T’A FORMEE POUR HABITER SON SEIN, Ô TRES PURE ET NOUS A APPRIS A TE CLAMER :
Réjouis-toi !
Colonne de la virginité…
La virginité, la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu, c’est l’espace pur de la créature où se lève, clairement, la splendeur de la nature purifiée, prélude à la pureté de la vie nouvelle, remodelée, parée, dans son sein qui reçut Dieu. La virginité de la Vierge n’est pas seulement une question de tissure biologique, mais aussi un état supérieur, qui embrasse tout un ensemble de significations multiples. C’est avant tout, la pureté de l’âme et de l’esprit de la toute-innocente, excepté la souillure de la transgression ancestrale, qu’elle portait en tant que descendante d’Adam (elle en a été purifiée par la puissance purificatrice du Saint-Esprit quand il la couvrit de son ombre), elle n’a, nullement, été souillée par l’action de la passion et de la corruption, ni par les incitations impures de l’imposteur, et le résultat fut la pureté du corps de la Vierge, de son vase d’honneur incorruptible, inaccessible à l’impureté et aux attaques voluptueuses du péché, vase innocent purifiant tout mouvement passionnel, toute impureté venant de l’espace obscur, de la nature déchue d’Adam, troublée et sauvagement ébranlée par le désir concupiscent.
En outre, la virginité de Marie apparaît dans la conception sans semence et l’accouchement sans douleur de son Enfant immaculé. Sa gestation virginale et son enfantement virginal constituent, ici, le signe lumineux et scintillant du miracle. Comme on l’a déjà souligné, la conception sans volupté et la naissance sans douleur du Créateur de l’univers, par delà la loi et l’ordre naturels, la nature vieillie dans le péché, placent la nature sur une voie spirituelle nouvelle, dans un ordre nouveau des choses sur lesquelles resplendit la beauté originelle de la création, la beauté de la nouvelle création spirituelle offerte par Dieu et en Dieu. Cette nouvelle création s’accomplit dans la Personne divino-humaine du Christ, dans la suprême conception dans le sein porteur de Dieu de la Vierge. Par la nouveauté et la splendeur de son miracle, la toute vénérable Mère du Sauveur préface et illustre clairement cette nouvelle création. La gloire de la Vierge-Mère-Vierge, de l’Innocente, c’est le sceau spirituel, authentique et varié de l’œuvre rénovatrice du Christ. La gloire de sa virginité, de sa virginité perpétuelle, c’est l’éclat de la lumière sans déclin qui est apparue sur la terre, par sa porte virginale phosphorescente.
Le miracle de la virginité de la Toute-Innocente est, grandement, honoré dans l’espace spirituel de l’Eglise Orthodoxe. On ne peut concevoir de spiritualité orthodoxe, si on ne respire pas, à pleine poitrine, la grande et bouleversante merveille, si l’éclat de la gloire de la Mère Vierge, de la Toute-Sainte, ne se lève pas sur l’âme. Le dogme de la Mère de Dieu bouleverse profondément l’Orthodoxie qui ne veut rien perdre de lui. Elle le cache, profondément, dans le secret de son essence théomorphe. Ils s’égarent, ceux qui croient que le dogme de la Mère de Dieu – surtout sa virginité perpétuelle – est accessoire et sans importance pour leur foi et leur vie. Ceux qui affirment de telles choses n’ont rien compris à l’Orthodoxie, ils n’ont jamais pénétré dans le noyau spirituel de son essence. La virginité, non pas seulement comme abstention de rapports aphrodisiaques et voluptueux, mais aussi comme état théomorphe, porteur de Dieu, de ceux qui se purifient du péché et des passions de la nature, comme victoire sur la loi de la corruption, et comme conversion de tout l’être, sous le souffle de la grâce et par la force renouvelante du Saint-Esprit, la virginité est le Symbole spirituel de l’Orthodoxie, exubérant et toujours rajeunissant.
La virginité de la Mère de Dieu constitue le pôle d’attraction de la force divine, de l’ascèse et des sillons de la spiritualité orthodoxe. La vraie virginité, plante illustre du Paradis et fleur du Royaume, orne, majestueusement, son front et ses créneaux. La Mère de Dieu est le rempart et la protection des vierges. Ceux qui portent leurs regards sur son innocence et sa virginité combattent le miasme de la passion qui monte, impitoyable, des bas-fonds de la corruption ; ils se hâtent vers la purification totale de la nature, qui annonce à l’avance, la lumineuse déification, l’héritage glorieux des cœurs purs (Matth. 5, 8) et qui gardent, dans l’honneur, leur vase acquis à grand prix (l Thes. 4, 4 – l Cor. 6, 20).
Réjouis-toi !
Colonne de la virginité,
Réjouis-toi !
Porte de la délivrance.
Réjouis-toi !
Commencement de la re-création spirituelle,
Réjouis-toi !
Dispensatrice de la divine bonté…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
TOUTE HYMNE QUI VEUT ENUMÈRER TES MISERICORDES, EST VAINCUE PAR LEUR MULTITUDE. NOS CANTIQUES, SERAIENT-ILS PLUS NOM.BREUX QUE LE SABLE DE LA MER, Ô ROI SAINT, N’OFFRIRAIENT RIEN QUI FUT DIGNE DES DONS QUE TU PRODIGUES A NOUS QUI TE CHANTONS : ALLELUIA !
Les miséricordes du Seigneur forment un abîme, et sa bonté divine un immense océan. Le dessein du Très-Haut pour le salut, tenu caché dans le silence, se perd dans le mystère abyssal de l’essence illimitée de Dieu. Nul ne peut entrer dans le lieu impénétrable de la sagesse de Dieu. L’abîme des miséricordes sans nombre et de l’amour divin et de sa bonté pour les hommes, le Verbe Dieu l’a manifesté. Mais le mystère du Conseil divin demeure voilé même après sa manifestation.
Qui a connu la pensée du Seigneur pour l’instruire ? (Rom. 2, 34 – 1 Cor. 2, 16). Ceux qui ont la pensée du Christ (1 Cor. 2, 16) pénètrent, certes, dans l’abîme de l’infini divin, mais avec les sens en repos, l’esprit aphone, le cœur silencieux et vigilant. Le mystère fascine et fait frémir. La parole est impuissante à exprimer la douceur de l’expérience du mystère (1 Cor. 2, 9). Les mots sont pauvres et faibles. La langue humaine la plus éloquente ne peut composer une hymne capable d’énumérer la multitude des miséricordes et la bonté de son Créateur. Quand bien même nos cantiques seraient plus nombreux que le sable de la mer, nous ne pourrons jamais tresser, avec eux, un éloge égal aux bienfaits infinis de notre Maître pour nous ! Seul l’ALLELUIA ! des âmes justifiées, la louange faite dans l’humilité de cœur, peuvent, comme un bruit confus, de la part des créatures, donner la réplique à la voix fracassante des eaux de la grâce qui descendent, impétueuses, des demeures du ciel !
Chant 11 :
NOUS VOYONS EN LA VIERGE SAINTE, UN FLAMBEAU LUMINEUX ECLAIRANT LES TENEBRES. ELLE A ALLUME LA LUMIERE IMMATERIELLE ET CONDUIT TOUT HOMME DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU. AURORE ILLUMINANT L’ESPRIT, NOUS L’HONORONS PAR NOS ACCLAMATIONS :
Réjouis-toi !
Rayon du Soleil spirituel…
Le flambeau est spirituel et la lumière qu’il répand immatérielle ! D’un tel flambeau, seulement, pur et innocent, pouvait venir la lumière du monde, divine, claire et sans mélange. Du cierge de la Vierge, remodelé par la grâce de Dieu, pouvait venir la flamme inextinguible. La lumière éternelle d’avant les siècles, l’antique beauté Trinitaire et la richesse de la lumière de Dieu ne pouvaient jaillir que du sein éclatant qui porta la lumière, et être posées sur le lampadaire de la pâte humaine (la nature humaine du Christ), empruntée à la Vierge.
Par la lumière du divin mystère christologique, abondamment répandue sur la Vierge, les ténèbres de l’ignorance et de l’égarement, dans lesquelles l’infortuné genre humain malade se mourrait, furent chassées et les hommes conduits dans les demeures lumineuses de la connaissance de Dieu et sous sa surveillance. Par le lever de la lumière spirituelle, l’homme jadis enténébré, dont l’esprit était asphyxié et étouffé par les ombres de l’espace de la vanité, qui l’entourait, a été illuminé.
A l’horizon obscur s’est levée la grande lumière (Matth. 4, 16), le jour phosphorescent de la délivrance, le soleil spirituel du Royaume. Eclairés par le flambeau de l’indicible miracle, les délivrés devenus eux aussi, lumière, marchèrent dans les sentiers de la vie, en chantant, dans la joie, les grandeurs de l’auguste Mère de Dieu ! Participer à la lumière divine, hériter du rayon lumineux de la divinité, communier à la clarté sans déclin de la Transfiguration, entrer dans les demeures lumineuses du Royaume, mêlés au triple éclat de la Trinité, constitue leur suprême désir, jusqu’aux limites de la joie en Dieu et de l’espérance. La lumière inaltérable jaillie du flambeau inaltérable comble tous les désirs et toutes les espérances de la créature, spirituellement régénérée et recréée dans la grâce de Dieu :
Réjouis-toi !
Rayon du Soleil spirituel,
Réjouis-toi !
Eclat de la Lumière sans déclin,
Réjouis-toi !
Eclair qui illumine les âmes,
Réjouis-toi !
Foudre qui terrifie l’ennemi…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
VOULANT REMETTRE LES DETTES ANCIENNES, CELUI QUI ANNULE LES DETTES DE TOUS, EST VENU LIBREMENT CHEZ CEUX QUI S’ÉTAIENT ELOIGNES DE SA GRACE. IL A DECHIRE LEUR CREANCE ET A ENTENDU CE CHANT : ALLELUIA !
Dieu n’a pas abandonné sa créature, tombée, par la transgression, dans la malédiction, mais il a voulu la sauver. Comme on l’a souvent souligné, le salut du déchu était une décision du Grand Conseil libre de la Sainte Trinité. Le Fils, en particulier, en qui le Père avait mis toute sa complaisance et avec qui coopérait l’Esprit Saint, réalisa, dans le temps, sur la terre, le dessein divin prééternel de la Rédemption (Gal. 4, 4). Dans le Fils s’accomplit, dans le temps, le dessein de l’économie divine en faveur de l’homme.
Pour payer la lourde dette de toute l’humanité, le Verbe qui remet les dettes de tous les hommes est venu de Lui-même, chez ceux qui s’étaient éloignés de sa grâce. Dieu court après sa créature, misérablement égarée et dupée, pour la ramener, à nouveau, près de Lui, dans son ancienne patrie, en gloire. Mais la même créature est simultanément poursuivie, avec une fureur meurtrière, par le diable (1 Pierre 5, 8), l’ennemi de l’homme et de la création, qui veut la mener à la ruine et à la perdition spirituelle éternelle.
Cette créature est autant poursuivie par le Père que par l’apostat (le diable) ; autant poursuivie par l’amour infini du créateur, que par la fureur meurtrière du mauvais génie. Son cœur est revendiqué tant par la Vie que par la mort, tant par le ciel que par l’enfer. A la fin, Dieu prend sur ses épaules l’égaré (Lc. 15, 4) et sur la Croix il déchire la créance de la corruption (Col. 2, 14), détruit le livre de comptes de l’iniquité, toute la dette d’Adam. Sur la Croix, le Sauveur a donné en spectacle les dominations et les autorités des ténèbres (Col. 2, 15), brisé la force de l’ennemi et détruit la puissance exécrable de l’empire du diable. Libre de l’antique dette de la malédiction, l’humanité a signé, avec le Sang du Christ, l’acte de la Nouvelle Alliance, elle a signé la créance de la gloire et de la vie éternelle, le livre d’or du Royaume !
Chant 12 :
NOUS CHANTONS TON ENFANT ET TE LOUONS, Ô MÈRE DE DIEU, TEMPLE VIVANT. CELUI QUI FIT DE TON SEIN SA DEMEURE, LE SEIGNEUR QUI TIENT DANS SA MAIN L’UNIVERS, T’A SANCTIFIEE ET NOUS A APPRIS A TE DIRE :
Réjouis-toi !
Demeure de Dieu le Verbe…
Chanter l’Enfant de la Mère de Dieu, louanger la Mère de Dieu, voilà la juste attitude du cœur et la disposition de l’esprit qui conviennent au divin mystère christologique. Le miracle de la Vierge dépasse la force de la créature en sa totalité ; il transcende toutes les dimensions naturelles de la création. Sa contemplation doit toujours se faire dans l’humilité d’âme et dans la disposition laudative de l’esprit.
Ne comprenant pas le miracle par l’intelligence, embrassons par la foi son rayonnement lumineux, le servant, mystiquement dans l’espace impénétrable de l’âme, dans le sanctuaire de l’esprit et du cœur.
Dans le temple vivant de Dieu, nous nous tenons en adorateurs, dans le silence indicible de la liturgie christologique, de la célébration mystique du miracle, qui a remodelé la création et l’homme.
Parce que dans le sein très pur de la Vierge, le Dieu infini et incontenable s’est réduit. Dans ce sein sans tache, a demeuré Celui qui tient l’univers dans sa main. Le Verbe infini de Dieu, qui remplit de sa toute-puissance la création, l’Illimité a séjourné dans le sein innocent de la Vierge, et Il est sorti d’elle, Dieu fait Homme et portant la chair. Cette habitation du Verbe a sanctifié la Vierge, temple vivant glorifié et en a fait le sanctuaire de la gloire (Ps. 77, 54).
La lumière divine et infinie a magnifié sa demeure vivante, a revêtu de beauté la jeune Vierge qui a porté Dieu. Il a fait resplendir le sanctuaire du Très-Haut et enseigné aux fidèles la vraie et juste louange de la Mère de Dieu, l’hymne, la doxologie qui convenait à la grandeur de la Vierge :
Réjouis-toi !
Demeure de Dieu le Verbe,
Réjouis-toi !
Plus sainte que le Lieu saint…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
Ô MÈRE, LOUEE PAR-DESSUS TOUT, QUI AS ENFANTE LE VERBE, PLUS SAINT QUE TOUS LES SAINTS, ACCUEILLE NOTRE OFFRANDE ; GARDE DE TOUT PERIL ET DELIVRE DES TOURMENTS A VENIR CEUX QUI TE CRIENT : ALLELUIA !
Pour terminer son hymne sacrée, l’hymnode adresse une prière à la Mère louée par-dessus tout, qui a enfanté le Verbe plus saint que tous les saints, et la prie d’agréer cette glorification, offerte par l’Eglise, et de sauver tout son peuple de tout péril, des tourments en ce monde et de délivrer tous ceux qui humblement et dans la piété lui crient : ALLELUIA !
L’hymne acathiste à la Mère de Dieu
Le Samedi de !a Cinquième Semaine
du Grand Carême, nous célébrons l’Hymne Acathiste
en l’honneur de Notre Très Sainte Souveraine
Marie la Toujours Vierge et Mère de Dieu,
pour la remercier du miracle extraordinaire
qu’elle fit pour Constantinople.
La Ville chante en
des hymnes nocturnes
sa gratitude envers Celle qui veille sur elle
pendant les combats.
Nous les chrétiens, nous devons, sans jamais nous lasser, louanger Notre Souveraine la Mère de Dieu et la remercier pour les bienfaits dont elle a comblé le genre humain, en donnant un Corps au Verbe Dieu, et aussi, en ce jour, pour le miracle extraordinaire qu’elle a fait pour Constantinople. C’est pourquoi les pères de l’Eglise ont ordonné, non pas aux seuls de Constantinople, mais aussi à tous les orthodoxes de l’univers, de commémorer, avec des actions de grâces, ce miracle ; car, elle peut en effet, délivrer de tout ennemi visible et invisible les chrétiens qui l’invoquent avec foi. Aussi, toute l’Eglise des Orthodoxes célèbre-t-elle, en cette nuit, cette action de grâces, pour la Toute-Sainte Mère de Dieu et la remercier pour tous les bienfaits qu’elle a répandus sur les chrétiens.
Maintenanti, il nous faut raconter, d’après le synaxaire, comment s’est fait cet extraordinaire miracle. Au temps de l’Empereur de Constantinople la Nouvelle Rome, Héraclius, qui a régné de 610 à 641, Chosroès II, Empereur de Perse, plaça à la tête d’une de ses trois puissantes armées, Sarbare, un de ses généraux, et lui confia la mission d’aller conquérir, ravager et dévaster toutes les contrées d’Anatolie qui relevaient de Constantinople, et d’emmener captifs, tous les habitants. Ce même Chosroès avait fait, dans le passé, une même campagne au cours de laquelle il emporta de Jérusalem la Croix du Seigneur, ce qui affligea le peuple chrétien, et fit plus de cent mille prisonniers qu’il vendit aux impies qui les exterminèrent. Sarbare dévasta donc toute l’Anatolie et massacra les populations chrétiennes sans défense sur son passage. A cette époque, la puissance des chrétiens avait été affaiblie par le sauvage tyran Phocas l’usurpateur, porté au trône impérial par une sédition militaire. Phocas fit tuer Maurice, l’Empereur légitime, régna pendant huit ans, de 602 à 610, puis fut lui-même détrôné et condamné à mort.
Sarbare s’empara de Chrysopole appelée aussi Scoutare et dressa son camp en Anatolie, dans la ville de Chalcédoine, située à l’entrée du Bosphore de Thrace. Dans cette ville avait eu lieu, en 451, le IVème Concile Œcuménique qui condamna l’hérésie du Monophysitisme, et confessa qu’en Jésus-Christ s’étaient unies, inséparables et sans confusion, deux natures, la divine et l’humaine, en la seule et unique Personne de Jésus-Christ notre Seigneur, vrai Dieu et vrai Homme.
Là, Sarbare prépara le siège de Constantinople qu’il voulait conquérir à tout prix, et dont il atteignit les environs en Mai 626. Devant cette situation, l’Empereur Héraclius qui avait succédé, depuis peu, à l’usurpateur Phocas, ne pouvant s’opposer à Sarbare, à cause de son armée affaiblie et du mauvais état du trésor impérial. Il prit, sous promesse de les restituer plus beaux et plus nombreux, les vases sacrés d’or et d’argent des églises, les fit fondre et frappa monnaie pour redresser ses finances.
Puis, plein de tristesse, il quitta le palais impérial pour le Pont-Euxin – ancien nom de la Mer Noire, qui signifie Mer Hospitalière. Là, il rassembla une petite armée de chrétiens et, à l’insu des Perses, marcha sur leur pays et commença la conquête des terres de Chosroès, dans la pensée que ce dernier, à l’annonce de la nouvelle, prendrait peur et rappellerait Sarbare et son armée. Et Héraclius conquit les terres perses.
Le roi de Mysie (Valaques) et de Scythie (Tartares) Chagan, apprenant l’absence de l’Empereur, mit à exécution son ancien projet de s’emparer, lui aussi, de Constantinople. Il marcha sur la Ville, par terre, avec son infanterie et sa cavalerie, et par mer, avec sa flotte de monoxyles, navires faits d’une seule pièce de bois. Devant ces menaces venues de toutes parts, le peuple de Constantinople, effrayé, fut consolé et rassuré par Serge son patriarche (610 à 638). « Mes enfants, prenez courage, leur disait-il, mettons toute notre espérance en Dieu seul ; levons nos mains et portons nos regards, et de toute notre âme, vers Lui. Lui seul peut écarter les malheurs qui nous menacent et nous encerclent, et anéantir, rapidement, les desseins des barbares ». Et les habitants de la Ville remirent alors toute leur espérance entre les mains de la Mère de Dieu et celles du Christ qui naquit d’Elle, sans semence, et attendirent la manifestation de la bonté de Dieu ; leur espérance ne tut pas trompée, comme on va le voir.
Le patrice Bônos, audacieux, intelligent et pieux, qui jouissait de la confiance de l’Empereur, le remplaça et fit tout ce qui était en son pouvoir pour protéger et défendre Constantinople ; Dieu n’aime pas voir les hommes passifs et les bras croisés ; Il secourt ceux qui coopèrent avec Lui à leur salut, qui mettent en Lui leur espérance. N’est-ce pas Dieu, qui au temps de Jésus de Navé, s’empara de la ville de Aï, comme le rapporte le Livre de Josué aux chapitres VII et VIII ? N’est-ce pas Dieu qui, par Gédéon, ses cruches et ses torches, vainquit les Madianites, comme cela est écrit dans le Livre des Juges, au chapitre VI, 15-23 ? Bônos prépara et organisa la Ville pour la guerre et la résistance. De son côté, le Patriarche Serge, à qui l’Empereur avait dit : « Entre les mains de Dieu, de sa Mère et les tiennes, je remets cette Ville et mon fils », encourageait les défenseurs, en portant, en procession, sur les remparts, l’Icône de la Mère de Dieu tenant dans ses bras le Sauveur ; ce spectacle remplissait de terreur les barbares. C’était le mois de Juillet 626.
Quelques jours après, le Patriarche vit, du haut des remparts, d’un côté, Sarbare et les Perses, allumer des feux, incendier les environs de Chalcédoine, massacrer les populations ou les emmener captives, et de l’autre, les Scythes faisant pire que les Perses. Il prit, cette fois, l’Icône de Notre Seigneur Jésus-Christ, non faite de main d’homme, c’est-à-dire le voile de sa Sainte Face, la ceinture précieuse de la Mère de Dieu et les porta, en procession, sur les remparts de la Ville, où il pria avec larmes et foi :
« Que Dieu se lève et que ses ennemis se dispersent, qu’ils fuient devant sa Face comme se dissipe la fumée, comme la cire qui fond au feu » (Ps. 67, 2). Après trois jours d’incendies et de massacres, Chagan assiégea la Ville. Son armée était si bien équipée et si nombreuse qu’on pouvait compter dix Scythes pour un chrétien. Mais notre Souveraine, la Mère de Dieu, le Suprême Stratège, qui combat toujours en première ligne, lorsque les chrétiens sont en péril, toujours prompte à secourir ceux qui l’Invoquent avec foi, fit ceci : elle fortifia et encouragea les soldats qui sortirent de la Ville, du côté de la Fontaine de la Source d’Or, par la Porte de Sélybrie, et battirent Chagan ; et ce fut là le signe du commencement de la défaite de celui-ci, comme on va le voir.
Encouragés par cette victoire, les Constantinopolitains sortirent tous les jours, avec la Mère de Dieu en tête, la force invincible, et rentrèrent chaque jour vainqueurs des Scythes et de leurs ruses. Le Patriarche et le peuple jugèrent bon d’envoyer une ambassade avec des présents à Chagan, pour lui proposer la paix. Chagan, vraie bête sauvage et non homme, prit les présents mais refusa la paix. Il renvoya les ambassadeurs les mains vides, en leur disant : « Ne vous égarez pas, en mettant votre confiance en votre Dieu ; demain je vais m’emparer de votre Ville et la détruire. Par bonté, je vous autorise à sortir tous, nus, pour aller où vous voudrez. Allez et n’attendez rien d’autre de moi ».
En entendant ces paroles, rapportées par leurs ambassadeurs, les Constantinopolitains gémirent de tout leur cœur. Elevant leurs mains au ciel, ils prièrent en larmes, Dieu, et lui dirent : « Seigneur notre Dieu, tu es notre secours invincible dans les adversités ; toi seul résiste aux orgueilleux, ta force est imbattable et ton règne indestructible. Tu as entendu les paroles de ce barbare qui a refusé la paix et qui t’a insulté, Ô Maitre de l’univers. Délivre ta Ville et ton héritage, arrachés au diable au prix de ton Sang précieux. Seigneur, sauve ce peuple élu qui invoque ton Nom, afin que les nations ne disent pas : où est leur Dieu ? » Ainsi pria le peuple de la Ville.
Chagan, de son côté, proposa aux Perses d’unir leur armée à la sienne, de former un front commun et puissant et de s’emparer, enfin, de la Ville. Mais Dieu déjoua ce dessein. Il fit souffler la tempête qui engloutit les Perses qui s’apprêtaient à débarquer sur les côtes de la Ville.
Chagan, voyant ses projets voués à l’échec, rassembla son armée et décida d’attaquer le jour même, par terre et par mer. Pendant les préparatifs, il prit ses meilleurs cavaliers et parcourut la côte depuis Galata jusqu’à la Mer Noire, pour montrer aux Perses sa force et son armée. Sarbare fit la même chose du côté oriental et ces deux bêtes sauvages se jetèrent sur la Ville comme sur une proie prête à tomber.
Mais qui dira les merveilles de Dieu qui se firent alors ? Qui racontera, comme il convient, le secours que les Constantinopolitains reçurent de la Mère de Dieu notre Souveraine ? Chagan avait envahi, avec ses monoxyles, le Golfe de la Corne qui s’étend du détroit du Chasseur jusqu’au Pont-Bas; Il voulait s’emparer de la Ville par terre et par mer. Du côté terre, ses pertes furent considérables, un vrai désastre, les Scythes n’arrivaient par à brûler leurs morts. Sur la mer, tous les monoxyles furent engloutis devant l’Eglise des Blachernes qui se trouve au-dessus du « Chasseur ». Une grande tempête souffla dont les tourbillons brisèrent les monoxyles qui disparurent dans le fond des eaux. Vraiment, un si grand et si étrange miracle ne s’était jamais vu. Les vagues s’élevaient, hautes comme des montagnes et comme des bêtes furieuses, se jetaient sur les ennemis de la Mère de Dieu, engloutissant les Scythes, comme jadis les Egyptiens, qui poursuivaient Israël, furent engloutis dans la Mer Rouge. Ainsi, la Mère de Dieu combattit pour sa Ville et vainquit, du côté de la mer, sans bataille, ses ennemis ; elle engloutit, sous les eaux, ceux qui attaquaient son héritage et délivra les chrétiens qui avaient mis, en Elle, toute leur espérance ; et Chagan se frappa la poitrine, à la vue du désastre étalé sous ses yeux.
Les chrétiens, fortifiés par Dieu, confiants en la Mère de Dieu, sortirent de la Ville et, femmes et enfants, se jetèrent sur les Scythes leurs ennemis. Les paroles de Moyse le Grand s’accomplirent, une fois encore, car un seul homme mettait en fuite mille, et deux hommes mettaient en fuite des myriades. Telle fut la force donnée par la Mère de Dieu aux chrétiens effrayés, telle fut la défaite qu’elle infligea aux Scythes orgueilleux. Pendant la nuit qui suivit, le reste des barbares leva le siège, rassembla monoxyles, xylocastres, palissades de bois, échelles, et les brûla. Et le Patriarche Serge, au milieu de son peuple, éleva, avec lui, les mains au ciel et, en larmes, remercia le Seigneur : « Ta droite s’est glorifiée dans sa force, ta main droite, Seigneur, a écrasé l’ennemi. Par la grandeur de ta gloire, tu as brisé tes adversaires » (Exode XV, 6).
Chagan, naguère puissant, retourna chez lui, confus et honteux, suivi des débris de son armée. Voyant la défaite de Chagan et craignant de subir le même sort, Sarbare prit, lui aussi, la fuite. Siroès, fils de Chosroès, se dressa contre son père, leva une armée qui le proclama Empereur, assassina son père et fit la paix avec Héraclius.
Héraclius rentra en vainqueur et en triomphe à Constantinople, avec la Croix du Christ qu’il ramena. La Toute-Sainte Mère de Dieu, la dispensatrice de la bonté divine, le secours infaillible des chrétiens, avait montré sa puissance, sauvant tous ceux qui avaient fait d’elle leur refuge. Les chrétiens, reconnaissants, passèrent alors la nuit à chanter l’Office à la Mère de Dieu qu’on appelle ACATHISTE (debout), ils le chantèrent en entier, comme on chante des stichères. Depuis, dans chaque pays, dans chaque ville orthodoxe, cet Office est célébré.
Plus tard, la Mère de Dieu devait délivrer d’autres périls sa Ville de Constantinople. En 672, soit quarante six ans après, sous l’Empereur Constantin Pogonate qui régna de 668 à 685, les Agaréniens, les descendants d’Agar la servante d’Abraham, attaquèrent la Ville par la mer, avec une puissante flotte, jetèrent l’ancre au lieu appelé « Hepta-Coulades » et livrèrent bataille aux Constantinopolitains, depuis le printemps jusqu’à l’automne, puis se retirèrent à Cyzique, ville de la Propontide, pour y passer l’hiver. Au printemps, à nouveau, ils revinrent guerroyer et repartirent, en automne, toujours pour Cyzique. Cette guerre dura sept ans. Voyant qu’ils n’obtenaient rien (bon nombre d’entre eux et des plus vaillants avaient péri avec leur flotte), ils regagnèrent les régions de Sylée de Perge, près de Pamphylie, entre Rhodes et Chypre, où ils disparurent dans une grande tempête que fit souffler la colère de Dieu.
Toutes les fois que ces impies s’attaquaient à la Ville, ils retournaient chez eux, les mains pleines de honte et de confusion.
Une autre fois, c’était la troisième, les Agaréniens, après avoir refait leurs forces, conquirent l’Empire Perse, puis l’Egypte, la Lybie, la Berberie et la Tunisie, et promirent aux chrétiens de ces pays de les laisser libres de pratiquer leur foi, promesse qu’ils ne tinrent pas et firent ainsi, beaucoup de Nouveaux-Martyrs. Ils conquirent aussi les Indes, l’Ethiopie, toute l’Afrique du Nord, l’Espagne et d’autres peuples. Mais Constantinople les obsédait, ils y revinrent. A cette époque, Léon l’Isaurien était Empereur ; il régna de 717 à 741 et fut le premier empereur Iconomaque. Il craignit les Agaréniens et leur promit tribut, mais eux, exigèrent que leurs hommes fussent placés comme sentinelles de la Ville, tant ils avaient confiance en la puissance de leur armée et de leur flotte qui, selon les chronographes, comptait à cette époque plus de 1800 bâtiments.
Les Agaréniens mouillèrent leur flotte près de Constantinople, ne firent pas la guerre, mais au contraire, ils vécurent en paix, comme s’ils étaient chez eux, tranquilles, construisant des maisons, des fermes, cultivant des champs, en attendant de s’installer dans la Ville. Tout cela fut l’effet de la prévoyance de la Mère de Dieu ; Elle les occupa ainsi, pour qu’ils ne pussent nuire à son peuple et à son héritage.
Pendant ce temps, le peuple pieux de Constantinople pleurait, priait, suppliait Dieu et portait, en procession, sur les remparts, le bois de la vénérable et vivifiante Croix et l’Icône de la Mère de Dieu qu’on appelle Hodighitria (qui montre le chemin) : « Lève-toi, Seigneur, ne couvre pas de honte ton peuple jusqu’a la fin. Car voici que tes ennemis sont puissants et que ceux qui te haïssent relèvent la tête. Ne livre pas ton héritage à la dérision ; que les nations infidèles ne dominent pas et qu’elles ne disent pas : « Où est leur Dieu ? » Qu’elles sachent que ton Nom est le Seigneur Jésus Christ, pour la gloire de Dieu le Père. Amen ! »
Pendant que le peuple priait, un athée agarénien qui blasphémait contre la Ville, en l’appelant Constance, et contre la Grande Eglise de Sainte Sophie, en l’appelant Sophie, tomba dans un ravin avec sa monture ; de même un des docteurs de leur loi (hodja) dégringola, du haut de son perchoir, et expira. Après tout cela, les Agaréniens décidèrent de former deux groupes, l’un se dirigerait vers la Bulgarie et l’autre livrerait bataille pour s’emparer de la Ville. La première armée fut vaincue par les Bulgares, qui tuèrent plus de vingt mille hommes, et le reste regagna sa terre, couvert de honte.
L’armée qui devait s’emparer de la Ville rassembla sa flotte dans le Golfe de la Corne, du côté de l’église des Blachernes, mais elle n’y parvint pas, les Constantinopolitains avaient tendu des chaines, depuis Galata jusqu’au Palais Impérial, qui les empêchèrent de passer. Leur plan ayant échoué, les Agaréniens se dirigèrent alors sur Sosthénion, vers les ports de saint Phocas, des Incorporels et de Néochorion qui ne purent contenir l’immense flotte qui devait hiverner. Une grande tempête souffla alors, et tous les bâtiments se brisèrent, avec fracas, les uns contre les autres et les chrétiens détruisirent le reste.
Une grande famine affligea les Constantinopolitains et le petit nombre des assiégeants, qui manquèrent du nécessaire, mangèrent la chair des animaux crevés. Beaucoup d’Agaréniens se livrèrent aux Constantinopolitains et leur demandèrent refuge, et ceux qui fuirent vers leur pays furent engloutis dans la Mer Egée, sous une pluie de grêle dont les grêlons ovoïdes…
– chacun pesait plusieurs centaines de grammes – faisaient bouillir la mer et l’écume et fondre l’enduit de goudron des navires. Treize bâtiments échappèrent au naufrage et revinrent chez eux. Les îles et les rivages du sud de Callipole jusqu’au Mont Athos furent remplis de cadavres agaréniens.
Nous les chrétiens, nous devons raconter ces choses aux générations qui suivent, en répétant les paroles de David : « C’est Toi, Seigneur, qui a brisé les têtes des dragons dans les eaux » (Ps. 73, 13), et avec Mariam, la sœur de Moyse le Grand : « Chantons le Seigneur, qui s’est couvert de gloire » (Ex.15, 21).
Les miracles de Dieu notre Maître et Souverain de gloire, et ceux de la Mère de Dieu, que nous venons de raconter, nous émerveillent et nous ne trouvons pas de parole capable de les louanger. Quelle langue, en vérité, peut louer, dignement, la Vierge Mère de Dieu ? Comment chanter sa grâce indicible ? Comment glorifier la source qui a fait sourdre l’Amour pour les hommes ? Comment la remercier ? Remercions-là, en rendant grâces à son Fils Unique, par nos œuvres plus que par nos chants, par la vraie charité qui est la tête de la Loi et des Prophètes, par la pratique de tous les commandements, en un mot, par tout ce qui orne l’homme et le fait image de Dieu.
« Ô Mère de Dieu, dont l’amitié pour les humains est naturelle, jamais tu n’as cessé de prendre soin de nous et de nous combler de tes bienfaits. Tu nous sauves, tu nous gardes, tu nous protèges contre les dangers et tu nous délivres des épreuves. Nous te remercions et proclamons tes bienfaits ; nous magnifions ta prévoyance, nous célébrons ta protection, nous glorifions ton secours et nous commémorons tes miracles qui nous ont délivrés des périls et des malheurs. Nous t’offrons nos louanges qui n’égalent, certes pas, tes bienfaits. Ô Mère accueille les balbutiements de tes enfants. Dans les périls, nous appelons ton secours rapide, nous demandons ta bonté. Fais cesser les scandales, dissipe la nuée du péché qui nous obscurcit et nous empêche de nous voir les uns les autres, de reconnaître les nôtres, d’être bienveillants pour nos concitoyens. Qui sommes-nous pour désirer cela ? Les fils du même Esprit, des serviteurs du Christ, qui partagent la même foi, le même baptême, la même Sainte Eglise, la même communion.
Mère de Dieu, notre Souveraine, nous implorons ta miséricorde, prends pitié de ton peuple et de ton héritage et supplie notre Dieu, né de toi, de venir à notre aide, car nous sommes exposés à de grands périls. Prie-le de nous délivrer des malheurs et des épreuves sans nombre. Tu vois, Ô Souveraine, les maux qui nous encerclent. Lève-toi et ne nous abandonne pas jusqu’à la fin.
Pourquoi nous abandonnerais-tu et te détournerais-tu de notre indigence et de notre affliction ? Dissipe, nous t’en supplions, les craintes et les menaces qui nous environnent. Fais cesser les scandales des chrétiens et les guerres. Apaise la colère de Dieu envers nous. Donne la paix et la tranquillité à tes serviteurs. Multiplie, comme dans le passé, tes bienfaits et nous, nous proclamerons à jamais tes merveilles et te glorifierons ».
Le Kondak de l’Hymne Acathiste, que nous chantons aux liturgies du Grand Carême, résume toute l’histoire de la Ville, que nous venons – bien que faiblement – de décrire :
A Toi le Suprême Stratège,
Le prix de la victoire.
Moi, ta ville libérée des dangers.
Je t’offre l’action de grâce,
Ô Mère de Dieu.
Toi, dont la force est invincible,
Délivre-moi de tout péril,
Moi qui t’acclame en criant :
Salut, Epouse Inépousée ! ii
L’HYNNE ACATHISTE est la délicate expression de l’amour, nourri pour la Vierge, la Mère de Dieu, par le cœur orthodoxe, de son admiration pour son extraordinaire pureté, pour son extraordinaire humilité, ornements de la Toujours-Vierge, qui ont fait descendre Dieu sur terre. Ce poème admirable, divin, sublime, chef-d’œuvre de la foi orthodoxe, a jailli du fond de l’âme déifiée du poète. Des significations théologiques élevées, fruits de la contemplation du Mystère de l’Economie Divine trouvent leur expression, dans une langue inimitable, majestueuse et simple. Les termes, choisis avec soin, tels des pierres précieuses, des joyaux assemblés avec art, font naître, dans l’âme des fidèles, le sentiment de l’harmonie, de la sérénité et de la paix du cœur purifié.
Une riche imagination, une abondance d’images donnent l’impression d’avoir, sous les yeux, des tableaux admirables, des icônes, telles que celles que nous reproduisons, au-dessus de chaque Ikos, où l’iconographe a exprimé, par les lignes et les couleurs (couleurs que nous n’avons pu, malheureusement, reproduire, pour des raisons techniques), ce que le poète sacré a exprimé par l’art des mots.
L’HYMNE ACATHISTE est la gloire de la civilisation orthodoxe, reflet de la Jérusalem céleste, image terrestre du ciel. Il faut, pour comprendre cette civilisation, devenir étranger à ce monde et porter au ciel notre esprit… Pour n’avoir pas fait cette ascèse, tous ceux qui ont voulu s’occuper de l’Histoire de la VILLE, sont restés au bas de ses murailles.
Ce Poèmeiii est composé d’un préambule et de vingt-quatre ikos qui se succèdent, selon l’ordre des lettres de l’alphabet grec. Le préambule qui le précède, appelé aussi Apolytikion, est autonome, par sa forme et son rythme, et chanté sur le quatrième ton plagal ou ton 8. Le voici :
Quand l’Ange prit connaissance
De l’ordre mystérieux,
L’Incorporel se pressa
Vers la maison de Joseph
Et dit à la Vierge :
« Celui qui incline les cieux
« Et descend sur la terre,
« Va, pleinement et sans changer,
« Être contenu en toi.
« Je le vois, dans ton sein,
« Prenant la forme de l’esclave
« Et saisi d’effroi, je te crie :
« Réjouis-toi, Epouse Inépousée ! »
Les vingt-quatre ikos sont indépendants du préambule. Pour ne pas incommoder le lecteur par des termes techniques difficiles, nous avons réparti les vingt-quatre ikos en douze chants, incluant dans chaque chant, deux ikos. Voici, pour exemple, la structure du premier chant :
L’ANGE PROTOSTATE, ENVOYE DU HAUT DES CIEUX, POUR DIRE A LA MÈRE DE DIEU « REJOUIS-TOI », S’ARRETA INTERDIT, EN TE VOYANT, SEIGNEUR, PRENDRE CHAIR. ET, DE SA VOIX INCORPORELLE, IL LUI CLAMA :
Réjouis-toi !
Par toi, la joie va resplendir,
Réjouis-toi !
Par toi, la malédiction va finir.
…/…
Après douze salutations, le poète conclue par l’acclamation :
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
Et termine ce premier chant par l’ikos suivant :
LA SAINTE, QUI SE SAIT PURE, DIT AVEC ASSURANCE A GABRIEL : « TES PAROLES ETRANGES SONT, POUR MON AME, DIFFICILES A COMPRENDRE. CAR, SANS SEMENCE, COMMENT PEUX-TU PARLER DE CONCEPTION ET D’ENFANTEMENT ET T’ECRIER :
Et l’hymnode conclut par l’acclamation : ALLELUIA !
Les douze chants sont construits sur le même type.
Composée pour la fête de l’Annonciation, qui est, pour saint Jean Chrysostome, la « Métropole des Fêtes », et pour saint Photios, le « Commencement de toutes les Fêtes », cette hymne n’est plus chantée aujourd’hui, mais déclamée solennellement. Incorporée dans un canon aux neuf odes, il forme un Office de Matines complet.
Son auteur s’est inspiré de l’Evangile selon saint Luc, chapitre l, versets 26 à 56, où l’Annonciation de la Mère de Dieu est exposée dans le message apporté, à la Vierge, par l’Archange Gabriel : la conception sans semence du Verbe Dieu ; en Elle Dieu va se faire Homme. Dans la première partie du poème, qui comprend les chants I à VI, figurent les événements qui vont de l’Annonciation à la Nativité, et dans la seconde, qui comprend les chants VII à XII, sont énumérés les bienfaits salutaires dont l’humanité a été comblée, et les remerciements, les hymnes de reconnaissance, de gratitude, adressées au Seigneur et à la Mère de Dieu.
Dans les chants I et II, l’hymnode raconte la salutation de Gabriel, l’Ange Protostate, à Marie ; la conception du Sauveur ; l’étonnement de la Vierge, à l’audition de l’étrange nouvelle : « Comment d’un sein innocent un fils peut-il naître ? Explique-toi » ; la « puissance du Très-Haut couvrit alors, de son ombre, celle qui devait concevoir sans époux ».
Dans le chant III, Marie « serrant Dieu dans son sein… » rend visite à Elisabeth sa cousine ; Joseph « agité par la tempête intérieure du doute… » est à la joie, quand il apprend que Marie a conçu par l’Esprit Saint.
Au chant IV, la Nativité du Seigneur est évoquée : « En entendant les anges chanter la venue du Christ dans la chair… », et les Mages guidés par l’astre, se mettent en route.
Au chant V, arrivent les Mages, « les fils de la Chaldée, avec leurs présents… » qui, « devenus prédicateurs théophores… » retournent à Babylone où ils prêchent le Christ.
Le chant VI raconte la fuite en Egypte, où « va luire la lumière de la vérité… » ; le retour en Palestine et la rencontre avec le vieillard Syméon : « Sur le point de quitter ce monde illusoire… ».
A partir du chant VII, l’auteur énumère les bienfaits apportés à l’humanité, par la venue du Christ. Il commence par le miracle de la re-création du monde, de la nouvelle création : « Le Créateur montre à ses créatures sa nouvelle création… » ; puis il invite les hommes à se détourner du monde et à porter leurs regards au ciel : « Après avoir vu cette étrange naissance, devenons étrangers à ce monde… »
Le chant VIII nous introduit dans les profondeurs de la théologie du Verbe de Dieu venu sur la terre, sans quitter les cieux : « Le Verbe infini est apparu, tout entier, ici-bas, sans quitter les cieux… » ; descente divine qui a étonné : « Toute la nature angélique… »
Au chant IX, entrent en scène les rationalistes, ceux qui cherchent à comprendre, par leur seule raison, le mystère : comment une vierge peut accoucher et rester vierge. « Les rhéteurs éloquents, ô Mère de Dieu, sont devant toi, muets… » ; mais Dieu, « Voulant sauver le monde… » descend dans le cosmos, se rend visible, palpable, Dieu-Homme historique.
Du chant X : « Vierge, Mère de Dieu, tu es le rempart des vierges… » au chant XII : « Ô Mère de Dieu, louée par-dessus tout… », le poète, au comble de l’enthousiasme et de l’émerveillement, louange la Mère de Dieu, Celle qui a accueilli, dans son sein, le Créateur du ciel et de la terre ; quand bien même, dit-il, nos louanges seraient aussi nombreuses que le sable de la mer, elles ne suffiraient pas à remercier ce « Flambeau lumineux qui éclaire les ténèbres… », qui conduit – chant XI – les hommes débiteurs de Dieu, depuis la transgression d’Adam, qui les conduit au Christ, qui annule leurs dettes.
L’hymnode termine son œuvre par le chant XII, où il célèbre l’Enfant et la Mère de Dieu, devenue Temple Vivant, vrai Saint des saints, et supplie la Toute-Sainte d’agréer son offrande et de délivrer des dangers et des périls tous ceux qui la célèbrent.
L’AUTEUR
Depuis des siècles, les érudits cherchent à savoir, sans tomber d’accord, qui est l’auteur de cette Hymne. Les uns l’attribuent à Apollinaire, évêque de Laodicée de Syrie au IVème siècle ; les autres à Serge, patriarche de Constantinople de 610 à 638, pendant les événements décrits plus haut ; d’autres à saint Photios, patriarche de Constantinople au IXème siècle ; d’autres à Georges de Pisidie, d’autres, enfin, à saint Romanos ou Romain le Mélode.
Apollinaire, qui a vécu au IVème siècle, ne peut être l’auteur de cette Hymne, parce que l’Hymnographie chrétienne n’avait pas encore atteint le haut niveau qu’elle connaîtra plus tard ; il ignorait la fête de l’Annonciation, pour laquelle l’Hymne a été composée. Comme hérétique, ni lui, ni son œuvre n’auraient été dignes d’un si grand honneur. Quant à Serge le patriarche, il n’est pas connu comme poète et mélode ; certains lui attribuent la paternité du Kondak : « A TOI LE SUPREME STATEGE… », mais Serge est, certainement, celui qui a institué l’office d’actions de grâces, chanté debout, pendant toute la nuit, en ce temps-là, en l’Eglise de la Mère de Dieu des Blachernes. Serge est tombé, dans la suite, dans l’hérésie monothélite. Le saint Patriarche Photios ne peut être considéré comme l’auteur, parce que, de son temps, seul le canon aux neuf odes était en usage. Georges de Pisidie, lui, utilise le mètre iambique ; le mètre tonique, qui caractérise l’Acathiste, lui était inconnu.
Le genre de la poésie liturgique représenté par l’Hymne Acathiste, est un KONDAK, genre qui devait atteindre son apogée aux VIème et VIIème siècles, pour connaître ensuite le déclin et céder sa place au Canon à neuf odes, qui le remplacera définitivement, à partir du IXème siècle.
Il est donc vraisemblable, selon beaucoup d’érudits, que l’auteur de l’Hymne soit Romanos le Mélode, fêté le 1er Octobre. Saint Romanos est, sans conteste, le plus extraordinaire, le plus remarquable mélode de la seconde période de l’Hymnographie chrétienne.
Pour son œuvre d’hymnographe, Romanos a utilisé l’Ancien et le Nouveau Testament, les synaxaires anciens, les martyrologes, et les événements historiques, comme la construction de Sainte Sophie, le tremblement de terre de la Ville, etc.
Son style est populaire. Son talent de conteur lui permet d’exprimer des vérités dogmatiques supérieures. Sa langue est simple. Il se distingue, par sa manière de s’exprimer, de conter, de représenter. Il utilise le dialogue, le questionnaire. Il personnifie, présente les Personnes divines pensant à la manière des hommes, etc. Romanos apparaît dans son œuvre, comme un homme fort, fidèle, plein d’un monde de beauté…
De la vie de ce Poète, nous ne savons pas grand chose. Des indications puisées dans le Canon de sa fête, composé par Théophane (778-845), dans le Synaxaire, dans une Hymne en son honneur, dans le Ménologe de l’Empereur Basile II, permettent de dire que Romanos est né à Emesse, ville de Syrie. Quand ? On l’ignore. D’après l’acrostiche d’un Kondak dédié à Tous les Saints : « Louange de Romanos D. » on pense qu’il a été diacre à Beyrouth, ville qu’il a quittée pour Constantinople. D’après le Ménologe de Basile II, Romanos serait venu à Constantinople sous l’Empereur Anastase 1er qui régna de 491 à 518.
Il habita l’église de la Mère de Dieu de Kyrou et se rendait, chaque jour, aux Offices nocturnes célébrés en l’Eglise de la Mère de Dieu des Blachernes. Une fois, pendant son sommeil, il vit en songe la Mère de Dieu lui donner un livre et lui dire : « Prends ce livre et mange-le ». Romanos obéit, prit le livre et l’avala. C’était la fête de la Nativité du Seigneur. Réveillé, il glorifia Dieu ; puis monta à l’ambon et improvisa le célèbre Kondak de la Nativité : « La Vierge, aujourd’hui, met au monde l’Eternel et la terre offre une grotte à l’Inaccessible. Les anges et les pasteurs Le louent et les mages avec l’étoile s’avancent. Car tu es né pour nous, petit enfant, Dieu éternel ! »
Saint Romanos le Mélode a quitté ce monde et nul ne sait le jour de son départ pour les cieux. Mais son œuvre qui compte plus de mille Kondaks, demeure et le rend présent parmi les hommes. Que par ses prières, Dieu nous soit propice !
Chant 1 :
L’ANGE PROTOSTATE, ENVOYE DU HAUT DES CIEUX, POUR DIRE A LA MERE DE DIEU : « REJOUIS-TOI ! », S’ARRETA INTERDIT, EN TE VOYANT, SEIGNEUR, PRENDRE CHAIR. ET DE SA VOIX INCORPORELLE, IL LUI CLAMA :
Réjoui-toi !
Par toi, la joie va resplendir…
Les anges sont des esprits liturges (Hébreux 1, 14), des serviteurs des volontés divines, du dessein de l’Economie de Dieu pour les hommes. Leur œuvre est liturgique et doxologique (Ps. 102, 20 – 148, 2 – Ez. 3, 12 – Is. 6, 2 – Lc. 2, 4 – Apoc. 4, 8 – 7, 12).
L’archange Gabriel est l’ange extraordinaire de la bonté, de la miséricorde de Dieu, et la miséricorde divine c’est la venue du Christ. Trois sont les œuvres les plus grandes de Dieu : la création du monde spirituel, la création du monde sensible et l’économie de l’Incarnation du Verbe de Dieu. Michel et Gabriel ont été les serviteurs éminents de ces trois œuvres de Dieu… A Gabriel fut confié le mystère de l’économie de l’Incarnation… Il a apporté à de nombreuses femmes, avant comme après la Loi, des messages pleins de joie, l’annonce de la fin de leur stérilité… Il a instruit le prophète Daniel sur la Nativité, la Crucifixion du Christ et sur le temps de l’accomplissement de ces événements (Dan. 8, 16 à 9, 21)… Gabriel signifie, en hébreu, « dieu-homme ».iv
Le « Protostate » c’est le premier, celui qui se tient le plus près de Dieu, à la première place. Nous avons gardé le terme grec.
Quand donc la plénitude des temps fût là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu (Luc 1, 26), pour annoncer à Marie la Vierge de Nazareth, le message plein de joie pour le monde : le Fils et Verbe de Dieu allait devenir Homme en elle. L’humanité, et en particulier le peuple élu, avaient déjà été préparés par Dieu pour accueillir le Messie, le Verbe de Dieu fait Homme.
Cette « plénitude des temps », dans le sens de la possibilité de recevoir, d’accueillir le Fils de Dieu, avait un lieu et ce lieu Lumineux était la Vierge.
A Nazareth se trouvait la demeure du Fils éternel : Marie, la seule en mesure de donner au Fils une chair éclatante de lumière. A Nazareth se trouvait la possibilité, pour la terre, de recevoir le ciel, la possibilité pour l’Histoire de recevoir l’Eternel, Celui qui est sans commencement. En Marie la Vierge, la créature acceptait, librement, le dessein libre, rédempteur et salutaire du Créateur.
Là, la liberté illimitée rencontrait la liberté limitée ; la Vierge était le lieu tout rempli de lumière. En elle, ces deux libertés devaient se conjuguer harmonieusement, pour l’accomplissement du miracle infini, du mystère insaisissable de la bienveillance divine envers les hommes. Dans la personne de la jeune vierge Miriam, qui révélait la nature dans ses dimensions réelles, la créature était prête à recevoir son Seigneur et Créateur.
Dans les demeures de Mariam, l’ange intimidé par la lumière qui y resplendissait, lui transmit la salutation céleste. De cette salutation jaillit l’étincelle immatérielle de l’Esprit, le feu de la divinité qui entoura la Vierge et embrasa son sein qui devait contenir Dieu et où devait se former le Corps du Verbe Incorporel.
Alors que retentissait sa voix, le liturge incorporel voyait l’auteur incorporel et créateur de l’univers prendre un corps dans la Vierge. Le prodige était grand, infini dans ses dimensions divino-humaines, et difficile à porter pour cet esprit en forme divine. L’étonnement de l’ange était juste, à la mesure de l’immensité du miracle qui s’accomplissait. Son cri de gloire, plein de joie, exprima son émerveillement, son extase spirituelle et il clama à la Mère de Dieu ces paroles que l’hymnode met dans sa bouche :
Réjouis-toi !
Par toi, la joie va resplendir,
Réjouis-toi !
Par toi, la malédiction va finir.
Réjouis-toi !
Par toi, Adam déchu va être rappelé,
Réjouis-toi !
Par toi, Eve de ses larmes va être délivrée…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
LA SAINTE, QUI SE SAIT PURE, DIT AVEC ASSURANCE A GABRIEL : « TES PAROLES ETRANGES SONT, POUR MON AME, DIFFICILES A COMPRENDRE. CAR, SANS SEMENCE, COMMENT PEUX-TU PARLER DE CONCEPTION, D’ENFANTEMENT, ET T’ECRIER : ALLELUIA !
En entendant la nouvelle de ce miracle surnaturel, Marie est troublée, bouleversée. Pure et vraie créature de Dieu, elle a un cœur bien disposé et pondéré. Le sentimentalisme maladif et les oscillations psychiques sont étrangères à son caractère aimable et calme. En elle, rien d’excessif. Bien que porteuse du péché d’Adam, son cœur, cependant, enivre de grâce, se tourne en toute liberté vers Dieu. Avec amour et grande humilité, elle tisse sa tunique spirituelle. En entendant le message de l’ange, la jeune et vertueuse vierge, réagit avec un certain trouble, bien naturel en un tel cas exceptionnel, mais aussi avec dignité et gravité.
Les paroles de l’ange lui paraissent étranges et difficiles à comprendre ; il lui parle, à elle qui est vierge et innocente, de conception et d’enfantement. Comment est-il possible, sans rapports conjugaux, de concevoir et de mettre au monde un Fils ? (Luc. 1, 34). Quel sens pouvait avoir, pour elle, une conception sans semence et un enfantement ? La nature toute Innocente est vraiment troublée ! La raison naturelle et sans malice s’étonne devant l’étrange nouvelle. Mais la Vierge n’est pas effrayée pour autant. Sûre d’elle-même et de son innocence, elle devient audacieuse et demande à l’ange des explications.
Elle n’est pas incrédule comme Zacharie (Luc 1, 18) qui reçut, par l’ange, un message analogue. Elle veut savoir, elle veut être instruite. Elle cherche à se situer, avec juste raison, dans le mystère annoncé par l’ange. Et quand l’ange lui donne les explications, la sainte s’ouvre, dans l’obéissance et l’humilité, au mystère du dessein divin (Lc. 1, 38). Ô bienheureuse et sainte obéissance qui a effacé la désobéissance d’Eve notre Mère originelle dans l’Eden. Ô humilité et modestie qui ont détruit le fol orgueil et la fièvre ardente du maudit (serpent) de l’Eden !
Le OUI de la Vierge a effacé le NON de la transgression ancestrale. Le consentement de la Sainte, donné en toute humilité, a effacé l’apostasie inconsidérée d’Adam. La vertu de la Jeune Vierge a détruit la honte de la désobéissance adamique. Le OUI de la Vierge représente le OUI de l’humanité écrasée, l’adhésion libre au dessein rédempteur de Dieu, l’indispensable coopération humaine à la réalisation de l’ineffable miracle. L’humanité, dans la personne de la très digne jeune vierge, ouvre librement ses portes à son Créateur infiniment bon. La présence de la Vierge, en tant que possibilité créée pour l’accomplissement du dessein incréé de Dieu, c’est l’approbation de la décision divine infinie, de rappeler celui qui tomba dans le champ de la mort et dans l’abîme de la corruption.
Le grand miracle de la Vierge, fruit doux et agréable du dessein de Dieu, gardé secret depuis des siècles, de rappeler celui qui avait chuté, constitue l’hymne la plus excellente à la bonté de Dieu, à la toute sagesse divine, à sa toute-puissance, qui triomphe des artifices de l’ennemi (Col. 2, 15) réduit en poussière par ce miracle incompréhensible. L’Epouse Inépousée est à la joie et « l’ALLELUIA ! » jaillit non plus des seules lèvres angéliques, mais aussi de la bouche de la créature délivrée, faisant trembler le ciel et la terre et montant comme le pieux encens doxologique, jusqu’au trône du Très-Haut.
L’ALLELUIA, hymne triomphale de la création à la Majesté infinie et à la bonté divine, exprime la joie qui est en la Vierge et par la Vierge. En elle et par elle, la nature vêtue des ornements de fête de l’allégresse, rejetant la tristesse et les douleurs de la mort, se consume en doxologie et louange, la cause de la joie : le miracle et le mystère divin du Christ. L’ALLELUIA de la créature, c’est l’attitude de glorification digne de son Créateur et Rédempteur. C’est l’exclamation de la créature délivrée dans le calme qui succéda aux tumultes et aux troubles du péché, à la tempête déchaînée qui précéda la venue du Puissant !
Chant 2 :
VOULANT CONNAITRE L’INCONNAISSABLE, LA VIERGE DIT HARDIMENT AU MESSAGER : « COMMENT, D’UN SEIN INNOCENT, UN FILS PEUT-IL NAITRE ? EXPLIQUE-TOI ». ET L’ANGE, REMPLI DE CRAINTE, REPONDIT :
Réjouis-toi !
Initiée au dessein ineffable…
Dans cet ikos, on retrouve le même sujet que dans le précédent. La Vierge désire pénétrer, autant qu’elle le peut, l’ineffable mystère. Elle veut comprendre la connaissance qui n’est pas connaissable, la connaissance qui est au-delà des capacités cognitives de l’être humain. Elle veut comprendre le dessein inconnaissable de Dieu. Ce désir de la Vierge n’est pas une simple curiosité, due à la nécessité naturelle de connaître ; ce désir est plutôt une nécessité existentielle de son être déiforme.
Puisque Dieu l’appelle à participer à une œuvre si sublime et plus que divine, l’humble et jeune Vierge cherche à se situer, clairement, pleinement, consciemment, dans ce mystère. Libre de tout asservissement passionnel, elle cherche une orientation libre, une ouverture libre, une élévation libre dans le miracle qu’on lui annonce. Aussi pose-t-elle cette question sage au messager : Comment d’un sein innocent un Fils peut-il naître ? Comment le processus naturel de l’enfantement et les lois naturelles de la procréation peuvent-ils être dépassés ? Comment enfanterai-je un Fils sans le concours d’un homme ? Et l’ange donne à la question judicieuse, la réponse qui satisfait complètement l’humble et jeune Vierge. Lui, rempli de crainte, louange l’Inépousée et lui chante :
Réjouis-toi !
Initiée au dessein ineffable,
Réjouis-toi !
Silence du mystère de foi.
Réjouis-toi !
Commencement des merveilles du Christ,
Réjouis-toi :
Résumé des dogmes…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
ALORS, LA PUISSANCE DU TRES-HAUT COUVRIT DE SON OMBRE CELLE QUI DEVAIT CONCEVOIR SANS EPOUX. SON SEIN FECONDE DEVINT UNE PRAIRIE DE DELICES, POUR CEUX QUI VEULENT RECOLTER LE SALUT EN CHANTANT : ALLELUIA !
Après le Dialogue entre la Vierge et l’ange, l’Esprit Saint couvrit de son ombre l’enfant divine Mariam, et elle conçut en elle le Dieu-Homme. La jeune Vierge qui n’avait pas connu le mariage devint Mère du Verbe infini ! Le Saint-Esprit suppléa à l’union naturelle et créa, dans son sang Innocent, la chair immaculée de son Fils et Sauveur. Le sein virginal devint le lieu de l’Incontenable, le temple du Roi de Gloire. Elle devint la prairie des délices où poussent les fleurs du Paradis. D’elle devait pousser l’arbre de la vie, la nourriture de la création entière. Vers la prairie des délices allaient se presser tous ceux qui voulaient le salut.
L’épi de la vie, mûr et plein, serait généreusement offert, dans le champ de la Toujours-Vierge, à tous ceux qui le mangeraient pour nourrir leur corps et fortifier leur âme, en plein milieu de l’empire de la mort, avec courage et audace. Le blé du Verbe chasse la nécrose de la vie, détruit les cavernes obscures de la mort, chasse la faim de l’esprit, la faim qui mène à la mort.
Seuls récoltent le salut ceux qui crient dans le champ de la Vierge ALLELUIA ! Ceux qui montent, librement, vers la table qui nourrit l’âme, qui reçoivent le pain de vie. Seuls ceux qui craignent Dieu et sont disposés à Lui rendre gloire se pressent vers le champ de la vie et mangent le pain du Royaume. L’ALLELUIA est le chant épithalame de ceux qui se sont parés. Les cœurs stériles et les esprits inféconds n’ont aucun accès au champ de la vie. Dans le champ du péché, ils se nourrissent, servilement, des carouges de la corruption (Lc. 15, 16). Le blé de la vie leur reste étranger et inaccessible. La douceur de la Vierge ne pénètre pas leur cœur endurci par le péché. Etouffés par la mauvaise odeur de la mort, ils ne peuvent sentir les vagues du parfum indicible qu’exhale le parfum de la vie !
Chant 3 :
SERRANT DIEU DANS SON SEIN, LA VIERGE S’EN FUT ALORS CHEZ ELISABETH. L’ENFANT DE CELLE-CI LA RECONNUT A SON SALUT. IL TRESSAILLIT DE JOIE ET CHANTA AINSI A LA MÈRE DE DIEU :
Réjouis-toi !
Sarment au bourgeon inflétrissable…
Dans, le récit de l’Incarnation divine, d’autres personnages sont introduits : la joie indicible de la Vierge qui se mêle dans sa poitrine et remue les profondeurs de son âme veut se communiquer, s’extérioriser. Le grand secret cherche à se communiquer, la joie céleste à être participée. La communion c’est l’embrasement des cœurs, l’incendie dans le creuset de l’amour. La Vierge cherche un être humain, pour lui communiquer sa fierté et sa joie, son allégresse secrète et le frémissement sacré de son cœur. Le péché n’est pas seul à lier ensemble les hommes entre eux et à les unir au géniteur de la corruption. Il y a la vie, qui lie, elle aussi, les êtres ensemble, dans le corps mystique du Royaume. Une personne allait, dignement, prendre part à la joie de la Vierge : sa cousine Elisabeth.
Cette femme vertueuse portait déjà en elle le fruit agréable à la bienveillance divine (Lc. 1, 13). Déjà, dans son sein, gesticulait le Précurseur du Christ (Lc. 1, 13). La Mère de celui qui sera le plus grand de ceux qui naissent de femmes (Matth. 11, 11 – Lc. 7, 28), avancée en âge, la stérile selon la nature, se cachait pudiquement (Lc. 1, 24) et gardait, loin de tous, son secret extraordinaire. Mais le temps de la communication et de la révélation était venu. L’une à l’autre, les deux Mères se confièrent leur joie, se communiquèrent leur secrète allégresse. Elisabeth fut remplie du Saint Esprit dès la salutation de la Mère de son Seigneur et Dieu. Sa langue se mut pour louer le mystère du Christ qui s’accomplissait sous ses yeux (Lc. 1, 41) et l’enfant Jean qu’elle portait en elle, bondit d’allégresse dans le sein de sa pudique mère (Lc. 1, 41).
Le serviteur reconnut son Maître, le prophète son Seigneur de gloire, le précurseur de son divin Roi, l’ami de l’époux céleste ; l’illustre escorte du Royaume, dans la personne du fils de Zacharie ! Jean salue le Christ, comme ange précédant le Messie déjà présent dans le monde ; comme beau sarment de la vigne divine, il salue la grappe céleste de la vie. Déjà le précurseur prenait sa charge, ses devoirs, sa mission d’avant-coureur du prince du Royaume. Déjà la lampe éclairait les chemins que le rejeton de la Vierge devait parcourir. L’enfant Jean bondit dans le sein de sa mère comme pour chanter et saluer la Mère de Dieu, la Mère de son Seigneur, de son Dieu !
Réjouis-toi !
Sarment au bourgeon inflétrissable,
Réjouis-toi !
Terre du fruit inaltérable…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
AGITE PAR LA TEMPETE INTERIEURE DU DOUTE, LE CHASTE JOSEPH FUT TROUBLE. TE SACHANT VIERGE, IL TE CRUT INFIDELE. MAIS EN APPRENANT, Ô TRES-PURE, QUE TU AVAIS CONCU PAR L’ESPRIT-SAINT, IL S’ECRIA : ALLELUIA !
Le mélode introduit, une fois de plus, dans le récit de l’Incarnation, une nouvelle personne, le chaste Joseph. Le surnom de « chaste » indique à l’avance le caractère sacré de la personne du saint. D’ailleurs, le fiancé de la Sainte devait être digne d’elle en tout. Israélite bon, vertueux, chaste, il appartenait aux quelques élus qui vivaient dans l’attente de la venue du Messie (Mc. 15, 43 – Lc. 2, 35). Homme modeste, il était le protecteur de la Vierge dans les nombreuses vicissitudes de la vie de celle-ci, dans l’évolution de son divin mystère. Le fiancé n’était pas le mari. Aux fiançailles n’avait pas succédé le mariage. Mais, tout à coup, le Juste découvrit, stupéfait, la grossesse de sa fiancée ; constatation particulièrement pénible.
Son âme fut justement troublée. Une tempête de doutes se leva, à juste titre, dans son cœur. Le vertige s’empara de son esprit. Comment la Vierge, la jeune fille modeste et intelligente, qui n’avait pas connu, jusqu’ici, le mariage, était-elle enceinte du fruit de la vie ? Joseph la crut infidèle et voulut renvoyer en secret sa fiancée (Matth. 1, 19). Telles étaient les pensées de son cœur, ses doutes, ses soupçons que l’intervention de l’ange devait dissiper. L’ange qui avait instruit, au début, la Vierge sur la magnificence de son Enfant conçu sans époux, le même instruit Joseph sur la grossesse étrange de sa jeune fiancée (Matth. 1, 20). Le bon Joseph se soumit aussitôt à la volonté bonne de Dieu. Il fléchit avec piété le genou devant le Très-Haut. Son cœur et son esprit s’ouvrirent au mystère divin, l’homme bienheureux se mit à la disposition de la volonté divine. La louange et la glorification qu’il adressa au Seigneur furent le débordement de son âme vertueuse, lorsqu’il apprit de l’ange que Marie avait conçu, par l’Esprit Saint, le Fils de Dieu ! Et lui aussi, à son tour, s’écria : ALLELUIA !
Chant 4 :
EN ENTENDANT LES ANGES CHANTER LA VENUE DU CHRIST DANS LA CHAIR, LES PATRES COURURENT A LUI, COMME VERS LEUR PASTEUR. ILS VIRENT L’AGNEAU SANS TACHE PAITRE SUR LE SEIN DE MARIE QU’ILS CHANTERENT :
Réjouis-toi !
Mère de l’Agneau et Pasteur…
Dans le récit de l’Incarnation du Verbe, les bergers sont des figures nobles (Lc. 2, 8). Etres humbles, ils vivaient dans le désert de la nature et dans la présence mystique de la lumière du Verbe. Ils n’étaient pas des sages ni des lettrés selon ce monde, mais en eux brûlait le brandon de la sagesse mystérieuse de Dieu. Dans le cœur de ces ignorants et illettrés, la sagesse surnaturelle qui vient d’En-Haut était écrite par le doigt de l’Esprit (Jac. 3, 15). A eux fut donné le grand privilège d’entendre, les premiers, le message joyeux de la naissance du Sauveur. Fermes aux bruits de ce monde agité, ils entendirent la voix immatérielle des anges qui chantaient, allégrement, l’événement.
Leurs yeux s’ouvrirent à la lumière immatérielle qui éclairait les cieux et les confins du monde. Ô âmes bienheureuses et modestes ! Vêtues de la pure lumière intérieure, portées par l’aile de l’humilité, sur le chemin céleste, vous laissez les sages de ce monde, chargés du fard et de l’éclat de la sagesse terrestre, ramper dans l’obscurité de la raison et des sens, pour vous élever dans les sphères photoïdes de l’Esprit, dans les espaces lumineux et immatériels des mystères vivifiants. Votre intelligence libre de toute imagination du prince maudit (le diable), se meut dans le rayonnement de l’énergie incréée de Dieu, dans la clarté ineffable et bienheureuse de la gloire bienheureuse du Dieu Trinité !
Porteurs de la joie de la divine nouvelle, les bergers coururent voir, de leurs yeux, le miracle, se pressèrent vers le Christ comme vers leur Pasteur, qu’ils trouvèrent couché dans la crèche, agneau pur et sans tache, paissant sur le sein de celle qui ne connut pas le mariage. Ô scène vraiment aimable qui enchante le cœur ! Ô crèche sacrée qui reçut Dieu ! Endroit sans honneur et désert de la terre ! Quel honneur ce fut, pour toi, d’héberger en toi l’auteur de l’univers ! Ô terre humble, combien ont du envier ta gloire et ton éclat ! Ô terre sacrée, prélude à la terre des humbles et des doux !
Bienheureux les esprits accordés ensemble dans l’humilité, à la gloire du signe divin, vibrant sous les ondulations du message incorruptible et vivifiant ! Crèche, animaux, bergers, sans dignité et méprisés du monde (I Cor. 1, 28), forment le cadre lumineux de l’aurore, l’humble ornement du signe où s’est accompli, sur la terre, le dessein rédempteur de Dieu, la naissance dans la chair du Verbe du Père !
L’âme dans l’allégresse, les bergers chantèrent la Mère de Dieu et saluèrent sa grandeur divine et indicible :
Réjouis-toi !
Mère de l’Agneau et Pasteur,
Réjouis-toi !
Bercail de brebis raisonnables…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
LES MAGES QUI VIRENT L’ASTRE, FURENT PAR SON ECLAT, CONDUITS SUR LE CHEMIN DIVIN. L’AYANT PRIS POUR FLAMBEAU, IL CHERCHERENT LE GRAND ROI ET, PARVENUS A L’INACCESSIBLE, ILS CHANTERENT AVEC JOIE : ALLELUIA !
En Orient, les Mages étaient des sages, des prêtres de la religion astrologique des Babyloniens. Adonnés à l’astrologie, ils étudiaient la course et le mouvement des astres. Tout à coup, ils virent dans le ciel une étoile étrangev, nouvellement apparue. Expérimentés dans les choses du ciel, certainement éclairés par l’Esprit de Dieu, ils comprirent tout de suite qu’une chose inhabituelle arrivait, qu’un roi grand et puissant était né. Poussés par le désir de voir et de connaître ce roi nouvellement né, de trouver et d’adorer ce roi puissant, ils délaissèrent leurs occupations et leurs affaires, et entreprirent le voyage long et pénible.
Et les mages furent guidés par l’étoile qui leur indiquait le chemin divin, l’itinéraire tracé sur l’ordre divin qui menait jusqu’à l’Enfant nouveau-né. Suivant l’éclat de l’astre, ils parvinrent, après bien des vicissitudes réglées par l’économie divine et toute sage de Dieu, jusqu’au Dieu inaccessible pour l’adorer, l’âme contrite, et chanter son immense bonté et sa bienveillance pour les hommes. L’ALLELUIA des Mages, hommes nobles et sages, est la démonstration de l’écho universel du mystère divin du Christ et de sa force régénératrice, qu’il peut exercer, non seulement sur les âmes d’hommes simples et illettrés, mais aussi sur les esprits sages et cultivés quand ceux-ci s’ouvrent, librement, avec piété et humilité, au miracle incompréhensible de la bonté et de la bénédiction divines.
Chant 5 :
LES FILS DE LA CHALDEE VIRENT, DANS LES BRAS DE LA VIERGE, CELUI QUI FORMA L’HOMME DE SES MAINS. SOUS L’ASPECT DE L’ESCLAVE, ILS RECONNURENT LE MAITRE QU’ILS S’EMPRESSERENT D’ADORER EN LUI OFFRANT LEURS PRESENTS. ET A LA TOUTE BENIE, ILS CLAMÈRENT :
Réjouis-toi !
Mère de l’Astre sans déclin…
Arrivés au terme de leur lointain et pénible voyage, les mages furent dignes de voir de leurs yeux, dans les bras de la Vierge, celui qui créa les hommes de ses propres mains. Les yeux de leur âme saisirent, par la foi, la dignité royale de l’Enfant qui avait revêtu l’humble forme du serviteur ! Dans leurs cœurs naïfs, fut révélé, par la grâce, le mystère indicible de l’abaissement divin du Verbe. Sous l’humble aspect du serviteur, se révélait à eux, dans la chair, le Fils de Dieu. Les dons offerts à l’Enfant (l’or, l’encens, la myrrhe, Matth. 2, 11)vi exprimaient leur profonde piété envers le Fils de Dieu fait Homme, et annonçaient, en même temps, l’œuvre rédemptrice du Sauveur. Leur bouche s’ouvrit pour glorifier et louanger la grandeur divine de la Vierge :
Réjouis-toi !
Mère de l’Astre sans déclin,
Réjouis-toi !
Aurore du Jour Mystique…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
DEVENUS PREDICATEURS THEOPHORES, LES MAGES RETOURNERENT A BABYLONE. ILS Y ACCOMPLIRENT TON ORACLE ET TE PRECHERENT A TOUS, Ö CHRIST, LAISSANT HERODE L’INSENSE QUI NE SUT PAS CHANTER : ALLELUIA !
Après avoir adoré le Roi nouveau-né, les Mages s’en retournèrent à Babylone (Matth. 2, 1). Le mélode dit qu’ils devinrent prédicateurs théophores et prêchèrent à tous le Christ. Ils avaient vu la lumière céleste et voulaient la transmettre à d’autres âmes. Ils ne voulaient pas garder, pour eux seuls, jalousement, le trésor de la grâce, mais désiraient que d’autres y participent. L’amour véritable est toujours communion (I Cor. 13, 1). L’amour de la Sainte Trinité est communion ; il unit les Personnes divines, hypostasie les êtres, lie et garde la création, accomplit l’économie, rassemble l’Eglise, prépare le royaume.
Anti-communion, sont le mensonge et le péché (Jac. 3, 14) ; produits du père de l’iniquité, ils fleurissent par la haine et la méchanceté inhumaines. C’est dans les liens de cette haine des êtres que se trouvait enchaîné Hérode, nature inhumaine et odieuse ; son envie et sa méchanceté atteignirent leur sommet, quand il apprit des Mages que le Roi des Juifs était né sur la terre (Matth. 2, 3). Son cœur sanguinaire se troubla ; le Roi nouveau-né pourrait s’emparer de son trône. Il décida alors de supprimer l’Enfant ! Malin par nature, il tenta, en rusant, de s’informer auprès des Mages où se trouvait le Roi nouveau-né.
L’intervention de Dieu rendit vains ses projets meurtriers. Les Mages avertis par l’ange (Matth. 2, 12) s’en retournèrent chez eux, par un autre chemin, après avoir adoré l’Enfant; et laissèrent Hérode l’insensé, l’âme enténébrée par la méchanceté démoniaque. Vaincu par la force d’En-Haut, le méchant prince inventa d’autres issues monstrueuses. Dans l’espoir d’éliminer le nouveau Roi, il ordonna le massacre de tous les enfants de Bethléem et des environs, depuis l’âge de deux ans, et au-dessous, d’après la date que lui avaient donnée les Mages (Matth. 2, 16). Et le premier sang des martyrs coula dans les jointures et les fondations de l’Eglise, sang qui annonça celui que l’Innocent et Immaculé devait verser, sur la Croix, pour le salut du monde (Rom. 3, 25 – Eph. l, 7 –Col. l, 20). Solidaires, par le sacrifice de leur sang, les martyrs embellissent l’Eglise, renversent les murailles de l’ennemi, et teignent les demeures pneumatophores du Royaume.
Chant 6 :
TU AS FAIT LUIRE EN EGYPTE LA LUMIERE DE TA VERITE ET CHASSE LES TENEBRES DU MENSONGE. DEVANT TA PUISSANCE, Ô SAUVEUR, LES IDOLES S’ECROULERENT ET LES DELIVRES CRIERENT A LA MÈRE DE DIEU :
Réjouis-toi !
Redressement des hommes…
L’Egypte accueillit le Roi des Juifs fuyant la terre natale. Joseph, averti par l’ange, quitta la Judée et s’installa, provisoirement, en Egypte avec sa famille : Hérode cherchait à tuer l’enfant (Matth. 2, 13). La vie du Seigneur suit l’ordre naturel et le cours des choses de ce monde ; elle n’est pas un spectre de l’Histoire.
L’entrée du Seigneur sur la scène historique de ce monde est réelle et vraie. La vie du Dieu-Homme éclaire et purifie l’Histoire ; elle ne la violente pas ni ne la supprime. Le miracle de l’irruption de Dieu dans l’Histoire se révèle vrai, chaque fois que le cours des choses de la terre change, conformément au dessein de Dieu concernant les êtres et l’homme en particulier.
Les événements eux-mêmes ne sont nullement violentés mais dirigés par Dieu, de manière à servir, même négativement, les desseins prééternels du Très-Haut. Le Dieu-Homme quitte la Judée et n’use pas de la force de sa puissance qui pourrait détruire le prince féroce. Les lois de l’Histoire se déroulent d’une manière régulière et naturelle.
L’Enfant divin suit la voie qu’aurait suivie n’importe quel autre enfant, dans la même situation. Le Sauveur est Homme authentique et vrai ; il n’est pas un surhomme qui se jouerait de la nature, de l’histoire et des lois du déroulement historique de la vie. Le prince de l’Histoire se soumet, volontairement, aux lois naturelles, pour sanctifier et renouveler l’Histoire de l’intérieur. Il n’est pas un faiseur de miracles, outrecuidant, insolent, hautain, un magicien ou un charlatan prestidigitateur, dans le champ historique de la vie, mais le sobre réformateur. Pour notre hymnode, l’Egypte qui a accueilli le Roi de la vie, a reçu en Lui, la lumière de la vérité, l’éclat de la religion unique, réelle et vraie ; devant la force de la présence du Roi Très-Haut, les idoles démoniaques corruptrices furent renversées et brisées. Devant la connaissance de Dieu, la connaissance démoniaque s’écroula. Tous ceux qui furent délivrés du piège redoutable de l’idolâtrie célébrèrent, par leurs chants, les magnificences de la jeune Vierge des cieux :
Réjouis-toi !
Redressement des hommes,
Réjouis-toi !
Chute des démons.
Réjouis-toi !
Tu as foulé l’artifice de l’imposture,
Réjouis-toi !
Tu as démasqué la ruse de l’idolâtrie…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
SUR LE POINT DE QUITTER CE MONDE ILLUSOIRE, SYMEON TE RECUT, NOURRISSON, DANS SES BRAS. IL RECONNUT EN TOI, LE DIEU PARFAIT ET, TOUT REMPLI DE TON INEFFABLE SAGESSE, IL S’ECRIA : ALLELUIA !
Dans le récit du divin miracle chrétien, le vieillard Siméon est une figure noble. A la jonction des temps, il a terminé une époque qui avait vécu dans le rêve et la douce attente du Messie. La grâce de Dieu avait fait ce vieillard digne de voir, dans les derniers moments de sa vie, l’heureux accomplissement du divin mystère du Messie. L’Esprit l’avait averti qu’il ne mourrait pas avant que d’avoir tenu, dans ses bras, le libérateur du monde. Et l’oracle de l’Esprit s’accomplit. Siméon a non seulement vu le Messie nouveau-né, mais encore il l’a tenu dans ses bras, l’a béni et a prophétisé la gloire et la grandeur de son œuvre rédemptrice.
Le cas du juste Siméon est très caractéristique. L’illusion du siècle présent (l Jn. 2, 16) n’a nullement atteint la limpidité de son âme, il a vécu dans l’attente du salut d’Israël. Son désir irrésistible fut de voir le Salut de Dieu. Sa vie n’avait pas eu d’autre sens. Son vieux et vénérable cœur ployait sous le poids des années. Dieu avait exaucé son noble désir.
Il fut digne de tenir dans ses bras le Fils de Dieu, de devenir l’Initiateur du mystère Inconcevable, de connaitre Dieu sous le voile de la chair humaine. Avec les bergers et les mages, Siméon a été le commencement de la récolte de l’Esprit, de la nouvelle plantation du ciel, du champ de la grâce de Dieu.
Ô cœurs bienheureux, esprits porteurs de Dieu et saints ! Votre Pénétration du mystère divin est simple et inépuisable ! Vous n’avez pas eu besoin du manteau des sages de ce monde, ni du glaive de la force des puissants. Vous n’avez pas eu besoin du fard et des ornements de ce siècle et du vêtement déchiré du monde ! Mais seulement de quelques gouttes de l’huile de l’Esprit, de quelques soupirs dans le silence de son indicible présence, des ailes de l’amour et de l’humilité, pour parcourir les cieux, franchir l’infini, pénétrer dans l’immensité divine ! Cœurs purs de toute souillure (Matth. 5, 8), vous verrez Dieu et brillerez comme le soleil dans le Royaume des cieux, en criant : ALLELUIA !
Chant 7 :
LE CREATEUR MONTRE A SES CREATURES, SA NOUVELLE CREATION. IL NAIT D’UN SEIN NON ENSEMENCE QU’IL LAISSE VIERGE, AFIN QUE, CONTEMPLANT LA MERVEILLE, NOUS CHANTIONS EN DISANT :
Réjouis-toi !
Fleur incorruptible…
En scène, entre maintenant le peuple sauvé, l’humanité délivrée. En s’incarnant, le Seigneur a fait une nouvelle création ; il a renouvelé la nature corrompue, il a reconstruit et recréé l’homme. La divine bienveillance a englouti, dans l’immense océan, la vétusté du péché (Lc. 2, 4).
Le Sauveur a renouvelé les prémices de ce renouvellement dans le miracle de la Vierge. Dans son sein qui reçut Dieu, ont été abolies les lois de la conception voluptueuse et celles de l’enfantement dans la douleur. L’accouplement humain indispensable à toute procréation naturelle a disparu pour la Vierge. La jeune Vierge Epouse de Dieu a conçu étant vierge et enfanté tout en restant Vierge, vierge à jamais. Le miracle de la virginité de Marie est le sceau du nouvel ordre, de la nouvelle création accomplie dans le sein qui contint Dieu. Enfantement nouveau et paradoxal, création nouvelle et incorruptible, mode nouveau de conception et de gestation ! La Vierge, bien que Mère réelle, diffère des autres Mères, en elle seule s’est accompli l’indicible miracle, elle seule a été la Mère du Fils de Dieu fait Homme. Mère nouvelle et étrange, elle introduit dans le « nouveau » la création et la vie nouvelle, les nouveaux cieux et la nouvelle terre commencent dans le miracle nouveau de la Vierge-Mère.
Sa beauté de Vierge-Mère-Vierge est au cœur même du miracle du salut ; ceux qui rejettent ce miracle n’ont rien compris à la vigueur et à la force vivifiante du mystère du Christ.
Ceux qui voient, dans la foi, le miracle de la Vierge, éclatent en des hymnes et louangent sa grandeur christologique et sotériologique, dont le Très-Haut l’a comblée :
Réjouis-toi !
Fleur incorruptible,
Réjouis-toi !
Couronne de la chasteté.
Réjouis-toi !
Figure éblouissante de la Résurrection,
Réjouis-toi !
Manifestation de la vie angélique…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
APRÈS AVOIR VU CETTE ETRANGE NAISSANCE, DEVENONS ETRANGERS A CE MONDE ET PORTONS AU CIEL NOTRE ESPRIT. LE DIEU SUPREME EST APPARU SUR LA TERRE, HOMME HUMBLE, POUR AMENER EN HAUT CEUX QUI CLAMENT : ALLELUIA !
Chose étrange, en vérité, que l’accouchement de la Vierge et l’Enfant mis au monde, par-delà les lois de la nature, indiciblement né d’elle sans père et du Père sans mère, double rejeton céleste et terrestre à la fois. Dieu dans la forme humaine et Homme-Dieu porté dans des bras.
Mystère vraiment étrange et paradoxal ! Kénose, dépouillement du Verbe infini, se faisant semblable à la créature terrestre. Le reflet de Dieu le Père sous le boisseau de la pauvreté et de l’humilité humaines ! Etrange, en vérité, la venue sur la terre du Dieu très sage. Pour quel but, ce prodige étrange et paradoxal ? Pour le poète sacré, l’humble venue de Dieu sur la terre visait à élever l’homme déchu dans la sphère de l’immense bonté de sa bénédiction. Dieu s’est fait Homme, dans l’humilité, pour que l’homme devienne dieu en gloire. Dieu s’est revêtu de la chair de la créature pour que la créature revête la splendeur du créateur.
Dieu est descendu sur la terre, pour que la terre monte au ciel. L’Infini descend pour que le limité remonte. Dieu s’est fait Homme pour l’homme pour que l’homme devienne dieu pour Dieu. Cependant cette élévation n’est pas un procédé magique et mécanique. Rien de magique et de mécanique, dans l’espace libre de la bonté et de l’action de la Trinité. L’énergie sanctifiante agit toujours dans le champ de la nature.
L’aveugle fatalité et la magie sont indignes de la dignité et de la puissance du Verbe de Vie, de l’espace personnel et libre de la Trinité. Espace libre du côté de Dieu, libre aussi du côté de l’homme. Dieu s’est fait Homme par amour et liberté extrêmes. Librement Il entreprend, en Lui, la Rédemption du déchu ; l’homme n’est pas délivré, magiquement, par l’Incarnation de son Créateur.
Certes, la nature humaine du Christ a été déifiée, par le concours incompréhensible de la nature divine, cependant l’appropriation de cette œuvre de déification offerte, en puissance, dans le Sauveur, à tous les hommes, est une œuvre libre et personnelle de chacun.
L’homme doit vouloir et œuvrer pour son salut (Matth. 16, 24 – 19, 17). C’est pour cela que l’hymnode sacré nous exhorte, après avoir vu cet étrange enfantement de la Vierge, à devenir étrangers au monde et à porter au ciel notre esprit.
Le monde, avec ses cris et ses charmes trompeurs, avec son bruit et son tumulte est, la plupart du temps, impropre a l’élévation déifiante de l’homme (l Jn. 2, 16). En lui (le monde), les élans nobles de l’âme sont noyés et les élévations et les émotions de l’esprit submergées. L’homme doit se décoller de la vanité du corruptible, se libérer de tout ce qui est trompeur et illusoire dans la vie présente. L’esprit doit se transporter au ciel et son cœur se transplanter dans la vie immatérielle du Royaume.
Vivant en ce monde, l’homme doit se sentir étranger et de passage sur la terre (Heb. 11, 13), son esprit tourné vers la patrie dont Dieu est l’architecte et le constructeur (Heb. 11, 10). Ainsi prédisposé, le fidèle doit s’efforcer, par des labeurs pénibles, d’atteindre la déification : se purifier de toute passion, de tout élan insensé, consumer par le feu de la grâce les semences et les épines du péché, profondément enracinées dans sa nature et embellir son être avec les vertus qui mènent au ciel, réalisées par la force sanctifiante de l’Esprit. Celui qui chaque jour se parfait atteindra l’union intérieure la plus profonde avec le Christ, dans le Corps très pur de l’Eglise, ressemblera, spirituellement à Dieu (l Jn. 3, 2), deviendra fils de Dieu (Matth. 5, 9 – Lc. 6, 35 – Gal. 3, 26) et dieu par la grâce !
Chant 8 :
LE VERBE INFINI EST APPARU TOUT ENTIER ICI-BAS, SANS QUITTER LES CIEUX. DANS SON ABAISSEMENT DIVIN ET SANS CHANGER DE LIEU, IL S’EST FAIT L’ENFANT DE LA VIERGE DIVINE QUI ENTENDIT CES PAROLES :
Réjouis-toi !
Demeure du Dieu incontenable…
Le Mystère christologique, en son fondement, est, pour la raison humaine, antinomique. Deux natures, totales et parfaites, dans une seule personne, unies sans confusion, sont une dimension inconcevable pour l’expérience humaine.
L’intelligence humaine est impuissante à concevoir l’unité de la Personne composée du Christ, garantie dans l’unique Personne du Seigneur, par l’échange des idiomes des deux natures. Par la seule lumière et par la force de sa nature limitée, l’homme ne peut s’élever jusqu’au mystère non dévoilé du Fils et Verbe de Dieu. Le divin mystère antinomique transcende, d’une façon absolue, toute saisie et certitude humaines. Bien que le Verbe fût tout entier ici-bas, en son essence, son hypostase et son énergie incréée, il n’était nullement absent du ciel. Porté dans le sein de la Vierge, il n’était aucunement absent du sein paternel, ni séparé de la compénétration amoureuse des deux autres Personnes dans la Trinité.
Simultanément, le même était dans la Vierge et dans le sein du Père ; Dieu avant l’Incarnation et le même Dieu après l’Incarnation, parce que dans l’indicible mystère christologique, nous n’avons pas un transfert, un déplacement local, mais abaissement divin. L’espace n’existe pas pour le Dieu incorporel, qui remplit tout lieu bien qu’il soit au-delà de tout lieu. L’Incarnation divine s’accomplit non en un transfert local, mais en l’infini abaissement de Dieu, par la bienveillance de la volonté sans limite de la Trinité, par la force de Dieu tout-puissant et tout-sage.
Et le mystère se réalise dans la suprême gestation. Dieu uni à l’homme dès le premier instant est ensuite mis au monde par la Mère de Dieu ; il sort d’elle, Dieu porteur de la chair. La rupture nestorienne de la Personne Une du Christ n’est pas une subtilité de langage, un simple verbiage théologique, mais le rejet du fait lui-même de l’Incarnation divine, une destruction manifeste du mystère christologique et, par extension, le rejet de l’œuvre rédemptrice du Christ. Le nestorianisme sape l’Incarnation, se moque de la Mère de Dieu, détruit les fondements christologiques de la foi. C’est seulement par la foi pure et sans mélange, éclairé par la lumière mystique de la tradition mystérielle dans l’Eglise, que l’homme peut s’élever jusqu’au fait salutaire de la foi, dans le lieu antinomique du miracle Trinitaire et christologique !
Réjouis-toi !
Demeure du Dieu incontenable,
Réjouis-toi !
Porte du Mystère sacré.
Réjouis-toi !
Sujet de doute pour l’infidèle,
Réjouis-toi !
Fierté incontestable pour le croyant…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
TOUTE LA NATURE ANGELIQUE EST EMERVEILLEE DEVANT LA GRAND’ŒUVRE DE TON INCARNATION. ELLE A VU, EN EFFET, LE DIEU INACCESSIBLE, DEVENIR HOMME ACCESSIBLE A TOUS, VIVRE AVEC NOUS QUI CHANTONS : ALLELUIA !
Dans le récit poétique de l’Incarnation rédemptrice du Christ, prennent place les anges ; ils sont frappés d’admiration, à la vue de Dieu devenant Homme. Bien qu’initiés à la sagesse de Dieu, la kénose, le dépouillement antinomique de Dieu les remplit d’étonnement. Leur nature intellective ne peut comprendre comment l’incontenable est contenu et l’Inconcevable conçu ; comment l’Eternel est enfanté par une femme ; le créateur du temps entre dans le temps ; l’illimité se limite, l’indépendant s’assujettit.
Leur étonnement atteindra son point culminant quand ils verront leur Créateur, sans aspect, mort, déshonoré, déposé dans un étroit tombeau. L’extrême abaissement de Dieu est vraiment un grand mystère ! Un mystère inaccessible à ces esprits, qui pourtant scintillent dans la lumière inabordable de la divinité… Seul l’ALLELUIA ! des âmes humbles et innocentes peut conduire à accepter, dans la foi, ce redoutable et divin mystère. Que la raison sceptique écume d’orgueil et de présomption ! Que l’être sans racine et desséché crache sur le ciel ! Sa force luciférienne est impuissante à toucher les franges du miracle qui dépasse la raison. Son bâton n’a pas la force de frapper à la grande porte du mystère impensable.
Cet être s’asphyxiera, s’épuisera dans les pauvres éléments de cette vie éphémère ; sans souffle, il mourra de la froideur glaciale du désespoir, sans Dieu ! Bienheureux, en vérité, les pauvres, car le royaume des cieux est à eux (Lc. 6, 20 – Matth. 5, 3).
Chant 9 :
LES RHETEURS ELOQUENTS, Ô MÈRE DE DIEU, SONT DEVANT TOI MUETS, COMME DES POISSONS, INCAPABLES DE DIRE COMMENT TU AS PU ENFANTER TOUT EN RESTANT VIERGE. NOUS, ADMIRANT LE MYSTERE, NOUS CHANTONS AVEC FOI :
Réjouis-toi !
Ecrin de la Sagesse de Dieu…
La Mère de Dieu, météore lumineux, se trouve hors de la portée des jumelles naturelles de l’esprit. Avec elles, l’homme ne peut étudier que les choses naturelles de ce monde. S’il peut scruter, dans l’univers physique, la sagesse infinie de Dieu, il ne peut, cependant, par ses seules forces naturelles, pénétrer l’essence du mystère divin. C’est pourquoi, devant le miracle christologique, les sages de ce monde restent muets et sidérés. Leur langue éloquente ne peut adresser, ne fut-ce qu’une parole, à la pure Mère de Dieu. La corde vocale de leur raison ne peut entonner aucun chant à sa louange. Les figures de rhétorique, l’art de parler, peuvent avec talent décrire les choses et les états du monde physique et ceux de la vie, mais non pas le contenu du mystère divin et transcendant.
C’est pourquoi la langue humaine est incapable d’expliquer comment Marie a conçu et enfanté tout en restant vierge et vierge à jamais. Par contre, les croyants admirant le prodige chantent les grandeurs de l’innocente Mère de Dieu. Le cœur émerveillé et l’esprit bien disposé à la doxologie sont la vraie attitude devant le miracle infini de Dieu. L’émerveillement comme élévation et vision mystique, comme humble soumission et adhésion, comme ouverture, dans l’amour, de tout être à la grandeur infinie et à l’éclat indicible de la sagesse de Dieu, comme adoration doxologique dans le recueillement de la créature, forme le lieu privilégié de la rencontre mystérielle avec son Créateur, de son union, dans la grâce, avec sa racine et sa source métaphysiques. En vérité, Dieu est admirable dans ses saints ! (Ps. 4, 4).
Réjouis-toi !
Ecrin de la Sagesse de Dieu,
Réjouis-toi !
Trésor de sa Providence.
Réjouis-toi !
Tu démontres la folie des philosophes,
Réjouis-toi !
Tu prouves l’ignorance des penseurs…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
VOULANT SAUVER LE MONDE, L’ARTISTE DU COSMOS EST DESCENDU LIBREMENT VERS LUI. POUR NOUS, LE DIEU ET PASTEUR S’EST FAIT HOMME, SEMBLABLE A NOUS, POUR NOUS APPELER A SA RESSEMBLANCE. C’EST POURQUOI IL ENTEND CE CHANT : ALLELUIA !
Le présent ikos est, du point de vue christologique, d’une très grande profondeur. Le salut du monde a été le but immédiat de la divine Incarnation du Verbe. Telle a été la volonté de l’Artiste du Cosmos depuis le commencement. Le péché a été un élément étranger à la force créatrice de Dieu, un corpuscule étranger et hostile, une invention postérieure, un accident.
Le péché n’a pas de fondement ontologique dans la création ; il est un parasite, substantifié dans le lieu logique de l’auto-détermination des êtres libres ; ses supports essentiels et ontologiques sont inexistants ; il n’a aucune raison d’être dans le dessein illimité de Dieu. Dans ce dessein, seuls existent prééternellement les raisons des essences et des êtres possibles, naturels et logiques, portés, dans l’éternelle puissance et l’énergie du Verbe ; réalisés dans le temps, ils sont tenus ensemble, dans la même puissance du Verbe, qui les maintient fortement en elle, dans l’ordre naturel de l’univers.
Le Verbe est l’artiste de tout. Rien n’est hors de Lui, rien n’est contre lui. La création est douée de raison, en ce sens qu’elle est portée dans le rayon créateur du Verbe, qu’elle participe ou plutôt qu’elle est le résultat de la puissance douée de raison et toute-sage de Dieu. Le monde, en tant qu’ornement réel, sur qui se reflètent la bonté et la sagesse de Dieu, est très bon, et proclame les perfections du Verbe infini. Aucun panthéisme dans cette « panlogie » portée dans le rayon créateur de Dieu, œuvre de la libre énergie de la Trinité. Les raisons des créatures dans le Verbe et le Verbe (l’énergie du Verbe) dans les créatures !
Cependant, la présence du péché, introduite de force, dans la création, apporte la désagrégation des créatures, la déviation de leur ordre moral et naturel. Elle a traumatisé la marche normale et le mouvement de la nature ; elle a menacé d’exterminer l’ordre « juste » des êtres ; elle a aussi menacé les hommes de nécrose totale et de mort spirituelle éternelle. Pour faire face à une telle éventualité, le Verbe, l’Artiste du cosmos, est entré dans l’espace limité de la créature, dominée par la force destructrice du péché. Il est venu de Lui-même, libre de toute nécessité, de sa propre volonté et de son libre mouvement. Il est venu dans le monde pour y accomplir le dessein éternel et salutaire de la Sainte Trinité, Il est venu pour arracher de la créature l’élément étranger et nuisible de la corruption, le corps du péché et de la mort, qu’il a condamné dans sa propre chair (Rom. 8, 3).
Il est descendu sur la terre et s’est fait Homme semblable à nous (Phil. 2, 7), dans sa nature humaine totale et intégrale, afin de la purifier de l’intérieur, consumer l’herbe, la plante sauvage, déraciner en elle les semences étrangères de la corruption et de la mort. Il s’est fait Homme pour libérer l’homme, le sauver et pour le mener, sûrement, dans le lieu de la lumière et de la liberté, où règne le Verbe, dans l’ordre naturel et sa vérité, comme créature libre et logique. Il a appelé, ainsi, au salut, son semblable à lui ressembler, apportant la vraie guérison de la nature, la vraie délivrance du déchu libéré de l’ennemi. L’homme est sauvé par l’Homme en Dieu ou encore Dieu sauve l’homme par l’Homme dans le Dieu-Homme. Le malade a été assumé, pour que sa maladie, le péché de sa nature qui menait à la mort, fut détruite, car « ce qui n’est pas assumé n’est pas guéri » (Saint Grégoire de Nazianze Epit. 101).
Chant 10 :
VIERGE MÈRE DE DIEU, TU ES LE REMPART DES VIERGES, ET DE TOUS CEUX QUI ACCOURENT A TOI. LE CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE T’A FORMEE POUR HABITER SON SEIN, Ô TRES PURE ET NOUS A APPRIS A TE CLAMER :
Réjouis-toi !
Colonne de la virginité…
La virginité, la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu, c’est l’espace pur de la créature où se lève, clairement, la splendeur de la nature purifiée, prélude à la pureté de la vie nouvelle, remodelée, parée, dans son sein qui reçut Dieu. La virginité de la Vierge n’est pas seulement une question de tissure biologique, mais aussi un état supérieur, qui embrasse tout un ensemble de significations multiples. C’est avant tout, la pureté de l’âme et de l’esprit de la toute-innocente, excepté la souillure de la transgression ancestrale, qu’elle portait en tant que descendante d’Adam (elle en a été purifiée par la puissance purificatrice du Saint-Esprit quand il la couvrit de son ombre), elle n’a, nullement, été souillée par l’action de la passion et de la corruption, ni par les incitations impures de l’imposteur, et le résultat fut la pureté du corps de la Vierge, de son vase d’honneur incorruptible, inaccessible à l’impureté et aux attaques voluptueuses du péché, vase innocent purifiant tout mouvement passionnel, toute impureté venant de l’espace obscur, de la nature déchue d’Adam, troublée et sauvagement ébranlée par le désir concupiscent.
En outre, la virginité de Marie apparaît dans la conception sans semence et l’accouchement sans douleur de son Enfant immaculé. Sa gestation virginale et son enfantement virginal constituent, ici, le signe lumineux et scintillant du miracle. Comme on l’a déjà souligné, la conception sans volupté et la naissance sans douleur du Créateur de l’univers, par delà la loi et l’ordre naturels, la nature vieillie dans le péché, placent la nature sur une voie spirituelle nouvelle, dans un ordre nouveau des choses sur lesquelles resplendit la beauté originelle de la création, la beauté de la nouvelle création spirituelle offerte par Dieu et en Dieu. Cette nouvelle création s’accomplit dans la Personne divino-humaine du Christ, dans la suprême conception dans le sein porteur de Dieu de la Vierge. Par la nouveauté et la splendeur de son miracle, la toute vénérable Mère du Sauveur préface et illustre clairement cette nouvelle création. La gloire de la Vierge-Mère-Vierge, de l’Innocente, c’est le sceau spirituel, authentique et varié de l’œuvre rénovatrice du Christ. La gloire de sa virginité, de sa virginité perpétuelle, c’est l’éclat de la lumière sans déclin qui est apparue sur la terre, par sa porte virginale phosphorescente.
Le miracle de la virginité de la Toute-Innocente est, grandement, honoré dans l’espace spirituel de l’Eglise Orthodoxe. On ne peut concevoir de spiritualité orthodoxe, si on ne respire pas, à pleine poitrine, la grande et bouleversante merveille, si l’éclat de la gloire de la Mère Vierge, de la Toute-Sainte, ne se lève pas sur l’âme. Le dogme de la Mère de Dieu bouleverse profondément l’Orthodoxie qui ne veut rien perdre de lui. Elle le cache, profondément, dans le secret de son essence théomorphe. Ils s’égarent, ceux qui croient que le dogme de la Mère de Dieu – surtout sa virginité perpétuelle – est accessoire et sans importance pour leur foi et leur vie. Ceux qui affirment de telles choses n’ont rien compris à l’Orthodoxie, ils n’ont jamais pénétré dans le noyau spirituel de son essence. La virginité, non pas seulement comme abstention de rapports aphrodisiaques et voluptueux, mais aussi comme état théomorphe, porteur de Dieu, de ceux qui se purifient du péché et des passions de la nature, comme victoire sur la loi de la corruption, et comme conversion de tout l’être, sous le souffle de la grâce et par la force renouvelante du Saint-Esprit, la virginité est le Symbole spirituel de l’Orthodoxie, exubérant et toujours rajeunissant.
La virginité de la Mère de Dieu constitue le pôle d’attraction de la force divine, de l’ascèse et des sillons de la spiritualité orthodoxe. La vraie virginité, plante illustre du Paradis et fleur du Royaume, orne, majestueusement, son front et ses créneaux. La Mère de Dieu est le rempart et la protection des vierges. Ceux qui portent leurs regards sur son innocence et sa virginité combattent le miasme de la passion qui monte, impitoyable, des bas-fonds de la corruption ; ils se hâtent vers la purification totale de la nature, qui annonce à l’avance, la lumineuse déification, l’héritage glorieux des cœurs purs (Matth. 5, 8) et qui gardent, dans l’honneur, leur vase acquis à grand prix (l Thes. 4, 4 – l Cor. 6, 20).
Réjouis-toi !
Colonne de la virginité,
Réjouis-toi !
Porte de la délivrance.
Réjouis-toi !
Commencement de la re-création spirituelle,
Réjouis-toi !
Dispensatrice de la divine bonté…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
TOUTE HYMNE QUI VEUT ENUMÈRER TES MISERICORDES, EST VAINCUE PAR LEUR MULTITUDE. NOS CANTIQUES, SERAIENT-ILS PLUS NOM.BREUX QUE LE SABLE DE LA MER, Ô ROI SAINT, N’OFFRIRAIENT RIEN QUI FUT DIGNE DES DONS QUE TU PRODIGUES A NOUS QUI TE CHANTONS : ALLELUIA !
Les miséricordes du Seigneur forment un abîme, et sa bonté divine un immense océan. Le dessein du Très-Haut pour le salut, tenu caché dans le silence, se perd dans le mystère abyssal de l’essence illimitée de Dieu. Nul ne peut entrer dans le lieu impénétrable de la sagesse de Dieu. L’abîme des miséricordes sans nombre et de l’amour divin et de sa bonté pour les hommes, le Verbe Dieu l’a manifesté. Mais le mystère du Conseil divin demeure voilé même après sa manifestation.
Qui a connu la pensée du Seigneur pour l’instruire ? (Rom. 2, 34 – 1 Cor. 2, 16). Ceux qui ont la pensée du Christ (1 Cor. 2, 16) pénètrent, certes, dans l’abîme de l’infini divin, mais avec les sens en repos, l’esprit aphone, le cœur silencieux et vigilant. Le mystère fascine et fait frémir. La parole est impuissante à exprimer la douceur de l’expérience du mystère (1 Cor. 2, 9). Les mots sont pauvres et faibles. La langue humaine la plus éloquente ne peut composer une hymne capable d’énumérer la multitude des miséricordes et la bonté de son Créateur. Quand bien même nos cantiques seraient plus nombreux que le sable de la mer, nous ne pourrons jamais tresser, avec eux, un éloge égal aux bienfaits infinis de notre Maître pour nous ! Seul l’ALLELUIA ! des âmes justifiées, la louange faite dans l’humilité de cœur, peuvent, comme un bruit confus, de la part des créatures, donner la réplique à la voix fracassante des eaux de la grâce qui descendent, impétueuses, des demeures du ciel !
Chant 11 :
NOUS VOYONS EN LA VIERGE SAINTE, UN FLAMBEAU LUMINEUX ECLAIRANT LES TENEBRES. ELLE A ALLUME LA LUMIERE IMMATERIELLE ET CONDUIT TOUT HOMME DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU. AURORE ILLUMINANT L’ESPRIT, NOUS L’HONORONS PAR NOS ACCLAMATIONS :
Réjouis-toi !
Rayon du Soleil spirituel…
Le flambeau est spirituel et la lumière qu’il répand immatérielle ! D’un tel flambeau, seulement, pur et innocent, pouvait venir la lumière du monde, divine, claire et sans mélange. Du cierge de la Vierge, remodelé par la grâce de Dieu, pouvait venir la flamme inextinguible. La lumière éternelle d’avant les siècles, l’antique beauté Trinitaire et la richesse de la lumière de Dieu ne pouvaient jaillir que du sein éclatant qui porta la lumière, et être posées sur le lampadaire de la pâte humaine (la nature humaine du Christ), empruntée à la Vierge.
Par la lumière du divin mystère christologique, abondamment répandue sur la Vierge, les ténèbres de l’ignorance et de l’égarement, dans lesquelles l’infortuné genre humain malade se mourrait, furent chassées et les hommes conduits dans les demeures lumineuses de la connaissance de Dieu et sous sa surveillance. Par le lever de la lumière spirituelle, l’homme jadis enténébré, dont l’esprit était asphyxié et étouffé par les ombres de l’espace de la vanité, qui l’entourait, a été illuminé.
A l’horizon obscur s’est levée la grande lumière (Matth. 4, 16), le jour phosphorescent de la délivrance, le soleil spirituel du Royaume. Eclairés par le flambeau de l’indicible miracle, les délivrés devenus eux aussi, lumière, marchèrent dans les sentiers de la vie, en chantant, dans la joie, les grandeurs de l’auguste Mère de Dieu ! Participer à la lumière divine, hériter du rayon lumineux de la divinité, communier à la clarté sans déclin de la Transfiguration, entrer dans les demeures lumineuses du Royaume, mêlés au triple éclat de la Trinité, constitue leur suprême désir, jusqu’aux limites de la joie en Dieu et de l’espérance. La lumière inaltérable jaillie du flambeau inaltérable comble tous les désirs et toutes les espérances de la créature, spirituellement régénérée et recréée dans la grâce de Dieu :
Réjouis-toi !
Rayon du Soleil spirituel,
Réjouis-toi !
Eclat de la Lumière sans déclin,
Réjouis-toi !
Eclair qui illumine les âmes,
Réjouis-toi !
Foudre qui terrifie l’ennemi…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
VOULANT REMETTRE LES DETTES ANCIENNES, CELUI QUI ANNULE LES DETTES DE TOUS, EST VENU LIBREMENT CHEZ CEUX QUI S’ÉTAIENT ELOIGNES DE SA GRACE. IL A DECHIRE LEUR CREANCE ET A ENTENDU CE CHANT : ALLELUIA !
Dieu n’a pas abandonné sa créature, tombée, par la transgression, dans la malédiction, mais il a voulu la sauver. Comme on l’a souvent souligné, le salut du déchu était une décision du Grand Conseil libre de la Sainte Trinité. Le Fils, en particulier, en qui le Père avait mis toute sa complaisance et avec qui coopérait l’Esprit Saint, réalisa, dans le temps, sur la terre, le dessein divin prééternel de la Rédemption (Gal. 4, 4). Dans le Fils s’accomplit, dans le temps, le dessein de l’économie divine en faveur de l’homme.
Pour payer la lourde dette de toute l’humanité, le Verbe qui remet les dettes de tous les hommes est venu de Lui-même, chez ceux qui s’étaient éloignés de sa grâce. Dieu court après sa créature, misérablement égarée et dupée, pour la ramener, à nouveau, près de Lui, dans son ancienne patrie, en gloire. Mais la même créature est simultanément poursuivie, avec une fureur meurtrière, par le diable (1 Pierre 5, 8), l’ennemi de l’homme et de la création, qui veut la mener à la ruine et à la perdition spirituelle éternelle.
Cette créature est autant poursuivie par le Père que par l’apostat (le diable) ; autant poursuivie par l’amour infini du créateur, que par la fureur meurtrière du mauvais génie. Son cœur est revendiqué tant par la Vie que par la mort, tant par le ciel que par l’enfer. A la fin, Dieu prend sur ses épaules l’égaré (Lc. 15, 4) et sur la Croix il déchire la créance de la corruption (Col. 2, 14), détruit le livre de comptes de l’iniquité, toute la dette d’Adam. Sur la Croix, le Sauveur a donné en spectacle les dominations et les autorités des ténèbres (Col. 2, 15), brisé la force de l’ennemi et détruit la puissance exécrable de l’empire du diable. Libre de l’antique dette de la malédiction, l’humanité a signé, avec le Sang du Christ, l’acte de la Nouvelle Alliance, elle a signé la créance de la gloire et de la vie éternelle, le livre d’or du Royaume !
Chant 12 :
NOUS CHANTONS TON ENFANT ET TE LOUONS, Ô MÈRE DE DIEU, TEMPLE VIVANT. CELUI QUI FIT DE TON SEIN SA DEMEURE, LE SEIGNEUR QUI TIENT DANS SA MAIN L’UNIVERS, T’A SANCTIFIEE ET NOUS A APPRIS A TE DIRE :
Réjouis-toi !
Demeure de Dieu le Verbe…
Chanter l’Enfant de la Mère de Dieu, louanger la Mère de Dieu, voilà la juste attitude du cœur et la disposition de l’esprit qui conviennent au divin mystère christologique. Le miracle de la Vierge dépasse la force de la créature en sa totalité ; il transcende toutes les dimensions naturelles de la création. Sa contemplation doit toujours se faire dans l’humilité d’âme et dans la disposition laudative de l’esprit.
Ne comprenant pas le miracle par l’intelligence, embrassons par la foi son rayonnement lumineux, le servant, mystiquement dans l’espace impénétrable de l’âme, dans le sanctuaire de l’esprit et du cœur.
Dans le temple vivant de Dieu, nous nous tenons en adorateurs, dans le silence indicible de la liturgie christologique, de la célébration mystique du miracle, qui a remodelé la création et l’homme.
Parce que dans le sein très pur de la Vierge, le Dieu infini et incontenable s’est réduit. Dans ce sein sans tache, a demeuré Celui qui tient l’univers dans sa main. Le Verbe infini de Dieu, qui remplit de sa toute-puissance la création, l’Illimité a séjourné dans le sein innocent de la Vierge, et Il est sorti d’elle, Dieu fait Homme et portant la chair. Cette habitation du Verbe a sanctifié la Vierge, temple vivant glorifié et en a fait le sanctuaire de la gloire (Ps. 77, 54).
La lumière divine et infinie a magnifié sa demeure vivante, a revêtu de beauté la jeune Vierge qui a porté Dieu. Il a fait resplendir le sanctuaire du Très-Haut et enseigné aux fidèles la vraie et juste louange de la Mère de Dieu, l’hymne, la doxologie qui convenait à la grandeur de la Vierge :
Réjouis-toi !
Demeure de Dieu le Verbe,
Réjouis-toi !
Plus sainte que le Lieu saint…
REJOUIS-TOI, EPOUSE INEPOUSEE !
Ô MÈRE, LOUEE PAR-DESSUS TOUT, QUI AS ENFANTE LE VERBE, PLUS SAINT QUE TOUS LES SAINTS, ACCUEILLE NOTRE OFFRANDE ; GARDE DE TOUT PERIL ET DELIVRE DES TOURMENTS A VENIR CEUX QUI TE CRIENT : ALLELUIA !
Pour terminer son hymne sacrée, l’hymnode adresse une prière à la Mère louée par-dessus tout, qui a enfanté le Verbe plus saint que tous les saints, et la prie d’agréer cette glorification, offerte par l’Eglise, et de sauver tout son peuple de tout péril, des tourments en ce monde et de délivrer tous ceux qui humblement et dans la piété lui crient : ALLELUIA !
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