lundi 3 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°8. Editorial. Le Saint Métropolite Philarète.

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Editorial

LE METROPOLITE PHILARETE

La Fin d’un Grand Hiérarque

Dans le 2e livre du prophète Jérémie, le Seigneur fait cette promesse : '' Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur, gui vous feront paître avec intelligence et sagesse". (Jérémie 111,12).

Le métropolite Philarète de New-York, gui .s’est, endormi dans le Seigneur le jour de la fête des saints archanges Michel et Gabriel était l’un de ces hiérarques gui se trouve '' devant le trône de Dieu pour présenter sacrifices et offrandes pour tout le peuple".

La nouvelle de sa mort a été accueillie avec tristesse dans toutes les paroisses et les monastères, de l’Eglise Russe Hors Frontière, mais aussi, au-delà de son propre troupeau, chez tous les vrais chrétiens orthodoxes, des catacombes russes aux Karoulias athonites, comme partout en Grèce et en Serbie.

Tous, pourtant ont dû éprouvé de la joie, car dans la personne du métropolite Philarète s’est accompli la demande de la prière de consécration épiscopale : '' Ô Christ, vrai berger qui donnas ta vie pour tes brebis, fais de celui gui est appelé à exercer la grâce épiscopale, ton imitateur ; fais de lui le guide des aveugles, la lumière de ceux gui sont dans les ténèbres, l’éducateur des gens déraisonnables, l’instructeur des enfants ; qu’il éclaire le monde, afin qu’après avoir mené à la perfection les âmes qui lui sont confiées dans la vie présente, il puisse se tenir sans confusion devant ton trône, et recevoir la grande récompense que tu as préparée à ceux qui auront souffert pour la prédication de ton Evangile '' ; tous ont ressenti la joie d’avoir vu un grand hiérarque orthodoxe !

Nicodème Hagiorite, dans son Pidalion, explique qu’au sens étymologique l’évêque est celui qui  '' veille sur'' le dépôt, qui '' surveille '' toutes choses dans la maison d’Israël, tel Eléazar qui '' avait sous surveillance tout le tabernacle et tout ce qu’il contient". Ce souci de veiller sur le dépôt de la Foi, de ne pas déplacer les bornes posées par les Pères définit parfaitement le métropolite Philarète ; c’est, en effet, avec une grande tristesse qu’il voyait de nombreux hiérarques être infidèles à leur vocation épiscopale et lorsqu’il le pouvait il leur rappelait le rôle véritable d’un évêque orthodoxe, comme il Le fit au métropolite du Patriarcat Œcuménique à Londres, Athënagoras : '' Le saint Apôtre Paul nous enseigne à conserver en tout avec fermeté la foi orthodoxe qui nous a été confié, en s’adressant aux Galates : '' Mais si nous-mêmes ou un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous avons annoncé, qu’il soit anathème !". Il demande à son disciple Timothée de demeurer fidèle à son enseignement, à ce qui lui avait été confié, sachant de qui il l’avait appris (II Timothée.III, 14). C’est là une règle que doit suivre chaque évêque de l’Eglise Orthodoxe, il est tenu de l’observer par le serment qu’il a prêté le jour de sa consécration.
L’Apôtre écrit que l’évêque doit être attaché à la parole authentique telle qu’elle a été enseigné, afin d’être capable d’exhorter selon la sainte doctrine et de réfuter les contradicteurs".

Cette lutte du métropolite Philarète pour la défense de la vérité était d’autant plus courageuse qu’aucun pouvoir orthodoxe ne défendait plus son peuple, que tel un nouveau Moïse, dans les malheurs de l’exode ou de l’émigration, il voulait conduire à la terre promise en l’affermissant dans la foi.

Cette grande rigueur de hiérarque s’accompagnait d’une grande douceur personnelle et nous avons souvent pensé à propos du métropolite Philarète à la réponse que fit saint Basile le Grand au préfet Modeste. Ce dernier, surpris par la fermeté du saint, lui dit : '' Personne, jusqu’à ce jour ne m’a tenu un pareil langage, et avec tant de liberté, à moi, Modeste". Saint Basile lui répondit : ' C’est que tu n’as sans doute jamais rencontré un véritable évêque, car c’est ainsi qu’il t’aurait parlé...Dans tout le reste, ô préfet, nous sommes doux, les plus humbles des hommes ; mais, quand il s’agit de Dieu, nous ne regardons plus à rien, nous n’avons que lui en vue. ''

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Le métropolite Philarète est né le 22 mars 1903 à Koursk et il était dans le monde Georges Nicolaevitch Voznesensky Son père, Nicolas, était prêtre et connaissait Jean de Kronstadt ; il avait reçu une partie de sa formation du métropolite de Kiev, Antoine Khrapovitzky. En 1909, la famille Voznesensky vint s’installer en Extrême-Orient à Blagovechensk. En 1920, fuyant les communistes, ils s’installèrent à Kharbin où, après la mort de sa femme le père Nicolas devint moine et évêque sous le nom de Dimitri. Kharbin était, en territoire chinois, une ville presque entièrement russe où la vie continuait comme avant la révolution ; il y avait en particulier à Kharbin, 22 églises. Très jeune, Georges Voznesensky veut devenir prêtre ; son père songe à l’envoyer dans un institut de théologie en Amérique, mais cela s’avéra concrètement irréalisable ; l’évêque serbe Nicolas d’Ochride dit un jour au métropolite Philarète, qu’il en fut protégé grâce à Dieu, car lui même avait mis huit ans à se débarrasser de ce qu’il avait appris en trois ans dans ce type d’écoles.

En réalité, la véritable école spirituelle du métropolite Philarète fut le monachisme et l’exemple des hommes de Dieu. Il put connaître, en effet, l’évêque Jonas, disciple du staretz Barsanuphe d’Optino, les anciens Michel et Ignace de Kharbin, doués du don de clairvoyance, l’évêque Innocent de Pékin, confesseur de la foi orthodoxe, l’évêque de Shanghai Jean Maximovitch, ascète et missionnaire, qui, plus tard, le proposa au Saint Synode comme métropolite.

Autour de 1924, alors qu’il vient d’être ordonné prêtre, le futur métropolite s’installe près d’un orphelinat nommé  '' la maison de miséricorde '' et il forme un embryon de monastère. En réalité c’est l’arrivée de moines venant de Russie et suivant la régie et la tradition de Valaam gui transforma la ''maison de miséricorde'' en un petit ermitage.

Vers cette époque, un des moines se rendit en Yougoslavie auprès du métropolite Antoine Khrapovitzky, premier hiérarque de l’Eglise Russe à l’étranger.
Le métropolite Antoine ne cessa de poser des questions sur le père Philarète, et sur lui uniquement, comme si Dieu lui avait révélé que ce jeune hiéromoine porterait à son tour la lourde charge de métropolite.

Dans les années trente, certains russes, en Chine, espéraient dans les régimes autoritaires européens pour vaincre les soviétiques ; le père Philarète soutenait, au contraire, qu’on ne pouvait rien espérer d’Hitler qui ferait plutôt renaître le vieux culte païen des peuples germaniques et qui n’apporterait que peines et malheurs. Le père Philarète eut d’ailleurs à lutter réellement contre le paganisme à Kharbin, lors de l’occupation japonaise. Les Japonais voulaient, en effet, imposer à tous la vénération de la déesse Amaterasu et il fallait lutter contre ceux qui présentaient ce culte comme une simple formalité administrative.

Après la guerre les soviétiques succédèrent aux Japonais et ils faisaient tout pour persuader les habitants de Kharbin d’aller vivre en URSS. En 1954, par exemple, on annonça partout que  '' la mère-patrie ouvrait grand ses bras et invitait tout le monde à venir défricher les terres vierges". Pour se justifier ou pour se donner du courage, certains disaient que peu importait où l’on priait Dieu, le Seigneur nous entendant partout. Le père Philarète n’hésitait pas à prêcher contre cette attitude et il disait que, bien que Dieu soit omniprésent, il n’est pas indifférent de le prier dans une église ou dans une étable. Aussi ne donnait-il pas sa bénédiction à ceux qui cédaient, pour leur malheur, aux autorités soviétiques. Il voulait préserver, autant que possible, la liberté de ses fidèles et il faisait tout pour favoriser leur départ vers l’Australie et l’Amérique.

A peu près à la même époque, l’archevêque Jean Maximovitch passait plusieurs jours et nuits en prières devant le Congrès américain pour que ce dernier autorise, malgré les lois très sévères pour l’immigration aux USA, les enfants d’un orphelinat à émigrer de Chine - ce qu’il obtint.

A Kharbin, toutes les tracasseries administratives étaient employées pour décourager le zèle du père Philarète, qui ne voulait pas quitter la Chine avant que le dernier de ses enfants spirituels ne la quittât ; finalement, on mit le feu à sa maison pour le tuer, mais, s’il fut brûlé au visage et aux mains, sa vie fut protégée par la Mère de Dieu. En 1962, après le départ de ses derniers fidèles, il put quitter, lui aussi, Kharbin pour Hong-kong, puis pour l’Australie. A l’aéroport de Sydney, une grande foule l’attendait ; un an après il fut ordonné évêque de Brisbane en Australie. En 1964 le métropolite Anastase, très malade, se retirait, et le jeune évêque de Brisbane était appelé en Amérique pour l’élection d’un nouveau métropolite. Là, à la surprise générale, il fut élu métropolite, mais ceux qui le connaissaient virent dans cette élection un signe tangible de la grâce de Dieu.

A l’époque où Mgr Philarète devient le premier hiérarque de l’Eglise Russe à l’étranger, cette église apparaît comme un fleuve où viennent se mêler les eaux de plusieurs rivières différentes. Souvent, l’Eglise Russe à l’étranger est présentée comme l’héritière de la période synodale de l’Eglise Russe dont elle hériterait les tendances politico-religieuses conservatrices et une théologie scolaire influencée par l’Occident et la scolastique. Ce jugement n’est que très partiellement vrai et c’est par un triple héritage bien différent gué nous définirions l’Eglise Russe à l’étranger :

Tout d’abord le courant issu du métropolite Antoine Khrapovitzky ; ce hiérarque, hostile aux doctrines scolastiques augustiniennes et anselmiennes que l’on enseignait dans les séminaires, était une personnalité pan-orthodoxe ;
C’est lui, en particulier, qui fut le partisan et l’artisan principal du rétablissement du patriarcat supprimé au XVIIème siècle par Pierre le Grand, et d’un retour à la théologie et à la spiritualité des Pères de l’Eglise. Il faut remarquer aussi que l’évêque serbe Nicolas d’Ochride et le père Justin Popovic jouèrent un grand rôle pour la formation de la jeunesse russe en Serbie, à Karlowitz ; leur lien d’amitié spirituelle avec le métropolite Antoine était très profond. Enfin l’exemple de l’évêque Théophane de Poltava, qui vint finir sa vie dans une grotte à Tours, fut très important pour beaucoup : Mgr Averky de Jordanville, dont le rôle fut très important dans la critique de l’oecuménisme, était un disciple de l’évêque Théophane.

Un second courant vient de la tradition missionnaire de l’Eglise Russe, qui s’était particulièrement développée au XIXème siècle : Saint Innocent d’Alaska et saint Germain d’Alaska avaient évangélisé les esquimaux et les aléoutes ; en Chine, au Japon des missions orthodoxes avaient fait de nombreux convertis. L’exemple même de cet esprit missionnaire à notre époque fut sans doute l’archevêque Jean Maximovitch qui, à la fois, était très sévère pour son troupeau et pouvait pratiquer de grandes économies pour ceux qui venaient à l’Orthodoxie.

Enfin, une troisième rivière est venue, après la seconde guerre mondiale mêler la pureté de ses eaux à l’Eglise Russe à l’étranger : le témoignage de l’Eglise des Catacombes. On peut citer un laïc comme I.M Andreyev, qui connut Mgr Maxime de Serpoukhov le premier évêque des Catacombes ; Mgr André de Nouveau Diviyevo et Mgr Nectaire qui étaient les disciples des derniers staretz d’Optino - Dieu avait donné à Mgr André le don de prophétie - ; nommons encore Mgr Léonty du Chili qui rapprochait la lutte de l’Eglise des Catacombes de celle des '' Vieux Calendaristes'' grecs.

Ces trois courants, Mgr Philarète, dans sa vie, dans sa personne, les réunissait et les incarnait. Aussi, loin d’être le conservateur de certaines fausses opinions qui s’étaient introduites en Russie depuis Pierre le Grand, a-t-il combattu ces erreurs et ces influences scolastiques.

Tout d’abord, Mgr Philarète a regretté profondément la sévérité de l’Eglise Russe à l’égard des vieux croyants dont plusieurs paroisses sont revenues à l’église-mère.

Ensuite, il a soutenu et fait sienne la très importante résolution dogmatique défendue par Mgr Vitaly du Canada en 1967 ; critiquant l’œcuménisme qui, désormais, se trouvait  '' aux portes mêmes de notre église", Mgr Vitaly reconnaissait que des erreurs dogmatiques,  '' une incertitude, une imprécision idéologique coupable à l’égard de la Vérité '' était souvent l’héritage de l’émigration russe et il incitait le clergé et les fidèles de l’Eglise Russe à l’étranger  '' à se libérer définitivement d’un certain œcuménisme scolastique qui a profondément pénétré dans nos esprits".

En particulier la jeunesse devait être élevée selon les normes divino-humaines et absolues de l’Eglise Orthodoxe et il fallait lui enseigner '' la sainte exclusivité, l’unicité de l’Eglise Orthodoxe '' si on ne voulait pas porter la responsabilité de la laisser se perdre dans le relativisme dogmatique et dans l’œcuménisme.
Cette volonté de faire vivre ou de développer la '' conscience orthodoxe", d’enseigner à la jeunesse l’idéal pur et absolu de l’Eglise du Christ, définit l’oeuvre de Mgr Philarète
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On peut dire que Mgr Philarète fut tout d’abord un grand hiérarque russe, dans la mesure où il a voulu donner à la jeunesse russe, émigrée et désorientée l’exemple de la vie en Christ. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les grandes canonisations auxquelles il a présidé : celle de Jean de Kronstadt, celle de Germain d’Alaska, celle de sainte Xénia, la folle en Christ, et enfin celle des nouveaux martyrs et confesseurs russes. Chacune de ces canonisations est une indication de la voie à suivre, au milieu du monde et parfaitement victorieuse du monde par la confession du Seigneur Jésus-Christ, le vainqueur de la Mort.

Mais le métropolite Philarète avait en même temps une conscience universelle de la situation des Eglises orthodoxes aujourd’hui. En effet, les orthodoxes sont pris en étau entres deux hérésies redoutables ; l’œcuménisme et le communisme.

Ces deux doctrines ont en commun d’être à la fois des hérésies - ou de contenir plusieurs hérésies du passé - et de prétendre dépasser radicalement le christianisme ; par ce dernier aspect elles inaugurent l’époque  '' post-chrétienne '' que l’Ecriture nous révèle être l’époque de la grande Apostasie.

Le communisme, celui de Marx surtout, a intégré, sous une apparence scientifique, les utopies gnostiques et millénaristes du passé : l’établissement du communisme doit conduire à une sorte de règne des justes sous la figure du prolétariat où l’homme se réconciliera avec la nature ; ainsi l’homme désaliéné de Marx, libéré des entraves qui asservissent l’humanité, est une caricature du saint ou du déifié. Le plus étonnant de ce point de vue est sans doute ce que Marx appelle '' l’homme générique '' : cet homme, qui est en harmonie avec la nature et avec la totalité du genre humain, est une sorte d’Adam retrouvé, mais un Adam sans individualité, sans personnalité, sans hypostase. Ce phénomène d’anonymat eut été interprété par les Pères comme diabolique : l’image de Dieu est détruite autant que possible dans cet homme générique.

Parodie du christianisme, le marxisme est aussi un anti-christianisme, puisqu’il considère que la religion est l’archétype de toute aliénation. Cet esprit à la fois parodique et hostile fait penser à Julien l’Apostat qui voulait imiter en faveur du paganisme les règles ascétiques des chrétiens : de même, l’Anti-Christ ne fera pas seulement une autre œuvre que celle du Christ, mais il fera l’œuvre inverse de celle du Seigneur.

L’œcuménisme aussi est d’abord une hérésie : la négation de l’unité et de l’unicité de l’Eglise. La '' théorie des branches '' en particulier - soutenue par le patriarche Athënagoras - est la négation de l’unité de la Révélation, puisque chaque église a une partie de la vérité qui a éclatée comme un verre de cristal. Le père Justin Popovic a justement insisté sur le fait que la reconnaissance de toutes les '' églises'' impliquait l’acceptation tacite de toutes leurs hérésies et de toutes les hérésies ; aussi a-t-il nommé l’œcuménisme une pan- hérésie.
Mais, là aussi, le relativisme œcuménique inaugure un nouveau moment de l’histoire, celui où le monde et les critères du monde, s’introduisant partout, se font les juges du Christ et de son Eglise : ceux qui se disent  '' orthodoxes'' en viennent eux mêmes à aligner leurs églises sur le monde qui pourtant n’a pas reçu le Christ et qui a de la haine pour le Seigneur et pour ses disciples : '' et le monde les a haï, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde".(Jean 17,14).

Ces deux hérésies, ces deux figures de la grande Apostasie n’ont pas été des doctrines abstraites, elles sont nées concrètement, l’une en Russie, l’autre en Grèce.

Le communisme est apparu en Russie et c’est le génie du patriarche Tikhon et des autres évêques russes d’avoir compris qu’il représentait pour les fidèles, une menace plus spirituelle que politique. Le patriarche Tikhon a été le premier à dire, en effet, que l’avenir de l’Eglise Russe était d’entrer dans les catacombes.

En Grèce, l’œcuménisme est apparu avec l’encyclique du patriarcat de Constantinople en 1920, mais plus concrètement avec le changement de calendrier en 1924. Ce fut le génie de Mgr Chrysostome de Florina d’avoir été le premier à comprendre que l’oecuménisme commençait avec cette rupture de l’unité liturgique de l’Eglise Orthodoxe. D’autres aussi l’ont compris, Mgr Glichérie en Roumanie, Mgr Innocent de Pékin, les moines russes de Valaam établis en Finlande.

Après la seconde guerre mondiale, ces deux grands mouvements, d’abord en discordance, ont agi en un accord de plus en plus grand : l’Eglise du patriarcat de Moscou est entrée au Conseil Oecuménique des Eglises et elle est favorable aujourd’hui à une union quasi- immédiate avec Rome.

Inversement la lutte contre ces deux hérésies a tendu à s’unifier plus ou moins ; comme l’écrivait Mgr Antoine de Genève en 1974 : '' En plus de notre Eglise, la partie de l’Eglise Russe qui se trouve dans les Catacombes, en Union Soviétique, véritable Eglise orthodoxe et la partie de l’Eglise d’Hellade restée fidèle à l’ancien calendrier mènent courageusement le combat contre l’ennemi de notre salut.

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Le métropolite Philarète a toujours défendu fermement que la seule Eglise vraiment orthodoxe en Russie était l’Eglise des Catacombes ; en particulier la réunion d’un concile pan-orthodoxe sans les représentants de l‘Eglise des Catacombes serait une absurdité ; aussi, Mgr Philarète écrivait-il au patriarche Athënagoras qui proposait un tel concile :  '' Nous sentons comme un devoir d’avertir votre Sainteté ainsi que ceux qui seront rassemblés sous votre présidence que : indépendamment du grand nombre des participants au grand concile que vous convoquez, celui-ci ne pourra avoir de force pan-orthodoxe parce que la voix représentative et authentique de la grande -selon le nombre- Eglise Orthodoxe russe des martyrs, ne s’y fera pas entendre".

En 1971 le concile des évêques de l’Eglise Russe Hors frontières prenait une résolution officielle à l’égard de l’Eglise des Catacombes : on y lisait en particulier que '' le concile des évêques reconnaît son unité spirituelle avec l’Eglise des Catacombes", qu’elle s’efforce de faire connaître partout dans le monde entier la situation de la véritable Eglise Orthodoxe de Russie et que '' dans la situation douloureuse de nos frères d’URSS, nous trouvons une consolation dans l’exemple des premiers siècles chrétiens et des martyrs",

Le couronnement de cette communion spirituelle a été la canonisation des nouveaux martyrs. Le métropolite Philarète avait, en effet, profondément conscience que la période constantinienne de l’Eglise - qui commence avec Constantin le Grand - s’est achevée avec la disparition du dernier empereur orthodoxe, le Tsar Nicolas II. Et, dès lors, la fin, selon l’Ecriture, devant être comme le commencement, à nouveau, l’époque des martyrs a succédé à la chute du dernier pouvoir capable de protéger les orthodoxes. Ce temps des martyrs précède à son tour le règne de l’Anti-Christ et le second avènement du Seigneur.
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Le métropolite Philarète a aussi été le symbole, dans le monde entier, de la résistance à l’œcuménisme. Ses Lettres de Douleur à tous les hiérarques orthodoxes ont eu un très grand .retentissement spirituel dans le peuple orthodoxe. Il y déclarait notamment : '' Le poison de l’hérésie peut être moins dangereux lorsque sa prédication provient de l’extérieur. Il devient beaucoup plus dangereux lorsqu’il s’est introduit dans l’organisme progressivement, en doses de plus en plus élevées par ceux qui, par leur position, doivent être non des empoisonneurs, mais des médecins des âmes... Ne sera-t-il pas trop tard de vouloir sauver nos brebis évangéliques lorsque les loups les dévoreront à la vue de leurs pasteurs dans la bergerie même ?... Nous nous adressons à tous les évêques de l’Eglise Orthodoxe, les suppliant d’étudier l’objet de notre message et de se dresser pour la défense de la pureté de la foi orthodoxe". Mgr Philarète écrivit aussi des lettres publiques au patriarche Athënagoras, à l’évêque Athënagoras de Londres, à l’évêque Jacob des USA, les suppliant de renoncer à la théorie des  '' branches".

De même, sur la question du calendrier, Mgr Philarète n’hésitait pas à se référer aux '' trois condamnations orthodoxes du calendrier grégorien décrétées par les conciles pan-orthodoxes du XVIème siècle '' et il soulignait que '' ces condamnations n’ont jamais été annulées par des conciles ultérieurs et qu’elles sont toujours valables et obligatoires pour tous les chrétiens orthodoxes".

En tout cela, la démarche du métropolite Philarète était fondée sur l’enseignement des Pères et il aimait à répéter : '' Nous n’avons pas été enseignés dans une telle doctrine par la Sainte Eglise, ni par l’exemple des saints, tels que Maxime le Confesseur ou Marc d’Ephèse qui ont soutenu l’Orthodoxie contre tout abandon en matière dogmatique*.

Avec patience, pourtant, Mgr Philarète a attendu plus de dix ans après ses  '' lettres de douleur", assistant avec tristesse à la décomposition spirituelle d’Eglises que les saints et les confesseurs du passé avaient rendues grandes.

Aussi, en 1983, répondant au souci de nombreux prêtres de son église, inquiets des progrès de l’œcuménisme, en accord avec le Saint Synode, décida-t-il d’anathématiser l’œcuménisme.


Il fit précéder cette condamnation solennelle d’une longue Encyclique qui est véritablement son testament spirituel. Reprenant avec sa condamnation de l’oecuménisme celle de l’Eglise soviétique, il insiste sur le fait que nous sommes entrés dans le temps de la grande Apostasie, où le  '' fils de la Perdition'' doit se manifester : '' Les signes sont apparus selon lesquels on peut anticiper l’apparition du fils de la Perdition dans une très proche période de l’histoire, et même dans les prochaines années à venir, après l’unification du monde entier sous un seul gouvernement mondial... Nombre des tentations de l’Anti-Christ - l’affaiblissement de la Foi, la divinisation de l’humanité, la trahison de la Foi de l’Eglise Vraie au profit d’une unité religieuse humaniste dans une pseudo-Eglise - sont devant nous, préparant même des chrétiens orthodoxes à suivre les voies de l’Anti-Christ".

Alors que notre époque est truffée de penseurs qui se disent plus ou moins chrétiens, dont la raison d’être est d’affadir, d’accommoder ou de tourner le  '' Que ton oui soit oui '' de l’Ecriture, le métropolite Philarète, dans son Encyclique de 1983, mettait chacun devant sa conscience : '' La question maintenant ne cesse de se poser avec acuité : à qui veut-on appartenir, au Christ ou au Malin ? Selon quels principes veut-on vivre : chrétiens ou antichrétiens ?"

Aussi, très logiquement, cette Encyclique s’achevait-elle par l’Anathème sur l’Œcuménisme :

"A ceux qui attaquent l’Eglise du Christ en enseignant que l’Eglise du Christ est divisée en soit disant  '' branches '' qui divergent entres elles quant à la doctrine et au mode de vie, ou que l’Eglise n’existe pas visiblement, mais sera formée dans le futur, lorsque toutes les branches, sectes ou confessions et religions mêmes seront unifiées en un seul corps ; et qui ne distinguent pas le sacerdoce et les mystères de l’Eglise de ceux des hérétiques et qui disent que le baptême et l’eucharistie des hérétiques sont efficaces pour le salut ; de même, à ceux qui, en toute connaissance de cause, sont en communion avec les hérétiques sus-mentionnés, ou qui plaident, répandent ou défendent leur nouvelle hérésie de l’Oecuménisme sous prétexte de l’amour fraternel ou de l’unification supposée des chrétiens séparés :

ANATHEME

Le métropolite Philarète demandait que cette condamnation soit ajoutée au Synodicon de l’Orthodoxie qui est lu lors du Triomphe de l’Orthodoxie, le premier dimanche du Grand Carême. Peut-être songeait-il, en la prononçant à ces mots du grand métropolite Antoine Khrapovitzky à propos du Triomphe de l’Orthodoxie ; '' On pourrait se demander s’il est convenable d’agir ainsi avec les hérétiques qui croient, peut-être sincèrement à leur vérité. Il ne faut jamais idéaliser les hérétiques, il faut toujours se souvenir que ce n’est pas la vertu qui est à l’origine de leur éloignement de la vérité, mais les passions et les péchés d’orgueil, l’obstination et la méchanceté.

L’attitude sévère envers les hérétiques est utile non seulement pour préserver les fidèles de leur influence, mais elle est utile également à eux mêmes. Aussi, après une lutte qui a duré cent ans, et qui a donné relativement peu de résultats, l’Eglise a-t-elle décidé d’instaurer l’anathémisation, c’est-à-dire leur expulsion de l’Eglise ; ce qui a lieu le Dimanche de l’Orthodoxie.
De nos jours on n’anathématise plus ; ce n’est pas mieux mais pire ; car maintenant il est plus difficile de tracer une limite intelligible et claire entre l’Eglise et l’hérésie. En connaissant cette limite, il est plus facile de ne pas la franchir, et, lorsqu’on l’a franchie, il est plus facile de se repentir et de rejoindre l’Eglise".

Quoiqu’il en soit, l’Anathème sur l’Oecuménisme, voulu, préparé par le métropolite Philarète et par les évêques qui le suivaient, ne lui appartient plus en propre puisqu’il est inscrit au Synodicon de l’Orthodoxie : il est celui de l’Eglise et tous les orthodoxes le reconnaîtront comme leur - même s’il a d’abord été rédigé pour protéger le troupeau de l’Eglise Russe à l’étranger.

Aussi proposons-nous à la conscience de l’Eglise Orthodoxe d’ajouter au Synodicon de l’Orthodoxie, à la suite de l’Anathème sur l’Oecuménisme :

AU METROPOLITE PHILARETE DE NEW YORK
MEMOIRE ETERNELLE !

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