lundi 3 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°8. L'Evêque Maxime et l'Eglise des Catacombes.
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L’évêque Maxime
et l’origine de l’Eglise
des Catacombes
L’Eglise Russe Hors Frontières est indissociable de l’Eglise des Catacombes avec laquelle elle est en communion et qu’elle aide de toutes ses forces et par tous ses moyens. Le sens même de l’Eglise des Catacombes, son origine aussi, a été le refus de toute communion de prière avec le patriarcat de Moscou, dans lequel elle a toujours vu, une continuation, sous d’autres formes, du schisme moderniste appelé ''l’Eglise Vivante". Le patriarcat de Moscou a été reconnu, parfois volontairement, parfois involontairement, par toutes les grandes Eglises officielles qui se sont engagées avec lui dans le compromis oecuméniste et dans le Conseil Oecuménique des Eglises. L’Eglise Russe Hors Frontières, conséquente avec elle-même, n’a jamais accepté de renier le combat des grands hiérarques de l’Eglise des Catacombes, le Métropolite Joseph de Petrograd, l’évêque Maxime de Serpoukhov, l’archevêque Dimitri de Gdov etc. et elle n’est pas en communion officielle avec les Eglises qui reconnaissent le patriarcat de Moscou.
L’Histoire de l’Eglise des Catacombes nous est connue par le témoignage de membres importants de cette Eglise qui, lors de la Seconde Guerre Mondiale, ont pu rejoindre à l’étranger l’Eglise Russe Hors Frontières et rendre témoignage du combat secret des '' vrais chrétiens orthodoxes '' de Russie. Parmi ces témoins, il faut citer l’archevêque Léonty du Chili -qui quitta l’Union Soviétique en 1943 après avoir ordonné 300 prêtres et plusieurs évêques en Biélo-Russie-, l’archevêque André de Nouveau Diviyevo - le dernier disciple des staretz d’Optina - et le professeur I.M. Andreyev. La destinée de ce dernier est un condensé exemplaire de ce qu’aurait dû être le cheminement de l’intelligentsia russe égarée au début du siècle par l’influence de la philosophie occidentale, allemande et française.
Autour de 1910, le jeune Andreyev était, en effet, un agitateur révolutionnaire marxiste ; en 1914, ayant eu l’occasion de venir à la Sorbonne, il s’oriente vers la philosophie mi-rationaliste mi-spiritualiste de l’époque, et il est l’élève de Bergson, de Lalande et de Lévy-Bruhl. C’est Bergson qui lui recommande le philosophe russe -d’une orthodoxie douteuse - Askolov, qu’il rencontre à Moscou peu après le commencement de la Révolution. En même temps qu’il poursuivait ses études de médecine, Andreyev fréquenta Askolov et ses amis, P. Paul Florenski et P. Théodore Andreyev. Ce milieu était plutôt idéaliste - et interprétait en termes philosophiques les événements qui venaient de se produire. Mais, peu à peu, I.M. Andreyev et le P. Théodore Andreyev revinrent à l’orthodoxie, se séparant du père P. Florenski dont ils n’acceptaient pas les vues sur la sophiologie.
Ce retour à l’orthodoxie fut en partie dû au contact qu’Andreyev put avoir à cette époque avec le monastère d’Optina et avec les staretz Nectaire et Dosithée. Le pèlerinage qu’il fit en 1926 aux monastères d’Optina, de Sarov et de Diviyevo, eut une influence décisive sur son évolution ultérieure.
Aussi est-ce en orthodoxe pleinement conscient qu’il décida de faire partie de la délégation du clergé et des fidèles du diocèse de Petrograd auprès du Métropolite Serge, en Novembre 1927. En Juillet de la même année, le Métropolite Serge, sans l’accord des autres évêques exilés ou déportés, venait de faire au nom de l’Eglise Russe la fameuse déclaration dans laquelle il affirmait partager les joies et les douleurs du pouvoir soviétique. Immédiatement le Métropolite Joseph de Petrograd, conformément aux casons apostoliques, dénonça le coup d’état ecclésiastique du Métropolite Serge et il fut suivi par la plus grande partie des évêques. En particulier l’archevêque Dimitri de Gdov rompit la communion avec Serge et ordonna peu après le premier évêque des Catacombes, Maxime.
Quant à I.M. Andreyev, ayant fait partie de la délégation de protestation aux décisions du Métropolite Serge et ayant refusé de prendre sa bénédiction, il fut arrêté et envoyé dans le bagne ou le camp de concentration de Solovki, près du Lac Blanc. Là, il connut un certain nombre de prêtres et d’évêques de l’Eglise des Catacombes, et en particulier l’évêque Maxime. Libéré en 1931, il fut un membre actif de cette Eglise à Leningrad et il connut plus de deux cents '' églises'' secrètes, plusieurs prêtres et deux évêques. Ses connaissances médicales le favorisèrent, et s’étant trouvé médecin chef de l’hôpital psychiatrique de Novgorod au moment de l’avancée allemande en Russie, il put rejoindre l’Allemagne, puis, après la guerre, le Monastère de la Sainte Trinité à Jordanville (aux Etats-Unis), où il fut professeur pendant des années. C’est là qu’il écrivit son livre LES SAINTS DES CATACOMBES DE RUSSIE qui est le témoignage le plus complet à ce jour sur l’Eglise des Catacombes. Nous en avons extrait et adapté la vie de Monseigneur Maxime de Serpoukhov, le premier évêque de l’Eglise des Catacombes.
OOO
Dans le monde, l’évêque Maxime se nommait Michel Alexandre Zhizhilenko ; il est né le 2 Mars 1885 dans une famille de Russie polonaise. Son père et ses frères étaient des juristes et ils furent plutôt surpris de voir le jeune Maxime entrer en médecine à l’université de Moscou. En 1911, Michel se maria avec une jeune étudiante avec laquelle il ne vécut même pas un an ; en effet, la jeune femme mourut de sa première grossesse ayant préféré un tel risque à un avortement pourtant conseillé. Pour cette raison, l’évêque Maxime appelait son épouse '' une juste". Lui-même faillit mourir d’une opération à cette époque et peu après, il vit en rêve sa mère qui lui disait de prier saint Pantéléïmon le Guérisseur, qu’elle-même durant sa vie, avait tant vénéré. Il se rendit à l’église de saint Pantéléïmon à Moscou, acheta une petite icône du saint, et se mit à mener une vie parfaitement orthodoxe.
Pendant la guerre de 1914, il fut médecin sur le front autrichien, où il attrapa le typhus et faillit à nouveau mourir. Très vite, il fut nommé médecin chef de la prison Taganka, à Moscou, où étaient retenus principalement des criminels, puis des prisonniers politiques. Là, avant comme après la Révolution, il fut connu de tous pour sa bonté et son ascèse : il partageait la nourriture des détenus, dormait sur des planches, distribuait tout son salaire aux prisonniers. Sa piété fut appréciée du patriarche Tykhon, dont il devint l’ami et le confident. En particulier, le patriarche lui confiait ses doutes sur l’utilité des concessions aux soviétiques et peu avant sa mort, il lui dit nettement que '' l’avenir de l’Eglise russe, dans un tout proche futur, serait d’entrer dans les catacombes.''
Le patriarche Tykhon donna aussi sa bénédiction au docteur Zhizhilenko pour devenir secrètement moine, puis, dans l’hypothèse où la hiérarchie céderait au pouvoir soviétique, il le bénit pour être ordonné secrètement évêque. En 1923 il fut ordonné prêtre, tout en restant officiellement médecin de la prison de Taganka. Son témoignage est très important pour comprendre la fin du patriarche Tykhon : il rapporte, en effet, que deux fois on tenta d’assassiner le patriarche et que sa mort, survenue le 25 Mars 1925, est très certainement due à un empoisonnement.
Monseigneur Maxime assurait aussi que le Testament du patriarche était un faux et il citait le témoignage de son frère, juriste et spécialiste de ce genre de questions, qui, après avoir examiné le Testament, le lui avait garanti.
En 1927, lorsque le métropolite Serge publia sa déclaration, le docteur Zhizhilenko obéit au patriarche Tykhon et devint secrètement moine sous le nom de Maxime (le Confesseur). Il fut consacré peu après par Monseigneur Dimitri de Gdov. Quand Maxime arriva à Serpoukhov dans le diocèse de Moscou, et que l’on reconnut en lui le généreux médecin de la prison Taganka, en très peu de temps, les dix-huit paroisses de la ville passèrent à l’opposition à Serge. De même à Kolumna, à Zvenigorod, a Volokolamsk, à Pereyaslav, un grand nombre de paroisses rompirent la communion avec Serge.
En Décembre 1927, le clergé et les fidèles de Serpoukhov envoyèrent à Serge la déclaration suivante :
"Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Jugeant qu’il n’est plus possible de demeurer dans l’incertitude et l’ambiguïté dans laquelle, par votre déclaration et vos décrets, vous avez placé l’Eglise Orthodoxe tout entière, et suivant la voix de notre conscience devant Dieu et les fidèles, nous, les soussignés, nous rompons la communion canonique de prière avec vous et votre soi-disant '' synode patriarcal '' et nous refusons de vous reconnaître comme représentant du locum tenens du siège patriarcal et ce, pour les raisons suivantes :
1°. Votre déclaration du 16 Juillet, votre oukase du 20 Octobre et tout ce que nous savons de votre direction de l’Eglise manifeste clairement que vous avez placé l’Eglise sous la dépendance de l’autorité civile et que vous l’avez privée de toute liberté et de toute indépendance, violant ainsi à la fois les canons de l’Eglise et les décrets de l’autorité civile.
2°. Dès lors, vous n’êtes plus rien d’autre qu’une continuation du mouvement de Rénovation de l’Eglise vivante, sous une forme plus subtile et plus dangereuse. En effet, en affirmant votre fidélité à l’orthodoxie et la rigueur de votre canonicité, vous embrouillez l’esprit des fidèles et vous leur cachez l’abîme dans lequel vos oeuvres conduisent inévitablement notre Eglise.
3°. Le résultat de votre politique est devant nous : les fidèles de la ville de Serpoukhov, troublés par vos décrets, sont pleins d’une grande inquiétude quant à l’avenir de notre sainte Eglise Orthodoxe. Nous, leurs pasteurs, sommes dans une situation ambiguë, puisque nous ne pouvons pas les rassurer et qu’ils nous soupçonnent même de trahir l’oeuvre de l’orthodoxie et d’aller dans le camp de l’Eglise vivante.
Tout cela nous oblige à parler fort et à cesser notre silence criminel sur vos erreurs et vos actions douteuses, et, avec la bénédiction de Mgr. Dimitri, évêque de Gdov, nous nous séparons de vous et de ceux qui vous entourent. En vous quittant, nous ne nous séparons pas du locum tenens légal, le métropolite Pierre, et nous nous soumettons nous-mêmes au jugement d’un futur concile. Puisse ce concile tant désiré et seul juge compétent, ne pas considérer comme une faute notre audace. Puisse-t-il juger que nous n’avons pas méprisé les canons des saints Pères mais qu’au contraire nous avons craint de les enfreindre."
Ce texte, probablement rédigé par l’évêque Maxime lui-même, se fondait sur les canons des Conciles Oecuméniques et en particulier sur les canons 15 et 16 du Concile Premier-Second.
L’influence de l’évêque Maxime s’étant encore accrue, il fut arrêté en 1926 et condamné à être emprisonné au bagne de Solovki. C’est là qu’en Octobre 1929, les médecins prisonniers du bagne virent arriver Mgr. Maxime, qui fut au début, particulièrement surveillé ; puis ses grandes qualités de médecin -notamment lors d’une épidémie de typhus- surent le rendre nécessaire à tous et il put partager la vie des autres médecins emprisonnés. La nouvelle se répandit pourtant très vite que le docteur Zhizhilenko était en réalité un évêque secret.
L’arrivée de Mgr. Maxime à Solovki, produisit un grand changement dans l’attitude du clergé emprisonné. En effet, la déclaration du métropolite Serge, avait provoqué dans ce camp de concentration les mêmes divisions qu’ailleurs : une partie du clergé et des évêques avaient immédiatement coupé la communion avec Serge, restant fidèles aux positions des métropolites Pierre, Cyrille, Agafangel et Joseph, qui confessaient la foi par le martyre. Les évêques Victor Glazovsky, Hilarion de Smolensk, Nectaire Trezvinsky, suivaient à Solovki, cette voie. Au contraire, l’archevêque Antony de Marioupol, l’évêque Josaphat, et, d’une façon plus modérée, Mgr Hilarion Troitsky, étaient ''sergianistes''.
Après les terribles interdictions imposées à ceux qui ne suivaient pas Serge de Moscou, la plupart des opposants avaient été arrêtés et fusillés. Aussi Serge pouvait-il proclamer que l’Eglise des Catacombes n’existait pas et, même à Solovki, les défenseurs de Serge niaient l’existence de cette Eglise. Avec Monseigneur Maxime, c’était soudain un témoin vivant, le premier des évêques des Catacombes, qui arrivait à Solovki.
La vie religieuse s’était reformée à Solovki et c’est un vrai miracle de Dieu que des Offices aient pu avoir lieu régulièrement dans ce terrible bagne. Les évêques Victor, Hilarion et Nectaire concélébraient la liturgie avec Monseigneur Maxime et ils ordonnaient même secrètement prêtres et évêques pour l’Eglise des Catacombes. Certains prisonniers libérés rejoignaient ainsi et développaient l’Eglise Vrais Chrétiens Orthodoxes de Russie.
Avec les évêques sergianistes, Monseigneur Maxime était très sévère ; aussi lorsque l’archevêque Antony voulut connaître le récit de la rencontre de la délégation de Petrograd avec Serge, Andreyev fut autorisé à aller la lui raconter, mais non à prendre la bénédiction d’un évêque qui resterait avec Serge.
Monseigneur Maxime disait souvent : ''L’Eglise soviétique et l’Eglise des Catacombes sont incompatibles'' et il ajoutait avec conviction : '' L’Eglise secrète des Catacombes du désert a anathématisé les sergianistes et ceux qui sont avec eux."
Monseigneur Maxime était un homme de prière, très certainement un déifié, et il connaissait le bagne tout entier par la prière : dès qu’un malade était sur le point de mourir, comme par hasard il arrivait quelques minutes avant la fin et le malade s’endormait dans ses bras. Monseigneur Victor, admirant la force de sa confession de foi et son ascèse, lui disait souvent qu’il avait la chance de porter le nom béni de Maxime le Confesseur.
Au début de Juillet 1930, on informa Andreyev qu’il serait bientôt transféré à Leningrad pour un nouveau '' travail". Il se rendit de nuit auprès de Monseigneur Maxime pour lui demander de le bénir et de prier pour lui afin que le Seigneur lui donne la force de supporter les épreuves à venir et peut-être la torture et la mort. Monseigneur Maxime le bénit, l’embrassa et lui dit : '' Tu auras encore de nombreuses épreuves à supporter, mais ta vie sera protégée, et à la fin, tu sortiras et tu trouveras la liberté ! Mais dans quelques mois ils m’arrêteront aussi et me tueront ; aussi je te demande de prier pour moi, tant que je suis en cette vie, et surtout après ma mort. '' La prophétie de Monseigneur s’accomplit : en Décembre 1930, il fut arrêté, conduit à Moscou et fusillé pour ne pas avoir reconnu le métropolite Serge.
Monseigneur Maxime a été canonisé par l’Eglise Russe Hors Frontières avec tous les nouveaux martyrs ; ceux qui se trouvent dans une situation difficile et qui veulent confesser la foi, lorsqu’ils le prient, sont exaucés.
L’évêque Maxime
et l’origine de l’Eglise
des Catacombes
L’Eglise Russe Hors Frontières est indissociable de l’Eglise des Catacombes avec laquelle elle est en communion et qu’elle aide de toutes ses forces et par tous ses moyens. Le sens même de l’Eglise des Catacombes, son origine aussi, a été le refus de toute communion de prière avec le patriarcat de Moscou, dans lequel elle a toujours vu, une continuation, sous d’autres formes, du schisme moderniste appelé ''l’Eglise Vivante". Le patriarcat de Moscou a été reconnu, parfois volontairement, parfois involontairement, par toutes les grandes Eglises officielles qui se sont engagées avec lui dans le compromis oecuméniste et dans le Conseil Oecuménique des Eglises. L’Eglise Russe Hors Frontières, conséquente avec elle-même, n’a jamais accepté de renier le combat des grands hiérarques de l’Eglise des Catacombes, le Métropolite Joseph de Petrograd, l’évêque Maxime de Serpoukhov, l’archevêque Dimitri de Gdov etc. et elle n’est pas en communion officielle avec les Eglises qui reconnaissent le patriarcat de Moscou.
L’Histoire de l’Eglise des Catacombes nous est connue par le témoignage de membres importants de cette Eglise qui, lors de la Seconde Guerre Mondiale, ont pu rejoindre à l’étranger l’Eglise Russe Hors Frontières et rendre témoignage du combat secret des '' vrais chrétiens orthodoxes '' de Russie. Parmi ces témoins, il faut citer l’archevêque Léonty du Chili -qui quitta l’Union Soviétique en 1943 après avoir ordonné 300 prêtres et plusieurs évêques en Biélo-Russie-, l’archevêque André de Nouveau Diviyevo - le dernier disciple des staretz d’Optina - et le professeur I.M. Andreyev. La destinée de ce dernier est un condensé exemplaire de ce qu’aurait dû être le cheminement de l’intelligentsia russe égarée au début du siècle par l’influence de la philosophie occidentale, allemande et française.
Autour de 1910, le jeune Andreyev était, en effet, un agitateur révolutionnaire marxiste ; en 1914, ayant eu l’occasion de venir à la Sorbonne, il s’oriente vers la philosophie mi-rationaliste mi-spiritualiste de l’époque, et il est l’élève de Bergson, de Lalande et de Lévy-Bruhl. C’est Bergson qui lui recommande le philosophe russe -d’une orthodoxie douteuse - Askolov, qu’il rencontre à Moscou peu après le commencement de la Révolution. En même temps qu’il poursuivait ses études de médecine, Andreyev fréquenta Askolov et ses amis, P. Paul Florenski et P. Théodore Andreyev. Ce milieu était plutôt idéaliste - et interprétait en termes philosophiques les événements qui venaient de se produire. Mais, peu à peu, I.M. Andreyev et le P. Théodore Andreyev revinrent à l’orthodoxie, se séparant du père P. Florenski dont ils n’acceptaient pas les vues sur la sophiologie.
Ce retour à l’orthodoxie fut en partie dû au contact qu’Andreyev put avoir à cette époque avec le monastère d’Optina et avec les staretz Nectaire et Dosithée. Le pèlerinage qu’il fit en 1926 aux monastères d’Optina, de Sarov et de Diviyevo, eut une influence décisive sur son évolution ultérieure.
Aussi est-ce en orthodoxe pleinement conscient qu’il décida de faire partie de la délégation du clergé et des fidèles du diocèse de Petrograd auprès du Métropolite Serge, en Novembre 1927. En Juillet de la même année, le Métropolite Serge, sans l’accord des autres évêques exilés ou déportés, venait de faire au nom de l’Eglise Russe la fameuse déclaration dans laquelle il affirmait partager les joies et les douleurs du pouvoir soviétique. Immédiatement le Métropolite Joseph de Petrograd, conformément aux casons apostoliques, dénonça le coup d’état ecclésiastique du Métropolite Serge et il fut suivi par la plus grande partie des évêques. En particulier l’archevêque Dimitri de Gdov rompit la communion avec Serge et ordonna peu après le premier évêque des Catacombes, Maxime.
Quant à I.M. Andreyev, ayant fait partie de la délégation de protestation aux décisions du Métropolite Serge et ayant refusé de prendre sa bénédiction, il fut arrêté et envoyé dans le bagne ou le camp de concentration de Solovki, près du Lac Blanc. Là, il connut un certain nombre de prêtres et d’évêques de l’Eglise des Catacombes, et en particulier l’évêque Maxime. Libéré en 1931, il fut un membre actif de cette Eglise à Leningrad et il connut plus de deux cents '' églises'' secrètes, plusieurs prêtres et deux évêques. Ses connaissances médicales le favorisèrent, et s’étant trouvé médecin chef de l’hôpital psychiatrique de Novgorod au moment de l’avancée allemande en Russie, il put rejoindre l’Allemagne, puis, après la guerre, le Monastère de la Sainte Trinité à Jordanville (aux Etats-Unis), où il fut professeur pendant des années. C’est là qu’il écrivit son livre LES SAINTS DES CATACOMBES DE RUSSIE qui est le témoignage le plus complet à ce jour sur l’Eglise des Catacombes. Nous en avons extrait et adapté la vie de Monseigneur Maxime de Serpoukhov, le premier évêque de l’Eglise des Catacombes.
OOO
Dans le monde, l’évêque Maxime se nommait Michel Alexandre Zhizhilenko ; il est né le 2 Mars 1885 dans une famille de Russie polonaise. Son père et ses frères étaient des juristes et ils furent plutôt surpris de voir le jeune Maxime entrer en médecine à l’université de Moscou. En 1911, Michel se maria avec une jeune étudiante avec laquelle il ne vécut même pas un an ; en effet, la jeune femme mourut de sa première grossesse ayant préféré un tel risque à un avortement pourtant conseillé. Pour cette raison, l’évêque Maxime appelait son épouse '' une juste". Lui-même faillit mourir d’une opération à cette époque et peu après, il vit en rêve sa mère qui lui disait de prier saint Pantéléïmon le Guérisseur, qu’elle-même durant sa vie, avait tant vénéré. Il se rendit à l’église de saint Pantéléïmon à Moscou, acheta une petite icône du saint, et se mit à mener une vie parfaitement orthodoxe.
Pendant la guerre de 1914, il fut médecin sur le front autrichien, où il attrapa le typhus et faillit à nouveau mourir. Très vite, il fut nommé médecin chef de la prison Taganka, à Moscou, où étaient retenus principalement des criminels, puis des prisonniers politiques. Là, avant comme après la Révolution, il fut connu de tous pour sa bonté et son ascèse : il partageait la nourriture des détenus, dormait sur des planches, distribuait tout son salaire aux prisonniers. Sa piété fut appréciée du patriarche Tykhon, dont il devint l’ami et le confident. En particulier, le patriarche lui confiait ses doutes sur l’utilité des concessions aux soviétiques et peu avant sa mort, il lui dit nettement que '' l’avenir de l’Eglise russe, dans un tout proche futur, serait d’entrer dans les catacombes.''
Le patriarche Tykhon donna aussi sa bénédiction au docteur Zhizhilenko pour devenir secrètement moine, puis, dans l’hypothèse où la hiérarchie céderait au pouvoir soviétique, il le bénit pour être ordonné secrètement évêque. En 1923 il fut ordonné prêtre, tout en restant officiellement médecin de la prison de Taganka. Son témoignage est très important pour comprendre la fin du patriarche Tykhon : il rapporte, en effet, que deux fois on tenta d’assassiner le patriarche et que sa mort, survenue le 25 Mars 1925, est très certainement due à un empoisonnement.
Monseigneur Maxime assurait aussi que le Testament du patriarche était un faux et il citait le témoignage de son frère, juriste et spécialiste de ce genre de questions, qui, après avoir examiné le Testament, le lui avait garanti.
En 1927, lorsque le métropolite Serge publia sa déclaration, le docteur Zhizhilenko obéit au patriarche Tykhon et devint secrètement moine sous le nom de Maxime (le Confesseur). Il fut consacré peu après par Monseigneur Dimitri de Gdov. Quand Maxime arriva à Serpoukhov dans le diocèse de Moscou, et que l’on reconnut en lui le généreux médecin de la prison Taganka, en très peu de temps, les dix-huit paroisses de la ville passèrent à l’opposition à Serge. De même à Kolumna, à Zvenigorod, a Volokolamsk, à Pereyaslav, un grand nombre de paroisses rompirent la communion avec Serge.
En Décembre 1927, le clergé et les fidèles de Serpoukhov envoyèrent à Serge la déclaration suivante :
"Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Jugeant qu’il n’est plus possible de demeurer dans l’incertitude et l’ambiguïté dans laquelle, par votre déclaration et vos décrets, vous avez placé l’Eglise Orthodoxe tout entière, et suivant la voix de notre conscience devant Dieu et les fidèles, nous, les soussignés, nous rompons la communion canonique de prière avec vous et votre soi-disant '' synode patriarcal '' et nous refusons de vous reconnaître comme représentant du locum tenens du siège patriarcal et ce, pour les raisons suivantes :
1°. Votre déclaration du 16 Juillet, votre oukase du 20 Octobre et tout ce que nous savons de votre direction de l’Eglise manifeste clairement que vous avez placé l’Eglise sous la dépendance de l’autorité civile et que vous l’avez privée de toute liberté et de toute indépendance, violant ainsi à la fois les canons de l’Eglise et les décrets de l’autorité civile.
2°. Dès lors, vous n’êtes plus rien d’autre qu’une continuation du mouvement de Rénovation de l’Eglise vivante, sous une forme plus subtile et plus dangereuse. En effet, en affirmant votre fidélité à l’orthodoxie et la rigueur de votre canonicité, vous embrouillez l’esprit des fidèles et vous leur cachez l’abîme dans lequel vos oeuvres conduisent inévitablement notre Eglise.
3°. Le résultat de votre politique est devant nous : les fidèles de la ville de Serpoukhov, troublés par vos décrets, sont pleins d’une grande inquiétude quant à l’avenir de notre sainte Eglise Orthodoxe. Nous, leurs pasteurs, sommes dans une situation ambiguë, puisque nous ne pouvons pas les rassurer et qu’ils nous soupçonnent même de trahir l’oeuvre de l’orthodoxie et d’aller dans le camp de l’Eglise vivante.
Tout cela nous oblige à parler fort et à cesser notre silence criminel sur vos erreurs et vos actions douteuses, et, avec la bénédiction de Mgr. Dimitri, évêque de Gdov, nous nous séparons de vous et de ceux qui vous entourent. En vous quittant, nous ne nous séparons pas du locum tenens légal, le métropolite Pierre, et nous nous soumettons nous-mêmes au jugement d’un futur concile. Puisse ce concile tant désiré et seul juge compétent, ne pas considérer comme une faute notre audace. Puisse-t-il juger que nous n’avons pas méprisé les canons des saints Pères mais qu’au contraire nous avons craint de les enfreindre."
Ce texte, probablement rédigé par l’évêque Maxime lui-même, se fondait sur les canons des Conciles Oecuméniques et en particulier sur les canons 15 et 16 du Concile Premier-Second.
L’influence de l’évêque Maxime s’étant encore accrue, il fut arrêté en 1926 et condamné à être emprisonné au bagne de Solovki. C’est là qu’en Octobre 1929, les médecins prisonniers du bagne virent arriver Mgr. Maxime, qui fut au début, particulièrement surveillé ; puis ses grandes qualités de médecin -notamment lors d’une épidémie de typhus- surent le rendre nécessaire à tous et il put partager la vie des autres médecins emprisonnés. La nouvelle se répandit pourtant très vite que le docteur Zhizhilenko était en réalité un évêque secret.
L’arrivée de Mgr. Maxime à Solovki, produisit un grand changement dans l’attitude du clergé emprisonné. En effet, la déclaration du métropolite Serge, avait provoqué dans ce camp de concentration les mêmes divisions qu’ailleurs : une partie du clergé et des évêques avaient immédiatement coupé la communion avec Serge, restant fidèles aux positions des métropolites Pierre, Cyrille, Agafangel et Joseph, qui confessaient la foi par le martyre. Les évêques Victor Glazovsky, Hilarion de Smolensk, Nectaire Trezvinsky, suivaient à Solovki, cette voie. Au contraire, l’archevêque Antony de Marioupol, l’évêque Josaphat, et, d’une façon plus modérée, Mgr Hilarion Troitsky, étaient ''sergianistes''.
Après les terribles interdictions imposées à ceux qui ne suivaient pas Serge de Moscou, la plupart des opposants avaient été arrêtés et fusillés. Aussi Serge pouvait-il proclamer que l’Eglise des Catacombes n’existait pas et, même à Solovki, les défenseurs de Serge niaient l’existence de cette Eglise. Avec Monseigneur Maxime, c’était soudain un témoin vivant, le premier des évêques des Catacombes, qui arrivait à Solovki.
La vie religieuse s’était reformée à Solovki et c’est un vrai miracle de Dieu que des Offices aient pu avoir lieu régulièrement dans ce terrible bagne. Les évêques Victor, Hilarion et Nectaire concélébraient la liturgie avec Monseigneur Maxime et ils ordonnaient même secrètement prêtres et évêques pour l’Eglise des Catacombes. Certains prisonniers libérés rejoignaient ainsi et développaient l’Eglise Vrais Chrétiens Orthodoxes de Russie.
Avec les évêques sergianistes, Monseigneur Maxime était très sévère ; aussi lorsque l’archevêque Antony voulut connaître le récit de la rencontre de la délégation de Petrograd avec Serge, Andreyev fut autorisé à aller la lui raconter, mais non à prendre la bénédiction d’un évêque qui resterait avec Serge.
Monseigneur Maxime disait souvent : ''L’Eglise soviétique et l’Eglise des Catacombes sont incompatibles'' et il ajoutait avec conviction : '' L’Eglise secrète des Catacombes du désert a anathématisé les sergianistes et ceux qui sont avec eux."
Monseigneur Maxime était un homme de prière, très certainement un déifié, et il connaissait le bagne tout entier par la prière : dès qu’un malade était sur le point de mourir, comme par hasard il arrivait quelques minutes avant la fin et le malade s’endormait dans ses bras. Monseigneur Victor, admirant la force de sa confession de foi et son ascèse, lui disait souvent qu’il avait la chance de porter le nom béni de Maxime le Confesseur.
Au début de Juillet 1930, on informa Andreyev qu’il serait bientôt transféré à Leningrad pour un nouveau '' travail". Il se rendit de nuit auprès de Monseigneur Maxime pour lui demander de le bénir et de prier pour lui afin que le Seigneur lui donne la force de supporter les épreuves à venir et peut-être la torture et la mort. Monseigneur Maxime le bénit, l’embrassa et lui dit : '' Tu auras encore de nombreuses épreuves à supporter, mais ta vie sera protégée, et à la fin, tu sortiras et tu trouveras la liberté ! Mais dans quelques mois ils m’arrêteront aussi et me tueront ; aussi je te demande de prier pour moi, tant que je suis en cette vie, et surtout après ma mort. '' La prophétie de Monseigneur s’accomplit : en Décembre 1930, il fut arrêté, conduit à Moscou et fusillé pour ne pas avoir reconnu le métropolite Serge.
Monseigneur Maxime a été canonisé par l’Eglise Russe Hors Frontières avec tous les nouveaux martyrs ; ceux qui se trouvent dans une situation difficile et qui veulent confesser la foi, lorsqu’ils le prient, sont exaucés.
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