lundi 3 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°8. Préface au Martyrologe. Saint Nicodème.

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PREFACE AU MARTYROLOGUE

Beaucoup de Vies de Martyrs et de Saints ont été et sont encore écrites, mais le « NOUVEAU MARTYROLOGE » de saint Nicodème Hagiorite, qui réunit quatre-vingt onze martyrs qui ont rendu témoignage, par le sang, au cours de la domination turque, a la particularité d’avoir été écrit par un saint contemporain, d’un grand nombre de martyrs et ami de certains d’entre eux, comme le prouvent les Offices qu’il a composés en leur honneur et qui sont intercalés dans son MARTYROLOGE.

Cette œuvre du célèbre athonite, écrite en 1797 à Kapsala de la Sainte Montagne, a été éditée à Venise deux ans après, en 1799. La préface que nous publions ci-après est divisée en trois parties :

a) Actions de grâces au Christ qui nous a donné de Nouveaux-Martyrs pour renouveler notre foi vieillie, et apologie de la foi chrétienne.

b) Les Martyrs s’adressent à nous, pour nous exhorter à les suivre, en confessant la foi orthodoxe.

c) L’auteur s’adresse, pour terminer, aux Nouveaux-Martyrs et chante leurs louanges.

Il est bon, à notre époque où l’Eglise Orthodoxe du Christ est attaquée par l’athéisme militant, par les forces sataniques de ce monde de ténèbres et par toutes les hérésies qui portent le nom de religions chrétiennes, de réchauffer le cœur et l’âme des fidèles du Christ, par l’exemple des Nouveaux-Martyrs de la Turcocratie et des Nouveaux-Martyrs Russes. A cet effet, nous publierons Dieu aidant, dans les limites de notre Revue : LA LUMIERE DU THABOR, certaines de ces vies.

Honorons les martyrs en les imitant

Béni sois-tu et glorifié dans tous les siècles, Ô Jésus-Christ notre Seigneur, martyrisé sous Ponce-Pilate, devant qui tu as fait la belle confession. (I Timothée 12, 6). Tu es, en vérité, le premier de tous les martyrs, le premier de tous athlètes, toi qui, en ces derniers temps a bien voulu que de Nouveaux-Martyrs souffrent pour ton Nom.

Celui qui aura en mains et lira ce livre récemment publié devra, de tout son cœur, te glorifier et te remercier, non pas une, deux ou trois fois, mais autant de fois qu’il compte de martyrs. Et comment ne pas glorifier des myriades de fois le Seigneur, en voyant, encore en nos temps, surgir en diverses parties du monde, au firmament spirituel de l’E­glise, des nouveaux athlètes du Christ, des astres nouveaux, des comètes nouvelles, des soldats invin­cibles qui brillent sur le plérôme de tous les orthodoxes, par les rayons très doux et lumineux de leur martyre et de leur miracles ?
Comment ne pas rendre grâce à Dieu, quand on voit captifs, sous le joug impitoyable des puissants du jour, tant d’athlètes qui, pour garder la liberté et la noblesse de notre foi chrétienne, ont méprisé richesses, gloire, plaisirs et tout bien-être cor­porel, pour se livrer, empressés, à la mort ?
Comment ne pas glorifier Dieu, en voyant la crainte du Jugement Dernier s’emparer de ces vaillants martyrs ? La foi affermie dans leur âme ? L’espé­rance croître dans leur imagination. Et le feu de l’amour divin brûler si fort dans leur cœur, faire courir ces bienheureux au martyre, comme des brebis à l’immolation ? Considérer les châtiments comme un festin ? Les prisons comme des palais ? Les chaînes comme des ornements d’or ? Le déshonneur comme un honneur ? Les afflictions comme un délassement ? La flamme de feu comme une rosée rafraîchissante ? Les glaives comme des jouets et enfin, la terrible mort comme vie éternelle ?

- Et quand tout cela ?

Quand la crainte de Dieu a disparu, quand la foi a faibli, quand l’espérance a diminué ; quand la vertu a fui et que le mal a surabondé ; quand la loi n’a plus été pratiquée et que l’Evangile a été sans effet ; quand « tous les hommes ont cherché leurs propres intérêts et non ceux du Christ » (Philippiens 2, 21). En un mot, « quand l’iniquité s’est accrue et que la charité du grand nombre s’est refroidie » (Mat. 24, 12).

Miracle en vérité que tout cela ! C’est comme si on voyait, au cœur de l’hiver, des fleurs printanières et des roses ; dans la profonde nuit, le jour et le soleil ; dans l’épaisse obscurité, des lu­mières éblouissantes ; en pleine captivité, la li­berté et, dans le temps de la présente faiblesse, la force surnaturelle. Aussi je me vois obligé de dire que ce changement est dû à la droite du Très-Haut, (Psaume 76, 11), au doigt de Dieu (Exode 8, 15), à la force divine qui s’accomplit dans la faiblesse (2 Cor. 12, 9).

Si quelqu’un me demandait pour quelles raisons Dieu a permis que de Nouveaux Martyrs apparussent en nos jours, je répondrais :

1) Pour que la foi orthodoxe soit renouvelée.
2) Pour que les impies soient confondus au Jour du Jugement.
3) Pour la gloire et la fierté de l’Eglise Ortho­doxe et la confusion des hétérodoxes.
4) Pour que ces martyrs soient un exemple pour tous les chrétiens orthodoxes maltraités sous le joug pesant de la captivité.
5) Pour que tous les chrétiens prennent courage et soient exhortés à imiter, par l’œuvre, leur fin martyrique et pour qu’ils deviennent, à leur tour, martyrs, si les circonstances l’exigent, surtout ceux qui ont cédé jusqu’à renier la foi orthodoxe.

Et parce que je voudrais reprendre un à un tous ces points dans ce préambule, je demande au lecteur de patienter.

A) Ces Nouveaux Martyrs sont le renouvellement de toute la foi orthodoxe. Le propre du temps, en effet, c’est de faire vieillir, au cours de sa durée, les choses nouvelles et jeunes pour les jeter ensuite dans l’abîme de l’incroyable et de l’oubli, pour les faire disparaître comme si elles n’avaient jamais existé : « Ce qui est ancien, dit l’Apôtre, ce qui a vieilli est près de disparaître » (Hébreux 8, 13).

Les chrétiens du temps présent, qui lisent dans l’Histoire Ecclésiastique les martyres et les châ­timents endurés pour le nom du Christ : des Dimitri, des Georges, des Théodore, des Jacques, en un mot de tous les vaillants martyrs, depuis la venue du Christ jusqu’à Constantin le Grand…
…sont tenus de les croire pour vrais comme l’exige leur foi qui est « une démonstration des choses qu’on ne voit pas » (Hébreux 11, 1). L’ancienneté du temps qui s’est écoulé jusqu’à nos jours, a pu, chez cer­tains, susciter sinon l’incrédulité, du moins l’étonnement et le doute : comment ces hommes fai­bles et timides ont-ils enduré tant de terribles et redoutables souffrances ? Mais ces Nouveaux Martyrs, donnés en spectacle sur le théâtre du monde, déracinent du cœur des chrétiens tout étonnement et tout doute, et sèment et renouvellent en eux, la foi dans les martyrs anciens. Comme la nourriture nouvelle fortifie tous les corps affaiblis par la faim, comme la pluie nouvelle fait reverdir les arbres desséchés par la soif, comme les secondes ailes renouvellent l’aigle vieilli : « ta jeunesse est renouvelée comme celle de l’aigle » (Psaume 102, 5), de même ces Nouveaux-Martyrs fortifient, renou­vellent, font reverdir la foi affaiblie, fanée et vieillie des chrétiens d’aujourd’hui.

Ainsi, les chrétiens contemporains ne doutent plus. Ils voient maintenant, de leurs propres yeux, dans les souffrances endurées par les Nouveaux-Martyrs, celles subies par les Anciens-Martyrs du Christ. L’œil est plus crédible que l’oreille dit un vieux proverbe. Que dis-je : ils voient…? Mais beaucoup de chrétiens actuels ont eu pour amis bon nombre de ces Nouveaux-Martyrs qui étaient encore en cette vie ; ils ont mangé et bu avec eux, ils ont assisté à leur martyre, ils se sont partagé leur sang et leurs vêtements qu’ils gardent comme bénédiction, de leurs propres mains ils ont inhumé leurs dépouilles. Par ces Nouveaux Martyrs, ils ont été rigoureusement instruits sur les Anciens-Martyrs, ou plutôt, ils ont vu les Anciens-Martyrs témoigner encore aujourd’hui dans la personne de ces Nouveaux Georges, Dimitri, Théodore, non seulement par l’identité des noms mais aussi et surtout par la ressemblance des souffrances.

En outre, ces Nouveaux-Martyrs raniment dans les cœurs des chrétiens contemporains, la prédication des saints Apôtres, confirment le saint Evangile, attestent la divinité du Christ, à savoir qu’il est le vrai Fils de Dieu, consubstantiel au Père sans commencement et à l’Esprit qui donne la vie, et proclament le mystère de la Sainte Trinité. En un mot, ils scellent toute la foi des chrétiens ortho­doxes, non seulement en paroles, mais aussi par toutes sortes de terribles souffrances endurées jusqu’au sang, jusqu’à la mort du martyre.

Comme autrefois, le bâton de Moyse qui devint ser­pent : « il le jeta à terre et devint serpent » (Exode 4, 3), de même la foi en Christ, jeune, chaleu­reuse, ardente au temps des apôtres et des martyrs se tiédit par la suite, se rétrécit et vieillit. Puis, dit encore l’Ecriture, Moyse prit le serpent par son extrémité, c’est à dire par la queue et le serpent devint à nouveau bâton : « il étendit la main et le saisit et le serpent redevint un bâton dans sa main » (Exode 4, 4) ; Dieu, en ces derniers temps et par les Nouveaux-Martyrs, a ranimé, réchauffé, rajeuni et renouvelé toute la foi des fidèles orthodoxes, vieille de deux mille ans. Voilà pour le premier point.

B) Ces Nouveaux-Martyrs confondront les impies au Jour du Jugement. Dieu a placé les Nouveaux-Martyrs au milieu des impies, pour amener ces derniers à la connaissance de la Vérité, comme le levain qui mêlé à la farine, transmet toute sa force à la pâte, dit le divin Chrysostome dans une homélie sur Matthieu : « Dieu a mêlé à la multitude ceux qui croient en Lui, pour que fût transmise, par nous, notre connaissance ».
Et c’est ce que Dieu a fait, tout particulièrement, avec les Nouveaux-Martyrs. Tous sont nés, tous ont grandi dans la foule des impies, où tout récemment encore, devant leurs princes et leurs juges, avec beaucoup de courage, ils ont confessé et proclamé la foi des chrétiens, qui est la vraie, l’authenti­que, et ont confessé d’une voix éclatante, que Jésus-Christ était le Fils de Dieu et le vrai Dieu « la Sagesse et le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait (Jean 1, 2) » ; et leur confession a été scellée par leur sang versé et par tous les miracles que Dieu a faits par eux, tant au moment de leur mar­tyre que par la suite.

J’ajouterai que beaucoup de ces Martyrs, par pitié pour les impies égarés, sont allés d’eux-mêmes au martyre, pour pouvoir ainsi leur annoncer la Véri­té, les exhorter à sortir des ténèbres où ils se trouvaient, pour aller à la lumière de la piété divine, de la foi en Christ et pour n’être pas livrés au feu inextinguible du châtiment.

Mais hélas ! Ces misérables aveuglés par le prince de ce monde et par ses passions n’ont pu ouvrir les yeux de leur âme pour voir la Vérité de l’Evangile et de la foi des chrétiens, comme Paul nous le dit : « Pour les incrédules dont le Dieu de ce siècle aveugla l’intelligence, afin qu’ils ne vissent pas briller la splendeur de l’Evangile de la Gloire du Christ » (2 Cor. 4, 4). Aussi seront-ils sans défense au Jour du Jugement, car après avoir entendu la prédication de ces Nouveaux-Martyrs, après avoir vu leurs terribles souffrances et les merveilles que Dieu a faites par eux, ils n’ont pas cru et sont restés dans les ténèbres : « Aveuglés par leur méchanceté, ils n’ont pas connu les mystères de Dieu » (Sagesse de Salomon 2, 26).

Aussi seront-ils accusés et jugés par ces Nouveaux-Martyrs, comme Moyse le fera pour les Hébreux : « Celui qui vous accuse, c’est Moyse » (Jean 5, 45) et les Douze Apôtres pour les douze tribus d’Israël (Matthieu 19, 28). Et Dieu sera juste dans ses senten­ces selon David, il sera vainqueur dans le jugement que prononceront ces Martyrs, comme l’écrit l’Evan­gile : « La sagesse a été justifiée par ses enfants » ; (Matthieu 11, 19) ; ou encore il leur dira, d’une certaine manière, les paroles évangéliques : « Si je n’étais pas venu et que je ne leur eusse point parlé par mes Martyrs, ils n’auraient point de péché ; mais maintenant ils n’ont aucune excuse de leur péché » (Jean 15, 22).

C) Ces Martyrs sont la gloire et la fierté de l’Eglise Orthodoxe, et un blâme pour les cacodoxes. A toutes leurs diffamations vomies sur l’Eglise, ses ennemis ont ajouté, par dérision, celle-ci : qu’elle n’avait pas acquis un seul martyr. Qu’ils soient donc confondus, couverts de honte, de honte éternelle et qu’ils fuient en arrière, voyant à présent, dans le livre de l’Eglise Orthodoxe, figu­rer non pas un, deux ou trois Nouveaux-Martyrs, mais une nuée de Nouveaux-Martyrs (des autres nou­veaux saints qui ont brillé dans l’Eglise Ortho­doxe, en divers lieux et époques, nous ne parlons pas ici), qui par leur confession de la foi, par leurs souffrances, ou encore par leurs miracles et leurs prodiges, ne sont inférieurs en rien aux Anciens-Martyrs, mais rivalisent en tout avec eux.
Les premiers ont été martyrisés pour leur foi en la Sainte Trinité ? Les seconds aussi. Les premiers ont versé leur sang pour confesser la Divinité de Notre Seigneur Jésus Christ ? Les seconds aussi. Les premiers ont lutté contre le polythéisme et l’idolâtrie, impiété manifeste, mais qui ne peut tromper un être intelligent ? Les seconds ont lutté contre le monothéisme impersonnel des impies, impiété cachée, capable d’égarer facilement l’esprit.
Bien que ces Martyrs soient nouveaux dans le temps, ils sont cependant anciens par leurs souffrances. Ils sont les derniers dans la succession du genre, mais les premiers quant aux couronnes. Le Seigneur Jésus Christ a appelé des ouvriers, les Anciens comme les Nouveaux Martyrs, pour travailler dans sa vigne spirituelle qui est l’Eglise Orthodoxe, selon la parole de l’Evangile de Matthieu (20, 1) ; commen­çant par les derniers et terminant par les pre­miers, il les a tous fait égaux entre eux, en leur donnant à chacun un denier, denier qui est la couronne du martyre et la jouissance du royaume des cieux.

De la bénédiction donnée par Dieu à l’Ancien Is­raël, de manger des fruits anciens et nouveaux : « Vous mangerez des fruits anciens… et vous ferez place aux nouveaux » (Lev. 26, 10), et de la bénédic­tion de voir les enfants de ses enfants, promise à celui qui craint le Seigneur : « Et tu verras les fils de tes fils » (Ps. 128, 6), la sainte Eglise Orthodoxe du Christ jouit, spirituellement, au­jourd’hui. Elle se nourrit et se délecte en esprit non seulement des fruits que sont les Anciens-Martyrs, mais aussi des fruits nouveaux que sont les nouveaux athlètes. En effet, elle contemple tous ceux qui sont nés en elle spirituellement, ses premiers fils, les Anciens-Martyrs, et les fils de ses fils, les jeunes athlètes, leurs successeurs. Réjouie, elle serre sur son sein leurs reliques sacrées, elle est ornée de leur sang comme une épouse, « parée de luxueux anneaux, de soleils et de croissants, de pendants d’oreilles, de bracelets et de voiles, de diadèmes, de chaînettes et de cein­tures, de boîtes à parfums, de bagues et d’anneaux de nez…» (Isaïe 3, 18).

Belle et fière, elle se glo­rifie, réjouie par ses deux fils ; comme une mère bonne qui chérit ses enfants, elle crie joyeuse, au Christ son époux, comme l’épouse du Cantique : « Les meilleurs fruits nouveaux et vieux, mon bien-aimé, je les ai gardé pour toi » (Cant.7, 14). Au fur et à mesure que passe le temps, voyant se multiplier le nombre de ses nouveaux fils, sa joie augmente ; c’est ainsi qu’au cours de l’année présente (1794), en neuf mois, elle a vu fleurir dans son paradis spirituel, roses rouges et parfumées, cinq Nouveaux-Martyrs qui ont lutté en divers lieux. Et voici que celle qui était appelée stérile et dé­laissée, enfante maintenant sept fois, comme Anna ; ses fils, les Nouveaux-Martyrs, se multiplient : « La stérile enfante sept fois et la féconde s’affaiblit » (1 Rois 2, 5), et, « les enfants de la délaissée sont plus nombreux que les enfants de celle qui a un mari » (Isaïe 54, 1).

Ainsi enfantera-t-elle jusqu’à la fin des siècles de tels fils, des Nouveaux-Martyrs, et cette généra­tion de nouveaux saints ne lui fera jamais défaut : « Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera pas, que tout cela n’arrive » (Matth. 24, 34). Cela est évident, car si le Christ, l’époux de l’Eglise Orthodoxe est vivant et, selon sa pro­messe, uni spirituellement à l’Epouse : « Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matth. 28, 20) ; si le nymphagogue, l’Esprit Saint, demeure avec elle pour toujours : « Et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous » (Jean 14, 16), qui osera alors douter que des fils comme ceux-là naîtront, spirituellement, en elle jusqu’à la fin du monde ?

Ces Nouveaux-Martyrs sont vraiment et sans conteste des martyrs, des saints qui ont plut à Dieu, des fils de l’Eglise Orthodoxe, l’illustration de ses dogmes, que Dieu a glorifiés par le charisme des miracles et manifestés par l’envoi de la lumière divine.

Que les puérils reconnaissent et concluent que si ces martyrs sont saints et agréables à Dieu, c’est que l’Eglise Orthodoxe qui les a spirituelle­ment enfantés est, elle aussi, sainte, agréable à Dieu, qu’elle est la trésorière de la grâce divine du Saint Esprit, que ses dogmes sont orthodoxes et pieux. Tels fils, telle mère ; tels fruits, tel arbre ; tels effets, telle cause…

D) Ces Nouveaux-Martyrs sont un exemple de patience pour les orthodoxes maltraités sous le joug de la captivité. Ici, j’arrête mon discours, pour que les Martyrs eux-mêmes, personnellement, d’une manière vivante puissent s’adresser aux chrétiens. Que vont-ils leur dire ? Voici :

- Frères chrétiens, frères bien-aimés et désira­bles, peuple élu et choisi du Christ notre Sei­gneur, prenez pour exemple de persévérance dans vos afflictions, nous, vos frères. Pour avoir enduré avec courage et pour le Christ, les souffrances infligées par les impies, nous avons hérité du Royaume Eternel et nous avons pris place parmi les saints Martyrs Anciens. Si vous supportez, vous aussi, avec actions de grâces, pour le nom du Christ, les coups, les prisons, les chaînes, les corvées, les dommages, les redevances écrasantes, et tous les autres tourments infligés par ceux qui règnent aujourd’hui sur vous, vous serez considérés par Dieu comme martyrs en intention.

Le divin Chrysostome disait : « Le martyre ne consiste pas seule­ment dans l’exécution, mais aussi dans la disposi­tion. Ce n’est pas dans la seule décollation que le martyr devient martyr, mais aussi dans la disposi­tion au martyre, même s’il n’en subit pas les souffrances » (Commentaires du Psaume 95). Le même disait ailleurs : « Porte avec courage tout ce qui t’advient et cela te sera compté pour un martyre » (Comm. Ps. 126). Considérés comme martyrs en intention, vous prendrez place parmi nous et vous habiterez le pays vaste et lumineux, le lieu de la joie et du repos.

Vous voulez vérifier si cela est vrai ? Lisez donc la vie de saint Acace le Nouveau, l’ascète des Kapsokalyves de la Sainte Montagne de l’Athos et vous découvrirez la révélation dont ce saint a été gratifié. Ravi en esprit aux cieux, il y a vu un lieu comme un champ très vaste, très beau, plein de lumière, et des palais nombreux, grands et magnifi­ques, mais déserts et inhabités. On n’y voyait ni homme ni ange. Etonné par ce spectacle, il se demandait pourquoi ces magnifiques palais, ce lieu vaste et beau, n’avaient pas d’habitants. Interro­gé, l’ange qui l’accompagnait lui dit : - Acace, ce lieu et ces palais sont destinés à tous les chrétiens - après la mort et la résurrection universelle - qui pour la foi et pour le Nom du Christ auront payé des tributs aux Agaréniens et qui auront enduré avec joie et sans murmure, toutes les tribulations, toutes les souffrances. Ô joie, ô consolation, ô délassement réservés aux chrétiens d’aujourd’hui !
Frères, que ce lieu céleste qui vous attend se grave profondément dans votre imagination, que ces palais magnifiques soient présents à votre mémoire, que dans vos afflictions et vos tourments, ils soutiennent votre espérance. Pour nous aussi, rien ne nous réchauffait autant pour endurer le martyre, que l’espoir de jouir des biens célestes qui nous étaient promis. Frères, persévérez encore un peu, car Jésus-Christ qui soulage ceux qui souffrent vient pour vous prendre près de lui dans le repos éternel de la joie et du délassement préparés pour nous, selon sa promesse : « Lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi » (Jean 14, 3).
Le Seigneur n’est pas injuste et il n’oublie pas les peines et les tourments que vous subissez pour son Nom ; s’il tarde, c’est pour éprouver votre patience et votre amour pour lui : « car Dieu n’est pas injus­te, pour oublier votre travail et l’amour que vous avez montré pour son Nom » (Hébreux 6, 10).

Puisque le Seigneur de la promesse ne saurait tarder, (2 Pierre. 3, 9-10), qu’il viendra et ne tardera pas (Avvakum. II, 4), continuez de persévérer, afin qu’après avoir fait la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous a été promis (Heb.10, 36). N’est-il pas hon­teux, en vérité, de voir les athlètes lutter jus­qu’au sang dans les luttes physiques pour ne rece­voir, après la victoire, qu’une couronne périssable de laurier, de myrte, d’olivier sauvage ou encore de pin, et les chrétiens destinés aux couronnes célestes et impérissables, aux palais des cieux, perdre patience dans les tribulations que vous souffrez ? « Eux le font pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, faisons-le pour une cou­ronne incorruptible » (1 Cor. 9, 25).

Si dans les souffrances qui furent les nôtres nous avions manqué de patience, malheur à nous alors ! Nous aurions perdu la foi, le royaume des cieux, condamnés au châtiment éternel. Malheur à vous aussi, si vous ne supportez pas les tourments qui vous sont infligés pour le Christ ; si vous manquez de persévérance, vous perdrez la foi, Dieu et son royaume et vous hériterez du châtiment sans fin. C’est le Saint Esprit qui le dit par Sirach : « Mal­heur à vous qui avez perdu l’endurance, que ferez-vous lorsque le Seigneur vous visitera ».

Nous vous avertissons, frères, les redevances et les malheurs qui vous accablent, n’ont d’autre but que de vous faire abjurer votre foi pour adopter leur religion. Connaissant leur dessein, veillez, pour l’amour du Christ et le salut de vos âmes, pour qu’ils ne vous volent pas le trésor de votre sainte foi, que le monde entier avec ses gloires, ses royaumes et ses réjouissances ne peut égaler.

Souvenez-vous que le Christ notre maître qui vous a placés comme des brebis au milieu de loups, vous a recommandé d’être prudents comme le serpent : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups, soyez prudents comme les serpents… » (Matth. 10, 16). Pourquoi ? - Parce que le serpent protège sa tête ; vous aussi frères, préférez la perte de tous vos biens, la pauvreté et la mendici­té, le mépris à la trahison, si petite fût-elle de votre foi sainte et céleste et au reniement du Nom très doux du Christ notre Dieu, notre unique tête, notre gloire et notre salut, en ce monde et dans l’autre.

Si vous voulez être affermis dans la foi, soyez conséquents avec elle, vivez chrétiennement dans la pratique des œuvres bonnes. La foi juste et sainte engendre et affermit la vie juste et sainte et vice-versa, la vie sainte engendre et affermit la sainte foi. L’une et l’autre se contiennent, selon le divin Chrysostome. Et nous pouvons voir, par l’œuvre, ceux qui renient la foi ou qui sombrent dans les faux dogmes, être d’abord corrompus par une vie mauvaise, passionnelle, dissolue. Si votre vie est chrétienne, vous garderez la foi orthodoxe, vous ne serez pas, pour les impies, un prétexte pour blasphémer le saint Nom et la foi du Christ – ce dont le Seigneur se plaint en disant : « A cause de vous mon Nom est sans cesse blasphémé parmi les nations » (Isaïe 42, 5) – mais vous convertirez ceux qui n’ont pas la vraie foi, par la lumière de vos œuvres bonnes, comme le Seigneur l’a dit :
« Que votre lumière brille devant les hommes, afin que voyant vos œuvres bonnes ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu. 5, 16). Ainsi vous les forcerez à louer le Seigneur et à dire : en vérité, le peuple des chrétiens est béni par Dieu, « tous ceux qui les verront reconnaîtront qu’ils sont une race bénie par Dieu » (Isaïe 60, 9).

Souvenez-vous, frères, de Paul le bienheureux, qui a dit qu’à nous les chrétiens a été donné le cha­risme non pas seulement de croire en Christ mais aussi de souffrir pour le Christ : « C’est par sa faveur qu’il nous a été donné, non pas seulement de croire au Christ, mais encore de souffrir pour lui » (Phil. 1, 29). Voyez, frères bien-aimés, que les coups, les prisons, les mutilations, les chaînes, les confiscations, les viols, les incursions, les persécutions, les exils, les pillages de vos biens et tous les autres maux terribles que vous endurez, non pour une mauvaise action, mais pour la foi, pour le nom du Christ, sont une faveur divine, des dons, des dignités célestes, pour vous délivrer du mal, vous purifier, vous donner l’éclat de l’or purifié par le feu : « Comme l’or au creuset, il les a éprouvés » (Sagesse 3, 6), et vous faire apparaître fils et disciples de Jésus Christ, des vrais et non des faux, des purs et non des bâtards : « C’est pour votre correction que vous souffrez. C’est en fils, que Dieu vous traite. Et quel est le fils que ne corrige pas son père ? « (Hébreux 12, 7). En un mot, par ces souffrances, vous êtes glorifiés avec le Christ et pour le Christ : « nous souffrons avec lui pour être glorifiés avec lui » (Rom. 8, 17), et vous obte­nez les biens célestes que « l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, qui ne sont pas montés au cœur de l’homme » (1 Cor. 2, 9).

Ainsi donc, en tant que « prudents » préférez souffrir avec le Christ et pour le Christ, plutôt que de vous réjouir de festoyer avec d’autres, dit Grégoire le Théologien, dans son homélie sur la Pâque. Et nous dirons plus avec le divin Chrysostome, « mieux vaut aimer et souffrir pour Jésus Christ le très doux, que ressusciter des morts et faire des miracles. Ceux qui font des miracles sont les débiteurs du Christ qui leur en a donné la force, et le Christ est le débiteur de ceux qui souffrent pour lui. Là le débiteur c’est moi, ici c’est le Christ ». Paul se glorifiait plus de la Croix et de ses souffrances endurées pour le Christ, que des révélations qu’il avait et des miracles qu’il faisait : « Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d’autre chose que de la Croix de notre Seigneur Jésus Christ » (Gal. 6, 14), et « Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses » (2 Cor. 12, 9).

Enfin, frères captifs, vous serez désormais sans défense et sans excuse, si vous dites que de vos jours vous n’avez pas vu d’exemples de persévérance pour supporter la tyrannie de ceux qui dominent sur vous ; nous, nous avons tout enduré jusqu’à la mort, et vous, vous n’avez pas atteint le degré de la patience : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans la lutte contre le péché, » (Hébreux 12, 4). Ayez donc de la constance dans toutes vos afflic­tions, non pas une patience imparfaite et momentanée, mais une patience saine et parfaite, « la cons­tance s’accompagne d’une œuvre parfaite » (Jacques 1, 4). Il ne suffit pas de patienter simplement dans les malheurs, mais de les supporter sans murmurer, sans blasphémer, avec joie et action de grâces : « Tenez pour une joie suprême d’être en butte à toute sortes d’épreuves… Heureux homme, celui qui supporte l’épreuve ! » (Jq. 1, 12), « vous sauverez vos âmes par votre persévérance » (Lc. 21, 19). Persé­vérez donc jusqu’à la fin et soyez assurés de votre salut, car « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Math. 24, 13).
E) Les Nouveaux-Martyrs appellent tous les chré­tiens à les imiter par les actes, surtout ceux qui ont renié le Christ, et leur rappellent et leur démontrent ce que disait le divin Chrysostome : « On honore les martyrs en les imitant ». Frères, si vous nous honorez comme Nouveaux-Martyrs du Christ, si vous nous louangez comme saints, si vous glorifiez par vos chants, vos tropaires, vos saints offices notre martyre subi avec courage et notre sang versé pour la foi et pour l’amour du Christ, nous vous remercions et nous prions Dieu, sans nous lasser, pour votre salut. Mais le plus grand honneur, l’honneur le plus agréable que vous puissiez nous rendre, c’est de nous imiter par l’œuvre et de subir, vous aussi, le martyre pour le Nom du Christ, si un jour vous y êtes appelés : « On honore les martyrs en les imitant ».

Et s’il vous arrivait d’être haïs par les impies, calomniés, contraints de renier le Christ et d’adopter leur religion, gardez vous de le faire, frères très chers, par amour du Christ qui vous a rachetés par son propre sang ; gardez vous purs pour le salut de vos âmes sans prix. Nous élevons la voix et nous crions plus fort : gardez-vous de renier la foi orthodoxe et de confesser leur religion. Ne vous laissez pas aveu­gler jusqu’à préférer les ténèbres à la lumière, le mensonge à la vérité, la fausse monnaie de cuivre à l’or pur et éprouvé, le verre, le caillou sans valeur à la pierre précieuse, en un mot, l’enfer au ciel, le châtiment au paradis. N’acceptez jamais de renier votre sainte foi qui change les hommes en anges, qui les fait de terrestres célestes, de matériels des fils de Dieu selon la grâce, des soleils resplendissants, des héritiers du royaume les cieux.

Ne consentez jamais, jamais, frères bien-aimés, à renier le très humble, le très doux Jésus Christ, le vrai Fils de Dieu et Dieu, par qui tout a été fait : les cieux, la terre et les enfers ; il est notre créateur, notre providence, notre père, notre bienfaiteur, notre sauveur, notre maître, qui s’est fait homme, a souffert, a été cruci­fié, qui est mort et qui est ressuscité pour votre salut, qui vous a lavés dans le divin baptême, qui vous a nourris avec son Corps, qui vous a abreuvés avec son Sang, qui vous a arrachés des mains du diable, qui vous a délivrés de l’enfer et vous a fait héritiers de son royaume. Jamais, au grand jamais, ne laissez croire, ne fût-ce que par une simple parole, par un seul geste, que vous reniez le Christ et que vous embrassez une autre religion, même si on vous inflige mille morts. Car un simple mot, un simple geste vous séparerait du Christ et de son Royaume et vous condamnerait au châtiment sans fin.

Imitez-nous donc, nous les Nouveaux-Martyrs, qui n’avons jamais consenti à prononcer une seule pa­role susceptible de laisser entendre que nous renions, notre foi pour échapper au supplice, tout en la gardant. Imitez aussi les Anciens-Martyrs, qui ont préféré les terribles supplices plutôt que de prononcer une syllabe ou de faire un simple geste qui les eût délivrés de la mort, comme le dit fort bien saint Grégoire le Théologien, dans son Commen­taire de Matthieu. Souvenez-vous de Barlaam le vaillant martyr du Christ, auquel les païens vou­laient arracher un seul signe de la main, comme l’écrit saint Basile le Grand dans son Eloge du saint et ils n’ont pu l’obtenir. Ces misérables avaient mis dans sa main droite de l’encens avec des charbons ardents. Sa main brûla, ses chairs se consumèrent, ses nerfs se disloquèrent, le feu tomba à terre, mais le martyr tint sa main tendue et immobile ; le moindre mouvement eût laissé enten­dre qu’il reniait le Christ et offrait l’encens aux idoles.
Vous dites croire en Christ et l’aimer de toute votre âme ? Montrez donc par vos actes et votre foi, votre amour pour lui. Le signe sublime, c’est mou­rir pour son bien-aimé : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15, 13).

Bon nombre d’entre nous les Nouveaux-martyrs, se sont présentés librement au martyre, ce qui était un grand risque, car ils n’y étaient pas forcés du dehors ; et vous, qui y êtes appelés vous n’allez pas avec courage et vaillance mourir pour l’amour de votre créateur.

Tout ce que nous avons dit jusqu’ici pour ceux qui n’ont pas abjuré, nous le répétons pour les frères qui, hélas ! librement ou forcés ont renié la foi du Christ et confessé celle des impies, au lieu de nous imiter.

Etre vaincu et tomber dans le péché du reniement, il n’y a là rien d’étonnant, parce que la guerre entre l’homme et le diable est permanente en ce monde. L’homme est tantôt vainqueur, tantôt vaincu, « sept fois le juste tombe et il se relève » (Proverbe 24, 16). Ce qui vous est arrivé n’est pas nouveau. Beaucoup de Nouveaux-Martyrs avaient renié le Christ et leur foi. Le grand malheur, c’est de rester dans la faute déplorable, sans vouloir se relever. Frères, nous vous supplions de nous imiter, nous vos frères, vos semblables et de vous engager à battre l’ennemi qui vous a vaincu et à votre tour le vaincre. Voici notre conseil :

1) Allez trouver un père spirituel et vertueux. Confessez-lui votre reniement et tous vos péchés et révélez-lui votre désir du martyre.

2) Demandez à être chrismés du Saint Chrême pour la seconde fois, comme le veut notre Sainte Eglise.

3) Retirez-vous dans un lieu tranquille, dans le jeûne, la veille, les larmes, pour prier Dieu de vous pardonner le grand péché que vous avez fait, d’allumer dans votre cœur son amour divin et de vous fortifier pour le martyre, afin que le diable et ses serviteurs soient couverts de honte par vous.

4) Communiez aux Saints Mystères avec piété et contrition.

5) Puis rendez-vous sur les lieux où vous avez renié le Christ et votre foi pour y verser votre sang et mourir en confessant cette foi. C’est ce que nous avons fait et, par la grâce de Dieu, nous avons vaincu. Faites de même et vous serez vainqueurs.

Frères, à vous qui avez renié le Christ, nous disons encore ceci : bien que vous puissiez être sauvés par la pénitence, selon les divins canons, sans passer par le martyre, votre pénitence ne sera, cependant, pas parfaite, faite de tout votre cœur, mais imparfaite, partielle, insuffisante, sans rapport avec les exigences du Canon et du péché de reniement et des autres fautes ; une cer­taine analogie entre la faute et le canon est indispensable, selon les théologiens.



D’après le canon du saint hiéromartyr Pierre d’Alexandrie, la pénitence parfaite, faite de tout cœur, pour ceux qui ont renié le Christ, c’est d’aller sur les lieux du reniement, confesser le Christ devant tous et mourir pendant la confession ; selon la loi hu­maine et raisonnable, on va chercher son trésor là où on l’a perdu, ou arrêter les voleurs pour leur reprendre les biens qu’ils nous ont volés.

Frères, prenez courage et que votre cœur s’affer­misse pour affronter le combat du martyre. Que ni l’amour de vos parents, ni celui de vos proches, de vos femmes, de vos enfants, de vos biens ne vous en empêchent ; que l’amour des richesses, de la gloire, des plaisirs, du monde entier, ne soit un obstacle sur la route bienheureuse du martyre, pas même l’amour de votre vie. Si vous voulez sauver votre vie, vous la perdrez, et si vous la perdez pour le Christ, vous la retrouverez : « Celui qui voudra sauver sa vie, la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la retrouvera » (Matth. 16, 25). Votre richesse, c’est Jésus ; votre gloire, c’est Jésus ; votre joie, c’est Jésus ; toute votre vie, c’est Jésus. En subissant le martyre, vous gagnerez Jésus et en Jésus vous aurez tous les biens terrestres et célestes, vous aurez tout.

Le maître de l’univers, le Seigneur Jésus-Christ, le seul sans péché, a sacrifié sa vie ; il est mort par amour de nous, « Dieu a prouvé son amour pour nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, le Christ est mort pour nous » (Rom. 5, 8). Qu’y a-t-il donc de grand, pour vous qui êtes des serviteurs, des pécheurs, des renégats, à mourir pour son amour, comme le dit fort bien Basile le Grand ? Si Dieu le Père s’est fait le témoin de la divinité de son Fils, en la proclamant dans le Jourdain, et sur le Mont Thabor et lors de la passion ; si le Fils unique s’est fait le témoin de son Père, par toute l’Economie, qu’y a-t-il alors de grand à ce que vous, hommes mortels, deveniez les témoins de la Sainte Trinité ? « Vous êtes mes témoins, dit le Seigneur, vous et mon serviteur que j’ai choisi » (Is. 30, 10). Si les hommes de ce monde exposent leur vie pour acquérir la richesse et la gloire, choses vaines et périssables – et quelque­fois sans les obtenir – que ferez vous de grand, en sacrifiant votre vie, pour acquérir, avec certi­tude, la richesse inépuisable, le royaume éternel, l’héritage de Dieu, et devenir co-héritiers du Christ ? (Rom. 8, 17).


Frères, que les faces bestiales de vos tyrans, leur multitude, leurs voix, leurs menaces ne vous effrayent pas. Que les plaies, les glaives, les chaînes, les prisons, les potences ne vous fassent pas peur.

1) Toutes ces choses sont certes terribles, mais méprisables pour une âme noble.

2) Quand l’amour du Christ aura embrasé votre cœur et que le désir du martyre s’y sera allumé, vous considérerez ces choses comme des jeux ridicules ; elles seront à vos yeux comme des roses, des fleurs, des délices, des festins ; nous avons nous-mêmes éprouvé cela par l’œuvre, comme le dit saint Basile le Grand, dans son homélie sur le martyr Barlaam. Une fois embrasés par l’amour divin, vous crierez avec l’apôtre : « Qui nous séparera de l’a­mour du Christ ? Sera-ce la tribulation ou l’an­goisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudi­té, ou le péril, ou l’épée ? » (Rom. 8, 35). Que la menace des tourments ne vous fasse pas trembler, car ils ne peuvent tuer que des corps et ne peuvent tuer vos âmes ; tout au contraire ils les vivifient ainsi que vos corps. Le Seigneur lui-même nous donne du courage, quand il dit :
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme » (Matth. 10, 28). Frères, voulez-vous apprendre de nous ce que vous devez craindre ? C’est de renier le Christ. Soyez donc courageux et confessez le Seigneur. Malheur à vous si vous le reniez, parce qu’il vous reniera au jour du jugement : « Qui­conque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux » (Matth. 10, 33). Vous précipiteriez alors dans la géhenne du feu vos âmes et vos corps : « Je vous montrerai qui vous devez craindre. Craignez Celui qui après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la Géhenne ; oui, je vous le dis, c’est lui que vous devez craindre » (Luc 12, 5).

Frères, le Christ notre maître, entouré des my­riades angéliques et des chœurs des saints, por­tant en ses mains les couronnes impérissables, suit du haut des cieux vos luttes et vos souffrances. Dès qu’il vous verra entrer dans l’arène avec foi, amour, grandeur d’âme, pour y proclamer avec assu­rance son Nom devant les impies, il vous enverra, mystiquement et invisiblement, la grâce divine et sa consolation, qui vous consoleront et vous forti­fieront dans le martyre. La course du martyre ter­minée, il recevra, dans ses bras, vos âmes saintes, vous couronnera, vous glorifiera, vous honorera, comme il l’a fait pour les âmes des Anciens-Martyrs. Vous régnerez avec lui, éternellement, dans son royaume des cieux et vous vous réjouirez avec toutes les puissances célestes, en compagnie des patriarches, des prophètes, des apôtres, des hié­rarques, des martyrs, des saints. Il vous confesse­ra devant son Père, vous qui l’aurez confessé de­vant les hommes : « Quiconque me confessera devant les hommes, à mon tour, je le confesserai, devant mon Père qui est dans les cieux » (Matth. 10, 32). Il glorifiera vos reliques sur la terre, par la venue sur elles de la lumière d’en-haut et par les mira­cles et les signes selon la justice, et les chré­tiens les vénéreront et les honoreront avec piété.

Quoi de plus glorieux, quoi de plus grand que cette gloire ? Quoi de plus désirable que cette familiarité ? Vraiment, le sacrifice d’une, de deux, de trois, même de mille vies, n’est rien comparé à une telle gloire, à une telle dignité digne de Dieu : « Les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (Romains 8, 18).

Courez frères, courez pour arriver au but. Hâtez-vous et ne laissez pas échapper de vos mains la proie. Luttez, luttez pour que d’autres ne vous ravissent votre couronne. L’effort est petit, mais grande la récompense. Les tourments sont passagers et les biens à hériter éternels. La coupe du mar­tyre est amère, mais douce la jouissance de Jésus Christ. Bien-aimés, vous donnez un corps périssable et vous recevez un corps impérissable ; vous vendez du sang et vous achetez les cieux. Plus ou moins tard, vous mourrez par nécessité naturelle. Faites de cette nécessité un point d’honneur et gagnez, par la mort, la vie éternelle, la vie sans affliction, la vie bienheureuse, le bonheur absolu inaccessible au mal et que tout bien accompagne. Vous serez dignes, après avoir vaincu, après avoir repoussé le signe et la marque de la bête, c’est à dire le diable et l’image de la bête qui est le chef des Agaréniens impies, vous serez dignes, dis-je, de vous tenir sur la mer de cristal de la divine béatitude, mer limpide et pleine de biens indicibles, et, cithares en mains, chanter et glo­rifier éternellement, en vainqueurs, le Seigneur : « Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu et ceux qui avaient vaincu la bête et son image, et le nombre de son nom, debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu. Et ils chantent le canti­que de Moyse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau » (Apoc.15, 2-3).
Nous terminerons, frères, en vous disant que si vous n’aviez pas vu de vos jours, nous les Nouveaux-Martyrs, vous auriez pu avancer ce bon prétexte pour éviter le martyre. Mais vous voilà sans défense. Dieu a voulu que vous eussiez en exemple non pas un, ni deux, mais une nuée de Nouveaux-Martyrs. Imitez-nous donc et courez, per­sévérants, vers l’arène du martyre, les regards entièrement fixés sur Jésus le premier martyr, le chef de notre salut : « Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de martyrs, courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi » (Héb. 12, 1-2).

***
Ô Nouveaux-Athlètes et martyrs du Christ, noms très doux aux chrétiens, (je m’adresse maintenant à vous), nouvelle milice vaillante du Roi des cieux, hérauts ardents de la Sainte Trinité, prédicateurs courageux de la divinité de Jésus Christ, champions de la piété chrétienne et adversaires de l’impiété, imitateurs, participants, suivants des souffrances du Seigneur, vainqueurs chargés de trophées de nos trois grands ennemis : la chair, le monde, le prince de ce monde, baptisés du baptême de sang, que de secondes souillures ne sauraient salir, selon Grégoire le Théologien ; vous serez la confu­sion des impies au Jour du Jugement. Vous êtes la gloire de l’Eglise Orthodoxe, le blâme et la confusion des hérétiques. Pour tous les chrétiens cap­tifs, vous êtes l’exemple de persévérance. Vous exhortez les orthodoxes, surtout ceux qui ont renié le Christ, à imiter par l’œuvre votre martyre.

Vous êtes, en vérité, ceux « qui ont achevé en leur chair, les souffrances qui manquaient au Christ » (Col. 1, 24), et « vous avez été donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes » (1 Cor. 4, 9). Spectacle qui a couvert de honte, de déshonneur, de tristesse le monde des impies ; spectacle qui a été la fierté, la gloire et la joie du monde des chré­tiens orthodoxes, spectacle qui a été le désespoir, la douleur insupportable des anges déchus, des méchants démons, mais allégresse et joie ineffables pour les anges bienheureux. En effet, les anges se réjouissent et désirent voir les souffrances des Nouveaux-Martyrs. Pour certains docteurs de l’Egli­se, c’est cela que le bienheureux Pierre a voulu révéler quand il a dit : « Dans lesquelles (les souffrances des saints) les anges désirent plonger leurs regards » (1 Pierre 1, 12), bien qu’ils contemplent la Face bienheureuse de Dieu, comme le Seigneur l’a dit : « Leurs anges dans les cieux voient conti­nuellement la Face de mon Père qui est dans les cieux » (Matth. 17, 10).

Saint Cyprien disait que le spectacle, la vue des martyrs était porteur d’une telle béatitude que les anges ne considéraient pas leur béatitude amoindrie, en détournant leurs re­gards de la Face de Dieu pour les porter sur vous les Nouveaux-Martyrs, ils se réjouissent autant dans la contemplation de la Face de Dieu que dans la vue de vous, les Nouveaux-Martyrs, de vos souffrances bienheureuses endurées pour le Christ. Parler de gloire et de béatitude, de souffrances et de martyre pour le Christ, c’est dire la même chose. C’est pour cela que le Seigneur appelle gloire sa Croix et sa Passion : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié » (Jean 13, 31). Pourquoi ai-je dit que les anges se réjouissaient à la vue de vos souffrances et de vos martyres ? - Si la passion de l’envie était donnée aux anges impassibles, c’est vous les martyrs qu’ils envieraient, parce que vous avez été dignes de souffrir et d’être martyrisés pour le Christ. S’ils avaient pu prendre un corps, ils l’auraient utilisé pour souffrir pour le Christ.
Ces deux choses étant impossible à leur nature, ils y suppléent par leur grand désir de vous voir souffrir pour le Christ ; c’est bien dans vos souffrances que « les anges désirent plonger leurs regards ». Vous les Nouveaux-Martyrs du Christ, vous êtes les prémices, les premiers-nés de notre nature, les épis nouveaux, le sacrifice nou­veau offert par notre race humaine en oblation et en actions de grâces agréables à Dieu, comme cela est écrit : « Le jour des prémices, quand vous offrirez à Dieu une oblation de fruits nouveaux… » (Nombres 28, 26), et : « Si tu offres au Seigneur une oblation de prémices, c’est sous forme d’épis grillés au feu… » (Lev. 11, 14). Vous êtes, en véri­té, la justification de la génération contemporaine corrompue ; par vous, Dieu purifie nos péchés ; son irritation envers nous cesse à la vue de votre sang et de votre mort, comme il le déclare par Isaïe : « Qu’ils produisent leurs martyrs pour être justi­fiés » (Is. 43, 9).

Vous avez été l’obstacle, la rai­son qui a fait que Dieu a retardé son Second Avène­ment et la fin du monde. Qui nous l’affirme ? - La sainte Apocalypse où il est dit que toutes les âmes des Anciens-Martyrs criaient à Dieu de venger leur sang, une heure avant le Jugement. Et il leur fut répondu de patienter encore un peu, jusqu’à ce que les martyres de tous les autres frères soient ter­minés, c’est à dire vous les Nouveaux-Martyrs : « Et il leur fut dit de se tenir en repos encore un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service, leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux » (Apoc. 6, 11). Ô Nouveaux-Martyrs du Christ, aux luttes innombrables, comment vous appellerons nous ?

ANGES ? Oui anges ! Parce que vous avez méprisé votre corps et tels des incorporels vous avez résisté à l’ennemi incorporel et vous l’avez vain­cu, chose que vos actes ont montrée. Chrysostome le divin disait que les anges et les martyrs diffé­raient de nom seulement.

LUMINAIRES ? Oui, luminaires ! Parce que dans la nuit profonde et la froideur de la captivité, vous faites briller, dans l’esprit des orthodoxes, la pure lumière de la connaissance de Dieu, ré­chauffant nos cœurs pour aimer le Christ et la foi. En effet, lorsqu’un Nouveau-Martyr souffre, les chrétiens qui le voient et qui l’entendent, sont enflammés par l’amour divin et se préparent, eux aussi, à subir le même martyre pour le Christ.

FLEUVES ? Nous disons vrai. Parce que, par le débordement de votre sang, vous avez submergé l’égarement des impies, arrosé la foi des ortho­doxes, desséchée par sa vieillesse.

MEDECINS ? Oui et qui en doutera ? Parce que par la puissance guérissante du Saint Esprit, vous gué­rissez, bénévolement, les maladies des corps et les passions des âmes de ceux qui vous invoquent dans la foi.

Vous appellera-t-on TOURS de la piété, GARDES de l’Eglise du Christ ? FLEURS parfumées et ROSES rouges du Paradis, colorées par votre propre sang ?

PROTECTEURS ? AIDES ? SAUVEURS communs de tous les orthodoxes ? Nombreux sont vos noms et plus nom­breux vos charismes. Grands sont les éloges que vous méritez et notre capacité de vous louer bien faible.
Retenant nos éloges, nous vénérons dans le silence et la piété, vos saintes reliques, comme nous le faisons pour celles des Anciens-Martyrs. Nous em­brassons votre visage sacré et votre tête précieuse invisiblement couronnée par le Christ, car selon le Cantique, votre visage est tourné du côté de Damas et « votre tête, couverte de rosée, est comme l’or de Céphaz et élevée comme le Carmel ». Nous baisons votre bouche très douce, dont la voix bienheureuse a crié : « Je suis chrétien et je meurs en chrétien », et « vos lèvres rouges comme la sparte et belle est votre voix ». Nous couvrons de baisers votre cou sacré, tranché par le glaive furieux, pour la foi orthodoxe, « votre cou est comme une crique », comme la tour de David, comme la tour d’ivoire.

Nous vénérons vos mains qui ont été liées par des cor­des, pour l’amour de la Sainte Trinité, « vos mains ont distillé la myrrhe, elles ont été ciselées, œuvre de mains d’artiste ». Nous magnifions vos jambes et vos pieds qui ont reçu les coups de fouets et porté les chaînes pour le Nom de notre Maître très doux, « vos jambes sont des colonnes de marbre posées sur des socles d’or et vos pieds lavés dans votre sang, comment les salirez vous encore ? » Bref, nous couvrons de nos doux baisers tous les saints membres de votre corps supplicié, par lesquels vous avez su plaire au Christ, étonné les anges, réjoui les saints, blessé les démons ; attristé les impies, comblé de joie l’Eglise du Christ, consolé les frères captifs, sanctifié les lieux de vos martyres ; vous avez béni les chrétiens contemporains, parfumé l’air par la montée de vos âmes. Nous n’avons pas honte, non, nous n’avons pas honte, au contraire, nous sommes fiers de recevoir votre sang et de nous en oindre.

Nous nous partageons vos vêtements et les instru­ments de votre supplice et les portons sur nous comme phylactères ; nos âmes et nos corps en sont sanctifiés. Nous ne considérons pas votre corps comme mort et sans âme, mais nous croyons que la grâce toute puissante du Saint Esprit demeure en eux et qu’elle accomplit des miracles. Le divin Chrysostome disait dans sa première homélie sur le martyr Babylas : « Ne va pas croire que le corps du martyr est couché, privé de l’énergie de l’âme, mais pense qu’une force plus forte que celle de l’âme se trouve près de lui : celle de la grâce du Saint Esprit ». Nous savons que comme la divinité du Christ ne s’est pas séparée du Corps de l’hypostase divine lors de la mort de trois jours, de même la grâce de Dieu ne s’est pas séparée, après la mort, des reliques et des ossements des martyrs : « Tu vénéreras, dit saint Grégoire Palamas, les saintes reliques, car la grâce de Dieu ne s’est pas séparée d’elles, comme la divinité ne s’est pas séparée du Corps adorable du Christ lors de sa mort vivifian­te » . Nous vénérons aussi vos saintes icônes que nous peignons et que nous embrassons, faisant mon­ter par elles l’honneur au modèle, et nous célé­brons vos mémoires et vos fêtes anniversaires, « car la mémoire des martyrs est une joie pour ceux qui craignent le Seigneur ».

Quelle rétribution attendons-nous de votre part ? Priez de toute votre âme le Dieu saint de pardonner les péchés de ceux, surtout, qui lisent pieusement et fréquemment vos souffrances décrites dans ce livre, de lui demander de n’être plus irrité contre nous et de détourner, dans sa bonté, Ses regards des fautes que nous commettons chaque jour, en paroles, en actions, en esprit et par lesquelles nous le chagrinons. Rappelez-lui les martyres que vous avez soufferts pour son nom et apaisez ainsi sa juste colère.
Car vraiment nous avons été amoindris, maltraités et réduits plus que toutes les autres nations, sous le joug de cet esclavage interminable. Dans la vie présente, délivrez-nous de tout mal de l’âme et du corps, fortifiez-nous pour garder fermement tout ce que vous nous avez enseigné et, dans la vie future, rendez-nous dignes du royaume des cieux, en Jésus Christ notre Sei­gneur. A lui, au Père et à l’Esprit Saint, la gloire et la puissance, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen !

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