lundi 3 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°9. La Confession de Foi de Saint Marc d'Ephèse.
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LA CONFESSION DE FOI
Saint Marc d’ephese
I - Nourri par la grâce de Dieu, dans les dogmes de la piété, et suivant en tout et par tout l’Eglise Sainte et Catholique, je crois et je confesse Dieu le Père, seul sans origine ni cause, mais source et cause du Fils et du Saint Esprit : car de Lui naît le Fils, et de lui procède l’Esprit, sans que le Fils contribue en rien à la procession, parce que l’Esprit non plus ne contribue nullement à la Génération, ou parce que leurs Provenances sont simultanées et conjointes l’une à l’autre, comme l’enseignent les Pères théologiens (1) . Car c’est aussi pour cela que l’Esprit Saint est dit procéder par le Fils, c’est-à-dire avec le Fils, et comme le Fils, quoique non par engendrement comme ce dernier. Mais le Fils n’est pas dit engendré par l’Esprit, de peur que, le nom du Fils étant un terme relatif, on n’aille croire qu’il est le Fils de l’Esprit.
Il s’ensuit également que l’Esprit est dit Esprit du Fils à cause de leur identité de nature et du fait que c’est par le Fils que l’Esprit est apparu et qu’il est donné aux hommes ; mais le Fils n’est pas et n’est pas dit Fils de l’Esprit, selon Grégoire de Nysse.
Que si l’expression « procéder par le Fils » indiquait, comme le prétendent les néo-théologiens, la cause de l’Esprit, et non le fait qu’il resplendit par le Fils, qu’il est apparu par Lui, et, absolument parlant, le fait qu’ils sortent tous deux conjointement et s’entr’accompagnent, selon les mots de saint Jean Damascène (2), le héraut de Dieu, jamais les théologiens que voici ne refuseraient, à l’unanimité, et en termes exprès, le rôle de cause au Fils.
L’un (3) de déclarer en effet : « Le Père est seule source », c’est à dire seule cause « de la Divinité suressentielle » et c’est en quoi il se distingue du Fils et de l’Esprit.
Un autre (4) : « Seul inengendré et seule source de la divinité : le Père » c’est à dire que seul Il est cause aussi bien que seul non-cause.
Un troisième (5) : « Le tout du Père est au Fils sauf d’être cause ».
Un autre (6) affirme que : « les gens de Rome non plus ne font pas du Fils la cause de l’Esprit ».
Tel autre (7) que : « Le Père est le seul causateur » ; le même, ailleurs : « Pour le Fils, nous ne le disons point cause ni Père » ; ailleurs, encore : « Tout ce qu’implique la notion de source, de cause, de géniteur, ne doit s’appliquer qu’au Père seul » (8).
Non, jamais Damascène, qui est extrêmement précis dans sa théologie, attribuant le « par » au Fils, ne bannirait, le « de, issu de » comme il le fait dans son traité théologique au chapitre huit, en ces termes : « Nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils mais nous le nommons Esprit du Fils et confessons que c’est par le Fils qu’il est manifesté et nous est transmis » (9) ;
Puis de nouveau, au chapitre treize du même ouvrage : « Esprit du Fils, non comme issu de lui, mais comme procédant par lui du Père ; car le Père est seul causateur » (10). Ensuite, dans l’Epître à Jordan, vers la fin : « Esprit enhypostatique, fruit de la procession, fruit de la projection ; venant par le Fils, et non du Fils, comme le Souffle de la Bouche de Dieu, héraut annonciateur du Verbe » (11).
Enfin, dans l’homélie sur l’ensevelissement du corps théandrique du Seigneur où il s’exprime ainsi : « Esprit Saint de Dieu le Père, parce qu’il procède de Lui, il est également appelé Esprit du Fils, non qu’il tire de celui-ci son existence, mais parce qu’il est manifesté par le Fils et par lui transmis à la création » (12).
Car il est bien clair que partout où la préposition « par » indique un moyen terme causant et une cause prochaine, comme les latins veulent que ce soit le cas ici, elle équivaut absolument à la préposition « de » et les deux tours s’emploient indifféremment ; ainsi « j’ai acquis un homme par Dieu » (Genèse 4,1) revient au même que « de Dieu » ; et « l’homme vient par la femme » (1 Corinthiens 11, 12) veut dire « de la femme ».
Il en résulte que dans les cas où la préposition « de » est proscrite, l’idée de cause se trouve évidemment proscrite avec elle. Reste donc que les mots « procéder du Père par le Fils » signifient, dans le style de la théologie succincte, que l’Esprit qui procède du Père, est rendu manifeste, se fait connaître, resplendit ou apparaît par le Fils.
« Tel est en effet, dit Basile le Grand, le signe lui appartenant, auquel se reconnaît sa propriété hypostatique : c’est d’être connu avec le Fils et conjointement à lui, et de tirer du Père son existence hypostatique » (13). Voilà donc ce que l’expression « par le Fils » veut encore dire : le fait d’être connu avec lui. En effet, on n’attribue ici à l’Esprit nulle autre propriété singulière par rapport au Fils, que le fait d’être connu avec Lui ; et nulle autre, par rapport au Père, que le fait de tirer de Lui son existence hypostatique. Si donc le propre, à strictement parler, n’a pour corrélatif que cela précisément dont il est le propre, l’Esprit Saint n’a pas d’autre relation au Fils que le fait « d’être connu avec lui » ; de même qu’il n’a pas d’autre relation au Père, que le fait de tirer de lui son existence hypostatique.
Ce n’est donc pas du Fils que l’Esprit Saint tire son existence hypostatique ou qu’il tient l’être. S’il en allait autrement, en effet, qu’est ce qui empêcherait de dire « par le Fils procède l’Esprit Saint », exactement comme on dit : « par le Fils tout est venu à l’être » ? Or, tandis que cette dernière formule se dit effectivement, la préposition « par » étant mise pour « de », la première, en revanche ne se dit pas, et on ne saurait nulle part la trouver telle quelle, sans mention du Père ; car on dit toujours « du Père par le Fils ». Et ces mots ne confèrent pas nécessairement le rôle de cause au Fils ; c’est aussi pourquoi l’expression « du Fils » au sens de « issu du Fils » est absolument introuvable et explicitement proscrite.
II - Les voix des Pères et des Docteurs occidentaux qui attribuent au Fils la cause de l’Esprit, je ne les reconnais ni ne les accepte – car elles n’ont jamais été seulement traduites en notre langue, ni examinées par les conciles œcuméniques et je présume qu’elles ont été falsifiées et altérées ;
Témoin, entre mille, ce texte (14) du Septième Concile Œcuménique présenté par eux tout récemment, dont le Credo comporte l’addition faite au Symbole ; lu en séance, ce document les a inondés de honte, et de quelle honte, les personnes alors présentes le savent.
Par le fait, jamais ces Pères n’ont pu dire dans leurs écrits le contraire des conciles œcuméniques et de leurs dogmes communs, ni s’y opposer aux docteurs d’Orient, ni même simplement diverger d’avec eux, comme tant d’autres passages de ces mêmes Pères en font foi.
C’est pourquoi je condamne comme inauthentiques ce genre de témoignages périlleux sur la procession du Saint Esprit, et, m’accordant à saint Jean Damascène, je ne dis pas l’Esprit issu du Fils, quand même un autre, quel qu’il soit, semblerait le dire ; je ne dis pas non plus le Fils cause ni projeteur de l’Esprit, crainte de reconnaître dans la Trinité un second causateur et par là deux causateurs et deux principes.
Alors, en effet, la cause n’est pas même un attribut de l’essence – auquel cas elle serait une et commune aux trois Personnes – et c’est pourquoi, par aucun biais ni aucun moyen, les latins ne pourront échapper aux deux principes, tant qu’ils diront que le Fils est principe de l’Esprit. Or, être principe est un attribut personnel, et qui distingue les personnes entre elles.
III - Suivant donc en tout les Sept Conciles Œcuméniques et les Pères qui y ont brillé de l’éclat de la sagesse divine :
Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles. Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait.
Qui, pour nous hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux, s’est incarné du Saint Esprit et de Marie la Vierge et s’est fait homme.
Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures.
Et il est monté au ciel et siège à la droite du Père, d’où il reviendra en gloire juger les vivants et les morts et son règne n’aura point de fin.
Et en l’Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes.
En l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Je confesse un seul baptême en rémission des péchés. J’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen.
IV - Cette doctrine et ce Symbole sacré de la Foi exposés par les Premier et Second Conciles, ratifiés et confirmés par tous les autres, je les accepte et je les garde de toute mon âme ; je reconnais et j’embrasse également, outre les Sept Conciles susdits, le Concile qui s’est réuni ensuite, sous le règne du pieux empereur de Rome Basile et le patriarcat du très saint Photios, et qu’on appelle même Huitième Œcuménique (15).
Avec la participation des représentants de Jean, le bienheureux pape de l’ancienne Rome – j’ai nommé les évêques Paul et Eugène, et le prêtre et cardinal Pierre – ce concile tout d’abord a ratifié et proclamé le Septième Concile Œcuménique, et décrété de le mettre au rang des précédents ; en second lieu, ce Concile a rétabli sur son trône le très saint Photios. Enfin, il a condamné et anathématisé, exactement comme les conciles antérieurs, ceux qui osent innover en ajoutant, ôtant ou modifiant quoi que ce soit du Symbole énoncé ci-dessus : « Celui qui osera, déclare-t-il en effet, composer un autre symbole que celui-là, ou faire à ce Symbole sacré une addition ou une soustraction, et aura l’audace de l’appeler règle de foi, qu’il soit condamné et rejeté de toute communion chrétienne » (16).
Le pape Jean, écrivant au très saint Photios, dit la même chose, de façon plus développée et plus claire encore, au sujet de l’addition faite au Symbole. Ajoutons que ce concile a édicté des canons qui se trouvent dans tous les recueils canoniques.
V - Conformément donc aux décrets de ce concile et des précédents, je juge qu’il faut garder immuable le Symbole sacré de la Foi, tel qu’il a été exposé ; et recevant ceux que les conciles ont reçus, rejetant ceux qu’ils ont rejetés, je n’entrerai jamais en communion avec ceux qui ont osé ajouter dans le Symbole l’innovation relative à la procession du Saint Esprit, tant qu’ils persisteront dans ce genre d’innovations. Il est dit en effet : « Que celui qui communique avec un excommunié soit lui-même excommunié ».
Et le divin Chrysostome, expliquant les paroles de l’Apôtre : « Si quelqu’un vous annonce un évangile qui diffère de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! » déclare ceci : « L’Apôtre n’a pas dit : « S’ils vous annoncent le contraire » ni « s’ils mettent tout sens dessus-dessous », non ; mais bien « Quand même leur évangile ne différerait que pour un détail de celui que vous avez reçu ; quand même ils ne dérangeraient que l’accessoire, qu’ils soient anathème ! ». Le même dit encore : « Il faut tempérer, non transgresser la loi » (17).
Et Basile le Grand, dans ses « Ascétiques » : « C’est manifestement déchoir de la foi et faire preuve d’orgueil, que de condamner une des choses écrites, ou d’en introduire de non écrites, alors que Notre Seigneur Jésus Christ a dit : « Mes brebis entendent ma voix », et un peu auparavant : « Elles ne suivront pas un étranger, mais fuiront de devant lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers ». Et il écrit aux moines : « Ceux qui font semblant de confesser la Vraie Foi et communient avec les hétérodoxes, si après avoir été avertis, ils ne rompent pas cette communion, non seulement il ne faut pas avoir de relation avec eux, mais même ne plus les nommer frères » (18).
Et avant ces Pères, Ignace le théophore écrivait au divin Polycarpe de Smyrne : « Quiconque parle contre les ordonnances, quand même il serait de bonne foi, pratiquerait le jeûne, garderait la virginité, opérerait des miracles ou ferait des prophéties, considère-le comme un loup, travaillant sous une peau de brebis, à la mort des brebis ».
Et que servirait de parler davantage ?
Tous les docteurs de l’Eglise sans exception, tous les conciles et toutes les divines Ecritures exhortent à fuir les hétérodoxes et à se départir de leur communion. Et je les mépriserai tous et toutes pour m’en aller suivre ceux qui appellent à l’union sous le prétexte d’une paix factice ? Ceux qui ont falsifié le Symbole divin et sacré et admettent le Fils comme second causateur du Saint Esprit ? Car je laisse de côté pour le moment les autres absurdités dont une seule eût suffit pour nous faire rompre avec eux.
Puissé-je, Consolateur, Toi qui es bonté, ne jamais connaître ce sort, ni devenir à ce point étranger à moi-même et aux raisonnements convenables ! Puissé-je, attaché à Ton enseignement et à celui des hommes bienheureux que tu inspiras, faire à mes Pères une seule addition – la seule chose que je remporterai d’ici – la piété !
NOTES
(1) Jean Damascène. De fide ; 1, 8.
(2) Idem. 1, 7.
(3) Denys l’Aéropagite. Des noms divins ; 2, 5.
(4) Athanase d’Alexandrie. Contre les Sabelliens ; 2.
(5) Grégoire le Théologien. Discours 34 ; 10.
(6) Maxime le Confesseur. Lettre à Marin ; PG 91, 136.
(7) Jean Damascène. De fide ; 1, 12.
(8) Idem.
(9) Idem PG 94, col, 849.
(10) Idem Col. 849.
(11) Idem PG 95, 60.
(12) Idem PG 96, 605.
(13) Lettre 38, 4.
(14) Les Latins présentèrent, en effet, un manuscrit, qu’ils disaient fort ancien, des Actes du VII° Concile, comportant le « filioque ». Les orthodoxes n’eurent aucun mal à prouver qu’il s’agissait d’un faux.
(15) Concile de 879 à Constantinople. Le témoignage de Marc d’Ephèse est ici important. Il montre que ce Concile, qui a condamné le « filioque » et le papisme, est considéré par l’Eglise Orthodoxe comme le vrai Huitième Concile Œcuménique.
(16) Mansi. Tome 17 ; col. 520 E.
(17) Commentaire. Ep. aux Gal. 1,7.
(18) PG. 31, 680.
LA CONFESSION DE FOI
Saint Marc d’ephese
I - Nourri par la grâce de Dieu, dans les dogmes de la piété, et suivant en tout et par tout l’Eglise Sainte et Catholique, je crois et je confesse Dieu le Père, seul sans origine ni cause, mais source et cause du Fils et du Saint Esprit : car de Lui naît le Fils, et de lui procède l’Esprit, sans que le Fils contribue en rien à la procession, parce que l’Esprit non plus ne contribue nullement à la Génération, ou parce que leurs Provenances sont simultanées et conjointes l’une à l’autre, comme l’enseignent les Pères théologiens (1) . Car c’est aussi pour cela que l’Esprit Saint est dit procéder par le Fils, c’est-à-dire avec le Fils, et comme le Fils, quoique non par engendrement comme ce dernier. Mais le Fils n’est pas dit engendré par l’Esprit, de peur que, le nom du Fils étant un terme relatif, on n’aille croire qu’il est le Fils de l’Esprit.
Il s’ensuit également que l’Esprit est dit Esprit du Fils à cause de leur identité de nature et du fait que c’est par le Fils que l’Esprit est apparu et qu’il est donné aux hommes ; mais le Fils n’est pas et n’est pas dit Fils de l’Esprit, selon Grégoire de Nysse.
Que si l’expression « procéder par le Fils » indiquait, comme le prétendent les néo-théologiens, la cause de l’Esprit, et non le fait qu’il resplendit par le Fils, qu’il est apparu par Lui, et, absolument parlant, le fait qu’ils sortent tous deux conjointement et s’entr’accompagnent, selon les mots de saint Jean Damascène (2), le héraut de Dieu, jamais les théologiens que voici ne refuseraient, à l’unanimité, et en termes exprès, le rôle de cause au Fils.
L’un (3) de déclarer en effet : « Le Père est seule source », c’est à dire seule cause « de la Divinité suressentielle » et c’est en quoi il se distingue du Fils et de l’Esprit.
Un autre (4) : « Seul inengendré et seule source de la divinité : le Père » c’est à dire que seul Il est cause aussi bien que seul non-cause.
Un troisième (5) : « Le tout du Père est au Fils sauf d’être cause ».
Un autre (6) affirme que : « les gens de Rome non plus ne font pas du Fils la cause de l’Esprit ».
Tel autre (7) que : « Le Père est le seul causateur » ; le même, ailleurs : « Pour le Fils, nous ne le disons point cause ni Père » ; ailleurs, encore : « Tout ce qu’implique la notion de source, de cause, de géniteur, ne doit s’appliquer qu’au Père seul » (8).
Non, jamais Damascène, qui est extrêmement précis dans sa théologie, attribuant le « par » au Fils, ne bannirait, le « de, issu de » comme il le fait dans son traité théologique au chapitre huit, en ces termes : « Nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils mais nous le nommons Esprit du Fils et confessons que c’est par le Fils qu’il est manifesté et nous est transmis » (9) ;
Puis de nouveau, au chapitre treize du même ouvrage : « Esprit du Fils, non comme issu de lui, mais comme procédant par lui du Père ; car le Père est seul causateur » (10). Ensuite, dans l’Epître à Jordan, vers la fin : « Esprit enhypostatique, fruit de la procession, fruit de la projection ; venant par le Fils, et non du Fils, comme le Souffle de la Bouche de Dieu, héraut annonciateur du Verbe » (11).
Enfin, dans l’homélie sur l’ensevelissement du corps théandrique du Seigneur où il s’exprime ainsi : « Esprit Saint de Dieu le Père, parce qu’il procède de Lui, il est également appelé Esprit du Fils, non qu’il tire de celui-ci son existence, mais parce qu’il est manifesté par le Fils et par lui transmis à la création » (12).
Car il est bien clair que partout où la préposition « par » indique un moyen terme causant et une cause prochaine, comme les latins veulent que ce soit le cas ici, elle équivaut absolument à la préposition « de » et les deux tours s’emploient indifféremment ; ainsi « j’ai acquis un homme par Dieu » (Genèse 4,1) revient au même que « de Dieu » ; et « l’homme vient par la femme » (1 Corinthiens 11, 12) veut dire « de la femme ».
Il en résulte que dans les cas où la préposition « de » est proscrite, l’idée de cause se trouve évidemment proscrite avec elle. Reste donc que les mots « procéder du Père par le Fils » signifient, dans le style de la théologie succincte, que l’Esprit qui procède du Père, est rendu manifeste, se fait connaître, resplendit ou apparaît par le Fils.
« Tel est en effet, dit Basile le Grand, le signe lui appartenant, auquel se reconnaît sa propriété hypostatique : c’est d’être connu avec le Fils et conjointement à lui, et de tirer du Père son existence hypostatique » (13). Voilà donc ce que l’expression « par le Fils » veut encore dire : le fait d’être connu avec lui. En effet, on n’attribue ici à l’Esprit nulle autre propriété singulière par rapport au Fils, que le fait d’être connu avec Lui ; et nulle autre, par rapport au Père, que le fait de tirer de Lui son existence hypostatique. Si donc le propre, à strictement parler, n’a pour corrélatif que cela précisément dont il est le propre, l’Esprit Saint n’a pas d’autre relation au Fils que le fait « d’être connu avec lui » ; de même qu’il n’a pas d’autre relation au Père, que le fait de tirer de lui son existence hypostatique.
Ce n’est donc pas du Fils que l’Esprit Saint tire son existence hypostatique ou qu’il tient l’être. S’il en allait autrement, en effet, qu’est ce qui empêcherait de dire « par le Fils procède l’Esprit Saint », exactement comme on dit : « par le Fils tout est venu à l’être » ? Or, tandis que cette dernière formule se dit effectivement, la préposition « par » étant mise pour « de », la première, en revanche ne se dit pas, et on ne saurait nulle part la trouver telle quelle, sans mention du Père ; car on dit toujours « du Père par le Fils ». Et ces mots ne confèrent pas nécessairement le rôle de cause au Fils ; c’est aussi pourquoi l’expression « du Fils » au sens de « issu du Fils » est absolument introuvable et explicitement proscrite.
II - Les voix des Pères et des Docteurs occidentaux qui attribuent au Fils la cause de l’Esprit, je ne les reconnais ni ne les accepte – car elles n’ont jamais été seulement traduites en notre langue, ni examinées par les conciles œcuméniques et je présume qu’elles ont été falsifiées et altérées ;
Témoin, entre mille, ce texte (14) du Septième Concile Œcuménique présenté par eux tout récemment, dont le Credo comporte l’addition faite au Symbole ; lu en séance, ce document les a inondés de honte, et de quelle honte, les personnes alors présentes le savent.
Par le fait, jamais ces Pères n’ont pu dire dans leurs écrits le contraire des conciles œcuméniques et de leurs dogmes communs, ni s’y opposer aux docteurs d’Orient, ni même simplement diverger d’avec eux, comme tant d’autres passages de ces mêmes Pères en font foi.
C’est pourquoi je condamne comme inauthentiques ce genre de témoignages périlleux sur la procession du Saint Esprit, et, m’accordant à saint Jean Damascène, je ne dis pas l’Esprit issu du Fils, quand même un autre, quel qu’il soit, semblerait le dire ; je ne dis pas non plus le Fils cause ni projeteur de l’Esprit, crainte de reconnaître dans la Trinité un second causateur et par là deux causateurs et deux principes.
Alors, en effet, la cause n’est pas même un attribut de l’essence – auquel cas elle serait une et commune aux trois Personnes – et c’est pourquoi, par aucun biais ni aucun moyen, les latins ne pourront échapper aux deux principes, tant qu’ils diront que le Fils est principe de l’Esprit. Or, être principe est un attribut personnel, et qui distingue les personnes entre elles.
III - Suivant donc en tout les Sept Conciles Œcuméniques et les Pères qui y ont brillé de l’éclat de la sagesse divine :
Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles. Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait.
Qui, pour nous hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux, s’est incarné du Saint Esprit et de Marie la Vierge et s’est fait homme.
Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures.
Et il est monté au ciel et siège à la droite du Père, d’où il reviendra en gloire juger les vivants et les morts et son règne n’aura point de fin.
Et en l’Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes.
En l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Je confesse un seul baptême en rémission des péchés. J’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen.
IV - Cette doctrine et ce Symbole sacré de la Foi exposés par les Premier et Second Conciles, ratifiés et confirmés par tous les autres, je les accepte et je les garde de toute mon âme ; je reconnais et j’embrasse également, outre les Sept Conciles susdits, le Concile qui s’est réuni ensuite, sous le règne du pieux empereur de Rome Basile et le patriarcat du très saint Photios, et qu’on appelle même Huitième Œcuménique (15).
Avec la participation des représentants de Jean, le bienheureux pape de l’ancienne Rome – j’ai nommé les évêques Paul et Eugène, et le prêtre et cardinal Pierre – ce concile tout d’abord a ratifié et proclamé le Septième Concile Œcuménique, et décrété de le mettre au rang des précédents ; en second lieu, ce Concile a rétabli sur son trône le très saint Photios. Enfin, il a condamné et anathématisé, exactement comme les conciles antérieurs, ceux qui osent innover en ajoutant, ôtant ou modifiant quoi que ce soit du Symbole énoncé ci-dessus : « Celui qui osera, déclare-t-il en effet, composer un autre symbole que celui-là, ou faire à ce Symbole sacré une addition ou une soustraction, et aura l’audace de l’appeler règle de foi, qu’il soit condamné et rejeté de toute communion chrétienne » (16).
Le pape Jean, écrivant au très saint Photios, dit la même chose, de façon plus développée et plus claire encore, au sujet de l’addition faite au Symbole. Ajoutons que ce concile a édicté des canons qui se trouvent dans tous les recueils canoniques.
V - Conformément donc aux décrets de ce concile et des précédents, je juge qu’il faut garder immuable le Symbole sacré de la Foi, tel qu’il a été exposé ; et recevant ceux que les conciles ont reçus, rejetant ceux qu’ils ont rejetés, je n’entrerai jamais en communion avec ceux qui ont osé ajouter dans le Symbole l’innovation relative à la procession du Saint Esprit, tant qu’ils persisteront dans ce genre d’innovations. Il est dit en effet : « Que celui qui communique avec un excommunié soit lui-même excommunié ».
Et le divin Chrysostome, expliquant les paroles de l’Apôtre : « Si quelqu’un vous annonce un évangile qui diffère de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! » déclare ceci : « L’Apôtre n’a pas dit : « S’ils vous annoncent le contraire » ni « s’ils mettent tout sens dessus-dessous », non ; mais bien « Quand même leur évangile ne différerait que pour un détail de celui que vous avez reçu ; quand même ils ne dérangeraient que l’accessoire, qu’ils soient anathème ! ». Le même dit encore : « Il faut tempérer, non transgresser la loi » (17).
Et Basile le Grand, dans ses « Ascétiques » : « C’est manifestement déchoir de la foi et faire preuve d’orgueil, que de condamner une des choses écrites, ou d’en introduire de non écrites, alors que Notre Seigneur Jésus Christ a dit : « Mes brebis entendent ma voix », et un peu auparavant : « Elles ne suivront pas un étranger, mais fuiront de devant lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers ». Et il écrit aux moines : « Ceux qui font semblant de confesser la Vraie Foi et communient avec les hétérodoxes, si après avoir été avertis, ils ne rompent pas cette communion, non seulement il ne faut pas avoir de relation avec eux, mais même ne plus les nommer frères » (18).
Et avant ces Pères, Ignace le théophore écrivait au divin Polycarpe de Smyrne : « Quiconque parle contre les ordonnances, quand même il serait de bonne foi, pratiquerait le jeûne, garderait la virginité, opérerait des miracles ou ferait des prophéties, considère-le comme un loup, travaillant sous une peau de brebis, à la mort des brebis ».
Et que servirait de parler davantage ?
Tous les docteurs de l’Eglise sans exception, tous les conciles et toutes les divines Ecritures exhortent à fuir les hétérodoxes et à se départir de leur communion. Et je les mépriserai tous et toutes pour m’en aller suivre ceux qui appellent à l’union sous le prétexte d’une paix factice ? Ceux qui ont falsifié le Symbole divin et sacré et admettent le Fils comme second causateur du Saint Esprit ? Car je laisse de côté pour le moment les autres absurdités dont une seule eût suffit pour nous faire rompre avec eux.
Puissé-je, Consolateur, Toi qui es bonté, ne jamais connaître ce sort, ni devenir à ce point étranger à moi-même et aux raisonnements convenables ! Puissé-je, attaché à Ton enseignement et à celui des hommes bienheureux que tu inspiras, faire à mes Pères une seule addition – la seule chose que je remporterai d’ici – la piété !
NOTES
(1) Jean Damascène. De fide ; 1, 8.
(2) Idem. 1, 7.
(3) Denys l’Aéropagite. Des noms divins ; 2, 5.
(4) Athanase d’Alexandrie. Contre les Sabelliens ; 2.
(5) Grégoire le Théologien. Discours 34 ; 10.
(6) Maxime le Confesseur. Lettre à Marin ; PG 91, 136.
(7) Jean Damascène. De fide ; 1, 12.
(8) Idem.
(9) Idem PG 94, col, 849.
(10) Idem Col. 849.
(11) Idem PG 95, 60.
(12) Idem PG 96, 605.
(13) Lettre 38, 4.
(14) Les Latins présentèrent, en effet, un manuscrit, qu’ils disaient fort ancien, des Actes du VII° Concile, comportant le « filioque ». Les orthodoxes n’eurent aucun mal à prouver qu’il s’agissait d’un faux.
(15) Concile de 879 à Constantinople. Le témoignage de Marc d’Ephèse est ici important. Il montre que ce Concile, qui a condamné le « filioque » et le papisme, est considéré par l’Eglise Orthodoxe comme le vrai Huitième Concile Œcuménique.
(16) Mansi. Tome 17 ; col. 520 E.
(17) Commentaire. Ep. aux Gal. 1,7.
(18) PG. 31, 680.
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