lundi 3 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°9. Saint Georges de Ioanina, Martyr.
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Georges de Ioannina
Le nouveau martyr
Georges, le nouvel athlète, le martyr béni du Christ, la gloire de Ioannina, la rivière des miracles, la chute des incroyants, la résurrection des fidèles, naquit en 1810, de parents très pauvres originaires de la province de Grevena, au village de Tsurhly, aujourd’hui appelé saint Georges. A l’âge de huit ans le bienheureux perdit, ses parents, Constantin et Vassilia ; aussi fut-il élevé par son frère et par sa sœur.
A cette époque, l’Epire vivait dans des troubles continuels : des armées albanaises ne cessaient de traverser et d’occuper le pays. La situation était si difficile que le saint fut contraint d’entrer au service d’un Agha qui le confia au Hatzi Abdullah, officier d’Imin Pacha. Ainsi, pendant huit ans, Georges fut employé aux écuries d’Hatzi Abdullah.
Suivant une habitude qui leur était propre, les Agaréniens ne donnaient pas à Georges son véritable nom, mais ils l’appelaient Giaour (l’esclave ou l’infidèle) Hasan. De ce fait, bien des gens s’imaginaient sincèrement que Georges était musulman, bien qu’il se fût toujours proclamé chrétien.
En 1836, quand Imin Pacha redevint maître de Ioannina, il amena avec lui Hatzi Abdullah et le Bienheureux Georges. La même année, Georges se fiança à une jeune orpheline, Hélène, pauvre selon le monde, mais riche en vertus spirituelles car elle était humble et remplie de la crainte de Dieu. Le jour même des fiançailles se produisit le drame suivant : un maître coranique que, chez les turcs, on appelle « hodjà » reconnut le saint et se souvint qu’on l’appelait « Giaour Hasan » ; cet homme était un musulman fanatique et il commença à provoquer Georges, disant : « Est-il vrai que toi, un musulman, tu veux prendre pour femme une chrétienne ? ».
Le bienheureux Georges répondit qu’étant chrétien, il avait cherché une femme qui fût chrétienne. Alors, ce hodjà vraiment maudit se précipita chez le juge et accusa le bienheureux, affirmant : « Je connais un homme, un musulman, qui veut prendre pour femme une chrétienne ». On manda Georges et le juge l’interrogea : « Ce hodjà assure que tu es musulman ». Le saint répondit : « Non, j’étais chrétien et je demeure chrétien » ; et il conclut ces mots par le signe de la Croix.
Un ami sincère du saint, qui se trouvait là et parlait couramment le turc, défendit Georges avec courage et réfuta aisément les arguments du juge. Le saint, dans sa simplicité, gardait le silence. Le juge finit par perdre pied et, ne sachant plus que faire, il décida d’envoyer Georges au vizir pour qu’il l’entende à son tour. Chez le vizir, Georges fit toujours les mêmes réponses. Le vizir, reconnaissant alors en lui un serviteur de Hatzi Abdullah, demanda à ce dernier si Georges était chrétien ; Hatzi Abdullah admit que son serviteur avait toujours été chrétien. Ainsi lavé de l’accusation du hodjà, Georges fut inscrit sur les listes du tribunal comme chrétien.
Une semaine après avoir été relâché, la veille de la fête de saint Dimitri, Georges et Hélène furent mariés. Peu après, Imin Pacha partit pour Pruse, accompagné de Georges et de son maître.
Lorsque Georges revint à Ioannina, il fut confié au Mutéselin de Filiates pour servir aux écuries. Il demeura trois mois à Filiates, puis revint à Ioannina à la fin de Décembre. Le jour même de son retour, au lever du soleil, Hélène donnait naissance à un fils. Aussi, alors que son maître le Mutéselin devait repartir, Georges eut-il le droit de rester encore quelque temps à Ioannina avec sa femme et son fils. Le sept janvier, l’enfant fut baptisé.
Cependant, tandis que Georges se réjouissait de devenir père, le Père et Dieu du ciel préparait pour lui la couronne impérissable du martyre.
Quelques jours plus tard, en effet, Georges tomba dans un sommeil si profond qu’il fut toute la journée sans s’éveiller. Plusieurs fois ses proches le secouèrent, mais il demeurait insensible à ces tentatives pour le réveiller. Le soir seulement, il se leva et vint dîner ; mais, au lieu de dire, avant le repas, comme à son habitude : « au nom du Christ », le bienheureux s’écria : « Gloire à toi, Seigneur ». Quand l’un de ses proches lui demanda pourquoi il avait dit cela, il répondit : « Mes bien-aimés, vous avez de la chance que je puisse encore même dire cela ! ».
Le jour suivant, il revêtit ses plus beaux vêtements sous prétexte de partir à la recherche d’un nouveau travail. Après s’être éloigné quelque peu, il revint sur ses pas. Il désirait revoir une dernière fois son fils, sa jeune femme et les autres membres de sa famille ; eux, remarquant son attitude étrange et avec quelle émotion il les regardait, lui demandèrent : « Pourquoi nous regardes-tu ainsi ? » Et Georges répondit : « Qu’est ce que cela peut changer pour vous ? ». Et par deux fois il agit ainsi.
Ensuite, sans hésiter, il se rendit sur la place du marché. Comme il y arrivait il rencontra ce même hodjà vraiment maudit, qui avait déjà essayé de le faire condamner, accompagné d’un juge nommé Bouloumbasis. Immédiatement, le hodjà s’empara du saint et s’écria : « Combien de temps vas-tu te moquer de notre foi ? Es-tu musulman ou chrétien ? » Le saint, d’abord effrayé, demanda à être relâché. A ce moment même, Alexis, le beau-frère du bienheureux passait sur la place ; il se précipita pour aider Georges et pour le libérer des mains de son accusateur.
Cette dispute attira une foule de musulmans et de chrétiens. Daud Pacha, le chef de l’armée locale, dont la maison était proche, fit venir devant lui les deux partis. Quand Daud demanda quel était l’objet de la querelle, les calomniateurs du saint répondirent : « Cet homme était un musulman, tout le monde le sait, mais maintenant il est devenu chrétien, comme vous pouvez le voir à son fez (chapeau) où l’on distingue l’insigne que doivent porter les chrétiens ». Quand Daud l’interrogea, Georges répondit avec courage : « Je suis né chrétien, je suis chrétien, je mourrai chrétien ».
Alors le Pacha confia le saint au juge Bouloumbasis pour être conduit à l’abominable Makhéne, le tribunal des Turcs. Devant le tribunal, le saint fut mis en présence du même juge que la première fois ; et, à nouveau, on lui demanda : « Es-tu chrétien ? » Le saint répondit avec courage qu’il était chrétien. Le juge ajouta : « La dernière fois tu étais chrétien, maintenant tu es musulman ». Le saint, affermi par la grâce divine répondit : « Non, non, je suis chrétien, vous-mêmes, vous l’avez reconnu il y a un an et vous avez inscrit mon nom sur vos listes ».
Le juge rétorqua : « A cette époque, il y avait un seul témoin, mais, maintenant nombreux sont ceux qui disent que tu es musulman ! En conséquence, à cause de ces témoignages, nous te donnons le choix : retourner à la foi des musulmans ou mourir ». Le saint, d’un ton incisif, répondit : « Faites ce que vous voulez ».
Il y avait aussi au tribunal un vieil homme cruel, qui, à l’âge de soixante-dix ans, avait apostasié sans réfléchir. Cet être pitoyable s’adressa au saint et lui dit : « Toi, regarde, j’ai passé soixante dix ans dans ta religion, et maintenant je suis devenu musulman ». Alors, le saint se tourna vers lui et lui répondit : « Tu es misérable, et cette foule sans honte ne m’empêchera pas de dire la vérité sur ma foi ; elle est plus glorieuse que le soleil, et toi, trois fois misérable, tu as osé abandonner ta famille et tes fils dont l’aîné est prêtre ; n’as-tu pas honte ? Est-ce que ton âme ne souffre pas d’avoir laissé les tiens, vieil homme méchant et dégoûtant ? ».
Admirons le courage de l’athlète, la dignité du martyr, son zèle, son ardeur vraiment divine et digne du paradis ! Quand les musulmans entendirent ces paroles, ils devinrent enragés ; après avoir dénudé sans honte le bienheureux pour voir s’il n’était pas circoncis, ils s’emparèrent de cette brebis du Christ et la conduisirent au gouverneur. Lorsque Georges eut fait encore les mêmes réponses, le gouverneur le fit emprisonner. Dans sa prison, le saint trouva de nombreux chrétiens ; ainsi, Haralambos et Georges, de Vourbianitsa, l’interrogèrent et comprirent rapidement que la foi de cet homme simple était bien la cause de son emprisonnement ; ils trouvèrent alors les mots pour l’encourager encore davantage au martyre.
Le lendemain, le saint fut à nouveau conduit chez le juge, qui l’exhorta à devenir musulman. La réponse de Georges était toujours aussi brève : « Je suis chrétien, je mourrai chrétien ! ». Alors, on le ramena dans la prison, on lui attacha les pieds avec un pilori de bois et l’on plaça une grosse pierre sur son corps.Bien que tourmenté ainsi, il put dormir ; son sommeil demeurait même si doux et si profond que, loin de sentir le poids de la pierre, il se sentait comme sous une couverture agréable. Quand il s’éveilla, ses amis lui demandèrent : « Frère, comment peux-tu encore vivre après une nuit pareille ? La pierre devait te tuer ! ». Georges leur répondit : « Je n’ai absolument rien senti. En vérité, j’ai vu, cette nuit, un jeune homme vêtu de blanc qui m’encourageait ; il disait en turc : « N’aie pas peur, Georges ! ».
Le samedi suivant, le saint fut conduit devant le juge une troisième fois, et pour la troisième fois il confessa la Sainte Trinité ; le juge lui demanda : « Qu’as-tu décidé ? Sache que l’heure de ta mort est arrivée et que je vais en annoncer la décision ». Sans crainte aucune, Georges répondit : « Que tu annonces une fois ou cent fois ma mort, je suis né chrétien, je suis chrétien et je mourrai chrétien ». Admirant un tel courage, le juge décida de le libérer. Mais le peuple barbare et fanatique des musulmans de Ioannina hurlait pour demander la mort de celui qui avait insulté la religion de Mahomet. En particulier, un individu misérable et méchant, Sheikh Ali vint deux fois devant le gouverneur pour exiger la mort de Georges. Le vizir finit par y consentir et proclama le décret ; à ce moment précis on vit un éclair de feu et on entendit un tonnerre terrible. Les eaux du lac s’agitèrent et beaucoup furent pris de peur.
Quand les chrétiens apprirent ces événements, ils firent tout pour obtenir la libération de Georges.
Deux évêques, Joachim de Chios – qui plus tard devint Patriarche de Constantinople sous le nom de Joachim II – et Néophyte d’Arta et Grevenna, ainsi que tous ses proches et tous les chrétiens de Ioannina intercédèrent pour Georges auprès du vizir. Mais ce fut en vain. Le vizir reconnaissait bien que Georges était incirconcis, faisait des excuses, mais ajoutait : « C’est l’affaire du juge que tout cela ; je n’ai pas l’autorité pour révoquer la sentence ».
En même temps les chrétiens ne cessaient d’aller à la prison pour encourager Georges au martyre ; dans sa geôle même, Haralambos et Georges, les amis du saint, l’exhortaient toujours ; lui leur disait : « N’ayez pas peur, mes frères, je suis heureux de devenir martyr pour mon Christ bien-aimé ». Ce bienheureux était, en effet, rempli de paix, et lui-même le disait ; sa femme aussi disait qu’il était désormais le plus calme des hommes. Pourtant, tous les jours des musulmans vraiment maudits lui rendaient visite et l’incitaient à devenir musulman. Le saint leur répondait seulement : « Je suis chrétien ».
Les gardiens de la prison venaient souvent tenter le saint : « Viens ici et écoute, Georges ; deviens musulman pour quelque temps. Après, tu iras en Grèce ou ailleurs et tu redeviendras chrétien ». Quand il entendait cela, le saint disait avec sa simplicité habituelle : « Je mourrai chrétien, alors, le reste n’a pas d’importance ». Le jour de la fête de saint Antoine le Grand, cinq bourreaux entrèrent dans la prison. Les chrétiens condamnés à mort commencèrent à être effrayés et à prier avec ferveur ; seul Georges n’avait pas peur et restait calme, son menton dans les mains. Profitant de l’absence du garde, Haralambos rencontra le regard d’un jeune appelé qui lui indiqua que les bourreaux venaient chercher Georges. Alors, tous les prisonniers condamnés encouragèrent le Bienheureux : « N’aie pas peur, frère, sois courageux, la souffrance est brève et, après, tu te réjouiras pour toute l’éternité ».
En entendant la sentence de mort, le saint fut rempli de joie et rendit grâce à Dieu de l’avoir rendu digne de mourir pour son saint Nom. Les autres prisonniers lui dirent : « Prends garde, frère, car ils vont tout faire pour t’obliger à apostasier ; prends garde qu’ils ne te trompent ! ». Comme ils disaient cela, le gardien ouvrit la porte, fit approcher Georges, l’attacha à la façon des condamnés à mort ; quand il eut fini, Georges fit l’ultime baiser de paix à ses frères chrétiens de la prison. Alors les bourreaux l’entraînèrent vers le lieu de l’exécution. Le saint était plein d’un tel enthousiasme qu’il les devançait et courait « comme la biche qui soupire après les courants d’eau » dont parle le prophète au livre des Psaumes. Les bourreaux lui annoncèrent qu’ils allaient le pendre. Le saint les tint pour rien et se moqua d’eux : « Que cela ne dure pas une heure ! ».
Le saint était vraiment lumineux ; avec enthousiasme, rempli de la grâce de Dieu, il suivait les bourreaux, courant de toute son âme, volant presque à la mort. Les bourreaux le conduisirent à une place nommée Kuramanio et lui demandèrent une dernière fois : « Qu’es-tu ? » Et, lui, répondit : « Je suis chrétien, j’adore mon Christ et ma Souveraine et Mère de Dieu ». Il fit le signe de la Croix aux yeux de tous ; puis, se tournant vers les chrétiens qui assistaient à l’exécution, il leur dit : « Pardonnez-moi, frères, et que Dieu vous pardonne ! » Les bourreaux lui passèrent la corde autour du cou et, ainsi, le saint, âgé de vingt-huit ans, rendit l’âme avec courage.
Suivant leur coutume. Les musulmans laissèrent le corps du saint suspendu à la potence pendant trois jours. Chaque nuit les gardes virent une lumière divine briller sur le corps. Pensant qu’il s’agissait d’un feu destiné à brûler celui qu’ils considéraient comme un infidèle, ils appelèrent le juge et le vizir qui furent ravis. Le vizir affirma même que le corps serait entièrement consumé et qu’il n’en resterait que des cendres le lendemain, qui était jour de la fête de l’Eglise métropolitaine saint Athanase le Grand. Mais la relique fut trouvée intacte et non corrompue, pleine de lumière et resplendissante de la gloire incréée du Christ, notre vrai Dieu.
Après trois jours, à la demande des chrétiens, le vizir fit venir le métropolite Joachim et lui donna la permission d’enterrer les saintes reliques. Tout le peuple put les accompagner à l’Eglise de saint Athanase, où solennellement, hiérarques, prêtres et fidèles de Ioannina, en larmes et dans de la joie, le peuple chrétien rendit gloire à Dieu parce que la foi sans tache des chrétiens orthodoxes avait confondu les musulmans. Tout en psalmodiant, on déposa avec piété la relique non loin de l’autel du jugement. Les fidèles reçurent un peu de la corde qui avait servi à l’exécution et qui embaumait. Les malades conduits à la tombe du saint étaient guéris ; les muets retrouvaient leur voix, les boiteux leur agilité. Il y eut ainsi une multitude de guérisons. Le saint apparut en rêve à beaucoup, et en particulier à sa femme qu’il consolait en lui disant : « N’aie pas peur, je viendrai souvent ainsi ». La nouvelle des miracles se répandit vite, et de très loin on venait prier devant la tombe du saint. Un hiéromoine plein d’amour pour les martyrs fit peindre une icône avec des scènes de sa vie ; jusqu’à nos jours cette icône fait des miracles.
Louons Dieu qui nous a rendus dignes de voir que le zèle des martyrs d’autrefois dure encore à notre époque. Louons Dieu qui, de la mort du Bienheureux Georges a fait une résurrection pour la foi !
Par les prières du saint nouveau-martyr Georges de Ioannina, et de tous les saints, puissions-nous être dignes du Royaume des cieux et de la Bénédiction éternelle. Amen.
Georges de Ioannina
Le nouveau martyr
Georges, le nouvel athlète, le martyr béni du Christ, la gloire de Ioannina, la rivière des miracles, la chute des incroyants, la résurrection des fidèles, naquit en 1810, de parents très pauvres originaires de la province de Grevena, au village de Tsurhly, aujourd’hui appelé saint Georges. A l’âge de huit ans le bienheureux perdit, ses parents, Constantin et Vassilia ; aussi fut-il élevé par son frère et par sa sœur.
A cette époque, l’Epire vivait dans des troubles continuels : des armées albanaises ne cessaient de traverser et d’occuper le pays. La situation était si difficile que le saint fut contraint d’entrer au service d’un Agha qui le confia au Hatzi Abdullah, officier d’Imin Pacha. Ainsi, pendant huit ans, Georges fut employé aux écuries d’Hatzi Abdullah.
Suivant une habitude qui leur était propre, les Agaréniens ne donnaient pas à Georges son véritable nom, mais ils l’appelaient Giaour (l’esclave ou l’infidèle) Hasan. De ce fait, bien des gens s’imaginaient sincèrement que Georges était musulman, bien qu’il se fût toujours proclamé chrétien.
En 1836, quand Imin Pacha redevint maître de Ioannina, il amena avec lui Hatzi Abdullah et le Bienheureux Georges. La même année, Georges se fiança à une jeune orpheline, Hélène, pauvre selon le monde, mais riche en vertus spirituelles car elle était humble et remplie de la crainte de Dieu. Le jour même des fiançailles se produisit le drame suivant : un maître coranique que, chez les turcs, on appelle « hodjà » reconnut le saint et se souvint qu’on l’appelait « Giaour Hasan » ; cet homme était un musulman fanatique et il commença à provoquer Georges, disant : « Est-il vrai que toi, un musulman, tu veux prendre pour femme une chrétienne ? ».
Le bienheureux Georges répondit qu’étant chrétien, il avait cherché une femme qui fût chrétienne. Alors, ce hodjà vraiment maudit se précipita chez le juge et accusa le bienheureux, affirmant : « Je connais un homme, un musulman, qui veut prendre pour femme une chrétienne ». On manda Georges et le juge l’interrogea : « Ce hodjà assure que tu es musulman ». Le saint répondit : « Non, j’étais chrétien et je demeure chrétien » ; et il conclut ces mots par le signe de la Croix.
Un ami sincère du saint, qui se trouvait là et parlait couramment le turc, défendit Georges avec courage et réfuta aisément les arguments du juge. Le saint, dans sa simplicité, gardait le silence. Le juge finit par perdre pied et, ne sachant plus que faire, il décida d’envoyer Georges au vizir pour qu’il l’entende à son tour. Chez le vizir, Georges fit toujours les mêmes réponses. Le vizir, reconnaissant alors en lui un serviteur de Hatzi Abdullah, demanda à ce dernier si Georges était chrétien ; Hatzi Abdullah admit que son serviteur avait toujours été chrétien. Ainsi lavé de l’accusation du hodjà, Georges fut inscrit sur les listes du tribunal comme chrétien.
Une semaine après avoir été relâché, la veille de la fête de saint Dimitri, Georges et Hélène furent mariés. Peu après, Imin Pacha partit pour Pruse, accompagné de Georges et de son maître.
Lorsque Georges revint à Ioannina, il fut confié au Mutéselin de Filiates pour servir aux écuries. Il demeura trois mois à Filiates, puis revint à Ioannina à la fin de Décembre. Le jour même de son retour, au lever du soleil, Hélène donnait naissance à un fils. Aussi, alors que son maître le Mutéselin devait repartir, Georges eut-il le droit de rester encore quelque temps à Ioannina avec sa femme et son fils. Le sept janvier, l’enfant fut baptisé.
Cependant, tandis que Georges se réjouissait de devenir père, le Père et Dieu du ciel préparait pour lui la couronne impérissable du martyre.
Quelques jours plus tard, en effet, Georges tomba dans un sommeil si profond qu’il fut toute la journée sans s’éveiller. Plusieurs fois ses proches le secouèrent, mais il demeurait insensible à ces tentatives pour le réveiller. Le soir seulement, il se leva et vint dîner ; mais, au lieu de dire, avant le repas, comme à son habitude : « au nom du Christ », le bienheureux s’écria : « Gloire à toi, Seigneur ». Quand l’un de ses proches lui demanda pourquoi il avait dit cela, il répondit : « Mes bien-aimés, vous avez de la chance que je puisse encore même dire cela ! ».
Le jour suivant, il revêtit ses plus beaux vêtements sous prétexte de partir à la recherche d’un nouveau travail. Après s’être éloigné quelque peu, il revint sur ses pas. Il désirait revoir une dernière fois son fils, sa jeune femme et les autres membres de sa famille ; eux, remarquant son attitude étrange et avec quelle émotion il les regardait, lui demandèrent : « Pourquoi nous regardes-tu ainsi ? » Et Georges répondit : « Qu’est ce que cela peut changer pour vous ? ». Et par deux fois il agit ainsi.
Ensuite, sans hésiter, il se rendit sur la place du marché. Comme il y arrivait il rencontra ce même hodjà vraiment maudit, qui avait déjà essayé de le faire condamner, accompagné d’un juge nommé Bouloumbasis. Immédiatement, le hodjà s’empara du saint et s’écria : « Combien de temps vas-tu te moquer de notre foi ? Es-tu musulman ou chrétien ? » Le saint, d’abord effrayé, demanda à être relâché. A ce moment même, Alexis, le beau-frère du bienheureux passait sur la place ; il se précipita pour aider Georges et pour le libérer des mains de son accusateur.
Cette dispute attira une foule de musulmans et de chrétiens. Daud Pacha, le chef de l’armée locale, dont la maison était proche, fit venir devant lui les deux partis. Quand Daud demanda quel était l’objet de la querelle, les calomniateurs du saint répondirent : « Cet homme était un musulman, tout le monde le sait, mais maintenant il est devenu chrétien, comme vous pouvez le voir à son fez (chapeau) où l’on distingue l’insigne que doivent porter les chrétiens ». Quand Daud l’interrogea, Georges répondit avec courage : « Je suis né chrétien, je suis chrétien, je mourrai chrétien ».
Alors le Pacha confia le saint au juge Bouloumbasis pour être conduit à l’abominable Makhéne, le tribunal des Turcs. Devant le tribunal, le saint fut mis en présence du même juge que la première fois ; et, à nouveau, on lui demanda : « Es-tu chrétien ? » Le saint répondit avec courage qu’il était chrétien. Le juge ajouta : « La dernière fois tu étais chrétien, maintenant tu es musulman ». Le saint, affermi par la grâce divine répondit : « Non, non, je suis chrétien, vous-mêmes, vous l’avez reconnu il y a un an et vous avez inscrit mon nom sur vos listes ».
Le juge rétorqua : « A cette époque, il y avait un seul témoin, mais, maintenant nombreux sont ceux qui disent que tu es musulman ! En conséquence, à cause de ces témoignages, nous te donnons le choix : retourner à la foi des musulmans ou mourir ». Le saint, d’un ton incisif, répondit : « Faites ce que vous voulez ».
Il y avait aussi au tribunal un vieil homme cruel, qui, à l’âge de soixante-dix ans, avait apostasié sans réfléchir. Cet être pitoyable s’adressa au saint et lui dit : « Toi, regarde, j’ai passé soixante dix ans dans ta religion, et maintenant je suis devenu musulman ». Alors, le saint se tourna vers lui et lui répondit : « Tu es misérable, et cette foule sans honte ne m’empêchera pas de dire la vérité sur ma foi ; elle est plus glorieuse que le soleil, et toi, trois fois misérable, tu as osé abandonner ta famille et tes fils dont l’aîné est prêtre ; n’as-tu pas honte ? Est-ce que ton âme ne souffre pas d’avoir laissé les tiens, vieil homme méchant et dégoûtant ? ».
Admirons le courage de l’athlète, la dignité du martyr, son zèle, son ardeur vraiment divine et digne du paradis ! Quand les musulmans entendirent ces paroles, ils devinrent enragés ; après avoir dénudé sans honte le bienheureux pour voir s’il n’était pas circoncis, ils s’emparèrent de cette brebis du Christ et la conduisirent au gouverneur. Lorsque Georges eut fait encore les mêmes réponses, le gouverneur le fit emprisonner. Dans sa prison, le saint trouva de nombreux chrétiens ; ainsi, Haralambos et Georges, de Vourbianitsa, l’interrogèrent et comprirent rapidement que la foi de cet homme simple était bien la cause de son emprisonnement ; ils trouvèrent alors les mots pour l’encourager encore davantage au martyre.
Le lendemain, le saint fut à nouveau conduit chez le juge, qui l’exhorta à devenir musulman. La réponse de Georges était toujours aussi brève : « Je suis chrétien, je mourrai chrétien ! ». Alors, on le ramena dans la prison, on lui attacha les pieds avec un pilori de bois et l’on plaça une grosse pierre sur son corps.Bien que tourmenté ainsi, il put dormir ; son sommeil demeurait même si doux et si profond que, loin de sentir le poids de la pierre, il se sentait comme sous une couverture agréable. Quand il s’éveilla, ses amis lui demandèrent : « Frère, comment peux-tu encore vivre après une nuit pareille ? La pierre devait te tuer ! ». Georges leur répondit : « Je n’ai absolument rien senti. En vérité, j’ai vu, cette nuit, un jeune homme vêtu de blanc qui m’encourageait ; il disait en turc : « N’aie pas peur, Georges ! ».
Le samedi suivant, le saint fut conduit devant le juge une troisième fois, et pour la troisième fois il confessa la Sainte Trinité ; le juge lui demanda : « Qu’as-tu décidé ? Sache que l’heure de ta mort est arrivée et que je vais en annoncer la décision ». Sans crainte aucune, Georges répondit : « Que tu annonces une fois ou cent fois ma mort, je suis né chrétien, je suis chrétien et je mourrai chrétien ». Admirant un tel courage, le juge décida de le libérer. Mais le peuple barbare et fanatique des musulmans de Ioannina hurlait pour demander la mort de celui qui avait insulté la religion de Mahomet. En particulier, un individu misérable et méchant, Sheikh Ali vint deux fois devant le gouverneur pour exiger la mort de Georges. Le vizir finit par y consentir et proclama le décret ; à ce moment précis on vit un éclair de feu et on entendit un tonnerre terrible. Les eaux du lac s’agitèrent et beaucoup furent pris de peur.
Quand les chrétiens apprirent ces événements, ils firent tout pour obtenir la libération de Georges.
Deux évêques, Joachim de Chios – qui plus tard devint Patriarche de Constantinople sous le nom de Joachim II – et Néophyte d’Arta et Grevenna, ainsi que tous ses proches et tous les chrétiens de Ioannina intercédèrent pour Georges auprès du vizir. Mais ce fut en vain. Le vizir reconnaissait bien que Georges était incirconcis, faisait des excuses, mais ajoutait : « C’est l’affaire du juge que tout cela ; je n’ai pas l’autorité pour révoquer la sentence ».
En même temps les chrétiens ne cessaient d’aller à la prison pour encourager Georges au martyre ; dans sa geôle même, Haralambos et Georges, les amis du saint, l’exhortaient toujours ; lui leur disait : « N’ayez pas peur, mes frères, je suis heureux de devenir martyr pour mon Christ bien-aimé ». Ce bienheureux était, en effet, rempli de paix, et lui-même le disait ; sa femme aussi disait qu’il était désormais le plus calme des hommes. Pourtant, tous les jours des musulmans vraiment maudits lui rendaient visite et l’incitaient à devenir musulman. Le saint leur répondait seulement : « Je suis chrétien ».
Les gardiens de la prison venaient souvent tenter le saint : « Viens ici et écoute, Georges ; deviens musulman pour quelque temps. Après, tu iras en Grèce ou ailleurs et tu redeviendras chrétien ». Quand il entendait cela, le saint disait avec sa simplicité habituelle : « Je mourrai chrétien, alors, le reste n’a pas d’importance ». Le jour de la fête de saint Antoine le Grand, cinq bourreaux entrèrent dans la prison. Les chrétiens condamnés à mort commencèrent à être effrayés et à prier avec ferveur ; seul Georges n’avait pas peur et restait calme, son menton dans les mains. Profitant de l’absence du garde, Haralambos rencontra le regard d’un jeune appelé qui lui indiqua que les bourreaux venaient chercher Georges. Alors, tous les prisonniers condamnés encouragèrent le Bienheureux : « N’aie pas peur, frère, sois courageux, la souffrance est brève et, après, tu te réjouiras pour toute l’éternité ».
En entendant la sentence de mort, le saint fut rempli de joie et rendit grâce à Dieu de l’avoir rendu digne de mourir pour son saint Nom. Les autres prisonniers lui dirent : « Prends garde, frère, car ils vont tout faire pour t’obliger à apostasier ; prends garde qu’ils ne te trompent ! ». Comme ils disaient cela, le gardien ouvrit la porte, fit approcher Georges, l’attacha à la façon des condamnés à mort ; quand il eut fini, Georges fit l’ultime baiser de paix à ses frères chrétiens de la prison. Alors les bourreaux l’entraînèrent vers le lieu de l’exécution. Le saint était plein d’un tel enthousiasme qu’il les devançait et courait « comme la biche qui soupire après les courants d’eau » dont parle le prophète au livre des Psaumes. Les bourreaux lui annoncèrent qu’ils allaient le pendre. Le saint les tint pour rien et se moqua d’eux : « Que cela ne dure pas une heure ! ».
Le saint était vraiment lumineux ; avec enthousiasme, rempli de la grâce de Dieu, il suivait les bourreaux, courant de toute son âme, volant presque à la mort. Les bourreaux le conduisirent à une place nommée Kuramanio et lui demandèrent une dernière fois : « Qu’es-tu ? » Et, lui, répondit : « Je suis chrétien, j’adore mon Christ et ma Souveraine et Mère de Dieu ». Il fit le signe de la Croix aux yeux de tous ; puis, se tournant vers les chrétiens qui assistaient à l’exécution, il leur dit : « Pardonnez-moi, frères, et que Dieu vous pardonne ! » Les bourreaux lui passèrent la corde autour du cou et, ainsi, le saint, âgé de vingt-huit ans, rendit l’âme avec courage.
Suivant leur coutume. Les musulmans laissèrent le corps du saint suspendu à la potence pendant trois jours. Chaque nuit les gardes virent une lumière divine briller sur le corps. Pensant qu’il s’agissait d’un feu destiné à brûler celui qu’ils considéraient comme un infidèle, ils appelèrent le juge et le vizir qui furent ravis. Le vizir affirma même que le corps serait entièrement consumé et qu’il n’en resterait que des cendres le lendemain, qui était jour de la fête de l’Eglise métropolitaine saint Athanase le Grand. Mais la relique fut trouvée intacte et non corrompue, pleine de lumière et resplendissante de la gloire incréée du Christ, notre vrai Dieu.
Après trois jours, à la demande des chrétiens, le vizir fit venir le métropolite Joachim et lui donna la permission d’enterrer les saintes reliques. Tout le peuple put les accompagner à l’Eglise de saint Athanase, où solennellement, hiérarques, prêtres et fidèles de Ioannina, en larmes et dans de la joie, le peuple chrétien rendit gloire à Dieu parce que la foi sans tache des chrétiens orthodoxes avait confondu les musulmans. Tout en psalmodiant, on déposa avec piété la relique non loin de l’autel du jugement. Les fidèles reçurent un peu de la corde qui avait servi à l’exécution et qui embaumait. Les malades conduits à la tombe du saint étaient guéris ; les muets retrouvaient leur voix, les boiteux leur agilité. Il y eut ainsi une multitude de guérisons. Le saint apparut en rêve à beaucoup, et en particulier à sa femme qu’il consolait en lui disant : « N’aie pas peur, je viendrai souvent ainsi ». La nouvelle des miracles se répandit vite, et de très loin on venait prier devant la tombe du saint. Un hiéromoine plein d’amour pour les martyrs fit peindre une icône avec des scènes de sa vie ; jusqu’à nos jours cette icône fait des miracles.
Louons Dieu qui nous a rendus dignes de voir que le zèle des martyrs d’autrefois dure encore à notre époque. Louons Dieu qui, de la mort du Bienheureux Georges a fait une résurrection pour la foi !
Par les prières du saint nouveau-martyr Georges de Ioannina, et de tous les saints, puissions-nous être dignes du Royaume des cieux et de la Bénédiction éternelle. Amen.
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