samedi 8 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°10. Modestes pensées.

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Modestes pensées sur la vraie piété

Photios Kontoglou

Celui qui n’a jamais vu la lumière en nie l’existence. Il ignore qu’elle vivifie, qu’elle dispense la joie. L’homme le plus éloquent ne peut la décrire à l’aveugle. Il en est de même pour la lumière de l’âme – et cela est plus grave – car si l’aveugle ne peut comprendre la lumière, il sait cependant qu’il est privé d’un grand bien. Il pleure sa cécité et se lamente sur son malheur. Mais celui qui est aveugle d’âme, intérieurement plongé dans les ténèbres, ignorant ce qu’il a perdu, prétend posséder les yeux les plus sains et pense que lui et ceux qui lui ressemblent se trou­vent dans la lumière, bien qu’ils tâtonnent dans l’obscurité. Si quelqu’un s’aventure à parler de la lumière de l’âme, il se moque et rit de lui.

De cet homme, la Sainte Ecriture dit : « La piété répugne au pécheur », et ailleurs le prophète ajoute : « La parole de Dieu fait vomir de tels hommes… »

Ces âmes bornées pensent échapper au Redoutable Jugement en disant : « Nous voulons bien croire, mais nous ne le pouvons pas ». Misérable ! Dans le fond de ton être tu ne désires pas croire, c’est pourquoi ce don précieux ne t’est pas donné. Commence par te purifier, ensuite tu croiras. Dans un champ plein de ronces, la fragile semence de la foi ne saurait germer.

Tous, nous sommes invités au riche banquet du Sa­lut. Dieu notre Père a le même amour pour tous, car tous nous sommes sortis de ses entrailles. « Le Seigneur a répandu sa sagesse sur toute chair, Il L’a donnée à tous ceux qui L’aiment », a dit Sirach le sage.

Prends garde que ta malice ne t’égare pas en te faisant dire au fond de toi-même que les paroles des saints sont des paroles creuses. Non, les paroles des saints sont des paroles divines proférées par la bouche des saints. « Ce n’est pas à dire que nous soyons par nous-mêmes capables de conce­voir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité au contraire vient de Dieu », dit l’apôtre Paul.

Ainsi l’homme doit se frayer, dans la crainte, la voie de son salut. Saint Oecuménios dit qu’il nous faut seulement « offrir à Dieu notre disposition à la piété et désirer le bien dans la crainte et le tremblement. Alors Dieu fortifie notre désir et nous rend capables de faire le bien ».

La bouche plus que pure, plus que vraie du Seigneur a dit : « Demandez et vous recevrez, frappez et on vous ouvrira » et aussi « celui qui possède recevra davantage et celui qui n’a rien, il lui sera ôté le peu qu’il a ».

L’homme égoïste et plein de malice est misérable. Seuls ceux qui entendent en eux la voix du Seigneur sont bienheureux. Les premiers sont comme le figuier maudit qui ne portait pas de fruits. Ils nient tout et n’offrent pas de fruits sur la route de Dieu ; au contraire, ils y dressent des embûches pour eux-mêmes et pour les autres. Philothée le Patriarche a dit justement que :
« L’amour pour Dieu nous rend parfaits et nous exhorte à l’amour du prochain ». Le Seigneur amollit l’âme ou l’endurcit, selon la disposition de l’homme. C’est pourquoi Dieu a dit : « Devant ceux qui marchent droit, j’ouvrirai une voie droite et devant ceux qui ne marchent pas droit, j’ouvrirai une voie tortueuse… »

Le sage Origène dit que Dieu emploie ce langage, comme le ferait le soleil s’il pouvait parler et dire : « Moi je dissous et je dessèche », et bien que ces deux expressions s’opposent, il ne mentirait pas, car sa chaleur fait fondre la cire et dessèche la boue.

Donc le mystère de l’illumination s’accomplit en fonction de la disposition intérieure de chacun. La crainte de Dieu fait pousser en l’homme la plante odoriférante de la reconnaissance qui donnera la fleur merveilleuse de l’humilité.

Ô Reconnaissance ! Sentiment fructueux, riche, vivifiant. Ceux qui ne te possèdent pas ignorent qu’ils détruisent leur être, qu’ils refusent de vivre.

Ô Humilité ! Tendre nourricière de l’âme. Celui qui ne te possède pas est un mort-né. Le sage Sirach a dit : « La prière de l’humble dissipe les nuées ». L’humilité est un flambeau allumé par la main de Dieu avec l’étincelle de la foi.

Garde toujours ton flambeau prêt et orné, si tu veux que le palais de ton âme soit éclairé. Ne crois pas que la lumière mystique va t’illuminer, si auparavant tu ne t’es pas préparé, si tu ne languis pas après l’Epoux. Rien ne peut se faire sans ta volonté.

Mais l’orgueil, ce démon ténébreux qui est en nous, nous trouble et ne nous laisse pas devenir des enfants de la Lumière. Ce démon nous a fait diviniser l’homme, nous faisant croire que nous devenons ainsi libres, alors que nous ressemblons aux pourceaux de Circé.

La seule et vraie liberté, c’est notre soumission à Dieu. Pour avoir été humbles, les Orientaux ont reçu la Grâce du Saint Esprit. Les Grecs qui se sont adorés eux-mêmes ont inventé Prométhée qui a volé le feu au ciel ; la science contemporaine est son enfant. Le serpent n’a-t-il pas dit à Eve : « Vous serez comme des dieux » ? D’où la malédiction et l’impiété. Mais par l’humilité la grâce est venue dans le monde.

Les hommes d’aujourd’hui rient de tout cela. Ils ressemblent aux fous qui se moquent de ceux qui ne le sont pas. Ceux qui croient tenir les clés de la sagesse, esprits légers, Narcisses qui admirent leur ombre dans l’eau qui court. Ils ont divinisé leur pauvre cerveau et ressemblent aux sauvages de l’Afrique qui taillent des idoles à leur image dans le bois mort ou dressent les squelettes de leurs morts pour les adorer. Homme, regarde et lamente-toi devant ta nature vieillie et défigurée.

Les hommes d’aujourd’hui, qui ont amassé de faux trésors, sont dans un désert aride, privés de lumière et d’espoir. La plus horrible des galères où l’homme puisse être condamné c’est celle de l’incrédulité. Que l’incrédule ne pense pas qu’un autre l’a précipité dans la détresse, car c’est de ses propres mains qu’il a forgé les chaînes qui l’ont lié.
Pardonne-moi mon Dieu, pardonne-moi ! J’ai enfin compris que la source où je m’abreuvais était souillée et trouble, que je me trouvais dans un marécage. Le péché est lisse. L’homme y glisse facilement, n’importe quand, comme l’a dit l’apôtre Paul.

La porte du salut n’est fermée pour personne. Les hommes sont sourds et muets, livrés à leurs passions, au péché qui nourrit le pourceau de l’égoïsme. Veille à ne pas te laisser entraîner par les plaisirs de la vie. Dans ces plaisirs est caché le piège de la mort. Le pécheur ne jette jamais l’hameçon nu, sans appât, dit saint Ephrem le Syrien.

On mange de tout et toute impureté nourrit le cœur. On refuse l’eau limpide qui jaillit de Dieu. On fait la grimace, comme le malade détourne sa face du remède qui rend la santé. « Des jours vien­dront, dit le Seigneur, où j’enverrai la faim sur la terre, non pas une faim de pain ni une soif d’eau, mais une faim d’entendre la parole de Dieu ». Voilà ce que criait le prophète Amos, des milliers d’années avant les jours pleins de malice de notre temps. Et par la bouche du prophète Jérémie qui ressemble à une lance de feu, Dieu dit : « Ils m’ont abandonné, moi la source de l’eau vive et ils se sont creusé des puits fissurés qui ne pourront retenir l’eau… »

L’Evangéliste Marc met dans la bouche plus que douce du Christ ces paroles pleines de tristesse « Vous avez abandonné le commandement de Dieu pour suivre la tradition des hommes ».

Oui, nous suivons la tradition du mal ; la tradition du Malin. Tradition maudite, parvenue jusqu’à nous comme un vacarme étourdissant. Elle s’est jetée sur le monde et en a recouvert ses villes. Et nous crions les uns aux autres que nous possédons la Sagesse et la Science. Nous nous jouons nous-mêmes, tremblant comme les feuilles sèches d’un arbre secoué par le vent.

« Ils ont pris peur là où il n’y avait rien à craindre… » Ce que les savants découvrent avec leurs instruments devient notre religion, et les pièges de Satan passent pour des vérités, car quand « le mensonge veut être cru, il imite la Vérité » dit saint Jean Chrysostome.

Tout cela n’est qu’une ombre, pour celui qui n’a pas goûté à la douceur de la foi et qui en tire orgueil. Semences diaboliques sous l’apparence de la Vérité. « Malheur à ceux qui passent, à leurs propres yeux, pour sages et intelligents ». Le Christ a dit une fois à Pierre : « Simon, Simon, voici que Satan a demandé à vous cribler tous…»

Où donc ces malheureux pourront-ils trouver la paix ? Dans les âmes habitées par l’égoïsme, la paix peut-elle exister ? Ils croient posséder la paix alors qu’en eux règne le désordre. « Je vous donne MA paix, je ne vous donne pas celle du monde », a dit le Christ à ses disciples. Les hommes charnels se flattent d’être riches alors qu’ils sont bien pauvres en vérité. Ils mordent la peau du fruit et croient que c’est la chair. Pour n’avoir pas goûté aux biens inestimables qui nous sont préparés, leur vie s’écoule dans la vanité. L’incrédulité avec la malice sa fille, et la dureté du cœur, comme de noirs corbeaux dévorent leurs cœurs.

Pourquoi discutez-vous des mystères de Dieu, pour­quoi cherchez-vous à les comprendre par la raison et prononcez-vous de vaines paroles pour justifier votre incrédulité ?

« Mes brebis, a dit le Seigneur, entendent ma voix et elles me suivent ». Comme le Fils Prodigue, l’homme a été réduit à manger des carouges. Pour avoir goûté à l’arbre de la connais­sance, nous vivons dans un vertige, comme des morts et des désespérés.

Nous croyons savoir beaucoup de choses, mais tout cela n’est qu’un rien. Nous avons atteint le rocher du désespoir, ensanglantés et brisés, car « celui qui augmente sa connaissance ajoute une plaie » selon Salomon. Nous avons divinisé notre fureur démoniaque appelée la « logique », chaîne impitoyable qui nous enserre et que nous portons autour du cou comme un collier d’or. Un philosophe contemporain a écrit : « Les Grecs qui attendaient leur salut de la sagesse fondée sur la connaissance, sont allés à leur perte. Le salut ne vient que de la foi… » « Tout ce qui ne vient pas de la foi est péché », dit l’apôtre Paul.

L’homme ne pourra se libérer de ce monde, tant qu’il croira découvrir, par la raison, l’abîme de l’univers. Le malheureux, avec ce poison, décompose le monde et le détruit. Instable dans ses opinions, il croit avoir trouvé la lumière alors que l’obscu­rité s’épaissit autour de lui. Et pourtant, le Soleil qui éclaire le soleil, Celui qui est le même, hier, aujourd’hui et pour l’éternité, est présent devant lui. « Si un homme affine sa perception et pénètre les secrets de toutes les natures, s’il est riche en inventions et comprend toute science, s’il a atteint le port de la sérénité sans avoir été digne du signe qui donne l’espérance, il est l’être le plus misérable au monde… » dit saint Isaac le Syrien.

Notre corps pauvre et chétif peut devenir, par la foi, d’un seul coup, fort et source de vie. Veillons seulement à ne pas le diviniser, parce que « l’esprit de l’homme est enclin au mal dès sa jeunesse ». Hilaire le Grand a dit : « Fais-toi violence en tout, car telle est la voie de Dieu », saint Isaac dit aussi : « Tant que l’homme se trouve enfermé dans son corps, il ne peut être heureux, parce qu’il n’y a pas en ce monde de liberté parfaite ».

Quand tu sentiras en toi la crainte de Dieu, tout ton être subira un changement indicible. « Mets sur ta route, comme fondement, la crainte de Dieu et, en peu de temps, tu te trouveras devant les portes du Royaume, sans avoir à revenir sur tes pas », c’est-à-dire sans t’attarder, sans te tourmenter en vain sur les faux systèmes de la philosophie.

Tes yeux alors s’ouvriront, un grand bouleversement se produira en toi et tu te demanderas étonné : « Je pensais connaître ces choses, j’en avais entendu parler et suis resté insensible et sans trembler ».

Ainsi donc les saints ont pénétré dans les profondeurs de l’abîme de la vie ; des mystères et des trésors cachés ont été révélés à ces hommes de chair qui sont montés jusqu’au ciel virginal et héroïque, caché aux yeux du malin, par un voile jeté par la Sagesse inexplorable…
Alors tu commenceras à vivre vraiment, plein de force angélique, de joie et d’amour. La pluie qui porte la joie de la miséricorde de Dieu t’arrosera. Tu entendras le murmure divin qui t’embrasera et tu marcheras dans un cortège de lumières. Tu seras heureux et tu grandiras comme les arbres plantés près d’un courant d’eau. Ton cœur brûlera d’un amour ardent. Ta volonté sera la volonté du Sei­gneur, et tu ne sauras pas que tu as perdu ta propre liberté. Car ce que les hommes de ce monde appellent liberté n’est que servitude. Nuit et jour, tu méditeras dans la joie la Loi de Dieu.

Tu seras bienheureux. Tes blessures seront guéries. Tu rajeuniras comme l’aigle, qui le matin étend ses ailes au-dessus des rochers et des gorges sombres où séjourne la génération perverse des adorateurs de l’homme, de ceux qui ont divinisé l’homme et ses passions, qui sont sourds à la voix puissante du ciel qui crie par la bouche d’Osée : « Nul autre que Moi ne peut te sauver… », et aussi : « Il n’y pas d’autre Sauveur… »

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