mercredi 12 janvier 2011
La Lumière du Thabor n°13. De l'arianisme d'Arius.
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DE L’ARIANISME D’ARIUS
AU NEO-ARIANISME CONTEMPORAIN
Le mystère du mal n’est pas plus petit que le mystère du bien. Le mystère du premier est, très souvent, plus attrayant que le mystère du second. L’homme aime ce qui est mystérieux, sous n’Importe quelle forme Dans le monde, il n’y a rien que l’homme puisse entièrement expliquer et dire : voici une chose qui n’a rien de secret, de mystérieux. Dans chaque phénomène du monde, dans chaque chose de l’univers, il y a je ne sais quoi, que l’homme ne peut enfermer dans la cage de son intelligence. II n’existe pas de laboratoire chimique ou alchimique où l’on puisse faire bouillir le monde pour en extraire tous les mystères. Sous la pesante cloche bleue, que l’on appelle ciel, qui recouvre notre terre, il n’y a rien de simple, rien qui ne soit mystérieux. Quel que soit l’angle sous lequel on le regarde, le monde nous apparaît comme un point d’interrogation.
Le mystère du bien et le mystère du mal luttent l’un contre l’autre dans le monde et en l‘homme en particulier. Si le Seigneur, l’Ami de l‘homme, ne veillait pas sur l’équilibre du monde, depuis longtemps celui-ci serait tombé dans le chaos.
Le mystère du mal est d’un attrait subtil. II envoûte amoureusement l’homme et l‘homme se livre avec enthousiasme, en holocauste, jusqu’au sacrifice, à ce grand et redoutable amour. Le mystère du bien est humble et doux, outragé et méprisé sur la terre. C’est pourquoi les amants du mystère du bien sont beaucoup moins nombreux que les amants de mystère du mal. Dupuis longtemps le mystère du bien aurait été enfoui dans le tombeau, si le Christ n’était pas ressuscité du tombeau et si dans sa personne ressuscitée, il n’avait pas montré tout l’admirable attrait et le charme de sa beauté.
Face à un petit bien se dresse toujours un petit mal. Face au plus grand bien, se dresse le plus grand mal. Contre les faibles athlètes du bien, Satan envoie ses soldats. Contre le Dieu du bien -le Seigneur Jésus Christ- Satan se dresse en personne. (1)
Et cette mobilisation du dieu du mal, de Satan et de toute son armée contre le Christ, prouve que Jésus n’est pas seulement l’homme du bien mais aussi le Dieu du bien. Toute la guerre livrée par Satan au Christ n’a qu’un but : désincarner le Dieu-Homme, chasser Dieu du corps humain, de la matière, afin de dominer totalement sur elle, autrement dit, prouver que le Christ n’est pas Dieu, mais un simple homme impuissant, et détourner ainsi les hommes de la foi en Christ, seul en mesure de vaincre le dieu du mal.
La stratégie de Satan est génialement développée. De tous côtés, Satan attaque le Christ, lutte contre son saint Corps -qui est l’Eglise. Pour combattre le Christ, Satan utilise des hommes aussi divers que nombreux : Hérode, Néron et Arius plus redoutable que Néron. Si Néron a persécuté l’Eglise, de l’extérieur, Arius l’a persécutée de l’intérieur.
Si Néron a tué les disciples du Christ, Arius a tenté de tuer le Christ lui-même. Si Judas avait eu un complice daris son crime, c’eût été certes Arius. En sortant de Judas le déicide, le suicidé, Satan est entré dans Arius. Par Arius comme par nul autre, Satan s’est totalement attaqué au Christ.
L’idée fondamentale d’Arius, c’est que le Christ n’est pas Dieu. Dans son œuvre "Thalée", il dit textuellement : "Le Verbe n’est même pas Dieu Véritable". Par rapport à Dieu le Père, le Verbe n’est pas Dieu ; aussi ne connait-il pas parfaitement le Père, pas plus que sa propre nature. "Le Fils ne connaît pas sa propre nature" (Thalée).
Par rapport aux hommes, le Christ n’est pas plus Dieu, mais seulement "une créature parfaite". C’est par la perfection morale et par l’action de la grâce, que le Christ est ce qu’il est, c’est pourquoi il peut être appelé : "Dieu fort". En rien, et par rapport ä rien, le Christ n’est Dieu véritable. En conséquence, tous ses attributs sont relatifs, relatives sa connaissance, sa volonté, son action. "Comme tous les hommes, le Verbe est par nature altérable" (Thalée). Par rapport au monde, le Verbe est créateur intermédiaire entre Dieu et le monde.
Dieu n’a pas créé directement le monde ; il a tout d’abord créé le Verbe, et celui-ci, à son tour, a créé le monde. Le Verbe est créé avant toute chose : "Le Verbe a été tiré du non-être ; il fut un temps où il n’était pas" (Thalée).
Il était donc naturel que cet enseignement d’Arius soulevât contre lui les VRAIS CONFESSEURS de la Vérité Chrétienne. Aucune persécution, aucune tribulation n’a autant agité l’Eglise comme l’a fait l’arianisme ; il a été la plus grande persécution : Arius chasse Dieu du Christ. C’est l‘horreur la plus terrifiante. Si le Christ n’est pas Dieu -alors homme, que cherches-tu sur cette planète ? Sur quoi donc repose le corps humain, l’âme de l’homme ? Ou bien le Christ est Dieu, ou bien ce monde est une fabrique de fantômes et d’horreurs. Si le Christ n’est pas Dieu, il n’y a pas de salut. Pour défendre le Seigneur Jésus-Christ du blasphème d’Arius, toute l’Eglise s’est mobilisée, s’est assemblée tout entière, en un corps catholique et conciliaire : le Premier Concile Œcuménique (2).
Elle a formulé, contre l’erreur d1Arius, la doctrine apostolique, catholique, orthodoxe ; la conscience apostolique et catholique ; la foi et l’expérience catholiques et apostoliques ; la tradition apostolique et catholique. Le Concile n’a rien inventé de nouveau ; il a simplement exprimé et formulé la foi antique et la doctrine de l’Eglise, conservées saintement par le Saint-Esprit, dans la vie charismatique de l’Eglise (3). La foi catholique et la doctrine de l’Eglise y furent exprimées catholiquement dans le Symbole de la Foi, particulièrement dans le terme plein de force OMOOUSIOS = Consubstantiel. Car au fond, le concept chrétien de la vie, qu’est-il en son essence ? N’est-il pas comme le développement d’un thème musical que sont les dogmes, n’est-ce pas la dogmatique ? Qu’est-ce que la dogmatique si ce n’est l’explicitation du Symbole de la foi ? Et qu’est-ce que le Symbole de la foi ? Rien d’autre que la formule étendue du Baptême :
"Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit". Ces paroles sont sans aucun doute, le développement du terme "CONSUBSTANTTEL"… Le Consubstantiel exprime justement le germe antinomique du concept chrétien de la vie, ce nom unique des Trois Personnes, "« Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit " et non pas "aux Noms de..."
Les Pères pneumatophores ont inventé le terme par lequel ils ont exprimé l’essence du Christianisme. Ils l’ont fait après avoir "reçu le flambeau spirituel du Saint-Esprit" (4). C’est par le Saint-Esprit qu’ils ont découvert le "Mystère de la Théologie" et l’ont "transmis à haute voix à l’Eglise"(5). Le Mystère de la Théologie est le suivant : Christ est vrai Dieu, Consubstantiel à Dieu le Père. C’est pourquoi il est Sauveur, c’est pourquoi il est Rédempteur, c’est pourquoi il est Seigneur.
Les Pères illuminés par Dieu, ont vaincu, par le Saint-Esprit l’esprit impur et souillé d’Arius le démoniaque. Ils ont inflige au tentateur une défaite mortelle, comme leur Seigneur jadis, lors de la tentation au désert.
Qu’est-ce en réalité que l’arianisme, quelles sont ses origines ? Métaphysiquement, l’arianisme prend racine dans le satanisme et psychologiquement dans le rationalisme. L’arianisme, c’est la tentative d’imposer les méthodes et les moyens de la philosophie humaine, comme méthodes et moyens de la connaissance chrétienne (christognose) et divine (théognose), l’intelligence humaine et déchue, comme mesure de l’œuvre théandrique du Christ, opérée dans la grâce, remplacer par les règles (catégories) rationalistes de la logique d’Aristote les lois chrétiennes du Saint-Esprit. Newman a raison quand il dit qu’ "Aristote est l’évêque des Ariens".
Face à Arius qui voulait priver le Dieu-Homme de sa divinité, s’est dressé saint Athanase, cette bouche inspirée et divine du 1er Concile Œcuménique, cette langue de feu du Saint-Esprit ; il a montré et prouvé qu’Arius était un fils du diable et de l’enfer, que chacune de ses pensées était engendrée par Satan.
Arius voulait enfermer dans les limites étroites de son intelligence limitée et bornée, le Dieu infini en Christ. Selon saint Athanase, l’erreur fondamentale des ariens fut de vouloir expliquer la Sainte Ecriture avec "leur propre intelligence" (6), aussi ne la comprirent-ils pas, car, pour saisir ce qui est du Christ, on doit avoir "la pensée du Christ" (I Cor.2, 9). Les ariens mesuraient le Christ d’après eux-mêmes. Par leur nature, ils mesuraient sa nature et le ravalaient au niveau de la nature créée, alors que l’Eglise enseigne, par saint Athanase, qu’il "ne faut pas mesurer la génération de Dieu (du Verbe) par la nature humaine" (7).
La pensée qui nie la divinité du Christ est satanique, si satanique, qu’elle ne peut avoir son principe que dans la pensée de Satan ; c’est à lui, en effet, que les ariens l’ont empruntée ; aussi sont-ils des "amis du diable et de ses démons" (8). Après avoir examiné toutes les hérésies dans leur profondeur, saint Athanase conclut : "L’auteur de toutes les hérésies, c’est le diable" (9). Si dans les diverses hérésies, il y a quelque élément diabolique, l’hérésie d’Arius, elle, est tout entière diabolique, tout entière dans le diable : "Ô hérésie nouvelle, hérésie toute revêtue du diable..."(10). "L’hérésie polycéphale (des ariens) tombe dans le polythéisrne et dans une frénésie sans mesure" (11). En niant le Verbe de Dieu, les ariens devinrent "insensés" (a-logiques) (12). Ils sont "des disciples du diable", et le diable est "leur père" (13).
Arius est l’exécuteur du plan de l’Anti-Christ ; il est le "précurseur de l’Anti-Christ" (14). Christ, le Sauveur, est le parfum de Dieu en ce monde, tandis qu’Arius répand la puanteur de la folie (15).
Saint Athanase souligne que les ariens se placent "aux côtés des païens", parce qu’ "ils servent la créature au lieu du Créateur" (16), en enseignant que le Christ est une créature. Seul le CONSUBSTANTIEL est une sécurité contre les ariens (17).
\Saint Athanase, cet "Œil très saint de l’univers" -comme l’appelle saint Grégoire le Théologien- a vu toute la profondeur de l’horrible horreur des ariens et, avec les saints Peres du 1er Concile Œcuménique, il a sauvé l’Eglise de la catastrophe. Jusqu’au bout, il nous faut progresser avec une logique impitoyable : Si le Christ n’est pas Dieu, il est alors un imposteur, il nous égare quand il dit : "Moi et le Père sommes UN". II nous trompe quand il enseigne : "Celui qui m’a vu a vu le Père" (Jean 14, 9-10, 30). Qu’il me soit permis d’exprimer une pensée atroce : Qui peut dire la Vérité si le Christ ne l’a pas dite ? Tous les hommes ne seraient-ils pas des trompettes, qui annonceraient quelque message trois fois maudit ?
Mais, Jésus-Christ, le Seigneur et Dieu, étant la Vérité infinie, ne peut être démontré par la logique. "Un Dieu qui serait explicable, cesserait d’être Dieu". Cette pensée de saint Athanase est digne d’être notée. L’arianisme voulait comprendre Dieu dans le Christ, le rendre logique ; il s’est scandalisé, il est tombé dans l’hérésie. II s’agit ici du problème gnoséologique : les concepts logiques peuvent-ils servir à la connaissance chrétienne ? -Non ! Cela n’est pas possible répond le Saint-Esprit par la bouche des Saints Pères du Premier Concile Œcuménique. Se laisser conduire par la seule intelligence, dans le dogme de la foi, c’est une chute, c’est un scandale dont le résultat est l’hérésie.
Car comment est-il possible d’enfermer dans la coquille d’une noix, c’est-à-dire l’intelligence humaine, Celui qui est incontenable ? Comment expliquer Celui qui est inexprimable ? Comment saisir Celui qui est insaisissable ? Comment comprendre Celui qui est incompréhensible ? II ne suffit pas d’invoquer la Sainte Ecriture, le diable le fait aussi, d’autant plus qu’il se trouve dans une grande indigence, surtout quand il tente le Seigneur au désert (Matt.4, 6). L’arianisme c’est le paganisme ressuscité parce qu’il réduit le Christ, le Dieu-Homme, à un demi-dieu.
Dans le miroir de la pensée humaine brisée par le péché, Dieu apparaît morcelé. Comment l’homme, avec sa pensée brisée, peut-il mesurer le Christ qui est l’infini ? Nous connaissons par la foi, par la foi nous marchons, par la foi nous vivons (2 Corinthiens 1, 24 ; 5, 7 ; Galates 2, 20 ; Romains l, 17). Comment en moi, trouver et connaitre Dieu en Christ, si ce n’est par la foi ? Infiniment juste est la parole de saint Athanase, qui dit que pour examiner les Saintes Ecritures et la véritable connaissance du Christ -Christognosie-, il "faut une vie droite, une âme sans souillure, la vertu chrétienne, une pensée pure, l’imitation des saints" (18). Nier la divinité du Christ, c’est un blasphème contre le Saint Esprit, c’est une injure à l’essence divine (19).
Vouloir, avec son intelligence déchue, connaître Dieu et l’expliquer, c’est la démarche d’une conscience prostituée. Les saints Pères, comme la sainte Eglise du Christ savent cela. Aussi, Arius fut retranché de l’Eglise comme un membre incurable : "Arius ingrat envers la foi orthodoxe, fut par le suffrage des pères, retranché de l’Eglise, comme membre pourri..."(20). Et les saints Pères, la pensée transfigurée par les vertus du Saint Esprit, et unis par la grâce, à l’esprit catholique et saint de l’Eglise du Christ, sont devenus des "trompettes de l’Esprit", par elles, le Saint Esprit proclame le "Mystère de la Théologie" (21), le mystère de l’Hypostase du Christ Dieu-Homme.
L’arianisme n’est pas enseveli. Aujourd’hui, plus que jamais, il est répandu et à la mode. II s’est étalé comme une âme sur le corps de l’Europe contemporaine. Si vous examinez la culture européenne, vous y trouverez caché, dans son fond, l’arianisme. Tout est limité à l’homme, au seul homme. Le Christ, le Dieu-Homme, a été réduit aux cadres de l’homme. Avec le levain de l’arianisme, on a pétri la philosophie de l’Europe, sa science, sa civilisation et, en partie, sa religion. Partout, et systématiquement, le Christ est rabaissé au niveau de l’homme ; le Dieu-Homme est sans cesse séparé de sa chair, l’œuvre d’Arius se perpétue. "La religion aux limites de la raison pure" de Kant, n’est rien de nouveau ; elle est une présentation nouvelle de l’arianisme.
Si nous mesurons le Christ avec le mètre de Kant, qu’obtiendrions-nous ? Nous aurons un Christ homme, un Christ sage, mais jamais le Christ Dieu-Homme. Si avec le critère de Bergson, nous jugeons le Christ, nous aurons quelque chose, comme un peu plus qu’un simple homme. Ainsi donc, que ce soit le premier critère ou le second, ou encore tous les critères de toutes les philosophies humaines, tous, font du Christ Dieu-Homme un homme. Les Schokin, les Slayermayer, sont de fidèles disciples d’Arius, quand ils désincarnent le Dieu Incarné. Le papisme, avec sa morale, est très arien ; sait-il quelle métaphysique se cache derrière sa terrible morale ? Tous ceux-ci, ensemble, ont réussi à empoisonner les masses de l’Europe, avec un vulgaire arianisme. Qui ne connait pas cet arianisme vulgaire de nos intellectuels ? On les entend souvent dire : le Christ est un Grand Homme, un Sage, le plus grand des philosophes, mais jamais qu’il est Dieu.
Mais, direz-vous, d’où vient, de nos jours, tout cet arianisme ? -De ce que l’homme contemporain est devenu la mesure de toute chose. Mesurant tout par lui-même, l’homme européen rejette tout ce qui dépasse l’homme, tout ce qui est plus grand que l’homme. Sa mesure rétrécie, sert à mesurer et à réduire aux limites de l’homme le Dieu-Homme. Le joug du péché étreint la pensée orgueilleuse de l’homme. L’homme refuse de voir et de reconnaître une réalité qui le dépasse. Le combat surhumain de la foi en Christ, le Dieu-Homme, brise ce joug et ouvre la pensée aux réalités infinies. Le Premier Concile Œcuménique, a défini une fois pour toutes, le rôle de la pensée, dans l’explication de la personne du Christ Dieu-Homme. Ce rôle est l’obéissance. C’est la foi qui conduit au christianisme ; la pensée doit se laisser conduire. La connaissance est le produit de la foi qui agit dans l’amour, qui œuvre en espérance.
Le relativisme européen, qui règne de nos jours, suit de prés l’arianisme. Le relativisme métaphysique a engendré le relativisme moral. Rien n’est absolu, rien n’est transcendant au monde ou à l’homme, dans le monde ou dans l’homme, ou encore autour du monde ou de l’homme. De ce nouveau relativisme, comme de l’ancien relativisme arien, seule nous sauve la foi en la divino-humanité du Sauveur, en sa consubstantialité avec son Père. Ce terme merveilleux de CONSUBSTANTIEL est notre salut.
Eprouve ta foi et contrôle-là avec le symbole de la foi. Si ta foi n’est pas absolument conforme au Credo -tu es hérétique. Si tu rejettes le CONSUBSTANTIEL, tu n’es pas du Christ mais de l’Anti-Christ, tu es de Judas, parce que l’Eglise a appelé Arius "Second Judas" (22). En fêtant le 1600ème anniversaire du Premier Concile Œcuménique, l’Eglise Orthodoxe célèbre la victoire de la foi catholique sur la pensée orgueilleuse et individuelle : la victoire du Dieu-Homme sur l’homme (23). Si extérieurement, comme le caméléon, l’arianisme change, il n’en demeure pas moins et pour toujours le même en son essence. Mais l’Eglise Orthodoxe ne change pas sa foi ni sa manière de lutter contre l’arianisme. Comme elle a vaincu l’ancien arianisme, de même elle vaincra chaque arianisme et l’arianisme contemporain de l’Europe y compris. Elle les vaincra par sa foi apostolique, sainte et catholique, armée de la panoplie des saints Pères que Dieu nous a donnée : la Catholicité. La Catholicité est l’arme invincible du Christ. Là où la Catholicité fait défaut, la victoire contre l’arianisme est impossible. Le catholicisme romain (le papisme) a perdu cette "Catholicité", il l’a désertée pour la méthodologie arienne.
L’Orthodoxie appartient au Christ, parce qu’elle est apostoliquement sainte et patristiquement catholique. Renier les principes de la Catholicité, dans la recherche des solutions, des problèmes de l’Eglise, c’est s’éloigner de la voie du Christ qui mène, par la Vérité, à la vie éternelle. L’homme orthodoxe se "catholicise" dans la grâce, par la pratique des ascèses et des mystères orthodoxes. II "catholicise" son cœur, quand dans la prière "avec tous les saints" (Eph.3, 18), il se plonge dans la douce éternité de l’amour du Christ. II "catholicise" sa pensée, quand il remplace l’orgueil par l’humilité. II "catholicise" sa volonte, quand il chasse par l’amour en Christ son amour propre. II "catholicise" ses pensées, quand il les baptise dans les eaux limpides de l’éternité et de la divino-humanité du Christ. II "catholicise" son esprit quand il le plonge dans les abîmes du Saint Esprit, II "catholicise" sa personnalité, en s’incorporant, tout entier, au Saint Corps du Christ, en devenant tout entier un même corps avec le Christ, en devenant tout entier "Eglise", en devenant tout entier ORTHODOXE. Voilà la voie qui mène à la Catholicité apostolique, Sainte, Patristique, l’UNIQUE VOIE. II n’en existe pas d’autre.
NOTES
Cet article est traduit d’après le texte grec ; Athènes, Astir, 1969 : Anthropos et Theanthropos. Une première publication de ce texte est parue des 1970 dans la "Catéchèse Orthodoxe".
(1) – Mattieu 4,1-11 et Luc 4,1-14, sur la tentation de Jésus par le diable au désert.
(2) – Convoqué et présidé par l’Empereur saint Constantin le Grand, en 325 à Nicée, en Asie Mineure. Dans la même ville s’est également tenu, en 787 le VIIème Concile Œcuménique qui condamna les iconoclastes.
(3) - Magnifique et claire définition de ce qu’est un Concile Œcuménique. Ceux qui de nos jours, veulent à tout prix en réunir un, en remettent chaque jour la convocation, faute de causes qu’ils cherchent en vain. II y a bien la pan-hérésie de l’Œcuménisme, mais... ce serait se condamner eux-mêmes.
(4) – Stichère des Laudes du Dimanche des Pères.
(5) - Doxastikon des Laudes du Dimanche des Pères.
(6) - Saint Athanase, Contre Arius, 1, 37.
(7) - Id. 1, 26.
(8) - Epist. aux évêques d’Egypte et de Lybie, 5.
(9) – Contre Arius 1, 8.
(10) - Aux Moines, 66,1.
(11) – Contre Arius 3, 64.
(12) - Cf. Du Concile de Nicée, 2, 1, etc.
(13) – Id. 27.
(14) – Contre Arius 1, 1.
(15) – Contre Arius 1, 8.
(16) – Contre Arius 3, 16.
(17) - Cf. Du Concile de Nicée, 20 et ailleurs.
(18) – De l’Incarnation du Verbe, 57.
(19) – Epître à Sérapion.
(20) - Dim. des Pères. Canon, ode 4.
(21) - Idem Doxastikon des Laudes.
(22) - Cf. Stichères des Vêpres du Dim. Des Pères.
(23) – L’article ci-dessus a été écrit à l’occasion de ce 1600ème anniversaire du Concile de Nicée.
DE L’ARIANISME D’ARIUS
AU NEO-ARIANISME CONTEMPORAIN
Le mystère du mal n’est pas plus petit que le mystère du bien. Le mystère du premier est, très souvent, plus attrayant que le mystère du second. L’homme aime ce qui est mystérieux, sous n’Importe quelle forme Dans le monde, il n’y a rien que l’homme puisse entièrement expliquer et dire : voici une chose qui n’a rien de secret, de mystérieux. Dans chaque phénomène du monde, dans chaque chose de l’univers, il y a je ne sais quoi, que l’homme ne peut enfermer dans la cage de son intelligence. II n’existe pas de laboratoire chimique ou alchimique où l’on puisse faire bouillir le monde pour en extraire tous les mystères. Sous la pesante cloche bleue, que l’on appelle ciel, qui recouvre notre terre, il n’y a rien de simple, rien qui ne soit mystérieux. Quel que soit l’angle sous lequel on le regarde, le monde nous apparaît comme un point d’interrogation.
Le mystère du bien et le mystère du mal luttent l’un contre l’autre dans le monde et en l‘homme en particulier. Si le Seigneur, l’Ami de l‘homme, ne veillait pas sur l’équilibre du monde, depuis longtemps celui-ci serait tombé dans le chaos.
Le mystère du mal est d’un attrait subtil. II envoûte amoureusement l’homme et l‘homme se livre avec enthousiasme, en holocauste, jusqu’au sacrifice, à ce grand et redoutable amour. Le mystère du bien est humble et doux, outragé et méprisé sur la terre. C’est pourquoi les amants du mystère du bien sont beaucoup moins nombreux que les amants de mystère du mal. Dupuis longtemps le mystère du bien aurait été enfoui dans le tombeau, si le Christ n’était pas ressuscité du tombeau et si dans sa personne ressuscitée, il n’avait pas montré tout l’admirable attrait et le charme de sa beauté.
Face à un petit bien se dresse toujours un petit mal. Face au plus grand bien, se dresse le plus grand mal. Contre les faibles athlètes du bien, Satan envoie ses soldats. Contre le Dieu du bien -le Seigneur Jésus Christ- Satan se dresse en personne. (1)
Et cette mobilisation du dieu du mal, de Satan et de toute son armée contre le Christ, prouve que Jésus n’est pas seulement l’homme du bien mais aussi le Dieu du bien. Toute la guerre livrée par Satan au Christ n’a qu’un but : désincarner le Dieu-Homme, chasser Dieu du corps humain, de la matière, afin de dominer totalement sur elle, autrement dit, prouver que le Christ n’est pas Dieu, mais un simple homme impuissant, et détourner ainsi les hommes de la foi en Christ, seul en mesure de vaincre le dieu du mal.
La stratégie de Satan est génialement développée. De tous côtés, Satan attaque le Christ, lutte contre son saint Corps -qui est l’Eglise. Pour combattre le Christ, Satan utilise des hommes aussi divers que nombreux : Hérode, Néron et Arius plus redoutable que Néron. Si Néron a persécuté l’Eglise, de l’extérieur, Arius l’a persécutée de l’intérieur.
Si Néron a tué les disciples du Christ, Arius a tenté de tuer le Christ lui-même. Si Judas avait eu un complice daris son crime, c’eût été certes Arius. En sortant de Judas le déicide, le suicidé, Satan est entré dans Arius. Par Arius comme par nul autre, Satan s’est totalement attaqué au Christ.
L’idée fondamentale d’Arius, c’est que le Christ n’est pas Dieu. Dans son œuvre "Thalée", il dit textuellement : "Le Verbe n’est même pas Dieu Véritable". Par rapport à Dieu le Père, le Verbe n’est pas Dieu ; aussi ne connait-il pas parfaitement le Père, pas plus que sa propre nature. "Le Fils ne connaît pas sa propre nature" (Thalée).
Par rapport aux hommes, le Christ n’est pas plus Dieu, mais seulement "une créature parfaite". C’est par la perfection morale et par l’action de la grâce, que le Christ est ce qu’il est, c’est pourquoi il peut être appelé : "Dieu fort". En rien, et par rapport ä rien, le Christ n’est Dieu véritable. En conséquence, tous ses attributs sont relatifs, relatives sa connaissance, sa volonté, son action. "Comme tous les hommes, le Verbe est par nature altérable" (Thalée). Par rapport au monde, le Verbe est créateur intermédiaire entre Dieu et le monde.
Dieu n’a pas créé directement le monde ; il a tout d’abord créé le Verbe, et celui-ci, à son tour, a créé le monde. Le Verbe est créé avant toute chose : "Le Verbe a été tiré du non-être ; il fut un temps où il n’était pas" (Thalée).
Il était donc naturel que cet enseignement d’Arius soulevât contre lui les VRAIS CONFESSEURS de la Vérité Chrétienne. Aucune persécution, aucune tribulation n’a autant agité l’Eglise comme l’a fait l’arianisme ; il a été la plus grande persécution : Arius chasse Dieu du Christ. C’est l‘horreur la plus terrifiante. Si le Christ n’est pas Dieu -alors homme, que cherches-tu sur cette planète ? Sur quoi donc repose le corps humain, l’âme de l’homme ? Ou bien le Christ est Dieu, ou bien ce monde est une fabrique de fantômes et d’horreurs. Si le Christ n’est pas Dieu, il n’y a pas de salut. Pour défendre le Seigneur Jésus-Christ du blasphème d’Arius, toute l’Eglise s’est mobilisée, s’est assemblée tout entière, en un corps catholique et conciliaire : le Premier Concile Œcuménique (2).
Elle a formulé, contre l’erreur d1Arius, la doctrine apostolique, catholique, orthodoxe ; la conscience apostolique et catholique ; la foi et l’expérience catholiques et apostoliques ; la tradition apostolique et catholique. Le Concile n’a rien inventé de nouveau ; il a simplement exprimé et formulé la foi antique et la doctrine de l’Eglise, conservées saintement par le Saint-Esprit, dans la vie charismatique de l’Eglise (3). La foi catholique et la doctrine de l’Eglise y furent exprimées catholiquement dans le Symbole de la Foi, particulièrement dans le terme plein de force OMOOUSIOS = Consubstantiel. Car au fond, le concept chrétien de la vie, qu’est-il en son essence ? N’est-il pas comme le développement d’un thème musical que sont les dogmes, n’est-ce pas la dogmatique ? Qu’est-ce que la dogmatique si ce n’est l’explicitation du Symbole de la foi ? Et qu’est-ce que le Symbole de la foi ? Rien d’autre que la formule étendue du Baptême :
"Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit". Ces paroles sont sans aucun doute, le développement du terme "CONSUBSTANTTEL"… Le Consubstantiel exprime justement le germe antinomique du concept chrétien de la vie, ce nom unique des Trois Personnes, "« Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit " et non pas "aux Noms de..."
Les Pères pneumatophores ont inventé le terme par lequel ils ont exprimé l’essence du Christianisme. Ils l’ont fait après avoir "reçu le flambeau spirituel du Saint-Esprit" (4). C’est par le Saint-Esprit qu’ils ont découvert le "Mystère de la Théologie" et l’ont "transmis à haute voix à l’Eglise"(5). Le Mystère de la Théologie est le suivant : Christ est vrai Dieu, Consubstantiel à Dieu le Père. C’est pourquoi il est Sauveur, c’est pourquoi il est Rédempteur, c’est pourquoi il est Seigneur.
Les Pères illuminés par Dieu, ont vaincu, par le Saint-Esprit l’esprit impur et souillé d’Arius le démoniaque. Ils ont inflige au tentateur une défaite mortelle, comme leur Seigneur jadis, lors de la tentation au désert.
Qu’est-ce en réalité que l’arianisme, quelles sont ses origines ? Métaphysiquement, l’arianisme prend racine dans le satanisme et psychologiquement dans le rationalisme. L’arianisme, c’est la tentative d’imposer les méthodes et les moyens de la philosophie humaine, comme méthodes et moyens de la connaissance chrétienne (christognose) et divine (théognose), l’intelligence humaine et déchue, comme mesure de l’œuvre théandrique du Christ, opérée dans la grâce, remplacer par les règles (catégories) rationalistes de la logique d’Aristote les lois chrétiennes du Saint-Esprit. Newman a raison quand il dit qu’ "Aristote est l’évêque des Ariens".
Face à Arius qui voulait priver le Dieu-Homme de sa divinité, s’est dressé saint Athanase, cette bouche inspirée et divine du 1er Concile Œcuménique, cette langue de feu du Saint-Esprit ; il a montré et prouvé qu’Arius était un fils du diable et de l’enfer, que chacune de ses pensées était engendrée par Satan.
Arius voulait enfermer dans les limites étroites de son intelligence limitée et bornée, le Dieu infini en Christ. Selon saint Athanase, l’erreur fondamentale des ariens fut de vouloir expliquer la Sainte Ecriture avec "leur propre intelligence" (6), aussi ne la comprirent-ils pas, car, pour saisir ce qui est du Christ, on doit avoir "la pensée du Christ" (I Cor.2, 9). Les ariens mesuraient le Christ d’après eux-mêmes. Par leur nature, ils mesuraient sa nature et le ravalaient au niveau de la nature créée, alors que l’Eglise enseigne, par saint Athanase, qu’il "ne faut pas mesurer la génération de Dieu (du Verbe) par la nature humaine" (7).
La pensée qui nie la divinité du Christ est satanique, si satanique, qu’elle ne peut avoir son principe que dans la pensée de Satan ; c’est à lui, en effet, que les ariens l’ont empruntée ; aussi sont-ils des "amis du diable et de ses démons" (8). Après avoir examiné toutes les hérésies dans leur profondeur, saint Athanase conclut : "L’auteur de toutes les hérésies, c’est le diable" (9). Si dans les diverses hérésies, il y a quelque élément diabolique, l’hérésie d’Arius, elle, est tout entière diabolique, tout entière dans le diable : "Ô hérésie nouvelle, hérésie toute revêtue du diable..."(10). "L’hérésie polycéphale (des ariens) tombe dans le polythéisrne et dans une frénésie sans mesure" (11). En niant le Verbe de Dieu, les ariens devinrent "insensés" (a-logiques) (12). Ils sont "des disciples du diable", et le diable est "leur père" (13).
Arius est l’exécuteur du plan de l’Anti-Christ ; il est le "précurseur de l’Anti-Christ" (14). Christ, le Sauveur, est le parfum de Dieu en ce monde, tandis qu’Arius répand la puanteur de la folie (15).
Saint Athanase souligne que les ariens se placent "aux côtés des païens", parce qu’ "ils servent la créature au lieu du Créateur" (16), en enseignant que le Christ est une créature. Seul le CONSUBSTANTIEL est une sécurité contre les ariens (17).
\Saint Athanase, cet "Œil très saint de l’univers" -comme l’appelle saint Grégoire le Théologien- a vu toute la profondeur de l’horrible horreur des ariens et, avec les saints Peres du 1er Concile Œcuménique, il a sauvé l’Eglise de la catastrophe. Jusqu’au bout, il nous faut progresser avec une logique impitoyable : Si le Christ n’est pas Dieu, il est alors un imposteur, il nous égare quand il dit : "Moi et le Père sommes UN". II nous trompe quand il enseigne : "Celui qui m’a vu a vu le Père" (Jean 14, 9-10, 30). Qu’il me soit permis d’exprimer une pensée atroce : Qui peut dire la Vérité si le Christ ne l’a pas dite ? Tous les hommes ne seraient-ils pas des trompettes, qui annonceraient quelque message trois fois maudit ?
Mais, Jésus-Christ, le Seigneur et Dieu, étant la Vérité infinie, ne peut être démontré par la logique. "Un Dieu qui serait explicable, cesserait d’être Dieu". Cette pensée de saint Athanase est digne d’être notée. L’arianisme voulait comprendre Dieu dans le Christ, le rendre logique ; il s’est scandalisé, il est tombé dans l’hérésie. II s’agit ici du problème gnoséologique : les concepts logiques peuvent-ils servir à la connaissance chrétienne ? -Non ! Cela n’est pas possible répond le Saint-Esprit par la bouche des Saints Pères du Premier Concile Œcuménique. Se laisser conduire par la seule intelligence, dans le dogme de la foi, c’est une chute, c’est un scandale dont le résultat est l’hérésie.
Car comment est-il possible d’enfermer dans la coquille d’une noix, c’est-à-dire l’intelligence humaine, Celui qui est incontenable ? Comment expliquer Celui qui est inexprimable ? Comment saisir Celui qui est insaisissable ? Comment comprendre Celui qui est incompréhensible ? II ne suffit pas d’invoquer la Sainte Ecriture, le diable le fait aussi, d’autant plus qu’il se trouve dans une grande indigence, surtout quand il tente le Seigneur au désert (Matt.4, 6). L’arianisme c’est le paganisme ressuscité parce qu’il réduit le Christ, le Dieu-Homme, à un demi-dieu.
Dans le miroir de la pensée humaine brisée par le péché, Dieu apparaît morcelé. Comment l’homme, avec sa pensée brisée, peut-il mesurer le Christ qui est l’infini ? Nous connaissons par la foi, par la foi nous marchons, par la foi nous vivons (2 Corinthiens 1, 24 ; 5, 7 ; Galates 2, 20 ; Romains l, 17). Comment en moi, trouver et connaitre Dieu en Christ, si ce n’est par la foi ? Infiniment juste est la parole de saint Athanase, qui dit que pour examiner les Saintes Ecritures et la véritable connaissance du Christ -Christognosie-, il "faut une vie droite, une âme sans souillure, la vertu chrétienne, une pensée pure, l’imitation des saints" (18). Nier la divinité du Christ, c’est un blasphème contre le Saint Esprit, c’est une injure à l’essence divine (19).
Vouloir, avec son intelligence déchue, connaître Dieu et l’expliquer, c’est la démarche d’une conscience prostituée. Les saints Pères, comme la sainte Eglise du Christ savent cela. Aussi, Arius fut retranché de l’Eglise comme un membre incurable : "Arius ingrat envers la foi orthodoxe, fut par le suffrage des pères, retranché de l’Eglise, comme membre pourri..."(20). Et les saints Pères, la pensée transfigurée par les vertus du Saint Esprit, et unis par la grâce, à l’esprit catholique et saint de l’Eglise du Christ, sont devenus des "trompettes de l’Esprit", par elles, le Saint Esprit proclame le "Mystère de la Théologie" (21), le mystère de l’Hypostase du Christ Dieu-Homme.
L’arianisme n’est pas enseveli. Aujourd’hui, plus que jamais, il est répandu et à la mode. II s’est étalé comme une âme sur le corps de l’Europe contemporaine. Si vous examinez la culture européenne, vous y trouverez caché, dans son fond, l’arianisme. Tout est limité à l’homme, au seul homme. Le Christ, le Dieu-Homme, a été réduit aux cadres de l’homme. Avec le levain de l’arianisme, on a pétri la philosophie de l’Europe, sa science, sa civilisation et, en partie, sa religion. Partout, et systématiquement, le Christ est rabaissé au niveau de l’homme ; le Dieu-Homme est sans cesse séparé de sa chair, l’œuvre d’Arius se perpétue. "La religion aux limites de la raison pure" de Kant, n’est rien de nouveau ; elle est une présentation nouvelle de l’arianisme.
Si nous mesurons le Christ avec le mètre de Kant, qu’obtiendrions-nous ? Nous aurons un Christ homme, un Christ sage, mais jamais le Christ Dieu-Homme. Si avec le critère de Bergson, nous jugeons le Christ, nous aurons quelque chose, comme un peu plus qu’un simple homme. Ainsi donc, que ce soit le premier critère ou le second, ou encore tous les critères de toutes les philosophies humaines, tous, font du Christ Dieu-Homme un homme. Les Schokin, les Slayermayer, sont de fidèles disciples d’Arius, quand ils désincarnent le Dieu Incarné. Le papisme, avec sa morale, est très arien ; sait-il quelle métaphysique se cache derrière sa terrible morale ? Tous ceux-ci, ensemble, ont réussi à empoisonner les masses de l’Europe, avec un vulgaire arianisme. Qui ne connait pas cet arianisme vulgaire de nos intellectuels ? On les entend souvent dire : le Christ est un Grand Homme, un Sage, le plus grand des philosophes, mais jamais qu’il est Dieu.
Mais, direz-vous, d’où vient, de nos jours, tout cet arianisme ? -De ce que l’homme contemporain est devenu la mesure de toute chose. Mesurant tout par lui-même, l’homme européen rejette tout ce qui dépasse l’homme, tout ce qui est plus grand que l’homme. Sa mesure rétrécie, sert à mesurer et à réduire aux limites de l’homme le Dieu-Homme. Le joug du péché étreint la pensée orgueilleuse de l’homme. L’homme refuse de voir et de reconnaître une réalité qui le dépasse. Le combat surhumain de la foi en Christ, le Dieu-Homme, brise ce joug et ouvre la pensée aux réalités infinies. Le Premier Concile Œcuménique, a défini une fois pour toutes, le rôle de la pensée, dans l’explication de la personne du Christ Dieu-Homme. Ce rôle est l’obéissance. C’est la foi qui conduit au christianisme ; la pensée doit se laisser conduire. La connaissance est le produit de la foi qui agit dans l’amour, qui œuvre en espérance.
Le relativisme européen, qui règne de nos jours, suit de prés l’arianisme. Le relativisme métaphysique a engendré le relativisme moral. Rien n’est absolu, rien n’est transcendant au monde ou à l’homme, dans le monde ou dans l’homme, ou encore autour du monde ou de l’homme. De ce nouveau relativisme, comme de l’ancien relativisme arien, seule nous sauve la foi en la divino-humanité du Sauveur, en sa consubstantialité avec son Père. Ce terme merveilleux de CONSUBSTANTIEL est notre salut.
Eprouve ta foi et contrôle-là avec le symbole de la foi. Si ta foi n’est pas absolument conforme au Credo -tu es hérétique. Si tu rejettes le CONSUBSTANTIEL, tu n’es pas du Christ mais de l’Anti-Christ, tu es de Judas, parce que l’Eglise a appelé Arius "Second Judas" (22). En fêtant le 1600ème anniversaire du Premier Concile Œcuménique, l’Eglise Orthodoxe célèbre la victoire de la foi catholique sur la pensée orgueilleuse et individuelle : la victoire du Dieu-Homme sur l’homme (23). Si extérieurement, comme le caméléon, l’arianisme change, il n’en demeure pas moins et pour toujours le même en son essence. Mais l’Eglise Orthodoxe ne change pas sa foi ni sa manière de lutter contre l’arianisme. Comme elle a vaincu l’ancien arianisme, de même elle vaincra chaque arianisme et l’arianisme contemporain de l’Europe y compris. Elle les vaincra par sa foi apostolique, sainte et catholique, armée de la panoplie des saints Pères que Dieu nous a donnée : la Catholicité. La Catholicité est l’arme invincible du Christ. Là où la Catholicité fait défaut, la victoire contre l’arianisme est impossible. Le catholicisme romain (le papisme) a perdu cette "Catholicité", il l’a désertée pour la méthodologie arienne.
L’Orthodoxie appartient au Christ, parce qu’elle est apostoliquement sainte et patristiquement catholique. Renier les principes de la Catholicité, dans la recherche des solutions, des problèmes de l’Eglise, c’est s’éloigner de la voie du Christ qui mène, par la Vérité, à la vie éternelle. L’homme orthodoxe se "catholicise" dans la grâce, par la pratique des ascèses et des mystères orthodoxes. II "catholicise" son cœur, quand dans la prière "avec tous les saints" (Eph.3, 18), il se plonge dans la douce éternité de l’amour du Christ. II "catholicise" sa pensée, quand il remplace l’orgueil par l’humilité. II "catholicise" sa volonte, quand il chasse par l’amour en Christ son amour propre. II "catholicise" ses pensées, quand il les baptise dans les eaux limpides de l’éternité et de la divino-humanité du Christ. II "catholicise" son esprit quand il le plonge dans les abîmes du Saint Esprit, II "catholicise" sa personnalité, en s’incorporant, tout entier, au Saint Corps du Christ, en devenant tout entier un même corps avec le Christ, en devenant tout entier "Eglise", en devenant tout entier ORTHODOXE. Voilà la voie qui mène à la Catholicité apostolique, Sainte, Patristique, l’UNIQUE VOIE. II n’en existe pas d’autre.
NOTES
Cet article est traduit d’après le texte grec ; Athènes, Astir, 1969 : Anthropos et Theanthropos. Une première publication de ce texte est parue des 1970 dans la "Catéchèse Orthodoxe".
(1) – Mattieu 4,1-11 et Luc 4,1-14, sur la tentation de Jésus par le diable au désert.
(2) – Convoqué et présidé par l’Empereur saint Constantin le Grand, en 325 à Nicée, en Asie Mineure. Dans la même ville s’est également tenu, en 787 le VIIème Concile Œcuménique qui condamna les iconoclastes.
(3) - Magnifique et claire définition de ce qu’est un Concile Œcuménique. Ceux qui de nos jours, veulent à tout prix en réunir un, en remettent chaque jour la convocation, faute de causes qu’ils cherchent en vain. II y a bien la pan-hérésie de l’Œcuménisme, mais... ce serait se condamner eux-mêmes.
(4) – Stichère des Laudes du Dimanche des Pères.
(5) - Doxastikon des Laudes du Dimanche des Pères.
(6) - Saint Athanase, Contre Arius, 1, 37.
(7) - Id. 1, 26.
(8) - Epist. aux évêques d’Egypte et de Lybie, 5.
(9) – Contre Arius 1, 8.
(10) - Aux Moines, 66,1.
(11) – Contre Arius 3, 64.
(12) - Cf. Du Concile de Nicée, 2, 1, etc.
(13) – Id. 27.
(14) – Contre Arius 1, 1.
(15) – Contre Arius 1, 8.
(16) – Contre Arius 3, 16.
(17) - Cf. Du Concile de Nicée, 20 et ailleurs.
(18) – De l’Incarnation du Verbe, 57.
(19) – Epître à Sérapion.
(20) - Dim. des Pères. Canon, ode 4.
(21) - Idem Doxastikon des Laudes.
(22) - Cf. Stichères des Vêpres du Dim. Des Pères.
(23) – L’article ci-dessus a été écrit à l’occasion de ce 1600ème anniversaire du Concile de Nicée.
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