dimanche 2 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°7. Centenaire du Monastère de Lesna.

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Le centenaire du monastère
de
Lesna

Le monastère de Lesna devrait être le lieu de pèlerinage naturel des Orthodoxes de France. Image parfaite de la Sainte Russie, sa vocation propre a été, dès sa fondation, de témoigner de la foi orthodoxe, là où, pendant des siècles, elle s’était obscurcie et effacée.

Dès l’origine cette destinée a été prophétique, préfigurant la vocation spirituelle de l’émigration russe authentique : la confession de la vraie foi apostolique dans le monde entier. C’est, en effet, au coeur de la Russie polonaise, où la piété orthodoxe avait été méthodiquement persécutée et exterminée pendant deux siècles que fut fondé, en 1885, le saint Monastère de Lesna dans le district de Constantinov.

L’actuelle Higoumène, la Mère Madeleine, nous a dit que c’est à la bénédiction du Staretz Ambroise d’Optino et à celle de saint Jean de Kronstadt que le monastère doit d’avoir subsisté jusqu’à nos jours. Le Père Jean de Kronstadt en particulier, prophétisa qu’il deviendrait une grande Laure et qu’il serait semblable à une ruche d’où sortiraient des essaims, et en effet, si grande fut la prière et la bénédiction de ces êtres sanctifiés, Ambroise d’Optino et Jean de Kronstadt, que sortirent bien des essaims en vérité de Lesna : des monastères s’établirent à Kranostok, à Virov, à Téoline, à Radetchnitsa, à Zodoulentsi et à Korets, dans des lieux où la vie monastique orthodoxe avait depuis longtemps disparu.

De même en Yougoslavie, les moniales de Lesna, chassées par la Révolution, s’installèrent dans une région pauvre en monastères après la longue domination turque. Là aussi, à la grande joie du pieux roi Alexandre, Lesna établi à Hopovo fut une ruche d’où sortirent des essaims, puisqu’aujourd’hui les monastères serbes d’Hopovo et de Kuvezdin reconnaissent lui avoir emprunté leur règle.

Désormais, pour le plus grand bien spirituel de notre pays, la cellule-mère de Lesna s’est établie à Provémont près du village d’Etrépagny, autour de l’icône miraculeuse qui a tant de fois été, pour les moniales, ce que fut la rosée céleste pour les trois adolescents dans la fournaise.

L’ICONE MIRACULEUSE DE LESNA

L’origine lointaine du monastère est la découverte d’une icône miraculeuse de la Mère de Dieu par un berger du village de Lesna - Alexandre Stelmastchiouk - le 14 septembre 1683 à midi. Parti à la recherche de quelques bêtes de son troupeau Alexandre s’enfonça dans les bois et là, sur les branches d’un poirier, il vit l’icône de la Mère de Dieu, baignant de la lumière divine de la Grâce incréé. Il s’agenouilla pour prier devant l’icône, mais, comme les Apôtres le jour de la Transfiguration, devant la gloire divine il fut pris de crainte.

Il s’enfuit et, avec un autre berger venu constater le miracle, Miron Makarouk, ils avertirent le prêtre du village qui transporta l’icône dans la maison de Miron, puis dans l’église orthodoxe de Boukovitchi. Cette église devint un lieu de pèlerinage pour les fidèles orthodoxes qui venaient parfois de très loin. La grâce de Dieu y fit de nombreux miracles dont on peut lire le récit dans le livre de l’archiprêtre Nicolas Strachevitch.

Nous avons retenu quelques témoignages, en particulier celui d’Ivan Domanski : '' En 1693, mon enfant tomba gravement malade. Une tumeur si horrible apparut sur son visage que l’enfant n’était plus reconnaissable. Nous décidâmes alors de mener l’enfant à l’icône de Lesna. Sur la route, alors que nous traversions le barrage, l’enfant faillit mourir. Sur le chemin du retour vers Borzilovka la tumeur quitta le visage de l’enfant, la substance cessa de couler de ses yeux, et, trois jours après, l’enfant était complètement guéri". Une autre fois une demoiselle Levkov, qui était aveugle depuis sept ans et que les médecins ne pouvaient guérir, alla demander de l’aide à l’icône de Lesna. Sa prière fut entendue : à l’instant même et en présence d’une grande foule elle retrouva la vue.

De même Martin Olchevski ne pouvait plus marcher sans béquilles et son cas était jugé désespéré, il se rendit à Lesna et, devant l’icône, il put abandonner ses béquilles et rentra chez lui en louant la Très Sainte Mère de Dieu. Ces miracles ne furent pas sans exciter la jalousie du diable et des prêtres latins envieux qui prirent de force l’icône au prêtre orthodoxe de Boukovitchi ; Ils la placèrent dans la chapelle uniate de Lesna. Au XVIIIème siècle l’ordre catholique des Pauliniens édifia une grande église à Lesna où l’on plaça l’icône miraculeuse. Ce n’est qu’en 1863 que Notre Dame de Lesna fut rendue aux orthodoxes parce que les Pauliniens avaient participé à la rébellion polonaise. L’église de Lesna devint orthodoxe et fut en grande partie reconstruite. En 1881 l’archevêque de Varsovie Monseigneur Léonty vint la consacrer. Lors de la bénédiction des pains à la Litie, il prononça ces paroles inspirées : "Multiplie-les, dans ce saint monastère'' au lieu de : "dans cette sainte église". Ces mots prophétisaient la fondation du monastère à cet endroit que Monseigneur Léonty eut la joie de venir consacrer lui-même en 1885.

LA TRADITION DE SAINT BASILE LE GRAND

La première Higoumène du monastère - dans le monde Eugénie B. Efimovski - revêtit à 35 ans l’habit angélique sous le nom de Mère Catherine. Sa conception du monachisme doit être rattachée à celle de saint Basile le Grand. Ce Père de la vie cénobitique disait en effet, que le monastère ne doit pas rester pas sans société, ni la société sans théologie.

La Mère Catherine participait au renouveau des études patristiques qui avaient lieu, en Russie, à la fin du XIXème siècle. Elle pensait que la société doit s’organiser autour des centres monastiques, parce qu’en eux, avec tous les saints, le peuple participe à la seule vraie culture, celle divino-humaine, de l’Eglise. Dans un livre intitulé '' Monastère et Ascétisme chrétien '', Mère Catherine explique que Pierre le Grand est responsable de la scission spirituelle entre les différentes couches sociales de la Russie. L’Intelligentsia s’est éloi­gnée du peuple et de la vie de l’Eglise en adhérant au rationalisme occidental tantôt sous sa forme spéculative avec la papauté, tantôt sous sa forme moralisante avec le protestantisme.
Or, le lieu véritable de la théologie - qui est expérience de Dieu et non connaissance abstraite -, ''l’université des universités", c’est le monastère. Consciente du fait que l’enseignement des séminaires en Russie était celui d’une théologie maladive, et qu’il fallait une renaissance patristique, la Mère Catherine rejoignait les idées du mouvement slavophile dont le monastère a recueilli le meilleur enseignement ; la Mère Catherine était d’ailleurs très liée a la famille Askasov et la Mère Madeleine, l’actuelle Higoumène, était dans le monde la nièce de Khomiakov.

Les Occidentalistes avaient très bien compris que pour ébranler profondément l’Orthodoxie en Russie, il fallait attaquer en premier lieu la vie et l’idéal monastique.
Les Slavophiles défendaient au contraire la vie communautaire chrétienne, c’est à dire, selon Askasov, une vie sociale qui n’anéantisse pas la personne : '' Dans la commune russe la personne n’est pas opprimée, elle est seulement privée de sa violence, de son exclusivité, de son égoïsme". Cette vie communautaire a son achèvement dans le Seigneur Jésus Christ qui récapitule tout.

Suivant ces principes, le monastère de Lesna établit peu à peu une véritable éducation en Christ : trente ans après sa fondation, y vivaient 400 moniales et 500 enfants ; six églises avaient été construites dont la principale abritait l’icône miraculeuse ; on avait édifié une multitude de bâtiments pour l’hospitalité, et aux grandes fêtes il pouvait venir jusqu’à 30000 fidèles.

A l’époque de saint Basile le Grand, Julien l’Apostat fut à la fois jaloux et admiratif devant l’oeuvre réalisée par les monastères cénobitiques ; de même, au XIXème siècle alors que, grâce à des personnalités comme le Staretz Ambroise d’Optino, les hiérarques Antoine Khrapovitzky, Antoine Radovskl, la vie communautaire orthodoxe se développait, le diable, envieux, fit naître une parodie satanique du véritable idéal communautaire et entraîna bientôt la Russie dans la tourmente.

LA BENEDICTION DE SAINT JEAN DE KRONSTADT

Le père Jean de Kronstadt a joué un rôle immense dans les années qui précédèrent la Révolution. Persuadé du caractère exclusif de la tradition orthodoxe, il poussait ceux qui venaient le voir à lire les Pères et à s’engager dans la voie sainte de la pénitence. En 1895 il visita Lesna et contribua ainsi au travail missionnaire du Monastère auprès des populations locales qui revenaient peu à peu à l’Orthodoxie. Sa visite fut surtout un véritable banquet de la foi : de nombreux pèlerins venaient de partout pour recevoir sa bénédiction, pour voir l’être déifié et pour prier avec lui.

Le père Jean guérit ce jour là de nombreux malades. Jusqu’à la fin de sa vie il s’intéressa à l’épanouissement spirituel du Monastère ; en janvier 1904 il écrivit à une fidèle : '' Ce couvent a toujours été et est encore sous ma protection. Je lui ai toujours apporté mon aide. Aidez-le vous aussi".

Dès l’époque de la guerre avec le Japon, de faux bruits couraient, propagés par les uniates ou les révolutionnaires pour affoler le peuple. On raconta soudain que l’Empereur, sa famille et le Père Jean de Kronstadt avaient abjuré l’Orthodoxie et que les paysans qui resteraient orthodoxes ne recevraient pas de terre quand aurait lieu la distribution prochaine des domaines.
Mère Catherine comprit le danger de cette propagande insidieuse Elle rassembla une délégation de paysans qu’elle conduisit à St Petersbourg. Ils y furent d’abord reçus par un ministre qui ne répondit rien à la salutation pascale d’un vieillard : ''Christ est ressuscité". Les paysans pensèrent alors qu’ici on n’était plus orthodoxe. Plus tard lorsqu’ils furent reçus par la famille impériale, le même vieillard dit encore : '' Christ est ressuscité'' et l’impératrice répondit alors d’une voix forte : '' En vérité il est ressuscité". L’Empereur les rassura en leur disant que c’était des ennemis de l’Eglise qui faisaient courir ces mensonges et qu’il était fidèle à la sainte foi orthodoxe.

Ensuite, dans l’Eglise de Kronstadt, Mère Catherine, et la délégation vint attendre, parmi la foule, le Père Jean. Voyant qu’il était impossible d’approcher le saint, Mère Nina, qui fut, plus tard, la seconde Higoumène, éclata en sanglots. Fendant rapidement la foule le Père Jean bénit toute la délégation et les assura de sa fidélité à la Sainte Orthodoxie.

C’est aussi avant la Révolution qu’il faut situer le récit de Mère Nina. En 1912 la future Higoumène souffrait d’une tuberculose très grave. Elle eut un refroidissement et bientôt une pneumonie que les médecins ne pouvaient soigner ; elle perdit peu après connaissance et entendit un chant merveilleux dont la mélodie lui parut ineffable. Quand elle revint à elle, Mère Nina demanda qui chantait, au grand étonnement de Mère Catherine qui lui dit que, pendant sa perte de connaissance, on avait placé l’icône miraculeuse près de sa tête. Il sembla à Mère Nina que son âme ne pouvait soutenir davantage ce chant et elle demanda aux soeurs de rapporter l’icône à l’église et de prier pour elle. Le chant cessa alors. Une ou deux heures plus tard, Mère Nina se sentit mieux et le lendemain le médecin put constater le miracle. A la fin de l’année 1914 on décida de transférer l’icône à St Petersbourg car l’ennemi approchait ; la veille du départ, Mère Nina prit l’icône dans sa cellule ; à minuit elle se mit à prier et de nouveau entendit le céleste et merveilleux chant angélique. Souvent, de tels signes de Dieu précèdent les grandes tribulations. 

LA LOUANGE DU SEIGNEUR EN TERRE ETRANGERE

Les moniales commencèrent alors le long voyage de I’exil ; elles vécurent quatre ans en Roumanie avant trouver une Eglise Sœur en Serbie, où le roi Alexandre et le Patriarche accueillirent généreusement les hiérarques et les fidèles de l’Eglise Russe dans l’épreuve. Dès 1920 Monseigneur Dosithée recevait à Belgrade 62 moniales de Lesna ; bientôt établi à Hopovo le Monastère reprit son activité communautaire, logeant les orphelins, éduquant les enfants, aidant les pauvres et surtout préservant sa règle et sa tradition monastique. Cette oeuvre rencontrait celle que menait alors en Serbie le pieux évêque Nicolas Vélimirovitch qui partageait en outre avec le monastère de Lesna une grande vénération pour saint Jean de Kronstadt. Lesna vivait aussi maintenant sous la protection spirituelle du célèbre hiérarque Antoine Khrapovitzky et du Synode des évêques établi à Karlowitz. Le grand théologien serbe contemporain, le Père Justin Popovic, fut un des amis et des pèlerins les plus fidèles du monastère jusqu’au dernier jour de celui-ci en terre serbe. La Mère Catherine, dont la haute figure avait contribué puissamment au renouveau du monastère sur la terre yougoslave s’endormit dans le Seigneur en 1925. Mère Nina lui succéda.
Avec la seconde guerre mondiale la Serbie vécut la tragédie du génocide et du martyre. Les Croates avec la bénédiction de la hiérarchie papiste massacrèrent des centaines de milliers de Serbes peu désireux de subir une conversion forcée.

Lesna subit leur persécution ; les Croates forçaient les moniales à travailler et leur rendaient la vie impossible. Même l’armée d’occupation allemande en fut scandalisée au point de protéger le monastère. En 1942 ce furent les partisans communistes de Tito qui s’en prirent aux bâtiments, brûlant tout durant la Semaine Sainte, sauf l’Eglise principale que la Mère de Dieu couvrait de sa protection. Les paysans serbes cachèrent les moniales qui n’hésitaient pas à revenir au monastère pour cultiver le jardin et surtout pour les offices à l’église. La vie monastique continua ainsi jusqu’à ce que, après Pâque 1943, les allemands ordonnent l’évacuation pour Belgrade. Quarante moniales de Lesna furent logées dans une maison de retraite où elles souffrirent de la faim, et bientôt des bombardements américains.

Les moniales restaient devant l’icône, mettant avec calme leur espoir dans le Seigneur et dans la Mère de Dieu. Un jour, six bombes tombèrent à l’intérieur de la maison, mais aucune d’elles n’explosa. L’officier allemand qui vint avec quelques soldats emporter les bombes qui n’avaient pas explosé dut le constater et il s’écria : ''C’est un miracle ! Et dire que je ne crois pas en Dieu ! '' A la fin de 1944 il fallut pourtant quitter cette maison et les moniales purent trouver un logement dans Belgrade abandonnée par ceux qui fuyaient l’avance des armées communistes. La Mère Mina ne pouvait pas facilement voyager dans de si mauvaises conditions et il fallut rester à Belgrade sous l’occupation soviétique.

Grâce à l’aide de pieux fidèles serbes ou russes le monastère put survivre ; les moniales trouvaient un peu de travail. Dans l’église, du fait des nombreuses arrestations et des disparitions les offices d’intercession ne cessaient pas. C’est là qu’en 1949 s’endormit à son tour la Mère Nina, et la Mère Théodora lui succéda.

En 1950, la vie à Belgrade devenant quasiment impossible, les moniales durent quitter la Yougoslavie et elles s’établirent en France, pour quelque temps à Saint Cloud, puis à Fourqueux où une vie spirituelle normale put reprendre. Deux hiéromoines do Valaam célébraient la liturgie tous les jours, les Pères Timolay et Nicandre. L’Archevêque Jean Maximovitch, ainsi que Monseigneur Léonty, puis Monseigneur Antoine de Genève venaient souvent au Monastère. Mais la Mère de Dieu destinait à Lesna un autre lieu plus paisible ; en 1967 fut trouvé à Provémont, une grande maison dont le parc contenait une église catholique bientôt consacrée en église orthodoxe par l’Archevêque Antoine, en septembre 1968. Là est venu plusieurs fois se reposer le Métropolite Philarète (de New York). La liturgie est célébrée tous les jours par l’infatigable Archimandrite Arsène qui, avec la Grâce de Dieu, travaille avec le même soin le champ spirituel du Seigneur et celui du monastère.

En Décembre 1976 s’est endormie la Mère Théodora, et la Mère Madeleine lui a succédé. Père Ambroise nous a raconté qu’il avait une fois tenté de parler avec Mère Théodora de son passé, de ses origines, et qu’elle lui avait donné l’unique et vraie réponse que pouvait donner un être totalement consacré à Dieu :

'' Quand, aux oreilles de notre âme, a retenti l’appel de Dieu : viens et donne moi ton cœur, et que, par la suite on quitte ses parents charnels, on n’a plus d’origine, plus de passé, parce qu’on renaît dans le second baptême qui est l’entrée dans la vie angélique des moines. Mon pays, c’est le Monastère, la prise de l’habit angélique, ma nouvelle naissance et le nom nouveau qui m’a été donné, c’est celui par lequel Dieu m’appellera".

Ces dernières années, sous la sage direction de Mère Madeleine, le Monastère connaît un essor important. Des novices sont venues du monde entier, Allemagne, Angleterre, Australie, Etats-Unis. Devant l’icône miraculeuse de Notre Dame de Lesna, la grâce opère encore de nombreux miracles à la mesure de la piété de ceux qui les demandent.

***
Les temps redoutables que nous vivons, qui ressemblent fort à la grande Apostasie, rendent difficile la prédication de la foi, mais nous ne doutons pas qu’en France aussi se réalise la prédiction de Saint Jean de Kronstadt et que le Monastère n’y devienne semblable à une ruche d’où sortiront les essaims de nouveaux monastères. En attendant ces moments, la tradition monastique orthodoxe s’y perpétue, et ceux qui peuvent suivre tous les jours les offices, vivent avec tous les saints de l’Eglise universelle qui y sont chantés.

"Le monachisme selon le Christ, écrit A. Kalomiros, c’est l’amour de l’âme pour Dieu, c’est la recherche de la vie et la plénitude de l’amour ; par excellence absolu, il est la réalisation du christianisme, l’exemple et la lumière pour les laïcs, la vie de liberté, le désir céleste, la richesse insondable de la connaissance du Christ, le parvis de la Paix, la réelle philosophie, la vie divine.

Le monachisme selon le Christ c’est l’affirmation de la vie, la lutte pour la réaliser et la libération totale de la mort et de la corruption. On ne peut mettre en parallèle le monachisme orthodoxe avec le  ''monachisme'' des religions orientales qui se veut négation de la vie et recherche de l’anéantissement éternel dans le Nirvana. Les ressemblances extérieures sont arrivées à cacher l’opposition fondamentale entre le monachisme de l’Eglise du Christ et les méthodes idolâtriques de l’anéantissement. Les monastères de l’Extrême Orient sont des lieux d’ascèse où l’on accepte le total désespoir. Ce sont des antres de la réelle et absolue et éternelle Insensibilité qu’ils considèrent comme la seule possibilité de délivrance des maux qui frappent les hommes. Ces malheureux ignorent ou ne veulent pas connaître la seule Espérance que possède l’humanité. Quelle relation peut donc avoir l’armée de la Vie avec l’armée de la Mort ?

Les hommes qui ont l’esprit de ce monde veulent le monachisme au service de la société - le bien commun -, ils le veulent au milieu de ce monde, dans la vie, et peu leur importe, au fond si cela conduit à devenir étranger à la Vie. Le monachisme est amour, amour de Dieu et du prochain ; cependant cet amour est pour l’homme tombé dans la corruption quelque chose d’impossible. L’homme est égocentrique à l’extrême.

Ce qu’il appelle amour, c’est en réalité le service indirect de lui même. Il aime les autres parce qu’il a besoin de leur amour, de leur service, de leur présence, de leur sourire, de leur reconnaissance, de leur admiration, et aussi parce qu’un instinct vivace et mystérieux le pousse à cet amour. Le véritable amour est quelque chose d’inconnu à l’homme qui ne s’est pas attaché à Dieu.

Seul, celui qui s’est uni à l’Amour, seul celui qui a été enflammé par l’Amour éternel peut rayonner autour de lui l’amour ; seul celui qui s’approche de Dieu, la Source de l’Amour éternel peut aimer pleinement et purement son prochain. Il l’aimera dans la mesure où il aura permis à la grâce de Dieu d’habiter en lui. En conséquence, la fuite du moine hors de ce monde de la mort, de la corruption, du péché et son refuge dans la source de tout amour, n’est pas un acte de désespoir ou de mépris, comme on pourrait le croire de l’extérieur, c’est un acte absolu de refuge total dans la seule force amoureuse.

En coupant tout ce qui le relie au monde, le moine rompt en réalité les amarres qui tiennent le navire au quai, et il est libre de se jeter dans l’immense océan et de naviguer vers le pays de tous les biens. Son départ du port ne signifie pas reniement ou haine de sa patrie mais une promesse de vraie richesse et de vraie puissance.

Voici ce qu’est le moine : c’est celui qui a émigré dans un pays riche pour s’enrichir lui même et pour nous envoyer ensuite, à nous qui sommes restés en arrière sur la terre pauvre et inféconde une partie de ses richesses".

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