dimanche 2 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°7. L'hymnographie Orthodoxe.

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L’hymnographie orthodoxe

Introduction aux Canons des Fêtes

Tu me demandes, ô homme de Dieu, écrivait Théo­dore appelé aussi le Ptochos Prodromos, à son ami Orphanotrophe, de t’expliquer les CANONS composés par les divins mélodes Cosma et Jean Damascène, pour célébrer les fêtes du Seigneur. Tu ressembles en cela, à celui qui a préparé le grand banquet dont parle l’Evangile et qui a invité beaucoup de monde. C’est à ce banquet que tu m’invites, banquet magnifique et royal où sont servis les mets les plus fins et les plus savoureux. Je serais un fou, un fou furieux, hors de sens, si je refusais de m’y rendre ; je ressemblerais aux convives de la parabole évangélique qui ne s’y rendirent pas, donnant prétexte, l’un ses bœufs, l’autre sa femme, un autre ses champs.

Prends-moi donc avec toi, emmène-moi au banquet, je te suis ; banquetons ensemble et mangeons, bien que mortels, le pain immortel des anges. C’est à ce banquet que nous convie aussi saint Nicodème l’Athonite, avec ses commentaires de tous les canons des fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu, après avoir consulté l’Ecriture, d’autres commentateurs et les Pères de l’Eglise.

Celui qui écoute attentivement les offices de l’Eglise, peut devenir un excellent théologien. Ces offices ne sont pas de la poésie, mais la théologie orthodoxe exprimée dans une forme poétique, pour que, récitée ou chantée, elle puisse pénétrer dans l’âme des fidèles.

"Chantez à Dieu un cantique nouveau". (Psaume 149, 1)

Plus Dieu nous comble de bienfaits, dit saint Nicodème l’Athonite, plus nous devons lui être reconnaissants et lui rendre grâce. Ingrat est en effet, celui qui après avoir reçu de Dieu des dons et des bienfaits, oublie de le remercier. David le Roi-prophète nous exhorte à la gratitude envers le Seigneur, quand il dit dans un psaume : ''Seigneur, l’homme te célébrera quand tu lui auras fait du bien.''  (PS. 48,19).

Le Seigneur Jésus-Christ notre Maître s’est plaint de l’ingratitude des neuf lépreux qu’il avait guéris : ''Est-ce que les dix n’ont-ils pas été guéris ? Les neuf autres où sont-ils ? Il s’en est trouvé aucun qui soit revenu pour rendre gloire à Dieu, sinon celui-ci, un étranger ! '' (Luc. 17,17). Le Verbe Dieu qui est la Vie enhypostasiée, la Vie personnifiée, aime son nom de Verbe et agrée plus  que tout autre offrande, l’action de grâce qui lui est adressée par la parole, par le verbe humain.

Dans l’Ancien Testament, par exemple, après le prodige de la Mer Rouge, où Dieu fit passer à pieds secs dans le fond de l’abîme, son peuple Israël, puis engloutit sous les eaux Pharaon et son armée, Moyse composa en langue hébraïque, en vers hexamètres, une ode qu’il chanta avec ses hommes en l’honneur de Dieu, pour le remercier.


Anne la prophétesse, mère de Samuel le prophète composa, elle aussi, une ode, pour remercier Dieu d’avoir exaucé sa prière en lui donnant son fils Samuel.

De même Jonas et les Trois Adolescents, composèrent, eux aussi des odes, pour exprimer leur reconnaissance au Dieu Sabaoth, le Saint : pour avoir été délivrés, Jonas du monstre marin, et les Trois Adolescents, de la fournaise ardente.

David, le roi-prophète, composa un grand nombre de psaumes, pour remercier Dieu de lui avoir accordé un grand nombre de bienfaits.

Dans le Nouveau Testament, quand furent instituées les solennités annuelles des grandes fêtes du Seigneur, Lequel a répandu sur le monde, par l’Economie de Son Incarnation, des torrents de grâces et de bienfaits, bon nombre de Docteurs et de Pères de l’Eglise ont offert au Christ, en reconnaissance, non seulement des discours panégy­riques composés en prose, mais aussi des poèmes en vers métriques, des cantiques, des odes et des chants, dont le sujet était la fête célébrée. Ces Pères et ces Docteurs ont imité avec zèle, les odes anciennes et les psaumes de David, dont nous venons de parler.

— Pourquoi ont-ils composé ces poèmes et leur musique ?
— ''Le Saint-Esprit, répond saint Basile le Grand, sachant que le genre humain était peu enclin à l’ascèse et à la pratique de la vertu, mais plutôt enclin au plaisir, a voulu mêler aux vérités dogmatiques, à la doctrine éthique de notre foi, l’agrément et le plaisir que procure la musique et la mélodie, afin de faire pénétrer dans nos âmes, insensiblement et sans efforts, les paroles bienfaisantes et utiles, par la grâce et la douceur que la mélodie procure à l’oreille, imitant les médecins sages et expérimentés, qui enduisent de miel le bord du verre qui contient un remède énergique mais désagréable au goût, pour le faire absorber facilement par le malade. Les mélodies ont été inventées pour chanter les cantiques et les psaumes, afin que ceux qui sont encore enfants et jeunes selon l’âge, purs moralement, non vieillis dans les mauvaises habitudes, puissent en psalmodiant et en chantant tropaires et cantiques, enseigner et nourrir, dans la piété, leurs âmes... '' (Commentaires sur le Psaume 1).

Clément d’Alexandrie, au Ile siècle, a composé des louanges et des actions de grâce, des poèmes épiques en vers mesurés et des cantiques, en l’honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le martyr Alhénogène a composé l’hymne ''LUMIERE JOYEUSE..." action de grâce vespérale, chantée au coucher du soleil, selon le témoignage de Basile le Grand. Népos, un évêque égyptien, Victorin, Lactance, Grégoire le Théologien, André de Crète, Joseph I‘hyrnnographe, Anatole et beaucoup d‘autres, surtout Cosma le hiérarque, avec Jean Damascène le prêtre, ont enrichi l’hymnographie de l’Eglise du Christ ; les deux derniers, en particulier, muses sacrées, Orphées célestes, rossignols de la sainte Eglise, ont orné, embelli, rempli de grâce et de douceur, toutes les grandes fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu, avec leurs canons et leurs mélodies agréables à l’oreille, comme le miel et le nectar à la bouche, inspirés par le Saint-Esprit, joie et allégresse pour les chrétiens qui les chantent ou les écoutent.


Les saints Pères et Docteurs de l’Eglise, porteurs du Saint-Esprit, qui ont tout disposé avec sagesse, ont choisi dans l’Ancien et le Nouveau Testament, NEUF ODES connues sous le nom de STICHOLOGIE, et ils ont ordonné qu’elles fussent chantées, accompagnées de tropaires, dans toute la sainte Eglise du Christ, par deux choeurs, les versets scripturaires précédant les tropaires, comme cela se fait encore aux vêpres et aux laudes.

Ces saints canons ont été composés avec leur musique, par les saints mélodes, d’après le modèle de la stichologie. Tout canon est divisé en neuf odes, bien que la seconde ne soit chantée et utilisée qu’au cours du Grand Carême.

Il y a donc NEUF odes, le nombre NEUF étant le plus grand parmi les chiffres. Elles symbolisent les neuf ordres angéliques : Séraphins, Chérubins, Trônes, Domination, Vertus, Puissances, Principautés, Archanges et Anges, qui chantent et louangent, sans relâche, la Théarchie au Triple Soleil, chacun selon son ordre et par un cantique particulier, d’après saint Denys l’Aréopagite. Les saints Pères ont voulu montrer par ce nombre, que la hiérarchie terrestre, composée elle aussi, de NEUF ordres : évêque, prêtre, diacre, sous-diacre, lecteur, chantre, clerc, moine, laïc, était unie à celle des cieux, et que l’une était contenue par l’autre, qu’elles étaient étroitement liées, qu’elles possédaient la même force et la même harmonie, toujours selon saint Denys l’Aréopagite, cet oiseau du ciel et ami des anges qui a dit : ''comme tout à l’heure, pour la hiérarchie céleste, celle (la terrestre) dont nous entreprenons maintenant la louange, ne comprend qu’une seule et même puissance et à travers toutes ses fonctions hiérarchiques". (Hiérarchies Ecclésiales 1,2.)

En faisant cela, les saints Pères voulaient exhorter les chantres réguliers, à imiter les NEUF ordres angéliques dans le chant de la stichologie, exécuté avec modestie, ordre, crainte, piété et contrition.

Le nombre NEUF symbolise également la Trinité et c’est en l’honneur de la Trinité que nous chantons les NEUF odes, car le trois multiplié par lui-même produit le NEUF. Dans une homélie sur la Pâque, saint Grégoire de Nazianze répète par trois fois le mot Pâque, en l’honneur de la Trinité : ''J’ai dit Pâque, puis la Pâque du Seigneur, et je répète à nouveau Pâque, en l’honneur de la Trinité."

A l‘origine, les versets de la stichologie étaient accompagnés d’un refrain intercalé entre eux : ''Gloire à ta sainte Résurrection Seigneur",  ''Gloire à toi notre Dieu, gloire à toi'', ''Gloire à ta vénérable Croix Seigneur", etc. et pour la Vierge Sainte : ''Très Sainte Mère de Dieu sauve-nous". Plus tard, ces refrains devaient donner naissance à des tropaires, dont l’abondance - on en compte quatorze par ode - a amené la suppression de la stichologie ; ces tropaires sont séparés entre eux, aujourd’hui encore, par les refrains ci-dessus ou d’autres selon la fête célébrée.

Les tropaires intercalés entre les versets de la stichologie ou versets scripturaires, ont pour but  de montrer que l’Ancien Testament est en accord avec le Nouveau, qu’un seul et même Législateur les a dictés : l’Esprit Saint qui a parlé par les prophètes et dans les Saintes Ecritures ; qu’un Testament contient l’autre, l’Ancien le Nouveau, comme un cercle contient un autre cercle.
David le prophète appelle les deux Testaments  ''HERITAGES", et ''AILES DE LA COLOMBE'' la colombe symbolisant le Saint-Esprit ; celui qui reçoit ces deux Testaments découvre la grâce variée de l’Esprit.

Nous avons dit plus haut, que les odes étaient empruntées à l’Ancien et au Nouveau Testament, parce que la IXème ode, qui est la dernière du canon, appartient au Nouveau Testament, elle est l’ode de la Mère de Dieu et de Zacharie le père du Précurseur, car les Prophètes ont prophétisé jusqu’à lui.

Nous avons également dit plus haut, qu’un canon comptait neuf odes, mais en réalité on en chantait huit et que la deuxième était réservée au Grand Carême. Mais il y a exception à cette règle, car il y a des canons composés de deux, trois ou quatre odes, que l’on utilise pendant le Grand Carême, d’où le nom de TRIODE donné au livre qui contient les offices de cette période.

— Qu’est-ce qu’un canon ?
— Chez les anciens, le canon était une barre de bois, longue et droite, une règle, d’ordinaire à l’usage des maçons et des charpentiers, qui leur permettait de mesurer les matériaux qu’ils travaillaient et de vérifier leurs ouvrages. Plutarque l’historien et moraliste hellène, emploie le terme canon au sens de modèle, de principe, de référence : CHRONIKOI KANONES ou époques principales de l’histoire qui servent de points de repère pour des événements moins importants.

Les sculpteurs anciens, entendaient par canon, un type, un modèle sculptural, idéal, sans défaut. Le plus célèbre est le canon de Polyclète, qu’on trouve dans la statue dite le 'DORYPHORE", - nom donné aux soldats de la garde qui étaient armés d’une demi-pique - et que les artistes de l’antiquité regardaient comme un canon, comme une règle, comme une perfection.

Par métaphore ou extension du terme, on appelle canons les décisions des saints Apôtres, des conciles œcuméniques ou locaux et celles de certains Pères.

Il y a aussi le mot KANNA qui signifie, en grec, roseau, roseau qui lui aussi, servait jadis de mesure. Cette KANNA roseau est la règle d’or, la règle absolue qui sert à mesurer, non plus la beauté créée, la création humaine et profane, mais la beauté de la Nouvelle Création, la beauté de la Jérusalem céleste : ''Et celui qui me parlait, dit l’Evangéliste Jean dans le livre de l’Apocalypse, tenait une mesure, un roseau d’or, pour mesurer la ville, ses portes et ses murailles. » (Apocalypse 21, 15).

L’apôtre Paul, emploie, lui aussi, le mot canon, quand il écrit : ''Nous, nous ne nous vanterons pas sans mesure, mais dans la mesure du canon dont Dieu a tracé la limite. '' (2 Corinthiens 10, 13).

Enfin, on appelle canons, les cantiques ou chants composés pour la glorification de Dieu, comme on vient de le voir.

— Qu’est-ce qu’une ode ?
— Une ode est faite d’un hirmos, de tropaires, d’une doxologie, d’un théotokion et d’une catavassia.

Ode est le nom que les grecs donnaient à tout poème lyrique qui pouvait être chanté et qui se distinguait en cela de l’élégie ; telles sont les odes héroïques de Pindare, l’hymne de Cléanthe. Pour saint Basile le Grand, l’ode est une mélodie harmonieuse, chantée sans accompagnement d’orchestre. Saint Grégoire de Nysse, son frère, dit la même chose, dans son explication de l’épigraphe du psaume IV. Chez les hébreux, les hymnes consacrées à Dieu étaient accompagnées d’instruments de musique, instruments proscrits, plus tard, par Dieu : ''Eloigne de moi la voix de tes odes, que je n’entende plus le chant de tes instruments.'' (Amos 5, 23).

C’est pour cette raison que dans l’Orthodoxie, nous offrons nos hymnes à Dieu, par la seule voix humaine, sans utiliser d’instruments de musique dans la célébration des offices et du culte divin.

L’hirmos est toujours le premier tropaire de chaque ode du canon. Il est composé d’un nombre de vers et de syllabes bien défini. Il doit être connu à l’avance, car c’est à lui que tous les tropaires de l’ode qui vont suivre, vont se référer, c’est à lui qu’ils emprunteront leur rythme et leur mélodie. L’hirmos est comme le premier couplet d’une chanson.

Le tropaire est calqué sur l’hirmos, tant par le nombre de pieds, de syllabes qui le composent, que par la mélodie. Certains exégètes font dériver ce terme du verbe grec TREPO qui signifie se tourner, se diriger, parce que le canonarque va d’un choeur à l’autre pour en réciter le texte.

La doxologie est un tropaire qui suit l’exclamation  ''Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit", et dont l’objet est la glorification de la Sainte Trinité. Ce tropaire est, lui aussi, calqué sur l’hirmos.

Le théotokion, introduit par la formule  ''maintenant et toujours et aux siècles des siècles", est un tropaire en l’honneur de la Mère de Dieu, notre glorieuse Souveraine. Il est également, calqué sur l’hirmos.

La catavassia enfin, est un hirmos qui se chante à la fin de chaque ode, comme pour la récapituler. Ce terme vient du verbe KATABAINO qui signifie en grec descendre, parce que les chantres des deux chœurs descendent de leurs stalles, pour chanter ensemble I’hirmos.

PREMIERE ODE

Quelques mots maintenant, sur l’origine de chaque ode. La première ode a été composée par Moyse le prophète. Elle se trouve au chapitre 15, 1-9, du Livre de l’Exode. Elle célèbre le passage de la Mer Rouge que les enfants d’Israël traversèrent à pieds secs, alors que Pharaon, son armée, et ses chars y furent engloutis sous les flots. Devant ce prodige, les hébreux furent, non seulement remplis de crainte, mais aussi, dit l’Ecriture, ils crurent en Dieu : ''Israël vit ce que le Seigneur avait fait aux égyptiens par sa main puissante. Le peuple craignit le Seigneur et il crut en Dieu. '' (Exode 14, 31).

Dans, la joie et l’enthousiasme, les hébreux chantèrent à Dieu cette ode, pour le remercier de les avoir délivrés de la servitude égyptienne.
Disposés en deux chœurs, selon Philon d’Alexandrie - philosophe grec d^origine juive, mort en 54 de notre ère - d’un côté les hommes, sous la direction de Moyse et de l’autre les femmes, sous la direction de Mariam la soeur de Moyse, ils entonnèrent, sur le mode antiphoné, l’ode d’action de grâce : ''Alors Moyse, dit encore l’Ecriture, et les enfants d’Israël avec lui, entonnèrent en l’honneur de Dieu le chant que voici : chantez le Seigneur qui s’est couvert de gloire. '' (Exode 15,1). Dans le psaume 105, David fait allusion à cette ode : ''Le Seigneur menaça la mer rouge et elle se dessécha ; il les conduisit à travers l’abîme ;"

Cette première ode a été chantée par la voix humaine seule, sans accompagnement d’instruments. Mariam et les femmes s’accompagnèrent du tambourin : ''Mariam la prophétesse, sœur d’Aaron, saisit le tambourin, et toutes les femmes la suivirent, avec des tambourins, formant des choeurs de danse. Et Mariam leur fit reprendre en choeur : Chantez le Seigneur qui s’est couvert de gloire !  '' (Exode 15, 20). Hébreux, dit-elle, chantons au Seigneur une ode de triomphe et d’action de grâce, car il s’est couvert d’une grande gloire, d’une gloire digne de Dieu.

— Comment ?
--- Dieu, répond saint Cyrille d’Alexandrie, a fait, non seulement des prodiges extraordinaires, mais il nous a aussi fait passer la Mer Rouge d’une façon surnaturelle. Il n’y a pas eu de phénomène de marée, comme le voudraient les incrédules et les athées qui nient ce prodige et tous les miracles du Seigneur. Si la marée avait été un phénomène ordinaire et courant, les égyptiens riverains l’auraient connu et n’auraient jamais pu dire : ''Fuyons de devant les hébreux, car le Seigneur combat pour eux.'' (Exode 14, 25). D’autre part, la marée aurait dû se reproduire. Puisque cela ne s’est pas fait, c’est bien la puissance divine qui a accompli le miracle du passage de la Mer Rouge, pour que les hébreux voient que leur Dieu n’était pas comme les faux-dieux faibles et impuissants des païens, mais qu’il était le Souverain et le Maître de toutes les créatures, qu’il commandait à la créature, et que celle-ci obéissait et faisait ce qu’elle voulait.

Remarque, Ô lecteur, dit saint Nicodème, que Moyse n’a pas simplement dit que le Seigneur s’était glorifié, mais qu’il s’était couvert de gloire, qu’il s’était glorieusement glorifié, tant la gloire de Dieu dépasse toute gloire humaine.

Dieu ordonne, et la créature obéissante confond et réduit au silence ceux qui résistent à son Créateur ; souvent elle se fait violence et agit contre sa propre nature ou plutôt au-dessus de sa nature, pour faire la volonté de son Maître et Seigneur.

Nous aussi chrétiens, nous devons remercier Dieu, par le chant de cette ode de Moyse, de nous avoir fait sortir d’Egypte, c’est-à-dire du péché ténébreux, après avoir englouti Pharaon et ses armées dans la Mer Rouge, je veux dire Satan et toute son armée dans le saint Baptême qui est rouge, puisque figure du Sang et de la Mort du Christ ; c’est Paul qui l’enseigne : ''Nous tous qui avons été baptisés en Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés '' (Romains 6,3). Après avoir submergé nos ennemis invisibles, le Seigneur nous a fait traverser le désert des passions. Saint Basile le Grand écrit : ''Dieu qui a jadis submergé Pharaon et toute son armée, a englouti, dans les flots du Jourdain le Pharaon spirituel et sa force mauvaise, et il a délivré le Nouvel-Israël de la servitude, par la manifestation de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ;
Maintenant, nous n’avons plus peur de lui, croyant en Celui qui a dit : ''Lorsque tu partiras en guerre contre tes ennemis et que tu verras des chevaux, des chars et un peuple plus nombreux que toi, tu n’auras pas peur ; car le Seigneur sera avec toi.'' (Deutéronome 20, 1).

Les chrétiens, sortis des eaux du saint baptême, doivent chanter au Christ, de toute leur voix, cette ode, pénétrant, par la contemplation, les dogmes sublimes de la théologie, confessant le Christ vrai Dieu et vrai Homme, un en son hypostase, double en ses natures, et leurs attributs propres à chacune d’elles. C’est par la théologie des dogmes justes et droits que l’homme célèbre son Dieu.

Comme Mariam, qui avec toutes ses femmes, ne s’est pas contentée de chanter avec la seule voix cette ode, mais s’est servie du tambourin, de même l’âme du chrétien, victorieuse et maîtresse de ses passions (Mariam signifie maîtresse) doit chanter cette ode avec un tambourin, symbole de la mortification du corps ; en effet, le tambourin est fait de peau d’animal mort :  ''Le chœur des hommes était dirigé par Moyse, dit encore saint Basile le Grand, et celui des femmes, par sa sœur Mariam battant du tambourin ; elle avait mortifié ses membres par la continence. Le tambourin fait de peau d’animal mort, symbolisait la mortification de ses membres par la continence."

Désormais, pour le plus grand bien spirituel de notre pays, la cellule-mère de Lesna s’est établie à Provémont près du village d’Etrépagny, autour de l’icône miraculeuse qui a tant de fois été, pour les moniales, ce que fut la rosée céleste pour les trois adolescents dans la fournaise.
***
PREMIERE ODE

Chantons le Seigneur, car il s’est couvert de gloire ;
Il a jeté à la mer, cheval et cavalier.
Il est mon secours et ma protection pour mon salut.
Il est mon Dieu, je le glorifierai ;
Le Dieu de mon père et je l’exalterai.
Le Seigneur brise les guerres ;
Le Seigneur est son nom.
Il a jeté à la mer les chars de Pharaon et sa puissance,
Il a submergé dans la Mer Rouge, ses cavaliers d’élites.
Il les a engloutis sous les flots :
Ils se sont enfoncés dans l’abîme comme une pierre.
Ta droite, Seigneur, a été glorifiée dans sa force ;
Ta main droite, Seigneur, a écrasé les ennemis.
Par la grandeur de ta gloire tu as renversé les adversaires,
Tu as envoyé ta colère, et elle les a consumés comme du chaume.
Au souffle de ta fureur, l’eau s’est partagée,
Les flots se sont dressés comme une muraille,
Les vagues se sont figées au sein de la mer.
L’ennemi disait : ''Je les poursuivrai, je les saisirai ;
Je partagerai le butin, j’en remplirai mon âme ;
Je tirerai mon glaive, ma main dominera."
Tu as envoyé ton souffle, la mer les a couverts ;
Ils ont coulé comme du plomb dans les eaux profondes.
Qui est comme toi parmi les dieux, Seigneur qui est comme toi ?
Tu es glorifié parmi les saints, admirable en gloire, opérant des prodiges.
Tu as étendu ta droite,
La terre les a engloutis.
Par ta justice, tu conduis ce peuple que tu as délivré ;
Tu les soutiens de ta force, jusqu’à ta sainte demeure.
Les nations l’ont appris, et elles ont frémi ;
Les douleurs ont saisi les habitants de la Philistie.
Les chefs d’Edom sont dans l’épouvante,
Ainsi que les princes de Moab ;
Un tremblement les saisit,
Tous les habitants de Canaan perdent courage.
Que tombent sur eux la crainte et le tremblement,
Qu’ils soient pétrifiés par la force de ton bras, jusqu’à ce que ton peuple soit passé, Seigneur, jusqu’à ce que soit passé le peuple que tu as acquis.
Amène-les, plante-les sur la montagne de ton héritage,
Dans la demeure que tu as préparée, Seigneur,
Au sanctuaire, Seigneur, que tes mains ont préparé.
Le Seigneur règne éternellement, pour les siècles et à jamais !
Car le cheval de Pharaon, avec les chars et les cavaliers sont entrés dans la mer,
Et le Seigneur a ramené sur eux les eaux de la mer ;
Mais les enfants d’Israël ont marché sur le sec au milieu de la mer.

La première ode de tout canon devra se référer à la première ode de la stichologie et en rappeler les caractéristiques. Voici un exemple, emprunté à la première ode de la Nativité de la Mère de Dieu :

Venez peuples,
Chantons une ode au Christ-Dieu
Qui a divisé la Mer Rouge,
A fait passer son peuple libéré
De l’esclavage égyptien
Et s’est couvert de gloire.

Voici un autre exemple d’hirmos, celui du Grand Samedi, œuvre de sainte Cassia la poétesse :

Celui qui jadis engloutit
Sous les flots de la mer,
Le tyran persécuteur,
Est enseveli sous terre,
Par les enfants de ceux qu’il sauva.
Mais nous, comme les jeunes filles (Mariam…)
Chantons le Seigneur qui s’est couvert de gloire !  

Quand l’auditeur entend : Mer Rouge, passage du peuple d’Israël, Dieu qui s’est couvert de gloire, il doit savoir qu’il s’agit de la première ode.

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DEUXIEME ODE

Dieu, prévoyant qu’après la mort de Moyse, le peuple d’Israël devait se livrer à l’idolâtrie, violer l’Alliance et s’adonner au péché, a dicté à Moyse la présente ode, ode de menace et lui a ordonné de l’enseigner à tous les Israélites, pour qu’ils la méditent et ne tombent pas dans le péché de l’idolâtrie.

'' Le Seigneur dit à Moyse : voici, tu vas être couché avec tes pères. Et ce peuple se lèvera, et se prostituera après les dieux étrangers du pays au milieu duquel il entre. Il m’abandonnera et violera mon alliance que j’ai traitée avec lui. En ce jour-là, ma colère s’enflammera contre lui. Je les abandonnerai et je leur cacherai ma face. Il sera dévoré, il sera la proie d’une multitude de maux et d’afflictions, et alors il dira : n’est-ce point que mon Dieu n’est pas au milieu de moi que ces maux m’ont atteint ? Et moi, je cacherai ma face en ce jour-là, à cause de tout le mal qu’il aura fait en se tournant vers d’autres dieux. Maintenant écris cette ode. Enseigne-la aux enfants d’Israël, mets-la dans leur bouche, et que cette ode me serve de témoin contre les enfants d’Israël.'' (Deutéronome 31,16).

Moyse obéit et écrivit cette ode. Il rassembla tous les chefs de tribus, les Anciens et les Juges du peuple et l’enseigna à tous : ''Moyse écrivit cette ode et il l’enseigna aux enfants d’Israël...Et Moyse prononça dans leur entier, les paroles de cette ode, en présence de toute l’assemblée d’Israël. '' (Deutéronome 31,22).

Cosmas, Jean Damascène et les autres mélodes, auteurs de canons fériaux et panégyriques, n’utilisent jamais cette seconde ode, parce qu’elle est une ode de deuil et ne possède pas le caractère des autres odes qui est la joie et l’action de grâce. Tout au contraire, il y est question de lances, de flèches, de colère divine, de sang, de glaive qui va dévorer des chairs, de dents de bêtes sauvages pour exterminer les transgresseurs des commandements, de feu ardent, et d’autres choses terribles.

Toutes les autres odes sont caractérisées par la joie et l’action de grâce, parce qu’elles célèbrent le salut du monde. Même la Passion rédemptrice du Seigneur, les crachats, les soufflets, la Croix, la mort, l’ensevelissement, qui sont redoutables et terribles, comportent un élément de joie, parce qu’ils régénèrent et modèlent à nouveau la créature.

Les compositeurs des canons à trois odes ou TRIODES, comme les saints Théodore le Studite, Joseph son frère et évêque de Thessalonique, André de Crète dans son grand canon, utilisent la deuxième ode, au temps qui lui convient et qui est celui du grand carême, temps des larmes, de la contrition, de la pénitence salutaires.

DEUXIEME ODE


Ciel, sois attentif, car je vais parler ;
Terre, écoute les paroles de ma bouche.
Que mon enseignement soit attendu comme la pluie,
Que mes paroles descendent comme la rosée,
Comme la pluie sur la gazon, comme l’ondée sur I’herbe.
Car j’ai invoqué le nom du Seigneur ;
Annoncez la magnificence de notre Dieu !
Dieu, ses œuvres sont vérité,
Et toutes ses voies justes ;
Dieu est fidèle, et il n’y a pas en lui d’iniquité ;
Le Seigneur est juste et saint.
Ce ne sont pas des enfants tarés qui ont péché contre Lui ;
Génération tortueuse et perverse,
Est-ce là ce que vous rendez au Seigneur ?
Peuple insensé, dépourvu de sagesse,
N’est-il pas ton Père celui qui t’a acquis, qui t’a formé ?
Souviens-toi des jours anciens,
Considère les années, de génération en génération ;
Interroge ton père et il te l’apprendra,
Tes anciens et ils te le diront.
Quand le Très-Haut répartit les nations et dispersa
Les fils d’Adam, il fixa les bornes des nations,
D’après le nombre des anges de Dieu.
Et Jacob, son peuple, devint la portion du Seigneur ;
Israël son lot d’héritage.
Il l’a rassasié dans le désert, dans la soif ardente, dans un pays sans eau ;
Il l’a entouré, il l’a instruit,
Et l’a gardé comme la prunelle de l’œil.
Pareil à l’aigle qui protège sa nichée et veille avec amour sur ses petits,
Qui déploie ses ailes, les prend et les porte sur ses épaules.
Le Seigneur les a conduits,
Et il n’y avait pas, avec eux, de dieu étranger.
Il les a fait monter sur la force de la terre,
Il leur a fait manger le fruit des champs ;
Ils ont goûté le miel du rocher et l’huile de la pierre dure,
La crème des vaches et le lait des brebis,
Avec la graisse des agneaux et des béliers,
Des jeunes taureaux et des boucs,
Avec la fleur du froment,
Et ils ont bu le vin, le sang de la grappe.
Jacob a mangé et s’est rassasié ;
Le bien-aimé a regimbé,
Il est devenu gras, lourd, replet,
Et il a abandonné le Dieu qui l’a formé,
Il s’est éloigné de Dieu son Sauveur.
Ils m’ont irrité par des dieux étrangers,
Ils m’ont rempli d’amertume par leurs abominations.
Ils ont sacrifié aux démons et non à Dieu,
A des dieux qu’ils ne connaissaient pas,
Nouveaux-venus depuis peu,
Et que leurs pères n’avaient pas connus.
Tu as abandonné le Dieu qui t’a fait naître,
Et tu as oublié le Dieu qui t’a nourri.
Et le Seigneur a vu, il a été jaloux,
Irrité par la folie de leurs fils et de leurs filles.
Il a dit : Je vais leur cacher ma face,
Et je ferai connaître ce qui leur adviendra à la fin de leurs jours ;
Car c’est une génération perverse,
Des fils en qui il n’y a plus de foi.
Ils m’ont rendu jaloux, parce qui n’est point un dieu,
Ils m’ont irrité par leurs idoles ;
Et moi je les rendrai jaloux par ce qui n’est pas un peuple ;
Je les irriterai par une nation insensée.
Car le feu de ma fureur s’est allumé,
Il brûlera jusqu’au plus profond des enfers,
Il consumera la terre et ses produits,
Il embrasera les fondements des montagnes.
J’amoncellerai sur eux les malheurs,
J’épuiserai contre eux mes flèches.
Exténués par la faim, ils mangeront du vautour
Et leur mal sera incurable ;
J’enverrai contre eux la dent des fauves,
Avec le venin des reptiles qui rampent dans la poussière.
Au dehors, l’épée les privera de leurs enfants,
Et dans leurs chambres pénétrera la crainte.
Le jeune homme et la vierge,
L’enfant à la mamelle et le vieillard chenu,
Auront le même sort.
Je disais : ''Je les disperserais,
J’effacerais leur mémoire parmi les hommes,
S’il n’y avait pas la colère des ennemis ;
Il ne faut pas qu’elle se prolonge
Ni que les adversaires unissent leurs attaques
Et disent : ''C’est notre main puissante
Et non pas le Seigneur qui a fait cela !''
Car c’est une nation dénuée de sens,
Et il n’y a pas en eux de science,
Ils ne cherchent pas à comprendre.
Tout cela leur est montré pour le temps à venir.
Comment un seul homme aurait pu poursuivre mille,
Comment deux auraient fait fuir dix mille,
Si Dieu ne les avait livrés,
Si le Seigneur ne les avait abandonnés ?
Car leurs dieux ne sont pas comme notre Dieu,
Et nos ennemis manquent d’intelligence.
Leur vigne vient du plan de Sodome,
Leur cep vient de Gomorrhe,
Leurs raisins sont des raisins de fiel,
Leurs grappes sont amères.
Leur vin est le vin des dragons,
Le venin mortel des aspics.
Tout cela n’est-il pas caché près de moi,
Scellé dans mes trésors ?
Au jour de la vengeance je rétribuerai,
Au temps où leur pied trébuchera ;
Car le jour de leur perte est proche,
Présent ce qui leur est préparé.
Car le Seigneur jugera son peuple,
Et consolera ses serviteurs,
Car il les a vus paralysés, épuisés, sans force.
Et le Seigneur dira : ''Où sont leurs dieux,
En qui ils mettaient leur confiance,
Dont vous mangiez la graisse des sacrifices,
Et buviez le vin des libations ?
Qu’ils se lèvent et qu’ils vous secourent,
Qu’ils vous couvrent de leur protection !
Voyez, voyez que moi,  ''JE SUIS",
Et qu’il n’est pas d’autre Dieu que moi ;
C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre ;
Je blesse et je guéris,
Et personne ne délivre de ma main.
Oui, je lève ma main vers le ciel,
Je le jure par ma droite et je dis :  
''Moi, je vis éternellement ;
J’aiguiserai mon glaive comme l’éclair ;
Ma main se saisira du jugement,
Je ferai justice de mes ennemis,
Je rétribuerai ceux qui me haïssent.
J’enivrerai mes flèches de sang,
Mon glaive se repaîtra de chair,
Du sang des blessés et des captifs,
De la tête des princes des nations."
Cieux, réjouissez-vous avec lui,
Que les anges de Dieu se prosternent devant lui.
Nations, réjouissez-vous avec son peuple,
Que tous les fils de Dieu trouvent en lui leur force,
Car le sang de ses fils est vengé ;
Il fera justice et se vengera de ses ennemis,
Il rétribuera ceux qui le haïssent,
Le Seigneur purifiera la terre de son peuple.

Les saints mélodes ont tiré de cette ode, de beaux tropaires de pénitence. Voici, pour exemple, l’hirmos du Grand Canon de pénitence, qui rappelle au lecteur qui l’entend, la deuxième ode :

"Ciel prête l’oreille,  
Car je vais parler
Et chanter le Christ  
Incarné de la Vierge."

Et ce tropaire qui suit l’hirmos :

'' Ciel sois attentif, car je vais parler,
Terre écoute la voix
Qui se repent devant Dieu et
Chante ses louanges."

Et cet autre tropaire, pris dans les Matines du Mercredi de la première semaine du Grand Carême :

'' Voyez, voyez, je suis Dieu !
Mon âme, entends-tu le Seigneur crier ?
Romps donc avec ton vieux péché,
Crains le Seigneur qui est Juste, Juge et Dieu."

***
TROISIEME ODE

Cette ode est l’œuvre d’Anne la prophétesse, la mère de Samuel. On peut lire son histoire dans le premier chapitre du Livre des Rois. Il y avait un homme originaire de Ramathaïm-Tsophim, nommé Elkana. Elkana avait deux épouses, l’une s’appelait Anna et l’autre Pennina. Pennina était féconde et avait des enfants ; Anna était stérile et n’en avait point. Dans son malheur, Anna n’eut pas recours à l’art de la médecine ni aux plantes, que beaucoup de femmes de son temps employaient pour concevoir ; elle s’adressa à Dieu, et monta, pour cela, à Silo, à la maison du Seigneur où se trouvait l’Arche de Dieu. Là, elle pria, jeûna et versa tant de larmes, que le prêtre Héli la crut ivre ; elle demandait au Seigneur de lui donner un enfant et lui promettait, en retour, de le lui consacrer, pour être toujours devant la face du Seigneur et pour le servir qu’à la mort.

Dieu exauça sa prière, lui donna un fils qui fut le grand prophète Samuel. Après l’avoir allaité et sevré, cette mère tendre et aimée de Dieu, monta à la Maison du Seigneur, pour y accomplir son vœu et offrir au Seigneur, le fruit de ses entrailles, comme un don agréable. En action de grâce, elle chanta au Seigneur cette ode, qui est la troisième du canon : '' Mon cœur s’est affermi dans le Seigneur…''

Jusqu’à la conception de Samuel, Anna était ébranlée, agitée et troublée, parce que la stérilité était un opprobre en Israël. La tristesse et le relâchement paralysaient son cœur. Après avoir eu ce qu’elle désirait et mis au monde son fils, elle pouvait dire désormais : ''mon cœur s’est affermi", mon cœur a été fortifié par toi Seigneur, dans l’enfant que tu m’as donné ; mon cœur ne se troublera plus, il ne se relâchera plus. Certes, le cœur d’Anne était ferme en Dieu avant de concevoir, car si elle n’avait pas cru en Lui, jamais elle n’aurait demandé, jamais elle n’aurait reçu.

C’est dans la foi (comme l’a enseigné) : ''Tout ce que vous demanderez dans la prière, en croyant, vous le recevrez". (Marc 21, 22). Par contre, l’incrédulité et l’hésitation, font que nous ne recevons pas de Dieu ce que nous lui demandons, comme le frère du Seigneur l’a dit : ''Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. Mais qu’il la demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur... '' (Jacques 1, 5).
Saint Jean Chrysostome dit qu’Anna, pleine de la grâce divine, remercie Dieu, en disant que nul n’était juste et saint comme Lui. En effet, en tant que juste, Dieu ne pouvait supporter de voir sa servante souffrir, humiliée et traitée de stérile par Phénanne et ses proches, et que c’est toute justice qu’il a exaucé sa demande, en lui accordant un enfant. Un commentateur anonyme dit qu’Anna proclame le Seigneur SAINT, parce que les démons, adorés comme dieux, par les nations, ne sont pas saints, mais impurs et souillés, injustes et auteurs de toute injustice. Vraie philosophe, Anna a couvert de confusion le polythéisme et montré la différence entre les esprits impurs et injustes, et Dieu le seul saint et source de toute sainteté et de toute justice.

Les anges et les hommes sont dits saints dans la mesure où ils participent à la sainteté et à la justice de Dieu. Paul l’apôtre disait : ''Dieu nous châtie pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté.'' (Hébreux 12, 10), et David appelle Dieu : '' Dieu de ma justice ! '' (Psaume 4,1). Dans son ode, Anna prophétise la naissance du Christ, le salut du monde entier : '' Je me réjouis, dit-elle, en ton salut ! " Elle prophétise également son Ascension, son Retour et le Jugement dernier : '' Le Seigneur est monté aux cieux et a tonné ; lui-même jugera les extrémités de la terre, car il est saint.'' Elle a aussi prophétisé la descente du Saint-Esprit, en disant que le Seigneur  ''a tonné", annonçant le bruit et le souffle violent qui se fit dans la maison où les apôtres étaient réunis, lors de la descente du Saint-Esprit. Elle prophétise beaucoup d’autres choses encore, en particulier la puissance du règne de David, dont il est question au chapitre deux du premier Livre des Rois.

Toute âme stérile, sans fruit, à cause de son infécondité, si elle chante cette ode avec un cœur ardent et contrit, sera certainement exaucée par Dieu. Elle enfantera, tout d’abord, la connaissance de son péché et recevra, en récompense, la pénitence, comme Anna a reçu Samuel, car Samuel signifie ''demande et don''. Après avoir reçu de Dieu la pénitence, elle deviendra féconde, enfantera beaucoup de vertus, et en elle s’accomplira ce qu’Anna disait : ''La stérile enfante sept fois et la mère aux nombreux enfants s’affaiblit,'' c’est-à-dire le vice aux nombreux enfants, si nous n’y prenons pas garde.

TROISIEME ODE
Prière d’Anna, mère de Samuel le prophète.

Mon cœur s’est affermi dans le Seigneur,
Mon front a été exalté par mon Dieu ;
Ma bouche s’est ouverte contre mes ennemis,
Je me réjouis en ton Salut.
Nul n’est saint comme le Seigneur,
Nul n’est juste comme notre Dieu,
Nul n’est saint hors de toi.
Ne vous glorifiez plus, ne proférez plus de paroles hautaines ;
Que l’arrogance ne sorte plus de votre bouche,
Car le Seigneur est le Dieu qui sait tout,
Un Dieu qui prépare ses desseins.
L’arc des puissants s’est affaibli,
Et les faibles ont la force pour ceinture.
Ceux qui étaient rassasiés de pain s’en voient privés,
Et ceux qui en manquaient n’ont plus à travailler la terre ;
La stérile enfante sept fois,
Et celle qui avait beaucoup d’enfants se flétrit.
Le Seigneur fait mourir et il fait vivre,
Il fait descendre aux enfers et en fait remonter.
Le Seigneur appauvrit et il enrichit,
Il humilie et il exalte.
De la poussière il retire le pauvre,
Du fumier il relève l’indigent,
Pour l’asseoir avec les puissants du peuple,
Et lui donner en héritage un trône de gloire.
Il exauce la demande de celui qui prie,
Et il bénit les années du juste ;
Car l’homme ne triomphe pas par sa propre force.
Le Seigneur affaiblira son adversaire,
Le Seigneur est saint.
Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse,
Que le puissant ne se glorifie pas de sa force,
Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse.
Mais que celui qui se glorifie, se glorifie en ceci :
Comprendre et connaître le Seigneur,
Pratiquer la rectitude et la justice au milieu de la terre.
Le Seigneur est monté aux cieux et a tonné ;
Lui-même jugera les extrémités de la terre, car il est juste.
Et il donnera la force à nos rois,
Il exaltera le front de ses oints.

La troisième ode de tout canon, devra elle aussi, comme la première, se référer à la troisième ode de la stichologie et en rappeler les caractéristiques, qui sont ici : l’affermissement, le cœur, le front relevé ou exalté, la sainteté de Dieu, etc. En les entendant, le fidèle sait qu’il s’agit de la troisième ode.

Voici un exemple : l’hirmos de la troisième ode du second canon de la Nativité de la Mère de Dieu :

" Mon cœur s’est affermi dans le Seigneur,
Mon front a été exalté en Dieu,  
Ma bouche s’est ouverte contre mes ennemis,
Et je me suis réjoui en ton Salut ! ''

Et l’hirmos de la troisième ode du canon du Grand Samedi :

" Te voyant pendu sur la Croix,
" Toi qui suspendis la terre sur les eaux,
" la création saisie de stupeur s’écria :
" Il n’y a pas d’autre Saint que toi Seigneur ! ''


QUATRIEME ODE

Le prophète Abbakum (ou Avvakum, ou Habakuk) était originaire de la tribu de Syméon et vécut avant la captivité de Jérusalem. Quand Nabuchodonosor vint à Jérusalem, Abbakum s’enfuit à Ostragène et habita la terre d’Ismaël, selon Maurice le hiérodiacre de la Grande Eglise de sainte Sophie de Constantinople et auteur des Synaxaires des Livres des Mois ou Menées. C’est lui, Abbakurn, qui fut enlevé par les anges et qui visita Daniel le prophète dans la fosse aux lions et lui donna la nourriture destinée à ses faucheurs.

Le nom d’Abbakum est composé de  ''abba'' qui signifie père et de ''kum'' qui signifie résurrection. Profitant de l’étymologie de ce nom, dit Elie le scholiaste, saint Grégoire le Théologien, pour son homélie sur la Pâque, a pris à témoin Abbakum : ''Je me tiendrai à mon poste de garde, dit le divin Abbakum...'' Théophylacte donne une interprétation particulière d’Abbakum et dit qu’il est la figure du Christ le Seigneur : ''Si Abbakum signifie Père de la Résurrection, ne s’agit-il pas ici du Chef de notre nature, du Premier-né d’entre les morts, prémice de ceux qui dormaient, du Père du siècle à venir, qui par son lever et sa résurrection..."

Les premiers chapitres de la prophétie d’Abbakum sont écrits en forme de dialogue, de questions et réponses. Le prophète demande, étonné, pourquoi Dieu ne punit pas les pécheurs qui le méprisent et il apprend que le Seigneur ne les laissera pas sans châtiment, que les pécheurs juifs seront punis par les babyloniens, qui les emmèneront captifs, et que les babyloniens seront à leur tour châtiés par Cyr et par les armées perses qui détruiront Babylone. Le prophète transforme alors son dialogue en une hymne, en une ode où il chante, étonné et admiratif, la justice de Dieu :

''Seigneur, j’ai entendu ce que tu as fait entendre et j’ai été rempli de crainte.''

J’ai entendu, dit-il, ce que mystérieusement tu as dit par l’Esprit, dans mon cœur, au sujet des juifs qui seraient livrés à la captivité, entre les mains des babyloniens, et des babyloniens qui seraient anéantis par les perses. Ayant entendu cela, par les oreilles de mon âme, j’ai été rempli de crainte.

Rien n’arrive injustement et sans raison. Abbakum se demande aussi, comment la nature humaine pourra cohabiter avec Dieu ; comment la nature immatérielle pourra se revêtir de l’opacité de la chair, comment Celui qui est en forme de Dieu, pourra prendre la Forme du serviteur. Puis le prophète révèle que Celui qui doit s’incarner et se faire homme, sera reconnu entre deux animaux, les deux Chérubins du Saint des Saints, qu’il sera Dieu lui-même. Puis, il se demande encore : ''Comment l’Intemporel va-t-il entrer dans le temps ? Comment le feu va-t-il s’unir à la paille ?'' Tout cela l’esprit humain ne peut le comprendre et la langue de l’homme ne peut le narrer.

'' Seigneur, dit-il encore, j’ai saisi tes œuvres et j’ai été stupéfait ! ''

Quelles sont ces œuvres qu’Abbakum a saisies et qui l’ont plongé dans la stupéfaction ?

Ce sont les œuvres du Christ incarné, du Christ fait homme, qui a proclamé aux captifs leur libération, qui a donné aux aveugles d’esprit, de voir, qui a consolé les cœurs brisés, qui est descendu aux enfers pour y libérer les âmes captives.
Voilà les œuvres que le prophète a saisies et que le Père devait accomplir, en modelant un corps à son Fils Unique dans le sein de la Vierge.

Ces paroles peuvent aussi s’adresser directement au Fils. Seigneur Jésus-Christ, j’ai compris tes œuvres, par lesquelles tu dois accomplir la rédemption des hommes : la Croix, la Mort, la Sépulture, la Résurrection, l’Ascension et les miracles, tout cela m’a plongé dans la stupéfaction. Comment les contraires allaient-ils s’unir ! Le corps et l’Incorporel ! La mort et la Vie ! La Sépulture et la Résurrection ! Comment le Corps allait-il monter au ciel. Tout cela m’a rempli de stupeur et d’émerveillement !

QUATRIEME ODE
Prière d’Abbakum
Gloire à ta Puissance Seigneur !

Seigneur, j’ai entendu ce que tu as fait entendre
Et la crainte m’a saisi ;
Seigneur, j’ai considéré tes œuvres
Et j’ai été stupéfait.
Entre deux animaux, tu seras reconnu ;
Quand les années seront proches, tu te montreras,
Lorsque viendra le temps, tu te révéleras.
Quand mon âme sera troublée,
Dans ta colère souviens-toi de ta miséricorde !
Dieu viendra de Théman,
Le Saint viendra de la montagne ombragée par la forêt.
Sa vertu a couvert les cieux,
Et la terre est remplie de sa louange.
Son éclat ressemble à la lumière,
Des rayons sortent de ses mains,
Et il a fait de sa force un amour puissant.
Devant sa face marchera la parole,
Et l’instruction sortira de ses pas.
Il se dresse et la terre chancelle,
Il regarde et les nations fondent.
Les montagnes sont brisées par sa force,
Les collines éternelles sont abaissées.
Ses parcours éternels,
Ils les ont vus avec peine.
Les tentes d’Ethiopie seront dans la détresse,
Ainsi que les tabernacles de la terre de Madian.
Est-ce contre les fleuves que ta colère s’enflamme Seigneur ?
Ta fureur était-elle contre les fleuves,
Ton ardeur contre la mer ?
Car tu es monté sur tes chevaux,
Sur tes chars de délivrance.
Tu banderas ton arc contre les sceptres,
Dit le Seigneur ;
Il terre sera crevassée par les fleuves.
Les peuples te verront et seront dans les douleurs,
Tandis que dans ta marche tu répandras les eaux.
L’abîme fait entendre sa voix et montre son orgueil.
Le soleil s’est levé et la lune a repris sa place.
Tes flèches jaillissent dans la lumière,
Dans l’éclat fulgurant de tes armes.
Dans ton courroux, tu désoleras la terre,
Dans ta fureur, tu fouleras les nations.
Tu es sorti pour sauver ton peuple,
Tu es venu pour sauver tes oints.
Tu as mis la mort sur la tête des transgresseurs,
Tu les as chargés de chaînes jusqu’au cou, pour toujours.
Tu as abattu les têtes des princes qui étaient hors d’eux-mêmes,
Au fond d’eux-mêmes, ils ont été ébranlés.
Ils lâcheront leurs brides,
Comme le pauvre qui mange en secret.
Tu as lancé tes chevaux dans la mer,
Troublant l’amas des grandes eaux.
J’ai observé, et mon cœur a été bouleversé,
Tandis que la prière montait sur mes lèvres.
Un tremblement a gagné mes os,
Ma force a été troublée en moi.
Je me reposerai au jour de la tribulation,
Quand je monterai vers le peuple dont je serai l’hôte.
Alors le figuier ne portera plus de fruit,
Et la vigne ne produira plus rien.
Le fruit de l’olivier sera trompeur,
Et les champs ne donneront plus de récolte.
Les brebis ont disparu, faute de nourriture,
Dans les étables il n’y a plus de bœufs.
Mais moi, je jubilerai dans le Seigneur,
Et je me réjouirai en Dieu mon Sauveur.
Le Seigneur mon Dieu est ma force,
Il affermira mes pas jusqu’au bout.
Il me fera monter sur les hauteurs,
Pour que je sois vainqueur et que je chante cette ode.

O

Tous les hirmi (pluriel de hirmos) de la quatrième ode de tous les canons, s’inspireront de l’ode ci-dessus du prophète Abbakum. Voici l’hirmos de la 4èmè ode du canon du 8ème ton :

'' Tu es ma force, ma puissance,
Seigneur, tu es mon Dieu, mon allégresse.
Sans quitter le sein du Père,
Tu as visité notre indigence.
Avec le prophète Abbakum je crie :
Ami de l’homme, gloire à ta puissance !"

***
CINQUIEME ODE

Tous les prophètes n’ont pas seulement prophétisé ce qui devait arriver au peuple Juif, mais ils ont aussi prophétisé la venue du Christ et l’appel qui aillait être fait aux Nations.

Plus que les autres prophètes, Isaïe a annoncé ces événements avec beaucoup de clarté et de précision : la bénédiction qui devait jaillir d’Abraham et de David, la naissance du christ de la vierge et ses miracles, les guérisons, la prédication de I’Evangile, la fureur des juifs contre le Seigneur, la Passion et la Mort, la Résurrection d’entre les morts et l’Ascension aux cieux, le choix des Apôtres, le salut de toutes les nations, le second Avènement du Christ, la dispersion des juifs, la destruction du Temple et de la ville de Jérusalem.

Isaïe présente les mystères de l’Incarnation du Seigneur, non pas comme un prophète qui voit à I’avance ce qui doit arriver plus tard, mais comme un évangéliste, comme un témoin oculaire qui a vu de ses yeux corporels toutes les œuvres du Seigneur incarné, tant il en parle clairement.

Sur ordre de Dieu, Isaïe a marché, pendant trois ans, nu et sans chaussures, pour montrer, par son exemple, que les égyptiens seraient emmenés en captivité, nus et déchaussés, par les Assyriens : '' Le Seigneur adressa la parole à Isaïe, fils d’Arnots, et lui dit : '' Va, détache le sac de tes reins et ôte tes souliers de tes pieds. Il fit ainsi et marcha nu et déchaussé. Et le Seigneur dit : De même que mon serviteur Isaïe marche nu et déchaussé, ce qui sera dans trois ans un signe et un présage pour l’Egypte et pour l’Ethiopie, de même le roi d’Assyrie emmènera de l’Egypte et de l’Ethiopie, captifs et exilés les jeunes hommes et les vieillards, nus et déchaussés...'' (Isaïe 20, 2).

Sirach écrit qu’Isaïe le prophète, a été

'' Grand et véridique dans ses visions.
Pendant ses jours, le soleil rétrograda,
Et Isaïe prolongea la vie du roi.
Sous une puissante inspiration, il vit les temps à venir,
Et consola les affligés dans Sion ;
II annonça ce qui doit arriver dans toute la suite des temps,
Et les choses cachées, avant leur accomplissement. '' (Ecclésiaste 48, 22).

La cinquième ode est donc l’œuvre du prophète Isaïe, au chapitre 26 de son Livre. C’est une prophétie sur le Christ et une action de grâce ; c’est aussi une prière au Père. Ecoutez ce qu’il dit :

'' Depuis la nuit, mon âme veille devant Toi, Ô Dieu,
Car tes commandements sont lumière."

Depuis la nuit, c’est-à-dire l’Ancien Testament qu’il assimile à la nuit qui est obscure et énigmatique ; depuis cette nuit, je veille devant Toi Ô Dieu Toi dont les commandements sont lumière. Avant même que n’apparaisse l’aube de ta présence sur la terre, je précède cette aube de ta connaissance et j’annonce à l’avance ta venue parmi les hommes, comme l’aube annonce le lever de la Iumière à l’Orient.
Puis il s’adresse aux juifs et à tous les hommes, pour les exhorter à apprendre la justice qui vient de l’Evangile, comme le Seigneur le recommande quand il dit : '' Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux." (Matthieu 5, 20), en d’autres termes, si vous ne dépassez pas les commandements de l’ancienne Loi, que les scribes et les pharisiens font semblant d’observer, cornmandements qui sont imparfaits et que moi je parfais, par l’Evangile, vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux.

Puis, il prophétise la ruine du peuple juif : '' le peuple impie finit ". En effet, il n’aura plus de rois, de grands-prêtres, de cité ; il sera asservi. Il appelle son peuple '' impie", à cause de l’impiété dans laquelle souvent il tombait, et surtout pour la Crucifixion du Christ.

Puis il se tourne vers le Père et le célèbre en disant : '' Seigneur ton bras est exalté et ils ne I’ont pas su. '' Ce bras c’est le Fils Unique qui est la force de Dieu et que les juifs n’ont pas connu. Voulant accélérer la venue du Christ sur la terre, il dit au Père : '' Seigneur notre Dieu, donne-nous ta paix", c’est-à-dire ton Fils Unique qui est notre paix, car c’est lui qui nous a réconciliés avec Toi.

CINQUIEME ODE
Prière d’Isaïe le prophète

Depuis la nuit, mon esprit veille devant toi, Ô Dieu,
Car tes commandements sont lumière sur la terre.
Habitants de la terre apprenez la justice.
L’impie a disparu.
Quiconque n’a pas appris la justice sur la terre,
N’accomplira pas la vérité.
Que l’impie soit ôté,
Pour qu’il ne voit pas la gloire du Seigneur.
Seigneur ton bras est exalté, et ils ne l’ont pas su.
Mais quand ils le verront, ils seront confondus.
La jalousie saisit un peuple non instruit ;
Maintenant le feu consumera tes adversaires.
Seigneur notre Dieu, donne-nous ta paix,
Toi qui nous as tout donné.
Seigneur notre Dieu, prends possession de nous ;
Seigneur, hors de toi, nous n’en connaissons pas d’autre ;
C’est ton nom que nous invoquons.
Les morts ne verront pas la vie,
Même les médecins ne pourront les relever,
Car tu les as enlevés, tu les as fait périr,
Tu as ôté tout mâle parmi eux.
Ajoute-leur des malheurs, ajoute-leur des malheurs,
Seigneur, aux glorieux de la terre.
Seigneur, dans la détresse, nous nous sommes souvenus de toi ;
Par cette brève détresse tu nous as instruits.
Comme une femme enceinte, sur le point d’accoucher, se tort et crie de douleur,
Ainsi nous sommes devenus pour ton bien-aimé.
Par ta crainte Seigneur, nous avons conçu dans notre sein,
Nous avons été dans les douleurs,
Et nous avons enfanté l’esprit de ton salut,
Que nous avons manifesté à la terre.
Nous ne tomberons pas,
Mais tomberont ceux qui habitent la terre.
Les morts ressusciteront,
Ceux qui sont dans les tombeaux se lèveront,
Et ceux qui sont dans la terre se réjouiront,
Ta rosée les guérira,
Et la terre des impies sera détruite.
Va mon peuple, entre dans ta chambre,
Ferme ta porte, cache-toi un peu de temps,
Jusqu’à ce que la colère du Seigneur soit passée.

Par les deux hirmi qui vont suivre, le lecteur pourra se faire une idée de l’art du mélode et comprendre comment celui-ci utilise les temps forts de l’ode ci-dessus : la veille, la paix, les commandements, la lumière, la confession du Dieu unique et l’invocation de son nom :

'' Je veille devant toi, créateur de l’univers,
Paix qui surpasse toute intelligence.
Tes commandements sont lumière,
Par eux dirige-moi."

Hirmos de la cinquième ode du canon du ton 3

'' Seigneur notre Dieu, donne-nous ta paix,
Seigneur notre Dieu, sois notre Maître,
Hors de toi, nous n’avons pas d’autre Seigneur,
Et c’est ton nom que nous invoquons.''

Hirmos de la cinquième ode du canon de la Nativité de la Mère de Dieu.

***
SIXIEME ODE

Cette ode est l’œuvre du prophète Jonas. Jonas avait reçu ordre de Dieu, d’aller à Ninive la grande, ville des Assyriens. La ville de Ninive était si grande, qu’il fallait trois jours pour en faire le tour. ''Ninive était une très grande ville de trois jours de marche". (Jonas 3, 3). Sa population était importante, elle comptait douze myriades, c’est-à-dire plus de 120.000 enfants qui ne connaissaient ni leur droite ni leur gauche : '' Ninive la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de 120.000 hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche", autrement dit, qu’ils ne connaissent ni le bien ni le mal, à cause de leur bas-âge. Dieu y dépêcha Jonas pour lui dire : '' Encore trois jours et Ninive va être détruite '' (Jonas 3,5), pour qu’à l’audition de cette menace, ses habitants se repentent et cessent leurs mauvaises œuvres. Ils pratiquaient tous les vices, toutes les iniquités, la magie, la sorcellerie, occupations favorites des assyriens et des chaldéens, et vivaient dans la luxure.
Le prophète Naoum a dit de Ninive : '' Ô ville sanguinaire, pleine de mensonge, pleine de violence... Pleine d’attraits, habile enchanteresse... Qui vendait les nations par ses prostitutions et les peuples par ses enchantements... » (Naoum, 3,1).

Jonas savait, en prophète, que Dieu aimait les hommes, qu’il ne détruirait pas Ninive, si ses habitants se repentaient, et qu’il allait passer pour un faux prophète, que les Ninivites, voyant que Dieu ne détruisait pas leur ville, allaient le maltraiter : 1° comme faux prophète ; 2° pour les avoir obligés, pour rien, à la dure ascèse de la pénitence. Voilà pourquoi Jonas a disparu de la face de Dieu, qu’il est allé à Joppé, aujourd’hui Jaffa, pour s’embarquer sur un navire qui allait à Tarsis ou Carthage, ville d’Afrique.

Certains s’étonnent et accusent Jonas d’avoir fui de devant la face de Dieu, alors qu’il savait, en tant, que prophète, que Dieu est partout présent et que personne peut lui échapper ? Certes, Jonas savait que Dieu était partout présent, mais il croyait qu’il ne se manifestait clairement et tout particulièrement, que sur la seule terre de Judée.

Il pensait qu’en fuyant loin de la Judée, Dieu ne lui apparaîtrait plus pour l’envoyer à Ninive. C’est le sens même de ses paroles. Ceci n’est pas surprenant, parce que les saints anciens croyaient que Dieu n’apparaissait pas n’importe où mais dans certains lieux consacrés. Voyant l’échelle et les anges y monter et descendre, Jacob dit : ''Dieu était dans ce lieu et moi je ne le savais pas.'' (Genèse 28,16). Et David : ''Le Seigneur a choisi Sion, il l’a désirée pour sa demeure.'' (Psaume 131,14). Et nous les chrétiens, qui avons connu ce qui est parfait, nous croyons que la Grâce Divine couvre un lieu plus qu’un autre, et qu’en y allant nous y serons sanctifiés et que nous y recevrons secours et consolation.

II y a une autre explication à la fuite de Jonas : il pensait que l’obéissance des Ninivites serait un blâme pour ses concitoyens ; en effet, les Ninivites allaient croire à la prédication d’un étranger, alors que les juifs, qui entendaient tous les jours leurs propres prophètes les appeler à la pénitence, désobéissaient, ne croyaient pas en eux, et ne tiraient aucun profit de leur prédication. Plus tard, le Seigneur devait le leur rappeler : ''Les hommes de Ninive se lèveront au jour du Jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu’ils se repentirent à la prédication de Jonas ; et voici il y a ici plus que Jonas.'' (Matthieu 12,41). Si les ninivites doivent juger les juifs, à plus forte raison jugeront-ils les chrétiens qui ont entendu les apôtres et les pères prêcher la pénitence et qu’ils ne les ont pas écoutés.

Dieu souleva alors une tempête, une tempête qui ne fut pas générale mais localisée autour du navire qui transportait Jonas ; ailleurs régnait le calme. Si la tempête avait été générale, on se demande alors pourquoi les marins auraient cherché un coupable par un tirage au sort ? Les tempêtes sont fréquentes en mer, et pourtant les marins n’accusent aucun passager, ni ne tirent au sort pour savoir qui en est responsable. C’est à la vue des autres navires qui naviguaient calmement et normalement, que les marins pensèrent, que l’un des passagers avait péché contre Dieu et que c’était à cause de lui que Dieu avait déchaîné la tempête. Aussi décidèrent-ils de tirer au sort pour connaître le coupable, et le sort indiqua Jonas qui fut jeté à la mer et la tempête cessa. Dieu fit venir une baleine ou un monstre marin qui avala le prophète. Jonas resta sain et sauf, pendant trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre.
Ceux qui interprètent allégoriquement l’histoire de Jonas disent qu’il est la figure du Christ, que le navire c’est la synagogue des juifs, que le pilote c’est Moyse, que les marins sont les prophètes et que la mer sont les passions, quant à la voix du sort, c’est la volonté du Père. Le Christ a été jeté dans la mer des passions, il est descendu dans le ventre du monstre, c’est-à-dire de l’enfer, par la mort, où il a séjourné pendant trois jours, puis il est ressuscité et a proclamé aux nations la pénitence ; les nations qui l’ont entendu ont été sauvées. Jonas signifie « colombe et souffrance du Très-Haut », puisque, comme on vient de le dire, il est la figure du Christ qui a souffert pour nous. Outre cette histoire conservée avec sa prophétie, Jonas a fait d’autres prophéties. Dans le quatrième Livre des Rois, il est écrit que Joroboam, non pas le fils de Nabat qui a fait pécher Israël, mais un autre Jéroboam ou Joachaz, fils de Joas : ''Or le Seigneur n’avait point résolu d’effacer le nom d’Israël de dessous les cieux, et il les délivra par Jéroboam, fils de Joas.'' (22, 7). C’est ce Jéroboam : ''qui a rétabli les limites d’Israël depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la mer de la plaine, selon la parole que le Seigneur, le Dieu d’Israël, avait prononcée par son serviteur Jonas, le prophète, fils d’Amitthaï. '' (14, 25).

Maurice le diacre, de la Grande Eglise de Sainte Sophie de Constantinople, l’auteur des Synaxaires, raconte dans le synaxaire du 21 Septembre, que Jonas était le fils de la veuve qu’Elie avait ressuscité.

Notons que la ville de Ninive a été détruite et qu’elle a disparu, parce que ses habitants étaient retombés dans leurs vices. Sophonie, qui fut prophète après Jonas, dit de Ninive : ''Le Seigneur fera de Ninive une solitude, une terre aride comme le désert. Des troupeaux se coucheront au milieu d’elle avec des animaux de toutes espèces.'' (Sophonie 2,13).

Le juste Tobie recommande à son fils : ''sors de Médiam mon fils, car je suis sûr que ce que le prophète Jonas a dit de Ninive, qu’elle serait détrite et qu’il y aura dans Médiam la paix pour un certain temps va s’accomplir. '' (Tob 14, 4). Certains disent qu’après la destruction de I’ancienne Ninive, une Ninive nouvelle fut construite pour la remplacer et dont saint Isaac le Syrien aurait été l’évêque ; c’est ce qu’on lit dans sa Vie.

O

C’est dans le ventre de la baleine que Jonas a adressé sa prière à Dieu :

SIXIEME ODE
Prière de Jonas le prophète

Dans ma détresse, j’ai crié vers le Seigneur mon Dieu, et il m’a exaucé ;
Du ventre de l’enfer, tu as entendu ma voix et mes cris.
Tu m’as jeté dans les profondeurs du cœur de la mer,
Et les courants m’ont environné ;
Tes vagues et tes flots ont passé sur moi.
Et j’ai dit : je suis rejeté loin de tes yeux ;
Qui sait si je pourrai revoir ton temple saint ?
Les eaux ont recouvert mon âme,
L’abîme le plus bas m’a entouré,
Ma tête s’est enfoncée dans les fentes des montagnes.
Je suis descendu dans la terre dont les barres retiennent pour toujours ;
De la corruption tu as fait remonter ma vie,
Vers toi, Seigneur mon Dieu.
Quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu du Seigneur ;
Puisse ma prière monter jusqu’à toi, dans ton temple saint.
Ceux qui s’attachent à la vanité et au mensonge,
Se privent de ta miséricorde.
Moi, je t’offrirai un sacrifice,
En te louant et en te confessant.
Les vœux que je t’ai faits,
Je les accomplirai, pour mon salut, Seigneur.

Tous les hirmi de la sixième ode, se réfèrent, selon la règle, à l’ode de Jonas. Dans l’hirmos qui suit, de la sixième ode du canon, le lecteur pourra voir comment le mélode a utilisé les principaux éléments de l’ode de Jonas : la mer, le monstre marin, le ventre, le sacrifice de louange, en les appliquant à la Résurrection du Seigneur.

'' La mer, le monstre, le ventre,
Le feu qui monte de la mer,
Furent la figure de ta Résurrection.
Jonas en fut l’interprète ;
En sortant, sain et sauf, il s’écria :
Seigneur, je t’offrirai le sacrifice de louange."

***
SEPTIEME ODE

Les trois saints adolescents : Ananias, Azarias et Misaël, juifs d’origine, avaient été amenés captifs à Babylone, avec les autres juifs, au temps de Nabuchodonosor Roi de Babylone. Jeunes, beaux, sages et intelligents, ils furent confiés, avec le prophète Daniel, aux bons soins d’Asphanez, le chef des eunuques du roi, pour être nourris des mets de la table royale, et pour apprendre avec la grammaire, la sagesse des sages de Babylone.

Leurs noms furent changés et remplacés par des noms babyloniens. Daniel fut appelé Balthazar, Ananias Sédrac, Misaël Misach et Azarias Abdénago ; Pour avoir préféré une nourriture simple aux mets de la table du roi, afin de n’être pas souillés, les jeunes adolescents furent dignes de la grâce de Dieu. Quand ils se présentèrent devant le roi, ils parurent dix fois plus beaux que tous les magiciens et les sages du royaume.

Dans la dix-huitième année de son règne, Nabuchodonosor, éleva une statue d’or, en son nom, dans la plaine de la vallée de Dura. Il dépêcha partout des messagers, pour convoquer tous les peuples de son royaume à venir adorer sa statue, image de Dieu ; le malheureux s’était fait, s’était proclamé dieu et demandait à ses sujets d’être adoré comme tel. Il fit allumer une grande fournaise et ordonna que quiconque refuserait d’adorer la statue du roi et de se prosterner devant elle, serait jeté dans le feu et consumé.
Les trois adolescents (qui étaient devenus intendants du roi grâce à Daniel) refusèrent d’adorer la statue d’un roi mortel, chose que la Loi de Dieu interdisait : ''Tu ne te feras pas d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en-haut dans le ciel, qui sont en bas sur la terre...tu ne te prosterneras pas devant elles, et tu ne les serviras point. '' (Exode 20, 4). Les chaldéens qui les détestaient, les dénoncèrent et dirent au roi qu’ils ne voulaient pas se soumettre, et à son ordre, refusaient d’adorer la statue et de servir les dieux babyloniens. La colère du roi s’enflamma, dit l’Ecriture. Il fit venir les trois jeunes gens et les interrogea pour savoir si ce qu’il venait d’apprendre était vrai et s’ils refusaient vraiment d’adorer sa statue et ses dieux. Puis, il ajouta que s’ils persistaient dans leur décision, ils seraient jetés dans la fournaise ardente et que personne ne viendrait les délivrer de sa main.

Les trois adolescents, zélateurs de la Loi divine, rejetant toute crainte, toute peur, avec grandeur d’âme et de cœur, répondirent au roi :

-- Nous n’avons nul besoin de répondre à ton ordre insensé et orgueilleux, ô roi, parce que notre Dieu que nous servons, se trouve dans le ciel et il peut nous sauver de la fournaise dont nous sommes menacés et de tes propres mains. Si Dieu juge bon de ne pas nous délivrer de la fournaise, pour des raisons que lui seul connaît, qui sont insondables et sages, et nous laisser dévorer par le feu de la fournaise, nous ne reviendrons pas, pour cela, sur notre décision, et nous n’adorerons pas ta statue ; nous ne servons pas notre Maître et Dieu pour un salaire, qui consisterait à être délivrés des malheurs et des misères, de la mort provisoire, non ! C’est par amour que nous le servons et que nous préférons son culte et sa foi, à tous les biens de ce monde et à la douceur de la vie. S’il juge bon de ne pas nous délivrer de cette fournaise, nous nous soumettrons à sa toute-sainte volonté. Qu’il nous délivre ou non, nous n’adorerons pas tes dieux et nous ne les servirons pas.

A l’audition de ces paroles audacieuses et courageuses, le roi devint furieux. Il ordonna de chauffer la fournaise, sept fois plus qu’il n’était nécessaire, avec sept matériaux différents : naphte, goudron, étoupe, sarments, etc., de lier les trois jeunes gens et de les jeter, non pas au bord, mais au milieu de la fournaise ardente où le feu était le plus violent. Pour ne pas perdre de temps, on n’ôta pas leurs vêtements, mais on les lia tout habillés, selon le récit de Daniel : ''Ces hommes furent liés avec leurs caleçons, leurs tuniques, leurs manteaux et leurs autres vêtements, et jetés au milieu de la fournaise ardente. Comme l’ordre du roi était sévère et que la fournaise était extraordinairement chauffée...'' (Daniel 3, 21). La grâce divine fit en sorte que les saints fussent liés avec des liens métalliques, pour que le miracle fut plus éclatant, en permettant au feu de dissoudre le métal et de garder intacts les vêtements, de dévorer les chaldéens qui alimentaient le feu et qui adoraient le feu comme dieu (les perses et les babyloniens étaient pyrolâtres).

La grâce fit en sorte que Daniel ne fût pas jeté dans la fournaise, avec les Trois Adolescents, pour que le miracle de la rosée qui devait recouvrir les jeunes gens, ne fût pas attribué au nom de Daniel Balthazar, qui était le nom du dieu des babyloniens. Voici ce que dit Nabuchodonosor : ''...en dernier lieu, se présenta devant moi Daniel, nommé Balthazar d’après le nom de mon dieu.'' (Daniel 4, 8). Le miracle de la rosée aurait été alors attribué au faux dieu Balthazar et non au Vrai Dieu.

Au milieu de la fournaise, les Trois Bienheureux dansaient et sautaient comme sur des pétales de roses, chantaient et bénissaient Dieu. Azarias ouvrit le premier la bouche et entonna cette septième ode :

"Seigneur Dieu de nos Pères, tu es béni..."

Qui est une doxologie, une glorification de Dieu et une action de grâce au Seigneur, qui les avait sauvés de la fournaise : ''L’Ange du Seigneur (le Christ sans la chair) descendu du ciel dans la fournaise écarta la flamme et changea la flamme en rosée..."

Délivrés de la fournaise, les Trois Saints, entonnèrent une hymne à Dieu et appelèrent toute la création à glorifier le Seigneur et à montrer qu’il n’y a qu’un seul Dieu et Créateur de tous les êtres. Cette hymne est divisée en deux odes, la septième et la huitième. La septième contient une confession des actions des hébreux, un auto-blâme, une accusation, tandis que la huitième est une hymne de louange.

L’histoire des Trois Adolescents, peut aussi s’appliquer à nous. Le Nabuchodonosor spirituel, le diable, nous emmène captifs, de Jérusalem qui signifie la paix, la paix des passions ou impassibilité, à Babylone, qui signifie la confusion qui engendre les passions et les péchés. Puis, il nous précipite dans la fournaise de l’irascibilité et des désirs, fournaise chauffée par les démons serviteurs du Nabuchodonosor spirituel. Quand nous nous accusons, quand nous nous blâmons nous-mêmes, quand nous confessons nos péchés et faisons pénitence, appelant Dieu à notre aide, Dieu envoie un ange bon, son aide et sa grâce ; il éteint la flamme de la fournaise des passions qui donnent la mort et consume les démons qui les embrasent. Quand ils voient leurs attaques et leurs machinations rester sans effet, les démons sont consumés par leur propre jalousie.

O

SEPTIEME ODE
Prière des Trois Saints Adolescents

Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères,
Et ton nom est loué et glorifié dans les siècles.
Car tu es juste en tout ce que tu nous as fait ;
Toutes tes œuvres sont vraies,
Toutes tes voies sont droites,
Tous tes jugements équitables.
Tu as rendu un juste jugement,
Par tous les maux que tu as fait venir sur nous ;
Car c’est vérité et justice,
Que tu as fait tout cela,
A cause de nos péchés.
Nous avons péché et commis l’iniquité,
En nous éloignant de toi.
Nous avons péché en toutes choses,
Et tes commandements, nous ne les avons pas écoutés,
Nous ne les avons pas observés,
Nous n’avons pas fait ce qui nous était commandé
Pour notre bien.
Tout ce que tu nous as fait,
Et tout ce que tu as fait venir sur nous,
Tu l’as fait en toute justice.
Tu nous as livrés aux mains d’ennemis impies,
D’apostats acharnés contre nous,
A un roi injuste, le plus méchant de toute la terre.
Et maintenant, nous n’osons pas ouvrir la bouche,
La honte et l’opprobre sont pour tes serviteurs,
Pour ceux qui t’adorent.
Ne nous abandonne pas jusqu’à la fin,
A cause de ton nom ;
Ne brise pas ton alliance,
N’éloigne pas de nous ta pitié,
A cause d’Abraham ton bien-aimé,
D’Isaac ton serviteur et d’Israël ton saint,
Auxquels tu as promis de multiplier leur descendance,
Comme les étoiles du ciel
Et comme le sable du rivage de la mer.
Car, Maître, nous sommes réduits devant toutes les nations,
Aujourd’hui humiliés par toute la terre,
A cause de nos péchés.
Il n’est plus en ce temps ni prince, ni prophète,
Ni chef, ni holocauste, ni sacrifice, ni oblation,
Ni encens ;
Ni lieu où t’offrir les prémices
Et trouver miséricorde auprès de toi.
Puissions-nous être agréés de toi
Avec une âme brisée et un esprit humilié ;
Comme des holocaustes de béliers et de taureaux,
Comme mille brebis grasses,
Et que notre sacrifice soit, aujourd’hui, agréable devant toi,
Et parfait derrière ton dos,
Car il n’est pas de honte pour ceux qui se confient en toi.
Et maintenant, nous te suivons de tout notre cœur,
Nous te craignons et nous cherchons ta face.
Ne nous couvre pas de honte,
Mais traite-nous selon ta bonté,
Selon ta grande miséricorde.
Délivre-nous par tes prodiges
Et donne gloire à ton nom, Seigneur.
Qu’ils soient couverts de confusion,
Ceux qui maltraitent tes serviteurs ;
Qu’ils soient couverts de honte
Et perdent toute puissance
Et que leur force soit brisée.
Qu’ils sachent que tu es le Seigneur,
Le Dieu unique, le glorieux de tout l’univers.
Les serviteurs du roi qui les avaient jetés
Dans la fournaise, ne cessaient d’alimenter le feu
De naphte, de poix, d’étoupe et de sarments.
La flamme s’élevait de quarante-neuf coudées
Au-dessus de la fournaise.
En s’étendant, elle brûla les Chaldéens
Qui se trouvaient près de la fournaise.
Mais l’ange du Seigneur descendit dans la fournaise
Auprès d’Azarias et de ses compagnons,
Et écarta de la fournaise, la flamme de feu.
Et il fit souffler au milieu de la fournaise
Comme un souffle de rosée qui bruissait ;
Le feu ne les toucha pas, ne les blessa point
Et ne leur causa aucun mal.
Alors tous trois, comme d’une seule bouche,
Se mirent à chanter, à bénir et à glorifier Dieu,
Dans la fournaise, en disant :
Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères,
Loué et exalté dans les siècles.
Et le saint nom de ta gloire est béni,
Loué et exalté dans les siècles.
Tu es béni dans le temple de ta sainte gloire,
Loué et exalté dans les siècles.
Tu es béni, toi dont le regard pénètre les abîmes
Et qui es assis sur les Chérubins,
Loué et exalté dans les siècles.
Tu es béni sur le trône glorieux de ton royaume,
Loué et exalté dans les siècles.
Tu es béni au firmament du ciel,
Loué et exalté dans les siècles !

O

La phrase de l’ode ci-dessus : ''Seigneur, Dieu de nos Pères, tu es béni", reprise comme une antienne, après chaque verset, va caractériser la septième ode de tous les canons. Voici, en exemple, l’hirmos de la septième ode du canon de la Nativité de la Mère de Dieu et le symbolisme que le mélode a vu dans la fournaise chaldéenne :

'' Le buisson ardent sur la montagne
Et la fournaise de Chaldée, couverte de rosée,
T’ont clairement préfigurée,
Ô Epouse de Dieu,
Car dans ton sein matériel,
Tu as reçu, sans être consumée,
Le feu immatériel et divin.
C’est pourquoi nous crions à Celui
Qui est né de toi :
Dieu de nos Pères, tu es béni ! " 

Et cet hirmos de la septième ode du canon du ton 3 :

'' Toi qui jadis couvris de rosée,
Les trois pieux adolescents,
Dans la flamme chaldéenne,
Eclaire par le feu lumineux de ta divinité,
Ceux qui te chantent :
Dieu de nos Pères, tu es béni ! "
 ***
HUITIEME ODE

Cette ode forme la seconde partie de la Septième, que les saints Pères ont cru bon de diviser en deux.

Après avoir glorifié, sur un mode apophatique et éminent le Dieu ''CHANTE ET EXALTE PAR DESSUS TOUT", les trois bienheureux le glorifient ici, sur un mode cataphatique, par le moyen des créatures, selon Denys l’Aréopagite qui a dit : ''Dieu est loué par tous, étant la cause de tous, et aussi loué par personne, étant au-dessus de tout et de tous.'' Par cette ode, les Trois Adolescents, invitent toutes les créatures, douées de raison ou privées d’âme et de raison, à glorifier avec eux, à former un chœur avec eux, une symphonie de toute la création :

'' Toutes les œuvres du Seigneur,
Bénissez le Seigneur,
Chantez-le et exaltez-le dans tous les siècles ! "

Comme si leurs trois bouches n’avaient pas suffi à chanter et à glorifier Dieu. Autrement dit : Vous, toutes les œuvres du Seigneur, prenez une bouche et glorifiez-le, comme si vous étiez des créatures logiques.

-- Comment ?
-- Par la sagesse, l’art, la force, l’ordre et autres perfections que vous avez reçues, lors de la création, et dont vous avez été ornées : ''La grandeur et la beauté des créatures, font connaître par analogie, celui qui en est le créateur. ". Sagesse de Salomon 13, 5) ; et David : '' Bénissez le Seigneur, toutes les œuvres du Seigneur.'' (Psaume 102, 23).

Les prophètes personnalisent la nature privée d’âme et de raison, pour l’inviter à louer et à chanter son créateur ; l’amour des prophètes pour le Seigneur est si grand, qu’ils le manifestent en appelant la création à le chanter avec eux.

O

HUITIEME ODE
Hymne des Trois Saints Adolescents

Toutes les œuvres du Seigneur,
Bénissez le Seigneur,
Chantez-le et exaltez-le dans tous les siècles.
Anges du Seigneur, cieux du Seigneur,
Bénissez le Seigneur,
Chantez-le et exaltez-le dans tous les siècles.
Eaux d’au-dessus des cieux, toutes les puissances du Seigneur,
Bénissez le Seigneur,
Chantez-le et exaltez-le dans tous les siècles.
Soleil et lune, étoiles du ciel,
Bénissez le Seigneur...
Pluie et rosée, tous les esprits,
Bénissez le Seigneur...
Feu et chaleur,
Bénissez le Seigneur...
Froid et chaleur,
Bénissez le Seigneur...
Gelées et givres, froid et frimas,
Bénissez le Seigneur...
Glaces et neiges, éclairs et sombres nuages,
Bénissez le Seigneur...
Lumière et ténèbre, nuits et jours,
Bénissez le Seigneur...
Terre, montagnes et collines, et tout ce qui pousse sur la terre,
Bénissez le Seigneur...
Sources, mers et rivières, monstres marins et tout ce qui se meut dans les eaux,
Bénissez le Seigneur...
Tous les oiseaux du ciel, les bêtes sauvages, et tous les troupeaux,
Bénissez le Seigneur...
Fils des hommes, bénissez le Seigneur,
Israël, bénis le Seigneur,
Chantez-le et exaltez-le dans tous les siècles !
Prêtres du Seigneur, serviteurs du Seigneur,
Bénissez le Seigneur...
Esprits et âmes des justes, saints et humbles de cœur,
Bénissez le Seigneur...
Ananias, Azarias, Misaël,
Bénissez le Seigneur...
Apôtres, prophètes, martyrs du Seigneur,
Bénissez le Seigneur...
Bénissons le Seigneur, Père, Fils et Saint Esprit,
Chantons-le et exaltons-le dans tous les siècles.
Louons, bénissons et adorons le Seigneur,
Chantons-le et exaltons-le dans tous les siècles !


O

La note forte et accentuée de cette ode, c’est la phrase : '' Bénissez le Seigneur et exaltez-le dans t.ous les siècles''; elle caractérise la huitième ode de tous les canons. Voici un hirmos, celui de la huitième ode du canon de l’office des matines du premier ton :

'' Les adolescents Israélites dans la fournaise,
Brillaient de la beauté de leur foi,
Plus que l’or fin dans le creuset
Et ils chantaient :
Toutes ses œuvres, bénissez le Seigneur,
Et exaltez-le dans tous les siècles ! '' 

Quand l’auditeur entend l’antienne : '' Dieu de nos Pères, tu es béni", il doit savoir qu’il s’agit de la septième ode, et quand il entend : '' Toutes ses œuvres bénissez le Seigneur et exaltez-le dans tous les siècles", il doit également savoir qu’il s’agit de la huitième.

O

La neuvième ode ou Magnificat, a été commentée verset par verset et publiée dans le N° 3 de LA LUMIERE DU THABOR.

Un commentaire des odes de la stichologie, comme nous l’avons fait pour le Magnificat, eut été, certes, très instructif, mais il aurait dépassé les limites de notre REVUE et aurait remis à beaucoup plus tard, le BANQUET dont nous avons parlé au début de notre article. Dans le prochain numéro de la LUMIERE DU THABOR, le lecteur trouvera le commentaire des odes du canon de la Nativité du Seigneur.

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